Moniteur de parapente – Demande d’utilisation d’une parcelle communale – Liberté de gestion (domaine privé) – Légalité du refus

CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 09/02/2024, 23MA00868, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE – 5ème chambre
• N° 23MA00868
• Inédit au recueil Lebon
Lecture du vendredi 09 février 2024
Président
Mme CHENAL-PETER
Rapporteur
Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public
M. GUILLAUMONT
Avocat(s)
OLIVIER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Marseille, d’une part, d’annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Barcelonnette a refusé de faire droit à sa demande du 19 octobre 2020 d’autorisation d’utilisation des parcelles cadastrées section B n° 0955 et 0966, dites du golf du bois Chenu, afin d’exercer son activité de moniteur de parapente, d’autre part, d’enjoindre au maire de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 2109069 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 avril et 21 juillet 2023, M. A…, représenté par Me Cozon, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du 16 février 2023 ;

2°) d’annuler la décision implicite du maire de la commune de Barcelonnette ;

3°) d’enjoindre au maire d’instruire à nouveau sa demande et de prendre une nouvelle décision, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Barcelonnette une somme de 6 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n’a pas communiqué son dernier mémoire produit avant clôture, qui contenait des éléments nouveaux ;
– l’administration, qui ne lui a pas demandé de compléter sa demande en application de l’article L. 114-5 du code des relations entre le public et l’administration, ne saurait soutenir que celle-ci était insuffisamment précise ;
– les parcelles concernées par sa demande, cadastrées section B n° 955 et 966, librement accessibles à tous, appartiennent bien au domaine public de la commune ;
– la décision méconnaît l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques et l’article 5 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;
– les circonstances que le site ne soit pas conventionné pour la pratique du parapente, alors qu’il est d’ailleurs dûment référencé, et qu’il n’y ait à l’heure actuelle aucune autorisation d’occupation ne sont pas de nature à justifier la décision contestée ;
– l’utilisation courte du site pour l’atterrissage n’est pas dangereuse alors même qu’il est inondable ; bon nombre d’activités, appelant des temps de présence plus longs, y sont d’ailleurs organisées, comme le permet le plan de prévention des risques inondation ; le moniteur de parapente doit en outre prémunir ses clients de tout danger ;
– aucun danger ne résulte davantage de la présence d’une ligne à haute tension et d’une servitude liée, dûment portée à la connaissance des parapentistes ;
– les pratiques liées à la présence de l’aérodrome à proximité et celle du parapente, qui n’est pas empêchée par la servitude aéronautique de dégagement, sont organisées pour une coexistence sécurisée ;
– la décision méconnaît le principe d’égalité de traitement dès lors que le maire laisse perdurer un usage de fait du site par d’autres parapentistes et qu’il y permet d’autres activités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2023, la commune de Barcelonnette, représentée par Me Olivier, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu’elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Poullain,
– les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
– et les observations de Me Cozon, représentant M. A….
Considérant ce qui suit :

1. Le 19 octobre 2020, M. A…, moniteur de parapente, a sollicité auprès du maire de la commune de Barcelonnette une autorisation d’utiliser les parcelles cadastrées section B n° 0955 et 0966, dites du golf du bois Chenu, comme aire d’atterrissage et de stationnement. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 février 2023 ayant rejeté ses conclusions tendant à l’annulation du refus implicite opposé à cette demande et à ce qu’il soit enjoint au maire de réexaminer sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes des 2ème et 3èmealinéas de l’article R. 611-1 du code de justice administrative :  » La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux « .

3. Ainsi que le fait valoir M. A…, son dernier mémoire, enregistré le 27 janvier 2023 au greffe du tribunal administratif, avant clôture de l’instruction, n’a pas été communiqué. Il ne résulte toutefois pas de cette circonstance que lesdites écritures n’auraient pas été prises en compte par la juridiction. Ainsi, à supposer même que ce mémoire ait contenu des éléments nouveaux au sens des dispositions du 3ème alinéa de l’article R. 611-1 du code de justice administrative, cette seule absence de communication n’est pas susceptible, dans les circonstances de l’espèce, d’avoir préjudicié aux droits de M. A… ni d’avoir eu une influence sur l’issue du litige. Le requérant n’est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public « .

5. Les parcelles litigieuses, situées entre le lit du torrent Le Bachelard et une zone de constructions privées, à proximité du golf, n’ont fait l’objet d’aucun aménagement et ne sont pas affectées par la commune à l’usage direct du public, alors même qu’étant libres d’accès, elles sont déjà utilisées dans les faits par certains praticiens du parapente. Elles appartiennent dès lors au domaine privé de la commune. M. A… ne saurait en conséquence utilement soutenir que la décision contestée méconnaît l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques qui concerne le domaine public des personnes publiques.

6. Aux termes de l’article L. 2221-1 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Ainsi que le prévoient les dispositions du second alinéa de l’article 537 du code civil, les personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 gèrent librement leur domaine privé selon les règles qui leur sont applicables « .

7. Il résulte de ces dispositions que le maire de Barcelonnette pouvait librement décider, sans méconnaître l’article 5 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de ne pas formellement autoriser l’usage des terrains en cause pour l’atterrissage des parapentes et le stationnement.
8. Il est constant par ailleurs qu’aucune autorisation, similaire à celle sollicitée, n’a été délivrée à quiconque. M. A… ne saurait dès lors prétendre que le refus opposé à sa demande méconnaît le principe d’égalité.

9. Il résulte de l’instruction que le maire de la commune aurait pris la même décision s’il s’était seulement fondé sur le motif tiré de la libre disposition de son domaine privé. Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner la légalité des autres motifs de la décision attaquée, invoqués dans les écritures en défense de la commune de Barcelonnette, M. A… n’est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Marseille a, par le jugement attaqué, rejeté ses conclusions aux fins d’annulation de celle-ci ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions d’appel de M. A…, en ce comprises celles aux fins d’injonction et celles présentées au titre des frais d’instance.

10. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de la commune de Barcelonnette.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Barcelonnette au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… A… et à la commune de Barcelonnette.