Recyclage des GHM et AMM/ Arrêté du 29 mars 2018/ Illégalité partielle

CE 27 janv 2020 SIM – AMM

Conseil d’État

N° 421332
ECLI:FR:CECHR:2020:421332.20200127
Inédit au recueil Lebon
4ème – 1ère chambres réunies
M. Olivier Fuchs, rapporteur

lecture du lundi 27 janvier 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Syndicat interprofessionnel de la montagne demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 29 mars 2018 de la ministre des sports modifiant l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code du sport ;
– l’arrêté du 10 mai 1993 relatif au brevet d’Etat d’alpinisme ;
– l’arrêté du 16 juin 2014 relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne ;
– l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 212-1 du code du sport :  » I. – Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants (…) les titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée (…) « . L’article L. 212-2 du même code prévoit que, lorsque ces activités d’enseignement, d’animation ou d’encadrement s’exercent dans un environnement impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, le diplôme permettant son exercice  » est délivré par l’autorité administrative dans le cadre d’une formation coordonnée par les services du ministre chargé des sports et assurée par des établissements relevant de son contrôle pour les activités considérées « . A ce titre, l’article R. 212-7 du même code mentionne, au nombre des activités impliquant le respect de mesures de sécurité particulières,  » le ski, l’alpinisme et leurs activités assimilées « . Enfin, l’article R. 212-1 dispose qu’afin d’assurer le maintien des compétences professionnelles en matière de sécurité des pratiquants et des tiers, le règlement du diplôme mentionné à l’article L. 212-2 peut prévoir des formations de mise à niveau, dont les contenus et les modalités d’organisation sont fixés par arrêté du ministre chargé des sports. L’article 1er de l’arrêté du 16 juin 2014 de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne et l’article 2 de l’arrêté du ministre des sports et de la jeunesse du 10 mai 1993 relatif au brevet d’Etat d’alpinisme soumettent les titulaires du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne et du diplôme de guide de haute montagne du brevet d’Etat d’alpinisme à un stage de formation continue, dit de  » recyclage « , tous les six ans.

2. Pour l’application des dispositions de l’article R. 212-1 mentionnées au point 1, l’arrêté de la ministre des sports du 11 mars 2015, tel que modifié par l’arrêté attaqué du 29 mars 2018, détermine les modalités d’organisation de la formation de mise à niveau dite de  » recyclage  » et précise que cette formation conditionne l’exercice de la profession. L’article 2 de cet arrêté, dans sa rédaction issue de l’arrêté attaqué, dispose que le  » recyclage  » est organisé par l’Ecole nationale des sports de montagne. Ce même article prévoit que l’organisation de cette formation de mise à niveau  » peut faire l’objet, en tout ou partie, d’un marché passé avec un ou plusieurs organismes de formation, conformément à un cahier des charges établi par l’Ecole nationale des sports de montagne « . L’article 3 de cet arrêté, dans sa rédaction issue de l’arrêté attaqué, prévoit notamment que les formateurs sont titulaires du diplôme de guide de haute montagne relevant du brevet d’Etat d’alpinisme ou du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne depuis au moins six ans et en possession d’une carte professionnelle d’éducateur sportif en cours de validité , et que, dans le cas où l’organisation du  » recyclage  » fait l’objet d’un marché, les formateurs sont désignés par le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne, sur proposition de l’organisme ou des organismes de formation.

