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Route des gorges de l’Arly/ Ouvrage public exceptionnellement dangereux (non)…

CAA de LYON

N° 15LY02135   
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre – formation à 3
M. POMMIER, président
Mme Cécile COTTIER, rapporteur
Mme VIGIER-CARRIERE, rapporteur public
LALA-BOUALI, avocat

lecture du jeudi 28 septembre 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B…C…a demandé, le 9 octobre 2012, au tribunal administratif de Grenoble :
– de retenir la responsabilité du département de la Savoie pour l’accident dont il a été victime le 25 janvier 2012 sur la route départementale 1212 ;
– de condamner le département de la Savoie à réparer l’entier préjudice subi du fait de cet accident ;
– d’ordonner une expertise médicale afin d’évaluer son préjudice ;
– de condamner le département de la Savoie à lui verser une somme de 150 000 euros à titre de provision ;
– de condamner le département de la Savoie à lui verser une somme de 2 500 euros au titre l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche, représentant la CPAM de la Savoie, par mémoires des 26 août 2014 et 2 décembre 2014, a conclu à la condamnation du département de la Savoie à lui verser les sommes de 225 857,90 euros au titre des prestations versées et de 1 028 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1205313 du 23 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. C…et les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 juin 2015, M. C…représenté par Me D…demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 avril 2015 ;

2°) de condamner le département de la Savoie à réparer l’entier préjudice subi du fait de l’accident dont il a été victime le 25 janvier 2012 ;

3°) d’ordonner, avant de dire droit, une expertise médicale pour décrire les séquelles qu’il a subies suite à accident ;

4°) de condamner le département de la Savoie à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 150 000 euros à valoir sur l’indemnisation des conséquences dommageables de son préjudice ;

5°) de mettre à la charge du département de la Savoie une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le 25 janvier 2012, aux environs de 19H00, alors qu’il circulait sur la route départementale1212 en direction d’Albertville, le long des gorges de l’Arly, un rocher de 20 tonnes s’est décroché de la paroi et s’est écrasé sur son véhicule ; il a subi un traumatisme crânien et présente différentes séquelles ;
– la responsabilité sans faute du département de la Savoie est engagée dès lors qu’en l’espèce s’applique le régime de responsabilité au titre des risques créés par les ouvrages  » exceptionnellement dangereux  » ; lui est applicable la jurisprudence issue de la décision du Conseil d’Etat Sieur A…du 6 juillet 1973 sur les éboulements de falaise ; le risque pour les usagers doit apparaitre comme continu et atteindre un niveau de gravité apprécié par la fréquence des accidents ; la survenance de nombreux accidents et la récurrence des éboulements en quelques années sont des indices sérieux du caractère exceptionnellement dangereux de l’ouvrage ; ce caractère exceptionnellement dangereux au cas d’espèce est démontré par les nombreuses précautions prises par le département en matière de signalisation, de protection, et de sécurisation des lieux ; le secteur de l’accident constitue une zone à haut risque ; l’importance des investissements financiers consentis pour sécuriser la RD 1212 témoigne de la dangerosité de cette route et du caractère exceptionnel de cette dangerosité ; des éboulements récurrents se sont produits avant et après son accident ; en octobre 2013, la route a été fermée à raison d’un éboulement de 10m3 de pierres et un nouveau dispositif de sécurisation a été mis en place ; en janvier 2014, des roches sont tombées sur la route au  » Cliet  » ; la route a été fermée pendant plusieurs semaines en 2013 et 2014 ; il a subi un préjudice anormal et spécial ;
– à titre subsidiaire, la responsabilité du département est engagée pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage ; cet ouvrage est une zone à risque selon les documents internes de l’administration ; les mesures de sécurité prises postérieurement à son accident montrent que le département disposait des moyens pour sécuriser la voie ; la signalisation du risque de chute de pierres ne prévient pas les éboulements ; la prétendue surveillance des lieux n’a pas permis de prévenir les risques de chute de pierres sur cet axe routier fréquemment emprunté ; l’administration ne rapporte pas la preuve d’un entretien normal de l’ouvrage ; il ne s’agit pas d’un cas de force majeure, cet éboulement n’étant ni imprévisible ni irrésistible ; malgré sa prudence ; il ne pouvait éviter cet accident ;
– une expertise médicale doit être ordonnée pour évaluer ses séquelles et préjudices ;
– une provision de 150 000 euros est demandée sur l’indemnisation de ses préjudices ;

Par un mémoire enregistré le 4 novembre 2015, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche, représentant la CPAM de la Savoie, demande la condamnation du département de la Savoie à lui verser la somme de 308 636,36 euros au titre des débours engagés pour M. C…, la somme de 1 037 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, et à ce qu’il soit mis à sa charge la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :
– la responsabilité du département de la Savoie est engagée même en l’absence de faute dans la mesure où le tronçon de la route départementale 1212 sur lequel a eu lieu l’accident présentait à la date du fait dommageable un caractère exceptionnel dangereux ; les risques d’éboulement présentaient un degré de gravité élevé ; plusieurs éboulements ont eu lieu et le département a mis en place des travaux de renforcement de la falaise considérables ; la chute d’un rocher de 20 tonnes constitue un risque qui excède manifestement ce à quoi doit s’attendre tout automobiliste circulant sur une route de montagne ;
– la responsabilité du département de la Savoie est également engagée pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage public ; la route est une zone à risque à raison d’éboulements ; les travaux de renforcement postérieurs démontrent l’absence d’entretien préexistant à l’accident ;
– ont été servies à M. C…des prestations pour un montant de 308 636,36 euros ; ces prestations devront s’imputer sur les postes de dépenses de santé actuelles et pertes de gains professionnels ;
– elle a droit à l’indemnité forfaitaire de gestion ;

Par un mémoire enregistré le 23 décembre 2015, le département de la Savoie, représenté par Phelip et Associés, conclut au rejet de la requête de M.C…, à la confirmation du jugement du tribunal administratif et à titre subsidiaire à ce que l’indemnité provisionnelle doit être limitée à 2 000 euros. Il formule également des conclusions tendant à ce qu’il soit mis à la charge de M. C…la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de la sécurité sociale ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
– les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
– et les observations de Me Demesy, avocat, représentant le département de la Savoie.

1. Considérant que, le 25 janvier 2012, alors qu’il circulait, à hauteur du Pont de Flons, sur la route départementale 1212 en direction d’Albertville, M. C… a été victime d’un accident provoqué par la chute d’un rocher de vingt tonnes qui s’est détaché, à l’instant de son passage, de la paroi rocheuse surplombant la route et s’est écrasé sur son véhicule ; que M. C… a été gravement blessé ; qu’il a recherché devant le tribunal administratif de Grenoble la responsabilité du département de la Savoie en raison du caractère exceptionnellement dangereux de la voie dont ce département est maître d’ouvrage ; que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ainsi que les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche tendant au remboursement des débours exposés pour le compte de son assuré ; que M. C…interjette appel de ce jugement ; que, par la voie de l’appel incident, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche, représentant la CPAM de la Savoie, demande la condamnation du département de la Savoie à lui verser les sommes de 308 636,36 euros au titre de ses débours actuels et de 1 037 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue à l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur la responsabilité du département :

En ce qui concerne l’appel principal de M.C… :

2. Considérant, en premier lieu, qu’une collectivité publique peut en principe s’exonérer de la responsabilité qu’elle encourt à l’égard des usagers d’un ouvrage public victimes d’un dommage causé par l’ouvrage si elle apporte la preuve que ledit ouvrage a été normalement aménagé et entretenu ; que sa responsabilité ne peut être engagée à l’égard des usagers, même en l’absence de tout défaut d’aménagement ou d’entretien normal, que lorsque l’ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d’un ouvrage exceptionnellement dangereux ;

3. Considérant que pour démontrer la forte dangerosité de la RD 1112 et la gravité exceptionnelle des risques encourus par les usagers, M C… se prévaut en appel d’articles de presse relatant plusieurs éboulements survenus après son accident ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que les éboulements qui se sont produits en octobre 2013 ont eu lieu à proximité du tunnel des Cliets ; qu’il en va de même des risques d’éboulement observés en janvier 2014 ; qu’en l’absence de toute démonstration de la similitude de circonstances et de configuration des lieux pouvant exister entre ces éboulements et celui ayant causé l’accident dont il s’agit, le détachement de morceaux de roches au niveau du tunnel des Cliets ne saurait suffire à attester du caractère exceptionnellement dangereux de la portion de route où s’est produit l’accident dont a été victime M. C…à hauteur du pont de Flons ; qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’à la date du fait dommageable, le tronçon sur lequel est survenu l’accident subi par le requérant présentait les caractéristiques d’un ouvrage particulièrement dangereux dès lors qu’il n’est pas allégué que de tels éboulements à l’endroit de l’accident étaient constants et auraient provoqué d’autres accidents ; que les circonstances que le risque d’éboulement sur certaines portions de la RD 1112 était connu des services départementaux qui avaient entrepris depuis des années de sécuriser les lieux en confortant les roches, en installant des filets de protection et en signalant les zones les plus susceptibles d’éboulement et que le département de la Savoie a accru ses investissements consacrés aux travaux de protection après cet accident ne permettent pas non plus de faire regarder le tronçon routier en cause comme un ouvrage exceptionnellement dangereux de nature à engager la responsabilité de la personne publique envers M. C… ;

4. Considérant, en second lieu, que M. C…soutient désormais en appel que la responsabilité du département de la Savoie est également engagée, en sa qualité de maitre d’ouvrage, pour défaut d’entretien normal de cette route ; que le département fait valoir que cet accident s’est produit dans un secteur non classé parmi ceux présentant les risques d’éboulement les plus élevés ; qu’il précise que le secteur de l’accident a fait l’objet de travaux de sécurisation en 2007, antérieurement à l’accident, avec notamment la mise en place de filets de protection et d’ancrages de confortement ; qu’il indique également que des visites régulières sont effectuées par le personnel du territoire de développement local sur la zone des gorges de l’Arly, laquelle comprend le lieu de l’accident, et qu’une évaluation annuelle des dangers liés aux rochers présents sur cette zone est réalisée sous la forme d’une visite héliportée ; que le département précise encore que, le 25 janvier 2012, jour de l’accident, a eu lieu la tournée quotidienne de surveillance et que lors de ce contrôle et notamment suite au relevé de température ayant été réalisé 100 mètres en amont de la zone de l’accident, aucun phénomène anormal n’a été relevé ; que l’ensemble de ces éléments n’est pas contesté par M.C… ; qu’il est constant que des panneaux de signalisation de risques d’éboulis étaient présents sur cette route départementale et notamment à proximité de la zone de l’accident ; que même si, comme le fait valoir M. C…, ces panneaux ne sont pas de nature à empêcher les éboulis, ils signalaient correctement les dangers potentiels de chute de roches ; qu’ainsi, l’existence d’une surveillance régulière du tronçon de la route en cause et d’une signalisation appropriée avertissant les usagers du risque encouru d’éboulis et de chute de roches est suffisamment établie ; que, dans ces conditions, le département de la Savoie doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l’entretien normal de cette portion de la voie publique ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions relatives au défaut d’entretien normal, la responsabilité du département de la Savoie ne peut être engagée du fait de l’accident survenu à M. C… ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C…n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la responsabilité du département de la Savoie ainsi que par voie de conséquence ses conclusions présentées aux fins d’expertise et de versement d’une provision ;

En ce qui concerne les conclusions présentées pour la CPAM de la Savoie :

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en l’absence de responsabilité du département de la Savoie, les conclusions présentées pour la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie tendant à la condamnation dudit département au remboursement des frais engagés à la suite de l’accident subi par M. C… et au paiement de l’indemnité forfaitaire de l’article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du département de la Savoie qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que le requérant et la CPAM de la Savoie demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département de la Savoie sur le même fondement ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C…et les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Savoie au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B…C…, à la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie et au département de la Savoie.

Route de montagne/Entretien/ Police municipale/ Responsabilité administrative (fondement)

CAA de LYON

N° 16LY01297   
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre – formation à 3
M. d’HERVE, président
Mme Genevieve GONDOUIN, rapporteur
M. DURSAPT, rapporteur public
SCP DEYGAS-PERRACHON & ASSOCIES, avocat

lecture du jeudi 5 octobre 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association Jeunesse et Loisirs a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d’Arâches-la-Frasse à lui verser la somme de 244 783 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 août 2011, date de réception de sa demande préalable, avec capitalisation des intérêts.

Par le jugement n° 1201578 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise et réservé jusqu’à la fin de l’instance tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n’est pas statué.

