Moniteurs de ski étrangers – Le « Best of » de la saison

CAA de LYON – 6ème chambre

  • N° 20LY02442
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mardi 19 avril 2022

Président

  1. POURNY

Rapporteur

Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE

Rapporteur public

Mme COTTIER

Avocat(s)

PLANES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la décision du 13 avril 2018 par laquelle le préfet de l’Isère a rejeté sa déclaration de libre prestation de services pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin et a refusé de lui délivrer un récépissé et de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et de 105 0000 euros au titre de son préjudice économique.

Par un jugement n° 1803800 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, M. B…, représenté par Me Planes, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d’annuler la décision 13 avril 2018 du préfet de l’Isère ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 150 000 euros au titre de son préjudice moral et de 165 0000 euros au titre de son préjudice économique ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le refus qui lui est opposé est insuffisamment motivé ; l’appréciation de l’équivalence et du contenu de sa formation n’est pas motivée ; il appartenait à l’autorité administrative de solliciter la production de pièces complémentaires afin de motiver sa décision ;
– le refus contesté est entaché de vice de procédure au regard des dispositions applicables ; son dossier est réputé complet ;
– le préfet, à qui incombe la charge de le prouver, ne démontre pas l’existence de la différence substantielle alléguée motivant l’invitation à se soumettre à un test d’aptitude ;
– le refus de lui délivrer la carte professionnelle requise n’est pas fondé en droit comme en fait ;
– le préfet a méconnu le principe de présomption de qualification prévu par la directive européenne 2005/36 CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;
– le refus litigieux constitue une entrave à l’exercice de son activité professionnelle en France, contraire au principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne ;
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Grenoble, il n’avait pas à solliciter spécifiquement que l’autorité administrative lui accorde, à titre dérogatoire, un accès partiel au regard de son niveau de qualifications professionnelles ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une indemnité de 150 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la décision l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude  » eurotest  » contraire au principe de libre circulation des travailleurs prévu à l’article 45 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne et entachée de discrimination prohibée par le droit de l’Union européenne ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une somme totale de 165 000 euros en réparation de son préjudice économique résultant de l’impossibilité d’exercer l’activité de moniteur de ski durant trois saisons, à l’origine d’une perte de chiffre d’affaires évaluée à 90 000 euros, et d’un manque à gagner sur les prochaines saisons, évalué à 75 000 euros, à raison de la captation de sa clientèle par ses concurrents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2021, la ministre chargée des sports conclut au rejet de la requête.

La ministre expose que :
– aucun des moyens soulevés par le requérant n’est fondé ;
– la décision contestée n’est entachée d’aucune illégalité et d’aucun vice de procédure ;
– il n’existe pas de lien de causalité direct avec les préjudices allégués.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;
– l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées ;
– le code du sport ;
– le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif ;
– l’arrêté du 11 avril 2012 relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski – moniteur national de ski alpin ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
– les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique,
– et les observations de Me Planes, représentant M. B….

Considérant ce qui suit :

1. M. A… B…, ressortissant britannique, titulaire du diplôme autrichien  » Schilehrer- Antwärter  » délivré par le Land Tirol, en 1989, a adressé au préfet de l’Isère une déclaration aux fins d’exercer l’activité de moniteur de ski alpin sur le territoire français. Par une décision du 13 avril 2018, le préfet de l’Isère l’a informé, après avoir pris connaissance de l’avis de la section permanente du ski alpin, qu’il considérait que sa formation n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire français. Le préfet de l’Isère précisait que cette différence substantielle n’était pas entièrement couverte par les connaissances que l’intéressé avait acquises au cours de son expérience professionnelle. Rappelant que le ski est une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions de l’article L. 212-7 du code du sport et que la sécurité des personnes était en jeu, le préfet lui a demandé de se soumettre à l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport, constituée de deux tests : l’épreuve de l’eurotest prévue au titre VII de l’arrêté du 11 avril 2012, qui constitue un test technique de sécurité et un test de vérification des connaissances théoriques et pratiques en matière de sécurité. M. B… relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision et à la condamnation de l’Etat au versement d’une indemnité au titre des préjudices subis à raison de l’illégalité du refus de lui délivrer une carte professionnelle l’autorisant à exercer l’activité réglementée de moniteur de ski sur le territoire français dans le cadre du régime du libre établissement. Contrairement à ce qu’indique la décision préfectorale litigieuse et dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B… aurait été établi pour l’exercice de la profession réglementée de moniteur de ski dans un autre pays de l’Union européenne ou dans un Etat partie à l’Espace Economique Européen, condition ouvrant droit au bénéfice du régime de la libre prestation de services dans les conditions prévues par les articles R. 212-92 à R. 212-93 du code du sport, la demande de M. B…, conformément à ses écritures d’appel, tendait expressément au bénéfice d’une autorisation d’exercer la profession de moniteur de ski sur le territoire national dans le cadre du régime du libre établissement prévu par les dispositions des articles R. 212-88 à R. 212-91-1 du code du sport.
Sur les conclusions aux fins d’annulation pour excès de pouvoir :

