Remontées mécaniques/ Fiscalité/ Diminution de la CFE

Conseil d’État

N° 421991
ECLI:FR:CECHR:2019:421991.20191004
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
3ème – 8ème chambres réunies
Mme Cécile Isidoro, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocat

lecture du vendredi 4 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiées (SAS) société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine Avoriaz (SERMMA) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d’industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2012, dans les rôles de la commune de Morzine.

Par l’article 3 du jugement n° 1402025 du 27 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir prononcé la décharge de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d’industrie, a rejeté le surplus de la demande.

Par un arrêt n° 16LY02842 du 3 mai 2018, la cour administrative d’appel a rejeté l’appel formé par la société SERMMA contre l’article 3 de ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 4 juillet 2018, le 4 octobre 2018 et le 8 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société SERMMA demande au Conseil d’Etat.

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 septembre 2019, présentée par la société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’après avoir été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre de l’année 2012 dans les rôles de la commune de Morzine, la SAS Société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz (SERMMA) a présenté deux demandes de dégrèvement tenant compte, d’une part, du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée et, d’autre part, d’une révision à la baisse de la valeur locative de ses biens passibles de taxe foncière. Après avoir bénéficié d’un dégrèvement de cotisation foncière des entreprises conforme à la première de ces demandes, la société n’a que partiellement obtenu gain de cause au titre de sa seconde demande et elle a contesté le rejet partiel qui lui a été opposé devant le tribunal administratif de Grenoble. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel qu’elle a formé contre l’article 3 du jugement du 27 juin 2016 qui a rejeté ces conclusions.

2. Aux termes de l’article 1447-0 du code général des impôts :  » Il est institué une contribution économique territoriale composée d’une cotisation foncière des entreprises et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. « . Aux termes de l’article 1647 B sexies du même code :  » I. – Sur demande du redevable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la contribution économique territoriale de chaque entreprise est plafonnée en fonction de sa valeur ajoutée. (…) / II. Le plafonnement prévu au I du présent article s’applique sur la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises diminuées, le cas échéant, de l’ensemble des réductions et dégrèvements dont ces cotisations peuvent faire l’objet (…) / III. – Le dégrèvement s’impute sur la cotisation foncière des entreprises. / (…) V. Le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu’en matière de cotisation foncière des entreprises « .

3. Aux termes de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales :  » Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande « .

4. Il résulte de la combinaison des textes cités aux points 2 et 3 que les sommes accordées à un contribuable au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée s’imputent sur la cotisation foncière des entreprises due par celui-ci. Dès lors, l’administration peut, en application des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, effectuer ou demander, pour une année donnée, la compensation entre la réduction de cette cotisation qu’un contribuable demande et le reversement de celles des sommes précitées qui lui ont été indûment restituées.

5. Les dispositions précitées du III de l’article 1647 B sexies du code général des impôts imposent à l’administration de diminuer le montant de la cotisation foncière des entreprises due par un contribuable, par imputation, du montant du dégrèvement qui lui est accordé au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. En revanche, ces dispositions n’autorisent pas l’administration à diminuer le montant de la réduction de cotisation foncière des entreprises dont peut bénéficier le même contribuable à la suite d’une révision à la baisse de ses bases d’imposition, par une telle imputation, des sommes qui lui ont été restituées au titre du dégrèvement accordé au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale mais qui n’auraient pas dû l’être compte tenu de cette révision de base. En effet, sauf s’il y a compensation en application des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, ces sommes ne peuvent donner lieu qu’à une procédure de reversement dans les conditions fixées par le V de l’article 1647 B sexies du code général des impôts.

6. Pour rejeter la requête de la société tendant à ce que ne soit pas déduit de la réduction de 579 398 euros de sa cotisation foncière des entreprises dont elle pouvait bénéficier, pour 2012, à la suite de la révision à la baisse de ses bases d’imposition, la somme de 398 864 euros qui lui avait déjà été accordée, pour la même année, au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, la cour s’est bornée à juger, qu’après cette révision de bases, la cotisation foncière laissée à la charge de la société était devenue inférieure au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, et que, par suite, l’administration fiscale avait pu, à bon droit imputer, en application du III de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, le dégrèvement qui lui avait été accordé à ce titre sur le montant du second dégrèvement qu’elle sollicitait. En procédant ainsi, sans rechercher si l’administration pouvait procéder à une compensation sur le fondement des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales précité, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

7. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société SERMA au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 3 mai 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz et au ministre de l’action et des comptes publics.