Par le jugement n° 1201578 du 9 février 2016, le tribunal administratif a rejeté la requête de l’association Jeunesse et Loisirs et mis à sa charge les frais d’expertise liquidés et taxés à la somme de 4 594,61 euros.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement les 8 avril et 30 août 2016, et le 5 avril 2017, l’association Jeunesse et Loisirs représentée par Me A… demande à la cour :

1°) d’annuler ces jugements du tribunal administratif de Grenoble des 12 mai 2015 et 9 février 2016 ;
2°) de condamner la commune d’Arâches-la-Frasse à lui verser les sommes de 90 000 euros au titre de son préjudice financier et de 50 000 euros au titre du préjudice subi dans ses conditions d’exploitation, soit la somme globale de 140 000 euros à parfaire, outre les intérêts de droit à compter de la demande préalable du 27 juin 2011 dont il a été accusé réception le 4 août 2011 ;

3°) de condamner la commune d’Arâches-la-Frasse à lui verser la somme correspondant aux frais de l’expertise taxés et liquidés à 4 594,61 euros au titre de l’article R. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de la commune d’Arâches-la-Frasse la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

L’association soutient que :
– c’est à tort que le tribunal administratif a jugé que la commune n’avait pas été défaillante dans l’entretien de la route du Pontet qui dessert son centre de loisirs ; les travaux réalisés par la commune sont de trop faible ampleur par rapport à ce qui est nécessaire à l’usage normal de la voie ;
– l’arrêté du 28 juin 2005 interdisant de façon permanente aux véhicules de plus de 10 tonnes l’accès à la route à partir du km 300 est illégal en ce que la mesure d’interdiction est disproportionnée ; la commune aurait pu limiter l’interdiction aux seuls véhicules de plus de 15 tonnes ;
– le jugement avant-dire droit rendu le 12 mai 2015 a retenu que cette situation lui avait causé un préjudice revêtant un caractère spécial ; elle a, en effet, été la seule à devoir s’adapter aux interdictions édictées ;
– son préjudice est caractérisé, puisqu’elle a dû s’organiser pour acheminer les groupes ;
– elle a informé la commune, bien avant le 27 juin 2011, de l’existence d’un préjudice causé par l’arrêté litigieux du 28 juin 2005 ; ce n’est qu’à l’issue de nombreux échanges infructueux et de coûts supportés, qu’elle a engagé une action en réparation.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 26 juillet et le 7 novembre 2016, la commune d’Arâches-la-Frasse représentée par Me B…, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de l’association Jeunesse et Loisirs ;

2°) de mettre à la charge de l’association requérante la somme de 4 000 euros à lui verser en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :
– l’obligation d’entretien de la voirie ne correspond en aucun cas à la rénovation intégrale d’une route ; des travaux de plusieurs milliers d’euros ont été effectués sur la route du Pontet jusqu’en 2015 ; l’association requérante ne peut discuter des choix budgétaires de la commune, surtout lorsque ses demandes sont injustifiées ;
– un défaut d’entretien normal ne peut engager la responsabilité de la commune que s’il existe un lien direct entre l’ouvrage et le dommage ; l’association requérante ne peut rechercher sa responsabilité pour le dommage subi en fondant celle-ci sur le défaut d’entretien normal de l’ouvrage puisqu’il n’y a qu’un lien de causalité indirect entre l’ouvrage et le dommage ;

– si le refus d’exécuter des travaux sur une voie communale peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, le présent contentieux porte sur la responsabilité de la commune du fait d’une carence supposée dans l’entretien de la voie ; en l’espèce, le maire pouvait prendre une mesure de police pour limiter les risques liés à l’état de la voie, sans que puisse lui être reprochée l’absence de travaux permettant la levée de cette mesure ;
– c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l’arrêté municipal du 28 juin 2005, qui répond aux exigences de la sécurité publique, n’était ni disproportionné, ni injustifié ; en particulier les seuls véhicules de plus de 10 tonnes empruntant la voie sont ceux qui transportent des enfants, leur sécurité doit être assurée ;
– le préjudice subi par l’association requérante n’est ni grave, ni anormal ;
– d’ailleurs l’association n’établit pas sérieusement le préjudice qu’elle allègue ;
– si la cour décidait toutefois de retenir certaines des sommes demandées par l’association requérante, il conviendrait de faire application de la prescription quadriennale ; le recours a été introduit devant le tribunal administratif le 16 mars 2012, sont donc prescrits l’ensemble des frais allégués générés jusqu’au 31 décembre 2007.

La commune a également produit deux mémoires qui ont été enregistrés le 18 juillet et le 8 septembre 2017 et n’ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
– le code de la voirie routière ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Gondouin,
– les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
– et les observations de Me A… représentant l’association Jeunesse et Loisirs et de Me B… représentant la commune d’Arâches-la-Frasse ;

1. Considérant que, par un arrêté du 28 juin 2005, le maire d’Arâches-la-Frasse a interdit de façon permanente aux véhicules de plus de 10 tonnes de circuler sur la route du Pontet, à compter du point kilométrique 300 ; que cette interdiction ne s’applique ni aux véhicules transportant des denrées alimentaires, du carburant, du gaz, du sel de déneigement, ni aux véhicules assurant une mission de service public ; que l’association Jeunesse et Loisirs qui exploite toute l’année le centre  » Les Chamois « , où elle accueille des groupes d’enfants et des stages de formation à l’encadrement, a été affectée par cet arrêté en ce qu’il interdit aux cars de circuler sur la portion de la route menant au centre ; qu’après avoir, en vain, demandé réparation à la commune d’Arâches-la-Frasse pour le préjudice subi, elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble ; que, par un jugement du 12 mai 2015, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de l’association tendant à ce que soit retenue la responsabilité pour faute de la commune, a jugé, sur le fondement de la rupture de l’égalité devant les charges publiques, que l’interdiction de circulation aux véhicules de plus de 10 tonnes avait causé à l’association un préjudice spécial et ordonné une mesure d’expertise pour déterminer la gravité de celui-ci ; qu’après le dépôt du rapport d’expertise le 27 novembre 2015, le tribunal administratif a rejeté la demande de l’association requérante par un jugement du 9 février 2016 ; que l’association Jeunesse et Loisirs relève appel de ces deux jugements ;
Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune :

2. Considérant, en premier lieu, que l’obligation d’entretien des voies communales imposée aux communes par le 20° de l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales et l’article L. 141-8 du code de la voirie routière ne s’étend pas aux travaux d’amélioration et d’élargissement de ces voies ;
3. Considérant que l’association requérante soutient que la route du Pontet qui dessert le centre  » Les Chamois « , lui appartenant et ouvert à l’année, est soumise à des problèmes de drainage et d’évacuation des eaux de ruissellement et qu’elle n’est pas entretenue correctement, ce qui la rend difficilement praticable par endroits, voire dangereuse ; qu’il résulte de l’instruction que cette voie communale située à plus de 1 000 mètres d’altitude, d’une longueur de 2,6 kilomètres et très sinueuse, a fait l’objet au moins depuis 1989 de plusieurs arrêtés municipaux limitant la circulation des véhicules les plus lourds, notamment en raison des risques d’instabilité de la voie ; que la commune d’Arâches-la-Frasse justifie de la réalisation de travaux sur cette route, avant comme après l’arrêté litigieux du 28 juin 2005, pour plusieurs centaines de milliers d’euros ; que les dégradations relevées par l’association requérante, qui n’engage pas la responsabilité de la commune du fait d’un accident dû au défaut d’entretien normal de la route du Pontet, ne sont pas suffisantes pour établir en l’espèce que la commune a manqué à son obligation d’entretien de cette voie ; que, dès lors, l’association Jeunesse et Loisirs n’est pas fondée à demander réparation pour la faute que la commune d’Arâches-la-Frasse aurait commise du fait de sa carence dans l’entretien de la voie communale du Pontet ;
4. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales :  » La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (…)  » ; que l’article R. 141-3 du code de la voirie routière prévoit que :  » Le maire peut interdire d’une manière temporaire ou permanente l’usage de tout ou partie du réseau des voies communales aux catégories de véhicules dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces voies, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d’art  » ;
5. Considérant qu’à la suite du rapport du bureau d’études géologiques Géo Arve concluant  » qu’il est souhaitable de limiter l’accès de la route du Pontet aux véhicules de moins de 15 tonnes  » (2002), le maire de la commune d’Arâches-la-Frasse a pris le 25 février 2003 un arrêté interdisant sur la route du Pontet menant au centre  » Les Chamois « , et lors des périodes de dégel, la circulation des véhicules, dont les autobus, d’un poids total autorisé en charge de plus de 10 tonnes ; qu’il n’est pas contesté que l’étude de stabilité de la route du Pontet réalisée par le bureau Géo Arve et les études postérieures ont confirmé une instabilité potentielle générale de la route au regard du contexte géologique et géotechnique, notamment en cas de fortes pluies ou de dégel prolongé sur la dernière partie de la route communale menant jusqu’au centre des Chamois ; que, par l’arrêté contesté du 28 juin 2005, le maire a interdit la circulation à partir du point kilométrique 300 durant toute l’année des véhicules d’un tonnage supérieur à 10 tonnes ; que l’étude réalisée en 2015 par le bureau Géolithe préconise le maintien de l’interdiction pour les véhicules de plus de 10 tonnes, compte tenu du risque de glissement et d’effondrement du bord de chaussée ; que, comme l’ont relevé à bon droit les premiers juges, une telle restriction de circulation sur une route de montagne afin de garantir la préservation de l’ouvrage et la sécurité des usagers n’apparaît pas disproportionnée ; que la circonstance que des véhicules de plus de 10 tonnes, en particulier des engins de chantier, aient pu emprunter la route du Pontet ou que d’autres voies équivalentes à celle du Pontet ne soient pas frappées de telles interdictions de circulation reste sans incidence sur la légalité de l’arrêté litigieux ; que, par suite, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté du 28 juin 2005 est entaché d’une illégalité fautive de nature à lui ouvrir droit à indemnité ;
En ce qui concerne la responsabilité de la commune sur le fondement du principe d’égalité devant les charges publiques :
6. Considérant que les mesures légalement prises, dans l’intérêt général, par les autorités de police peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement du principe de l’égalité devant les charges publiques au profit des personnes qui, du fait de leur application, subissent un préjudice anormal, grave et spécial ;

7. Considérant que, comme l’ont relevé à bon droit les premiers juges, l’arrêté du maire de la commune d’Arâches-la-Frasse du 28 juin 2005 qui a interdit durant toute l’année la circulation aux véhicules de plus de 10 tonnes sur la route du Pontet, à partir du point kilométrique 300, qui constitue la seule voie de desserte de l’ensemble immobilier appartenant à l’association Jeunesse et Loisirs, a causé à cette dernière un préjudice spécial ; que, pour contester le jugement qui a retenu que son préjudice ne revêtait pas un caractère anormal, l’association requérante soutient essentiellement que c’est à tort que l’expert puis le tribunal administratif, n’ont pas retenu, dans l’évaluation de son préjudice, une quote-part du salaire du directeur qui a fait fonction de conducteur dès l’année 2005 ; que, toutefois, l’association Jeunesse et Loisirs n’a justifié d’aucune charge supplémentaire de personnel pour la conduite du bus jusqu’en 2007, ni d’ailleurs pour toute autre tâche que le directeur n’aurait pu accomplir du fait de la contrainte d’assurer lui-même des trajets du bus ; que ce n’est qu’à compter du 1er janvier 2008 qu’un conducteur à temps partiel a été embauché, ce dont l’expert et le tribunal ont tenu compte ; que si l’association évoque des problèmes de réorganisation du fait de l’arrêté litigieux, elle n’établit pas que l’expert et le tribunal n’auraient pas pris en compte ces différents aspects pour l’évaluation de son préjudice ; que, par suite, elle n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le jugement attaqué du 9 février 2016 a rejeté sa demande au motif que le préjudice subi, évalué à un montant annuel de 705 euros, ne revêtait pas un caractère anormal, excédant une charge de fonctionnement lui incombant normalement ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’exception de prescription quadriennale opposée par la commune, que l’association Jeunesse et Loisirs n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative :  » Les dépens comprennent les frais d’expertise, d’enquête et de toute autre mesure d’instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l’Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties./ L’Etat peut être condamné aux dépens  » ; que l’association Jeunesse et Loisirs étant en l’espèce partie perdante, ses conclusions tendant à ce que la commune d’Arâches-la-Frasse soit condamnée à lui verser la somme des frais de l’expertise taxés et liquidés à 4 594,61 euros au titre de ces dispositions du code de justice administrative doivent être rejetées ;
10. Considérant, en second lieu, que la commune n’étant pas partie perdante, les conclusions présentées par l’association Jeunesse et Loisirs sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’association requérante une somme à verser à la commune d’Arâches-la-Frasse au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l’association Jeunesse et Loisirs est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Jeunesse et Loisirs et à la commune d’Arâches-la-Frasse.
Délibéré après l’audience du 14 septembre 2017 où siégeaient :
M. d’Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 octobre 2017.
3
N° 16LY01297

Accident sur site d’escalade (Vingrau)/ « Conventionnement FFME »/ Responsabilité de la commune (non)

CAA de MARSEILLE

 

N° 17MA00606

Inédit au recueil Lebon

6ème chambre – formation à 3

Mme CARTHE-MAZERES, président

Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, rapporteur

  1. THIELÉ, rapporteur public

SCP HENRY-CHICHET-PAILLES-GARIDOU, avocat

 

 

lecture du lundi 9 octobre 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

 

Procédure contentieuse antérieure :

 

La Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME) et la société anonyme Allianz Iard ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Vingrau à prendre à sa charge et de les relever de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit de M. B… et de Mme F….

 

Par un jugement n° 1502147 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

 

 

Procédure devant la Cour :

 

Par une requête, enregistrée le 13 février 2017, la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard, représentées par Me C…, demandent à la Cour :

 

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

 

 

 

 

 

2°) de condamner la commune de Vingrau à prendre à sa charge toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, dont la somme de 1 181 767,06 euros ;

 

3°) de mettre à la charge de la commune de Vingrau une somme de 2 000 euros à leur verser au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Elles soutiennent que :

– la commune de Vingrau est responsable des préjudices subis par M. B… et Mme F… ;

– la commune a méconnu les articles 12 et 13 de la convention d’usage du 7 juillet 1990 en intervenant sur le site et en procédant à des travaux publics portant sur la purge des sites du fait de risques d’éboulement.

 

 

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2017, la commune de Vingrau, représentée par Me E…, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de chacune de la FFME et de la compagnie d’assurances Allianz Iard au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

 

Elle soutient que :

– aucune faute en relation directe avec l’accident n’est rapportée ;

– elle n’a jamais participé à l’entretien du site objet de la convention signée avec la FFME ;

– une convention de gestion et d’entretien du site a été conclue, postérieurement à l’accident, le 17 octobre 2011 avec la communauté de communes Agly-Fenouillèdes.

