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La Plagne/ Cession de parcelles communales/ Elu intéressé (maire): oui/ Illégalité

CAA de LYON, 4ème chambre, 29/04/2021, 19LY02640, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C… I… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 3 avril 2017 par laquelle le conseil municipal de La-Plagne-Tarentaise a décidé de céder les parcelles cadastrées n° 1791p, 1798p, 1836p, 1881p, 1946p, 1950p à 1952p et 1999p, à la société La Cascade au prix d’un million d’euros.

Par un jugement n° 1703020 du 25 juin 2019, rectifié par une ordonnance du 1er juillet 2019 de son président, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2019, et un mémoire enregistré le 12 janvier 2021, la commune de La-Plagne-Tarentaise, représentée par Me B… de la Selarl Paillat, Conti et B…, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d’annuler le jugement susmentionné du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Grenoble et de rejeter la demande de M. C… I… ;

2°) à titre subsidiaire, de ne prononcer l’annulation de la délibération précitée qu’à défaut de régularisation dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de M. I… la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la requête d’appel est recevable dès lors qu’elle a été régularisée, au surplus dans le délai d’appel, puisque, par une délibération du 22 août 2019, M. Bernard Hanrard, conseiller municipal, a été désigné pour représenter la commune ;
– à titre principal, le jugement contesté a admis à tort la recevabilité de la demande de première instance alors qu’elle était été portée devant une juridiction incompétente, puisque la délibération contestée n’est pas détachable de l’exécution d’un contrat de droit privé et est, en tout état de cause, dirigée contre un acte ne faisant pas grief, qui est purement confirmatif des principes fixés par la délibération n° 2016-307 du 7 novembre 2016, dont elle a le même objet ;
– à titre subsidiaire, il n’y a pas eu méconnaissance des dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;
– le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales est inopérant et la délibération attaquée ne méconnait pas cet article ;
– le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, en particulier d’une information insuffisante des membres du conseil municipal sur la détermination du prix de vente, est inopérant à l’encontre de la délibération contestée ;
– le moyen tiré de ce que  » la délibération contestée porte sur des parcelles, bâtiment et équipements du domaine public  » et que le  » conseil municipal par sa délibération et le maire ont commis une erreur de droit en procédant à son déclassement du domaine public commune alors que ces biens continuaient « pour une durée de 3 ans » à être affectés au besoin du service public  » n’est pas assorti de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé, alors qu’elle a fait application des dispositions de l’article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques ;
– lors de la vente, intervenue le 22 mai 2017, les locaux de la gendarmerie et les parkings y attenant ne faisaient plus partie du domaine public communal ;
– le moyen tiré du caractère manifestement disproportionné du prix de cession du terrain communal doit être écarté dès lors qu’il n’est pas démontré que les parcelles du domaine privé communal auraient été cédées à un prix inférieur à celui du marché ;
– à titre infiniment subsidiaire, conformément à ses développements devant les premiers juges, si la délibération attaquée devait être déclarée illégale, l’annulation ne prendra pas effet dès lors que cette délibération sera régularisée dans un délai fixé par le tribunal.

Par un mémoire enregistré le 22 octobre 2019, et un mémoire non communiqué enregistré le 26 mars 2021, M. C… I…, représenté par Me H…, conclut à la confirmation du jugement contesté et donc au rejet de la requête, et à ce qu’il soit mis à la charge de la commune de La-Plagne-Tarentaise la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :
– la requête d’appel est irrecevable dès lors qu’elle est présentée par M. A…, qui étant intéressé à la délibération annulée par le jugement contesté, est incompétent pour agir au nom de la commune dans ce dossier ;
– les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
– l’intérêt personnel de M. A… est suffisamment établi ;
– l’avis du service de France Domaine correspondant aux parcelles objet de la délibération du 3 avril 2017 n’a pas été communiqué aux membres du conseil municipal préalablement au vote de la délibération, et l’avis de France Domaine visé par cette délibération est erroné et ne porte pas sur les mêmes parcelles que celles objet de la cession ;
– les caractéristiques essentielles de la vente telles que mentionnées dans la délibération contestée sont trompeuses ;
– la valeur des parcelles vendues mentionnée comme étant de 1 000 000 euros est présentée de manière trompeuse ;
– en raison des mentions trompeuses des parcelles, de la superficie, de l’avis de France Domaine, de la personne morale bénéficiaire de la cession, et de l’absence d’indication des finalités poursuivies par l’opération immobilière, l’article L.2121-13 du CGCT a été méconnu, les membres de l’assemblée délibérante ayant été amenés à délibérer sans connaître la réalité de la consistance des biens cédés, l’objet de l’opération projetée, et la valeur du bien cédé ;
– la délibération de cession à une société privée porte sur des parcelles dont certaines ont continué à être affectées au service public pendant trois ans ; la commune a donc commis une erreur de droit en procédant à la vente d’un bien appartenant au domaine public communal ;
– le prix de cession est très inférieur à la valeur du bien et constitue une libéralité illégale ;
– à toute fins utiles, il se réfère expressément à l’ensemble de ses moyens exposés dans ses écritures de première instance ;
– la gravité des irrégularités et le montant de l’appauvrissement des deniers de la commune sont tels que la demande tendant à limiter dans le temps les effets de l’annulation ne peut qu’être rejetée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. E… ;
– les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;
– et les observations de Me B… pour la commune de La-Plagne-Tarentaise et celles de Me D…, substituant Me H…, pour M. I….
Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 4 juillet 2016, le conseil municipal de la commune de La-Plagne-Tarentaise a autorisé le groupe G…-La Cascade à déposer une demande de permis de construire pour la réalisation d’un programme immobilier sur les parcelles communales n° 1252, 1831, 1946, 1952, 1791 et 1798. Par un arrêté du 14 décembre 2016, le maire de La-Plagne-Tarentaise a délivré à la société La Cascade un permis de construire pour la démolition de l’ancienne gendarmerie et la création d’un bâtiment à usage de logements touristiques, de bureaux et destiné à accueillir des services publics ou d’intérêt collectif sur ces parcelles. Par une délibération du 7 novembre 2016, le conseil municipal a autorisé le maire à signer, au nom de la commune, une convention avec la société La Cascade afin d’entériner l’ensemble des accords précédemment arrêtés, a fixé à un million d’euros hors taxes le prix de vente des parcelles communales et a précisé la vocation de l’immeuble à édifier sur celles-ci. Le permis de construire précité a été transféré à la SCCV Plagne, représentée par M. G…, par arrêté municipal du 14 février 2017. Le 6 mars 2017, le conseil municipal de La-Plagne-Tarentaise a prononcé, d’une part, la désaffectation, pour trois ans à compter du 15 avril 2017, des locaux de la gendarmerie ainsi que des parkings y attenant et, d’autre part, leur déclassement du domaine public. Par délibération du 3 avril 2017, le conseil municipal a approuvé la cession des parcelles n° 1791p, 1798p, 1836p, 1881p, 1946p, 1950p, 1951p, 1952p et 1999p, à la société La Cascade au prix d’un million d’euros. M. I…, conseiller municipal de La-Plagne-Tarentaise, a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler cette délibération. Par un jugement n° 1703020 du 25 juin 2019, rectifié par une ordonnance du 1er juillet 2019 de son président, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération. La commune de La-Plagne-Tarentaise relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :
2. Ainsi que l’ont retenu à bon droit les premiers juges, la délibération attaquée du 3 avril 2017 approuvant la cession de parcelles appartenant à la commune de La-Plagne-Tarentaise, devant intervenir après désaffectation de ces parcelles du domaine public et intégration au domaine privé communal, constitue un acte de disposition détachable de la convention sous seing privé à conclure, dont la juridiction administrative est compétente pour apprécier la légalité.
Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, le caractère confirmatif d’une décision suppose une identité d’objet, de cause juridique et de contexte, en particulier de circonstances de droit et de fait, avec celle qu’elle est réputée confirmer.

4. La délibération n° 2016-307 du 7 novembre 2016 du conseil municipal de La-Plagne-Tarentaise mentionnée au point 1 et la délibération attaquée n’ont pas le même objet dès lors qu’elles portent respectivement sur le principe de la cession et sur l’approbation de celle-ci après désaffectation et déclassement des locaux de la gendarmerie et des parkings attenants, et qu’en outre, elles ne peuvent être regardées comme portant sur les mêmes parcelles alors que la délibération contestée concerne des parcelles non visées par celle du 7 novembre 2016. A cet égard, le rapport au conseil municipal, dont se prévaut l’appelante, ne saurait établir l’identité d’objet entre ces deux délibérations concernant les parcelles cédées. Ainsi, comme l’ont jugé à bon droit les premiers juges, la délibération contestée n’est pas confirmative de la délibération du 7 novembre 2016.

5. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :  » Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires « .

6. Il résulte des dispositions précitées que la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération d’un conseiller municipal intéressé à l’affaire qui fait l’objet de cette délibération, c’est-à-dire y ayant un intérêt ne se confondant pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l’illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d’une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération.

7. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que dans les jours suivant la délibération contestée approuvant la cession de parcelles à la société La Cascade au prix d’un million d’euros, M. F… A…, maire de La-Plagne-Tarentaise a, par un arrêté du 11 avril 2017, visant une demande conjointe du 10 avril 2017 présentée par les entreprises A… TP et Barel et G…, autorisé ces entreprises à occuper une partie du domaine public et à en règlementer la circulation et le stationnement pour permettre la construction du bâtiment Les Lodges, qui est celui faisant l’objet du projet immobilier du groupe La Cascade dont la réalisation est prévue sur les parcelles concernées par la délibération litigieuse du 3 avril 2017. L’entreprise de BTP A… et frères, active depuis le 17 juin 1991 et présidée par M. F… A…, est intervenue pour les besoins du chantier relatif au projet immobilier précité pour réaliser les travaux de terrassement. Il ressort également des pièces du dossier que M. A…, qui a présidé la séance du 3 avril 2017 du conseil municipal, comme d’ailleurs celles des 7 novembre 2016 et 6 mars 2017, a pris part activement aux débats et que la délibération a été prise sur son rapport. Ainsi le maire de La-Plagne-Tarentaise, qui était personnellement intéressé à l’affaire au sens de l’article L. 2131-11 précité, a nécessairement exercé une influence sur la décision prise par la commune, alors même que la délibération contestée a été acquise par 41 voix, 2 voix contre et une abstention.

8. En troisième et dernier lieu, l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu. Toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif – après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause – de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation. Il lui revient d’apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il aura déterminée.

9. Comme l’ont jugé à bon droit les premiers juges, la seule circonstance que le vice dont est entachée la délibération du 3 avril 2017 soit régularisable ne constitue pas un motif justifiant qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses. Par suite, les conclusions de la commune de La-Plagne-Tarentaise tendant à la limitation dans le temps des effets de l’annulation de la délibération du 3 avril 2017 doivent être rejetées.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune de La-Plagne-Tarentaise n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé, pour le motif mentionné au point 7, la délibération du 3 avril 2017 par laquelle le conseil municipal de La-Plagne-Tarentaise a décidé de céder les parcelles cadastrées n° 1791p, 1798p, 1836p, 1881p, 1946p, 1950p à 1952p et 1999p, à la société La Cascade au prix d’un million d’euros.

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de La-Plagne-Tarentaise, partie perdante, doivent être rejetées.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de La-Plagne-Tarentaise au profit de M. C… I…, la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de La-Plagne-Tarentaise est rejetée.
Article 2 : La commune de La-Plagne-Tarentaise versera la somme de 2 000 euros à M. C… I… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La-Plagne-Tarentaise et à M. C… I…. Copie sera adressée au préfet de la Savoie.

Halte-garderie/ Relations privilégiées avec l’ESF et avantage concurrentiel (non)/ TVA (exonération)

CAA de LYON – 5ème chambre

  • N° 20LY00346
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du jeudi 01 avril 2021

Président

  1. BOURRACHOT

Rapporteur

Mme Pascale DECHE

Rapporteur public

  1. VALLECCHIA

Avocat(s)

DELSOL & AVOCATS

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014.

