Enneigeurs/ Assiette foncière/ Contentieux de la DUP et de l’arrêté de cessibilité

CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 18/10/2022, 21MA02641, Inédit au recueil Lebon

 

Président

  1. MARCOVICI

Rapporteur

  1. Michaël REVERT

Rapporteur public

  1. ANGENIOL

Avocat(s)

SCP DELPLANCKE – LAGACHE – MARTY – POZZO DI BORGO – ROMETTI & ASSOCIES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Auron Chastellares a demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, d’annuler l’arrêté du 10 juillet 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d’utilité publique le projet de réfection et d’optimisation du réseau de neige de culture de la piste de ski du Riou (Auron), sur le territoire de la commune de Saint-Etienne de Tinée, et cessibles les immeubles nécessaires à l’objet de la déclaration d’utilité publique, à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de redéfinir l’étendue de la parcelle visée par l’expropriation et, en tout état de cause, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803902 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 10 juillet 2018, a mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Auron Chastellares et non compris dans les dépens, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 juillet 2021 et le 19 avril 2022, le syndicat mixte des stations du Mercantour, représenté par Me Pozzo di Borgo, membre de la SCP Delplancke – Pozzo di Borgo – Rometti et associés, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 11 mai 2021 ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Auron Chastellares, y compris ses conclusions subsidiaires aux fins d’injonction de redéfinition du périmètre de l’expropriation ;

3°) de mettre à la charge de la SCI la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le syndicat mixte soutient que :
– la nécessité de l’opération litigieuse résulte de ce que la piste du Riou constitue l’axe de retour vers le centre de la station, de ce que les difficultés d’enneigement participent à son usure et de ce que les installations existantes sont insuffisantes, alors que l’absence de l’opération entraînerait à court terme la fermeture définitive de cet axe, impliquant des conséquences néfastes pour l’environnement et l’économie de la station ;
– c’est à tort que, pour apprécier l’impact environnemental du projet, les premiers juges ont tenu compte de la construction de la piste pourtant sans rapport avec la déclaration d’utilité publique en litige ;
– l’utilité publique du projet en litige est certaine, dès lors qu’il assure le service public, que ses effets sur la ressource en eau ne seront pas délétères, mais moindres que ceux des installations existantes, plus consommatrices d’eau et davantage exigeantes en ce qui concerne les machines dameuses et que la garantie neige sur la piste du Riou, couplée au projet de nouvelle remontée mécanique, permettra de diminuer considérablement l’utilisation des véhicules personnels pour rejoindre le plateau de Chastellares et donc diminuer les émissions de dioxyde de carbone et améliorer la qualité de vie de la population, résidents comme touristes, ainsi que le montrent les nombreuses observations favorables au cours de l’enquête publique ;
– l’utilité publique du projet, lequel est conforme à l’objet social du syndicat et aux normes en vigueur, tient encore à l’atteinte limitée qu’il porte au droit de propriété, permettant de parer aux difficultés de gestion des conventions de servitude désormais bloquantes ;
– les autres moyens présentés en première instance par le demandeur et qui n’ont pas été expressément écartés par le jugement attaqué, ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, le SCI Auron Chastellares représentée par Me Cinelli, membre du cabinet ACMB, conclut au rejet de la requête, subsidiairement, à ce qu’il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de redéfinir la partie de la parcelle expropriée, devant inclure l’intégralité du talus de la piste et à ce que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :
– les moyens d’appel ne sont pas fondés ;
– ses autres moyens de première instance sont fondés :
* au titre de la légalité externe, l’arrêté en litige est illégal faute d’avoir donné lieu, comme le prévoit l’article L. 122-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à une déclaration de projet en application de l’article L. 126-1 du code de l’environnement, alors que la réfection et l’optimisation du réseau de neige de culture auront un impact non négligeable sur l’environnement ;
* au titre de la légalité interne, l’arrêté litigieux est illégal en cela qu’il a pour objet et pour effet de déposséder la société de la surface de la piste, en lui laissant à dessein la propriété du talus sud avec les risques et les responsabilités en découlant, alors qu’il a emporté expropriation du talus nord constitutif de la parcelle K402.