Sur le moyen tiré de l’incompétence :

3. Il résulte des dispositions de l’article R. 212-1 du code du sport mentionné au point 1 que la ministre des sports est seule compétente pour fixer par arrêté les contenus et les modalités d’organisation de la formation de mise à niveau prévue par l’article 1er de l’arrêté du 11 mars 2015 et l’article 2 de l’arrêté du 10 mai 1993. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué est entaché d’incompétence ne peut qu’être écarté.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance du principe de liberté du commerce et de l’industrie, des règles de la concurrence et des principes généraux du droit de la commande publique :
En ce qu’ils concernent l’organisation de la formation par l’Ecole nationale des sports de montagne :

4. Il ressort des termes de l’article L. 212-2 du code du sport cité au point 1 que, lorsque les activités d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité physique ou sportive contre rémunération s’exercent dans un environnement impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, le diplôme permettant son exercice  » est délivré par l’autorité administrative dans le cadre d’une formation coordonnée par les services du ministre chargé des sports et assurée par des établissements relevant de son contrôle pour les activités considérées « . Aux termes de l’article D. 211-53-1 du même code, l’Ecole nationale des sports de montagne a notamment pour mission  » 3° La formation, le contrôle de la formation et le perfectionnement des professionnels des métiers sportifs de la montagne et la préparation aux diplômes conduisant à ces professions ainsi qu’aux activités professionnelles en relation avec son domaine de compétence « . En vertu de l’article 4 de l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne, le  » recyclage  » des guides de haute montagne a pour objet d' » actualiser leurs compétences professionnelles, en particulier dans les domaines de la gestion de la sécurité, de l’obligation de moyens et de la réglementation « .

5. Il résulte de ces dispositions que, eu égard à l’objet du  » recyclage « , qui vise à maintenir et développer les compétences des guides de haute montagne afin de leur permettre d’assurer la sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée, et au fait que le suivi de cette formation conditionne l’exercice de la profession, ce  » recyclage  » doit être regardé comme relevant, au même titre que la délivrance du diplôme, du champ d’application de l’article L. 212-2 du code des sports. Il en résulte que cette formation ne peut être assurée que par des établissements relevant du contrôle du ministre chargé des sports. Il s’ensuit qu’en confiant à l’Ecole nationale des sports de montagne, établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé des sports, la mission d’assurer cette formation dite de  » recyclage « , le ministre n’a fait que mettre en oeuvre les dispositions de l’article L. 212-2 du code du sport. Dès lors, les moyens tirés de ce que l’arrêté attaqué, en ce qu’il confie à l’Ecole nationale des sports de montagne l’organisation de la formation continue des guides de haute montagne, porterait atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie et aux règles de la concurrence ne peuvent qu’être écartés.

En ce qu’ils concernent le recours à un marché passé avec un organisme ou plusieurs organismes de formation :

6. En premier lieu, compte tenu de l’objet même de la formation en cause, tel qu’il a été rappelé au point 5, l’arrêté attaqué a pu légalement prévoir, d’une part, un contenu identique, validé par l’Ecole nationale des sports de montagne, pour la formation délivrée à l’ensemble des professionnels soumis à l’obligation de  » recyclage « , et, d’autre part, que ne pouvaient être désignés formateurs, y compris pour les organismes de formation co-contractants, que les titulaires du diplôme de guide de haute montagne relevant du brevet d’Etat d’alpinisme ou du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne depuis au moins six ans en possession d’une carte professionnelle d’éducateur sportif en cours de validité. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, ces conditions, qui sont proportionnées à l’objectif de sécurité poursuivi, n’ont ni pour objet ni pour effet d’empêcher l’Ecole nationale des sports de montagne de recourir, comme le prévoit d’ailleurs l’arrêté attaqué, à un ou des prestataires extérieurs.

7. En deuxième lieu, eu égard aux dispositions législatives et réglementaires et à l’objet de la formation cités au point 5, l’arrêté contesté a pu légalement confier à l’Ecole nationale des sports de montagne la compétence pour établir un cahier des charges, dans le cas où l’organisation du  » recyclage  » fait l’objet d’un marché, lui-même soumis, par principe, aux règles de la commande publique. Par suite, le Syndicat interprofessionnel de la montagne n’est pas fondé à soutenir que l’absence de fixation par l’arrêté attaqué du prix des formations en cause et de critères présidant au choix, le cas échéant, d’un organisme de formation méconnaîtrait les principes du droit de la commande publique.

