Frais de secours sur piste de ski/ Contestation de titres exécutoires/ Compétence du juge administratif

CAA de LYON

N° 20LY03584

4ème chambre
M. d’HERVE, président
Mme Agathe DUGUIT-LARCHER, rapporteur
M. SAVOURE, rapporteur public
ADDEN AVOCATS, avocats

Lecture du jeudi 7 octobre 2021

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler le titre exécutoire d’un montant de 609 euros émis à son encontre le 27 mars 2020 par l’ordonnateur de la commune de Combloux au titre des frais de secours exposés après sa chute sur une piste de ski.
Par une ordonnance n° 2004385 du 6 octobre 2020, la vice-présidente du tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Procédure devant la Cour
Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2020, Mme B…, représentée par Me Gosseye, demande à la cour :

1°) d’annuler l’ordonnance du 6 octobre 2020 de la vice-présidente du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) à titre principal, de renvoyer l’affaire devant le tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, d’annuler le titre exécutoire émis à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– le juge administratif est compétent pour statuer sur les titres exécutoires se rapportant à des frais de secours sur les pistes de ski ; seul le contentieux de la responsabilité des exploitants des pistes de ski relève de la compétence du juge judiciaire ;
– elle n’a jamais reçu le titre exécutoire mais seulement une lettre de relance ;
– la lettre de relance est entachée d’un défaut de motivation ;
– à défaut d’une délibération préalable du conseil municipal sur les conditions de remboursement des frais de secours en montagne, le titre exécutoire méconnaît l’article R. 2321-7 du code général des collectivités territoriales ;
– à supposer qu’une telle délibération ait été adoptée, elle n’a pas été régulièrement publiée de sorte qu’elle n’a pas été informée des tarifs en vigueur ; elle n’a pas plus été informée lors de sa chute du montant de ces frais ;
– il n’est pas établi que les tarifs pratiqués aient été ceux figurant dans cette délibération ;
– sa prise en charge a été effectuée par une ambulance privée, dans des conditions opaques, sans que les tarifs des services sanitaires ne soient fixés et sans qu’il ne soit précisé que ces derniers relevaient d’un marché public ;
– le titre exécutoire ne fait pas mention des qualifications des pisteurs-secouristes et des modalités dans lesquels les secours se sont déroulés.

La commune de Combloux, à laquelle la requête a été régulièrement communiquée, n’a pas présenté d’observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ;
– le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Agathe Duguit-Larcher, rapporteure,
– et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 2 février 2020, Mme B… a fait une chute au pied des pistes de ski du domaine  » Les portes du Mont-Blanc « , en partie situé sur le territoire de la commune de Combloux, qui a nécessité l’intervention des services de secours. Par une lettre du 2 juillet 2020, le centre des finances publiques de Sallanches lui a transmis une lettre de relance se rapportant au titre exécutoire, émis le 27 mars 2020 par l’ordonnateur de la commune de Combloux, mettant à sa charge la somme de 609 euros au titre des frais de secours. Mme B… relève appel de l’ordonnance du 6 octobre 2020 par laquelle la vice-présidente du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ce titre exécutoire comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
2. Aux termes de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales :  » Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs. « . Aux termes de l’article L. 2212-2 du même code :  » La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure ; (…). « .
3. Le maire est chargé, sur le fondement de ces dispositions, d’assurer les opérations de secours en montagne sur le territoire de la commune. Il peut, en application de l’article 96 bis de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, confier à un opérateur public ou privé, exploitant de remontées mécaniques ou de pistes de ski, la distribution de secours aux personnes sur les pistes de ski, le cas échéant étendue aux secteurs hors-pistes accessibles par remontées mécaniques et revenant gravitairement sur le domaine skiable.
4. Les dépenses engendrées par les secours en montagne sont par nature, en application de l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales, au nombre des dépenses obligatoires de la commune.
5. Lorsqu’une personne est secourue en montagne en application de ces dispositions, elle est usager d’un service public administratif, et ce, alors même qu’elle peut, par ailleurs et dans le même temps, être usager du service public industriel et commercial de l’exploitation des pistes de ski. Le litige qui porte sur le remboursement des frais engagés à l’occasion des opérations de secours, lequel peut être réclamé par la commune au bénéficiaire des secours conformément au 15° de l’article L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales, oppose l’usager de ce service public administratif à la commune. Il relève, par suite, de la compétence de la juridiction administrative et ce quel que soit l’opérateur à qui les prestations matérielles de secours ont été confiées.
6. Il appartient, en conséquence, à la juridiction administrative de connaître du litige soulevé par Mme B… tendant à l’annulation du titre exécutoire d’un montant de 609 euros émis à son encontre le 27 mars 2020 par l’ordonnateur de la commune de Combloux au titre des frais engagés pour lui porter secours après une chute sur une piste de ski. Mme B… est ainsi fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée par laquelle la vice-présidente du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
7. Comme le demande, à titre principal, Mme B…, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu’il soit à nouveau statué sur sa demande.
8. L’Etat n’étant pas partie à la présente instance, la demande de mise à sa charge des frais exposés par Mme B… et non compris dans les dépens ne peut qu’être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : L’ordonnance n° 2004385 du 6 octobre 2020 de la vice-présidente du tribunal administratif de Grenoble est annulée.
Article 2 : Mme B… est renvoyée devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu’il soit statué sur sa demande.
Article 3 : Le surplus des conclusions de sa requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… B… et à la commune de Combloux.