Par ordonnance du 19 août 2022 la clôture d’instruction a été fixée au 5 septembre 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. A…,
– les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 juillet 2018, le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d’utilité publique, au bénéfice du syndicat mixte des stations du Mercantour, le projet de celui-ci consistant en la réfection et l’optimisation du réseau de neige de culture de la piste de ski dite du Riou, à Auron, sur la commune de Saint-Etienne de Tinée, et a déclaré cessible une surface de 4 506 m2 de la parcelle cadastrée section K 93 appartenant à la SCI Auron Chastellares. Par un jugement du 11 mai 2021, dont le syndicat mixte relève appel, le tribunal administratif de Nice, saisi de la demande de la SCI, a annulé cet arrêté pris en ses deux objets.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge, lorsqu’il doit se prononcer sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu’elle répond à une finalité d’intérêt général, que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.

3. Pour prononcer l’annulation totale de l’arrêté en litige, le tribunal, statuant sur la légalité de la déclaration d’utilité publique, a considéré que tant les atteintes à la propriété privée que les inconvénients d’ordre environnemental du projet litigieux sont excessifs eu égard à l’intérêt général qui y est attaché, et qu’il ne présente donc pas d’utilité publique.

4. Toutefois, et en premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice explicative jointe au dossier d’enquête publique, que les auteurs du projet déclaré d’utilité publique ont poursuivi l’objectif général d’améliorer le réseau de neige de la piste du Riou, à la fois en rénovant la partie haute du réseau et en étendant celui-ci à la partie basse de la piste. Cet objectif général se décline en quatre finalités, précisément énoncées dans la notice explicative, qui sont, premièrement, d’assurer l’enneigement de la piste de ski du Riou, y compris en cas de faibles chutes de neige, deuxièmement, de limiter le travail de damage et de régalage de la neige de culture par une production de neige ciblée et régulièrement répartie sur la piste, troisièmement, de garantir aux skieurs un retour enneigé vers la station, avec un enneigement suffisant pour skier en toute sécurité, et quatrièmement, de pérenniser le bon fonctionnement et la fréquentation touristique de la station d’Auron, et ainsi, l’économie qui y est liée. S’il est en effet constant que le domaine skiable d’Auron est accessible depuis la station par deux types de téléskis et par la piste de ski du Riou, compte tenu de l’existence d’une entaille rocheuse où coule le cours d’eau du Riou d’Auron, il ressort des pièces du dossier que la piste de ski du Riou constitue la seule communication entre le domaine skiable et la station, susceptible d’être empruntée par les skieurs pour retourner à la station, skis aux pieds, sans faire usage de leurs véhicules automobiles. Compte tenu aussi bien de la faiblesse des chutes de neige naturelles, qui n’est pas sérieusement mise en doute par la SCI en se bornant à évoquer l’altitude de la piste à plus de 1 600 mètres, que du travail important de damage induit par l’état existant du réseau de neige de culture de la piste et de l’usure importante de cette voie du fait de sa haute fréquentation, les finalités poursuivies par le projet du syndicat mixte, qui s’inscrivent dans la mission de service public d’exploitation du domaine skiable, et qui visent à rénover le réseau de neige de culture de la piste de ski du Riou et qui, au demeurant, sont cohérentes avec l’un des objectifs du projet d’aménagement et de développement durable de la commune de Saint-Etienne du Tinée dans sa formulation alors en vigueur, présentent un caractère d’intérêt général.

5. Contrairement à ce que soutient la SCI, il ne ressort ni des éléments du dossier soumis à enquête, ni des motifs de la déclaration d’utilité publique, qu’en obtenant cette autorisation d’acquérir les parcelles nécessaires à l’opération, le syndicat mixte des stations du Mercantour ait entendu, en réalité et exclusivement, mener à bien un autre projet consistant en la création d’une remontée mécanique de dernière génération en remplacement du téléski du Riou, devenu obsolète, même si un tel projet est mentionné dans les écritures d’appel du syndicat. Dans la mesure où la déclaration d’utilité publique en litige ne porte pas sur les infrastructures des téléskis, la circonstance, à la supposer exacte, que ces installations auraient été implantées irrégulièrement sur des parcelles privées est sans incidence sur le caractère d’intérêt général de l’opération déclarée d’utilité publique par l’arrêté en litige.