En ce qui concerne les dispositions applicables :
2. La transposition en droit interne des directives européennes, étant une obligation résultant du Traité de fonctionnement de l’Union européenne, revêtant en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle, il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit de l’Union européenne, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques. Tout justiciable peut en conséquence, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d’action ou par voie d’exception, qu’après expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent continuer de faire application des règles écrites ou non-écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. En outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires. En application de ce principe, il incombe au juge de vérifier si la décision litigieuse est fondée au regard des dispositions de droit interne conformes au droit de l’Union européenne, en tenant compte de la date d’entrée en vigueur des dispositions issues de leur transposition en droit interne.
3. Les dispositions applicables au cas d’espèce, prévues par le code du sport, sont issues de la transposition de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 modifiée par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 par l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées et en dernier lieu par le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif, dont les dispositions, entrées en vigueur à compter du 12 août 2017, n’apportent pas de modification sur les points en litige dans la présente affaire.
4. Il ressort de la combinaison des articles L. 212-1 et L. 212-7 du code du sport que peuvent exercer, sur le territoire national, contre rémunération les fonctions d’enseignement, animation, ou encadrement d’une activité physique ou sportive ou d’entrainement des pratiquants, les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne qualifiés pour les exercer dans l’un de ces Etats, titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. Ils sont tenus, en application des dispositions précitées de l’article A. 212-184 du code du sport de se déclarer au préfet du département de l’Isère qui les transmet au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski qui s’assure de leur recevabilité et les transmet pour avis à la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne.
5. En application des dispositions de l’article R. 212-89 du même code, le préfet, après avoir accusé réception de la déclaration dans les conditions prévues à l’article R. 212-88, délivre une carte professionnelle d’éducateur sportif au déclarant dont les qualifications professionnelles répondent aux conditions de reconnaissance mentionnées à l’article R. 212-90. Aux termes de ce dernier article, le déclarant, ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, est réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie des activités mentionnées à l’article L. 212-1, notamment, conformément au 1° de l’article R. 212-90, lorsqu’il établit être titulaire d’une attestation de compétences ou d’un titre de formation requis par un Etat membre de l’Union européenne ou un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans lequel l’accès à l’activité ou son exercice est réglementé et délivré par une autorité compétente de cet Etat, ou en vertu du 3° de cet article R. 212-90, s’il établit être titulaire d’un titre de formation délivré par l’autorité compétente d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui ne réglemente pas l’accès à l’activité ou son exercice, sanctionnant une formation réglementée visant spécifiquement l’exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 et consistant en un cycle d’études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle.
6. L’article A. 212-185 du même code précise que l’existence d’une différence substantielle au sens de l’article R. 212-90-1 et du 3° de l’article R. 212-93, susceptible d’exister entre la qualification professionnelle du déclarant et la qualification professionnelle requise sur le territoire national, est appréciée en référence à la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, en tant qu’elle intègre les compétences techniques de sécurité et les connaissances théoriques et pratiques et les compétences en matière de sécurité.
En ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisance de motivation :
7. Aux termes de l’article R. 212-90-2 du code issu du décret n° 2009-1116 du 15 septembre 2009 :  » La décision du préfet de délivrer une carte professionnelle intervient dans un délai de trois mois à compter de la présentation du dossier complet du déclarant. Ce délai peut être prorogé d’un mois, par décision motivée. Dans le cas où le préfet décide de ne pas délivrer de carte professionnelle ou de soumettre le déclarant à une épreuve d’aptitude ou de lui faire accomplir un stage d’adaptation, cette décision est motivée. « .
8. Il ressort des pièces du dossier, que par sa décision du 13 avril 2018, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article R. 212-90-2 du code du sport, après avoir rappelé que le ski alpin est une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions en vigueur de l’article L. 212-7 du code du sport, conformes à la directive 2013-55/UE, pour laquelle la sécurité des personnes est en jeu, le préfet de l’Isère a refusé de délivrer l’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif de ski alpin sollicitées par M. B… aux motifs que le diplôme obtenu en Autriche délivré par le Land Tirol, sanctionnant une formation d’une durée de dix jours dont la validité est limitée dans la plupart des Länders et correspondant au premier et plus bas niveau de qualification professionnelle dans un système qui en comporte trois, n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision doit être écarté.
En ce qui concerne le vice de procédure :
9. Dans le cadre de la liberté d’établissement, l’article A. 212-186 dispose que lorsque le préfet estime, après avis de la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne, transmis au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski et de l’alpinisme, qu’il existe une différence substantielle, il saisit la commission de reconnaissance des qualifications mentionnée à l’article R. 212-84, en joignant au dossier l’avis de la section permanente. Après s’être prononcée sur l’existence d’une différence substantielle, la commission de reconnaissance des qualifications propose, le cas échéant, au préfet de soumettre le déclarant à tout ou partie de l’épreuve d’aptitude prévue à l’article R. 212-90-1. Cette épreuve à laquelle le préfet peut décider de soumettre le déclarant vise, comme le précise l’article A. 212-188, à vérifier la capacité du déclarant à encadrer les pratiquants en sécurité. Elle comporte deux tests : 1° L’épreuve de l’eurotest prévue au titre VII et à l’annexe V de l’arrêté du 11 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin qui constitue le test technique de sécurité ; 2° Le test eurosécurité prévu au titre X et à l’annexe VII-3 de l’arrêté du 26 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, qui constitue le test de vérification des connaissances théoriques et pratiques et des compétences en matière de sécurité. En cas d’échec à l’eurotest, évalué en premier lieu, le déclarant ne peut se présenter à l’eurosécurité. L’attestation de réussite à l’eurotest conditionne la délivrance de la carte professionnelle conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 lorsque, comme en l’espèce, est identifiée une différence substantielle entre la qualification professionnelle du déclarant et celle requise sur le territoire national, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle.
10. L’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif est délivrée par le préfet lorsque celui-ci estime qu’il n’existe pas de différence substantielle ou lorsqu’une différence substantielle a été identifiée et que le déclarant a satisfait à l’épreuve d’aptitude, portant mention des conditions d’exercice prévues à l’article A. 212-192 du code. Toutefois, en application de l’article R. 212-89-1 du même code, le préfet peut, par décision proportionnée à l’objectif poursuivi, refuser d’accorder l’accès partiel à l’une des activités mentionnées à l’article L. 212-1, lorsqu’il estime que l’accès partiel est de nature à nuire à la sécurité des pratiquants et des tiers.
11. Au cas d’espèce, après avis de la section permanente du ski alpin, instance visée par les dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport, le préfet a considéré que la formation de M. B…, obtenue en Autriche, n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. M. B… soutient que, pour instruire son dossier de déclaration de libre établissement, réputé complet selon l’accusé réception finalement délivré par l’autorité administrative compétente, le préfet de l’Isère n’était pas tenu de saisir, pour avis, la section permanente du ski alpin, et ne pouvait décider de le soumettre à une épreuve d’aptitude sans lui réclamer les pièces complémentaires nécessaires pour apprécier l’équivalence et le contenu de sa formation. Toutefois, le formulaire de déclaration figurant à l’annexe II-12-2-a du code du sport recommande au déclarant, dans son intérêt, de fournir toute information utile sur son expérience professionnelle afin d’échapper, totalement ou en partie, à l’obligation éventuelle d’accomplir une épreuve d’aptitude. Il ressort des pièces du dossier que, par décision du 13 avril 2018, le préfet de l’Isère a informé M. B… qu’il estimait que sa formation n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présentait, dans ce domaine, une différence substantielle avec la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin requise sur le territoire national en vertu de l’article A. 212-185 du code du sport. Il appartenait à M. B… d’apporter tous les éléments, qu’il est seul en mesure de fournir, tendant à établir qu’il disposait effectivement des connaissances ou des compétences manquantes en matière de sécurité par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Par suite, M. B… ne démontre pas la décision en litige aurait méconnu les dispositions applicables des A. 212-185, A. 212-186 et A. 212-188 du code du sport ou serait entachée d’un vice de procédure.
En ce qui concerne la présomption de qualification :
12. Le requérant se prévaut de ce qu’en vertu de la directive 2005/36/CE modifiée, telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, l’administration ne saurait imposer une mesure compensatoire au déclarant réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise en application de l’article R. 212-90 du code du sport sans lui donner au préalable la possibilité de démontrer qu’il a acquis les connaissances ou les compétences manquantes par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Il reproche au préfet de l’obliger à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique sans lui avoir demandé de fournir des éléments sur son expérience professionnelle, et soutient que sa formation est réglementée en Autriche et constitue à cet égard une présomption de qualification dans le mécanisme de reconnaissance des qualifications entre les Etats membres prévu par la directive.
13. Il est constant que la formation de moniteur de ski est règlementée en Autriche. Toutefois, cette circonstance, tout comme le fait que M. B… est titulaire du diplôme  » Schilehrer-Anwärter  » délivré par le Land Tirol en 1989 et se prévaut d’un élément de la formation à l’Alpinkurs, ne suffisent pas à établir la conformité de sa qualification professionnelle à la qualification requise pour l’exercice, sur le territoire national, des fonctions de moniteur de ski au sens des dispositions de l’article L. 212-7 du code du sport et garantirait effectivement sa compétence en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité de moiteur de ski alpin conformément au 1° du I de l’article L. 212-1 du code du sport.
14. Le requérant n’est pas fondé à se prévaloir de la présomption de compétence prévue par les dispositions de l’article R. 212-90 du code du sport, en se bornant à invoquer sa formation en Autriche sans, conformément au 1° de cet article, attester, pour l’exercice de cette activité, d’un niveau de qualification au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui requis sur le territoire national, au sens de l’article 11 de la directive 2005/36/CE modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Faute de produire les éléments requis, il ne peut être réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie de l’activité de moniteur national de ski alpin, et le préfet de l’Isère était dès lors tenu de vérifier l’éventuelle existence d’une différence substantielle entre la qualification de M. B… et celle requise sur le territoire national, en application des dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport.
En ce qui concerne l’existence d’une différence substantielle :
15. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application de cette législation transposant la directive européenne 2013/55/UE et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu’il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l’article L. 212-1 en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. La fonction de moniteur de ski alpin fait partie des activités s’exerçant en environnement spécifique au sens de l’article L. 212-7 subordonné, dès lors que la sécurité des personnes l’exige, compte tenu des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées, au contrôle préalable de l’aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance du milieu naturel, des règles de sécurité et des dispositifs de secours.
16. M. B… soutient que l’autorité administrative compétente n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une différence substantielle par rapport à la qualification professionnelle requise ouvrant droit à l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin de nature à justifier le refus contesté, en omettant de spécifier les domaines de compétences regardés comme insuffisantes par rapport à la qualification requise en France, et de ne pas avoir ainsi tenu compte de son expérience professionnelle.
17. Toutefois, la décision litigieuse rappelle au déclarant que sa formation, après analyse et avis de la section permanente du ski alpin, n’est pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, au sens de l’article L. 212-1 du code du sport, et qu’elle présente dans ce domaine, une différence substantielle avec la qualification requise sur le territoire national telle que définie à l’article L. 212-7, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle dont il a fait état dans sa déclaration. Cette circonstance fait obstacle à l’exercice de l’activité sur le territoire national, y compris dans le cadre de l’accès partiel à la profession d’éducateur sportif. En l’invitant, après avoir identifié une différence substantielle, à se soumettre au test technique de sécurité de l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport, le préfet de l’Isère lui permettait, en cas de réussite à l’épreuve d’aptitude, de se voir délivrer une attestation de libre établissement et la carte professionnelle sollicitée conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 du même code.
18. Si le requérant conteste l’existence d’une différence substantielle entre sa formation et la qualification requise en France, le préfet de l’Isère en justifie comme l’ont relevé les premiers juges en faisant état de différences en matière de sécurité concernant notamment la capacité à maîtriser ses trajectoires à une vitesse soutenue sur une certaine durée en tenant compte d’une dénivelée significative et la maîtrise des techniques de recherche de victime d’avalanche, cette différence substantielle n’étant pas couverte par l’expérience professionnelle de l’intéressé.
En ce qui concerne le moyen tiré de la discrimination :
19. De manière générale, dès lors qu’il est soutenu qu’une mesure a pu être empreinte de discrimination, il incombe au juge administratif d’apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, en tenant compte des difficultés propres à l’administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s’attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l’égalité de traitement des personnes. S’il appartient au requérant qui s’estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forge sa conviction au vu des échanges contradictoires entre les parties, et en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d’instruction utile.
20. M. B… soutient qu’en l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique dans prendre en compte sa qualification et son expérience professionnelles, le préfet a méconnu les dispositions du droit de l’Union européenne applicables prohibant toute discrimination, et garantissant la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, en portant atteinte à la liberté d’établissement, et commis une erreur d’appréciation. Le requérant soutient qu’en conséquence, le rejet de sa demande constitue une entrave à la liberté d’établissement et n’est pas fondé.
21. Toutefois, d’une part, dès lors que M. B… n’établit pas que sa qualification professionnelle serait conforme, en matière de sécurité, à la qualification professionnelle requise pour l’exercice sur le territoire national de l’activité de moniteur de ski alpin, la décision litigieuse est pour ce seul motif fondée. D’autre part, eu égard à la transposition de la directive modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’activité d’éducatif sportif en environnement spécifique à l’instar de la fonction de moniteur de ski alpin, les dispositions législatives et réglementaires du code du sport, applicables à l’espèce, pour l’appréciation de la qualification des ressortissants de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’Espace économique européen qualifiés dans l’un de ces Etats au regard de la qualification requise pour l’exercice de cette activité sur le territoire national, sont compatibles avec les objectifs définis par la directive modifiée. Ces dispositions sont conformes aux dispositions précises et inconditionnelles de la directive portant reconnaissance des qualifications professionnelles en ce qui concerne les professions réglementées, lesquelles pour ce motif ne relèvent pas de la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, ni du principe de libre établissement. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des motifs de la décision contestée fondée sur des éléments objectifs et conformes au droit et à la procédure, applicables en la matière, alors que M. B…, n’apporte au soutien de son moyen aucun élément de fait, que le refus litigieux serait empreint de discrimination en méconnaissance du droit de l’Union européenne.
22. Enfin, si M. B… soutient que, nonobstant l’absence de production de l’attestation de réussite aux tests auxquels il a été invité à se soumettre, il a toutefois acquis par son expérience professionnelle ou son apprentissage tout au long de la vie des compétences techniques équivalentes ou proches garantissant sa capacité à encadrer en sécurité l’activité de ski à tous les niveaux de pratique sur piste et hors-piste, il n’apporte pas des éléments circonstanciés à l’appui de ses allégations. Dès lors, il n’établit pas que l’administration lui aurait proposé de se soumettre à des épreuves non prévues par la réglementation ou inadaptées à son profil et que, ce faisant, elle aurait commis une erreur de droit ou d’appréciation. En tout état de cause, il ne peut utilement invoquer la méconnaissance du principe de proportionnalité prévu par le paragraphe 5 de l’article 14 de la directive n° 2005/36/CE.
23. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision refusant de lui délivrer la carte professionnelle sollicitée.
Sur les conclusions indemnitaires :
24. Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires, en l’absence d’illégalité fautive de la décision contestée, la responsabilité de l’Etat n’est pas engagée à l’égard de M. B…. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices moral et économique qu’il soutient avoir subis doivent être rejetées.
25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.

 

 

CAA de LYON – 6ème chambre

  • N° 20LY02441
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mardi 19 avril 2022

Président

  1. POURNY

Rapporteur

Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE

Rapporteur public

Mme COTTIER

Avocat(s)

PLANES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la décision du 14 décembre 2017 par laquelle le préfet de l’Isère a confirmé le rejet de sa déclaration de libre établissement pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin et rejeté son recours indemnitaire, et de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 250 000 euros au titre de son préjudice moral et de 300 000 euros au titre de son préjudice économique.