8. En troisième lieu, lorsque l’organisation du  » recyclage  » fait l’objet d’un marché, les dispositions de l’article 5 de l’arrêté attaqué prévoient que les formateurs sont désignés par le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne sur proposition de l’organisme ou des organismes de formation co-contractants. Ces dispositions, qui doivent être regardées comme ayant pour objet de permettre à l’Ecole nationale des sports de montagne, dans l’exercice de ses missions rappelées aux points 4 et 5, de vérifier que les formateurs disposent des compétences nécessaires pour garantir la qualité de cette formation, sont nécessaires et proportionnées à l’objectif de sécurité poursuivi et ne méconnaissent pas, contrairement à ce qui est soutenu, le principe de liberté du commerce et de l’industrie et les règles de la concurrence.

9. En revanche, ces mêmes dispositions, en ce qu’elles prévoient que le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs sans encadrer cette possibilité, notamment en précisant les motifs et conditions dans lesquelles le directeur général peut y recourir, alors même que, comme indiqué au point 5, en vertu de l’arrêté attaqué, ces formateurs doivent être titulaires du diplôme de guide de haute montagne relevant du brevet d’Etat d’alpinisme ou du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne depuis au moins six ans et en possession d’une carte professionnelle d’éducateur sportif en cours de validité, ne sont pas proportionnées à l’objectif poursuivi. Par suite, les syndicats requérants sont fondés à soutenir que les dispositions de l’article 5 de l’arrêté contesté, en tant qu’il prévoit que le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs intervenant pour le compte des organismes de formation co-contractants, sont illégales et doivent, dans cette mesure, être annulées.

Sur les autres moyens de la requête :

10. En premier lieu, l’harmonisation des pratiques de sécurité recherchée par l’uniformisation de la formation de mise à niveau des professionnels des métiers sportifs de la montagne ne saurait avoir pour effet de nuire à leur sécurité. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté contesté méconnaîtrait le  » droit à la sécurité  » des pratiquants ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté.

11. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté fondamentale que constituerait le  » droit individuel à la formation  » n’est, en tout état de cause, pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.

12. En troisième lieu, compte tenu des risques inhérents à la pratique de l’alpinisme et activités assimilés, les guides de haute montagne sont placés dans une situation différente de celle des membres des professions réglementées citées par le requérant et des moniteurs de ski. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité, faute pour l’arrêté de permettre aux professionnels concernés de choisir librement un prestataire de formation ainsi que le contenu de ladite formation, ne peut qu’être écarté.

13. En quatrième lieu, l’arrêté contesté n’est relatif ni à l’enseignement ni à la scolarité. Ainsi, les moyens tirés de ce qu’il porterait atteinte aux principes de gratuité et de neutralité de l’enseignement ne sauraient être utilement invoqués.

14. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat interprofessionnel de la montagne n’est fondé qu’à demander l’annulation des dispositions de l’article 5 de l’arrêté contesté en tant qu’il prévoit que, lorsque l’organisation du recyclage fait l’objet d’un marché, le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs intervenant pour le compte des organismes de formation co-contractants. En revanche, le surplus des conclusions de sa requête ne peut qu’être rejeté.

D E C I D E :
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Article 1er : L’article 5 de l’arrêté du 29 mars 2018 de la ministre des sports modifiant l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne est annulé en tant qu’il prévoit que, lorsque l’organisation du recyclage fait l’objet d’un marché, le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs intervenant pour le compte des organismes de formation co-contractants.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du Syndicat interprofessionnel de la montagne est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat interprofessionnel de la montagne et à la ministre des sports.