Une ordonnance du 16 mai 2017 a fixé la clôture de l’instruction au 6 juin 2017.

 

 

Un mémoire, présenté pour la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard, enregistré le 1er juin 2017, n’a pas été communiqué.

 

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

 

Vu :

– le code civil ;

– le code de justice administrative.

 

 

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

 

 

 

 

 

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme G… Steinmetz-Schies, président-assesseur ;

– les conclusions de M.D… Thiele, rapporteur public ;

– les observations de Me C… représentant la Fédération française de la montagne et de l’escalade et la compagnie d’assurances Allianz Iard, et de Me A… représentant la commune de Vingrau.

 

 

 

 

  1. Considérant que par une convention d’usage signée le 7 juillet 1990, la commune de Vingrau a confié à la Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME) l’exploitation d’un site d’escalade sur son territoire ; que le 3 avril 2010, M. B…, guide de haute montagne et sa compagne, Mme F…, qui évoluaient sur ce site ont été victimes d’un grave accident résultant de la chute soudaine d’un bloc rocheux sur lequel M. B… avait effectué une prise ; que M. B… a été victime de plusieurs fractures, et sa compagne, sur laquelle le rocher était retombé, a subi un traumatisme crânien et de graves blessures au niveau du bras droit nécessitant son amputation ; qu’ils ont assigné la FFME et son assureur, la compagnie d’assurances Allianz Iard, devant le tribunal de grande instance de Toulouse pour avoir réparation des préjudices subis ; que par jugement du 14 avril 2016 cette juridiction a condamné la FFME et la compagnie Allianz Iard à payer à M. B… et Mme F… la somme de 1 181 767,06 euros ; que la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard relèvent appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à ce que la commune de Vingrau soit déclarée responsable et prenne à sa charge toutes les conséquences dommageables de l’accident dont ont été victimes M. B… et Mme F… ;

 

 

 

 

  1. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’une convention portant  » autorisation d’usage de terrains en vue de la pratique de l’escalade  » a été conclue entre la commune de Vingrau et la FFME le 7 juillet 1990 ; que son article 4 dispose que  » (…) La FFME sera, au cours de la durée de la convention, responsable de l’entretien et du maintien en l’état du site et des biens mis à la disposition des personnes pratiquant l’escalade.  » ; que l’article 12 de cette même convention dispose que :  » le propriétaire confie par les présentes à la FFME, qui accepte, la garde du site et des biens visés par la présente convention. La FFME s’engage à entretenir le site visé par la présente convention en bon état et à veiller à la sécurité des usagers et des tiers « , et enfin que l’article 13 relatif aux responsabilités du propriétaire prévoit que  » le propriétaire et son personnel s’abstiendront de toute intervention susceptible de modifier les conditions de sécurité sur le site visé par la présente convention sans avoir au préalable recherché et obtenu l’accord de la FFME  » ;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. Considérant que la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard, pour établir un manquement aux obligations contractuelles de la commune de Vingrau, font valoir que celle-ci est intervenue sur le site d’escalade  » route de la Grimpe  » afin d’y effectuer certains travaux, en méconnaissance des articles précités ; qu’elles produisent, d’une part, le compte rendu de pilotage n° 3 du pôle d’excellence rurale du 3 juillet 2009 établi par la communauté de communes Agli-Fenouillèdes indiquant que des travaux ont commencé en mars 2007 sur les sites d’escalade, dont la route de la Grimpe avec l’aménagement de voies d’escalade, l’aménagement d’une via ferrata, la signalisation sur sites et la réalisation de topoguides d’escalade, et d’autre part, un dossier de récolement pour la route de la Grimpe portant création et entretien de sites d’escalade (lot 1) ; que toutefois, ces documents émanent de la communauté de communes et ne font état que des activités de cet établissement public intercommunal ; qu’en outre une convention de gestion et d’entretien du site signée le 17 octobre 2011 par la communauté de communes et la commune de Vingrau n’est intervenue que postérieurement à l’accident ; que par suite, ces documents n’établissent pas une intervention de la commune de Vingrau sur le site d’escalade ; qu’en tout état de cause, les appelantes n’établissent pas, ni même n’allèguent, que ces activités, qui avaient précisément pour objet d’améliorer la sécurité des voies d’escalade, notamment en purgeant ces dernières des blocs rocheux instables, auraient pu contribuer, à l’inverse, au détachement du bloc ayant causé l’accident ;

 

 

  1. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Vingrau, les conclusions de la FFME et de la compagnie d’assurances Allianz Iard à l’encontre de cette commune, qui sont mal dirigées et n’établissent pas, en tout état de cause, un lien de causalité entre les activités dénoncées et les dommages doivent être rejetées ; que, par suite, la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité de la commune de Vingrau dans l’accident dont ont été victimes M. B… et Mme F… ;

 

 

  1. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes ;

 

 

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

 

  1. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle que soit mise à la charge de la commune de Vingrau, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la FFME et de la compagnie d’assurances Allianz Iard, le versement chacune d’une somme de 1 000 euros à la commune de Vingrau ;

 

 

 

 

 

 

 

D É C I D E :

 

 

 

Article 1er : La requête de la Fédération française de la montagne et de l’escalade et de la compagnie d’assurances Allianz Iard est rejetée.

 

Article 2 : La Fédération française de la montagne et de l’escalade et la compagnie d’assurances Allianz Iard verseront chacune une somme de 1 000 euros à la commune de Vingrau au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération française de la montagne et de l’escalade, à la compagnie d’assurances Allianz Iard et à la commune de Vingrau.

UTN/ Plan ou programme susceptible d’avoir des incidences sur l’environnement/ Non (selon le CE…)

Conseil d’État

N° 400420   
ECLI:FR:CECHR:2017:400420.20170719
Inédit au recueil Lebon
6ème – 1ère chambres réunies
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public

lecture du mercredi 19 juillet 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 6 juin 2016 et 30 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association France Nature Environnement demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme ;

2°) subsidiairement, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle portant sur l’interprétation du paragraphe 6 de l’article 3, de l’article 4 et de l’article 6 de la directive 2001/42/CE du 21 juin 2001 ainsi que de l’article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
– la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
– l’arrêt C-567/10 du 22 mars 2012 de la Cour de justice de l’Union européenne ;
– le code l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– la décision n° 365876 du Conseil d’Etat statuant au contentieux du 26 juin 2015 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

1. Considérant que l’association France Nature Environnement demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 décembre 2015 qui a procédé à une nouvelle codification de la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme ;
Sur les conclusions dirigées contre l’article R. 103-1 du code de l’urbanisme issu du décret attaqué :

2. Considérant que les dispositions de l’article R. 103-1 du code de l’urbanisme issues du décret attaqué se bornent à reprendre, sans modifications autres que de pure forme destinées à tenir compte, dans la partie réglementaire du code de l’urbanisme, de la nouvelle numérotation de ce code résultant de l’ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme, les dispositions applicables à la date de leur entrée en vigueur et devenues définitives ; que ces dispositions sont divisibles des autres dispositions du décret ; que les conclusions dirigées contre ces dispositions sont, par suite, irrecevables ;

Sur conclusions dirigées contre les articles R. 104-1 à R. 104-16 du code de l’urbanisme issus du décret attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du paragraphe 5 de l’article 3 de la directive du 27 juin 2001 :  » les États membres déterminent si les plans ou programmes visés aux paragraphes 3 et 4 sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, soit en procédant à un examen au cas par cas, soit en déterminant des types de plans et programmes ou en combinant ces deux approches. (…)  » ; que le paragraphe 6 du même article précise :  » Pour l’examen au cas par cas et pour la détermination des types de plans et programmes conformément au paragraphe 5, les autorités visées à l’article 6, paragraphe 3, sont consultées.  » ; que, selon cette dernière disposition,  » les États membres désignent les autorités qu’il faut consulter et qui, étant donné leur responsabilité spécifique en matière d’environnement, sont susceptibles d’être concernées par les incidences environnementales de la mise en oeuvre de plans et programmes.  » ;

4. Considérant que, pour soutenir que ces dispositions ont été méconnues, l’association requérante se borne à faire valoir que l’auteur du décret attaqué n’a pas soumis à la consultation des autorités compétentes en matière d’environnement désignées par ce décret la liste des types de documents d’urbanisme soumis à évaluation environnementale ; que toutefois, cette liste n’est pas fixée par le décret attaqué mais par les article L. 104-1 et L. 104-2 du code de l’urbanisme pris pour la transposition de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 ; que, par suite, le moyen invoqué par l’association requérante ne peut qu’être écarté, sans qu’il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question relative à l’interprétation de la directive ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si l’article L. 104-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 23 septembre 2015, ne renvoie à un décret en Conseil d’Etat que la fixation des critères en fonction desquels les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales font l’objet d’une évaluation environnementale, l’article L. 171-1 du code de l’urbanisme confie, sauf disposition contraire, au pouvoir règlementaire le soin de fixer par décret en Conseil d’Etat les modalités d’application de la partie législative du livre Ier du code ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions issues du décret attaqué, qui précisent, sur le fondement de cet article L. 171-1, les conditions dans lesquelles les modifications des documents d’urbanisme autres que les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales sont soumis à évaluation environnementale, seraient privées de base légale doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, comme dans l’état antérieur du droit, les dispositions contestées doivent être interprétées comme étant en principe applicables aux procédures d’abrogation totale ou partielle des documents d’urbanisme qu’elles mentionnent ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que les mises en compatibilité des documents locaux d’urbanisme tant avec des déclarations d’utilité publique qu’avec des documents supérieurs peuvent constituer, en raison de leur ampleur, des évolutions de ces documents devant faire l’objet d’une évaluation environnementale ; que si les articles R. 104-1 à R. 104-16 du code de l’urbanisme relatives à l’évolution des documents d’urbanisme prévoient expressément les conditions dans lesquelles sont soumises à évaluation environnementale les mises en compatibilité des documents locaux d’urbanisme dans le cadre d’une déclaration d’utilité publique ou d’une déclaration de projet, elles ne comportent pas de dispositions relatives aux mises en compatibilité, prévues notamment par les articles L. 123-18, L. 131-1 et L. 131-4 du même code, des documents d’urbanisme avec des documents supérieurs, en particulier dans le cas où elle est réalisée d’office par la représentant de l’Etat en application des articles L. 123-20, L. 143-42 et L. 153-51 du même code ; que, par suite, l’association requérante est fondée à soutenir que les articles R. 104-1 à R. 104-16 du code de l’urbanisme dans leur rédaction issue du décret attaqué doivent être annulés en tant qu’ils n’imposent pas la réalisation d’une évaluation environnementale dans les cas où la mise en compatibilité d’un document local d’urbanisme avec un document d’urbanisme supérieur est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive 2001/42/ CE du 27 juin 2001 ;

8. Considérant, en dernier lieu, que l’article L. 104-3 du code de l’urbanisme dispose que  » Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d’avoir des effets notables sur l’environnement, au sens de l’annexe II à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, les procédures d’évolution des documents mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l’évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration  » ; qu’en vertu de l’article L. 153-31 du même code, les évolutions des plans locaux d’urbanisme sont effectuées par la voie de la révision, soumise à titre systématique à évaluation environnementale en vertu de l’article R. 104-8, lorsqu’il est décidé, notamment,  » de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d’une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance  » ; qu’en vertu de l’article L. 153-36, les évolutions des mêmes plans peuvent se faire par la voie de la modification  » sous réserve des cas où une révision s’impose en application de l’article L. 153-31  » ; que le champ d’application de la procédure de révision, tel qu’il est défini par ce dernier article, ne peut cependant être regardé comme couvrant l’ensemble des changements apportés au plan local d’urbanisme susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 ; que les dispositions attaquées n’imposent par ailleurs la réalisation d’une évaluation environnementale, en cas de recours à la procédure de modification des plans locaux d’urbanisme, que dans deux situations, prévues aux articles R. 104-8 et R. 104-12, respectivement lorsqu’elle permet la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000 et lorsqu’elle porte sur la réalisation d’une unité touristique nouvelle dans les zones de montagne ; qu’ainsi, en ne prévoyant pas les conditions dans lesquelles une évaluation environnementale doit obligatoirement être réalisée dans les autres situations où le recours à la procédure de la modification du plan local d’urbanisme est légalement possible, alors qu’il n’est pas exclu par principe que les évolutions ainsi apportées à ce plan soient susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, les dispositions attaquées ont méconnu l’article L. 104-3 du code de l’urbanisme ;

Sur les conclusions dirigées contre les dispositions des articles R. 104-21 et R. 104-22 issus du décret attaqué :

9. Considérant que, par sa décision n° 365876 du 26 juin 2015, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a annulé les dispositions des alinéas 1 à 7 de l’article R. 121-15 du code de l’urbanisme issues de l’article 3 du décret du 23 août 2012 relatif à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme en tant qu’elles désignent l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement pour l’élaboration du chapitre individualisé du schéma de cohérence territoriale valant schéma de mise en valeur de la mer et la mise en compatibilité d’office par le préfet du plan local d’urbanisme ou du schéma de cohérence territoriale avec des documents supérieurs ; que les dispositions des articles R. 104-21 et R. 104-22 issus du décret attaqué réitèrent, sans changement des circonstances de droit, les dispositions des alinéas 1 à 7 de l’article R. 121-15 du code de l’urbanisme ; qu’elles doivent dès lors être annulées dans la même mesure ;

Sur les conclusions dirigées contre les dispositions de l’article 12 du décret attaqué :