Par un jugement n° 1801430 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, M. A…, représenté par Me Planes, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d’annuler la décision du 14 décembre 2017 par laquelle le préfet de l’Isère a confirmé le rejet de sa déclaration de libre établissement pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin ;

3°) de condamner l’Etat au versement d’une somme de 150 000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 165 000 euros en réparation de son préjudice économique ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le rejet de son recours gracieux et de sa réclamation indemnitaire par le préfet de l’Isère est insuffisamment motivé ; l’appréciation de l’équivalence et du contenu de sa formation, qui est réglementée en Suisse, n’est pas motivée ; il appartenait à l’autorité administrative de solliciter la production de pièces complémentaires afin de motiver sa décision ;
– le refus contesté est entaché de vice de procédure au regard des dispositions applicables ; son dossier est réputé complet ;
– le préfet, à qui incombe la charge de le prouver, ne démontre pas l’existence d’une différence substantielle de nature à justifier l’invitation à se soumettre à un test d’aptitude ;
– le refus de lui délivrer la carte professionnelle requise n’est pas fondé en droit comme en fait ;
– le préfet a méconnu le principe de présomption de qualification prévu par le cadre du droit européen de reconnaissance des qualifications professionnelles défini par la directive européenne applicable ;
– le refus litigieux constitue une entrave à l’exercice de son activité professionnelle en France, contraire au principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne ;
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Grenoble, il n’avait pas à solliciter spécifiquement que l’autorité administrative lui accorde, à titre dérogatoire, un accès partiel au regard de son niveau de qualifications professionnelles ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une indemnité de 150 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la décision l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude  » eurotest  » contraire au principe de libre circulation des travailleurs prévu à l’article 45 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne et entachée de discrimination prohibée par le droit de l’Union européenne ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une somme totale de 165 000 euros en réparation de son préjudice économique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2021, la ministre chargée des sports conclut au rejet de la requête.

La ministre expose que :
– aucun des moyens soulevés par le requérant n’est fondé ;
– la décision contestée n’est entachée d’aucune illégalité, ni d’aucun vice de procédure ;
– il n’existe pas de lien de causalité direct avec les préjudices allégués ; le quantum réclamé est partiellement irrecevable.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;
– l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées ;
– le code du sport ;
– le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif ;
– l’arrêté du 11 avril 2012 relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski – moniteur national de ski alpin ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
– les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique,
– et les observations de Me Planes, représentant M. A….

Considérant ce qui suit :

1. M. B… A…, ressortissant français, titulaire de la qualification de  » Professeur de sport de brevet fédéral  » délivrée par l’association suisse des professions et des écoles de sport de neige, a transmis au préfet de l’Isère, le 29 mai 2017, une déclaration de libre établissement aux fins d’exercer, en application des dispositions de l’article R. 212-88 et suivants du code du sport, l’activité de moniteur de ski alpin sur le territoire français. Par courrier du 29 septembre 2017, le préfet de l’Isère a informé le déclarant de ce qu’il estimait qu’il existait une différence substantielle entre sa qualification professionnelle et celle requise pour l’exercice de cette activité réglementée en France, et qu’il considérait, après avis notamment de la commission de reconnaissance des qualifications, que cette différence n’était pas couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle. Par ce même courrier, le préfet lui indiquait que, pour ce motif et en réponse à sa demande, il avait décidé de le soumettre à l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport. Par un courrier du 5 décembre 2017, M. A… a formé un recours gracieux à l’encontre de cette décision assorti d’une réclamation indemnitaire. Par décision du 14 décembre 2017, réceptionnée le 8 janvier 2018, le préfet de l’Isère a rejeté ces réclamations. Par la présente requête, M. A… relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation du rejet de son recours gracieux et au versement d’une indemnité en réparation de ses préjudices.
Sur les conclusions aux fins d’annulation pour excès de pouvoir :

