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Vente directe de forfaits/ Responsabilité de l’EPCI à l’égard du délégataire (non)

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 13MA01633
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre – formation à 3
M. BOCQUET, président
M. Michel POCHERON, rapporteur
M. REVERT, rapporteur public
GIANSILY, avocat

lecture du lundi 29 décembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 3 mai 2013 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille sous le n° 13MA01633, présentée pour la société  » Maulin Montagne Participations « , dont le siège est 51 rue de la République à Barberaz (73000), représentée par son président en exercice, venant aux droits de la société  » Pra Loup Ski Développement « , par Me E…; la société demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1007671 du 5 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société  » Pra Loup Ski Développement  » tendant à la condamnation de la communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye à lui verser la somme de 532 458 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable et capitalisation annuelle de ces intérêts, en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du chef de ce que la communauté a commercialisé en direct et à son insu 1 251 forfaits  » skipass Ubaye « , et fixé unilatéralement et irrégulièrement les tarifs publics de base individuels forfaits personnalisés, à ce qu’il soit enjoint à ladite communauté de procéder au calcul de la répartition des ventes de forfaits  » skipass  » saison 2007/2008 entre les trois domaines skiables en prenant en compte le  » moment de puissance  » et de lui transmettre les documents justificatifs, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à ce que le tribunal constate qu’elle ne peut fixer son préjudice complémentaire qu’à la condition de disposer de ces informations, à la condamnation de la communauté de communes  » Vallée de l’Ubaye  » à lui payer le montant lui revenant issu de cette nouvelle répartition, et à la mise à la charge de la communauté de communes  » Vallée de l’Ubaye  » de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner la communauté de communes à lui verser la somme de 532 458 euros avec intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable de la société  » Pra Loup Ski Développement  » et capitalisation annuelle de ces intérêts ;

3°) d’enjoindre à la communauté de communes  » Vallée de l’Ubaye  » de procéder au calcul de la répartition des ventes de forfaits  » ski pass  » saison 2007/2008 entre les trois domaines skiables en prenant en compte le  » moment de puissance « , et de lui transmettre les documents justificatifs, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de constater qu’elle ne peut fixer son préjudice complémentaire qu’à la condition de disposer des informations transmises par la communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye sur la répartition des ventes de forfaits  » ski pass  » ;

5°) de condamner la communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye à lui payer le montant lui revenant issu de cette répartition ;

6°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye une somme de 4 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

——————————————————————————————————-

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 décembre 2014 :

– le rapport de M. Pocheron, président-assesseur,

– les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

– les observations de MeE…, pour la société  » Maulin Montagne Participations « , et de MeC…, substituant MeD…, pour la communauté de communes  » Vallée de l’Ubaye  » ;

1. Considérant que la société  » Maulin Montagne Participations  » relève appel du jugement du 5 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société  » Pra Loup Ski Développement  » tendant à la condamnation de la communauté de communes  » Vallée de l’Ubaye  » (CCVU) à lui verser la somme de 532 458 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable et capitalisation annuelle de ces intérêts, en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du chef de ce que la communauté a commercialisé en direct et à son insu 1 251 forfaits  » ski pass Ubaye « , et fixé unilatéralement et irrégulièrement les tarifs publics de base individuels des forfaits personnalisés, à ce qu’il soit enjoint à ladite communauté de procéder au calcul de la répartition des ventes de forfaits  » ski pass  » saison 2007/2008 entre les trois domaines skiables en prenant en compte le  » moment de puissance  » et de lui transmettre les documents justificatifs, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à ce que le tribunal constate qu’elle ne peut fixer son préjudice complémentaire qu’à la condition de disposer de ces informations, et à la condamnation de la communauté de communes  » Vallée de l’Ubaye  » à lui payer le montant lui revenant issu de cette nouvelle répartition ;

Sur la responsabilité de la communauté de communes  » Vallée de l’Ubaye  » :

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la station de sports d’hiver de Pra Loup est placée sous l’autorité organisatrice du syndicat mixte d’aménagement de Pra Loup (SMAP), créé par arrêté préfectoral du 22 octobre 1993 ; que la communauté de communes de la  » Vallée de l’Ubaye  » (CCVU) est membre de ce syndicat, représentée par quatre membres au conseil communautaire, les cinq autres membres étant désignés par le département des Alpes-de-Haute-Provence ; que le domaine skiable de la station était exploité en 2007 par une société de remontées mécaniques, la société  » Pra Loup Développement « , dépendant directement de la société  » Transmontagne  » ; que celle-ci a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 10 juillet 2007 ; que, par un nouveau jugement du 16 octobre 2007, ce même tribunal a arrêté le plan de cession des actifs au bénéfice de la société  » Maulin Montagne Participations « , qui a constitué une nouvelle société  » Pra Loup Ski Développement  » pour poursuivre l’exploitation du domaine skiable de Pra Loup ; que cette société, reprenant les droits de la société  » Transmontagne « , ayant elle-même repris les droits de la société d’économie mixte (SEM)  » Ubaye Développement « , a poursuivi la convention d’exploitation du service des remontées mécaniques de la station conclue le 22 décembre 1994 entre le président du SMAP et le président de la SEM  » Ubaye Développement  » ; que, parallèlement, par délibération du 13 mars 2007, le comité syndical du SMAP a approuvé le principe de la grille tarifaire pour la saison hivernale 2007/2008, présentée comme ayant été  » proposée par l’exploitant « , et qui se borne à indiquer que les tarifs  » adulte  » comme les tarifs  » enfant/sénior  » seront à définir avec la CCVU ; que, lors d’une réunion du 14 juin 2007, en présence du président de la CCVU et des représentants des trois stations de Pra Loup, Super-Sauze et Sainte-Anne, la station de Pra loup étant représentée par M. B…A…, et de la société  » Pra Loup Développement « , alors encore exploitante, il a été décidé que le tarif des  » ski pass jeunes  » serait porté à 82 euros, cette augmentation étant supportée à hauteur de 0,5 euro par la CCVU et de 1 euro par les usagers, que ces forfaits seraient vendus à compter du 15 novembre 2007 et jusqu’au 15 janvier 2008, et que le forfait  » ski pass adulte  » serait vendu 248 euros avant le 15 novembre 2007, puis 261 euros s’il était acquis entre le 16 novembre et le 15 décembre 2007 ; qu’en application de cette décision, le conseil communautaire de la CCVU a, par délibération du 5 juillet 2007, décidé de fixer la participation des familles à 32 euros par carte  » ski pass jeunes « , 50 euros restant à la charge de la communauté, de conserver la même répartition du produit de la vente des  » ski pass ski alpin  » qu’en 2006/2007, à savoir 48 % en ce qui concerne les remontées mécaniques de Pra Loup, et d’encaisser dans le cadre d’une régie créée à cet effet les 32 euros acquittés par les familles ; qu’il appartenait à la société  » Pra Loup Développement « , alors exploitante, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire et de reprise de ses activités, d’informer la société  » Maulin Montagne Participations  » de ces décisions successives prises sur sa proposition et avec son accord ; qu’ainsi, et à supposer même que la société requérante puisse invoquer la responsabilité pour faute d’un tiers à la convention du 22 décembre 1994, elle n’est pas fondée à soutenir que la CCVU aurait fixé de manière unilatérale et à son insu, en méconnaissance de l’article 8 de la convention, à laquelle au demeurant celle-ci n’était pas partie, les tarifs des forfaits applicables par la station de Pra Loup pour la saison 2007/2008 ; que la circonstance que la communauté a commercialisé certains des forfaits, en accord avec l’exploitant de la station, et en s’engageant à lui reverser le produit de la vente correspondant, n’est pas de nature à constituer une faute susceptible d’engager la responsabilité de la CCVU à l’égard du nouvel exploitant des remontées mécaniques ;

3. Considérant que la circonstance que la CCVU, en pratiquant un tarif préférentiel pour certaines catégories d’usagers des remontées mécaniques, aurait méconnu le principe d’égalité entre usagers du service public, est, en tout état de cause, insusceptible d’engager la responsabilité de la communauté à l’égard de la société requérante, le préjudice allégué tiré de ce que, sans l’existence de ce tarif préférentiel, les acheteurs des forfaits à prix réduits auraient acquis des forfaits au tarif normal n’ayant pas un caractère suffisamment certain ;

4. Considérant que le  » moment de puissance  » est défini par le service technique des remontées mécaniques et des transports guidés comme la multiplication du débit (en personne par heure) à la montée de l’installation par le dénivelé parcouru (exprimé en kilomètres) ; qu’il s’agit d’une unité utilisée pour mesurer les capacités des installations de remontées mécaniques, permettant d’avoir une vision homogène des appareils, d’évaluer le volume global d’un parc de remontées mécaniques, et donc de comparer les stations entre elles ; qu’il est ainsi utilisé par  » Domaines skiables de France  » pour classer les stations en petites, moyennes, grandes ou très grandes ; qu’aucune disposition législative ou règlementaire, et, dans le cas de l’espèce, aucune stipulation contractuelle engageant la CCVU à l’égard de la société exploitant les remontées mécaniques de Pra Loup, n’imposait que la communauté ait recours à ce  » moment de puissance  » pour déterminer entre les trois stations concernées la répartition du produit de la vente des forfaits  » ski alpin  » ; que la société  » Maulin Montagne Participations  » ne justifie par ailleurs pas, en tout état de cause, en quoi le taux de 48 % retenu pour la saison 2007/2008 par la CCVU en ce qui concerne la station de Pra Loup serait constitutif d’une faute susceptible d’engager la responsabilité de la communauté à son égard ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa requête, et de la demande de première instance de la société  » Pra Loup Ski développement « , la société  » Maulin Montagne Participations  » n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société  » Pra Loup Ski Développement  » ; que ses conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte, ainsi que de constatation, présentées en appel, ne peuvent, en tout état de cause, et par voie de conséquence, qu’être rejetées ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société  » Maulin Montagne Participations  » le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la communauté de communes  » Vallée de l’Ubaye  » et non compris dans les dépens ;

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la CCVU, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société  » Maulin Montagne Participations  » la somme que celle-ci réclame au titre des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société  » Maulin Montagne Participations  » est rejetée.
Article 2 : La société  » Maulin Montagne Participations  » versera à la communauté de communes  » Vallée de l’Ubaye  » une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la communauté urbaine  » Vallée de l’Ubaye  » est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société  » Maulin Montagne Participations  » et à la communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye .

Secouristes décédés en mission/ Indemnisation du préjudice moral des ayants-droit/ Responsabilité sans faute de l’Etat

CAA de BORDEAUX

N° 13BX00409
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre (formation à 3)
M. CHEMIN, président
Mme Florence REY-GABRIAC, rapporteur
M. BENTOLILA, rapporteur public
SOCIÉTÉ D’AVOCATS DARMENDRAIL ET SANTI, avocat

lecture du lundi 7 juillet 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la requête enregistrée par télécopie le 5 février 2013, et régularisée par courrier le 7 février suivant, présentée pour M. A…G…, demeurant…, Mme B…D…, épouseG…, demeurant à…, demeurant…, et M. E…G…, demeurant…, par la Selarl d’avocats Darmendrail et Santi ;

Les consorts G…demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1100839, 1101032 du 6 décembre 2012 du tribunal administratif de Pau en tant qu’il n’a que partiellement fait droit à leur demande d’indemnisation de leurs préjudices respectifs résultant du décès de M. C…G…survenu en service, le 5 juin 2006 en condamnant l’Etat à verser seulement les sommes de 8 000 euros à M. A… G…, 8 000 euros à Mme B…D…, épouseG…, 4 000 euros à M. F…G…, et 4 000 euros à M. E…G…;

2°) à titre principal, de condamner l’Etat à verser 25 000 euros à M. A… G…, 25 000 euros à Mme B…D…, épouseG…, 15 000 euros à M. F… G…, et 15 000 euros à M. E…G…;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l’Etat à verser 18 000 euros à M. A… G…, 18 000 euros à Mme B…D…, épouseG…, 9 000 euros à M. F… G…, et 9 000 euros à M. E…G…;

4°) subsidiairement encore, de condamner l’Etat à verser 15 000 euros à M. A… G…, 15 000 euros à Mme B…D…, épouseG…, 8 000 euros à M. F… G…, et 8 000 euros à M. E…G…;

5°) d’assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter du recours préalable du 23 décembre 2010 et de la capitalisation des intérêts ;

6°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 modifiée ;

Vu l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 mai 2014 :

– le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;
– les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que M. C…G…, pilote d’hélicoptère, affecté à la base d’hélicoptères de la sécurité civile de Pau, est décédé en service, le 5 juin 2006, lors d’un accident d’hélicoptère survenu au cirque de Gavarnie (Hautes-Pyrénées), alors qu’il participait, en sa qualité de pilote contractuel, à une mission d’entraînement au secours en montagne de la section montagne de la compagnie républicaine de sécurité n° 29 de Lannemezan ; que les consorts G…recherchent la responsabilité de l’Etat en réparation des préjudices qu’ils estiment avoir subis, en leurs qualités d’ayants droit, à raison du décès accidentel de M. C… G… dans l’exercice de ses fonctions ; qu’ils font appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 6 décembre 2012, en ce qu’il n’a condamné l’Etat à leur verser, au titre de leur préjudice moral, que les sommes de 8 000 euros à M. A…G…, de 8 000 euros à Mme B…D…, épouseG…, de 4 000 euros à M. F… G… et de 4 000 euros à M. E…G…;

2. Considérant que, dans le cadre de l’obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques que ces derniers peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions, les ayants droit d’un agent contractuel de droit public décédé lors d’ un accident de service ont droit à la réparation, de la part de la collectivité qui l’employait, même en l’absence de faute de celle-ci, à une indemnité réparant leur préjudice moral personnel ;

Sur le montant du préjudice :

3. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que M. C…G…étant décédé à la suite de la chute accidentelle de l’hélicoptère de la sécurité civile, dont il était le pilote à l’occasion d’une mission d’entraînement au secours en montagne de la compagnie républicaine de sécurité de Lannemezan, les requérants, dont la qualité d’ayants droit de la victime, agent contractuel de la fonction publique de l’Etat, n’est pas contestée, sont en droit de demander, même en l’absence de faute de l’administration, la réparation par l’Etat de leur préjudice moral respectif résultant de son décès survenu dans l’exercice de ses fonctions ; que, dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre par M. A…G…et Mme B… D…, épouse G…à raison du décès de leur fils en l’évaluant à la somme de 15 000 euros chacun, ainsi que du préjudice moral également subi par les frères de la victime, M. F… G… et M. E… G… en l’évaluant à la somme de 8 000 euros chacun ; qu’il y a lieu, dès lors, de porter à ces montants les indemnités déjà mises à ce titre à la charge de l’Etat par le tribunal administratif ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les consorts G…sont seulement fondés à demander la réformation du jugement attaqué à hauteur des sommes mentionnées ci-dessus ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

5. Considérant que les consorts G…ont respectivement droit aux intérêts sur les sommes que l’Etat est condamné à leur verser à chacun, en application de l’article 1153 du code civil, à compter du 28 décembre 2010, date de réception par le ministre chargé de l’intérieur de leur réclamation préalable ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 31 mars 2011 ; qu’ainsi que l’a relevé le tribunal administratif, si cette capitalisation peut être demandée à tout moment devant le juge, elle ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus pour une année entière ; qu’il y a lieu, par suite, de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts sur les sommes supplémentaires allouées, conformément à l’article 1154 du code civil, à compter du 28 décembre 2011, date à laquelle il était dû une année entière d’intérêts, et à chacune des échéances annuelles ultérieures ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat une somme globale de 1 500 euros à verser aux consorts G…au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Les sommes que l’Etat a été condamné à verser par l’article 1er du jugement n° 1100839, 1101032 du 6 décembre 2012 du tribunal administratif de Pau sont portées respectivement à 15 000 euros pour M. A…G…, 15 000 euros pour Mme B… D…, épouseG…, 8 000 euros pour M. F… G…et 8 000 euros pour M. E…G…. Les sommes supplémentaires ainsi allouées porteront intérêts à compter du 28 décembre 2010. Les intérêts échus le 28 décembre 2011 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu’à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 2 : Le jugement n° 1100839, 1101032 du 6 décembre 2012 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er ci-dessus.
Article 3 : L’Etat versera aux consorts G…la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code justice administrative.
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No 13BX00409

CAA de BORDEAUX

N° 13BX00406
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre (formation à 3)
M. CHEMIN, président
Mme Florence REY-GABRIAC, rapporteur
M. BENTOLILA, rapporteur public
SOCIÉTÉ D’AVOCATS DARMENDRAIL ET SANTI, avocat

lecture du lundi 7 juillet 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la requête enregistrée par télécopie le 5 février 2013, et régularisée par courrier le 7 février suivant, présentée pour Mme G…I…, veuve F…B…, demeurant…, M. C…B…, demeurant à…, demeurant …et M. H…B…, demeurant…, par la Selarl d’avocats Darmendrail et Santi ;

Les consorts B…demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1100807, 1100976 du 6 décembre 2012 du tribunal administratif de Pau en tant qu’il n’a que partiellement fait droit à leur demande d’indemnisation de leurs préjudices respectifs résultant du décès de M. F…B…survenu en service le 5 juin 2006 en condamnant l’Etat à verser seulement les sommes de 22 000 euros à Mme G… I…, veuveB…, 15 000 euros à M. C…B…, 8 000 euros à M. E…B…, 8 000 euros à Mme A…D…, épouse B…et 4 000 euros à M. H… B…;

2°) à titre principal, de condamner l’Etat à verser 35 000 euros à MmeI…, veuveB…, 35 000 euros à M. C…B…, 25 000 euros à M. E…B…, 25 000 euros à MmeD…, épouse E…B…et 15 000 euros à M. H…B…;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l’Etat à verser 25 000 euros à MmeI…, veuveB…, 25 000 euros à M. C…B…, 18 000 euros à M. E…B…, 18 000 euros à MmeD…, épouse E…B…et 9 000 euros à M. H…B…;

4°) subsidiairement encore, de condamner l’Etat à verser 22 000 euros à Mme I… veuveB…, 22 000 euros à M. C…B…, 15 000 euros à M. E… B…, 15 000 euros à MmeD…, épouse E…B…et 8 000 euros à M. H… B…;

5°) de condamner l’Etat à verser à Mme B…la somme de 235 171 euros au titre de son préjudice économique ;

6°) d’assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter du recours préalable du 23 décembre 2010 et de la capitalisation des intérêts ;

7°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

———————————————————————————————————
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 modifiée ;

Vu l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 mai 2014 :

– le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;
– les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