6. Cette opération répondant donc à des finalités d’intérêt général, il n’y a pas lieu d’examiner l’argumentation de l’appelant relative à l’objectif, que servirait également le projet litigieux, de mettre fin aux difficultés de gestion des conventions de servitudes de passage consenties par les propriétaires des parcelles supportant la piste de ski du Riou.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’enneigement de la piste du Riou est réalisé, à la date de l’arrêté en litige, au moyen d’un réseau de neige de culture constitué par l’implantation, en partie haute de la piste, de trois machines de type perche et, dans la partie basse de la voie, d’un enneigeur mobile. Une telle configuration du réseau de production implique, en début de saison hivernale, de produire une quantité de neige importante sur la partie haute de la piste, puis de procéder au régalage de cette neige par des engins de damage sur toute la largeur de la piste (19 800 m²). L’ensemble des éléments du dossier soumis à enquête, qui comportent des évaluations chiffrées de la consommation d’eau du domaine skiable et de la piste du Riou en particulier, et contre lesquelles la SCI ne livre aucun élément ni aucune étude mais se borne à s’étonner de l’insuffisance d’installations antérieures de quelques trois années à l’arrêté en litige, montrent que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, la disposition actuelle des systèmes de production n’assure pas un enneigement correct de la piste et se traduit par une surconsommation d’eau due à un régalage important de la neige. Il ressort en outre des mentions de la notice explicative, et notamment des comparaisons des deux variantes envisagées, dont le maintien en l’état du réseau, que le projet, qui consiste techniquement en la réalisation d’une tranchée, la pose de tuyaux, de regards et de fourreaux, recevant des canalisations d’air et d’eau, enfouies à 1 mètre 20 de profondeur, et l’installation de dix unités de production de neige de culture, doit améliorer le maillage du réseau d’enneigement de la piste en le densifiant sur la totalité de la piste. La simple production par la SCI, au soutien d’ailleurs d’un autre moyen de ses écritures, d’un procès-verbal de constat d’huissier établi le 11 janvier 2022, soit postérieurement à l’arrêté en litige, et faisant apparaître des clichés photographiques de la piste du Riou enneigée, mais sans être assorti d’indications descriptives utiles, n’est pas de nature à remettre en cause la nécessité de l’opération au regard des besoins d’enneigement. Ainsi, contrairement à ce qu’ont considéré les premiers juges, ni le maintien du réseau de production de neige existant, ni son aménagement marginal, en lieu et place du projet en litige, ne permettraient d’obtenir des résultats comparables à celui-ci sans nécessiter des expropriations aussi importantes que celles qu’autorise la déclaration d’utilité publique.

8. Enfin, et d’une part, ainsi qu’il a été dit aux points précédents, le projet autorisé par la déclaration d’utilité publique contestée ne porte que sur l’amélioration et la rénovation du réseau de production de neige de culture sur la piste de ski du Riou. La SCI ne peut donc utilement invoquer, pour affirmer que l’opération porte une atteinte excessive à son droit de propriété et aux ressources en eau de la commune, les conséquences attachées aux travaux de réalisation de la piste, engagés dès 1973, ni les effets qualifiés de délétères sur la ressource en eau du réseau de production tel qu’il est mis en œuvre à la date de l’arrêté en litige. C’est ainsi à tort que pour retenir l’existence d’une telle atteinte, les premiers juges se sont fondés sur de telles considérations. Pour les mêmes motifs, l’intimée ne peut davantage utilement se plaindre de l’absence d’autorisation obtenue par le syndicat pour enfouir les canalisations existantes, ou du caractère impraticable du sol de sa propriété et inaccessible aux pâturages. Si, par ailleurs, la SCI soutient que l’une des deux retenues d’eau desquelles le syndicat assure les prélèvements d’eau pour alimenter le réseau de neige de culture du domaine skiable et de la piste du Riou est susceptible de ne plus être exploitable compte tenu de la procédure judiciaire d’expulsion engagée par les propriétaires des parcelles concernées contre le syndicat et ses installations, ainsi que de son assèchement, elle ne livre à l’appui de son affirmation, en tout état de cause, aucune pièce de nature à justifier de l’impossibilité juridique d’opérer de tels prélèvements d’eau, et l’alimentation insuffisante du réseau de production de neige de culture à créer. Si la réalisation des travaux d’amélioration du réseau de neige de la piste du Riou nécessite l’expropriation de 4 206 m2 de la parcelle K 93 que possède la SCI, soit environ une bande de terre représentant un cinquième de sa propriété, déjà grevée de servitudes de passage pour l’exploitation de la piste, l’intimée n’allègue pas être empêchée, par cette expropriation, de faire un usage normal du reste de sa parcelle.