En ce qui concerne la décision attaquée :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il ressort des pièces du dossier que les conclusions de la requête de M. A… doivent être regardées comme dirigées, non à l’encontre du rejet de son recours gracieux, mais contre la décision du 29 septembre 2017, objet de ce recours gracieux. Il résulte de ce qui vient d’être dit que le bien-fondé du moyen soulevé par le requérant tiré de l’insuffisance de motivation de la décision préfectorale litigieuse ne peut être apprécié qu’en ce qui concerne le rejet initial du 29 septembre 2017.
En ce qui concerne les dispositions applicables :
4. La transposition en droit interne des directives européennes, étant une obligation résultant du Traité de fonctionnement de l’Union européenne, revêtant en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle, il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit de l’Union européenne, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques. Tout justiciable peut en conséquence, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d’action ou par voie d’exception, qu’après expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent continuer de faire application des règles écrites ou non-écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. En outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires. En application de ce principe, il incombe au juge de vérifier si la décision litigieuse est fondée au regard des dispositions de droit interne conformes au droit de l’Union européenne, en tenant compte de la date d’entrée en vigueur des dispositions issues de leur transposition en droit interne.
5. Les dispositions applicables au cas d’espèce, prévues par le code du sport, sont issues de la transposition de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 modifiée par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 par l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées et en dernier lieu par le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif, dont les dispositions, entrées en vigueur à compter du 12 août 2017, n’apportent pas de modification sur les points en litige dans la présente affaire.
6. Il ressort de la combinaison des articles L. 212-1 et L. 212-7 du code du sport que peuvent exercer, sur le territoire national, contre rémunération les fonctions d’enseignement, animation, ou encadrement d’une activité physique ou sportive ou d’entrainement des pratiquants, les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne qualifiés pour les exercer dans l’un de ces Etats, titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. Ils sont tenus, en application des dispositions précitées de l’article A. 212-184 du code du sport de se déclarer au préfet du département de l’Isère qui les transmet au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski qui s’assure de leur recevabilité et les transmet pour avis à la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne.
7. En application des dispositions de l’article R. 212-89 du même code, le préfet, après avoir accusé réception de la déclaration dans les conditions prévues à l’article R. 212-88, délivre une carte professionnelle d’éducateur sportif au déclarant dont les qualifications professionnelles répondent aux conditions de reconnaissance mentionnées à l’article R. 212-90. Aux termes de ce dernier article, le déclarant, ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, est réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie des activités mentionnées à l’article L. 212-1, notamment, conformément au 1° de l’article R. 212-90, lorsqu’il établit être titulaire d’une attestation de compétences ou d’un titre de formation requis par un Etat membre de l’Union européenne ou un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans lequel l’accès à l’activité ou son exercice est réglementé et délivré par une autorité compétente de cet Etat, ou en vertu du 3° de cet article R. 212-90, s’il établit être titulaire d’un titre de formation délivré par l’autorité compétente d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui ne réglemente pas l’accès à l’activité ou son exercice, sanctionnant une formation réglementée visant spécifiquement l’exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 et consistant en un cycle d’études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle.
8. L’article A. 212-185 du même code précise que l’existence d’une différence substantielle au sens de l’article R. 212-90-1 et du 3° de l’article R. 212-93, susceptible d’exister entre la qualification professionnelle du déclarant et la qualification professionnelle requise sur le territoire national, est appréciée en référence à la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, en tant qu’elle intègre les compétences techniques de sécurité et les connaissances théoriques et pratiques et les compétences en matière de sécurité.
En ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisance de motivation :
9. Aux termes de l’article R. 212-90-2 du code issu du décret n° 2009-1116 du 15 septembre 2009 :  » La décision du préfet de délivrer une carte professionnelle intervient dans un délai de trois mois à compter de la présentation du dossier complet du déclarant. Ce délai peut être prorogé d’un mois, par décision motivée. Dans le cas où le préfet décide de ne pas délivrer de carte professionnelle ou de soumettre le déclarant à une épreuve d’aptitude ou de lui faire accomplir un stage d’adaptation, cette décision est motivée. « .
10. Il ressort des pièces du dossier, que par sa décision du 29 septembre 2017 à laquelle dont la décision de rejet de son recours gracieux du 14 décembre 2017 reprenait les motifs, et conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article R. 212-90-2 du code du sport, le préfet de l’Isère, après avoir rappelé que le ski alpin est une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions en vigueur de l’article L. 212-7 du code du sport, conformes à la directive 2013-55/UE, la sécurité des personnes étant de ce fait en jeu, a réitéré son refus de délivrer l’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif de ski alpin sollicitées par M. A… aux motifs que sa formation en Suisse n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. Le préfet motivait la confirmation de son refus par la circonstance que l’intéressé, invité à se soumettre à l’épreuve d’aptitude de l’eurotest définie à l’article A. 212-188 du code du sport, n’avait pas produit l’attestation de réussite à cette épreuve. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision doit être écarté.
En ce qui concerne le vice de procédure :
11. Dans le cadre de la liberté d’établissement, l’article A. 212-186 dispose que lorsque le préfet estime, après avis de la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne, transmis au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski et de l’alpinisme, qu’il existe une différence substantielle, il saisit la commission de reconnaissance des qualifications mentionnée à l’article R. 212-84, en joignant au dossier l’avis de la section permanente. Après s’être prononcée sur l’existence d’une différence substantielle, la commission de reconnaissance des qualifications propose, le cas échéant, au préfet de soumettre le déclarant à tout ou partie de l’épreuve d’aptitude prévue à l’article R. 212-90-1. Cette épreuve à laquelle le préfet peut décider de soumettre le déclarant vise, comme le précise l’article A. 212-188, à vérifier la capacité du déclarant à encadrer les pratiquants en sécurité. Elle comporte deux tests : 1° L’épreuve de l’eurotest prévue au titre VII et à l’annexe V de l’arrêté du 11 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin qui constitue le test technique de sécurité ; 2° Le test eurosécurité prévu au titre X et à l’annexe VII-3 de l’arrêté du 26 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, qui constitue le test de vérification des connaissances théoriques et pratiques et des compétences en matière de sécurité. En cas d’échec à l’eurotest, évalué en premier lieu, le déclarant ne peut se présenter à l’eurosécurité. L’attestation de réussite à l’eurotest conditionne la délivrance de la carte professionnelle conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 lorsque, comme en l’espèce, est identifiée une différence substantielle entre la qualification professionnelle du déclarant et celle requise sur le territoire national, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle.
12. L’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif est délivrée par le préfet lorsque celui-ci estime qu’il n’existe pas de différence substantielle ou lorsqu’une différence substantielle a été identifiée et que le déclarant a satisfait à l’épreuve d’aptitude, portant mention des conditions d’exercice prévues à l’article A. 212-192 du code. Toutefois, en application de l’article R. 212-89-1 du même code, le préfet peut, par décision proportionnée à l’objectif poursuivi, refuser d’accorder l’accès partiel à l’une des activités mentionnées à l’article L. 212-1, lorsqu’il estime que l’accès partiel est de nature à nuire à la sécurité des pratiquants et des tiers.
13. Au cas d’espèce, après réception du dossier de M A…, sur avis du conseil supérieur des sports de montagne et de la commission de reconnaissance des qualifications, instances visées par les dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport, le préfet a considéré que la formation de M. A…, obtenue en Suisse, Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. M. A… soutient que, pour instruire son dossier de déclaration de libre établissement, réputé complet selon l’accusé réception délivré par l’autorité administrative compétente, le préfet de l’Isère n’était pas tenu de saisir, pour avis, le conseil supérieur des sports de montagne, ni la commission de reconnaissance des qualifications, et ne pouvait décider de le soumettre à une épreuve d’aptitude sans lui réclamer les pièces complémentaires nécessaires pour apprécier l’équivalence et le contenu de sa formation. Toutefois, le formulaire de déclaration figurant à l’annexe II-12-2-a du code du sport recommande au déclarant, dans son intérêt, de fournir toute information utile sur son expérience professionnelle afin d’échapper, totalement ou en partie, à l’obligation éventuelle d’accomplir une épreuve d’aptitude. Il ressort des pièces du dossier que, par sa décision du 29 septembre 2017, le préfet de l’Isère a informé M. A… qu’il estimait que sa formation n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présentait, dans ce domaine, une différence substantielle avec la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin requise sur le territoire national en vertu de l’article A. 212-185 du code du sport. Dans ce contexte spécifique, il appartenait à M. A…, informé de la position de l’administration d’apporter tous les éléments, qu’il est seul en mesure de fournir, tendant à établir qu’il disposait effectivement des connaissances ou des compétences manquantes en matière de sécurité par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Par suite, M. A… ne démontre pas la décision en litige aurait méconnu les dispositions applicables des A. 212-185, A. 212-186 et A. 212-188 du code du sport ou serait entachée d’un vice de procédure.
En ce qui concerne la présomption de qualification :
14. Le requérant se prévaut de ce qu’en vertu de la directive 2005/36/CE modifiée, telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, l’administration ne saurait imposer une mesure compensatoire au déclarant réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise en application de l’article R. 212-90 du code du sport sans lui donner au préalable la possibilité de démontrer qu’il a acquis les connaissances ou les compétences manquantes par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Il reproche au préfet de l’avoir obligé à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique sans lui avoir demandé de fournir des éléments sur son expérience professionnelle, et soutient que sa formation est réglementée en Suisse et constitue à cet égard une présomption de qualification dans le mécanisme de reconnaissance des qualifications entre les Etats membres prévu par la directive.
15. Il est constant que la formation de moniteur de ski est règlementée en Suisse. Toutefois, cette circonstance, tout comme le fait que M. A… soit titulaire de la  » plus haute  » qualification suisse de  » professeur de sport de neige avec brevet fédéral  » et qu’il fournisse une attestation de formation rédigée par les autorités suisses, ne suffisent pas à établir la conformité de sa qualification professionnelle à la qualification requise pour l’exercice, sur le territoire national, des fonctions de moniteur de ski au sens des dispositions de l’article L. 212-7 du code du sport et garantirait effectivement sa compétence en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité de moiteur de ski alpin conformément au 1° du I de l’article L. 212-1 du code du sport.
16. Le requérant n’est pas fondé à se prévaloir de la présomption de compétence prévue par les dispositions de l’article R. 212-90 du code du sport, en se bornant à invoquer sa formation en Suisse sans, conformément au 1° de cet article, attester, pour l’exercice de cette activité, d’un niveau de qualification au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui requis sur le territoire national, au sens de l’article 11 de la directive 2005/36/CE modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Faute de produire les éléments requis, il ne peut être réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie de l’activité de moniteur national de ski alpin, et le préfet de l’Isère était dès lors tenu de vérifier l’éventuelle existence d’une différence substantielle entre la qualification de M. A… et celle requise sur le territoire national, en application des dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport.
En ce qui concerne l’existence d’une différence substantielle :
17. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application de cette législation transposant la directive européenne 2013/55/UE et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu’il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l’article L. 212-1 en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. La fonction de moniteur de ski alpin fait partie des activités s’exerçant en environnement spécifique au sens de l’article L. 212-7 subordonné, dès lors que la sécurité des personnes l’exige, compte tenu des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées, au contrôle préalable de l’aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance du milieu naturel, des règles de sécurité et des dispositifs de secours.
18. M. A… soutient que l’autorité administrative compétente n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une différence substantielle par rapport à la qualification professionnelle requise ouvrant droit à l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin de nature à justifier le refus contesté, en omettant de spécifier les domaines de compétences regardés comme insuffisantes par rapport à la qualification requise en France, et de ne pas avoir ainsi tenu compte de son expérience professionnelle.
19. Toutefois, la décision litigieuse du 29 septembre 2017, confirmée par celle du 14 décembre 2017, rappelle au déclarant que sa formation, après analyse et avis de la section permanente du ski alpin et de la commission de reconnaissance des qualifications, n’est pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, au sens de l’article L. 212-1 du code du sport, et qu’elle présente dans ce domaine, une différence substantielle avec la qualification requise sur le territoire national telle que définie à l’article L. 212-7, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle dont il a fait état dans sa déclaration. Cette circonstance fait obstacle à l’exercice de l’activité sur le territoire national, y compris dans le cadre de l’accès partiel à la profession d’éducateur sportif. En l’invitant, après avoir identifié une différence substantielle, à se soumettre au test technique de sécurité de l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport, le préfet de l’Isère lui permettait, en cas de réussite à l’épreuve d’aptitude, de se voir délivrer une attestation de libre établissement et la carte professionnelle sollicitée conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 du même code.
20. Si le requérant conteste l’existence d’une différence substantielle entre sa formation suisse et la qualification requise en France, le préfet de l’Isère en justifie, comme l’ont retenu les premiers juges, en s’appuyant sur l’ordonnance suisse du 30 novembre 2012 sur les guides de montagne et les organisateurs d’autres activités à risque, en faisant valoir que l’exercice de la profession de professeur de sport de neige est subordonné en Suisse à des conditions restrictives tenant au niveau de l’aménagement des pistes, aux difficultés des itinéraires, aux conditions nivo-météorologiques et au niveau de risque d’avalanche. Ainsi, à titre exemple, il observe, sans être contredit, que l’exercice de cette activité professionnelle n’est plus autorisé en Suisse lorsque le risque d’avalanche annoncé excède le niveau 1 de l’échelle européenne du risque d’avalanche alors que seulement 14 % des jours de l’hiver en France présentent un bulletin de prévision du risque d’avalanche limité au niveau 1. Par comparaison, le moniteur de ski alpin a vocation à exercer son métier en toutes pentes, sans limitations liées à l’altitude, au risque d’avalanche et à l’aménagement du domaine skiable. L’exercice de cette profession requiert ainsi un haut niveau d’autonomie et de technicité imposant notamment la maîtrise des trajectoires qui est vérifiée par un test dénommé  » eurotest  » prévu par l’article 2 de l’arrêté du 11 avril 2012.
En ce qui concerne le moyen tiré de la discrimination :
21. De manière générale, dès lors qu’il est soutenu qu’une mesure a pu être empreinte de discrimination, il incombe au juge administratif d’apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, en tenant compte des difficultés propres à l’administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s’attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l’égalité de traitement des personnes. S’il appartient au requérant qui s’estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forge sa conviction au vu des échanges contradictoires entre les parties, et en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d’instruction utile.
22. M. A… soutient qu’en l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique sans prendre en compte sa qualification et son expérience professionnelles, le préfet a méconnu les dispositions du droit de l’Union européenne applicables prohibant toute discrimination, et garantissant la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, en portant atteinte à la liberté d’établissement, et commis une erreur d’appréciation. Le requérant soutient qu’en conséquence, le rejet de sa demande constitue une entrave à la liberté d’établissement et n’est pas fondé.
23. Toutefois, d’une part, dès lors que M. A… n’établit pas que sa qualification professionnelle serait conforme, en matière de sécurité, conforme à la qualification professionnelle requise pour l’exercice sur le territoire national de l’activité de moniteur de ski alpin, la décision litigieuse est, pour ce seul motif fondée. D’autre part, eu égard à la transposition de la directive modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’activité d’éducateur sportif en environnement spécifique à l’instar de la fonction de moniteur de ski alpin, les dispositions législatives et réglementaires du code du sport, applicables à l’espèce, pour l’appréciation de la qualification des ressortissants de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’Espace économique européen qualifiés dans l’un de ces Etats au regard de la qualification requise pour l’exercice de cette activité sur le territoire national, sont compatibles avec les objectifs définis par la directive modifiée. Ces dispositions sont conformes aux dispositions précises et inconditionnelles de la directive portant reconnaissance des qualifications professionnelles en ce qui concerne les professions réglementées, lesquelles pour ce motif ne relèvent pas de la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, ni du principe de libre établissement. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des motifs de la décision contestée fondée sur des éléments objectifs et conformes au droit et à la procédure, applicables en la matière, alors que M. A…, n’apporte au soutien de son moyen aucun élément de fait, que le refus litigieux serait empreint de discrimination en méconnaissance du droit de l’Union européenne.
24. Enfin, si M. A… soutient que, nonobstant l’absence de production de l’attestation de réussite aux tests auxquels il a été invité à se soumettre soumis, il a toutefois acquis par son expérience professionnelle ou son apprentissage tout au long de la vie des compétences techniques équivalentes ou proches garantissant sa capacité à encadrer en sécurité l’activité de ski à tous les niveaux de pratique sur piste et hors-piste. Toutefois, il n’apporte pas des éléments circonstanciés à l’appui de ses allégations. Dès lors, il n’établit pas que l’administration lui a proposé des épreuves non prévues par la réglementation ou inadaptées à son profil et que, ce faisant, elle aurait commis une erreur de droit ou d’appréciation. En tout état de cause, il ne peut utilement invoquer la méconnaissance du principe de proportionnalité prévu par le paragraphe 5 de l’article 14 de la directive n° 2005/36/CE.
25. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision refusant de lui délivrer la carte professionnelle sollicitée.
Sur les conclusions indemnitaires :
26. Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires, en l’absence d’illégalité fautive de la décision contestée, la responsabilité de l’Etat n’est pas engagée à l’égard de M. A…. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices moral et économique qu’il soutient avoir subis doivent être rejetées.
27. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.