Par un jugement n° 1720682 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 janvier et 27 mai 2020, l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy, représentée par la Selarl Delsol Avocats, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 novembre 2019 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :
– l’absence de relations privilégiées avec l’Ecole de Ski Français de Valmorel doit être admise, ainsi que l’a fait le tribunal ;
– l’administration n’apporte pas la preuve qu’elle exerce une activité lucrative en concurrençant les garderies présentes dans le même secteur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2020, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
– l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy entretient des relations privilégiées avec l’Ecole de ski français qui, bien que ne possédant pas de personnalité juridique, constitue bien un groupement de fait étant susceptible de procurer, directement ou indirectement, des avantages à ses membres ;
– l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy entre en concurrence avec d’autres organismes du secteur lucratif en ce que sa zone de chalandise s’étend sur toute la Vallée de la Tarentaise et qu’elle attire une clientèle nationale, voire internationale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,
– et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy exerce l’activité de halte-garderie pour les enfants de 18 mois à 3 ans, complétée de celle de l’initiation au ski pour les enfants de 3 à 6 ans. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2013 au 20 juin 2014, à l’issue de laquelle, par une proposition de rectification du 25 août 2015, l’administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014, ainsi que les pénalités correspondantes. L’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy relève appel du jugement du 26 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités correspondantes.
2. Aux termes de l’article 256 du code général des impôts :  » I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (…) les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (…) « . Aux termes de l’article 256 A, dans sa rédaction applicable au litige :  » Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent d’une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. « . Aux termes du b du 1° de l’article 261-7 du code général des impôts :  » Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l’autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient (…) « .

  1. Il résulte de ces dispositions que les associations poursuivant un objet social ou philanthropique sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors, d’une part, que leur gestion présente un caractère désintéressé et, d’autre part, que les services qu’elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d’attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l’association intervient dans un domaine d’activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée lui est acquise si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s’adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l’information du public sur les services qu’elle offre.

Sur les relations privilégiées de l’association  » Club des Piou-Piou de Valmorel  » avec l’Ecole de Ski Français :

  1. Une association, même si elle ne poursuit pas la réalisation de bénéfices et ne procure aucun avantage personnel à ses dirigeants, intervient dans un but lucratif dès lors qu’elle a pour objet de fournir des services aux entreprises qui en sont membres dans le seul intérêt de leur exploitation. Il résulte de l’instruction que l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy, dont la gestion désintéressée n’est pas contestée, exerce une activité de halte-garderie pour les enfants de 18 mois à 6 ans, complétée de celle d’initiation au ski pour les enfants à partir de 3 ans. L’administration a relevé que pour l’exercice de cette dernière activité, l’association fait appel à des moniteurs de ski, membres du Syndicat des Moniteurs de ski de l’Ecole du Ski Français, en leur permettant ainsi d’accroître leur activité. L’administration a également relevé que l’association tient une caisse commune avec l’Ecole du Ski Français et a investi dans un tapis roulant permettant aux plus petits de rejoindre en toute sécurité les pistes de ski sur lesquels ont lieu les cours d’initiation au ski. Par ailleurs, l’administration a constaté que le président de l’association est en même temps le président de l’Ecole du Ski Français. L’administration en a ainsi déduit qu’il existait des relations privilégiées entre l’association  » Club des Piou-Piou de Valmorel  » et l’Ecole de Ski Français.
  2. Toutefois, il résulte de l’instruction que l’Ecole du Ski Français, qui ne constitue ni une société ni une entreprise, mais un groupement de fait ne possédant pas de personnalité juridique, n’est pas membre de l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy et que cette association ne fournit pas des services à cette structure, alors que ce sont les moniteurs de ski réunis au sein du Syndicat des Moniteurs d’ESF qui interviennent auprès de l’association en tant que prestataires des services au bénéfice de cette dernière. Dans ces conditions, l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy qui n’entretient pas des relations privilégiées avec l’Ecole du Ski Français permettant à cette dernière d’en retirer un avantage concurrentiel ne saurait être regardée comme exerçant une activité à caractère lucratif. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que pour ce motif, l’administration l’a assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée.

Sur le caractère concurrentiel de l’activité de l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy :
6. Une association peut bénéficier d’une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée à condition que sa gestion est désintéressée et que les services qu’elle rend n’entrent pas en concurrence directe avec d’autres organismes commerciaux exerçant une activité identique dans le même secteur géographique d’attraction.

  1. Il résulte de l’instruction et notamment de l’article 2 des statuts de l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy que cette association  » a pour objet d’aider les adhérents ayant de jeunes enfants à profiter de leur séjour à Valmorel en organisant un accueil et un encadrement pour les enfants  » et qu’elle constitue la seule structure proposant les services de halte-garderie conjointement à l’initiation au ski aux enfants de 18 mois à 6 ans sur le domaine skiable de Valmorel. La requérante fait valoir sans être sérieusement contredite que sa zone d’attraction géographique se limite au seul domaine skiable de Valmorel, dès lors que les personnes ayant des enfants et venant skier dans cette station n’inscriront pas leurs enfants dans une halte-garderie située dans une autre station, compte tenu notamment du temps de transport entre les stations de sport d’hiver durant la saison hivernale. Dans ces conditions, l’administration ne pouvait estimer qu’elle avait une activité en concurrence avec celle des structures exerçant une activité identique dans les autres stations de ski existant dans la Vallée de la Tarentaise. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration a considéré qu’elle avait une activité lucrative au sens des dispositions précitées et qu’elle l’a assujettie aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
  2. Il résulte de tout ce qui précède, que l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
  3. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1720682 du 26 novembre 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1e juillet 2013 au 30 juin 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L’Etat versera une somme de 2 000 euros à l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Club Piou-Piou de Valmorel Doucy et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l’audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme A…, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2021.
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N° 20LY00346

Téléphérique de La Grave/ Biens de retour et biens de reprise/ Conditions d’indemnisation de l’ancien concessionnaire

CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 29/03/2021, 19MA05156, Inédit au recueil Lebon

CAA de MARSEILLE – 6ème chambre

  • N° 19MA05156
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du lundi 29 mars 2021

Président

  1. FEDOU

Rapporteur

  1. Philippe GRIMAUD

Rapporteur public

  1. THIELÉ

Avocat(s)

MBC AVOCATS

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Téléphériques des glaciers de la Meije a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal de condamner la commune de La Grave à lui verser, d’une part, la somme de 1 201 289,30 euros au titre des investissements réalisés et non amortis à la fin de la concession dont elle était titulaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande indemnitaire préalable et du produit de leur capitalisation et, d’autre part, la somme de 256 900 euros au titre de l’indemnisation des biens dits de reprise ou, à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise afin d’évaluer le montant des indemnités qui lui sont dues.

Par un jugement n° 1706236 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de La Grave à verser à la société Téléphériques des glaciers de la Meije la somme de 1 003 145 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2017 et a ordonné la capitalisation de ces intérêts à compter du 1er septembre 2018 et à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 novembre 2019 et 26 novembre 2020, la commune de La Grave, représentée par Me C…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en ce qu’il a fait droit aux conclusions indemnitaires de la société TGM et a rejeté ses conclusions reconventionnelles ;

2°) de condamner la société TGM à lui verser une indemnité de 500 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut de reconstruction du téléski dit  » Trifides  » ;

3°) à défaut, de désigner un expert en vue d’évaluer le préjudice qu’elle a subi à ce titre ;

4°) de mettre une somme de 10 000 euros à la charge de la société TGM en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement est irrégulier en ce qu’il a omis de répondre au moyen tiré du défaut de préjudice subi par la société en raison de l’indemnisation des travaux de changement de câbles et de l’impossibilité consécutive de condamner la commune à payer une somme qu’elle ne doit pas ;
– le remplacement du câble constitue une obligation à la charge de l’exploitant, tenu d’assurer le maintien des installations en bon état de fonctionnement et constitue un bien de retour, de telle sorte que la société TGM ne devait pas être indemnisée des dépenses réalisées à ce titre ;
– ce câble n’a pas été changé de manière précoce ;
– les travaux relatifs à l’alimentation électrique à l’altitude de 3 200 mètres constituent également des investissements à la charge du concessionnaire qui ne peuvent être indemnisés ;
– en l’absence de tout état des lieux contradictoire et de valorisation précise des biens de reprise, aucune indemnité n’était due à ce titre à la société ;
– le téléski des Trifides constituant un bien de retour et n’ayant jamais été reconstruit après sa destruction, la commune, qui n’a jamais renoncé à sa reconstruction, était fondée à en demander l’indemnisation.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2020, la société Téléphériques des glaciers de la Meije, représentée par Me A…, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de La Grave ;

2°) par la voie de l’appel incident, de réformer le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit à l’intégralité de ses demandes et de condamner la commune de La Grave à lui verser la somme de 1 201 289,30 euros au titre de la valeur des biens de retour non amortis ainsi que la somme de 256 900 euros au titre des biens de reprise, majorée des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable ;

3°) d’ordonner la capitalisation des intérêts ;

4°) à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise en vue de déterminer l’étendue de son préjudice ;

5°) de mettre une somme de 10 000 euros à la charge de la commune de La Grave en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la commune de La Grave sont infondés.

Par ordonnance du 14 décembre 2020, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 11 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. E… Grimaud, rapporteur,
– les conclusions de M. B… Thielé, rapporteur public,
– et les observations de Me D…, représentant la commune de La Grave.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention du 15 juin 1987, la commune de La Grave a confié à la société Téléphériques des glaciers de la Meije la construction et l’exploitation des remontées mécaniques du versant nord du massif de la Meije pour une durée de 30 ans. A l’expiration du contrat, la société Téléphériques des glaciers de la Meije a sollicité l’indemnisation du défaut d’amortissement des travaux de remplacement des câbles porteurs du deuxième tronçon et du câble d’alimentation électrique atteignant l’altitude de 3 200 mètres, ainsi que l’indemnisation du transfert de biens de reprise transmis sans indemnité à la commune puis au nouveau concessionnaire. Par son jugement, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la première de ces deux demandes à hauteur de 944 945 euros et à la seconde à hauteur de 58 200 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la société Téléphériques des glaciers de la Meije.

Sur les conclusions indemnitaires réciproques :

2. En premier lieu, dans le cadre d’une délégation de service public ou d’une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l’ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique.

3. D’une part, lorsque des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public, et ainsi constitutifs d’aménagements indispensables à l’exécution des missions de ce service, sont établis sur la propriété d’une personne publique, ils relèvent de ce fait du régime de la domanialité publique. La faculté offerte aux parties au contrat d’en disposer autrement ne peut s’exercer, en ce qui concerne les droits réels dont peut bénéficier le cocontractant sur le domaine public, que selon les modalités et dans les limites définies aux articles L. 2122-6 à L. 2122-14 du code général de la propriété des personnes publiques ou aux articles L. 1311-2 à L. 1311-8 du code général des collectivités territoriales et à condition que la nature et l’usage des droits consentis ne soient pas susceptibles d’affecter la continuité du service public.

4. D’autre part, le contrat peut attribuer au délégataire ou au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des ouvrages qui, bien que nécessaires au fonctionnement du service public, ne sont pas établis sur la propriété d’une personne publique, ou des droits réels sur ces biens, sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s’opposer à la cession, en cours de délégation, de ces ouvrages ou des droits détenus par la personne privée.

5. En outre, les biens qui n’ont pas été remis par le délégant au délégataire en vue de leur gestion par celui-ci et qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public sont la propriété du délégataire, à moins que les parties n’en disposent autrement.

6. En deuxième lieu, à l’expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application des principes énoncés ci-dessus, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l’exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu’elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Le contrat qui accorde au délégataire ou concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des biens nécessaires au service public autres que les ouvrages établis sur la propriété d’une personne publique, ou certains droits réels sur ces biens, ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de délégation.