Régie de remontées mécaniques/ Statut du directeur/ Agent public (solution classique)/ Compétence du juge administratif

Tribunal des Conflits

N° C4177
Inédit au recueil Lebon

M. Ménéménis, président
Mme Domitille Duval-Arnould, rapporteur
M. Pellissier, commissaire du gouvernement

lecture du lundi 13 janvier 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu, enregistrée à son secrétariat le 8 octobre 2019, la lettre par laquelle le greffe de la cour d’appel de Grenoble a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. A… à la commune de Saint-Hilaire du Touvet, aux droits de laquelle vient la commune du Plateau-des-petites-roches, devant la juridiction judiciaire ;

Vu l’ordonnance du 16 mai 2018, par laquelle le conseil des prud’hommes de Grenoble, statuant en référé, a déclaré la juridiction judiciaire compétente pour connaître du litige et statué au fond ;

Vu le déclinatoire présenté le 29 mars 2019 par le préfet de l’Isère tendant à voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente, par le motif que M. A… exerçait les fonctions de directeur de la régie municipale des remontées mécaniques de Saint-Hilaire du Touvet, qui constitue un service public industriel et commercial ;

Vu l’arrêt du 3 septembre 2019 par lequel la cour d’appel de Grenoble, statuant en référé, a rejeté le déclinatoire de compétence et confirmé l’ordonnance du 16 mai 2018 ;

Vu l’arrêté du 18 septembre 2019 par lequel le préfet de l’Isère a élevé le conflit ;

Vu, enregistré le 29 octobre 2019, le mémoire présenté pour la commune du Plateau-des-petites roches, tendant à la confirmation de l’arrêté de conflit, par le motif que le directeur d’un service d’exploitation des remontées mécaniques et pistes de ski, qui constitue un service public industriel et commercial, est nécessairement un agent public, que M. A… a été recruté sur un poste de direction, que ni les termes du contrat de travail rédigé comme un contrat de droit privé renvoyant à une convention collective, ni les énonciations des fiches de paie, ni la référence aux fonctions de chef d’exploitation ne peuvent affecter par eux-mêmes la qualification du contrat, qui n’est pas à la disposition des parties, et que M. A… exerçait effectivement les fonctions de directeur de la régie ;

Vu, enregistré le 22 novembre 2019, le mémoire présenté pour M. A… tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente et à ce que la commune lui verse la somme de 4 000 euros au titre de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, par le motif qu’il n’a exercé que les fonctions de chef d’exploitation et non celles de directeur de la régie, qu’il n’a pas été nommé sur proposition du maire, qu’il n’avait pas de délégation de signature de la part du maire pour toutes les matières intéressant le fonctionnement de la régie, qu’il n’assumait pas la préparation du budget, que sa rémunération n’était pas fixée par le conseil municipal, qu’il n’avait pas le pouvoir de nommer ni de révoquer les agents et employés de la régie, que la directrice générale des services occupait une position hiérarchique supérieure à la sienne, que les missions qui lui étaient confiées étaient des missions d’exécution, que sa rémunération était inférieure à celle des emplois de directeur, qu’il aurait dû avoir une voie consultative aux réunions du conseil d’exploitation et pas seulement le statut d’invité et que la relation contractuelle était régie par le droit social privé ;

Vu, enregistré le 18 décembre 2019, le mémoire présenté par le ministre de l’intérieur tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par le motif que M. A… n’exerçait plus, à la date de départ à la retraite de son prédécesseur, les fonctions de chef d’exploitation mais celles de directeur du service public industriel et commercial, qu’il était identifié par lui-même et par ses interlocuteurs comme le directeur de la régie, qu’il nommait et révoquait les agents et employés de la régie conformément à l’article R. 2221-74 du code général des collectivités territoriales, qu’il participait à la préparation du budget et qu’il supervisait les ventes et achats courants ;

Vu, enregistrées le 8 janvier 2020, les observations complémentaires présentées pour M. A… tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par les mêmes motifs que ceux qu’il a développés dans son précédent mémoire ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée au ministre de la justice qui n’a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu la loi 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 75 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code du tourisme ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme B…, membre du Tribunal,
– les observations de la SCP Zribi, Texier pour M. A… ;
– les observations de la SCP Gaschignard pour la commune du Plateau-des- petites roches ;
– les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