1 Considérant que M. F…B…, lieutenant de police affecté à la base d’hélicoptères de la sécurité civile de Pau, est décédé en service, le 5 juin 2006, lors d’un accident d’hélicoptère survenu au cirque de Gavarnie (Hautes-Pyrénées), alors qu’il participait, en sa qualité de mécanicien de bord, à une mission d’entraînement au secours en montagne de la section montagne de la compagnie républicaine de sécurité n° 29 de Lannemezan ; que les consorts B…recherchent la responsabilité de l’Etat en réparation des préjudices qu’ils estiment avoir subis, en leurs qualités d’ayants droit, à raison du décès accidentel de M. F…B…dans l’exercice de ses fonctions ; qu’ils font appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 6 décembre 2012, en ce qu’il n’a condamné l’Etat à les indemniser qu’au titre de leur seul préjudice moral et n’a alloué à ce titre que les sommes de 22 000 euros à Mme G… I…, veuveB…, 15 000 euros à M. C…B…, 8 000 euros à M. E… B…, 8 000 euros à MmeD…, épouse E…B…et 4 000 euros à M. H… B…; que les consorts B…demandent la réévaluation de ces sommes ainsi que la réparation du préjudice économique à hauteur de 235 171 euros au bénéfice de Mme veuve B… et son fils ;

2. Considérant qu’en vertu des articles L. 38 à L. 46 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les ayants droit de fonctionnaires civils de l’Etat décédés dans l’exercice de leurs fonctions ont notamment droit, s’agissant du conjoint survivant, au versement d’une pension de réversion à laquelle s’ajoute, le cas échéant, la moitié de la rente d’invalidité et de la majoration prévue à l’article L. 18 du même code, et dont le fonctionnaire bénéficiait ou aurait pu bénéficier et, s’agissant des enfants, en principe jusqu’à l’âge de vingt-et-un ans, à une pension égale à 10 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu’il aurait pu obtenir au jour de son décès, et augmentée, le cas échéant, de 10 % de la rente d’invalidité dont celui-ci bénéficiait ou aurait pu bénéficier ;

3. Considérant que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les ayants cause d’un fonctionnaire civil décédé lors d’un accident de service peuvent prétendre, dans le cadre de l’obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques que ces derniers peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions ; qu’elles ne font cependant obstacle ni à ce que les ayants cause du fonctionnaire décédé, ainsi que ses autres ayants droit éventuels, obtiennent de la collectivité qui l’employait, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant, de manière distincte, leur préjudice moral personnel, ni à ce qu’une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée par les ayants cause contre la collectivité, dans le cas notamment où l’accident serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité, et dès lors que la réparation forfaitaire qui leur est légalement allouée, en application des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, ne répare pas l’intégralité de ce dommage ;

Sur le préjudice moral :

4. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que M. F…B…étant décédé accidentellement à la suite de la chute de l’hélicoptère de la sécurité civile dont il était le mécanicien de bord à l’occasion d’une mission d’entraînement au secours en montagne de la compagnie républicaine de sécurité de Lannemezan, les requérants, dont la qualité d’ayants droit de la victime, agent titulaire de la fonction publique de l’Etat, n’est pas contestée, sont fondés, même en l’absence de faute de l’administration, à demander la réparation par l’Etat de leur préjudice moral respectif résultant de son décès survenu dans l’exercice de ses fonctions ; que, dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre par les proches de la victime, en évaluant à 25 000 euros celui subi par Mme G…B…du fait du décès de son mari, à 20 000 euros celui de son fils, M. C…B…, âgé de vingt ans au moment de l’accident et vivant avec ses parents, à 15 000 euros le préjudice moral subi par le père de la victime, M. E… B…, à 15 000 euros également celui subi par la mère, Mme A…B…, et enfin à 8 000 euros celui du frère, M. H…B…; qu’il y a lieu de porter à ces montants les indemnités déjà mises à ce titre à la charge de l’Etat par le tribunal administratif ;

Sur le préjudice économique :

5. Considérant que Mme G…I…, veuve de M.B…, et son fils ClémentB…, demandent sur le fondement de la responsabilité pour faute, le versement par l’Etat d’une indemnité au titre de pertes de revenus qui ne seraient pas réparées par le versement d’une pension de réversion et d’un capital-décès ;

6. Considérant que les requérants soutiennent que les services de l’Etat ont commis des négligences, aussi bien dans la formation et l’information des pilotes aux risques spécifiques que présente l’hélicoptère de type EC 145 dans certaines conditions d’utilisation en haute montagne et en vol stationnaire, que dans la mise en condition technique et opérationnelle, la préparation des matériels aériens et les doctrines d’emploi ; que, toutefois, les requérants n’apportent aucun élément de nature à établir l’existence des fautes alléguées ; qu’en l’absence de toute précision sur l’état d’avancement de la procédure pénale qui serait en cours, il n’y a pas lieu pour la cour de surseoir à statuer dans l’attente de la fin de cette action pénale ; que, par suite, Mme G… B…et M. C…B…ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l’indemnisation du préjudice économique qu’ils invoquent ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les consorts B…sont seulement fondés à demander la réformation du jugement attaqué à hauteur des sommes mentionnées ci-dessus ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

8. Considérant que les consorts B…ont respectivement droit aux intérêts sur les sommes que l’Etat est condamné à leur verser à chacun, en application de l’article 1153 du code civil, à compter du 28 décembre 2010, date de réception par le ministre chargé de l’intérieur de leur réclamation préalable ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 28 mars 2011 ; qu’ainsi que l’a relevé le tribunal administratif, si cette capitalisation peut être demandée à tout moment devant le juge, elle ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus pour une année entière ; qu’il y a lieu, par suite, de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts sur les sommes supplémentaires allouées, conformément à l’article 1154 du code civil, à compter du 28 décembre 2011, date à laquelle il était dû une année entière d’intérêts, et à chacune des échéances annuelles ultérieures ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge de l’Etat une somme globale de 1 500 euros à verser aux consorts B…au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Les sommes que l’Etat a été condamné à verser par l’article 1er du jugement n° 1100807, 1100976 du 6 décembre 2012 du tribunal administratif de Pau sont portées respectivement à 25 000 euros pour Mme G…I…, veuveB…, à 20 000 euros pour M. C…B…, à 15 000 euros pour M. E… B…, à 15 000 euros pour Mme A…D…, épouseB…, et à 8 000 euros pour M. H…B…. Les sommes supplémentaires ainsi allouées porteront intérêts à compter du 28 décembre 2010. Les intérêts échus le 28 décembre 2011 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêt,s ainsi qu’à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 2 : Le jugement n° 1100807, 1100976 du 6 décembre 2012 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er ci-dessus.
Article 3 : L’Etat versera aux consorts B…la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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No 13BX00406

Concessions de remontées mécaniques/ Fiscalité des biens de retour (taxe foncière)

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 13LY03454
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre – formation à 3
M. BOURRACHOT, président
M. François BOURRACHOT, rapporteur
M. LEVY BEN CHETON, rapporteur public
VANDENBUSSCHE & BENHAMOU, avocat
lecture du mardi 16 décembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
——————————————————————————–
Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors, dont le siège est au Télécabine Côte 2000 à Villard de Lans (38250) ;

La société d’équipement de Villard -de-Lans et de Corrençon-en-Vercors demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1105638 du 23 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre exécutoire émis à son encontre par la commune de Corrençon-en-Vercors le 4 mai 2011 et a mis à charge une somme de 1 000 euros au titre des frais d’instance exposés et non compris dans les dépens ;

2°) de la décharger de l’obligation de payer les sommes visées par ledit titre exécutoire et par le commandement de payer du 5 octobre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Corrençon-en-Vercors la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c’est à tort que les premiers juges ont estimé qu’elle était débitrice à l’égard de la commune d’un remboursement de taxes foncières en application de l’article 11 de la convention conclue, le 26 avril 1985, entre la commune de Corrençon-en-Vercors et la SEVLC qui stipule :  » L’ exploitant supporte toutes les charges de l’exploitation (…) y compris les impôts et taxes  » ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2014, présenté pour la commune de Corrençon-en-Vercors, représenté par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal du 3 février 2014, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SEVLC d’une somme de 2 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; elle fait valoir que la commune intention des parties était bien de mettre la taxe foncière à la charge de l’exploitant ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 2014, présenté pour la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors tendant aux mêmes fins que la requête susvisée par les mêmes moyens et portant le montant de sa demande au titre des frais d’instance exposés et non compris dans les dépens à 5 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juin 2014, présenté pour la commune de Corrençon-en-Vercors tendant aux mêmes fins que le mémoire en défense susvisée par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juillet 2014, présenté pour la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors tendant aux mêmes fins que la requête et le mémoire susvisé par les mêmes moyens ;

Vu l’ordonnance en date du 15 juillet 2014 fixant la clôture d’instruction au 3 août 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code du tourisme ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 novembre 2014 :

– le rapport de M. Bourrachot, président,

– les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public,
– et les observations de Me Manhes, avocat de la commune de Correcnçon-en-Vercors ;
1. Considérant que par convention en date du 26 avril 1985, la commune de Corrençon-en-Vercors a confié à la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors (SEVLC) la gestion  » à ses risques et périls  » de ses remontées mécaniques ainsi que l’aménagement et l’entretien du réseau de pistes de ski desservies et l’aménagement et l’exploitation des installations et des services annexes ; que l’administration fiscale a mis à la charge de la commune, en sa qualité de propriétaire des immeubles ainsi exploités par la SEVLC et au titre des taxes foncières 2010, une somme de 13 389 euros ; que par un titre exécutoire émis le 4 mai 2011, puis par un commandement de payer en date du 5 octobre 2011, la commune de Corrençon-en-Vercors a mis à la charge de la SEVLC le remboursement de cette somme, sur le fondement de l’article 11 de la convention précitée ; que le Tribunal administratif de Grenoble a regardé la SEVLC comme demandant au Tribunal l’annulation de l’obligation de remboursement ainsi mise à sa charge ; que la SEVLC relève appel du jugement du 23 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande ;
2. Considérant que la demande de la SEVLC devant le Tribunal administratif de Grenoble tendait dans un premier temps à l’annulation du titre exécutoire du 4 mai 2011 puis, dans un second temps, à l’annulation du commandement de payer du 5 octobre 2011 ; que de telles demandes doivent être regardées comme tendant à la décharge de l’obligation de payer la somme de 13 389 euros dont le recouvrement est poursuivi par ces actes et la somme de 402 euros correspondant aux frais de commandement ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 1400 du code général des impôts :  » I. Sous réserve des dispositions des articles 1403 et 1404, toute propriété, bâtie ou non bâtie, doit être imposée au nom du propriétaire actuel. / II. Lorsqu’un immeuble est grevé d’usufruit ou loué soit par bail emphytéotique, soit par bail à construction, soit par bail à réhabilitation ou fait l’objet d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public constitutive d’un droit réel, la taxe foncière est établie au nom de l’usufruitier, de l’emphytéote, du preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou du titulaire de l’autorisation. /…  » ;