7. Par ailleurs, les parties peuvent convenir d’une faculté de reprise par la personne publique, à l’expiration de la délégation ou de la concession, et moyennant un prix, des biens appartenant au délégataire qui ne sont pas nécessaires au fonctionnement du service. Toutefois, aucun principe ni aucune règle ne fait obstacle, s’agissant de ces biens susceptibles d’une reprise, à ce que le contrat prévoie également leur retour gratuit à la personne publique au terme de la délégation.

8. Enfin, lorsque la personne publique résilie la convention avant son terme normal, le délégataire est fondé à demander l’indemnisation du préjudice qu’il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, en application des principes énoncés ci-dessus, dès lors qu’ils n’ont pu être totalement amortis. Lorsque l’amortissement de ces biens a été calculé sur la base d’une durée d’utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d’utilisation était supérieure à la durée du contrat, l’indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l’amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d’une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l’indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus.
En ce qui concerne le remplacement des câbles porteurs et du câble d’alimentation électrique à l’altitude de 3 200 mètres :

9. En vertu de l’article 1er de la convention de concession :  » Le S.I.V.O.M. renonce à la concession de construction et d’exploitation des remontées mécaniques du versant nord du massif de la Meije existant entre lui et la commune de La Grave-la Meije. / Le S.I.V.O.M., avec l’accord de la commune de La Grave-la Meije, transfère la propriété de l’installation des Téléphériques des Glaciers de la Meije à l’exploitant qui accepte, moyennant le prix symbolique de 1 franc. (…). « . Aux termes des stipulations de l’article 7 de ce contrat :  » L’exploitant s’engage : / (…) – à exploiter et à entretenir en bon état de marche pendant toute la durée de la convention les installations et engins de remontées mécaniques définis au cahier des charges. ». En vertu de l’article 8 du contrat :  » Outre le transfert de propriété de l’installation Les Téléphériques de Glaciers de la Meije effectué par le SIVOM à l’exploitant à l’article 1 ci-dessus, l’autorité organisatrice transfère à l’exploitant les biens nécessaires à l’exploitation. / L’ensemble des biens visés ci-dessus sont répertoriés à l’annexe B ci-jointe (…). « . Aux termes de l’article 16 du contrat :  » Lorsque le contrat arrive à échéance, tous les biens nécessaires à l’exploitation sont remis à l’autorité organisatrice. / L’exploitant sera tenu de remettre ces biens en bon état d’entretien et de fonctionnement (…). « . Aux termes de l’annexe B au contrat, la liste des biens mis gratuitement à la disposition de l’exploitant comprend notamment :  » l’installation de téléphériques dite  » Téléphérique des glaciers de la Meije « , en deux tronçons, avec les bâtiments de ses gares en état. « .

10. Il résulte des stipulations précitées que les câbles porteurs gauche et droit du second tronçon de l’équipement dénommé  » téléphériques des glaciers de la Meije « , ainsi que le câble d’alimentation électrique de cet équipement implanté à 3 200 mètres d’altitude, mis à disposition de l’exploitant par le concédant et indispensables à l’exécution du service public qui lui était confié, constituent des biens de retour. Ils devaient donc, en vertu des règles rappelées ci-dessus, faire nécessairement retour à la commune de La Grave à titre gratuit à l’expiration de la convention.

11. Si la société TGM fait valoir qu’elle a été contrainte, en vertu d’une décision du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés et d’une mise en demeure émanant de la commune, de remplacer ces équipements en 2014 et 2015 alors que les câbles porteurs n’avaient selon elle pas atteint la fin de leur durée de vie et qu’elle n’a, de ce fait, pas pu amortir complètement ces investissements avant la fin de la concession, il résulte des clauses du contrat que ces travaux de remplacement, nécessaires au maintien en bon fonctionnement de l’installation, lui incombaient en tout état de cause et devaient dès lors être intégrés, dès la passation de la concession, dans le compte d’exploitation prévisionnel de celle-ci. Par ailleurs, la société TGM, qui se borne à faire valoir le caractère tardif de ces travaux par rapport à l’échéance du contrat, ne soutient ni n’établit que ces équipements, dont il résulte de l’instruction qu’ils sont amortis par la société sur une durée de 25 ans, auraient une durée d’amortissement supérieure à la durée du contrat. Il s’ensuit qu’il résulte de l’instruction que le défaut d’amortissement de ces biens avant l’expiration du contrat ne découle ni de ce qu’ils constitueraient des investissements nouveaux décidés par le concédant à une date ne permettant plus leur amortissement avant la fin du contrat, ni de ce que la durée initiale du contrat était inférieure à leur durée d’amortissement, ni de la résiliation de la concession avant ce terme, ni de ce que les parties auraient commis une erreur dans la détermination de l’équilibre économique global de la concession, qui serait de nature à empêcher l’amortissement des investissements même dans le cadre d’une gestion normale. Il en résulte que la commune de La Grave est fondée à soutenir que le retour à titre gratuit de ces biens non amortis dans son patrimoine n’ouvrait droit à aucune indemnité au profit de la société TGM.
En ce qui concerne les restaurants :

12. Aux termes de l’article 2 de la convention de concession :  » L’autorité organisatrice confie à l’exploitant la construction et l’exploitation à ses risques et périls des installations de remontées mécaniques (…). / L’autorité organisatrice lui confie également, dans les conditions définies au cahier des charges, l’aménagement et l’exploitation des installations, des services annexes et commerces, aux risque et périls de l’exploitant. ». En vertu de l’article 9 du contrat :  » L’exploitant s’engage à fournir les biens nécessaires à l’exploitation autres que ceux qui sont mis à la disposition par le SIVOM et l’autorité organisatrice. Au fur et à mesure de leur mise en service, ces biens sont inscrits à l’annexe C ci-joint. « . En vertu du quatrième alinéa de l’article 2 du cahier des charges :  » les installations et services annexes dont la construction et l’exploitation sont également confiées à l’exploitant, sont les suivantes : / – bars, restaurants, souvenirs (…). « . L’annexe B au contrat énumérant la liste des biens apportés par l’exploitant mentionne notamment :  » annexes aux installations et commerces : restaurants, bars (…). ».

13. Il résulte de ces stipulations, qui qualifient les restaurants de biens  » nécessaires à l’exploitation « , lesquels doivent faire retour à la commune en vertu de l’article 16 du contrat, que les parties ont entendu conférer aux restaurants le caractère de biens de retour. Il s’ensuit que ces biens, dont il n’est pas soutenu qu’ils n’auraient pas été amortis, doivent faire retour gratuitement à la commune de La Grave. La société TGM n’est dès lors pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’indemnisation de la valeur vénale des restaurants remis au concédant.

En ce qui concerne les biens de reprise :

14. En premier lieu, si les stipulations de l’article 16 du traité de concession prévoient que  » l’autorité organisatrice sera tenue d’acquérir les approvisionnements de matériaux et les stocks existants, à prix fixes à dires d’experts « , seuls sont susceptibles de relever de l’application de cette clause, parmi les biens dont la liste a été fournie par la société TGM à la commune, le stock de pièces de rechange, les consommables et le fioul entreposé dans la cuve dans les installations. Il ne résulte toutefois pas de l’instruction que ces biens auraient été remis au concédant, de telle sorte que la demande présentée sur ce point par la société TGM doit être rejetée.

15. En second lieu, si le contrat ne prévoit pas la possibilité pour la commune d’acquérir les biens de reprise de la concession, elle ne l’exclut pas explicitement. Par ailleurs, il résulte de l’instruction, et notamment de la procédure de liquidation de la concession arrêtée par la commune et notifiée à la société TGM par courrier du 18 avril 2017, que la commune envisageait de racheter certains de ces biens à la société TGM, ainsi qu’il lui était loisible de le faire en vertu des principes rappelés aux points 2 à 8 ci-dessus.

16. Il résulte de l’instruction que si, d’une part, la société TGM et la commune de La Grave se sont opposées sur les modalités d’établissement du constat contradictoire nécessaire à l’inventaire des biens en cause et si, d’autre part, le concessionnaire a manifesté une résistance certaine aux propositions de la commune en vue d’établir cet inventaire, la société TGM a néanmoins établi et adressé à la commune, par courrier du 15 avril 2017, une liste précise des biens de reprise de la concession. Il résulte par ailleurs de l’instruction qu’une grande partie des biens meubles et immeubles portés à cet inventaire apparaissent, sous le même libellé, dans l’inventaire des biens transmis par la commune à son nouveau concessionnaire et ont donc été tacitement repris par la commune, qui ne conteste pas sérieusement le transfert de ces biens à la société SATA. Il s’ensuit que la société TGM est fondée à demander l’indemnisation de ceux de
ces biens qui lui appartenaient, dont le montant ne peut toutefois être évalué à la somme de 58 200 euros retenue par le tribunal administratif de Marseille, qui correspond à la différence entre le prix des équipements mentionnés sur l’inventaire des biens qui auraient, selon la société TGM, été transmis à la société SATA et le prix de ceux qu’elle aurait conservés. La société TGM n’est pas davantage fondée à demander le versement à ce titre de la somme de 256 900 euros qu’elle demande en l’absence de correspondance complète entre l’inventaire qu’elle a transmis à la commune et ceux recensés dans la délégation de service public confiée à la société SATA. La Cour n’étant pas suffisamment informée sur ce point par l’instruction, il y a lieu de désigner un expert en vue de déterminer la liste des biens de reprise effectivement transférés à la commune et d’évaluer leur valeur.

En ce qui concerne l’équipement de la liaison avec le dôme de la Lauze :

17. Ainsi que cela a été rappelé aux points 2 à 8 ci-dessus, dans le cadre d’une délégation de service public ou d’une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l’ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique et, à l’expiration de la convention, ces biens font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu’elle détermine, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Par suite, en l’absence de telles clauses, ces biens, qui ont été nécessaires au fonctionnement du service concédé à un moment quelconque de l’exécution de la convention, font retour à la personne publique à l’expiration de celle-ci, quand bien même ils ne sont plus alors nécessaires au fonctionnement du service public concédé.

18. Aux termes des dispositions de l’article 7 du traité de concession :  » L’exploitant s’engage : / (…) – à réaliser la jonction avec le Dôme de la Lauze simultanément avec la réalisation du funiculaire du Jandri au Dôme de Puy Sallié de la station des Deux Alpes. ». En vertu de l’article 2 du cahier des charges de la concession :  » Les installations de remontées mécaniques dont l’Autorité organisatrice confie la construction et l’exploitation, à l’exploitant, sont les suivantes : / (…) – Installation(s) de jonction avec le Dôme de la Lauze (et les Deux Alpes). « . L’annexe C au contrat énumérant la liste des biens nécessaires au service apportés par l’exploitant mentionne notamment :  » Installation(s) de jonction avec le Dôme de la Lauze (et les Deux Alpes) (…). « .

19. En premier lieu, il résulte de ces stipulations que, si la société TGM était libre quant aux modalités techniques précises de desserte du dôme de la Lauze, elle était en revanche tenue d’assurer cette desserte par le biais d’une remontée mécanique, laquelle, installée en 1990, constituait un bien de retour de la concession.