10. Considérant, en premier lieu, que tant les mises en compatibilité des documents d’urbanisme visés à l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme avec des déclarations d’utilité publique que les mises en compatibilité, prévues par les articles L. 122-15-1 et L. 123-14 du même code, des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme avec des documents supérieurs peuvent constituer, en raison de leur ampleur, des révisions de ces documents d’urbanisme ; que, lorsqu’elles constituaient de telles révisions, ces mises en compatibilité étaient soumises à évaluation environnementale en application de l’article R. 121-16 du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au décret attaqué ; qu’il en résulte que les dispositions de droit national relatives à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme en vigueur avant l’entrée en vigueur du décret attaqué étaient conformes aux objectifs fixés par la directive du 27 juin 2001 ; que le moyen tiré de ce que les dispositions transitoires du I de l’article 12 du décret attaqué définissant les conditions d’entrée en vigueur des dispositions issues du décret attaqué relatives aux mêmes évolutions des documents d’urbanisme, seraient illégales au motif qu’elles conduiraient à maintenir en vigueur un état du droit national contraire aux obligations prévues par la directive du 27 juin 2001 ne peut, dès lors, qu’être écarté ;

11. Considérant en deuxième lieu, que les articles R. 104-15 et R. 104-16 du code de l’urbanisme issus du décret attaqué imposent que les cartes communales fassent l’objet d’une évaluation environnementale à l’occasion de leur élaboration et de certaines de leurs révisions, d’une part, lorsque le territoire de la commune comprend un site Natura 2000 et, d’autre part, lorsqu’il est établi qu’elles sont susceptibles soit d’affecter de manière significative un site Natura 2000 soit, après un examen au cas par cas, d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive du 27 juin 2001 ; que le II de l’article 12 du décret attaqué précise les conditions d’entrée en vigueur des articles R. 104-15 et R. 104-16 en prévoyant qu’ils s’appliquent aux seuls cas où l’avis prescrivant l’ouverture de l’enquête publique n’a pas encore été publié à la date du 1er janvier 2016 ; qu’une telle disposition a pour effet, lorsque l’avis a été publié avant cette date, de ne soumettre les procédures relatives aux cartes communales à l’évaluation environnementale que dans les hypothèses prévues par les dispositions antérieurement applicables de l’article R. 121-14 du code de l’urbanisme, lesquelles ne prévoyaient l’évaluation environnementale des cartes communales que pour les communes dont le territoire comprend un site Natura 2000 et certaines communes limitrophes ; qu’en faisant ainsi obstacle à ce que soit soumises à évaluation environnementale, après examen au cas par cas, l’ensemble des cartes communales susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’annexe II à la directive du 27 juin 2001, les dispositions du II de l’article 12 du décret attaqué laissent subsister dans le droit interne des dispositions qui méconnaissent les exigences découlant du paragraphe 3 de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001, dont le délai de transposition est écoulé, sans que de motifs impérieux justifient un délai pour la mise en conformité complète du droit français avec le droit de l’Union européenne ; que l’association requérante est, par suite, fondée à demander l’annulation du II de l’article 12 du décret attaqué ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu’en vertu de l’article R. 121-6 du code de l’urbanisme issu du décret attaqué :  » Les aménagements légers mentionnés à l’article R. 121-5 qui ne sont pas soumis à enquête publique en application du 1° du I de l’article L. 123-2 du code de l’environnement font l’objet d’une mise à disposition du public organisée par un arrêté de l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation du projet  » ; que le III de l’article 12 du décret a rendu applicable ces dispositions aux demandes d’autorisation au titre du code de l’urbanisme auxquelles sont soumis les projets concernés déposés à compter du 1er janvier 2016 ;

13. Considérant cependant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 121-24 du code de l’urbanisme que les projets d’aménagement qui ne sont pas soumis, préalablement à leur autorisation, à enquête publique font l’objet d’une procédure de mise à disposition du public pendant une durée d’au moins quinze jours, dans des conditions permettant à celui-ci de formuler ses observations ; que l’association requérante n’est dès lors pas fondée à soutenir que les dispositions du III de l’article 12 du décret attaqué laisseraient subsister des dispositions du droit national adoptées en méconnaissance des obligations prévues par cette directive en matière d’évaluation environnementale ;

14. Considérant, en quatrième lieu, que le IV de l’article 12 du décret attaqué a réservé au cas des demandes d’autorisation déposées à compter du 1er janvier 2016 l’application des dispositions insérées à l’article R. 122-13 du code de l’urbanisme par le décret attaqué sur la mise à disposition du public du dossier de demande d’autorisation de créer une unité touristique nouvelle dans une commune non couverte par un schéma de cohérence territoriale ; que les unités touristiques nouvelles mentionnées à l’article L. 122-16 du code de l’urbanisme ne peuvent cependant être regardées comme des plans ou programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions transitoires laisseraient subsister des dispositions du droit national adoptées en méconnaissance des obligations prévues par la directive du 27 juin 2001 ne peut être qu’écarté ; que le moyen tiré de la méconnaissance des obligations prévues par la directive 2011/92/CE du 13 décembre 2011 n’est pas assorti des précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien fondé ;

15. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’association est fondée à demander l’annulation des articles R. 104-1 à R. 104-16 du code de l’urbanisme dans leur rédaction issue du décret attaqué en tant qu’ils n’imposent pas la réalisation d’une évaluation environnementale dans les cas où d’une part, les évolutions apportées au plan d’urbanisme par la procédure de modification et, d’autre part, la mise en compatibilité d’un document local d’urbanisme avec un document d’urbanisme supérieur est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive 2001/42/ CE du 27 juin 2001, des articles R. 104-21 et R. 104-22 insérés au code de l’urbanisme par le décret attaqué en tant qu’ils désignent l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement pour l’élaboration du chapitre individualisé du schéma de cohérence territoriale valant schéma de mise en valeur de la mer et la mise en compatibilité d’office par le préfet du plan local d’urbanisme ou du schéma de cohérence territoriale avec des documents supérieurs, et du II de l’article 12 du décret attaqué ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : Sont annulés :
– les articles R. 104-21 et R 104-22 du code de l’urbanisme issus de l’article 1er du décret du 28 décembre 2015 en tant qu’ils désignent l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement pour l’élaboration du chapitre individualisé du schéma de cohérence territoriale valant schéma de mise en valeur de la mer et la mise en compatibilité d’office par le préfet du plan local d’urbanisme ou du schéma de cohérence territoriale avec des documents supérieurs ;
– les articles R. 104-1 à R. 104-16 du code de l’urbanisme issus du décret du 28 décembre 2015, en ce qu’ils n’imposent pas la réalisation d’une évaluation environnementale dans tous les cas où, d’une part, les évolutions apportées au plan local d’urbanisme par la procédure de la modification et, d’autre part, la mise en compatibilité d’un document local d’urbanisme avec un document d’urbanisme supérieur, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive 2001/42/ CE du 27 juin 2001 ;
– le II de l’article 12 du décret du 28 décembre 2015.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’association France Nature Environnement, au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de la cohésion des territoires et au Premier ministre.

Protection de la biodiversité/ SRCE / Légalité

CAA de NANCY

N° 16NC01198   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. MESLAY, président
M. Philippe REES, rapporteur
M. FAVRET, rapporteur public
MOISSON, avocat

lecture du vendredi 30 juin 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :

La société des Remontées mécaniques du champ du feu (SOREMEC) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler l’arrêté du 22 décembre 2014 par lequel le préfet du Bas-Rhin a adopté le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) d’Alsace.

Par un jugement no 1500815 du 13 avril 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 juin et 12 décembre 2016, ainsi que le 31 janvier 2017, la société des Remontées mécaniques du champ du feu, représentée par MeB…, demande à la cour d’annuler le jugement no 1500815 du 13 avril 2016 du tribunal administratif de Strasbourg, avec toutes conséquences de droit.

La société des Remontées mécaniques du champ du feu soutient que :

– le jugement est insuffisamment motivé ;
– le jugement est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ;
– le jugement est entaché d’erreur de fait en ce que, d’une part, le tribunal a considéré que le schéma n’aurait pas de conséquence sur son activité, d’autre part il a relevé que son activité principale est le ski de fond, alors qu’il s’agit du ski alpin ;
– le schéma est entaché d’un vice de procédure dès lors que les organismes visés à l’article L. 371-3 du code de l’environnement n’ont pas été consultés ;
– le schéma est entaché d’un vice de procédure dès lors que tous les avis n’ont pas été joints au dossier d’enquête publique, contrairement à ce qu’exigent les articles L. 371-3 et R. 123-8 du code de l’environnement ;
– l’article L. 121-13 du code de l’environnement et l’article 7 de la Charte de l’environnement ont été méconnus dès lors que les modalités fixées pour le déroulement de l’enquête publique n’ont pas permis une participation suffisante du public ;
– le schéma n’a, contrairement à ce que prévoit l’article L. 371-3 du code de l’environnement, pas été établi sur le fondement de connaissances scientifiques mises à disposition des autorités pour son élaboration ;
– l’absence de mentions spécifiques relatives aux grands projets dans le SRCE constitue une illégalité ;
– le SRCE méconnaît l’article R. 371-26 du code de l’environnement en ce que son diagnostic ne comporte pas une analyse fiable et précise des interactions humaines sur la biodiversité ;
– le plan d’action stratégique ne comporte pas de volet relatif au développement touristique et des activités de grand air, en méconnaissance de l’article R. 371-28 du code de l’environnement ;
– le plan d’action stratégique ne prévoit aucune disposition pour garantir la compatibilité entre ces activités et les mesures qu’il fixe, en méconnaissance de l’article R. 371-28 du code de l’environnement ;
– le SRCE méconnaît l’article L. 371-1 en ce qu’il institue une protection supplémentaire et injustifiée sur le territoire du Champ du Feu alors que celui-ci comporte déjà trois périmètres de protection qui ne se recoupent pas, sans qu’aucun élément biologique et scientifique n’explique cette différence ; l’institution d’un réservoir de biodiversité, avec un périmètre distinct des trois autres, ne repose sur aucune justification scientifique ; elle porte une atteinte excessive aux activités humaines, en particulier celle de la SOREMEC qui est directement concernée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2017, le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés par la requérante n’est fondé.

Les 16 mars et 3 avril 2017 les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’irrecevabilité des moyens de légalité externe, que la requérante n’a soulevés qu’après l’expiration du délai d’appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’environnement,
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Rees, premier conseiller,
– les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
– et les observations de MeA…, pour la société des Remontées mécaniques du champ du feu.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 décembre 2014, le préfet de la région Alsace a adopté le schéma régional de cohérence écologique d’Alsace.

2. La SOREMEC relève appel du jugement du 13 avril 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

3. La SOREMEC soutient en premier lieu que le tribunal n’a pas suffisamment motivé sa réponse à son moyen tiré de ce que l’arrêté en cause est entaché d’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R. 371-28 du code de l’environnement, dès lors que le plan d’action stratégique n’a pas pris en compte les acteurs de sa catégorie mais uniquement le domaine de l’agriculture qui n’est pourtant par le seul secteur à enjeu de la région. Selon la requérante, le tribunal ne justifie pas en quoi la mention des projets d’aménagement ou des milieux paysagers permettrait de prendre en considération les activités touristiques ou de grand air, ces activités étant différentes par nature.

4. Le tribunal, qui a analysé ce moyen à son point 12, a toutefois expressément indiqué, notamment, que le plan d’action stratégique énonce  » les mesures à prendre dans des domaines qui concernent la société requérante, que sont les projets d’aménagement ou encore la sylviculture et les milieux paysagers « , avant de conclure que,  » alors même que le plan d’action stratégique ne comporte pas de volet spécifique relatif aux activités touristiques ou de grand air, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation ne peut qu’être écarté « .

5. Il ressort ainsi des termes du jugement que le tribunal n’a pas estimé que la différence alléguée par la requérante entre les activités en cause justifiait un traitement particulier au sein du plan d’action stratégique. Le jugement répond ainsi de manière suffisamment précise au moyen soulevé.
6. La SOREMEC soutient en deuxième lieu que le tribunal a entaché son jugement d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation. Toutefois, à les supposer établies, ces erreurs relèvent du bien-fondé du jugement et sont sans incidence sur sa régularité.

Sur la légalité de l’arrêté attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

7. Dans sa requête introductive d’appel, enregistrée le 14 juin 2016, la SOREMEC a contesté la régularité du jugement et soutenu que l’arrêté attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur de droit et d’une erreur de fait. Elle y a également soutenu que  » la décision entreprise est entachée d’illégalité sur le plan externe « , mais en rattachant cette affirmation à la contestation de la régularité du jugement et non de l’arrêté attaqué. La requérante n’a ainsi, dans sa requête d’appel, soulevé que des moyens se rattachant à la régularité du jugement et à la légalité interne de l’arrêté litigieux.

8. Dans son mémoire enregistré le 12 décembre 2016, la SOREMEC a, en outre, soutenu que les personnes mentionnées à l’article L. 371-3 du code de l’environnement n’ont pas toutes été consultées, que le dossier soumis à l’enquête publique n’était pas complet, faute de comporter l’ensemble des avis émis sur le projet et que l’enquête publique s’est déroulée selon des modalités insuffisantes pour assurer correctement la participation du public, en violation de l’article L. 123-13 du code de l’environnement et de l’article 7 de la Charte de l’environnement.

9. Par ailleurs, dans ce même mémoire, ainsi que dans son mémoire enregistré le 31 janvier 2017, la SOREMEC a également soutenu que le SRCE a été adopté en méconnaissance de l’article R. 371-26 du code de l’environnement, dès lors que l’analyse des interactions humaines sur la biodiversité figurant dans le diagnostic n’est pas fiable et précise et qu’il a été adopté en méconnaissance de l’article R. 371-28 du code de l’environnement dès lors que le plan d’action stratégique ne comporte pas de volet relatif au développement du tourisme et des activités de grand air.