4. Considérant que, dans le cadre d’une délégation de service public ou d’une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l’ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique ;

5. Considérant que, lorsque des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public, et ainsi constitutifs d’aménagements indispensables à l’exécution des missions de ce service, sont établis sur la propriété d’une personne publique, ils relèvent, de ce fait, du régime de la domanialité publique ; que la faculté offerte aux parties au contrat d’en disposer autrement ne peut s’exercer, en ce qui concerne les droits réels dont peut bénéficier le cocontractant sur le domaine public que selon les modalités et dans les limites définies aux articles L. 1311-2 à L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales puis à l’article L. 2122-20 du code général de la propriété des personnes publiques, à compter de l’entrée en vigueur le 1er juillet 2006 de ce code, et à condition que la nature et l’usage des droits consentis ne soient pas susceptibles d’affecter la continuité du service public ;
6. Considérant qu’à l’expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application des principes énoncés ci-dessus, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l’exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu’elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que la commune de Corrençon-en-Vercors, prise en sa qualité d’autorité concédante, était propriétaire, au 1er janvier des années d’imposition en litige, des ouvrages réalisés par la société SEVLC et lui faisant retour à l’expiration du contrat de concession ; qu’elle était redevable légal de la taxe foncière grevant ces biens ;

8. Considérant toutefois que les principes ci-dessus rappelés n’excluent pas que les parties au contrat puissent, en vertu d’une stipulation expresse et précise de ce contrat, prévoir que le redevable légal d’une imposition soit remboursé du montant de cette imposition par l’autre partie ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la convention conclue, le 26 avril 1985, entre la commune de Corrençon-en-Vercors et la SEVLC :  » L’exploitant supporte toutes les charges de l’exploitation, y compris : – le service des emprunts contractés pour assurer le financement des installations nécessaires à l’exploitation ; – sauf recours contre qui de droit, toutes les indemnités qui pourraient être dues à des tiers à la suite de l’exécution des services ou de l’entretien des installations ; – les frais de timbre et les droits d’enregistrement éventuels du présent contrat ; – les impôts et taxes ; – les frais versés au titre du contrôle des services de transports publics d’intérêt local effectués pour le compte de l’autorité organisatrice à concurrence du taux en vigueur appliqué sur les recettes d’exploitation  » ;

10. Considérant qu’il résulte clairement des stipulations précitées que les parties au contrat ont entendu mettre à la charge du concessionnaire toutes les dépenses et impositions grevant les biens nécessaires à l’exploitation du service en ce compris les biens passibles de la taxe foncière ; que la SEVLC n’est pas fondée à soutenir que la commune de Corrençon-en-Vercors ne pouvait mettre à sa charge le remboursement de la taxe foncière grevant les installations dont la commune était ou était devenue propriétaire ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre des frais d’instance exposés et non compris dans les dépens ;

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :  » Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.  » ;

13. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de SEVLC une somme de 1 500 euros au titre frais d’instance exposés par la commune de Corrençon-en-Vercors et non compris dans les dépens ;

14. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Corrençon-en-Vercors qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, des sommes quelconques au titre et des frais non compris dans les dépens exposés par la SEVLC;

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors est rejetée.
Article 2 : La société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors versera à la commune de Corrençon-en-Vercors une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors et à la commune de Corrençon-en-Vercors
Délibéré après l’audience du 25 novembre 2014 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Bouissac, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2014.

Un cadeau (de Noël) empoisonné : la légalisation du transport motorisé de clients vers les restaurants d’altitude

LOI n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives (JORF n°0295 du 21 décembre 2014 page 21647)

Article 22
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 362-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, le convoyage par ces engins de la clientèle vers les établissements touristiques d’altitude offrant un service de restauration est autorisé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 362-5, le mot : « dernier » est remplacé par le mot : « troisième ».

Restaurant dans une gare de télécabine/ Bail commercial illégal (conditions d’indemnisation)/ Pas de fonds de commerce avant la loi Pinel

Conseil d’État

N° 352402
ECLI:FR:CESSR:2014:352402.20141124
Publié au recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
Mme Esther de Moustier, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP SPINOSI, SUREAU, avocats

lecture du lundi 24 novembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 6 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, dont le siège est 117, place du Prarion, aux Houches (74310) ; la société demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les articles 2, 3 et 4 de l’arrêt n° 10LY02748-10LY02749 du 7 juillet 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, réformant le jugement n° 093555 du 20 octobre 2010 du tribunal administratif de Grenoble, d’une part, a ramené de 377 578 euros à 363 000 euros la somme qu’elle a été condamnée, par ce jugement, à verser à la société Champenoise en réparation des préjudices que cette société a subis du fait de la destruction du local qu’elle occupait dans la gare aval de la télécabine des Houches-Prarion en exécution d’un contrat de bail dont le tribunal a constaté la nullité, d’autre part, a rejeté le surplus de ses conclusions dirigées contre ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel et de rejeter l’appel incident formé par la société Champenoise ;

3°) de mettre à la charge de la société Champenoise la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Esther de Moustier, Auditeur,

– les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Champenoise ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Le Refuge a conclu le 17 janvier 1994 un  » bail commercial  » avec la société du Télécabine des Houches-Prarion (THP), alors concessionnaire du service public des remontées mécaniques sur les communes des Houches et de Saint-Gervais, en vue de l’exploitation d’un restaurant dans des locaux de la gare aval de la télécabine des Houches-Prarion, elle-même incluse dans le périmètre de la concession de service public ; que, le 24 décembre 2001, la société Champenoise a acquis, en vue de l’exploitation du restaurant, un  » fonds de commerce  » auprès de la société Le Refuge, comprenant notamment le droit au bail précité ; que ce bail a été renouvelé pour une durée de neuf ans le 31 décembre 2002 par la société THP ; que, cependant, en juin 2006, la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais (LH-SG), qui avait succédé à la société THP et qui devait procéder au remplacement de la télécabine et à la destruction de la gare, a mis fin sans indemnité aux activités de la société Champenoise ; que, par un jugement du 20 octobre 2010, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la société LH-SG à verser à la société Champenoise une indemnité de 377 578 euros en réparation du préjudice subi ; que la société LH-SG se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 7 juillet 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon l’a condamnée à indemniser la société Champenoise à hauteur de 363 000 euros ; que la société Champenoise demande, par la voie du pourvoi incident, l’annulation du même arrêt en tant qu’il a écarté certains chefs de préjudice dont elle demandait l’indemnisation ;

Sur le pourvoi principal de la société LH-SG :

2. Considérant qu’ en raison du caractère précaire et personnel des titres d’occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d’un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public ; que, lorsque l’autorité gestionnaire du domaine public conclut un  » bail commercial  » pour l’exploitation d’un bien sur le domaine public ou laisse croire à l’exploitant de ce bien qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité ; que cet exploitant peut alors prétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, à être indemnisé de l’ensemble des dépenses dont il justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant en erreur sur l’étendue de ses droits ;

3. Considérant que si, en outre, l’autorité gestionnaire du domaine met fin avant son terme au bail commercial illégalement conclu en l’absence de toute faute de l’exploitant, celui-ci doit être regardé, pour l’indemnisation des préjudices qu’il invoque, comme ayant été titulaire d’un contrat portant autorisation d’occupation du domaine public pour la durée du bail conclu ; qu’il est à ce titre en principe en droit, sous réserve qu’il n’en résulte aucune double indemnisation, d’obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliation unilatérale d’une telle convention avant son terme, tel que la perte des bénéfices découlant d’une occupation conforme aux exigences de la protection du domaine public et des dépenses exposées pour l’occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation ;

4. Considérant, en revanche, qu’eu égard au caractère révocable et personnel, déjà rappelé, d’une autorisation d’occupation du domaine public, celle-ci ne peut donner lieu à la constitution d’un fonds de commerce dont l’occupant serait propriétaire ; que si la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a introduit dans le code général de la propriété des personnes publiques un article L. 2124-32-1, aux termes duquel  » Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre « , ces dispositions ne sont, dès lors que la loi n’en a pas disposé autrement, applicables qu’aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de son entrée en vigueur ; que, par suite, l’exploitant qui occupe le domaine public ou doit être regardé comme l’occupant en vertu d’un titre délivré avant cette date, qui n’a jamais été légalement propriétaire d’un fonds de commerce, ne peut prétendre à l’indemnisation de la perte d’un tel fonds ;