Considérant que, par un contrat de travail à durée indéterminée, M. A… a été embauché par la commune de Saint-Hilaire du Touvet, aux droits de laquelle vient la commune du Plateau-des-petites roches à compter du 1er octobre 2008, en qualité de chef d’exploitation de la régie municipale des remontées mécaniques ; que, par des arrêtés des 5 janvier et 20 novembre 2009, il a été nommé régisseur de recettes pour la régie ; que, par lettre du 22 décembre 2017, la commune lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que, le 4 avril 2018, M. A… a saisi, en référé, le conseil de prud’hommes de Grenoble d’une demande de condamnation de la commune au paiement d’indemnités provisionnelles consécutives à son licenciement et de remise sous astreinte de certaines pièces ; que la commune a opposé l’incompétence de la juridiction judiciaire ; que, par une ordonnance du 16 mai 2018, le conseil des prud’hommes a déclaré la juridiction judiciaire compétente pour connaître du litige et accueilli la demande de M. A… ;

Considérant que, le 29 mars 2019, le préfet de l’Isère a déposé un déclinatoire de compétence ; que, par un arrêt du 3 septembre 2019, la cour d’appel de Grenoble, statuant en référé, a rejeté le déclinatoire de compétence et confirmé l’ordonnance du 16 mai 2018 ; que, par un arrêté du 18 septembre 2019, le préfet a élevé le conflit ;

Sur la régularité de l’arrêt du 3 septembre 2019 :

Considérant qu’il résulte de l’article 22 du décret du 27 février 2015 que la juridiction qui rejette le déclinatoire de compétence ne peut statuer sur le litige avant l’expiration du délai de quinze jours laissé au préfet pour, s’il l’estime opportun, élever le conflit ; qu’il s’ensuit que l’arrêt du 3 septembre 2019 doit, en toute hypothèse, être déclaré nul et non avenu en tant qu’il confirme l’ordonnance du 16 mai 2018 en ce qu’elle a condamné la commune de Saint-Hilaire du Touvet à payer à M. A… différentes indemnités provisionnelles et ordonné la remise de différentes pièces ;

Sur la compétence

Considérant que, selon l’article L. 342-13 du code du tourisme,  » l’exécution du service des remontées mécaniques et pistes de ski est assurée soit en régie directe, soit en régie par une personne publique sous forme d’un service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l’autorité compétente  » ; que, eu égard à la nature juridique du service assuré par la régie en cause, les litiges individuels concernant ses agents, à l’exception de l’agent chargé de la direction du service public et de l’agent ayant la qualité de comptable public, relèvent de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire ; que, selon l’article R. 2221-68 du code général des collectivités territoriales :  » le directeur assure le fonctionnement des services de la régie. A cet effet : 1° Il prépare le budget ; 2° Il procède, sous l’autorité du maire, aux ventes et aux achats courants, dans les conditions fixées par les statuts ; 3° Il est remplacé, en cas d’absence ou d’empêchement, par un des fonctionnaires ou employés du service, désigné par le maire après avis du conseil d’exploitation  » ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées aux débats que M. A… a été recruté en qualité de chef d’exploitation, en vue de succéder à compter de février 2009 au directeur de la régie, que le règlement intérieur de la régie prévoyait la nomination de son directeur comme régisseur de recettes, que l’intéressé s’est lui-même prévalu de sa qualité de directeur dans différents documents, qu’il en a exercé les attributions et qu’aucun autre agent n’a été nommé en qualité de directeur de la régie ; qu’il doit ainsi être regardé comme ayant assumé les fonctions de directeur de la régie, sans qu’aient d’incidence les circonstances que son contrat de travail n’ait pas été modifié et fasse, comme ses bulletins de salaire, référence à une convention collective et que la commune ait suivi la procédure de licenciement prévue par le code du travail ; qu’il s’ensuit que M. A… ayant la qualité d’agent public, le litige relève de la compétence de la juridiction administrative ; que c’est dès lors à bon droit que le préfet de l’Isère a élevé le conflit ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A… au titre des dispositions de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêté de conflit pris le 18 septembre 2019 par le préfet de l’Isère est confirmé.