9. D’autre part, les indications et évaluations chiffrées mentionnées dans la notice explicative du dossier soumis à enquête, selon lesquelles le projet de rénovation du réseau de culture de neige sur la piste du Riou tendra à limiter la surconsommation d’eau liée au fonctionnement du réseau actuel, du fait d’une répartition régulière des enneigeurs sur la piste, assurant une production de la neige plus rapide, réduisant le travail de damage et ciblant la production de neige en fonction de l’usure de la piste, ne sont pas utilement contredites par la SCI qui, en première instance comme en appel, se borne à se référer à la documentation générale sur la production de neige artificielle, au demeurant à l’appui d’un moyen de légalité externe.

10. Dans ces conditions, les inconvénients de l’opération en litige, qui présente un caractère d’intérêt général et qui ne peut être réalisée dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, n’apparaissent pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente et ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique.

11. Le syndicat mixte est par conséquent fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l’arrêté du 10 juillet 2018 pour le motif énoncé au point 3.

12. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la SCI devant le tribunal et dans ses conclusions d’appel.

Sur les autres moyens de la SCI Auron Chastellares :

S’agissant de la légalité de la déclaration d’utilité publique :

13. En premier lieu, aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique :  » La déclaration d’utilité publique des opérations susceptibles d’affecter l’environnement relevant de l’article L. 123-2 du code de l’environnement est soumise à l’obligation d’effectuer la déclaration de projet prévue à l’article L. 126-1 du code de l’environnement. / Si l’expropriation est poursuivie au profit d’une collectivité territoriale, d’un de ses établissements publics ou de tout autre établissement public, l’autorité compétente de l’Etat demande, au terme de l’enquête publique, à la collectivité ou à l’établissement intéressé de se prononcer, dans un délai qui ne peut excéder six mois, sur l’intérêt général du projet dans les conditions prévues à l’article L. 126-1 du code de l’environnement. Après transmission de la déclaration de projet ou à l’expiration du délai imparti à la collectivité ou à l’établissement intéressé pour se prononcer, l’autorité compétente de l’Etat décide de la déclaration d’utilité publique. « . Aux termes de l’article L. 123-2 du code de l’environnement :  » I. – Font l’objet d’une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : 1° Les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale en application de l’article L. 122-1 (…) ; 2° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification faisant l’objet d’une évaluation environnementale en application des articles L. 122-4 à L. 122-11 du présent code, ou L. 104-1 à L. 104-3 du code de l’urbanisme, pour lesquels une enquête publique est requise en application des législations en vigueur ; 3° Les projets de création d’un parc national, d’un parc naturel marin, les projets de charte d’un parc national ou d’un parc naturel régional, les projets d’inscription ou de classement de sites et les projets de classement en réserve naturelle et de détermination de leur périmètre de protection mentionnés au livre III du présent code ; 4° Les autres documents d’urbanisme et les décisions portant sur des travaux, ouvrages, aménagements, plans, schémas et programmes soumises par les dispositions particulières qui leur sont applicables à une enquête publique dans les conditions du présent chapitre « . Il résulte de la combinaison de ces dispositions que seules sont soumises à l’obligation de déclaration de projet les opérations déclarées d’utilité publique qui donnent lieu à une enquête publique organisée dans les conditions posées au chapitre III du code de l’environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement.

14. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’arrêté préfectoral du 23 janvier 2018 prescrivant l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique en litige, que cette enquête a été organisée dans les conditions posées par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, et non dans les conditions du chapitre III du code de l’environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement. Il en résulte que, en application des dispositions combinées, citées au point 13, et dans la mesure où il n’est pas excipé de l’irrégularité de l’enquête publique préalable à l’arrêté en litige, au regard des dispositions de l’article L. 123-2 du code de l’environnement, ni du reste de l’illégalité de l’arrêté du préfet de région du 21 juin 2017 dispensant l’opération d’une étude d’impact, le moyen tiré de l’absence de la déclaration de projet prévue à l’article L. 122-1 du code de l’environnement ne peut qu’être écarté.

15. En deuxième lieu, doivent être écartés comme non assortis des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 111-1, R. 112-4, R. 112-8 et R. 112-18 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

16. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’avis d’ouverture de l’enquête publique a été publié dans le journal l’Avenir Côte d’Azur les 9 février et 2 mars 2018, et dans le journal Nice Matin les 12 et 26 février 2018, soit dans les huit jours avant et après le début de l’enquête, conformément aux dispositions de l’article R. 112-14 du même code. Le moyen tiré de la violation de ces dispositions manque donc en fait et doit être écarté comme tel.

17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SCI tendant à l’annulation de l’arrêté du 10 juillet 2018 en tant qu’il porte déclaration d’utilité publique doivent être rejetées.

S’agissant de la déclaration de cessibilité de la parcelle de la SCI :

18. D’une part, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R.131-4 et R. 131-5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ne sont pas suffisamment précis pour que le juge en apprécie le bien-fondé. Ils doivent être écartés comme tels. Si la SCI soutient avec davantage de précision qu’  » il n’est pas démontré que… le commissaire enquêteur désigné figure sur les listes d’aptitude prévues à l’article L.123-4 du code de l’environnement « , il ressort des pièces du dossier de première instance que ce dernier figure sur la liste départementale des commissaires enquêteurs des Alpes-Maritimes établie le 6 décembre 2017 pour l’année 2018 par le président du tribunal administratif de Nice, et publiée au recueil des actes administratifs
n° 211-2107 du 11 décembre 2017.

19. D’autre part, la circonstance que l’arrêté en litige n’aurait pas été complètement notifié à la SCI est par elle-même sans incidence sur sa légalité.

20. Enfin, en se bornant à reprocher à la déclaration de cessibilité de ne pas porter sur la totalité des talus de soutien de la piste du Riou, mais seulement sur le talus nord, lui laissant ainsi la responsabilité foncière de la partie sud du talus de l’ouvrage, la SCI n’établit ni même n’allègue que l’acquisition de cette portion restante de la piste serait nécessaire à la réalisation de l’opération. Il en résulte que l’allégation selon laquelle cette partie de la parcelle aurait été sciemment exclue du périmètre de cessibilité par l’administration n’est en tout état de cause pas fondée.

21. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SCI tendant à l’annulation de l’arrêté du 10 juillet 2018 en tant qu’il porte déclaration de cessibilité doivent également être rejetées. Il doit en aller de même, par voie de conséquence, de ses conclusions subsidiaires aux fins d’injonction.

Sur les frais liés au litige :

22. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d’instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803902 du tribunal administratif de Nice en date du 11 mai 2021 est annulé.
Article 2 : La demande de la SCI Auron Chastellares, ainsi que ses conclusions aux fins d’injonction et d’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du syndicat mixte des stations du Mercantour présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte des stations du Mercantour, à la SCI Auron Chastellares, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et à la commune de Saint-Etienne de Tinée.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l’audience du 4 octobre 2022, où siégeaient :

– M. Marcovici, président,
– M. Revert, président assesseur,
– M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
N° 21MA026412