20. En second lieu, il résulte de l’instruction que le téléphérique dit  » des Trifides « , qui constituait l’un des deux équipements reliant le point d’arrivée du téléphérique dit  » des Ruillans  » au dôme de la Lauze s’est effondré en 2008 à la suite de mouvements de terrain et que la desserte a été assurée à compter de cette date par un système provisoire. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société TGM, il résulte de l’instruction que la commune de La Grave, qui était en droit d’attendre l’intégration de ce bien de retour dans son patrimoine à l’expiration de la concession, a exigé de la société TGM, en 2012 puis en 2015, de reconstruire cet équipement afin de rétablir cette liaison et ne peut donc être regardée comme ayant renoncé à la reconstitution de ce bien, alors même qu’elle aurait opté, dans la nouvelle concession, pour un système de desserte différent de la partie la plus élevée de son domaine, comprenant le dôme
de la Lauze. Par ailleurs, si la société TGM fait valoir que la reconstruction à l’identique serait techniquement impossible, elle n’établit pas que la reconstruction de cet équipement de remontée mécanique était, sous une forme ou sous une autre, irréalisable. Il s’ensuit que la commune de La Grave est fondée à demander la condamnation de la société TGM à l’indemniser de la perte de ce bien. Si la commune fait valoir que le coût de reconstruction de cet équipement s’élève à 500 000 euros, cette évaluation se fonde uniquement sur un document sommaire établi dans des conditions indéterminées, qui ne permet pas de chiffrer le coût de cet équipement, dont il résulte en outre de l’instruction qu’il aurait été âgé de vingt-sept ans lors de son retour dans le patrimoine communal de telle sorte que la reconstitution d’une remontée mécanique neuve aurait apporté une plus-value à la commune de La Grave. La Cour n’étant pas suffisamment informée sur ce point par l’instruction, il y a lieu de désigner un expert en vue de déterminer le coût de reconstruction de cet équipement et d’évaluer la plus-value qui aurait résulté de sa remise en état neuf à la commune.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Grave et la société TGM sont fondées à demander l’annulation du jugement attaqué en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative s’opposent à ce que la somme réclamée par la société Téléphériques des glaciers de la Meije sur leur fondement soit mise à la charge de la commune de La Grave, qui n’est pas la partie perdante, pour l’essentiel, dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société TGM, à verser à la commune de La Grave sur ce fondement.

D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions de la société TGM tendant à la condamnation de la commune de La Grave à lui verser la somme de 944 945,32 euros au titre des biens de retour non amortis et la somme de 256 344 euros en ce qui concerne les restaurants d’altitude sont rejetées.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de la société TGM relatives aux biens de reprise transmis à la commune et sur les conclusions indemnitaires de la commune relatives à la reconstruction du téléphérique des Trifides, procédé à une expertise contradictoire en présence de ladite société et de la commune de La Grave, avec mission pour un collège de deux experts, de :
– se faire communiquer toute pièce complémentaire nécessaire à l’exercice de sa mission ;
– dresser la liste des biens de reprise énumérés à l’annexe E de l’inventaire réalisé le 15 avril 2017 par la société TGM qui étaient la propriété de cette société et ont été repris par la commune ;
– évaluer la valeur non amortie de ces biens à la date du 15 juin 2017 ;
– évaluer le coût de la reconstruction d’une installation de remontée mécanique assurant la jonction avec le Dôme de la Lauze en adoptant pour date de référence du coût des travaux le 15 juin 2017 ;
– évaluer la plus-value qui aurait résulté du retour de ce bien à l’état neuf dans le patrimoine de la commune au 15 juin 2017 compte tenu de l’état d’usure de l’équipement de jonction détruit en 2008.

Article 3 : Le collège d’experts accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 4 : La société TGM versera une somme de 2 000 euros à la commune de La Grave en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n’est pas statué par le présent arrêt sont réservés.
Article 6 : Le jugement n° 1706236 du tribunal administratif de Marseille du 5 novembre 2019 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Grave et à la société Téléphériques des glaciers de la Meije.

Ascenseur valléen (téléporté Eau d’Olle Express)/ Autorisation UTN (légalité)/ Impacts sur le milieu naturel/ Contrôle de la viabilité économique (non)

CAA de LYON, 1ère chambre, 16/03/2021, 19LY03585, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. I… D… et Mme E… D… ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 17 novembre 2016 par lequel le préfet de l’Isère a autorisé la création de l’unité touristique nouvelle  » Liaison téléportée entre la vallée d’Allemont et la station d’Oz-en-Oisans « , ensemble la décision rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1703628 du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 septembre 2019, et des mémoires complémentaires enregistrés les 6 juillet 2020 et 25 août 2020, ce dernier mémoire n’ayant pas été communiqué, M. I… et Mme E… D…, représentés par la SELARL CDMF Avocats Affaires Publiques, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 18 juillet 2019 ;
2°) d’annuler cet arrêté du préfet de l’Isère du 17 novembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 7 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– le dossier de demande d’autorisation est insuffisant s’agissant de la prise en compte des risques naturels, des effets du projet sur la ressource en eau et la qualité des eaux, des effets du projet sur la faune et la flore, sur l’environnement naturel, sur le trafic et la circulation locale, ainsi que sur les conditions de l’équilibre économique et financier du projet ;
– le projet porte atteinte à la qualité du site et aux grands équilibres naturels, et méconnaît ainsi les dispositions de l’article L. 122-15 du code de l’urbanisme ;
– le projet, et notamment le choix du site retenu pour la gare de départ, est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, compte tenu des nuisances occasionnées pour les riverains.

Par un mémoire enregistré le 27 février 2020, et des mémoires complémentaires enregistrés les 9 avril 2020 et 6 août 2020, la commune d’Oz-en-Oisans et la commune d’Allemont, représentées par la SCP Fessler Jorquera et Associés, concluent au rejet de la requête et à ce que les requérants leur versent la somme de 2 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
– la demande de première instance était tardive, le recours gracieux des requérants, en date du 28 mars 2017, étant intervenu plus de deux mois après la publication de l’arrêté au recueil des actes administratifs de la préfecture le 25 novembre 2016, sans qu’ait d’incidence l’inscription de l’arrêté dans un quotidien local ;
– aucun des moyens de la requête d’appel n’est fondé.

Par un mémoire enregistré le 26 juin 2020, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que
– la demande de première instance était tardive, le recours gracieux des requérants, en date du 28 mars 2017, étant intervenu plus de deux mois après la publication de l’arrêté au recueil des actes administratifs de la préfecture le 25 novembre 2016 ;
– aucun des moyens de la requête d’appel n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Besse, président-assesseur ;
– les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
– les observations de Me F… pour M. et Mme D… ainsi que celles de Me B… pour les communes d’Oz-en-Oisans et d’Allemont ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour les époux D…, enregistrée le 26 février 2021, et de la note en délibéré présentée pour les communes d’Allemont et d’Oz-en-Oisans, enregistrée le 1er mars 2021 ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article L. 122-19 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable :  » La création ou l’extension d’une unité touristique nouvelle est soumise à autorisation lorsqu’elle est située dans une commune qui n’est pas couverte par un schéma de cohérence territoriale./ Cette autorisation est requise pour : 1° Les remontées mécaniques qui ont pour effet la création d’un nouveau domaine skiable ou l’extension du domaine skiable existant au-delà d’un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat, ou sur une opération qui présente un intérêt régional ou interrégional en raison de sa surface ou de sa capacité d’accueil ; 2° Une remontée mécanique ayant pour effet l’extension d’un domaine skiable existant au-delà d’un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat, ou sur une opération qui présente un intérêt local en raison de sa situation, de sa surface ou de sa capacité d’accueil./ L’autorisation est délivrée par l’autorité administrative compétente de l’Etat après avis de la commission spécialisée du comité de massif dans les cas prévus au 1° et après avis d’une formation spécialisée de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites dans les cas prévus au 2°.  » Aux termes de l’article R. 122-7 du même code :  » Sont soumises à autorisation du préfet de département, après avis d’une formation spécialisée de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, les unités touristiques nouvelles ayant pour objet : 1° La création, l’extension ou le remplacement de remontées mécaniques, lorsqu’ils ont pour effet : (…) b) La création d’une remontée mécanique, n’ayant pas pour objet principal de desservir un domaine skiable, pouvant transporter plus de dix mille voyageurs par jour sur un dénivelé supérieur à 300 mètres ;  »
2. Par arrêté du 17 novembre 2016, le préfet de l’Isère a autorisé, à la demande des communes d’Allemont et d’Oz-en-Oisans, la création d’une unité touristique nouvelle (UTN) en vue de réaliser une liaison téléportée pouvant à terme accueillir un débit de 2 000 personnes par heure, sur un dénivelé supérieur à 600 mètres. Les époux D… relèvent appel du jugement du 18 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l’annulation de cet arrêté et de la décision rejetant leur recours gracieux.

Sur la légalité de l’arrêté du 17 novembre 2016 :

En ce qui concerne le dossier de demande :

3. L’article R. 122-11 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, dispose que :  » La demande [de création d’une UTN] est accompagnée d’un dossier comportant un rapport et des documents graphiques précisant : 1° L’état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l’historique de l’enneigement local, l’état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale ; 2° Les caractéristiques principales du projet et, notamment, de la demande à satisfaire, des modes d’exploitation et de promotion des hébergements et des équipements, ainsi que, lorsque le projet porte sur la création ou l’extension de remontées mécaniques, les caractéristiques du domaine skiable, faisant apparaître les pistes nouvelles susceptibles d’être créées ; / 3° Les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour les prévenir ; 4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l’économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l’environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir, et l’estimation de leur coût. / 5° Les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet « .

4. Il ressort en premier lieu des pièces du dossier que le dossier de demande comprend une analyse détaillée du risque d’avalanche effectuée par le cabinet Engineerisk, qui permet d’appréhender la probabilité du risque et ses effets tant sur les structures que sur les personnes susceptibles d’emprunter la liaison. Si les requérants font valoir que l’étude n’envisageait que la survenance d’un risque trentennal, le dossier, qui rappelle les avalanches identifiées sur le secteur au cours des dernières décennies, permet une information suffisante sur ce point tant du public que de l’autorité décisionnaire. Par ailleurs, l’étude comprend également une étude détaillée du risque d’inondation au niveau de la gare de départ d’Allemont et justifie les mesures prises pour le prendre en compte, sans que les requérants, pour contester la composition de la demande, puissent utilement faire valoir que ces mesures seraient insuffisantes.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le périmètre de protection du captage d’eau de la source de Chasterand n’est pas situé dans l’emprise du projet, de sorte que le dossier de demande n’avait pas à en faire mention. Par ailleurs, le dossier fait état des mesures envisagées lors de la réalisation de la gare d’Allemont pour préserver l’aire d’alimentation de la nappe de l’Eau d’Olle située à proximité et indique que les eaux de ruissellement seront ensuite dirigées vers le réseau communal. Il présente ainsi suffisamment l’incidence du projet sur la ressource en eau.

6. En troisième lieu, le projet comprend une analyse très détaillée de la faune et de la flore présente sur le site, lequel abrite un patrimoine naturel de valeur, et précise les différentes mesures envisagées pour limiter l’impact du projet sur chacune des espèces à préserver. Il définit ainsi suffisamment, au regard des exigences fixées par les dispositions citées au point 3, les mesures d’évitement et de compensation envisagées, tant lors des travaux qu’en phase d’exploitation de la remontée. Par ailleurs, le dossier prend en compte les effets potentiels du projet sur la zone Natura 2000 située à proximité et précise que le projet est sans incidence sur la zone humide proche, sans que cette affirmation ne soit contredite. Enfin, il expose longuement, ainsi qu’il a été dit, les effets du projet sur les espèces ayant justifié le classement du site au sein d’une ZNIEFF de type II. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance du dossier de demande en ce qui concerne les effets du projet sur les milieux naturels et l’environnement doit être écarté.

7. En quatrième lieu, si M. et Mme D… contestent l’intérêt de la réalisation du projet au regard de l’évolution du trafic automobile et de la circulation locale et le bien-fondé des hypothèses émises s’agissant de son impact sur ce point, il ne ressort pas des pièces du dossier que le dossier de demande, qui présente les flux constatés et leur évolution envisagée, serait insuffisant ou manifestement erroné. Par suite, leur moyen doit être écarté.

8. En dernier lieu, le dossier comprend une analyse de la situation financière des collectivités à l’origine du projet, du montant des investissements envisagés et des retombées économiques directes et indirectes du projet. Pour évaluer cet équilibre, les pétitionnaires ont pu prendre en compte l’incidence des projets de construction de résidences de tourisme sur la commune d’Allemont. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les données relatives au montant des dépenses et des recettes de l’opération seraient erronées, insincères ou à ce point irréalistes que, de ce fait, elles entacheraient d’irrégularité le dossier au vu duquel la décision d’autorisation a été prise.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l’arrêté :

9. Aux termes de l’article L. 122-15 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable :  » Le développement touristique et, en particulier, la création d’une unité touristique nouvelle doivent prendre en compte les communautés d’intérêt des collectivités territoriales concernées et contribuer à l’équilibre des activités économiques et de loisirs, notamment en favorisant l’utilisation rationnelle du patrimoine bâti existant et des formules de gestion locative pour les constructions nouvelles. / La localisation, la conception et la réalisation d’une unité touristique nouvelle doivent respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels « .

10. Il ressort des pièces du dossier que, si la gare aval, qui doit s’implanter dans un secteur urbanisé de la commune d’Allemont, est située dans une zone soumise à des risques d’inondation, le dossier identifie ces risques et envisage diverses solutions, consistant notamment en la surélévation de la gare à un niveau supérieur à celui des crues centennales. Si l’espace de stationnement est situé en dessous de ce niveau, comme l’ensemble de la zone, il n’a vocation à accueillir que des véhicules à la journée, pour les usagers de la liaison. Dans ces conditions, le projet, qui doit faire ultérieurement l’objet d’une autorisation d’urbanisme prenant en compte ces contraintes, apparaît réalisable. Il ressort des pièces du dossier que la gare amont n’est pas concernée par un risque d’avalanche important, étant située dans une zone où les coulées de neige éventuelles, de faible ampleur, ont une vitesse réduite. Par ailleurs, si les études préalables ont permis d’identifier dans la zone du projet, notamment dans la partie de forêt qui sera défrichée pour permettre l’implantation des pylônes, des espèces végétales et d’oiseaux protégés, les pétitionnaires envisagent des mesures d’évitement et de compensation de nature à limiter très fortement, tant pendant les travaux que pendant l’exploitation de la ligne, l’impact du projet sur ce secteur, lequel ne présente pas au demeurant une très forte sensibilité environnementale. Dans ces conditions, et alors que le site est dépourvu de qualité paysagère particulière, le préfet de l’Isère n’a pas méconnu les dispositions citées au point précédent en autorisant cette unité touristique nouvelle.

11. Enfin, si les requérants font valoir que les riverains du projet vont subir des nuisances, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de l’autorisation délivrée.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. et Mme D… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les frais d’instance :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions des époux D…, partie perdante, tendant à la mise à la charge de l’Etat des frais non compris dans les dépens qu’ils ont exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des requérants le versement à la commune d’Allemont et à la commune d’Oz-en-Oisans d’une somme de 1 000 euros chacune au titre des frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D… est rejetée.
Article 2 : M. et Mme D… verseront à la commune d’Allemont et à la commune d’Oz-en-Oisans une somme de 1 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. I… et Mme E… D…, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la commune d’Allemont et à la commune d’Oz-en-Oisans.

 

CAA de LYON, 1ère chambre, 16/03/2021, 19LY03596, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D… B… est intervenu en première instance au soutien de la demande de M. K… et Mme H… G…, qui avaient demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 17 novembre 2016 par lequel le préfet de l’Isère a autorisé la création de l’unité touristique nouvelle  » Liaison téléportée entre la vallée d’Allemont et la station d’Oz-en-Oisans « , ensemble la décision rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1703628 du 18 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a admis l’intervention de M. B… mais rejeté la demande des époux G….

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2019, M. D… B…, représenté par Me C…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 18 juillet 2019 ;
2°) d’annuler cet arrêté du préfet de l’Isère du 17 novembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le dossier de demande d’autorisation est insuffisant s’agissant de la définition de la demande à satisfaire, et de l’analyse des conditions de l’équilibre économique et financier du projet ;
– le projet est illégal au regard de son intérêt public, dès lors que les coûts excèderont les recettes attendues.

Par un mémoire enregistré le 6 mars 2020, et un mémoire complémentaire enregistré le 9 avril 2020, la commune d’Oz-en-Oisans et la commune d’Allemont, représentées par la SCP Fessler Jorquera et Associés, concluent au rejet de la requête et à ce que le requérant leur verse la somme de 2 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
– la demande de première instance, au soutien de laquelle est intervenu le requérant, était tardive, le recours gracieux des requérants, en date du 28 mars 2017, étant intervenu plus de deux mois après la publication de l’arrêté au recueil des actes administratifs de la préfecture le 25 novembre 2016, sans qu’ait d’incidence l’inscription de l’arrêté dans un quotidien local ; l’intervention du requérant est donc elle-même irrecevable ;
– aucun des moyens de la requête d’appel n’est fondé.

Par un mémoire enregistré le 26 juin 2020, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que
– la demande de première instance était tardive, le recours gracieux des requérants, en date du 28 mars 2017, étant intervenu plus de deux mois après la publication de l’arrêté au recueil des actes administratifs de la préfecture le 25 novembre 2016 ; l’intervention du requérant est donc elle-même irrecevable ;
– aucun des moyens de la requête d’appel n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Besse, président-assesseur ;
– les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
– les observations de Me C… pour M. B… ainsi que celles de Me E… pour les communes d’Oz-en-Oisans et d’Allemont ;

Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article L. 122-19 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable :  » La création ou l’extension d’une unité touristique nouvelle est soumise à autorisation lorsqu’elle est située dans une commune qui n’est pas couverte par un schéma de cohérence territoriale./ Cette autorisation est requise pour : 1° Les remontées mécaniques qui ont pour effet la création d’un nouveau domaine skiable ou l’extension du domaine skiable existant au-delà d’un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat, ou sur une opération qui présente un intérêt régional ou interrégional en raison de sa surface ou de sa capacité d’accueil ; 2° Une remontée mécanique ayant pour effet l’extension d’un domaine skiable existant au-delà d’un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat, ou sur une opération qui présente un intérêt local en raison de sa situation, de sa surface ou de sa capacité d’accueil./ L’autorisation est délivrée par l’autorité administrative compétente de l’Etat après avis de la commission spécialisée du comité de massif dans les cas prévus au 1° et après avis d’une formation spécialisée de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites dans les cas prévus au 2°.  » Aux termes de l’article R. 122-7 du même code :  » Sont soumises à autorisation du préfet de département, après avis d’une formation spécialisée de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, les unités touristiques nouvelles ayant pour objet : 1° La création, l’extension ou le remplacement de remontées mécaniques, lorsqu’ils ont pour effet : (…) b) La création d’une remontée mécanique, n’ayant pas pour objet principal de desservir un domaine skiable, pouvant transporter plus de dix mille voyageurs par jour sur un dénivelé supérieur à 300 mètres ;  »
2. Par arrêté du 17 novembre 2016, le préfet de l’Isère a autorisé, à la demande des communes d’Allemont et d’Oz-en-Oisans, la création d’une unité touristique nouvelle (UTN) en vue de réaliser une liaison téléportée pouvant à terme accueillir un débit de 2 000 personnes par heure, sur un dénivelé supérieur à 600 mètres. M. B…, qui était intervenu en première instance au soutien de la demande par laquelle M. et Mme G… avaient demandé l’annulation de cet arrêté, relève appel du jugement du 18 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande des intéressés.
Sur la légalité de l’arrêté du 17 novembre 2016 :
3. Aux termes de l’article L. 122-15 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable :  » Le développement touristique et, en particulier, la création d’une unité touristique nouvelle doivent prendre en compte les communautés d’intérêt des collectivités territoriales concernées et contribuer à l’équilibre des activités économiques et de loisirs, notamment en favorisant l’utilisation rationnelle du patrimoine bâti existant et des formules de gestion locative pour les constructions nouvelles. / La localisation, la conception et la réalisation d’une unité touristique nouvelle doivent respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels « . L’article R. 122-11 du même code, dans sa rédaction alors applicable dispose que :  » La demande [de création d’une UTN] est accompagnée d’un dossier comportant un rapport et des documents graphiques précisant : 1° L’état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l’historique de l’enneigement local, l’état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale ; 2° Les caractéristiques principales du projet et, notamment, de la demande à satisfaire, des modes d’exploitation et de promotion des hébergements et des équipements, ainsi que, lorsque le projet porte sur la création ou l’extension de remontées mécaniques, les caractéristiques du domaine skiable, faisant apparaître les pistes nouvelles susceptibles d’être créées ; / 3° Les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour les prévenir ; 4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l’économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l’environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir, et l’estimation de leur coût. / 5° Les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet « .

4. Il ressort en premier lieu des pièces du dossier que le dossier de création de l’unité touristique nouvelle comportait une analyse de la fréquentation des stations de ski du massif de l’Oisans, une étude de marché des personnes susceptibles d’emprunter la remontée, notamment les habitants de l’agglomération grenobloise venant faire du ski à la journée en laissant leur véhicule à la gare aval d’Allemont, ainsi qu’une analyse du flux de véhicules quotidiens, pendant la saison hivernale, entre Allemont et la station d’Oz-en-Oisans. Par suite, il comprend des éléments d’information suffisants sur la demande à satisfaire.

5. Par ailleurs, le dossier comprend une analyse de la situation financière des collectivités à l’origine du projet, du montant des investissements envisagés et des retombées économiques directes et indirectes du projet. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, le coût de la réalisation de la voie de desserte de la gare aval et de son parc de stationnement sont pris en compte par les deux tableaux figurant au dossier. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le montant des sommes à payer pour les servitudes de survol, au demeurant d’un montant très modeste par rapport au coût du projet, n’aurait pas été pris en compte parmi le poste  » charges diverses « , comme le font valoir les défendeurs. Par ailleurs, l’emprise de l’ensemble des gares étant sur une propriété communale, les demandeurs n’avaient pas à prendre en compte le coût financier de l’acquisition du foncier pour analyser l’équilibre financier du projet, à la charge de la commune d’Allemont et du syndicat intercommunal d’études et de programmation pour l’aménagement de la vallée de l’Eau d’Olle. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les recettes escomptées de l’exploitation de la liaison téléportée, estimées dans le scénario principal en tenant compte d’une augmentation de 20% du nombre de forfaits skieurs sur la station d’Oz-en-Oisans, seraient insincères ou irréalistes. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance du dossier de création, s’agissant des conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet, doit être écarté.

6. En second lieu, il n’appartient pas au préfet compétent pour délivrer l’autorisation d’urbanisme en litige de porter une appréciation sur la viabilité économique et financière de ce projet. Par suite, le moyen selon lequel l’arrêté serait dépourvu d’intérêt public pour ce motif est inopérant.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. et Mme G….

Sur les frais d’instance :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de M. B…, partie perdante, tendant à la mise à la charge de l’Etat des frais non compris dans les dépens qu’il a exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du requérant le versement à la commune d’Allemont et à la commune d’Oz-en-Oisans d’une somme de 1 000 euros chacune au titre des frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.
Article 2 : M. B… versera à la commune d’Allemont et à la commune d’Oz-en-Oisans une somme de 1 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D… B…, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la commune d’Allemont et à la commune d’Oz-en-Oisans.