10. La première série de moyens, relevés au point 8, se rapporte à la régularité de la procédure préalable à l’adoption du SRCE. La seconde série de moyens, relevés au point 9, se rapporte à la présentation et au contenu formel du SRCE adopté. L’ensemble de ces moyens se rattachent ainsi à la légalité externe de l’acte attaqué.

11. Celle-ci constitue une cause juridique distincte de la légalité interne et de la régularité du jugement, auxquelles se rattachent les moyens soulevés dans la requête introductive d’appel. Or, aux dates auxquelles ces moyens de légalité externe ont été soulevés, le délai d’appel de deux mois, qui a commencé à courir à compter de la notification du jugement, le 14 avril 2016, était expiré.

12. Ces moyens de légalité externe ont donc été soulevés tardivement et doivent, par conséquent, être écartés comme irrecevables.
En ce qui concerne la légalité interne :

13. La SOREMEC soutient en premier lieu qu’alors que l’article L. 371-3 du code de l’environnement prévoit que le SRCE doit être  » fondé en particulier sur les connaissances scientifiques disponibles « , cette exigence a été méconnue puisqu’il ne résulte pas de l’arrêté attaqué que celui-ci soit fondé sur les connaissances scientifiques.

14. Toutefois, l’arrêté lui-même vise l’avis du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel d’Alsace. La seule absence d’indication d’autres données scientifiques n’est pas de nature à démontrer que le SRCE n’a pas été établi sur le fondement des connaissances scientifiques disponibles. Par suite, le moyen ne peut qu’être écarté.

15. La SOREMEC soutient en deuxième lieu que l’absence de mentions spécifiques relatives aux grands projets dans le SRCE constitue une illégalité.

16. Mais cette affirmation n’est assortie d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé.
17. La SOREMEC soutient en troisième lieu que le plan d’action stratégique ne respecte pas les dispositions de l’article R. 371-28 du code de l’environnement en ce qu’il ne prévoit aucune disposition pour garantir la compatibilité entre les mesures qu’il fixe et les activités de développement touristique et de grand air.
18. Aux termes de l’article R. 371-28 du code de l’environnement :  » Le plan d’action stratégique présente : – les outils et moyens mobilisables compte tenu des objectifs de préservation et de remise en bon état des continuités écologiques de la trame verte et bleue régionale, selon les différents milieux ou acteurs concernés et en indiquant, le cas échéant, leurs conditions d’utilisation et leur combinaison ; – des actions prioritaires et hiérarchisées en faveur de la préservation et de la remise en bon état des continuités écologiques ; – les efforts de connaissance à mener, notamment en vue de l’évaluation de la mise en oeuvre du schéma. / Les moyens et mesures ainsi identifiés par le plan d’action sont décidés et mis en oeuvre, dans le respect des procédures qui leur sont applicables, par les acteurs concernés conformément à leurs compétences respectives « .

19. Il ressort des dispositions précitées, en particulier du dernier alinéa de l’article, que l’expression  » les acteurs concernés  » vise les personnes susceptibles de mettre en oeuvre les moyens et mesures identifiés par le plan d’action et non, comme le soutient la requérante, les personnes dont les activités, exercées dans les espaces en cause, sont susceptibles d’être affectées par cette mise en oeuvre. Par ailleurs, le SRCE a notamment mentionné les outils et moyens mobilisables pour la protection de la biodiversité, de manière globale, puis a exposé les actions prioritaires identifiées à mettre en oeuvre, cette fois-ci, par grands secteurs, dont notamment, mais non exclusivement, l’agriculture. Sont ainsi également énoncées les mesures à prendre dans des domaines tels que les projets d’aménagement ou la sylviculture et les milieux paysagers.

20. Ainsi, alors même que le plan d’action stratégique ne comporte pas de volet spécifique relatif aux activités touristiques ou de grand air, le préfet n’a, en adoptant le SRCE, commis ni une erreur de droit ni une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions précitées.
21. La SOREMEC soutient en quatrième lieu que le SRCE méconnaît l’article L. 371-1 en ce qu’il institue une protection supplémentaire et injustifiée sur le territoire du Champ du Feu. Elle souligne que celui-ci comporte déjà trois périmètres de protection qui ne se recoupent pas. Selon elle, l’institution d’un réservoir de biodiversité, avec un périmètre distinct des trois autres, ne repose sur aucune justification scientifique et porte une atteinte excessive aux activités humaines, notamment la sienne, qui en est directement affectée.

22. Aux termes de l’article L. 371-1 du code de l’environnement :  » I – La trame verte et la trame bleue ont pour objectif d’enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural (…) « .

23. Tout d’abord, s’il ressort des pièces du dossier que le territoire du Champ du Feu fait l’objet d’une zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique, d’une zone Natura 2000 et d’une réserve biologique domaniale, dont les périmètres se chevauchent sans coïncider exactement, l’article L. 371-1 du code de l’environnement, ni aucune autre disposition régissant les SRCE ne font obstacle à ce que ce schéma identifie en outre un réservoir de biodiversité.

24. D’autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’identification de ce réservoir de biodiversité ne soit pas justifiée.

25. Enfin, le 8ème alinéa de l’article L. 371-3 du code de l’environnement prévoit que :  » Les collectivités territoriales et leurs groupements compétents en matière d’aménagement de l’espace ou d’urbanisme prennent en compte les schémas régionaux de cohérence écologique lors de l’élaboration ou de la révision de leurs documents d’aménagement de l’espace ou d’urbanisme dans les conditions fixées à l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme « . Par ailleurs, l’article R. 371-28 du même code prévoit, à son dernier alinéa, que :  » Les moyens et mesures ainsi identifiés par le plan d’action sont décidés et mis en oeuvre, dans le respect des procédures qui leur sont applicables, par les acteurs concernés conformément à leurs compétences respectives « .

26. Il résulte de ces dispositions que le SRCE n’est susceptible d’affecter les activités humaines se déroulant sur son territoire que de façon indirecte, du fait de sa prise en compte pour l’élaboration ou la révision des documents d’aménagement de l’espace ou d’urbanisme des collectivités territoriales ou de leurs groupements, ou à travers sa mise en oeuvre par les décisions mentionnées à l’article R. 731-28. Il ne peut ainsi pas être regardé comme portant, par lui-même, atteinte à la situation des tiers.
27. Par conséquent, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’identification, par le SRCE, d’un réservoir de biodiversité dans le secteur où elle exploite une station de ski alpin porte une atteinte excessive à son activité.
28. Il résulte de tout ce qui précède que la SOREMEC n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 22 décembre 2014 par lequel le préfet du Bas-Rhin a adopté le SRCE d’Alsace. Dès lors, ses conclusions à fin d’annulation ne peuvent qu’être rejetées.
Par ces motifs,
DECIDE :

Article 1er : La requête de la société des Remontées mécaniques du Champ du feu est rejetée.

Projet de station de ski (Porta, Pyrénées)/ Atteinte à des sites Natura 2000

CAA de MARSEILLE

N° 16MA03194   
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre – formation à 3
M. BOCQUET, président
Mme Marie-Laure HAMELINE, rapporteur
M. REVERT, rapporteur public
SCP DELAPORTE BRIARD TRICHET, avocat

lecture du mardi 20 juin 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés par actions simplifiées Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler l’arrêté du 3 mars 2009 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté leur demande d’autorisation en vue de la réalisation des équipements hydrauliques relatifs à l’aménagement d’une station de ski sur le territoire de la commune de Porta ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 5 mai 2009 contre cet arrêté, et d’enjoindre au préfet de réexaminer leur demande. Par un jugement n° 0903855 du 11 mars 2011, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à ces conclusions.

Par un arrêt n° 11MA02182 du 28 octobre 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur le recours du ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par les sociétés Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges devant le tribunal administratif de Montpellier.

Par une décision n° 386789 du 27 juillet 2016, le Conseil d’Etat a, sur pourvoi formé par ces deux sociétés, annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré initialement le 1er juin 2011 sous le n° 11MA02182 puis, après renvoi par le Conseil d’Etat, sous le n° 16MA03194, le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour d’annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 mars 2011.

Il soutient que :
– le tribunal a estimé, à tort, que l’atteinte portée par le projet aux zones humides ne justifiait pas un refus d’autorisation ;
– les premiers juges ont apprécié de manière erronée la gravité des atteintes portées aux zones humides uniquement au regard de la superficie affectée par le projet, sans rechercher si les composantes de cette partie présentaient des caractéristiques telles que sa réalisation compromettrait l’objectif de préservation et de gestion durable des zones humides ;
– les effets des mesures compensatoires prévues dans le dossier de demande d’autorisation avaient été pris en compte par le préfet ;
– le critère de la superficie concernée par le projet ne pouvait être seul retenu pour apprécier l’atteinte portée au site Natura 2000 de Capcir-Carlit-Campcardos en application de l’article L. 414-4 du code de l’environnement interprété conformément à l’article 6§3 de la directive Habitats ;
– les effets du projet en cause doivent être pris en compte de manière cumulée avec ceux du projet de station de ski de la commune voisine Porté-Puymorens comme l’impose l’article R. 414-23 du même code ;
– en appréciant les effets des mesures d’atténuation envisagées sur la conservation des espèces, sans vérifier l’absence de solution alternative ni l’intérêt public majeur qui s’attachait au projet, le tribunal a fait une application erronée de l’article 6§4 de la directive Habitats ;
– les tourbières actives hautes sont quasi inexistantes en Europe et doivent être protégées au-delà de la seule préservation du site de Capcir-Carlit-Campcardos ;
– le préfet a considéré à juste titre que la destruction d’une partie, quelle que soit son importance, d’un habitat d’intérêt communautaire prioritaire, et nonobstant les mesures d’atténuation envisagées, était contraire à l’engagement de préservation de ces habitats dans les sites Natura 2000.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 février 2013, annulé et remplacé par un mémoire enregistré le 27 février 2013, puis complété par un mémoire enregistré le 17 juin 2013, la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges, représentées par la SCP Delaporte Briard et Trichet, concluent au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :
– aucun des moyens invoqués contre le jugement contesté n’est fondé ;
– la décision du préfet est entachée d’insuffisance de motivation, d’erreurs de droit et d’erreur manifeste d’appréciation.

La Cour a informé les parties les 3 et 4 juillet 2014, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d’être fondée sur des moyens relevés d’office tirés, d’une part, de la tardiveté de la demande de première instance et, d’autre part, de la méconnaissance du champ d’application de la loi par le préfet des Pyrénées-Orientales dans l’application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement.

Les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges ont présenté le 15 juillet 2014 leurs observations en réponse aux moyens relevés d’office par la Cour.

Elles soutiennent que leur recours contentieux n’était pas tardif dès lors que l’arrêté préfectoral comportait des mentions inexactes sur les voies et délais de recours ;

Le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, a présenté le 29 juillet 2014 ses observations en réponse aux moyens relevés d’office par la Cour.

Il soutient que :
– l’arrêté en litige se fonde à bon droit sur le IV de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, le dossier des sociétés pétitionnaires comportant plusieurs demandes d’autorisation connexes relatives à un même projet ;
– il ressort des visas, des motifs et du dispositif de l’arrêté que celui-ci statue sur une demande d’autorisation et non sur une déclaration, en dépit d’une erreur de plume.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
– le code de l’environnement ;
– la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
– le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Hameline,
– et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que, par un arrêté du 3 mars 2009, le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté la demande présentée par les sociétés Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, tendant à l’autorisation de travaux et ouvrages hydrauliques pour l’aménagement du domaine skiable et de l’ensemble immobilier d’une nouvelle station touristique sur le territoire de la commune de Porta ; que les deux sociétés, après avoir formé en vain auprès du préfet un recours gracieux contre ce refus le 5 mai 2009, ont introduit un recours contentieux devant le tribunal administratif de Montpellier ; que celui-ci, par un jugement du 11 mars 2011, a annulé l’arrêté préfectoral du 3 mars 2009 ainsi que la décision implicite du préfet rejetant le recours gracieux des sociétés pétitionnaires, et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de leur demande dans un délai de quatre mois ; que par un arrêt du 28 octobre 2014, la cour administrative d’appel de Marseille saisie par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée devant le tribunal administratif par les sociétés Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges au motif relevé d’office que celle-ci était irrecevable ; que, sur pourvoi en cassation des deux sociétés, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt du 28 octobre 2014 par une décision n° 386789 du 27 juillet 2016, en relevant que la demande de première instance ne pouvait être regardée comme tardive eu égard aux mentions de l’arrêté préfectoral du 3 mars 2009 de nature à induire ses destinataires en erreur sur l’interruption du délai de recours contentieux par l’exercice d’un recours gracieux, et a renvoyé l’affaire à la Cour pour qu’il y soit statué ;

Sur les moyens d’annulation retenus par le tribunal administratif :