 

 

 

CAA de LYON – 6ème chambre

  • N° 20LY02440
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 30 mars 2022

Président

  1. POURNY

Rapporteur

Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE

Rapporteur public

Mme COTTIER

Avocat(s)

PLANES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 septembre 2017 par laquelle le préfet de l’Isère a implicitement rejeté sa déclaration de libre établissement pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin et refusé de lui délivrer la carte professionnelle et de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 40 000 euros au titre de son préjudice moral et de 85 000 euros au titre de son préjudice économique.

Par un jugement n° 1706586 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, M. B…, représenté par Me Planes, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d’annuler la décision implicite de rejet du 24 septembre 2017 en ce qu’elle rejette sa demande de reconnaissance de ses qualifications et de délivrance d’une carte professionnelle dans le cadre de sa déclaration de libre établissement pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin et la délivrance subséquente d’un récépissé ;

3°) de condamner l’Etat au versement d’une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice moral subi et une somme de 165 000 euros en réparation du préjudice économique subi ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le rejet implicite de son recours gracieux et de sa demande indemnitaire notifiés le 24 juillet 2017 au préfet de l’Isère est insuffisamment motivé ;
– l’appréciation de l’équivalence et du contenu de sa formation, qui est réglementée en Suisse, n’est pas motivée ; il appartenait à l’autorité administrative de solliciter la production de pièces complémentaires afin de motiver sa décision ;
– le refus contesté est entaché de vice de procédure au regard des dispositions applicables ; son dossier est réputé complet ;
– le préfet, à qui incombe la charge de le prouver, ne démontre pas l’existence de la différence substantielle alléguée motivant l’invitation à se soumettre à un test d’aptitude ;
– le refus de lui délivrer la carte professionnelle requise n’est pas fondé en droit comme en fait ;
– le préfet a méconnu le principe de présomption de qualification prévu par le cadre du droit européen de reconnaissance des qualifications professionnelles défini par la directive européenne applicable ;
– le refus litigieux constitue une entrave à l’exercice de son activité professionnelle en France, contraire au principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne ;
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Grenoble, il n’avait pas à solliciter spécifiquement que l’autorité administrative lui accorde, à titre dérogatoire, un accès partiel au regard de son niveau de qualifications professionnelles ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une indemnité de 150 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la décision l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude  » eurotest  » contraire au principe de libre circulation des travailleurs prévu à l’article 45 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne et entachée de discrimination prohibée par le droit de l’Union européenne ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une somme totale de 165 000 euros en réparation de son préjudice économique résultant de l’impossibilité d’exercer l’activité de moniteur de ski durant trois saisons, à l’origine d’une perte de chiffre d’affaires, évaluée à 90 000 euros, et d’un manque à gagner sur les prochaines saisons, évalué à 75 000 euros, à raison de la captation de sa clientèle par ses concurrents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2021, la ministre chargée des sports conclut au rejet de la requête.

La ministre expose que :
– aucun des moyens soulevés par le requérant n’est fondé ;
– la décision contestée n’est entachée d’aucune illégalité et d’aucun vice de procédure ;
– il n’existe pas de lien de causalité direct avec les préjudices allégués ; le quantum réclamé est partiellement irrecevable.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;
– l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées ;
– le code du sport ;
– le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif ;
– l’arrêté du 11 avril 2012 relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski – moniteur national de ski alpin ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
– les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique,
– et les observations de Me Planes, représentant M. B….

Considérant ce qui suit :

1. M. A… B…, ressortissant français, titulaire de la qualification suisse de  » professeur de sport de neige avec brevet fédéral  » délivrée le 25 octobre 2013 par la Confédération Suisse, a adressé au préfet de l’Isère, en mars 2016, une déclaration de libre établissement en application des dispositions des articles R. 212-88 et suivants du code du sport, applicables aux ressortissants de l’Union européenne, aux fins d’exercer l’activité de moniteur de ski alpin sur le territoire français. Par une décision du 21 mars 2016, le préfet de l’Isère l’a informé, après avoir pris connaissance des avis de la section permanente du ski alpin et de la commission de reconnaissance des qualifications, qu’il considérait que sa formation n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire français. Le préfet de l’Isère précisait que cette différence substantielle n’était pas entièrement couverte par les connaissances que l’intéressé avait acquises au cours de son expérience professionnelle. Rappelant que le ski est une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions de l’article L. 212-7 du code du sport et que la sécurité des personnes était en jeu, le préfet lui a demandé de se soumettre à l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport, constituée de deux tests : l’épreuve de l’eurotest prévue au titre VII de l’arrêté du 11 avril 2012, qui constitue un test technique de sécurité et un test de vérification des connaissances théoriques et pratiques en matière de sécurité. Par un courrier du 27 mai 2017, reçu le 31 mai 2017, adressé par son conseil à la préfecture de l’Isère, une nouvelle déclaration de libre établissement tendant aux mêmes fins était présentée pour le compte de M. B…. Par courrier du 7 juin 2017, le préfet de l’Isère constatant que cette nouvelle déclaration adressée par Me Planes, à supposer qu’elle soit effectivement le fait de M. B…, ne comportait aucune pièce nouvelle, notamment pas l’attestation de réussite à l’épreuve d’aptitude, et que conformément au motif énoncé dans sa précédente décision, sa formation n’étant pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, cette circonstance faisait obstacle à la délivrance de la carte professionnelle permettant d’exercer l’activité réglementée de moniteur de ski sur le territoire français. Par courrier du 19 juillet 2017 reçu le 24 juillet 2017, M. B… a mis en demeure le préfet de l’Isère de lui délivrer une carte professionnelle et a demandé un million d’euros à titre de dommages et intérêts. M. B… relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet née le 24 septembre 2017 du silence gardé par l’administration et à la condamnation de l’Etat au versement d’une indemnité au titre des préjudices subis à raison de l’illégalité de la décision de refus de lui délivrer une carte professionnelle permettant d’exercer l’activité réglementée de moniteur de ski sur le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d’annulation pour excès de pouvoir :