5. Considérant qu’il ressort des termes de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel de Lyon a relevé que la société Champenoise avait acquis auprès de la société Le Refuge un  » fonds de commerce « , comprenant notamment un droit à un  » bail commercial « , pour un montant de 137 000 euros, et qu’en  » l’agréant  » en qualité de cessionnaire de ce  » fonds « , l’autorité gestionnaire du domaine public l’avait induite en erreur sur l’existence d’un bail commercial et avait ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que la société Champenoise ne puisse être regardée comme ayant elle-même commis une faute ; que, pour déterminer les conditions dans lesquelles la société Champenoise pouvait prétendre être indemnisée des conséquences préjudiciables de la faute commise par le gestionnaire du domaine, elle a jugé qu’il y avait lieu de considérer que, dans l’hypothèse où le gestionnaire du domaine ne l’aurait pas induite en erreur, elle aurait acquis pour 137 000 euros un fonds de commerce qu’elle aurait été susceptible de revendre à la date de la rupture de ses relations avec le gestionnaire du domaine, pour un montant qu’elle a évalué à 500 000 euros ; qu’elle a dès lors fixé à 363 000 euros le montant de l’indemnité à laquelle pouvait prétendre la société Champenoise, en jugeant que le préjudice patrimonial correspondant à la perte d’un élément d’actif était le seul préjudice indemnisable ; qu’en statuant ainsi, la cour administrative d’appel de Lyon, qui a méconnu les conditions d’indemnisation définies aux points 2 et 3 ci-dessus, a commis une erreur de droit ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi principal, la société LH-SG est fondée à demander l’annulation des articles 2, 3 et 4 de l’arrêt attaqué ;

Sur le pourvoi incident de la société Champenoise :

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les articles 2, 3 et 4 de l’arrêt attaqué sont annulés ; que, par suite, les conclusions du pourvoi incident de la société Champenoise, dirigées contre ces mêmes articles, sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 de l’arrêt du 7 juillet 2011 de la cour administrative d’appel de Lyon sont annulés.

Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais et à la société Champenoise.

« Piste de fait ». Partage de responsabilité commune/ victime

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 13LY03383
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre – formation à 3
M. WYSS, président
Mme Aline SAMSON DYE, rapporteur
M. DURSAPT, rapporteur public
SCP LACHAT MOURONVALLE GOUROUNIAN, avocat

lecture du jeudi 13 novembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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(…)

1. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune d’Huez à verser au père, à la mère et à la soeur de MarieE…, décédée le 22 février 2009 à la suite d’un accident de ski, la somme de 10 000 euros chacun, après avoir relevé que la commune avait commis une faute dans l’exercice de son pouvoir de police en s’abstenant de signaler le talweg au fond duquel la victime a chuté, mais que cette dernière avait également commis une faute, responsable pour moitié des conséquences dommageables de l’accident ; que, par deux requêtes distinctes, M. et Mme E…et leur fille et la commune d’Huez relèvent appel de ce jugement ; que, ces requêtes ayant fait l’objet d’une instruction commune et présentant à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la faute de la commune :

2. Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la police municipale a pour objet, notamment, de prévenir par des précautions convenables les accidents et qu’il appartient au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir ;

3. Considérant qu’il n’est pas contesté, et qu’il résulte d’ailleurs de l’instruction, que si le lieu où est survenu l’accident dont a été victime Marie E…n’est pas une piste du domaine skiable, il est situé sur un itinéraire habituellement emprunté des skieurs, non loin d’une aire de pique-nique aménagée ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la victime est décédée d’une chute sur un rocher situé au fond du talweg du Rif Brillant ; que le talus présentait, au lieu de l’accident, une profondeur de trois mètres et une largeur de deux mètres ; qu’il était, en raison de la différence d’altitude entre ses deux rives et de l’épaisseur du manteau neigeux, difficilement décelable depuis la table de pique-nique d’où provenait la victime ; qu’alors même que ce talweg était précédé d’une pente douce, le danger présenté par cet obstacle excédait, compte tenu de sa nature et de sa faible visibilité, les dangers contre lesquels les intéressés doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir ; que, par suite, la commune d’Huez n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont estimé qu’elle avait commis une faute, eu égard au danger exceptionnel créé par ce talweg, en s’abstenant de prendre les dispositions convenables pour assurer la sécurité des skieurs, notamment par une signalisation appropriée ;

Sur la faute de la victime :

5. Considérant que la circonstance que la commune avait commis une carence dans l’exercice de son pouvoir de police n’était pas de nature à dispenser les skieurs de l’obligation d’évoluer avec prudence, avec les précautions rendues nécessaires par l’évolution en dehors des limites des pistes, et de s’adapter notamment aux conditions météorologiques ; qu’il résulte de l’instruction, et en particulier des déclarations effectuées par les personnes qui accompagnaient la victime, que ces derniers avaient choisi, en quittant l’aire de pique-nique, de regagner la piste, en raison de la faible expérience qu’ils avaient chacun de leur matériel de ski respectif, alors que la victime a choisi d’adopter un autre itinéraire ; qu’il ressort également de ces déclarations que la neige n’était pas damée sur l’itinéraire emprunté par l’intéressée ; que, dans ces conditions, il ne peut être sérieusement contesté que la victime a nécessairement dû avoir conscience qu’elle empruntait un passage hors piste, nonobstant les lacunes alléguées du balisage des pistes ; que, par ailleurs, les conditions météorologiques, caractérisées par une mauvaise visibilité due à un phénomène dit de  » jour blanc « , appelaient à une prudence renforcée pour emprunter ce type d’itinéraire, alors même que ni la commune, ni son concessionnaire n’avaient émis de recommandations particulières ; que, dès lors, et sans qu’ils puissent utilement se prévaloir de ce que le rapport d’accident réalisé par les services de secours ne faisait état d’aucune faute caractérisée, M. et Mme E…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont retenu l’existence d’une faute de la victime ;

6. Considérant que si la commune fait par ailleurs état d’une vitesse inappropriée de la part de la victime, l’existence d’une vitesse excessive ne résulte pas de l’instruction ; qu’il ne résulte pas davantage de l’instruction que les conditions dans lesquelles a chuté Marie E… révèleraient une faute de sa part dans le positionnement adopté ; qu’enfin, la circonstance qu’elle ne portait pas de casque n’est pas de nature à justifier, dans les circonstances de l’espèce, que la part de responsabilité de la commune soit jugée inférieure aux 50 % fixés, par une exacte appréciation, par les premiers juges ;

Sur l’évaluation du préjudice :

7. Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que les premiers juges auraient accordé une indemnisation excessive, en accordant à chacun des père, mère et soeur de la victime une somme de 10 000 euros, en réparation du préjudice moral causé par le décès de la victime ; qu’ainsi, la commune, qui se borne à soutenir que l’indemnisation accordée excède les montants octroyés au regard de la jurisprudence, n’est pas fondée à contester le montant de la condamnation prononcée par le Tribunal ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais exposés à l’occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune d’Huez doivent, dès lors, être rejetées ;

9. Considérant, en second lieu, qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par M. et MmeE… ;
DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B…E…et de Mlle C…E…est rejetée.
Article 2 : La requête de la commune d’Huez est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B…E…, à Mlle C…E…et à la commune d’Huez.
Délibéré après l’audience du 23 octobre 2014, où siégeaient :
– M. Wyss, président de chambre,
– M. Mesmin d’Estienne, président-assesseur,
– Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2014.
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N° 13LY03383 – 13LY03384
N° 13LY03383 – 13LY03384

Expulsion du commerçant occupant une ancienne gare de téléphérique non déclassée. Compétence du juge administratif

Conseil d’État

N° 366276
ECLI:FR:CESSR:2014:366276.20141119
Inédit au recueil Lebon
8ème et 3ème sous-sections réunies
Mme Esther de Moustier, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP BOULLEZ, avocats

lecture du mercredi 19 novembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 21 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la régie municipale « Espaces Cauterets », dont le siège est Place Foch, à Cauterets (65110) ; elle demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’article 3 de l’arrêt n° 11BX03303 du 20 décembre 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux, statuant sur sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 0901585 du 11 octobre 2011 du tribunal administratif de Pau rejetant sa demande d’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane des locaux qu’elle occupe dans le bâtiment accueillant l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys sur le territoire de la commune de Cauterets et de condamnation de cette société à démonter la cabane aménagée sur la terrasse de ce bâtiment, après avoir enjoint à la société de libérer la terrasse sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt, a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de mettre à la charge de la société Hôtelière Bigourdane une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Esther de Moustier, auditeur,

– les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Hôtelière Bigourdane ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en vertu de conventions renouvelées de 1965 à 2005, la société Hôtelière Bigourdane a exploité un bar-restaurant à l’intérieur du bâtiment de la gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys, désormais désaffectée, sur le territoire de la commune de Cauterets ; qu’à l’expiration de la dernière convention signée le 16 mai 2001, la société, estimant être titulaire d’un bail commercial, a refusé de signer la convention d’occupation du domaine public qui lui était proposée ; qu’en décembre 2007, la commune de Cauterets a mis la société en demeure de libérer les lieux et qu’en décembre 2008, la régie municipale  » Espaces Cauterets « , à laquelle la commune avait confié la gestion et l’exploitation de l’ensemble des équipements du domaine skiable du Lys, l’a également mise en demeure de supprimer la cabane de restauration rapide aménagée sur la terrasse devant le restaurant ; que, par un arrêt du 20 décembre 2012, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, d’une part, confirmant sur ce point le jugement du 11 octobre 2011 du tribunal administratif de Pau, rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître la demande de la régie municipale  » Espaces Cauterets  » tendant à ce que l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane du bar-restaurant qu’elle exploite soit ordonnée, d’autre part, fait droit à sa demande tendant à ce que cette société soit condamnée à démonter la cabane qu’elle avait aménagée sur la terrasse de la gare ; que la régie municipale  » Espaces Cauterets  » se pourvoit en cassation contre l’article 3 de cet arrêt qui a rejeté ses conclusions tendant à ce que l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane du bar-restaurant qu’elle exploite soit ordonnée ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui réitère en le codifiant l’état du droit antérieurement applicable :  » Un bien d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1, qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement  » ; qu’ainsi, lorsqu’un bien appartenant à une personne publique a été incorporé dans son domaine public, il ne cesse d’appartenir à ce domaine que du fait d’une décision expresse de déclassement ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les locaux exploités par la société Hôtelière Bigourdane se situent dans l’enceinte d’un ensemble immobilier accueillant l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys ainsi que les locaux des services techniques et des services de secours ; que cet ensemble immobilier a été affecté au service public des remontées mécaniques et spécialement aménagé à cet effet ; que, dans ces conditions, la cour administrative d’appel de Bordeaux, qui a relevé que  » l’acte de classement dans le domaine public de l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique n’a pas été rapporté  » ne pouvait, sans erreur de droit, juger que les locaux exploités par la société Hôtelière Bigourdane dans l’enceinte de cet ensemble immobilier ne faisaient pas partie du domaine public géré par la régie municipale  » Espaces Cauterets  » ; que son arrêt doit par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé en tant qu’il rejette la demande de la régie municipale  » Espaces Cauterets  » tendant à ce que soit ordonnée l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane du bar-restaurant qu’elle exploite dans l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

4. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure, l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que, par une délibération du 14 novembre 2011, confirmée par une délibération du 13 novembre 2012, le conseil d’administration de la régie municipale  » Espace Cauterets  » a, conformément à l’article 21 des statuts, autorisé son directeur à faire appel du jugement du 11 octobre 2011 du tribunal administratif de Pau ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Hôtelière Bigourdane, tirée de ce que la demande d’appel de la régie n’aurait pas été présentée par une personne légalement habilitée à le faire, ne peut qu’être rejetée ;

6. Considérant, d’autre part, que, ainsi qu’il a été dit, l’ensemble immobilier accueillant l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys a été affecté au service public des remontées mécaniques et a fait l’objet d’un aménagement spécial ; que tous les locaux compris dans l’enceinte de cet ensemble immobilier, éléments d’une organisation d’ensemble contribuant à l’utilité générale de cet équipement, ont été incorporés dans le domaine public dont la régie municipale  » Espace Cauterets  » est le gestionnaire ; qu’en l’absence de tout acte de déclassement, il en est encore ainsi à la date de la présente décision ; qu’ainsi, il appartient à la juridiction administrative de connaître de la demande tendant à l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane des locaux qu’elle occupe sans droit ni titre au sein du bâtiment abritant l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys ; que la régie municipale  » Espaces Cauterets  » est dès lors fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau s’est déclaré incompétent pour statuer sur sa demande tendant à ce que soit ordonnée l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane de ces locaux ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu’il statue sur ces conclusions ;

7. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer dans cette limite et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la régie municipale  » Espaces Cauterets  » devant le tribunal administratif de Pau ;

8. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que, par une délibération du 18 juin 2009, le conseil d’administration de la régie municipale  » Espaces Cauterets  » a donné pouvoir à son directeur pour poursuivre l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane devant la juridiction administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir, tirée de ce que la demande la régie municipale  » Espaces Cauterets  » n’aurait pas été présentée par une personne légalement habilitée à le faire, doit être rejetée ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que l’autorité propriétaire ou gestionnaire du domaine public est recevable à demander au juge administratif l’expulsion de l’occupant irrégulier de ce domaine ; que la régie municipale  » Espaces Cauterets  » a qualité pour demander à la juridiction administrative d’ordonner l’expulsion des occupants sans titre du domaine public dont elle est le gestionnaire ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu’il est constant que la société Hôtelière Bigourdane occupe les locaux du bar-restaurant qu’elle exploite, qui, ainsi qu’il a été dit, appartiennent au domaine public de la commune, sans droit ni titre depuis le 5 août 2005 ; que, dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de la régie municipale et d’enjoindre à la société Hôtelière Bigourdane de libérer sans délai les lieux qu’elle occupe sans droit ni titre et d’assortir cette injonction d’une astreinte de 100 euros par jour de retard si l’injonction n’a pas été exécutée dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que les conclusions présentées par la société Hôtelière Bigourdane tendant à l’indemnisation du préjudice résultant pour elle de l’impossibilité de poursuivre l’exploitation de son bar-restaurant sont en tout état de cause irrecevables, faute d’avoir fait l’objet d’une demande préalable auprès de l’autorité gestionnaire du domaine public ;

12. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Hôtelière Bigourdane la somme de 3 000 euros à verser à la régie municipale  » Espaces Cauterets « , au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la régie municipale  » Espace Cauterets  » qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :
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Article 1er : L’article 3 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 20 décembre 2012 et le jugement du tribunal administratif de Pau du 11 octobre 2011, en tant qu’il rejette la demande de la régie municipale  » Espace Cauterets  » tendant à ce que l’expulsion de la Société Hôtelière Bigourdane des locaux qu’elle occupe dans le bâtiment accueillant l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du Domaine du Lys soit ordonnée, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la société Hôtelière Bigourdane de libérer les locaux qu’elle exploite dans l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : La société Hôtelière Bigourdane versera à la régie municipale  » Espaces Cauterets  » une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions indemnitaires présentées par la société Hôtelière Bigourdane et les conclusions qu’elle présente au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la régie municipale  » Espaces Cauterets  » et à la société Hôtelière Bigourdane.

Confirmation de l’illégalité des circuits de motos-neige en espaces naturels

Conseil d’État

N° 365121
ECLI:FR:CESSR:2014:365121.20141105
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Charles Touboul, rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE, avocats

lecture du mercredi 5 novembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 janvier et 10 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la commune de Saint-Martin-de-Belleville, représentée par son maire ; la commune de Saint-Martin-de-Belleville demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 12LY00623 du 13 novembre 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, après avoir annulé pour irrégularité le jugement n° 0905540 du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2011, a annulé l’arrêté du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur du 14 octobre 2009 l’autorisant à créer une unité touristique nouvelle ayant pour objet l’aménagement sur les sites des Ménuires et de Val-Thorens de deux terrains pour l’utilisation de motos-neige à des fins de loisirs ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge des associations Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature – comité de la Savoie, dite FRAPNA Savoie, et Mountain Wilderness, demanderesses devant le tribunal administratif, le versement d’une somme de 1 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 91-2 du 3 janvier 1991;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Charles Touboul, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la commune de Saint-Martin-de-Belleville et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de l’association Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes protection nature – comité de la Savoie et de l’association Mountain Wilderness ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 14 octobre 2009, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet coordonnateur du massif des Alpes, a autorisé la création par la commune de Saint-Martin-de-Belleville (Savoie) d’une unité touristique nouvelle en vue de l’aménagement sur les sites des Ménuires et de Val-Thorens de  » deux terrains de sports ou loisirs motorisés  » ; que, à la demande de l’association Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature – comité de la Savoie, dite  » FRAPNA Savoie « , et de l’association Mountain Wilderness, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté par un jugement du 30 décembre 2011 ; que, saisie par la commune de Saint-Martin-de-Belleville, la cour administrative d’appel de Lyon a, par l’arrêt attaqué du 13 novembre 2012, annulé ce jugement pour irrégularité puis, évoquant la demande des associations, annulé l’arrêté préfectoral litigieux ;

Sur la régularité de l’arrêt attaqué :

2. Considérant que l’Etat n’a pas introduit d’appel contre le jugement mentionné ci-dessus du 30 décembre 2011, alors que, défendeur en première instance, il aurait été recevable à le faire ; que si la cour avait la faculté de le mettre en cause pour qu’il produise des observations sur l’appel formé par la commune, elle n’a, en s’abstenant de le faire, ni méconnu le caractère contradictoire de la procédure, ni porté atteinte aux droits de la défense ; que le moyen tiré de ce que, en l’absence d’une telle mise en cause, l’arrêt attaqué serait entaché d’irrégularité doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur le bien fondé de l’arrêt attaqué :

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 145-9 du code de l’urbanisme :  » Est considérée comme unité touristique nouvelle toute opération de développement touristique, en zone de montagne, ayant pour objet ou pour effet, en une ou plusieurs tranches (…) de réaliser des aménagements touristiques ne comprenant pas de surfaces de plancher dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat  » ; qu’aux termes de l’article R. 145-2 du même code :  » Sont soumises à autorisation du préfet coordonnateur de massif, en application du I de l’article L. 145-11, les unités touristiques nouvelles ayant pour objet : (…) 3° Lorsqu’ils sont soumis à étude d’impact en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement : (…) c) L’aménagement de terrains pour la pratique de sports ou de loisirs motorisés  » ; qu’en vertu des dispositions combinées des articles L. 122-1 et R. 122-8 du code de l’environnement, les projets visant à l’aménagement de  » terrains  » pour la pratique de sports ou loisirs motorisés d’une emprise totale supérieure à quatre hectares sont soumis à étude d’impact ; que de tels projets revêtent par suite, en zone de montagne, le caractère d’unités touristiques nouvelles devant faire l’objet d’une autorisation du préfet coordonnateur de massif ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 362-1 du code de l’environnement :  » En vue d’assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur  » ; qu’aux termes de l’article L. 362-3 du même code :  » L’ouverture de terrains pour la pratique de sports motorisés est soumise à l’autorisation prévue à l’article L. 421-2 du code de l’urbanisme./ (…) / L’utilisation, à des fins de loisirs, d’engins motorisés conçus pour la progression sur neige est interdite, sauf sur les terrains ouverts dans les conditions prévues au premier alinéa  » ; qu’aux termes de l’article L. 421-2 du code de l’urbanisme :  » Les travaux, installations et aménagements affectant l’utilisation des sols et figurant sur une liste arrêtée par décret en Conseil d’Etat doivent être précédés de la délivrance d’un permis d’aménager  » ; qu’aux termes de l’article R*. 421-19 du même code :  » Doivent être précédés d’un permis d’aménager : … g) l’aménagement d’un terrain pour la pratique des sports ou loisirs motorisés  » ;