2. Considérant que, pour refuser la demande d’autorisation présentée par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges au titre de la loi sur l’eau, le préfet des Pyrénées-Orientales s’est fondé sur le double motif que le projet méconnaissait l’objectif de préservation des zones humides prévu par les articles L. 211-1 et L. 211-1-1 du code de l’environnement et qu’il portait atteinte à la conservation du site d’intérêt communautaire de Capcir-Carlit-Campcardos en méconnaissance de l’article L. 414-4 du même code ; que le tribunal administratif de Montpellier a estimé que l’un et l’autre de ces motifs étaient entachés d’erreur d’appréciation ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l’objectif de préservation des zones humides :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’environnement :  » I. Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 211-1-1 du même code :  » La préservation et la gestion durable des zones humides définies à l’article L. 211-1 sont d’intérêt général (…)  » ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le secteur géographique de Porta-Porté-Puymorens où doit être implanté le projet comporte 96,53 hectares de zones humides, et se caractérise en particulier par la présence de tourbières hautes constituant un habitat rare en Europe méridionale ; que les ouvrages projetés ont un impact sur le fonctionnement hydraulique de ces zones humides tant en ce qui concerne l’urbanisation prévue dans le cadre de la zone d’aménagement concerté que l’aménagement du domaine skiable ; qu’il ressort ainsi du rapport présenté au conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques du 25 novembre 2008 que la réalisation du projet global aurait pour effet direct la destruction de 7,6 hectares de zones humides, et entraînerait une dégradation indirecte d’une surface plus importante ; que le rapport d’expertise établi par le conseil général de l’environnement et du développement durable en janvier 2009 indique qu’eu égard au fonctionnement particulier des tourbières, qui doit être apprécié dans une approche globale et est influencé par de multiples causes, l’ensemble de cet habitat présent sur le site est susceptible d’être menacé ; qu’il n’est pas valablement contredit que l’aire de convergence du domaine skiable est située sur certaines des plus belles zones humides du site, en bon état de conservation, abritant des espèces d’intérêt communautaire prioritaires et une espèce végétale protégée ; qu’il ressort par ailleurs des différents documents sur lesquels s’est appuyé le préfet que les mesures compensatoires prévues par le dossier de demande d’autorisation concernent essentiellement la préservation de zones humides en bon état situées de part et d’autre de l’emprise du projet mais ne sont pas de nature à permettre la reconstitution d’une surface de zones humides équivalente à celle détruite sur l’emprise elle-même ; que la destruction d’une surface importante de zones humides induite par le projet entraînerait ainsi une perte définitive ; que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, le préfet n’avait ni à tenir compte du seul rapport entre la superficie de zones humides affectée et la superficie totale du site, ni à limiter son analyse à l’existence d’une atteinte significative portée à ces zones humides, alors qu’un tel critère d’appréciation n’est pas prévu par les dispositions précitées ; qu’enfin, il ne ressort pas des termes de l’arrêté ou des autres éléments soumis à l’instruction que le préfet aurait omis de tenir compte de l’ensemble des mesures de compensation envisagées, alors que la décision en litige indique précisément qu’en dépit de celles-ci, 7,6 ha de zones humides doivent être détruits  » sans remplacement « , ce qui n’est pas efficacement contesté par les sociétés pétitionnaires ; que, dans ces conditions, le préfet a pu estimer sans erreur de droit ni erreur d’appréciation que les incidences du projet présenté méconnaissaient l’objectif de préservation des zones humides prévu par les articles L. 211-1 et L. 211-1-1 du code de l’environnement ;

En ce qui concerne l’atteinte aux habitats naturels reconnus d’intérêt communautaire :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, adopté pour la transposition de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 :  » I. – Les programmes ou projets de travaux, d’ouvrage ou d’aménagement soumis à un régime d’autorisation ou d’approbation administrative, et dont la réalisation est de nature à affecter de façon notable un site Natura 2000, font l’objet d’une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site.(…)/ II. – L’autorité compétente ne peut autoriser ou approuver un programme ou projet mentionné au premier alinéa du I s’il résulte de l’évaluation que sa réalisation porte atteinte à l’état de conservation du site. / III. – Toutefois, lorsqu’il n’existe pas d’autre solution que la réalisation d’un programme ou projet qui est de nature à porter atteinte à l’état de conservation du site, l’autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d’intérêt public. Dans ce cas, elle s’assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge du bénéficiaire des travaux, de l’ouvrage ou de l’aménagement. La Commission européenne en est tenue informée. / IV. – Lorsque le site abrite un type d’habitat naturel ou une espèce prioritaires qui figurent, au titre de la protection renforcée dont ils bénéficient, sur des listes arrêtées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, l’accord mentionné au III ne peut être donné que pour des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique ou tirés des avantages importants procurés à l’environnement ou, après avis de la Commission européenne, pour d’autres raisons impératives d’intérêt public  » ;

6. Considérant qu’il ressort de ces dispositions que l’évaluation des incidences d’un projet doit être réalisée au regard des différents objectifs de conservation du site d’intérêt communautaire concerné ; qu’une telle évaluation ne saurait se fonder sur le seul rapport entre la superficie d’habitats naturels affectée et la superficie du site lui-même ; que, par ailleurs, il doit être tenu compte, pour évaluer les incidences d’un projet sur l’état de conservation d’un site d’importance communautaire, des mesures prévues par le projet de nature à supprimer ou réduire les effets dommageables de celui-ci sur le site ;

7. Considérant que les travaux et ouvrages projetés sont entièrement inclus tant dans une zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique de type II  » Massif du Campcardos  » que dans le site d’intérêt communautaire et la zone de protection spéciale  » Campcir-Carlit-Campcardos  » relevant du réseau Natura 2000 ; qu’il ressort des documents soumis à l’instruction, et notamment du document d’évaluation des incidences du projet au regard des objectifs de conservation des sites Natura 2000, que deux habitats naturels recensés comme prioritaires, les formations herbeuses à nard riches en espèces sur substrats siliceux des zones montagnardes et les tourbières hautes actives, sont présentes sur l’emprise du projet en litige ; que ce dernier conduit à une destruction permanente de 14,28 hectares des premières, et de 0,07 hectare des secondes, cependant que la modification de l’écoulement des eaux de surface assècherait aussi ces tourbières hautes actives sur une superficie non précisée ; que le document d’évaluation des incidences montre, en outre, que le projet aurait un impact sur cinq autres types d’habitats naturels d’intérêt communautaire, altérant définitivement plus de 10 autres hectares ; que l’expertise réalisée à la demande du préfet des Pyrénées-Orientales en janvier 2009 a confirmé l’importance de l’atteinte portée par le projet aux formation à nard et aux tourbières, se cumulant avec les impacts résultant de la création de la station de ski de Porté-Puymorens dans la commune voisine, et sans mesure d’atténuation effective des effets négatifs prévisibles du projet ; que, par suite, la réalisation du projet, qui conduirait notamment à une détérioration d’habitats prioritaires, porterait atteinte à l’état de conservation des habitats qui ont justifié la délimitation du site, alors même qu’ils ne représentent qu’un faible pourcentage de la superficie totale de celui-ci ; que dans ces conditions, et contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, c’est par une exacte application de l’article L. 414-4 du code de l’environnement que le préfet des Pyrénées-Orientales a estimé que la demande présentée par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges en vue de réaliser les aménagements hydrauliques du projet de station touristique était de nature à porter atteinte à l’état de conservation du site d’intérêt communautaire concerné, et devait être refusée pour ce motif ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur les deux motifs indiqués ci-dessus pour prononcer l’annulation de l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 3 mars 2009 portant refus d’autorisation et de la décision implicite de rejet du recours gracieux des sociétés pétitionnaires ;

9. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges tant en première instance qu’en appel ;

Sur les autres moyens invoqués à l’encontre de l’arrêté du 3 mars 2009 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux du 5 mai 2009 :

10. Considérant, en premier lieu, que l’arrêté en litige indique les dispositions sur lesquelles le préfet a fondé sa décision de refus ; qu’il relève de manière circonstanciée que le projet doit avoir pour conséquence la destruction de plusieurs habitats naturels d’intérêt communautaire ainsi que la dégradation et la destruction d’habitats d’oiseaux ; que, s’il n’identifie pas les zones humides susceptibles d’être affectées par le projet, il énonce avec une précision suffisante son impact sur ces zones en relevant la destruction de 7,6 hectares de celles-ci et la dégradation indirecte d’une surface plus importante ; que le préfet n’était pas tenu de mentionner plus en détail dans l’arrêté son analyse de l’insuffisance des mesures compensatrices, alors notamment qu’il relève la destruction d’une surface précise  » sans remplacement  » ; qu’il n’avait pas davantage à y examiner la compatibilité alléguée du projet présenté avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne, point qui ne fondait pas sa décision en l’espèce ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus du 3 mars 2009 serait insuffisamment motivée en violation des article 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 et de l’article L. 212-4 III du code de l’environnement doit être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ne ressort ni des termes de l’arrêté en litige ni d’aucun des éléments soumis à l’instruction que le préfet des Pyrénées-Orientales, qui a lui-même demandé la réalisation d’une expertise complémentaire sur les effets du projet sur les sites d’intérêt communautaire concernés, se serait estimé à tort lié par les conclusions du commissaire enquêteur ou par l’avis du conseil départemental pour opposer un refus à la demande dont il était saisi ; que le moyen tiré par les intimées de l’incompétence négative du préfet doit, dès lors, être également écarté ;

12. Considérant, en troisième lieu, que comme il a été dit plus haut, la décision en litige n’est pas fondée sur l’incompatibilité des travaux et ouvrages envisagés avec les dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux localement applicable, mais sur la méconnaissance par le projet des dispositions du code de l’environnement relatives respectivement à la protection des zones humides et à la conservation des sites d’intérêt communautaire ; que ces motifs suffisaient par eux-mêmes à justifier le refus de l’autorisation demandée en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ; que le préfet des Pyrénées-Orientales n’a donc, en toute hypothèse, commis aucune erreur de droit en ne fondant pas en outre son refus sur une analyse de la compatibilité du projet avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne ; que les sociétés pétitionnaires ne peuvent, dès lors, utilement invoquer à l’encontre de l’arrêté du 3 mars 2009 la circonstance que le préfet n’aurait pas démontré l’incompatibilité du projet avec le contenu de ce schéma ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu’ainsi qu’il a été dit aux points 5 à 7, le préfet a fondé en droit le motif de refus tiré de l’atteinte portée par le projet aux sites d’intérêt communautaire relevant du réseau Natura 2000 sur la méconnaissance de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, et non sur la violation directe des directives communautaires et notamment la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 dont ces dispositions assurent la transposition en droit interne ; que le moyen tiré de l’erreur de droit du préfet sur le fondement juridique de l’arrêté en litige doit par suite être écarté ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que le b) du 4° du II de l’article R. 214-6 du code de l’environnement prévoit que la demande d’autorisation présentée au titre de la loi sur l’eau doit comporter l’évaluation des incidences du projet sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; que, par ailleurs le I de l’article R. 414-19 du même code inclut  » les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou déclaration au titre des articles L. 214-1 à L. 214-11  » dans la liste nationale des documents de planification, programmes ou projets qui doivent faire l’objet d’une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 en application l’article L. 414-4 de ce code ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions de ce dernier article relatives à la protection des site Natura 2000 seraient inapplicables à un projet d’aménagements hydrauliques soumis à autorisation en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ne peut qu’être écarté comme manquant en droit ;

15. Considérant, en sixième lieu, que le site de Capcir-Carlit-Campcardos à l’intérieur duquel se trouve le projet a été inscrit sur la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique alpine par une décision de la Commission du 22 décembre 2003, entrée en vigueur le vingtième jour après sa publication au Journal officiel de l’Union Européenne intervenue le 21 janvier 2004 ; que les mesures de protection édictées par l’article L. 414-4 du code de l’environnement s’y appliquaient dès cette date ; que le site a ensuite été désigné comme zone de protection spéciale par arrêté ministériel du 25 avril 2006 dans le cadre du réseau Natura 2000 ; que la seule circonstance que le document d’objectifs propre au site de Capcir-Carlit-Campcardos n’avait pas encore été adopté à la date de la décision en litige demeurait sans influence sur la nécessité pour l’autorité administrative d’apprécier l’atteinte portée à ce site reconnu d’importance communautaire au vu de l’ensemble des éléments recueillis lors de l’instruction de la demande, et conformément aux objectifs indiqués dans la décision de désignation ; que le moyen tiré de l’erreur de droit du préfet sur ce point doit donc être écarté ;

16. Considérant, en septième et dernier lieu, que le préfet des Pyrénées-Orientales a pu à bon droit apprécier l’atteinte portée aux sites d’intérêt communautaire concernés par le projet sans se prononcer sur le caractère significatif ou non d’une telle atteinte, dès lors que le II de l’article L. 414-4 précité du code de l’environnement impose à l’autorité administrative de s’opposer à un projet dès lors que sa réalisation  » porte atteinte aux objectifs de conservation  » d’un site Natura 2000, sans limiter l’interdiction qu’il prévoit aux seules atteintes notables ou significatives, une telle notion ne s’appliquant qu’à l’exigence procédurale d’évaluation environnementale instituée par le I du même article ; que le préfet n’avait pas non plus à prendre en compte, dans son appréciation de l’atteinte portée à l’état de conservation des sites, les mesures de compensation qui ne doivent être intégrées à l’analyse que dans les situations dérogatoires prévues par le III du même article ; que les moyens tirés d’erreurs de droit du préfet dans l’application de ces dispositions doivent, dès lors, être écartés ;

17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 3 mars 2009 refusant l’autorisation demandée par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaines porte des Neiges en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, ainsi que sa décision implicite rejetant le recours gracieux de ces dernières ;

Sur les conclusions présentées en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle en toute hypothèse à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser aux sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n°0903855 du 11 mars 2011 est annulé.