En ce qui concerne la décision attaquée :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.
3. Il ressort des pièces du dossier que les conclusions de la requête de M. B… tendant à l’annulation pour excès de pouvoir doivent être regardées comme dirigées, non à l’encontre du rejet implicite de son recours gracieux formé par un courrier du 19 juillet 2017, dont l’autorité administrative compétente a accusé réception le 24 juillet 2017, mais contre la décision du 7 juin 2017 objet de son recours gracieux. Il résulte de ce qui vient d’être dit que le bien-fondé du moyen soulevé par le requérant tiré de l’insuffisance de motivation de la décision préfectorale litigieuse ne peut être apprécié qu’en ce qui concerne le rejet initial du 7 juin 2017, sans qu’y fasse obstacle l’omission de M. B… à solliciter auprès de l’autorité compétente la communication des motifs du rejet implicite de son recours gracieux, lequel n’était pas tardif.
En ce qui concerne les dispositions applicables :
4. La transposition en droit interne des directives européennes, étant une obligation résultant du Traité de fonctionnement de l’Union européenne, revêtant en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle, il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit de l’Union européenne, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques. Tout justiciable peut en conséquence, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d’action ou par voie d’exception, qu’après expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent continuer de faire application des règles écrites ou non-écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. En outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires. En application de ce principe, il incombe au juge de vérifier si la décision litigieuse est fondée au regard des dispositions de droit interne conformes au droit de l’Union européenne, en tenant compte de la date d’entrée en vigueur des dispositions issues de leur transposition en droit interne.
5. Les dispositions applicables au cas d’espèce, prévues par le code du sport, sont issues de la transposition en droit interne de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005, modifiée par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013, par l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées et en dernier lieu par le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif, dont les dispositions, entrées en vigueur à compter du 12 août 2017, n’apportent pas de modification sur les points en litige dans la présente affaire.
6. Il ressort de la combinaison des articles L. 212-1 et L. 212-7 du code du sport que peuvent exercer, sur le territoire national, contre rémunération les fonctions d’enseignement, animation, ou encadrement d’une activité physique ou sportive ou d’entrainement des pratiquants, les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne qualifiés pour les exercer dans l’un de ces Etats, titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. Ils sont tenus, en application des dispositions de l’article A. 212-184 du code du sport de se déclarer au préfet du département de l’Isère qui les transmet au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski qui s’assure de leur recevabilité et les transmet pour avis à la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne.
7. En application des dispositions de l’article R. 212-89 du même code, le préfet, après avoir accusé réception de la déclaration dans les conditions prévues à l’article R. 212-88, délivre une carte professionnelle d’éducateur sportif au déclarant dont les qualifications professionnelles répondent aux conditions de reconnaissance mentionnées à l’article R. 212-90. Aux termes de ce dernier article, le déclarant est réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie des activités mentionnées à l’article L. 212-1, notamment, conformément au 1° de l’article R. 212-90, lorsqu’il établit être titulaire d’une attestation de compétences ou d’un titre de formation requis par un Etat membre de l’Union européenne ou un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans lequel l’accès à l’activité ou son exercice est réglementé et délivré par une autorité compétente de cet Etat, ou en vertu du 3° de cet article R. 212-90, s’il établit être titulaire d’un titre de formation délivré par l’autorité compétente d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui ne réglemente pas l’accès à l’activité ou son exercice, sanctionnant une formation réglementée visant spécifiquement l’exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 et consistant en un cycle d’études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle.
8. L’article A. 212-185 du même code précise que l’existence d’une différence substantielle au sens de l’article R. 212-90-1 et du 3° de l’article R. 212-93, susceptible d’exister entre la qualification professionnelle du déclarant et la qualification professionnelle requise sur le territoire national, est appréciée en référence à la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, en tant qu’elle intègre les compétences techniques de sécurité et les connaissances théoriques et pratiques et les compétences en matière de sécurité.
En ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisance de motivation :
9. Aux termes de l’article R. 212-90-2 du code issu du décret n° 2009-1116 du 15 septembre 2009 :  » La décision du préfet de délivrer une carte professionnelle intervient dans un délai de trois mois à compter de la présentation du dossier complet du déclarant. Ce délai peut être prorogé d’un mois, par décision motivée. Dans le cas où le préfet décide de ne pas délivrer de carte professionnelle ou de soumettre le déclarant à une épreuve d’aptitude ou de lui faire accomplir un stage d’adaptation, cette décision est motivée. « .
10. Il ressort des pièces du dossier, que par sa décision du 7 juin 2017 à laquelle était jointe copie de sa décision du 26 mars 2016 dont elle s’appropriait les motifs, et conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article R. 212-90-2 du code du sport, le préfet de l’Isère, après avoir rappelé que le ski alpin est une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions en vigueur de l’article L. 212-7 du code du sport, conformes à la directive 2013-55/UE, la sécurité des personnes étant de ce fait en jeu, a réitéré son refus de délivrer l’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif de ski alpin sollicitées par M. B… aux motifs que sa formation en Suisse n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. Le préfet motivait la confirmation de son refus par la circonstance que l’intéressé, invité par sa précédente décision du 26 mars 2016, à se soumettre à l’épreuve d’aptitude de l’eurotest définie à l’article A. 212-188 du code du sport, n’avait pas produit l’attestation de réussite à cette épreuve. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré du vice de procédure :
11. Dans le cadre de la liberté d’établissement, l’article A. 212-186 dispose que lorsque le préfet estime, après avis de la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne, transmis au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski et de l’alpinisme, qu’il existe une différence substantielle, il saisit la commission de reconnaissance des qualifications mentionnée à l’article R. 212-84, en joignant au dossier l’avis de la section permanente. Après s’être prononcée sur l’existence d’une différence substantielle, la commission de reconnaissance des qualifications propose, le cas échéant, au préfet de soumettre le déclarant à tout ou partie de l’épreuve d’aptitude prévue à l’article R. 212-90-1. Cette épreuve à laquelle le préfet peut décider de soumettre le déclarant vise, comme le précise l’article A. 212-188, à vérifier sa capacité à encadrer les pratiquants en sécurité. Elle comporte deux tests : 1° L’épreuve de l’eurotest prévue au titre VII et à l’annexe V de l’arrêté du 11 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin qui constitue le test technique de sécurité ; 2° Le test eurosécurité prévu au titre X et à l’annexe VII-3 de l’arrêté du 26 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, qui constitue le test de vérification des connaissances théoriques et pratiques et des compétences en matière de sécurité. En cas d’échec à l’eurotest, évalué en premier lieu, le déclarant ne peut se présenter à l’eurosécurité. L’attestation de réussite à l’eurotest conditionne la délivrance de la carte professionnelle conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 lorsque, comme en l’espèce, est identifiée une différence substantielle entre la qualification professionnelle du déclarant et celle requise sur le territoire national, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle.
12. L’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif est délivrée par le préfet lorsque celui-ci estime qu’il n’existe pas de différence substantielle ou lorsqu’une différence substantielle a été identifiée et que le déclarant a satisfait à l’épreuve d’aptitude, portant mention des conditions d’exercice prévues à l’article A. 212-192 du code. Toutefois, en application de l’article R. 212-89-1 du même code, le préfet peut, par décision proportionnée à l’objectif poursuivi, refuser d’accorder l’accès partiel à l’une des activités mentionnées à l’article L. 212-1, lorsqu’il estime que l’accès partiel est de nature à nuire à la sécurité des pratiquants et des tiers.
13. Au cas d’espèce, après réception du dossier de M. B…, le préfet a sur avis de la section permanente du ski alpin et de la commission de reconnaissance des qualifications, instances visées par les dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport, considéré que la formation de M. B…, obtenue en Suisse, Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. M. B… soutient que, pour instruire son dossier de déclaration de libre établissement, réputé complet selon l’accusé réception délivré par l’autorité administrative compétente, le préfet de l’Isère n’était pas tenu de saisir, pour avis, la section permanente du ski alpin, ni la commission de reconnaissance des qualifications, et ne pouvait décider de le soumettre à une épreuve d’aptitude sans lui réclamer les pièces complémentaires nécessaires pour apprécier l’équivalence et le contenu de sa formation. Toutefois, le formulaire de déclaration figurant à l’annexe II-12-2-a du code du sport recommande au déclarant, dans son intérêt, de fournir toute information utile sur son expérience professionnelle afin d’échapper, totalement ou en partie, à l’obligation éventuelle d’accomplir une épreuve d’aptitude. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 21 mars 2016, le préfet de l’Isère a informé M. B… qu’il estimait que sa formation n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présente, dans ce domaine, une différence substantielle avec la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin requise sur le territoire national en vertu de l’article A.212-185 du code du sport. Dans ce contexte spécifique, il appartenait à M. B…, informé de la position de l’administration lorsqu’il a déposé sa nouvelle déclaration le 27 mai 2017, d’apporter tous les éléments, qu’il est seul en mesure de fournir, tendant à établir qu’il disposait effectivement des connaissances ou des compétences manquantes en matière de sécurité par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Par suite, M. B… ne démontre pas la décision en litige aurait méconnu les dispositions applicables des articles A. 212-185, A. 212-186 et A. 212-188 du code du sport ou serait entachée d’un vice de procédure.
En ce qui concerne la présomption de qualification :
14. Le requérant se prévaut de ce qu’en vertu de la directive 2005/36/CE modifiée, telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, l’administration ne saurait imposer une mesure compensatoire au déclarant réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise en application de l’article R. 212-90 du code du sport sans lui donner au préalable la possibilité de démontrer qu’il a acquis les connaissances ou les compétences manquantes par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Il reproche au préfet de l’avoir obligé à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique sans lui avoir demandé de fournir des éléments sur son expérience professionnelle, et soutient que sa formation est réglementée en Suisse et constitue à cet égard une présomption de qualification dans le mécanisme de reconnaissance des qualifications entre les Etats membres prévu par la directive.
15. Il est constant que la formation de moniteur de ski est règlementée en Suisse. Toutefois, cette circonstance, tout comme le fait que M. B… soit titulaire de la  » plus haute  » qualification suisse de  » professeur de sport de neige avec brevet fédéral  » délivrée le 25 octobre 2013 et qu’il fournisse une attestation de formation rédigée par les autorités suisses le 1er octobre 2015, ne suffisent pas à établir la conformité de sa qualification professionnelle à la qualification requise pour l’exercice, sur le territoire national, des fonctions de moniteur de ski au sens des dispositions de l’article L. 212-7 du code du sport et à garantir effectivement sa compétence en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité de moniteur de ski alpin conformément au 1° du I de l’article L. 212-1 du code du sport.
16. Le requérant n’est pas fondé à se prévaloir de la présomption de compétence prévue par les dispositions de l’article R. 212-90 du code du sport, en se bornant à invoquer sa formation en Suisse sans, conformément au 1° de cet article, attester, pour l’exercice de cette activité, d’un niveau de qualification au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui requis sur le territoire national, au sens de l’article 11 de la directive 2005/36/CE modifiée relative à la reconnaissances des qualifications professionnelles. Faute de produire les éléments requis, il ne peut être réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie de l’activité de moniteur national de ski alpin, et le préfet de l’Isère était dès lors tenu de vérifier l’absence de différence substantielle entre la qualification de M. B… et celle requise sur le territoire national, en application des dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport.
En ce qui concerne l’existence d’une différence substantielle :
17. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application de cette législation transposant la directive européenne 2013/55/UE et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu’il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l’article L. 212-1 en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. La fonction de moniteur de ski alpin fait partie des activités s’exerçant en environnement spécifique au sens de l’article L. 212-7 subordonné, dès lors que la sécurité des personnes l’exige, compte tenu des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées, au contrôle préalable de l’aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance du milieu naturel, des règles de sécurité et des dispositifs de secours
18. M. B… soutient que l’autorité administrative compétente n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une différence substantielle par rapport à la qualification professionnelle requise ouvrant droit à l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin de nature à justifier le refus contesté, en omettant de spécifier les domaines de compétences regardés comme insuffisants par rapport à la qualification requise en France, et de ne pas avoir ainsi tenu compte de son expérience professionnelle.
19. Toutefois, la décision litigieuse, confirmant la décision du préfet de l’Isère du 21 mars 2016 dont elle reprend les motifs, rappelle au déclarant que sa formation, après analyse et avis de la section permanente du ski alpin et de la commission de reconnaissance des qualifications, n’est pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, au sens de l’article L. 212-1 du code du sport, et qu’elle présente dans ce domaine, une différence substantielle avec la qualification requise sur le territoire national telle que définie à l’article L. 212-7, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle dont il a fait état dans sa déclaration. Cette circonstance fait obstacle à l’exercice de l’activité sur le territoire national, y compris dans le cadre de l’accès partiel à la profession d’éducateur sportif. En l’invitant, après avoir identifié une différence substantielle, à se soumettre au test technique de sécurité de l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport, le préfet de l’Isère lui permettait, en cas de réussite à l’épreuve d’aptitude, de se voir délivrer une attestation de libre établissement et la carte professionnelle sollicitée conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 du même code.
20. Si le requérant conteste l’existence d’une différence substantielle entre sa formation suisse et la qualification requise en France, le préfet de l’Isère en justifie, comme l’ont retenu les premiers juges, en s’appuyant sur l’ordonnance suisse du 30 novembre 2012 sur les guides de montagne et les organisateurs d’autres activités à risque, en faisant valoir que l’exercice de la profession de professeur de sport de neige est subordonné en Suisse à des conditions restrictives tenant au niveau de l’aménagement des pistes, aux difficultés des itinéraires, aux conditions nivo-météorologiques et au niveau de risque d’avalanche. Ainsi, à titre exemple, il observe, sans être contredit, que l’exercice de cette activité professionnelle n’est plus autorisé en Suisse lorsque le risque d’avalanche annoncé excède le niveau 1 de l’échelle européenne du risque d’avalanche alors que seulement 14 % des jours de l’hiver en France présentent un bulletin de prévision du risque d’avalanche limité au niveau 1. Par comparaison, le moniteur de ski alpin a vocation à exercer son métier en toutes pentes, sans limitations liées à l’altitude, au risque d’avalanche et à l’aménagement du domaine skiable. L’exercice de cette profession requiert ainsi un haut niveau d’autonomie et de technicité imposant notamment la maîtrise des trajectoires qui est vérifiée par un test dénommé  » eurotest  » prévu par l’article 2 de l’arrêté du 11 avril 2012.
En ce qui concerne le moyen tiré de la discrimination :
21. De manière générale, dès lors qu’il est soutenu qu’une mesure a pu être empreinte de discrimination, il incombe au juge administratif d’apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, en tenant compte des difficultés propres à l’administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s’attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l’égalité de traitement des personnes. S’il appartient au requérant qui s’estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forge sa conviction au vu des échanges contradictoires entre les parties, et en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d’instruction utile.
22. M. B… soutient qu’en l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique sans prendre en compte sa qualification et son expérience professionnelles, le préfet a méconnu les dispositions du droit de l’Union européenne applicables prohibant toute discrimination, et garantissant la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, en portant atteinte à la liberté d’établissement, et commis une erreur d’appréciation. Le requérant soutient qu’en conséquence, le rejet de sa demande constitue une entrave à la liberté d’établissement et n’est pas fondé.
23. Toutefois, d’une part, dès lors que M. B… n’établit pas que sa qualification professionnelle serait conforme, en matière de sécurité, à la qualification professionnelle requise pour l’exercice sur le territoire national de l’activité de moniteur de ski alpin, la décision litigieuse est, pour ce seul motif, fondée. D’autre part, eu égard à la transposition de la directive modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’activité d’éducateur sportif en environnement spécifique à l’instar de la fonction de moniteur de ski alpin, les dispositions législatives et réglementaires du code du sport, applicables à l’espèce, pour l’appréciation de la qualification des ressortissants de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’Espace économique européen qualifiés dans l’un de ces Etats au regard de la qualification requise pour l’exercice de cette activité sur le territoire national, sont compatibles avec les objectifs définis par la directive modifiée. Ces dispositions sont conformes aux dispositions précises et inconditionnelles de la directive portant reconnaissance des qualifications professionnelles en ce qui concerne les professions réglementées, lesquelles pour ce motif ne relèvent pas de la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, ni du principe de libre établissement. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des motifs de la décision contestée fondée sur des éléments objectifs et conformes au droit et à la procédure, applicables en la matière, alors que M. B…, n’apporte au soutien de son moyen aucun élément de fait, que le refus litigieux serait empreint de discrimination en méconnaissance du droit de l’Union européenne.
24. Enfin, si M. B… soutient que, s’il n’a pas réussi les deux tests auxquels il a été soumis, il a toutefois acquis par son expérience professionnelle ou son apprentissage tout au long de la vie des compétences techniques équivalentes ou proches garantissant sa capacité à encadrer en sécurité l’activité de ski à tous les niveaux de pratique sur piste et hors-piste. Toutefois, il n’apporte pas des éléments circonstanciés à l’appui de ses allégations. Dès lors, il n’établit pas que l’administration lui a proposé des épreuves réglementaires non adaptées à son profil et que, ce faisant, elle aurait commis une erreur de droit ou d’appréciation. Par suite et en tout état de cause, il ne peut utilement invoquer la méconnaissance du principe de proportionnalité prévu par le paragraphe 5 de l’article 14 de la directive n° 2005/36/CE.
25. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision refusant de lui délivrer la carte professionnelle sollicitée.
Sur les conclusions indemnitaires :
26. Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires, en l’absence d’illégalité fautive de la décision contestée, la responsabilité de l’Etat n’est pas engagée à l’égard de M. B…. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices moral et économique qu’il soutient avoir subis doivent être rejetées.
27. Il résulte de tout ce qui précède que M B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée

 

CAA de LYON, 6ème chambre, 17/03/2022, 20LY02340, Inédit au recueil Lebon

Président

  1. POURNY

Rapporteur

Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE

Rapporteur public

Mme COTTIER

Avocat(s)

PLANES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la décision du 17 octobre 2017, par laquelle le préfet de l’Isère a rejeté sa déclaration de libre prestation de services pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin et a refusé de lui délivrer un récépissé de déclaration, et de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 150 000 euros au titre de son préjudice moral et de 135 000 euros au titre de son préjudice économique.

Par un jugement n° 1707289 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 17 octobre 2017 du préfet de l’Isère et condamné l’Etat à verser à M. A… une indemnité de 1 000 euros.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 août 2020, la ministre chargée des sports demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A….

Elle soutient que :
* l’exercice de l’activité de moniteur de ski pendant les quatre mois de la saison française remplit la condition de durée d’un libre établissement et emporte la qualification juridique de  » l’établissement  » d’un ressortissant de l’Union pour l’exercice de l’activité sur le territoire français ; la profession de moniteur de ski alpin est spécifique car saisonnière ;
* c’est par une inexacte application des dispositions de l’article R. 212-88 du code du sport que le tribunal a jugé que le préfet de l’Isère avait commis une erreur de droit en requalifiant la déclaration de libre prestation de services de M. A… en libre établissement ;
* c’est à tort que le tribunal a jugé que le préfet de l’Isère avait omis de combiner le critère jurisprudentiel de la durée de l’activité avec les critères de fréquence, de périodicité et de continuité de la prestation, alors que la demande de M. A… d’exercer l’activité de moniteur de ski pendant les quatre mois de la haute saison remplit les conditions de durée, de fréquence, de périodicité et de continuité et ne relève pas d’une prestation de service temporaire ou occasionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2020, M. B… A…, représenté par Me Planes, conclut au rejet de la requête, et demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement en tant qu’il annule la décision du 17 octobre 2017 ;

2°) d’ordonner à la ministre chargée des sports de lui délivrer le récépissé de déclaration d’activité dans le cadre d’une libre prestation de services, et de condamner l’Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 165 000 euros en réparation de son préjudice économique ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A… expose que :
* aucun des moyens soulevés par la requérante n’est fondé ;
* le préfet n’a pas respecté la procédure, et a commis un abus de droit en s’opposant à la reconnaissance de ses qualifications et à l’exercice de son activité ;
* il y a lieu pour la cour de tirer les conséquences du rejet du recours exercé par le ministre contre le jugement du 5 mars 2020 au regard des délais écoulés en application de l’article R. 212-93 du code du sport puisqu’en l’absence de réaction de l’autorité compétente dans les délais fixés aux deuxième et troisième alinéas de cet article, sa qualification est implicitement reconnue et il est en droit d’obtenir la délivrance de son récépissé, et la prestation de services peut être effectuée ; un délai de plus de deux mois s’est écoulé entre la réception de son dossier complet le 1er aout 2017 et le rejet de son recours gracieux le 17 octobre 2017 ;
* en se fondant sur le seul critère de la durée d’exercice de l’activité, sur la saison hivernale, la décision est entachée d’erreur de droit au regard des critères jurisprudentiels de fréquence, périodicité et continuité de l’activité exercée ; l’activité de moniteur de ski ne relève d’aucun régime particulier ;
* selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui s’impose aux services préfectoraux, l’exigence d’un établissement stable est en fait la négation même de la liberté de prestation de services ;
* des récépissés de déclarations de libre prestation de service ont été délivrés à des ressortissants de l’Union européenne pour une durée de 6 mois ou d’un an de l’autorisation sans requalification en déclaration de libre établissement ;
* l’article 5.1 de la directive prohibe toute restriction à la libre prestation de services pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles ; cette décision, en portant une atteinte majeure à la libre circulation d’un ressortissant européen, lui a causé un préjudice moral du fait de son caractère discriminatoire, et un préjudice économique du fait du refus illégal d’accès au marché du travail en France, au profit de ses concurrents qui ont pu capter une clientèle lucrative sur la station de Méribel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le Traité de fonctionnement de l’Union européenne ;
– la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;
– le code du sport ;
– l’ordonnance du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées ;
– le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
– les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 29 juillet 2017, reçu le 1er août 2017, M. B… A…, ressortissant britannique, a sollicité du préfet de l’Isère la délivrance du récépissé de déclaration de libre prestation de services prévu à l’article R. 212-93 du code du sport, pour l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin du 16 décembre 2017 au 16 avril 2018. Par une décision, datée du 9 août 2017, notifiée le 16 août 2017 à l’intéressé, le préfet de l’Isère estimant que sa demande ne relevait pas du régime de libre prestation de service a refusé de lui délivrer le récépissé sollicité en l’invitant à compléter le formulaire de libre établissement en vue d’instruire sa demande dans le cadre de cette procédure prévue aux articles R. 212-88 à R. 212-91 du code du sport. Estimant que l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin durant la saison hivernale relevait de la libre prestation de service, M. A… a formé un recours gracieux rejeté par le préfet de l’Isère par décision du 17 octobre 2017, notifiée le 23 octobre 2017. Estimant avoir subi un préjudice moral et économique à raison du rejet de son recours gracieux par l’autorité administrative compétente, M. A… a, par un courrier du 5 décembre 2017, adressé une réclamation indemnitaire à hauteur d’un million d’euros avant de saisir le tribunal administratif de Grenoble, qui par jugement du 5 mars 2020, a annulé la décision préfectorale du 17 octobre 2017 et condamné l’Etat à verser à M. A… une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par le présent recours, la ministre des sports relève appel de ce jugement dont elle demande l’annulation pour erreur de droit. Par un mémoire incident, M. A… demande à la cour de confirmer le jugement attaqué, en tant qu’il a prononcé l’annulation de la décision litigieuse, et de réformer ce jugement, en ordonnant à l’autorité administrative compétente de lui délivrer le récépissé de libre prestation de services sollicité et en condamnant l’Etat à l’indemniser à hauteur de 50 000 euros et de 165 000 euros en réparation respectivement de son préjudice moral et de son préjudice économique.

Sur le moyen d’annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 212-1 du code du sport dans sa version applicable à l’espèce :  » I. -Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d’occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l’article L. 212-2 du présent code, les titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée ; (…) II. -Le diplôme mentionné au I peut être un diplôme étranger admis en équivalence. (…) « . Aux termes de l’article L. 212-7 du même code :  » Les fonctions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 212-1 peuvent être exercées sur le territoire national par les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne ou des Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen, qui sont qualifiés pour les exercer dans l’un de ces Etats. Ces fonctions peuvent également être exercées, de façon temporaire et occasionnelle, par tout ressortissant légalement établi dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Toutefois lorsque l’activité concernée ou la formation y conduisant n’est pas réglementée dans l’Etat d’établissement, le prestataire doit l’avoir exercée, dans un ou plusieurs Etats membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen, à temps plein pendant au moins une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente, au cours des dix années qui précèdent la prestation. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent article et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu’il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l’article L. 212-1. Ce décret précise notamment la liste des activités dont l’encadrement, même occasionnel, peut être subordonné, si la sécurité des personnes l’exige compte tenu de l’environnement spécifique et des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées, au contrôle préalable de l’aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance du milieu naturel, des règles de sécurité et des dispositifs de secours. Ce décret précise également les conditions et les modalités de l’accès partiel à la profession d’éducateur sportif. « . En application de l’article R. 212-91 du code du sport, les activités relatives au ski et ses dérivés relèvent des activités s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions précitées de l’article L. 212-1 du code du sport.