5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels et portant modification du code des communes, de laquelle sont issues les dispositions ultérieurement codifiées aux articles L. 362-1 et L. 362-3 précités du code de l’environnement, que le législateur a entendu encadrer strictement les conditions dans lesquelles peut être autorisé l’aménagement en zone de montagne de  » terrains  » pour la pratique de sports ou de loisirs motorisés en vue de l’utilisation, à des fins de loisirs, d’engins conçus pour la progression sur neige ; qu’il a, en particulier, entendu empêcher la création d’itinéraires, mêmes balisés, lesquels ne peuvent être regardés comme des  » terrains  » au sens de la loi ;

6. Considérant que la cour a relevé que le projet d’unité touristique nouvelle litigieux consistait en des boucles de 9,5 et 8 kilomètres, autour d’espaces de 570 et 424 hectares, dans des zones demeurées essentiellement naturelles, empruntant des pistes situées sur le domaine skiable des Ménuires et de Val-Thorens ; qu’elle a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit ni dénaturer les faits qui lui étaient soumis, que ces circuits constituaient des itinéraires balisés et non des terrains et que le préfet coordonnateur de massif ne pouvait, dès lors, légalement autoriser une unité touristique nouvelle en application des dispositions précitées ; que son arrêt est suffisamment motivé sur ce point ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la commune de Saint-Martin-de-Belleville doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-de-Belleville, au titre des mêmes dispositions, une somme globale de 3 000 euros à verser à l’association Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature – comité de la Savoie et à l’association Mountain Wilderness ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de la commune de Saint-Martin-de-Belleville est rejeté.

Article 2 : La commune de Saint-Martin-de-Belleville versera à l’association Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature – comité de la Savoie, dite FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness la somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Martin-de-Belleville, à l’association Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature – comité de la Savoie, dite FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness.
Copie en sera adressée, pour information, à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Convention de pâturage/ Candidat évincé/ Domaine privé/ Compétence judiciaire

 

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 13LY01991
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. MARTIN, président
Mme Catherine COURRET, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
SCP BODECHER-CORDEL-BETEMPS, avocat

lecture du mardi 21 octobre 2014

1. Considérant que la commune de Champagny-en-Vanoise relève appel du jugement du 28 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, à la demande du groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G…A…, a annulé la délibération du 15 mai 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune a autorisé le maire à signer, d’une part, avec le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais, représenté par Mme B…C…, une convention de pâturage limitée en durée à la saison d’été 2009 et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » dont les associés sont M. et MmeE…, une convention pluriannuelle de pâturage à partir du 1er janvier 2010 ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant que la contestation par une personne privée de l’acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu’en soit la forme, dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n’affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu’en revanche, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la contestation par l’intéressé de l’acte administratif par lequel une personne morale de droit public refuse d’engager avec lui une relation contractuelle ayant un tel objet ;

3. Considérant que la commune de Champagny-en-Vanoise est propriétaire de l’alpage de la Plagne d’une superficie totale de 779 ha 27 a sur lequel est implanté un chalet destiné à la fabrication du beaufort et au logement ; que la commune a lancé, en décembre 2008, une procédure d’adjudication afin de procéder au renouvellement de la convention pluriannuelle de location de l’alpage précédemment exploité par MmeC… ; qu’à la suite de cette procédure d’appel d’offres, du classement des candidats à l’adjudication et de leur demande d’autorisation d’exploiter l’alpage précité, le préfet de la Savoie, par deux arrêtés du 22 avril 2009 a accordé l’autorisation d’exploiter, d’une part, à MmeC…, M. D…et M. A…ayant vocation à créer le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais pour la prochaine période d’estive et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » à compter du 1er janvier 2010 ; que par une délibération du 15 mai 2009, le conseil municipal de la commune de Champagny-en-Vanoise, a autorisé le maire, conformément aux arrêtés préfectoraux précités, à signer, d’une part, avec le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme C… une convention de pâturage limitée à la durée de la saison d’été 2000 et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » une convention pluriannuelle de pâturage à partir du 1er janvier 2010 ; que, pour annuler ladite délibération, les premiers juges se sont prononcés sur la régularité de la convention de pâturage accordée au groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par MmeC…, autorisation temporaire pour la période d’estive 2009 ; que ces conventions, dont l’objet est la valorisation du domaine privé de la commune, qui n’affectent ni son périmètre ni sa consistance, ne mettent en cause que des rapports de droit privé ; que le présent litige relève à ce titre de la compétence du juge judiciaire ; qu’il y a lieu en conséquence d’annuler le jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant, toutefois, que le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par MmeC…, peut être regardé comme contestant, en sa qualité de concurrent évincé, le refus de la commune de lui attribuer une convention pluriannuelle sur des terres agricoles dont elle est propriétaire ;

5. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Dijon par le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G…A…et de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur leurs conclusions présentées en qualité de concurrent évincé ;

Sur la légalité de la délibération attaquée :

6. Considérant qu’eu égard à ce qui vient d’être dit, il y a lieu de rejeter les conclusions de cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur le refus de conclure une convention pluriannuelle de pâturage :

7. Considérant, en premier lieu, que la délibération litigieuse, en tant qu’elle a rejeté sa candidature, ne constitue pas le refus d’une autorisation ; que, par suite, le groupement pastoral ne peut utilement faire valoir qu’elle devait être motivée ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que la délibération attaquée qui autorise le maire à signer deux conventions relatives à l’exploitation de l’alpage communal ne respecterait pas la durée minimale des conventions pluriannuelles prévue par un arrêté préfectoral du 30 novembre 2007 est sans incidence sur le refus de conclure qui leur est opposé ;

9. Considérant, en troisième lieu, que le groupement pastoral, qui se borne à invoquer sa situation financière, n’apporte aucun élément de nature à établir que la commune aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en attribuant la convention pluriannuelle de pâturage à l’EARL  » Ferme aux Abondances  » ;

10. Considérant, enfin, que le moyen tiré de la rupture d’égalité de traitement des candidats n’est assorti d’aucun élément permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la collectivité, que la commune de Champagny-en-Vanoise est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a annulé sa délibération du 15 mai 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune a autorisé le maire à signer, d’une part, avec le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais, représenté par Mme B…C…, une convention de pâturage limitée en durée à la saison d’été 2009 et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » dont les associés sont M. et Mme E… une convention pluriannuelle de pâturage à partir du 1er janvier 2010 ;

12. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Champagny-en-Vanoise présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0903322 du tribunal administratif de Grenoble du 28 mai 2013 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G…A…en première instance et celles présentées en appel par commune de Champagny-en-Vanoise sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : La demande présentée en première instance par le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G… A…est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Champagny-en-Vanoise présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Champagny-en-Vanoise, au groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais, à Mme B…C…, à M. H… D…et à M. G… A….

Jurisprudence : Pistes de ski et domanialité publique

Références

Conseil d’État

N° 349420
ECLI:FR:CESEC:2014:349420.20140428
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
Mme Julia Beurton, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP TIFFREAU, MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
lecture du lundi 28 avril 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mai et 17 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la commune de Val-d’Isère, représentée par son maire ; la commune de Val-d’Isère demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 09LY00750 du 7 mars 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a annulé partiellement le jugement n° 0701992 du tribunal administratif de Grenoble du 29 janvier 2009 rejetant les demandes du syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 1  » et du syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 3 « , a annulé les permis de construire délivrés le 20 février et 11 juillet 2007 par le maire de Val-d’Isère à la société Doudoune, a rejeté le surplus des conclusions de l’appel et a rejeté les conclusions indemnitaires de la société Doudoune ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel du syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 1  » et du syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 3  » ;

3°) de mettre à la charge des syndicats des copropriétaires la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Julia Beurton, auditeur,

– les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Tiffreau, Marlange, de la Burgade, avocat de la commune de Val-d’Isère et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 1  » et du syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 3  » ;
Sur le pourvoi incident des syndicats des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 1  » et de la résidence  » Le Rond-point des pistes 3  » :

1. Considérant que les syndicats des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 1  » et de la résidence  » Le Rond-point des pistes 3  » se sont désistés purement et simplement de leur pourvoi incident ; que rien ne s’oppose à ce qu’il en soit donné acte ;

Sur les conclusions du pourvoi de la commune de Val-d’Isère tendant à l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon :

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Val-d’Isère a autorisé la société Doudoune, par un permis de construire du 20 février 2007 et deux permis modificatifs des 11 juillet et 23 novembre 2007, à construire sur une parcelle cadastrée AH 87 un bar-restaurant-discothèque partiellement enterré ; que les syndicats des copropriétaires des résidences  » Le Rond-point des pistes 1  » et  » Le Rond-point des pistes 3  » ont demandé l’annulation de ces permis de construire au tribunal administratif de Grenoble qui, par un jugement du 29 janvier 2009, a rejeté leurs requêtes ; que, par un arrêt du 7 mars 2011, la cour administrative d’appel de Lyon, statuant sur leur appel, a annulé partiellement ce jugement, annulé les permis de construire des 20 février et 11 juillet 2007 et rejeté comme irrecevables leurs conclusions tendant à l’annulation du permis de construire modificatif du 23 novembre 2007 ainsi que les conclusions de la société Doudoune tendant à l’octroi d’une indemnité ; que le pourvoi en cassation de la commune de Val-d’Isère doit être regardé comme dirigé contre les articles 1, 2, 3 et 6 de cet arrêt, qui annulent partiellement le jugement du tribunal administratif, annulent les permis de construire délivrés à la société Doudoune les 20 février et 11 juillet 2007 et statuent sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3. Considérant que la cour a relevé que la parcelle d’implantation du projet de construction objet des permis litigieux, propriété de la commune, s’inscrivait  » dans un secteur correspondant à la partie basse du domaine skiable un peu en amont du  » front de neige  » qui a fait l’objet d’aménagements importants, notamment par l’installation de la gare de départ du télésiège de Solaise et la création d’un ouvrage permettant le franchissement par la piste de ski d’une voie ouverte à la circulation automobile « , puis a jugé qu’au regard tant de la nature et de l’importance de ces aménagements que des caractéristiques du secteur dans lequel elle s’inscrivait, la parcelle constituait une dépendance du domaine public de la commune de Val-d’Isère ; qu’en se bornant ainsi à relever la proximité d’aménagements  » spécialement adaptés  » en vue de l’affectation au service public de l’exploitation des pistes de ski et les caractéristiques du secteur dans lequel se situait la parcelle, sans rechercher si cette parcelle avait été l’objet elle-même d’aménagements de nature à entraîner son appartenance au domaine public ou si elle constituait l’accessoire indissociable d’un bien appartenant au domaine public, la cour a commis une erreur de droit ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la commune de Val-d’Isère est fondée à demander l’annulation des articles 1, 2, 3 et 6 de l’arrêt qu’elle attaque ;

5. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure, l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

6. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la minute du jugement du tribunal administratif de Grenoble ne comporterait pas l’ensemble des signatures requises manque en fait ;

7. Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de l’insuffisante motivation du jugement attaqué n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne la légalité des permis de construire litigieux :

8. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique (…) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public  » ; qu’aux termes de l’article L. 2111-2 du même code :  » Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques (…) qui, concourant à l’utilisation d’un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable  » ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date des permis de construire litigieux :  » La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation dudit terrain pour cause d’utilité publique. / (…) Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d’occupation du domaine public, l’autorisation est jointe à la demande de permis de construire  » ;

10. Considérant que l’exploitation des pistes de ski constitue un service public industriel et commercial ; qu’aux termes de l’article L. 445-2 du code de l’urbanisme alors en vigueur, désormais repris à l’article L. 473-1 du même code :  » L’aménagement de pistes de ski alpin est soumis à l’autorisation délivrée par l’autorité compétente en matière de permis de construire  » ; qu’une piste de ski alpin qui n’a pu être ouverte qu’en vertu d’une telle autorisation a fait l’objet d’un aménagement indispensable à son affectation au service public de l’exploitation des pistes de ski ; que, par suite, font partie du domaine public de la commune qui est responsable de ce service public les terrains d’assiette d’une telle piste qui sont sa propriété ; qu’en vertu de l’article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques, le sous-sol de ces terrains fait également partie du domaine public de la commune s’il comporte lui-même des aménagements ou des ouvrages qui, concourant à l’utilisation de la piste, en font un accessoire indissociable de celle-ci ;

11. Considérant qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier qu’une partie de la parcelle AH 87, qui constitue le terrain d’assiette de la construction litigieuse, est incluse dans un ensemble de terrains ayant fait l’objet d’une autorisation d’aménagement d’une piste de ski délivrée le 21 juillet 2006, sur le fondement de l’article L. 445-2 du code de l’urbanisme alors applicable, qui prévoit notamment des travaux de décapage de la terre, de terrassement, soutènement et drainage de la piste, de défrichement et débroussaillage, ainsi que de réhabilitation et reboisement des zones concernées ; que ces terrains ont été aménagés entre juillet et novembre 2006 et effectivement utilisés comme piste de ski dès l’hiver 2006-2007 ; qu’à la date du 20 février 2007 à laquelle le permis de construire initial a été délivré, cette partie de la parcelle faisait ainsi partie du domaine public de la commune ; qu’en revanche, la partie restante de la parcelle, qui n’est pas visée par cette autorisation, n’a pas fait l’objet d’aménagements indispensables à l’exécution des missions du service public de l’exploitation des pistes de ski ; que si les skieurs l’empruntaient précédemment pour se rendre aux remontées mécaniques situées à proximité, notamment à la gare de départ du télésiège Solaise Express, il ne résulte pas de cette seule circonstance qu’elle aurait été affectée à l’usage direct du public ; que, dès lors, cet espace, qui est en l’espèce clairement délimité et dissociable de la partie de la parcelle ayant fait l’objet d’aménagements indispensables, appartient au domaine privé de la commune de Val-d’Isère ;

12. Considérant qu’il ressort également des pièces du dossier que la construction autorisée ne dépasse le niveau du sol naturel que dans la partie de la parcelle qui appartient au domaine privé de la commune ; qu’elle n’empiète pas sur la piste de ski mais est seulement située, pour partie, sous cette piste ; que le sous-sol en cause n’avait pas fait l’objet d’aménagements et ne peut en l’espèce être regardé comme constituant un accessoire indissociable de la piste de ski à l’utilisation de laquelle il concourrait ; qu’il suit de là que les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que la construction autorisée occuperait le domaine public ;

13. Considérant que, pour l’application des dispositions de l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme alors en vigueur, citées au point 9, une construction est subordonnée à une autorisation appropriée d’occupation du domaine public, laquelle doit alors être jointe à la demande de permis de construire, lorsqu’elle est destinée à occuper le domaine public ou nécessite un aménagement permanent d’une dépendance du domaine public ; qu’en revanche, lorsque la construction nécessite seulement une autorisation d’occupation pour les besoins des travaux, une telle autorisation ne constitue pas une condition de légalité du permis de construire ; qu’il ressort des pièces du dossier que la réalisation de la construction autorisée nécessitait seulement des travaux d’affouillement provisoire du sol au niveau de la piste de ski mais aucun aménagement permanent du domaine public, la piste de ski devant être remise dans un état identique à celui existant avant les travaux ; que, par suite, la légalité des permis de construire attaqués n’était pas subordonnée à la production, à l’appui du dossier de demande, d’une autorisation d’occupation du domaine public ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article NC 1 du règlement du plan d’occupation des sols de la commune, sont autorisées :  » dans le secteur du front de neige (Solaise – face de Bellevarde) et du vallon du Manchet, les constructions et installations relevant de l’animation récréative ou sportive de la station et compatibles avec l’exploitation du domaine skiable  » ; que ces dispositions n’imposent pas que seules soient autorisées les constructions et installations liées à la pratique des sports d’hiver ; qu’il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, d’écarter le moyen tiré de ce que le projet envisagé ne correspondrait pas à une activité d’animation récréative et méconnaîtrait les dispositions de l’article NC 1 du règlement du plan d’occupation des sols ;

15. Considérant, en troisième lieu, que l’article NC 6 du règlement du plan d’occupation des sols dispose que :  » Lorsque le plan ne mentionne aucune distance de recul, les constructions doivent être implantées avec un retrait minimum de sept mètres par rapport aux limites des voies et emprises publiques  » ; que la circonstance que l’escalier que comporte le projet, situé sous le niveau du sol naturel, et la passerelle, de dimension modeste, permettant aux piétons d’accéder au premier étage de la construction, soient situés à moins de sept mètres des limites des voies et emprises publiques n’affecte pas, eu égard à leurs caractéristiques, le respect des règles d’implantation des constructions prévues par les dispositions de l’article NC 6 du règlement du plan d’occupation des sols ;

16. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable aux décisions litigieuses :  » (…) La délivrance du permis de construire peut être subordonnée : / a) A la réalisation d’installations propres à assurer le stationnement hors des voies publiques des véhicules correspondant aux besoins de l’immeuble à construire (…)  » ; qu’un permis de construire n’a pas d’autre objet que d’autoriser des constructions conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire ; que la circonstance que ceux-ci pourraient ne pas être respectés n’est pas par elle-même, sauf le cas d’éléments établissant l’existence d’une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci ; que la survenance d’une telle situation après la délivrance du permis peut conduire le juge pénal à faire application des dispositions répressives de l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme mais est dépourvue d’incidence sur la légalité du permis de construire ; qu’en l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que les trente places de stationnement prévues dans le parking dit  » des moniteurs « , en complément des places prévues dans le parking du rond-point des pistes, pour assurer le respect des dispositions de l’article R. 111-4, aient revêtu, ainsi que le soutiennent les syndicats requérants, un caractère fictif ;

17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes d’annulation des permis de construire délivrés les 20 février et 11 juillet 2007 par le maire de Val-d’Isère à la société Doudoune ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Val-d’Isère qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du syndicat de copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 1  » et du syndicat de copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 3  » une somme de 1 500 euros chacun à verser à la commune de Val-d’Isère, au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Il est donné acte du désistement du pourvoi incident du syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 1  » et du syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 3 « .

Article 2 : Les articles 1, 2, 3 et 6 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 7 mars 2011 sont annulés.

Article 3 : Les conclusions présentées par le syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 1  » et le syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 3  » devant la cour administrative d’appel de Lyon tendant à l’annulation des permis de construire délivrés à la société Doudoune les 20 février et 11 juillet 2007 sont rejetées.

Article 4 : Le syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 1  » et le syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 3  » verseront à la commune de Val-d’Isère une somme de 1 500 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par le syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 1  » et le syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 3  » au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Val-d’Isère, au syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 1  » et au syndicat des copropriétaires de la résidence  » Le Rond-point des pistes 3 « .
Copie en sera adressée pour information à la société Doudoune.