Article 2 : Sont déclarées nuls et non avenus la procédure engagée par M. A… contre la commune de Saint-Hilaire du Touvet, aux droits de laquelle vient la commune du Plateau-des-petites-roches, et l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 3 septembre 2019.

Article 3 : La demande présentée par M. A… au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A…, à la commune du Plateau-des-petites-roches, au préfet de l’Isère et au ministre de l’intérieur.

Saisonniers britanniques/ Conditions de travail et d’hébergement/Condamnation de l’employeur (cassation)

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 10 décembre 2019
N° de pourvoi: 18-84737
Non publié au bulletin Cassation

M. Soulard (président), président
SCP Foussard et Froger, avocat(s)
________________________________________

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° C 18-84.737 F-D

N° 2487

CK
10 DÉCEMBRE 2019

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

La société Tui UK Limited a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 16 mai 2018, qui pour infraction à la réglementation sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs, paiement d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance et non remise de bulletin de paie conforme, l’a condamnée à onze amendes de 1 500 euros, vingt amendes de 1 500 euros et une amende de 450 euros et a prononcé sur les intérêts civils.

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 29 octobre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Barbier, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CROIZIER ;

Un mémoire a été produit.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué, du rapport de l’inspection du travail, base des poursuites, et des autres pièces de procédure ce qui suit.

2. Le procureur de la République d’Albertville a requis au cours de l’année 2014 les gendarmes de la brigade de Bozel, assistés par les services de l’inspection du travail d’Albertville, de procéder au contrôle en matière de droit du travail de l’hôtel […] à Courchevel.

3. L’enquête, qui a donné lieu à l’établissement d’un rapport de l’inspection du travail du 18 mai 2015, a permis d’établir que ledit hôtel accueille durant la saison d’hiver une clientèle britannique et employait au cours des mois de janvier à mars 2014 des travailleurs saisonniers de la même nationalité, ayant conclu des contrats de travail de droit britannique et attributaires de certificats A1 attestant de ce qu’ils bénéficiaient d’une protection sociale en Grande-Bretagne.

4. Il est apparu que l’hôtel est exploité en location-gérance sous l’enseigne commerciale Flexi-ski par un tour opérateur, la société de droit britannique Tui UK Limited, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Chambéry depuis le 20 avril 1998.

5. A l’issue de l’enquête, qui a notamment révélé des insuffisances en matière de prévention des risques d’incendies et d’évacuation des salariés, le ministère public a fait citer la société Tui UK Limited pour y répondre des délits d’hébergement de travailleurs dans un local non conforme et de paiement d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance, et de la contravention de non remise de bulletin de paie conforme.

6. Par jugement du 16 mars 2017, le tribunal correctionnel a déclaré les faits établis, a condamné la prévenue à des peines et a prononcé sur les intérêts civils.

7. La prévenue et le ministère public ont interjeté appel de cette décision le 21 mars 2017.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article préliminaire, des articles 460, 512, 513, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif.

9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel d’Albertville en date du 16 mars 2017 en ce qu’il a déclaré la société Tui UK Limited coupable des faits qui lui sont reprochés, pour les faits d’hébergement de travailleur dans un local non conforme, pour les faits de paiement par employeur d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance et pour les faits de non remise d’un bulletin de paie conforme et, infirmant le jugement, a condamné la société Tui UK Limited au versement de vingt amendes de 1 500 euros pour lesdits faits de paiement d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance, condamné la société Tui UK Limited au paiement d’une amende contraventionnelle de 450 euros au titre de l’infraction de non remise de bulletin de paie conforme et statué sur les intérêts civils » ;

« alors que « le prévenu ou son avocat doit toujours avoir la parole en dernier ; qu’en statuant sur le déroulement des débats sans constater qu’en l’absence de la société Tui UK Limited, son conseil avait eu la parole en dernier, les juges du fond ont violés les textes susvisés ».