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Conseil d’État

N° 421992
ECLI:FR:CECHR:2019:421992.20191004
Inédit au recueil Lebon
3ème – 8ème chambres réunies
Mme Cécile Isidoro, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocat

lecture du vendredi 4 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiées (SAS) société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz (SERMMA) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d’industrie auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, dans les rôles de la commune de Morzine, et au titre de 2010, dans les rôles de la commune de Montriond.

Par l’article 3 du jugement n° 1401151-1401153du 27 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir prononcé la décharge de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d’industrie, a rejeté le surplus de la demande.

Par un arrêt n° 16LY02841 du 3 mai 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par la société SERMMA contre l’article 3 de ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 4 juillet 2018, le 4 octobre 2018 et le 8 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société SERMMA demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société d’exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 septembre 2019, présentée par la société d’exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’après avoir été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2010 et 2011 dans les rôles des communes de Morzine et de Montriond, la SAS Société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz (SERMMA) a présenté, pour les deux années en cause s’agissant de son établissement situé à Morzine et, s’agissant de son établissement situé à Montriond, uniquement pour la première de ces années, deux demandes de dégrèvement tenant compte, d’une part, du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée et, d’autre part, d’une révision à la baisse de la valeur locative de ses biens passibles de taxe foncière. Après avoir bénéficié de dégrèvements de ses cotisations foncières des entreprises conformes aux premières de ces demandes, la société n’a que partiellement obtenu gain de cause au titre des secondes demandes et elle a contesté les rejets partiels qui lui ont été opposés devant le tribunal administratif de Grenoble. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel qu’elle a formé contre l’article 3 du jugement du 27 juin 2016 qui a rejeté ces conclusions.

2. Aux termes de l’article 1447-0 du code général des impôts :  » Il est institué une contribution économique territoriale composée d’une cotisation foncière des entreprises et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. « . Aux termes de l’article 1647 B sexies du même code :  » I. – Sur demande du redevable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la contribution économique territoriale de chaque entreprise est plafonnée en fonction de sa valeur ajoutée. (…) / II. Le plafonnement prévu au I du présent article s’applique sur la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises diminuées, le cas échéant, de l’ensemble des réductions et dégrèvements dont ces cotisations peuvent faire l’objet (…) / III. – Le dégrèvement s’impute sur la cotisation foncière des entreprises. / (…) V. Le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu’en matière de cotisation foncière des entreprises « .

3. Aux termes de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales :  » Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande ».

4. Il résulte de la combinaison des textes cités aux points 2 et 3 que les sommes accordées à un contribuable au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée s’imputent sur la cotisation foncière des entreprises due par celui-ci. Dès lors, l’administration peut, en application des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, effectuer ou demander, pour une année donnée, la compensation entre la réduction de cette cotisation qu’un contribuable demande et le reversement de celles des sommes précitées qui lui ont été indûment restituées.

5. Les dispositions précitées du III de l’article 1647 B sexies du code général des impôts imposent à l’administration de diminuer le montant de la cotisation foncière des entreprises due par un contribuable, par imputation, du montant du dégrèvement qui lui est accordé au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. En revanche, ces dispositions n’autorisent pas l’administration à diminuer le montant de la réduction de cotisation foncière des entreprises dont peut bénéficier le même contribuable à la suite d’une révision à la baisse de ses bases d’imposition, par une telle imputation, des sommes qui lui ont été restituées au titre du dégrèvement précité, mais qui n’auraient pas dû l’être compte tenu de cette révision de base. En effet, sauf s’il y a compensation en application des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, ces sommes ne peuvent donner lieu qu’à une procédure de reversement dans les conditions fixées par le V de l’article 1647 B sexies du code général des impôts.

6. Pour rejeter les demandes de la société requérante tendant à ce que ne soit pas déduit des réductions de 486 170 euros, 543 094 euros et 101 112 euros de sa cotisation foncière des entreprises dont elle pouvait bénéficier à la suite de révisions à la baisse de ses bases d’imposition, respectivement pour son établissement situé à Morzine au titre de 2010 et 2011 et pour celui situé à Montriond au titre de 2010, les sommes de 473 364 euros, 527 357 euros et 12 629 euros qui lui avaient déjà été accordées au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, la cour s’est bornée à juger, qu’après ces révision de bases, les cotisations laissées à la charge de la société étaient devenues inférieures au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, et que, par suite, l’administration fiscale avait pu, à bon droit imputer, en application du III de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, les dégrèvements qui lui avaient été accordés à ce titre sur les montants des seconds dégrèvements qu’elle sollicitait. En procédant ainsi, sans rechercher si l’administration pouvait procéder à une compensation, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

7. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société SERMMA au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 3 mai 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions de la société d’exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz présentées au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société d’exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz et au ministre de l’action et des comptes publics.
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