3. D’une part, aux termes de l’article R. 212-88 de ce même code :  » Tout ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qualifié pour y exercer tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 conformément aux conditions mentionnées à l’article R. 212-90 et qui souhaite s’établir sur le territoire national à cet effet doit en faire préalablement la déclaration au préfet du département dans lequel il compte exercer son activité à titre principal. Toutefois, lorsque la déclaration porte sur une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions de l’article L. 212-7, le préfet compétent est précisé par arrêté du ministre chargé des sports. La liste des pièces nécessaires à la déclaration d’activité et à son renouvellement est fixée par arrêté du ministre chargé des sports. Le préfet vérifie le dossier de demande et en accuse réception dans le mois suivant sa réception dès lors que celui-ci est complet, ou, le cas échéant, demande au déclarant de le compléter dans un délai d’un mois. A défaut, la demande est déclarée irrecevable. La déclaration est renouvelée tous les cinq ans. Le préfet est informé de tout changement de l’un des éléments qui y figure. « .

4. D’autre part, aux termes de l’article R. 212-92 du code du sport :  » Sous réserve d’avoir adressé au préfet une déclaration dans les conditions prévues au présent article, peuvent exercer sur le territoire national tout ou partie des activités mentionnées à l’article L. 212-1, à titre temporaire et occasionnel et sans y être établis, les ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen légalement établis dans l’un de ces Etats pour y exercer les mêmes activités et qui, dans le cas où ni ces activités ni la formation y conduisant n’y sont réglementées, les ont exercées dans un ou plusieurs Etats membres à temps plein pendant au moins une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente, au cours des dix années précédant la prestation (…) La déclaration est renouvelée tous les ans. Le préfet est informé de tout changement de l’un quelconque des éléments qui y figurent. (…) « .

5. Il résulte des dispositions précitées que l’exercice sur le territoire national, à titre temporaire et occasionnel et sans y être établis, d’une activité mentionnée à l’article L. 212-1 du code du sport dans le cadre de la libre prestation de services prévu par les dispositions des articles R. 212-92 à R. 212-94, s’applique aux ressortissants de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen légalement établis dans l’un de ces Etats pour y exercer les mêmes activités. Lorsque le ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, qualifié pour y exercer tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 conformément aux conditions mentionnées à l’article R. 212-90, souhaite s’établir sur le territoire national à cet effet, au sens des dispositions de l’article R. 212-88 du code du sport, il doit en faire préalablement la déclaration au préfet du département dans lequel il compte exercer son activité à titre principal.

6. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

7. Au cas d’espèce, il ressort de la lecture de la décision contestée, que le préfet de l’Isère a refusé de délivrer à M. A… le récépissé de déclaration de libre prestation de service pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin sollicité au motif que sa déclaration relevait de la procédure de libre établissement.

8. Le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision pour erreur de droit au motif que si la durée d’exercice de l’activité sur le territoire français constitue un indice permettant de déterminer le régime juridique applicable à cette déclaration, et ainsi éviter tout détournement de procédure, le préfet de l’Isère ne pouvait se fonder exclusivement sur la seule durée de la prestation envisagée pour la requalifier en souhait d’établissement en France sans la combiner avec les autres critères jurisprudentiels liés notamment à la fréquence et la continuité de l’exercice de cette activité. Les premiers juges ont, également, relevé qu’alors qu’il n’était pas contesté que M. A… n’avait pas déposé de déclaration au titre des années précédentes pour exercer l’activité de moniteur de ski en France, aucun élément figurant sur sa déclaration de libre prestation de services ne manifestait sa volonté de s’établir en France à titre principal et, que s’agissant d’une première déclaration et non de déclarations systématiquement renouvelées chaque année, M. A… ne pouvait à ce stade, être regardé comme souhaitant exercer cette activité professionnelle en France de façon stable et continue. Ils en ont déduit qu’en estimant que la déclaration de M. A… relevait de la procédure de libre établissement et non de la libre prestation de services au seul motif qu’elle portait sur une période de quatre mois correspondant à la saison hivernale de ski en France, le préfet de l’Isère avait commis une erreur d’appréciation.

9. Toutefois, il ressort de la lettre même des dispositions des articles R. 212-88 à R. 212-91 du code du sport, issues de la transposition en droit interne de la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union européenne et de l’Espace économique européen par l’ordonnance du 22 décembre 2016, qui régissent les conditions d’exercice des activités réglementées dont font partie les activités d’éducateur sportif s’exerçant en environnement spécifique, à l’instar du ski alpin, au sens des dispositions précitées des articles L. 212-7 et R. 212-91, que ce qui permet de déterminer le régime de déclaration applicable à un ressortissant de l’Union européenne souhaitant exercer en France la profession de moniteur de ski, dans le cadre de la libre prestation de service prévue aux articles R. 212-92 à R. 212-94 du code du sport, ou du libre établissement prévu aux articles R. 212-88 à R. 212-1 du même code, dépend de son éventuel établissement dans son Etat membre d’origine ou dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Si l’intéressé est légalement établi, pour l’exercice de cette activité, dans un autre Etat membre et qu’il remplit les conditions de qualifications professionnelles requises sur le territoire français, il peut déclarer l’exercice à titre temporaire et occasionnel en France, sans y être établi, de cette même activité dans le cadre de la libre prestation de service. Dans le cas contraire, il relève de la procédure de libre établissement.

10. Au cas d’espèce, M. A…, qualifié au Royaume-Uni, n’établit ni même n’allègue être légalement établi dans son Etat membre d’origine pour exercer l’activité de moniteur de ski, ni être légalement établi pour cet exercice dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou un Etat partie à l’accord de l’Espace économique européen. Dans ces conditions, sa situation relevait de la procédure de déclaration obligatoire prévue à l’article R. 212-88 et suivants du code du sport, par un ressortissant de l’Union européenne souhaitant s’établir en France pour exercer l’activité de moniteur de ski alpin pour la saison hivernale. La circonstance que sa déclaration portait sur l’exercice de l’activité de moniteur de ski de manière continue sur toute la saison hivernale atteste qu’il souhaitait exercer cette activité sur le territoire national dans le cadre d’un établissement au sens des dispositions précitées de l’article R. 212-88 du code du sport, et non à titre temporaire et occasionnel sans y être établi, en application des dispositions de l’article R. 212-92 du même code.

11. Dans ces conditions, le préfet de l’Isère a pu, sans entacher sa décision d’erreur de droit ni d’une erreur d’appréciation de la situation de M. A…, refuser de lui délivrer le récépissé de déclaration de libre prestation de service sollicité au motif que sa déclaration ne relevait pas de cette procédure définie aux articles R. 212-92 à R. 212-94 du code du sport, et l’inviter à déposer une déclaration de libre établissement dans les conditions prévues aux articles R. 212-88 à R. 212-91 du code du sport, dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que l’intéressé entendait exercer cette activité à titre principal dans le département de l’Isère conformément aux dispositions de l’article R. 212-88 du code.

12. Par suite, la ministre chargée des sports est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour ces motifs la décision préfectorale du 17 octobre 2017.

13. Par l’effet dévolutif de l’appel, il y a lieu pour la cour d’examiner les moyens soulevés en première instance et en appel, au soutien de la demande.

14. M. A… soutient que sa demande relève de la procédure de libre prestation de services et que le préfet de l’Isère ne pouvait, pour refuser de lui délivrer le récépissé sollicité et l’obliger à recourir à la procédure de libre établissement, se fonder sur la seule durée d’exercice de l’activité de moniteur de ski, sollicitée pour la saison hivernale, sans combiner ce critère aux critères de fréquence, périodicité et continuité retenue par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Toutefois, si, par son arrêt du 30 novembre 1995, 55/94 Gebhard, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que le caractère temporaire de la prestation de services, prévu par l’article 60, troisième alinéa du traité CE, est à apprécier en fonction de sa durée, de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité, cette définition jurisprudentielle de la libre prestation de service est sans incidence sur la qualification de libre établissement de la procédure à laquelle M A… est tenu en application des dispositions du code du sport portant transposition de la directive 2013-55/U dont relève l’activité de moniteur de ski eu égard aux conditions dans lesquelles il entend l’exercer à titre principal. Le moyen tiré de ce que ce faisant le préfet de l’Isère l’obligerait à établir un établissement stable en France est inopérant, cette notion d’établissement stable n’ayant aucune application ici.

15. En outre, M. A…, relevant de la procédure de libre établissement qui en application de l’article R. 212-90-2 dans sa rédaction issue du décret du 9 août 2017 susvisé, ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 7ème alinéa de l’article R. 212-93 du code du sport relatives à la libre prestation de services. Au demeurant, la décision du 17 octobre 2017 prise sur recours gracieux à l’encontre de la décision du 16 août 2017 par laquelle le préfet de l’Isère a rejeté sa déclaration comme irrecevable en indiquant à l’intéressé que sa demande relevait de la procédure, n’a fait naître aucune reconnaissance implicite de ses qualifications.

16. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 5.1 de la directive prohibant toute restriction à la libre prestation de services pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles est inopérant s’agissant d’une profession réglementée. Pour le même motif, le moyen tiré de l’atteinte majeure portée par le préfet de l’Isère à la libre circulation d’un ressortissant européen n’est pas fondé.

17. Par suite, les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure, d’un abus de droit et de l’existence d’une décision illégale et fautive doivent être écartés comme non fondés.

18. Dès lors, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’existence d’un lien de causalité direct et certain et sur l’existence même des préjudices allégués, la demande de réparation des préjudices moral et économique à raison de la décision litigieuse ne peut qu’être rejetée.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A… doit être rejetée dans toutes ses conclusions. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction et de condamnation de l’Etat à réparation de ses préjudices, ensemble ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande et les conclusions de M. A… présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre chargée des sports et M. B… A….