Transport par câble (modernisation)/ Remontées mécaniques (simplification)

33 Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-206 du 24 février 2021 relative aux installations à câbles prise en application de l’article 128 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043179214

 

34 Ordonnance n° 2021-206 du 24 février 2021 relative aux installations à câbles prise en application de l’article 128 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043179225

 

35 Décret n° 2021-207 du 24 février 2021 adaptant la réglementation applicable au transport de personnes par câbles à l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2016/424 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux installations à câbles et abrogeant la directive 2000/9/CE

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043179229

Contrat relatif à la distribution des secours sur domaine skiable – Restrictions d’accès à certains cabinets médicaux – Responsabilité[s] de la commune (non)

CAA de LYON, 4ème chambre, 04/02/2021, 19LY00119, Inédit au recueil Lebon

CAA de LYON – 4ème chambre

  • N° 19LY00119
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du jeudi 04 février 2021

Président

  1. d’HERVE

Rapporteur

  1. Christophe RIVIERE

Rapporteur public

  1. SAVOURE

Avocat(s)

ARMAND – CHAT ET ASSOCIES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B… D… et le centre médical des montagnes de l’Arc (CEMMA) ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

– de condamner la commune de Bourg-Saint-Maurice et la société ADS à leur verser une somme de 560 000 euros en réparation des préjudices subis au titre de la période du 1er février 2013 à la date d’enregistrement de la requête et une somme de 200 000 euros par saison d’hiver à compter de la requête et jusqu’au prononcé du jugement ;

– de les condamner à verser à M. D… une somme supplémentaire de 100 000 euros au titre de son préjudice personnel ;

– d’enjoindre à la société ADS de procéder à une répartition équitable des blessés entre les cabinets médicaux de la station des Arcs et communiquer chaque mois des saisons d’hiver à venir les données de la répartition des blessés entre les cabinets, sous astreinte de 1 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1601146 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2019, M. B… D… et la Selarl  » centre médical des montagnes de l’Arc  » (CEMMA), représentés par la SCP Armand-Chat et Associés, demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement susmentionné n° 1601146 du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner in solidum la commune de Bourg-Saint-Maurice et la société ADS à payer à la société CEMMA la somme de 1 360 000 euros en réparation de son préjudice financier, subi pendant la période courant du 1er février 2013 jusqu’à la fin de la saison d’hiver 2018/2019, ainsi que la somme de 200 000 euros par saison d’hiver supplémentaire à compter de la présente requête jusqu’au prononcé de l’arrêt à intervenir ;

3°) de condamner in solidum la commune de Bourg-Saint-Maurice et la société ADS à payer à M. B… D… la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles occasionnés dans ses conditions d’existence ;

4°) d’enjoindre à la commune de Bourg-Saint-Maurice et à la société ADS de procéder à une répartition équitable des blessés acheminés par le service des pistes entre les cabinets médicaux de la station des Arcs et communiquer au docteur D…, le 1er de chaque mois des saisons d’hiver à venir, les chiffres de la répartition des blessés entre les cabinets, sous astreinte de 1 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge in solidum de la commune de Bourg-Saint-Maurice et de la société ADS la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– leur action en responsabilité contre la société ADS, au titre d’une mission de service public administratif relative à l’évacuation des blessés et pour laquelle des droits exclusifs lui ont été conférés par l’autorité communale, relève de la compétence de la juridiction administrative, nonobstant sa qualité de société privée ;
– le maire de la commune de Bourg-Saint-Maurice a commis une faute en adoptant le 25 février 2013, un arrêté, qu’il a retiré le 5 février 2014, restreignant l’accès au cabinet médical du docteur D…, alors qu’il ne dispose d’aucune compétence pour réglementer la circulation ou le stationnement de véhicules sur une voie privée non ouverte à la circulation publique ;
– le maire de la commune de Bourg-Saint-Maurice et la société ADS ont commis des fautes en méconnaissant les principes d’égalité et d’impartialité dans la répartition des blessés acheminés par le service des pistes auprès des cabinets médicaux situés sur le secteur des Arcs en privilégiant leur acheminement vers les autres cabinets médicaux que celui du docteur D…, et ce pour des motifs non établis de difficultés d’accès des ambulances, et en interdisant l’accès au cabinet du docteur D… aux véhicules ;
– le maire de la commune de Bourg Saint Maurice et la société ADS ont délibérément méconnu l’arrêté municipal du 14 octobre 2010 en ne prenant pas en compte l’activité du docteur D… en qualité de médecin, spécialisé notamment en traumatologie, pour orienter les blessés secourus par le service des pistes vers son cabinet médical et ce depuis le mois de février 2013 ;
– en faisant état de prétendues difficultés d’accessibilité des blessés au cabinet médical du docteur D…, la commune de Bourg Saint Maurice et la société ADS ont contrevenu au principe fondamental du libre choix de son médecin par le patient ;
– la responsabilité de la commune peut être recherchée directement sur le fondement de la rupture d’égalité devant les charges publiques du fait de la convention conclue avec la société ADS ;
– les préjudices qu’ils allèguent présentent un lien de causalité avec l’arrêté municipal du 25 février 2013 ;
– la commune de Bourg-Saint-Maurice et la société ADS sont donc solidairement responsables des préjudices qui leur ont été causés ;
– la société ADS, pour s’exonérer de toute responsabilité dans l’orientation des blessés transportés par ambulances, ne peut sérieusement se retrancher derrière les avis de la commission de sécurité, puisque ces avis émanent de ses préposés ;
– le lien de causalité entre les fautes et le préjudice financier qu’ils ont subi est avéré puisque l’absence d’orientation vers le cabinet médical du docteur D… des blessés secourus par le personnel de la société ADS depuis février 2013 entraîne une diminution conséquente de leurs recettes ;
– la société CEMMA a subi un manque à gagner de 1 360 000 euros entre 2013 et 2019 sur la base de 500 blessés soignés par saison (400 pour la saison 2013) et du coût moyen du traitement d’un blessé de l’ordre de 400 euros ;
– le docteur D… subit et continue de subir un grave préjudice moral et des troubles dans ses conditions d’existence, imputables à l’atteinte discriminatoire portée à l’exercice de son activité médicale, évalués à la somme de 100 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2019, la société anonyme ADS, représentée par Me E…, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de M. B… D… et de la Selarl CEMMA la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
– la juridiction administrative est incompétente pour se prononcer sur sa responsabilité dès lors qu’elle est une société privée chargée d’un service public industriel et commercial sur le fondement de l’article L. 342-13 du code du tourisme ;
– elle s’en est rapportée aux avis de la commission de sécurité et s’est conformée à l’arrêté municipal du 25 février 2013 jusqu’à son retrait le 5 février 2014 ;
– les moyens des requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2020, la commune de Bourg-Saint-Maurice, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge solidaire de M. B… D… et de la Selarl CEMMA la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
– sa responsabilité ne peut être recherchée directement sur le fondement de la rupture d’égalité devant les charges publiques, puisqu’elle a délégué à la société ADS son service de secours par application de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales ;
– les préjudices invoqués ne lui sont pas imputables ;
– les moyens des requérants ne sont pas fondés ;
– les demandes d’injonction, qui ne sont pas des mesures d’exécution nécessaires de la décision à intervenir, mais ont pour objet l’établissement d’un hypothétique futur préjudice de M. D…, sont irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code du tourisme ;
– le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. C… ;
– les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :

1. M. D… exerce, depuis le 1er février 2013 pendant les saisons de ski, son activité de médecin généraliste dans la station de ski Les Arcs 1800 au sein du centre médical des montagnes de l’Arc (CEMMA), installé au rez-de-chaussée de l’immeuble  » Les Arandelières « , secteur des Villards. Par un arrêté du 14 octobre 2010, le maire de la commune de Bourg-Saint-Maurice a réglementé au titre du secours primaire les modalités d’évacuation des pistes des blessés. Les opérations matérielles de secours aux personnes accidentées, blessées ou en détresse sur le domaine skiable sont assurées aux Arcs par la société exploitant ce domaine, la société ADS, chargée d’évacuer les personnes concernées et de les confier aux structures hospitalières ou médicales habilitées ou à un transporteur sanitaire public ou privé agréé. Par un arrêté du 5 février 2014 le maire de Bourg-Saint-Maurice a retiré un précédent arrêté du 25 février 2013 qui règlementait la circulation et le stationnement sur la voie donnant accès à la place basse des Villards à Arc 1800. M. D… et le CEMMA, qui se plaignent de ce que les blessés sont acheminés en priorité vers d’autres cabinets médicaux, pour des motifs non établis réputés liés aux difficultés d’accès des ambulances, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de la commune de Bourg-Saint-Maurice et de la société ADS à les indemniser des préjudices qu’ils soutiennent subir du fait des conditions dans lesquelles les personnes évacuées sont confiées aux structures médicales. Par un jugement du 6 novembre 2018, dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. La juridiction administrative n’est compétente pour connaitre de la responsabilité extracontractuelle d’un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public que lorsque l’activité à raison de laquelle sa responsabilité est recherchée est relative à l’exercice de prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées pour l’exécution de cette mission.
3. La société ADS, personne morale de droit privé qui exploite le domaine skiable, est chargée d’assurer, pour le compte de la commune de Bourg-Saint-Maurice, sous l’autorité du maire et sous la conduite du responsable de la sécurité des pistes, les opérations de secours. Cette activité a le caractère d’une mission de service public à caractère administratif. Cependant cette association ne détient et ne met en oeuvre aucune prérogative de puissance publique pour l’exercice de cette mission. Le contrat relatif à la distribution des secours stipule au contraire dans son article 4 que ce contrat ne confère aucune exclusivité au profit du prestataire. Ainsi, la responsabilité de la société ADS encourue dans le cadre de l’exécution de cette mission ne peut être mise en cause que devant les tribunaux de l’ordre judiciaire, comme l’ont relevé, pour un autre motif, les premiers juges.
Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

4. En premier lieu, l’arrêté du 25 février 2013 par lequel le maire de Bourg-Saint-Maurice a interdit la circulation et le stationnement de tous véhicules sur la voie donnant accès à place basse des Villards à Arc 1800, autorisait néanmoins la circulation à une vitesse inférieure à 10 km/h et à toute heure, notamment, des véhicules de services de secours, des ambulances se rendant au cabinet médical de la place basse des Villards dans le cadre de la gestion du secours primaire aux blessés des pistes et des ambulances quittant le cabinet médical de la place basse des Villards dans le cadre de la gestion du secours secondaire aux usagers des pistes blessés ou dans le cadre de leur transfert à leur domicile après prise en charge par le cabinet médical. Ainsi, les préjudices allégués par les requérants, consistant dans un manque à gagner résultant de l’acheminement privilégié des blessés auprès des autres cabinets médicaux, ne sont pas liés directement à l’illégalité fautive de cet arrêté, retiré le 5 février 2014, qui prononçait une mesure de police administrative pour une voie privée non ouverte à la circulation publique.

5. En deuxième lieu, aux termes de l’article 1er de l’arrêté municipal du 14 octobre 2010 déjà cité au point 1 :  » En situation normale, l’évacuation des blessés des pistes au titre du secours primaire s’effectuera selon les principes suivants qui seront appliqués dans l’ordre : 1° Principe de libre choix du blessé lorsqu’il s’exprime en faveur d’un cabinet médical, sous réserve que la nature de sa pathologie, les possibilités de transport et l’éloignement géographique du cabinet le permettent ; 2° A défaut de choix du blessé, répartition équitable selon une sectorisation géographique (vers la structure médicale adaptée la plus proche). Par  » situation normale « , on entend le cas où les blessés peuvent être pris en charge par e service des pistes sans nécessiter leur transfert par hélicoptère dans un établissement hospitalier en dehors de la commune en raison de la gravité de leur état appréciée par le médecin régulateur du SAMU. « . Aux termes de l’article 3 du même arrêté :  » En cas de pluralité de cabinets médicaux sur l’un des secteurs, la répartition des blessés se fera à l’intérieur de ce secteur, sauf application du 1° de l’article 1 et de 1’article 4, en fonction du nombre de médecins actifs dans chacun des cabinets « .