Abri de jardin/ Urbanisation en continuité (non)

CAA de LYON

N° 15LY02726   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
Mme Véronique VACCARO-PLANCHET, rapporteur
M. VALLECCHIA, rapporteur public
BOUILLOT, avocat

lecture du mardi 18 juillet 2017

1. Considérant que, par jugement du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme B… tendant à l’annulation de l’arrêté du 13 décembre 2012 par lequel le maire de la commune de Brizon s’est, au nom de l’Etat, opposé à la déclaration préalable qu’elle avait déposée en vue de la construction d’un abri de jardin sur un terrain lui appartenant au lieu-dit le Châble et de la décision du 23 avril 2013 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a rejeté son recours hiérarchique ; que Mme B…relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » (…) III. – Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. (…)  » ;

3. Considérant que par groupe de constructions traditionnelles ou d’habitations au sens de ces dispositions, il convient d’entendre un groupe de plusieurs bâtiments qui, bien que ne constituant pas un hameau, se perçoivent, compte tenu de leur implantation les uns par rapport aux autres, notamment de la distance qui les sépare, de leurs caractéristiques et de la configuration particulière des lieux, comme appartenant à un même ensemble ; que pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s’insérant dans l’ensemble existant ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies aériennes produites ainsi que du plan cadastral, que le chalet de Mme B…est situé à environ soixante-cinq mètres de la construction la plus proche ; que le terrain de la requérante est séparé des autres constructions éparses et peu nombreuses situées à une centaine de mètres de son chalet par une voie publique, le chemin de la Torche ; que le chalet de Mme B…est compris dans une partie du territoire communal qui a conservé un caractère naturel très marqué ; que, bien qu’il soit prévu d’implanter l’abri de jardin projeté à proximité de ce chalet et entre celui-ci et les constructions les plus proches, cette implantation méconnaît l’obligation de construire en continuité avec un groupe de constructions ou d’habitations existant au sens des dispositions citées au point 2, dès lors que les constructions existantes ne peuvent être regardées comme constituant, en l’espèce, un tel groupe ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

6. Considérant que si les conclusions de Mme B…tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative peuvent être regardées comme dirigées contre l’Etat au nom duquel la décision en litige a été prise, il ne peut y être fait droit dès lors que l’Etat n’est pas partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A…B…et au ministre de la cohésion des territoires.

Piste de ski « indoor »/ Obligation de sécurité de moyens/ Faute de la commune

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 5 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-20363
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Haas, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 12 mai 2016), que, le 11 janvier 2009, Donacien X…, alors âgé de quinze ans, a été victime d’un accident de ski sur une piste artificielle implantée dans un complexe de loisirs exploité par la commune de Noeux-les-Mines (la commune) ; que Mme Y…, agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, a assigné en réparation la commune et la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing (la CPAM) ; que la société SMACL assurances, assureur de la commune (l’assureur), et M. X…, devenu majeur, sont intervenus volontairement à l’instance ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que la commune et l’assureur font grief à l’arrêt de retenir la responsabilité de la commune dans la survenance de l’accident, de dire que celle-ci doit réparation de son entier préjudice corporel à la victime, de la condamner à payer à M. X…une somme de 10 000 euros à titre de provision et de les condamner solidairement à verser à la CPAM une provision d’un montant de 67 753 euros, alors, selon le moyen :

1°/ qu’une faute ne peut engager la responsabilité de son auteur que si elle est la cause directe et certaine du dommage subi par la victime ; qu’en relevant, pour engager la responsabilité de la commune que les trois hypothèses jugées seulement « probables » par l’expert, comme étant la cause du traumatisme crânien subi par M. X…, seront toutes les trois retenues, sans trancher le litige et sans déterminer laquelle, parmi ces trois hypothèses, avaient été la cause certaine du dommage, la cour d’appel, qui a statué par des motifs dubitatifs qui ne permettent pas d’imputer de façon certaine la survenance du dommage aux fautes retenues à l’encontre de la commune, a violé l’article a violé l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que l’obligation de sécurité incombant à l’exploitant d’une station de ski n’est qu’une obligation de moyens ; qu’en jugeant que la commune avait manqué à son obligation de sécurité pour ne pas avoir suffisamment et spécifiquement alerté la victime sur l’opportunité de porter un casque, eu égard aux conditions météorologiques, cependant qu’il résultait de ses constatations qu’il était établi que la commune avait mis des casques gratuitement à la disposition des usagers et ce, de façon « ostentatoire », et qu’une affiche indiquait « Casque à votre disposition. Fortement conseillé » de sorte qu’il était établi que la commune, seulement tenue à une obligation de moyens, avait suffisamment alerté les usagers de l’opportunité de mettre un casque, et ce d’autant qu’aucune loi ou règlement n’impose le port du casque pour la pratique du ski, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1147 du code civil dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que la faute de la victime lorsqu’elle a concouru à la réalisation du dommage doit entraîner un partage de responsabilité ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y avait été invitée, si la victime ou son accompagnant majeur, n’avait pas commis une faute ayant concouru à la réalisation du dommage en ne s’équipant pas d’un casque, mis gratuitement à sa disposition par la commune, alors même qu’elle se qualifiait comme un skieur inexpérimenté, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°/ qu’en tout état de cause, le manquement à une obligation d’information ou de mise en garde ne peut être sanctionné que par la réparation d’une perte de chance, et non par l’indemnisation intégrale du dommage ; qu’au cas d’espèce, en condamnant l’exploitant et son assureur à la réparation intégrale des dommages subis par la victime, motif pris de ce que l’exploitant n’avait pas suffisamment alerté la victime sur les risques attachés à la descente de la piste de ski sans casque et aux conditions météorologiques, quand cette faute ne pouvait, en toute hypothèse, qu’aboutir à l’indemnisation d’une perte de chance, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1147 du code civil dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu, d’abord, qu’après avoir constaté que, le jour de l’accident, la piste synthétique était couverte de neige et de quelques plaques de verglas et que de telles conditions de glisse étaient inhabituelles pour les usagers, la cour d’appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que la commune n’avait pas attiré l’attention de ces derniers, au moment de la remise de leur équipement, sur l’existence de risques particuliers liés à l’état de la piste et sur la plus grande opportunité de porter un casque, certes mis gratuitement à leur disposition, mais dont le port n’avait pas été spécifiquement recommandé ; qu’elle a ajouté que le filet de protection, situé à une distance restreinte de la fin de la piste, était dépourvu de boudins matelassés, que le fait qu’il ait été peu tendu et placé à quinze ou vingt centimètres de hauteur par rapport au sol permettait le passage d’un skieur ayant chuté sous la jupe de protection caoutchoutée et que, malgré ce risque, le filet était attaché à l’arrière par des chaînes cadenassées non protégées ; qu’elle a pu en déduire que la commune avait manqué à son obligation de sécurité de moyens ;

Attendu, ensuite, que la cour d’appel a procédé à la recherche visée par la troisième branche du moyen, en retenant que M. X…, qui n’avait pas de connaissance générale de la pratique du ski, n’avait adopté, lors du choc comme dans le moment qui l’a précédé, aucun comportement imprudent ou inadapté au regard des circonstances, susceptible de le considérer comme responsable, même partiellement, de son propre dommage ;

Et attendu, enfin, qu’elle a énoncé, par motifs propres et adoptés, que, quelles que soient les trois hypothèses envisagées par l’expert pour expliquer les circonstances précises de l’accident, l’absence de port de casque avait nécessairement contribué à la survenance du traumatisme crânien dont M. X…a été victime et que son dommage avait été aggravé par le fait d’être passé sous la barrière de protection pour se retrouver gisant en dehors de la piste ; que, sans se fonder sur des motifs dubitatifs, elle en a déduit, à bon droit, que, quelle que soit l’éventualité considérée, la faute de la commune était à l’origine du préjudice subi et que celle-ci devait réparation intégrale à la victime ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n’est pas fondé en ses autres griefs ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Exercice illégal de fonctions d’encadrement/ Moniteurs de ski britanniques (suite…)

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 13 juin 2017
N° de pourvoi: 16-84246
Non publié au bulletin Rejet

M. Guérin (président), président
SCP Foussard et Froger, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


– M. Kenneth X…,


contre l’arrêt de la cour d’appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 4 mai 2016, qui, pour exercice d’une activité d’enseignement, d’encadrement ou d’animation d’une activité physique et sportive sans déclaration, l’a condamné à 10 000 euros d’amende dont 5 000 euros avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;


La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 3 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général référendaire CABY ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, violation des droits de la défense, violation des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité (non-assistance par un avocat et absence de rappel du droit de se taire) invoquées par le prévenu pour n’avoir pas eu l’assistance d’un avocat lors de son audition, déclaré le prévenu coupable des faits qui lui étaient reprochés et prononcé des condamnations pénales et civiles ;

 » aux motifs propres qu’ainsi que l’a retenu à bon droit le premier juge, en une motivation que la cour fait sienne, si, en application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, tout accusé a le droit de se défendre lui-même ou d’avoir l’assistance d’un avocat et si la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué que le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination étaient des normes internationales et généralement reconnues qui étaient au coeur de la notion de procès équitable, la Cour elle-même a estimé que ces notions avaient pour but de protéger l’accusé contre une coercition abusive de la part des autorités ; qu’en l’espèce, M. X… n’a pas été placé en garde à vue et il lui a bien été notifié qu’il pouvait à tout moment quitter les locaux de la gendarmerie ; que si des textes, non applicables à la date de l’audition, ont prévu une notification de tels droits même dans le cadre d’une audition libre d’une personne soupçonnée, le fait même que ces textes aient prévu des dates d’entrée en vigueur différées démontre que les auditions faites jusqu’à ces dates ne sont pas nulles en application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

 » et aux motifs adoptés que, si en application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, tout accusé a le droit de se défendre lui-même où d’avoir l’assistance d’un avocat et si la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué que le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination étaient des normes internationales généralement reconnues qui étaient au coeur de la notion de procès équitable la cour elle-même estimait que ces notions avaient pour but de protéger l’accusé contre une coercition abusive de la part des autorités ; qu’or, M. X… n’a pas été placé en garde à vue et il lui a bien été notifié qu’il pouvait à tout moment quitter les locaux de la gendarmerie ; que si des textes, non applicables à la date de l’audition, ont prévu une notification de textes droits même dans le cadre d’une audition libre d’une personne soupçonnée, le fait même que ces textes aient prévus des dates d’entrée en vigueur différées démontre bien que les auditions faites jusqu’à ces dates ne sont pas nulles en application de l’article 6 de le Convention européenne des droits de l’homme ;

 » 1°) alors que, lorsque le prévenu invoque une irrégularité de procédure, au regard des exigences du droit au procès équitable, les juges du fond sont tenus de dire si la procédure suivie est ou non conforme aux exigences de la Convention européenne ; qu’en refusant de le faire, ils ont violé les textes susvisés ;

 » 2°) alors que, la circonstance que la loi nationale pose une règle nouvelle, pour se conformer à la convention européenne en spécifiant une date d’entrée en vigueur, n’implique en aucune façon la conformité de l’état du droit antérieur avec la convention européenne ; qu’en affirmant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

 » 3°) et alors que le droit au procès équitable imposant en vertu de la convention européenne que la personne entendue puisse se faire assister par un avocat et qu’il lui soit rappelé qu’elle est en droit de se taire, dès lors qu’elle est entendue, peu important qu’il y ait garde à vue ou non, les juges du fond n’ont constaté au cas d’espèce ni que le prévenu avait la possibilité de se faire assister d’un avocat, ni qu’il lui avait été rappelé qu’il avait le pouvoir de se taire ; qu’à cet égard, l’arrêt souffre à tout le moins d’une insuffisance de motifs  » ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 56 et 57 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ensemble les articles L. 121-1, L. 121-2, L. 121-7, L. 121-8, L. 212-3 et R. 121-8 du code du sport, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ;

 » en ce que l’arrêt a déclaré M. X… coupable des faits reprochés, condamné M. X… à une amende d’un montant de 10 000 euros avec sursis partiel à hauteur de 5 000 euros puis confirmé l’ensemble des dispositions civiles ;

 » aux motifs propres qu’il appartient au juge judiciaire d’apprécier la conventionalité des lois nationales ; que, en application des règles européennes, les Etats membres doivent veiller à la libre prestation de services au sein de l’Union européenne ; que la directive dite  » Services  » 2006/ 12310E établie en conformité avec l’article 56 du Traité de l’Union européenne rappelle ce principe en retenant toutefois l’existence de spécificité de certaines activités ; que son article 16. 3 énonce que  » les présentes dispositions n’empêchent pas l’État membre dans lequel le prestataire se déplace pour fournir son service d’imposer des exigences concernant la prestation de l’activité de service lorsque ces exigences sont justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement et conformément au paragraphe 1. Elles n’empêchent pas non plus cet État membre d’appliquer, conformément au droit communautaire, ses règles en matière de conditions d’emploi, y compris celles énoncées dans des conventions collectives  » ; qu’en outre, l’article 17, 6 de la même directive dispose que l’article 16 ne s’applique pas aux matières couvertes par le titre 11 de la directive 2006/ 36/ 0E ainsi qu’aux exigences en vigueur dans l’État membre où le service est fourni, qui réservent une activité à une profession particulière ; que, si le prévenu soutient que la CJUE a écarté du champ des activités dérogatoires l’activité de guide touristique, à laquelle il associe l’activité de  » ski guide  » lesquels ne font qu’accompagner les clients sur les pistes, il convient de rappeler qu’il s’agit d’activité de montagne, milieu spécifique présentant des risques particuliers nécessitant l’intervention des professionnels ayant une connaissance approfondie du milieu montagnard et de ses risques afin de permettre l’évolution des clients dans des règles optimales de sécurité ; que la seule activité d’accompagnement implique, notamment, de par la confiance que les clients qui évoluent dans ce milieu spécifique mettent dans leur accompagnant, une connaissance spécifique de ce milieu et ce, afin de garantir une sécurité optimale ; que le prévenu soutient encore que la législation française est discriminatoire en ce qu’elle contient des dispositions propres aux étrangers ; que l’article 20 de la directive  » Services  » 2006/ 123/ 0E dispose cependant que  » les Etats membres veillent à ce que les conditions générales d’accès à un service, qui sont mises à la disposition du public par le prestataire, ne contiennent pas de conditions discriminatoires en raison de la nationalité ou du lieu de résidence du destinataire, sans que cela ne porte atteinte à la possibilité de prévoir des différences dans les conditions d’accès lorsque ces conditions sont directement justifiées par des critères objectifs ; qu’il convient de relever, d’une part, que l’accès à la profession de moniteur de ski et l’obtention du brevet d’état est ouverte aux ressortissants de l’Union européenne ayant satisfait aux épreuves théoriques et pratiques de l’examen ; que, par ailleurs, il existe une procédure de reconnaissance des titres étrangers avec éventuellement une mesure de compensation conformément aux dispositions de la directive 2005/ 36/ CE ; qu’ainsi, aucune discrimination n’est faite sur la nationalité ou la résidence du prestataire de service, Il s’ensuit que la loi nationale est parfaitement conforme à la législation européenne ;