Réponse de la Cour

10. L’arrêt mentionne qu’après la constatation de l’absence de la prévenue par le président, le rapport d’un conseiller, les observations d’un inspecteur du travail et les réquisitions du ministère public, Me Carnelutti, avocat de la prévenue, a été entendu en sa plaidoirie, puis que le président a annoncé la date à laquelle l’arrêt serait prononcé.

11. Il résulte de ces mentions que l’ordre de parole prévu par l’article 513 alinéa 4 du code de procédure pénale a été respecté.

12. Ainsi, le moyen manque en fait.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

13. Le moyen est pris de la violation des articles 121-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs.

14. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel d’Albertville en date du 16 mars 2017 en ce qu’il a déclaré la société Tui UK Limited coupable des faits qui lui sont reprochés, pour les faits d’hébergement de travailleur dans un local non conforme, pour les faits de paiement par employeur d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance et pour les faits de non remise d’un bulletin de paie conforme et, infirmant le jugement, a condamné la société Tui UK Limited au versement de vingt amendes de 1 500 euros pour lesdits faits de paiement d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance, condamné la société Tui UK Limited au paiement d’une amende contraventionnelle de 450 euros au titre de l’infraction de non remise de bulletin de paie conforme et statué sur les intérêts civils » ;

1°) alors qu’en application de l’article 121-2 du code pénal la responsabilité d’une personne morale ne peut être engagée que si une infraction a été commise pour son compte par un de ses organes ou par une personne physique disposant d’un pouvoir de direction et d’engager la personne morale à l’égard des tiers, agissant en qualité de représentant de celle-ci ; qu’en énonçant que les infractions relevées résultent nécessairement de manquements commis par le représentant de la société Tui UK Limited en matière de politique salariale et de gestion du personnel, par son représentant en charge de la gestion administrative ou comptable du personnel et par son représentant en matière de sécurité et santé du personnel, dans l’exercice de leurs missions pour le compte de cette dernière, quand il résultait de ses constatations que rien ne permettait de déterminer quelle personne physique avait la qualité de représentant dans ces domaines, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

2°) alors qu’en tout état, en se bornant à relever que les infractions caractérisées résultent nécessairement de manquements commis par le représentant de la société Tui UK Limited en matière de politique salariale et de gestion du personnel, par son représentant en charge de la gestion administrative ou comptable du personnel et par son représentant en matière de sécurité et santé du personnel, dans l’exercice de leurs missions pour le compte de cette dernière, sans identifier l’organe ou le représentant qui aurait commis une faute pour le compte de la société Tui UK Limited, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

15. Selon le premier de ces textes, les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

16. Aux termes du second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

17. Pour dire établies les infractions d’hébergement de travailleurs dans un local non conforme, paiement d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance, et non remise de bulletin de paie conforme, les juges retiennent que ces infractions ont été commises par les responsables en matière de gestion administrative ou comptable du personnel, en matière de politique salariale et de gestion du personnel et encore en matière de sécurité et santé du personnel.

18. En se déterminant ainsi, par des motifs qui n’identifient pas l’organe ni la ou les personnes physiques représentant la personne morale pour le compte de laquelle les infractions reprochées auraient été commises, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens proposés, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Chambéry, en date du 16 mai 2018, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Chambéry, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix décembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
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ECLI:FR:CCASS:2019:CR02487
Analyse
Décision attaquée : Cour d’appel de Chambéry , du 16 mai 2018