6. Il résulte de l’instruction que l’accès au cabinet médical du docteur D…, situé en façade de la place basse des Villards, est assuré par une voie  » pompiers  » appartenant à l’association syndicale libre de l’Aiguille des Glaciers, qui n’est accessible que de manière restreinte pour les secours. L’usage libre de cette voie est restreint par une barrière commandée qui est gérée par le service  » parkings  » de la commune et est ouverte par l’agent de permanence par visualisation du véhicule entrant. Cette voie est bordée de commerces et de terrasses et est essentiellement à vocation d’accès piétons menant aux caisses des remontées mécaniques, aux commerces adjacents et aux places, basse et haute, des Villards. La commission de sécurité du domaine skiable, qui n’est pas composée uniquement de représentants de la commune et de la société ADS, a, lors de sa séance du 21 février 2013 en formation restreinte, estimé qu’il y avait lieu, à compter du 22 février 2013, d’appliquer la répartition géographique et par nombre des médecins à l’intérieur d’un secteur géographique, sous les restrictions prévues par l’article 1er de l’arrêté municipal du 14 octobre 2010 et, pour éviter tout sur-accident et respecter l’obligation de décence vis-à-vis des patients brancardés, qu’il convenait de ne pas autoriser d’une part le transport des patients en brancard dans le cas où ils ne peuvent se déplacer par leurs propres moyens et d’autre part, de façon exceptionnelle, l’accès par ambulance au cabinet médical du docteur D… s’il s’avérait momentanément impossible, en raison du caractère piétonnier des lieux, de la présence exceptionnelle d’autres véhicules ou de tout autre cause rendant le transport impossible par ambulance. Puis elle a, lors de sa séance du 12 novembre 2013, considéré que le cabinet médical précité, en raison de sa situation géographique et des essais faits la saison précédente ne pouvait en l’état accueillir des blessés évacués des pistes, sans respecter les règles fixées par la commission de sécurité du domaine skiable lors de sa réunion sur le terrain en formation restreinte le 21 février 2013. Les dispositions adoptées lors de la commission de sécurité du 21 février 2013 ont ensuite été reconduites, notamment lors des saisons d’hiver 2013-2014 et 2014-2015.

7. Les difficultés d’accès au cabinet médical du docteur D… ont été soulignées le 25 février 2013 par le gérant de la société d’ambulances UPRA et le 28 février 2013 par un responsable du SAMU, et sont confirmées par un procès-verbal de constat d’huissier établi le dimanche 22 février 2015 à 9 h 30, à la demande de la commune de Bourg-Saint-Maurice, qui apporte une contestation sérieuse aux nombreuses photographies produites par les intéressés et au constat d’huissier effectué le mardi 27 janvier 2015 à la demande du docteur D…. Même si ce constat a été réalisé en faisant circuler une ambulance de la voie publique au cabinet, il a été établi à un moment où le secteur concerné était très peu fréquenté. Il ressort notamment de ce premier procès-verbal que la voie d’accès au centre commercial de l’Aiguille des Glaciers est réservée aux piétons à l’exception des véhicules autorisés, et qu’à son extrémité, cette voie, qui est celle permettant d’accéder au cabinet médical, est fermée par une barrière métallique verrouillée par un cadenas, dont la clé est seulement détenue par le syndic, durant les horaires d’ouverture de son agence. Ce même procès-verbal relève que la largeur de la voie piétonne est réduite, qu’elle longe les trottoirs et les terrasses installées au droit des commerces et des établissement de restauration. Ce constat signale que l’entrée de la place basse des Villards n’est pas déneigée, que l’impossibilité de retournement d’un véhicule de secours l’oblige à circuler en marche arrière, ces éléments compromettant la rapidité des interventions, et enfin que les conditions du brancardage des personnes blessées au sein d’un tel environnement ne garantissent pas leur intimité.

8. Il résulte de ce qui précède que les restrictions apportées à l’accès du cabinet médical du docteur D…, motivées par des raisons de sécurité publique et de confort des blessés, ne révèlent aucune méconnaissance délibérée et fautive par la commune de Bourg-Saint-Maurice de l’arrêté municipal du 14 octobre 2010, et notamment de ses dispositions (1°) rappelées au point 5.

9. En troisième lieu, dès lors qu’il résulte de l’instruction que, ainsi qu’il a été dit précédemment, d’une part, le cabinet médical du docteur D… n’est pas, eu égard à sa situation, placé dans la même situation que les autres cabinets médicaux en ce qui concerne les conditions d’accès et que, d’autre part, les modalités imposées par la commission de sécurité procèdent de considérations liées à la sécurité et à la décence des conditions de prise en charge des blessés, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la mise en place de ces restrictions révélerait de la part du maire une atteinte fautive aux principes d’égalité et d’impartialité.

10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l’article L. 1110-8 du code de la santé publique :  » Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé et de son mode de prise en charge, sous forme ambulatoire ou à domicile, en particulier lorsqu’il relève de soins palliatifs au sens de l’article L. 1110-10, est un principe fondamental de la législation sanitaire. Les limitations apportées à ce principe par les différents régimes de protection sociale ne peuvent être introduites qu’en considération des capacités techniques des établissements, de leur mode de tarification et des critères de l’autorisation à dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux. « .

11. En appliquant les mesures de restrictions précitées, à la suite des recommandations de la commission de sécurité du domaine skiable prises dans l’intérêt des blessés, le maire de Bourg-Saint-Maurice n’a pas davantage porté une atteinte fautive au droit du malade au libre choix de son praticien.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

12. Les requérants recherchent enfin la responsabilité sans faute de la commune de Bourg-Saint-Maurice en lui imputant une rupture d’égalité devant les charges publiques due au contrat relatif à la distribution des secours conclu entre la commune et la société ADS pour la distribution des secours. Toutefois, ce contrat, qui confie à la société ADS, pour le compte de la commune, sous l’autorité du maire et sous la conduite du responsable de la sécurité des pistes, la mise en oeuvre des opérations de secours au profit de toutes personnes accidentées, blessées ou en détresse sur l’ensemble du territoire concédé dans le cadre de la convention du 21 février 1991 conclue pour l’aménagement du domaine skiable et l’exploitation des remontées mécaniques des Arcs, n’a ni pour objet ni pour effet de provoquer par lui-même une rupture d’égalité au détriment des requérants. A supposer que ces derniers aient entendu se prévaloir aussi à cet égard de la restriction d’accès au cabinet médical litigieux dues aux recommandations de la commission de sécurité du domaine skiable, de telles restrictions, justifiées par des raisons de sécurité publique et de décence des conditions de prise en charge des blessés, n’excèdent pas les sujétions que doivent normalement supporter tout administré dans un but d’intérêt général.

13. Il résulte de tout de ce qui précède que les conclusions indemnitaires des requérants sont dépourvues de bien fondé et qu’ils ne sont par suite pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble les a rejetées.

14. Il y a donc lieu pour la cour de rejeter leur requête, y compris leurs conclusions à fin d’injonction et celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

15. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B… D… et de la Selarl  » centre médical des montagnes de l’Arc  » (CEMMA), la somme globale 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à la commune de Bourg-Saint-Maurice et à la société ADS, à raison de 1 000 euros à chacune.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B… D… et de la Selarl  » centre médical des montagnes de l’Arc  » (CEMMA) est rejetée.
Article 2 : M. B… D… et la Selarl  » centre médical des montagnes de l’Arc  » (CEMMA) verseront la somme de 1 000 euros à la commune de Bourg-Saint-Maurice et la même somme à la société ADS au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… D…, à la SELARL  » centre médical des montagnes de l’Arc  » (CEMMA), à la commune de Bourg-Saint-Maurice et à la société ADS.

Effarouchement renforcé de l’ours brun – Illégalité (violation de l’article L. 411-2 du code de l’environnement)

Conseil d’État

N° 434058
ECLI:FR:CECHR:2021:434058.20210204
Inédit au recueil Lebon
6ème – 5ème chambres réunies
Mme Cécile Vaullerin, rapporteur
M. Olivier Fuchs, rapporteur public

Lecture du jeudi 4 février 2021

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 29 août 2019 et le 5 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Ferus – Ours, Loup, Lynx, l’association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel, l’association Pays de l’Ours – Adet, le comité écologique ariégeois, l’association Nature Comminges, l’association Nature en Occitanie, le fonds d’intervention écopastoral, l’association France nature environnement Hautes-Pyrénées, la société nationale de protection de la nature et d’acclimatation de France et l’association Animal Cross demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 27 juin 2019 du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l’agriculture et de l’alimentation relatif à la mise en place à titre expérimental de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule ;
– la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme A… B…, auditrice,

– les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. D’une part, l’article 12 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite directive  » Habitats  » prévoit que :  » 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : (…) b) la perturbation intentionnelle de ces espèces, notamment durant la période de reproduction et de dépendance (…) « . L’ours brun (Ursus arctos) est au nombre des espèces figurant au point a) de l’annexe IV de la directive. L’article 16 de la même directive énonce toutefois que :  » 1. A condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les Etats membres peuvent déroger aux dispositions des article 12, 13, 14 et de l’article 15 points a) et b) : (…) b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété « .

2. D’autre part, aux termes du I de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, pris pour la transposition de la directive  » Habitats  » :  » Lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (…) d’espèces animales non domestiques (…) et de leurs habitats, sont interdits : 1° (…) la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces (…) « . Aux termes de l’article L. 411-2 du même code, pris pour la transposition de l’article 16 de la même directive :  » Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques (…) ainsi protégés ; 2° La durée et les modalités de mise en oeuvre des interdictions prises en application du I de l’article L. 411-1 ; 3° La partie du territoire sur laquelle elles s’appliquent (…) ; 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage (…) et à d’autres formes de propriété « .

3. Enfin, pour l’application de ces dernières dispositions, l’article R. 411-1 du code de l’environnement prévoit que la liste des espèces animales non domestiques faisant l’objet des interdictions définies à l’article L. 411-1 est établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l’agriculture. L’article R. 411-6 du même code précise que :  » Les dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. / (…) « . Son article R. 411-13 prévoit que les ministres chargés de la protection de la nature et de l’agriculture fixent par arrêté conjoint pris après avis du Conseil national de la protection de la nature  » (…) / 2° Si nécessaire, pour certaines espèces dont l’aire de répartition excède le territoire d’un département, les conditions et limites dans lesquelles les dérogations sont accordées afin de garantir le respect des dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement « .

4. Pris sur le fondement de ces dernières dispositions, l’arrêté attaqué du 27 juin 2019 a pour objet de fixer, à titre expérimental jusqu’au 1er novembre 2019, les conditions et limites dans lesquelles des dérogations à l’interdiction de perturbation intentionnelle des ours bruns peuvent être accordées par les préfets en vue de la protection des troupeaux domestiques. Son article 2 autorise le recours à des moyens d’effarouchement selon deux modalités, l’effarouchement simple, par des moyens sonores, olfactifs ou lumineux, et l’effarouchement renforcé, au moyen de tirs non létaux. L’article 3 de l’arrêté fixe les conditions de mise en oeuvre de l’effarouchement simple, justifiée par la survenance d’au moins une attaque sur l’estive lors de l’année précédente ou d’au moins quatre attaques cumulées au cours des deux années précédentes. L’usage de la dérogation est conditionné à l’utilisation de moyens de protection du troupeau tels que définis par les plans de développement ruraux ou de mesures reconnues équivalentes, sauf si le troupeau est reconnu comme ne pouvant être protégé. Les dispositions prévoient une information préalable par les agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et un compte-rendu annuel de réalisation adressé au préfet. L’article 4 de l’arrêté précise les modalités de mise en oeuvre de l’effarouchement renforcé, subordonné à la mise en place de l’effarouchement simple et à la survenance, malgré la mise en oeuvre effective de moyens d’effarouchement simple, d’une deuxième attaque en moins d’un mois ou, sur les estives ayant subi au moins quatre attaques sur les deux dernières années, dès la première attaque imputable à l’ours. L’article 5 de l’arrêté prévoit l’autorisation du directeur du parc national des Pyrénées pour toute mesure d’effarouchement dans le coeur du parc.