 » et aux motifs adoptés que les règles françaises dont le nonrespect est ainsi démontré ne sont pas contraires aux règles européennes ; qu’en effet, l’exigence d’un diplôme s’impose aux nationaux comme aux étrangers et elle n’est pas contraire à la libre prestation de service, l’activité visée étant une activité à risque qui s’exerce dans un environnement spécifique, la haute montagne, qui nécessite le respect de mesures de sécurité particulières et les exigences posées par le code du sport n’excèdent donc pas ce qui est nécessaire pour atteindre des objectifs légitimes de sécurité publique ;

 » 1°) alors que, lorsque la contrariété de la législation française au droit de l’Union européenne est invoquée, le contrôle suppose, de la part des juges du fond, qu’ils se livrent à une analyse comportant plusieurs vérifications successives, relatives aux points suivants : existence d’une restriction à la libre prestation de service, existence d’une éventuelle justification fondée sur l’intérêt général, adaptation de la mesure à l’intérêt général recherché et, enfin, proportionnalité de la mesure aux objectifs poursuivis ; que si les premiers juges et les juges du second degré ont évoqué, en termes vagues et imprécis, le contrôle qu’ils ont effectué quant à la conformité des dispositions nationales invoquées au droit de l’Union européenne, à aucun moment ils ne se sont conformés aux prescriptions de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne pour s’attacher notamment, à supposer qu’un intérêt général puisse justifier les restrictions, à l’adaptation des mesures aux objectifs poursuivis, puis à leur proportionnalité ; que faute de s’être pliés à cette méthode qui a un caractère impératif ; qu’en se bornant à la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 » 2°) alors que, avant de se prononcer sur la conformité au droit de l’Union européenne des articles L. 212-1 et suivants du code du sport, les juges du fond devaient déterminer si l’entrave à la libre circulation des services, qui n’était pas contestée, ne résultait pas d’une discrimination, opérée par la loi pénale française, entre personnes françaises ou établies en France et personnes ressortissantes d’autres Etats membres de l’Union européenne ou établies dans de tels Etats ; que notamment, ils étaient tenus de s’expliquer sur l’effet discriminatoire des dispositions combinées des articles L. 212-1 et suivants du code du sport, qui exonèrent de l’obligation de qualification les militaires et fonctionnaires, d’Etat, territoriaux et hospitaliers, ainsi que les enseignants des établissements d’enseignement publics et privés sous contrat avec l’Etat dans l’exercice de leurs missions ; que faute de s’expliquer sur ce point, les juges du fond ont entaché leur décision d’une insuffisance de motifs au regard des textes susvisés ;
 » 3°) alors que, avant de se prononcer sur la conformité au droit de l’Union européenne des articles L. 212-1 et suivants du code du sport, les juges du fond devaient déterminer si l’entrave à la libre circulation des services, était nécessaire au regard d’un objectif d’intérêt général ; que notamment, ils étaient tenus de s’expliquer sur la nature des risques inhérents à une activité d’accompagnateur sans finalité d’enseignement ou de compétition sportive, à l’effet de déterminer si l’obligation imposée était concrètement adaptée à l’objectif de sécurité des skieurs ; que faute de s’expliquer sur ce point, les juges du fond ont entaché leur décision d’une insuffisance de motifs au regard des textes susvisés ;

 » 4°) alors que, dans le cadre de leur contrôle, les juges du fond devaient s’expliquer sur l’adaptation de la mesure à l’intérêt général, notamment quant au point de savoir si cette dernière répondait au souci d’atteindre l’objectif de sécurité de manière cohérente et systématique ; qu’à cet égard, en s’abstenant de rechercher, comme il leur était demandé, si la circonstance que l’obligation d’emploi de personnes qualifiées ne s’applique qu’aux travailleurs de droit privé rémunérés, à l’exclusion des travailleurs bénévoles, ne s’opposait pas à ce que la mesure soit qualifiée de nécessaire au regard de l’objectif de sécurité des skieurs, les juges du fond ont entaché leur décision d’une insuffisance de motifs au regard des textes susvisés ;

 » 5°) alors que, le contrôle de conformité du droit français au droit de l’Union européenne suppose des juges du fond qu’ils établissent que la mesure est proportionnée à l’objectif d’intérêt général invoqué par l’Etat, en ce qu’il ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ; qu’en s’abstenant de procéder à un tel contrôle, la cour d’appel a violé les textes susvisés  » ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 212-1, L. 212-7, L. 212-8, R. 212-90 à R. 212-94 du code du sport, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt a déclaré M. X… coupable des faits reprochés, condamné M. X… à une amende d’un montant de 10 000 euros avec sursis partiel à hauteur de 5 000 euros puis confirmé l’ensemble des dispositions civiles ;

 » aux motifs propres qu’ainsi que le rappelle le premier juge, en application des dispositions de l’article L. 212-1 du code du sport, seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d’occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l’article L. 2124 du présent code, les titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification ; que l’article L. 212-2 précité précise que, lorsque l’activité mentionnée au premier alinéa de l’article L. 212-1 s’exerce dans un environnement spécifique impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, seule la détention d’un diplôme permet son exercice ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que le prévenu ne dispose pas des titres nécessaires à l’exercice, contre rémunération, d’une activité d’enseignement, animation ou encadrement de la pratique du ski, sa contestation portant sur l’exercice même de cette activité et le caractère rémunéré de sa prestation ; qu’or, il ressort du procès-verbal de transport, constatations et mesures prises relatant les opérations effectuées par les gendarmes avant d’entendre M. X…, que celui-ci exerçait bien une activité d’animation ou encadrement de la pratique du ski, voire même d’enseignement de celle-ci ; qu’en effet, les enquêteurs ont constaté qu’il se positionnait parmi des moniteurs de ski dans l’attente des membres de son groupe et qu’une fois en haut du télésiège, le groupe se reformait autour de lui ; que les constatations des gendarmes démontrent qu’ensuite la descente se faisait exactement dans les mêmes conditions que pour un cours de ski donné par un moniteur ; que les vérifications faites par les enquêteurs auprès du service technique de la station comme celles du bureau de la réglementation sportive démontrent que cette activité n’était pas exercée à titre bénévole dès lors que M. X… bénéficiait d’un forfait fourni par le ski club et transmis de  » leader  » à  » leader  » ; qu’il est d’ailleurs établi qu’il est venu en France pour exercer cette activité au sein de ce club sur toute la saison, club où il est inscrit non pas comme un membre parmi les autres, mais expressément comme  » leader  » ; que son emploi du temps est en outre défini par le ski club, avec d’ailleurs la précision d’un jour de congé (saturday = leader’s day off) ; qu’ainsi, indépendamment même de l’audition de M. X…, la violation des articles L. 212-1 et L. 212-2 est démontrée ; que les déclarations de M. X… confirment les conditions d’exercice de son activité au profit du club et les contreparties dont il bénéficie ; qu’il reconnaît avoir encadré le groupe, le jour du contrôle, être inscrit au club comme leader et avoir été positionné comme leader pour ce groupe par le club depuis Londres ; qu’il admet aussi que le forfait est payé par le club, de même que son appartement et l’assurance ; qu’il ajoute qu’il est en France à la demande de ce club depuis décembre pour être un référent pour les groupes de membres qu’il accompagne lors des sorties ski et pour qui il organise leur séjour ; qu’il était, de plus, en possession d’un téléphone portable appartenant au club ; que c’est donc avec raison que le premier juge a retenu la culpabilité du prévenu en sorte que le jugement déféré mérite confirmation en toutes ses dispositions, la peine prononcée étant proportionnée à la gravité des faits et à la personnalité de leur auteur ;

 » et aux motifs adoptés qu’en application de l’article L. 212-1 du code du sport, seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d’occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l’article L. 212-4 du présent code, les titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification ; que l’article L. 212-2 précité précise que, lorsque l’activité mentionnée au premier alinéa de l’article L. 212-1 s’exerce dans un environnement spécifique impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, seule la détention d’un diplôme permet son exercice ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que M. X… ne dispose pas des titres nécessaires à l’exercice, contre rémunération, d’une activité d’enseignement, animation ou encadrement de la pratique du ski, sa contestation portant sur l’exercice même de cette activité et le caractère rémunéré de sa prestation ; qu’or, il ressort du procès-verbal de transport, constatations et mesures prises relatant les opérations effectuées par les gendarmes avant d’entendre M. X…, que celui-ci exerçait bien une activité d’animation ou encadrement de la pratique du ski, voire même d’enseignement de celle-ci ; qu’en effet, les enquêteurs indiquent qu’il se positionne parmi des moniteurs de ski dans l’attente des membres de son groupe et qu’une fois en haut du télésiège, le groupe se reforme autour de lui ; que les constations des gendarmes démontrent qu’ensuite la descente se fait exactement dans les mêmes conditions que pour un cours de ski donné par un moniteur ; que les vérifications faites par les enquêteurs auprès du service technique de la station comme celles du bureau de la réglementation sportive démontrent quant à elles que cette activité n’est pas exercée à titre bénévole ; qu’en effet, M. X… bénéficie d’un forfait fourni par le ski club et transmis de  » leader  » à  » leader « , il est venu en France exercer cette activité pour ce club sur toute la saison, club ou il est inscrit non pas comme un membre parmi les autres mais expressément comme  » leader  » ; que son emploi du temps est en outre défini par le ski club, avec d’ailleurs la précision d’un jour de congé (saturday = leader’s day off) ; qu’ainsi, indépendamment même de l’audition de M. X…, la violation des articles L. 212-1 et L. 212-2 est démontrée ; que l’audition de M. X… apporte des éléments supplémentaires sur les conditions d’exercice de son activités au profit du club et les contreparties dont il bénéficie ; qu’il reconnaît, en effet, avoir encadré le groupe le jour du contrôle, être inscrit au club comme leader et avoir été positionné comme leader pour ce groupe par le club depuis Londres ; qu’il indique également que le forfait est payé par le club, de même que son appartement et l’assurance ; qu’il précise qu’il est en France à la demande de ce club depuis décembre pour être leur référent pour les groupes de membres qu’il accompagne lors des sorties ski et pour qui il organise un peu le séjour ; qu’il était en outre en possession d’un téléphone portable appartenant au club ;
 » 1°) alors que, pour déterminer si le prévenu déployait une activité d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité physique ou sportive ou se livrait à une activité d’entraînement de pratiquant, les juges du fond se devaient de décrire, concrètement, quelle prestation le prévenu fournissait aux membres du groupe ; qu’en s’abstenant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont entaché leur décision d’une insuffisance de motifs ;

 » 2°) alors que c’est une chose que de se tenir auprès des membres d’un groupe, c’en est une autre que de savoir si cette personne dispense, auprès des membres du groupe, des prestations d’enseignement, d’animation ou d’encadrement concernant une activité physique ou sportive ou encore s’il se livre à une activité d’entraînement ; qu’en se bornant à évoquer la location du prévenu, lors du départ du groupe, et encore d’évoquer la descente, sans autre précision, les juges du fond ont de nouveau entaché leur décision d’une insuffisance de motifs ;

 » 3°) alors que les juges du fond doivent constater, par eux-mêmes, les circonstances de fait permettant d’établir la nature et l’objet de l’activité, sans être autorisés à déléguer ce pouvoir à la gendarmerie ; qu’en faisant leurs les appréciations de la gendarmerie, les juges du fond ont violé les textes susvisés  » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 8 avril 2014, à Val d’Isère, M. X…, de nationalité britannique, a été contrôlé alors que, porteur d’une veste comportant la mention  » Ski club Great Britain « , il accompagnait sur les pistes un groupe de plusieurs personnes ; qu’il a été poursuivi pour avoir exercé, contre rémunération, une activité d’enseignement, animation ou encadrement de la pratique du ski sans être titulaire des titres nécessaires à cet exercice ; que le tribunal, après avoir rejeté les exceptions de nullité tenant notamment à la régularité de son audition par les gendarmes, l’a déclaré coupable des faits reprochés ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l’arrêt, après avoir rappelé que la directive dite  » Services  » 2006/ 123/ CE permet à un état membre, dans lequel le prestataire se déplace pour fournir son service, d’imposer des exigences concernant la prestation de l’activité de service lorsque celles-ci sont justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l’environnement, retient, par motifs propres et adoptés, que l’activité de  » ski guide  » est une activité de montagne, milieu spécifique présentant des risque particuliers nécessitant l’intervention des professionnels ayant une connaissance approfondie du milieu montagnard et de ses risques afin de permettre l’évolution des clients dans des règles optimales ; que les juges relèvent que M. X…, qui ne dispose pas du titre nécessaire à l’exercice de la profession de moniteur de ski dont l’accès est, sans discrimination, ouvert à tous les ressortissants de l’Union européenne par examen ou reconnaissance de titres, se positionnait parmi les moniteurs de ski dans l’attente des membres de son groupe et descendait avec eux les pistes dans les mêmes conditions que pour un cours de ski donné par un moniteur, et qu’il était venu en France pour exercer cette activité sur toute la saison au sein du ski club où il est inscrit en qualité de  » leader « , bénéficiant d’un forfait et travaillant sur la base de l’emploi du temps défini par celui-ci ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel, abstraction faite des motifs surabondants fondés sur les déclarations effectuées par le prévenu au cours de son audition libre, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

D’où il suit, et sans qu’il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize juin deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.