5. Il est constant que l’ours brun ne vit plus en France que dans le massif des Pyrénées. Alors que l’effectif de l’espèce en France comptait encore environ 150 individus au début du XXème siècle, la population ursine a connu un fort déclin au cours de ce siècle pour ne plus compter que 7 ou 8 individus dans les années 1980. En dépit du régime de protection institué en 1981 et des réintroductions effectuées à compter de 1996, l’état de conservation de l’espèce n’a pas retrouvé un caractère favorable au sens de l’article 1er de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992. Il ressort ainsi des différentes études produites au dossier que les effectifs d’ours bruns dans la chaîne pyrénéenne s’élevaient à une cinquantaine d’individus en 2019. Il ressort, en outre, du rapport d’évaluation établi le 26 septembre 2013 par le Muséum national d’histoire naturelle à la demande du Gouvernement que, malgré l’évolution positive des effectifs et de l’aire de répartition et malgré la stabilité de l’habitat de l’espèce, les perspectives futures restent défavorables, dans la mesure où les effectifs sur l’aire de répartition demeurent inférieurs à la valeur de référence jugée nécessaire pour assurer la survie de l’espèce, estimée à une centaine d’individus.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution :

6. Si les requérantes soutiennent que l’arrêté attaqué méconnaîtrait le principe de précaution tel que défini par l’article 5 de la Charte de l’environnement, les risques invoqués pour la viabilité de l’espèce, s’agissant d’une règlementation ayant pour objet d’organiser les conditions de mise en oeuvre de dérogations au principe de protection des espèces protégées et de leurs habitats posé par la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 et les articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement, ne sont pas au nombre de ceux, présentant des incertitudes en l’état des connaissances scientifiques, visés à cet article. Dès lors, le moyen soulevé ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance de l’article L. 411-2 du code de l’environnement :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de la condition relative à l’existence de dommages importants à l’élevage :

7. Les dispositions de l’article 3 de l’arrêté attaqué conditionnent le recours à des mesures d’effarouchement simple au fait que le troupeau ait subi  » au moins une attaque sur l’estive au cours de l’année précédant la demande ou d’au moins quatre attaques cumulées sur l’estive au cours des deux années précédant la demande « . Les dispositions de l’article 4 de l’arrêté attaqué autorise la mise en oeuvre de mesures d’effarouchement renforcé  » dès la deuxième attaque intervenue dans un délai inférieur à un mois (…) ou, pour les estives ayant subi au moins quatre attaques cumulées sur les deux années précédentes, dès la première attaque imputable à l’ours (…).  » Une attaque est définie à l’article 3 de l’arrêté attaqué comme  » toute attaque pour laquelle la responsabilité de l’ours n’a pas pu être exclue et donnant lieu à au moins une victime indemnisable au titre de la prédation de l’ours « . Les dispositions de l’arrêté attaqué ne permettent ainsi le recours à des mesures d’effarouchement, simple ou renforcé, que dans le cas où le troupeau concerné a déjà subi des dommages caractérisés. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué méconnaîtrait la condition relative à l’existence de dommages importants à l’élevage posée à l’article L. 411-2 du code de l’environnement ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de la condition relative au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de l’espèce dans son aire de répartition naturelle et de la condition relative à l’absence d’autre solution satisfaisante :

8. Si la nécessité de protéger les élevages est au nombre des motifs qui peuvent justifier, aux termes des dispositions précitées de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992, une dérogation à l’interdiction de perturbation intentionnelle des conditions de vie d’une espèce protégée au titre de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, dont l’état de conservation est défavorable, de telles mesures dérogatoires ne sauraient être légalement adoptées que si elles ne portent pas atteinte au maintien des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle et ne compromettent pas l’amélioration de l’état de l’espèce.

9. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport réalisé par le conseil général de l’environnement et du développement durable et le conseil général de l’alimentation de l’agriculture et des espaces ruraux, publié en septembre 2018, qu’en l’état des connaissances disponibles, les mesures d’effarouchement simple par des moyens sonores, olfactifs ou lumineux, mises en oeuvre dans les conditions prévues par l’arrêté attaqué, ne sont pas de nature à porter atteinte au maintien des populations d’ours ou à compromettre l’amélioration de l’état de conservation de l’espèce.

10. En revanche, l’article 4 de l’arrêté attaqué, sous réserve que soient remplies les conditions qu’il prévoit en termes d’attaques des troupeaux, permet à tout éleveur, groupement pastoral ou gestionnaire d’estive de déposer auprès du préfet une demande de dérogation permettant le recours à l’effarouchement par des tirs non létaux de toute arme à feu chargée de cartouches en caoutchouc ou de cartouches à double détonation et prévoit que les dérogations accordées sont délivrées pour deux mois et sont reconductibles deux fois. Il permet la mise en oeuvre de ces opérations d’effarouchement renforcé par l’éleveur ou le berger, titulaires du permis de chasser, ou par des lieutenants de louveterie ou par des chasseurs ou par des agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, après une formation préalable par les agents de cet Office. En ouvrant ainsi ces possibilités de recourir à l’effarouchement renforcé, sans encadrer davantage ses conditions de mise en oeuvre, les dispositions de l’arrêté attaqué relatives à ce mode d’effarouchement ne permettent pas de s’assurer, eu égard aux effets d’un tel effarouchement sur l’espèce, que les dérogations susceptibles d’être accordées sur ce fondement par le préfet ne portent pas atteinte, en l’état des connaissances prévalant à la date de l’arrêté attaqué, au maintien des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle et ne compromettent pas l’amélioration de l’état de l’espèce. Par suite, les associations requérantes sont fondées à soutenir que l’arrêté, en tant qu’il prévoit des mesures d’effarouchement renforcé, méconnaît les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement et est entaché d’illégalité.

Sur les conclusions relatives aux frais d’instance :

11. Il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros à verser à l’association Ferus – Ours, loup, lynx et autres au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–
Article 1er : Les termes  » deux  » et  » l’effarouchement renforcé, à l’aide de tirs non létaux  » de l’article 2 ainsi que l’article 4 de l’arrêté du 27 juin 2019 relatif à la mise en place à titre expérimental de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux sont annulés.
Article 2 : L’Etat versera à l’association Ferus – Ours, loup, lynx et autres une somme de 2 000 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’association Ferus – Ours, Loup, Lynx, première dénommée pour l’ensemble des requérantes, à la ministre de la transition écologique et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Covid- Fermeture de l’accès des remontées mécaniques au grand public – Suspension (non)

Conseil d’État, Juge des référés, 03/02/2021, 448939, Inédit au recueil Lebon
Conseil d’État – Juge des référés
• N° 448939
• ECLI:FR:CEORD:2021:448939.20210203
• Inédit au recueil Lebon
Lecture du mercredi 03 février 2021
Avocat(s)
SCP ZRIBI, TEXIER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 janvier et 1er février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), la Fédération sportive et culturelle de France (FSCF), la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM), l’Union française des oeuvre laïques d’éducation physique (UFOLEP), la Fédération nationale du sport en milieu rural (FNSMR) et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d’ordonner la suspension de l’exécution du 3° du I de l’article 18 du décret du 29 octobre 2020 modifié par le décret n° 2020-1519 du 4 décembre 2020, en ce qu’il limite l’accès aux remontées mécaniques aux seuls pratiquants mineurs licenciés au sein d’une association sportive affiliée à la Fédération française de ski ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– la condition d’urgence est satisfaite compte tenu de la période réduite de la saison de ski et du début des vacances scolaires qui sont des périodes de forte fréquentation à l’occasion desquelles des stages et activités sont proposés de manière soutenue, notamment aux pratiquants mineurs ;
– il existe un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées qui méconnaissent le principe d’égalité en limitant l’accès aux remontées mécaniques aux pratiquants mineurs licenciés au sein d’une association sportive affiliée à la Fédération française de ski alors que d’autres fédérations sportives proposent à leurs licenciés, parmi lesquels figurent des mineurs, la pratique du ski et des sports de neige et participent à la mise en oeuvre du service public du sport.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas satisfaite, et que le moyen invoqué n’est pas de nature à faire naître un de doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code du sport ;
– le code du tourisme ;
– le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
– le décret n° 2020-1519 du 4 décembre 2020 ;
– l’arrêté du 29 décembre 2018 accordant la délégation prévue à l’article L. 131-14 du code du sport à la Fédération française de ski ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la FSGT et les autres requérants, et d’autre part, le ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;

Ont été entendus lors de l’audience publique du 1er février 2021, à 11 heures :

– Me Texier, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la FSGT et des autres requérants ;

– la représentante de la FSGT et des autres requérants ;

– le représentant du ministre des solidarités et de la santé ;

– la représentante du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;

à l’issue de laquelle le juge des référés a clos l’instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :  » Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision « .

2. La Fédération sportive et gymnique du travail et autres demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 521- du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution du décret du 4 décembre 2020 qui a modifié l’article 18 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’urgence sanitaire en tant qu’il limite l’accès aux remontées mécaniques aux seuls pratiquants mineurs licenciés au sein d’une association sportive affiliée à la Fédération française de ski.

Sur les circonstances et le cadre du litige :

3. Aux termes de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 :  » L’état d’urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population « . L’article L. 3131-13 du même code précise que  » L’état d’urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (…) / La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 « . Aux termes de l’article L. 3131-15 du même code :  » Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : / 1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ; (…) / 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public « . Ce même article précise que les mesures prises en application de ses dispositions  » sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu  » et qu' »il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.  »

4. L’émergence d’un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d’urgence de santé publique de portée internationale par l’Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l’aggravation de l’épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d’état d’urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ces dispositions a prorogé cet état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020.

5. Une nouvelle progression de l’épidémie a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre 2020, sur le fondement des articles L. 313112 et L. 313113 du code de la santé publique, un décret déclarant l’état d’urgence sanitaire à compter du 17 octobre sur l’ensemble du territoire national. Le Premier ministre a pris, sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’urgence sanitaire, modifié par le décret du 4 décembre 2020 contesté par la présente requête. Enfin, l’article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire a prorogé l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 inclus.

Sur la demande en référé :

6. Les fédérations requérantes et le Comité national olympique et sportif français soutiennent que les dispositions litigieuses méconnaissent le principe d’égalité en limitant l’accès aux remontées mécaniques aux seuls pratiquants mineurs licenciés dans une association sportive affiliée à la Fédération française de ski et en n’autorisant pas cet accès à l’ensemble des pratiquants mineurs licenciés des fédérations sportives agréées. Ils font valoir que si la Fédération française de ski dispose d’une délégation prévue à l’article L. 131-14 du code du sport lui conférant des prérogatives dans le champ du sport de haut niveau et de la performance, l’ensemble des fédérations sportives agréées participent à la mise en oeuvre de missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives et que des fédérations agréées proposent, pour certaines d’entre elles, la pratique du ski en compétition pour leurs licenciés et disposent de licenciés mineurs résidant à proximité des stations de ski.

7. Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

8. Il résulte de l’instruction que, pour faire face à la situation d’urgence sanitaire, marquée par un palier à un niveau élevé dans le nombre de nouvelles contaminations, par la persistance d’une forte pression sur le système de santé, qui concerne notamment nombre des régions où se pratique le ski alpin, et par la nécessité de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour éviter un rebond épidémique, le Gouvernement a, par le décret contesté, interdit l’accès du public aux remontées mécaniques. Il a néanmoins entendu maintenir l’accès aux remontées mécaniques aux mineurs résidant à proximité des stations de ski et pratiquant le ski alpin de manière intensive, notamment en compétition. Une telle exception ne pouvait découler de celle prévue pour les sportifs professionnels et de haut niveau. En réservant cet accès aux pratiquants mineurs licenciés dans une association sportive affiliée à la Fédération française de ski, fédération chargée de prérogatives particulières dans le domaine du haut niveau et de la performance pour les disciplines liées au ski en application de l’article L. 131-14 du code du sport, le pouvoir réglementaire a entendu restreindre le champ de cette dérogation pour limiter l’afflux de population dans les stations de ski pendant la période de vacances scolaires. S’il en résulte une différence de traitement entre les pratiquants mineurs licenciés dans une association sportive affiliée à la Fédération française de ski et les pratiquants mineurs licenciés dans d’autres fédérations sportives agréées, cette différence de traitement n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, et compte tenu du contexte très particulier lié à l’épidémie de covid-19 et de la nécessité de limiter le brassage d’une population importante dans les stations de ski, comme manifestement disproportionnée au regard de l’objet du décret du 4 décembre 2020. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses méconnaîtraient le principe d’égalité ne paraît pas, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, que la requête ne peut qu’être rejetée, y compris les conclusions présentées en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la Fédération gymnique et sportive du travail et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération gymnique et sportive du travail, premier requérant dénommé, au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.