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Schéma départemental de coopération intercommunale/ Seuil de 5000 habitants/ Inapplicabilité en zone de montagne

CAA de MARSEILLE

N° 14MA01275   
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre – formation à 3
M. BOCQUET, président
Mme Marie-Laure HAMELINE, rapporteur
M. REVERT, rapporteur public
ADAMAS – AVOCATS ASSOCIES, avocat

lecture du lundi 2 novembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler l’arrêté interpréfectoral du 7 janvier 2013 par lequel le préfet de Vaucluse et le préfet de la Drôme ont étendu le périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux en y intégrant la commune de Mollans-sur-Ouvèze.

Par un jugement n° 1300613 du 23 janvier 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2014, la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies, représentée par MeA…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 janvier 2014 ;

2°) d’annuler l’arrêté interpréfectoral du 7 janvier 2013 susvisé.

Elle soutient que :

– le schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse a été adopté à l’issue d’une procédure irrégulière, dès lors que le préfet de la Drôme et la commission de coopération intercommunale de la Drôme n’ont pas été consultés sur le retrait de Mollans-sur-Ouvèze de la communauté de communes du pays de Buis-les-Baronnies et son intégration à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux, en violation de l’article L.5210-1-1 IV du code général des collectivités territoriales ;
– la décision de rattacher la commune de Mollans-sur-Ouvèze à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux est entachée d’erreur manifeste d’appréciation car elle méconnaît les orientations fixées par l’article L. 5210-1-1 III du code général des collectivités territoriales ;
– la décision entraîne notamment, au regard de l’objectif de solidarité financière, une perte de ressources de 20 % pour la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies qui devra en revanche maintenir des coûts d’amortissement et de personnel inchangés répartis sur un nombre inférieur de communes.

Des pièces complémentaires ont été produites le 20 novembre 2014 pour la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies.
Une mise en demeure de conclure, assortie de l’indication de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et indiquant que l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par les articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative, a été adressée le 27 juillet 2015 au ministre de l’intérieur et les autres parties en ont été informées en application de l’article R. 612-3 du même code.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience par un avis d’audience adressé le 18 septembre 2015 portant clôture d’instruction immédiate en application de l’article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Hameline,
– et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que par arrêté du 27 février 2012, le préfet de Vaucluse a, en application du II de l’article 60 de la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010, adopté un projet de périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux incluant notamment la commune de Mollans-sur-Ouvèze, située dans le département de la Drôme et alors membre dans ce département de la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies ; qu’après avis des communes et établissements intéressés sur ce projet de périmètre, le préfet de Vaucluse et le préfet de la Drôme ont, par arrêté conjoint du 7 janvier 2013, procédé à l’extension du périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux en y intégrant la commune de Mollans-sur-Ouvèze, et ont constaté par voie de conséquence le retrait de cette même commune de la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies ; que cette dernière a successivement demandé au tribunal administratif de Nîmes l’annulation de ces deux arrêtés ; qu’elle interjette appel, sous le n° 14MA01275, du jugement en date du 23 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté conjoint des préfets de Vaucluse et de la Drôme du 7 janvier 2013 modifiant le périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux ;
Sur la légalité de l’arrêté interpréfectoral du 7 janvier 2013 portant extension du périmètre de la communauté de communes Pays Vaison Ventoux :
En ce qui concerne l’exception d’illégalité tirée de la procédure d’adoption du schéma départemental de la coopération intercommunale de Vaucluse :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable :  » IV.-Un projet de schéma est élaboré par le représentant de l’Etat dans le département. Il est présenté à la commission départementale de la coopération intercommunale. / Il est adressé pour avis aux conseils municipaux des communes et aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes concernés par les propositions de modification de la situation existante en matière de coopération intercommunale. Ils se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la notification. A défaut de délibération dans ce délai, celle-ci est réputée favorable. / Lorsqu’une proposition intéresse des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes appartenant à des départements différents, le représentant de l’Etat dans le département saisit pour avis le représentant de l’Etat dans le ou les autres départements concernés, qui se prononce dans un délai de trois mois après consultation de la commission départementale de la coopération intercommunale. A défaut d’avis rendu dans ce délai, l’avis est réputé favorable. / Le projet de schéma, ainsi que l’ensemble des avis mentionnés aux deux alinéas précédents, sont ensuite transmis pour avis à la commission départementale de la coopération intercommunale qui, à compter de cette transmission, dispose d’un délai de quatre mois pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, celle-ci est réputée favorable. Les propositions de modification du projet de schéma conformes aux I à III adoptées par la commission départementale de la coopération intercommunale à la majorité des deux tiers de ses membres sont intégrées dans le projet de schéma. / Le schéma est arrêté par décision du représentant de l’Etat dans le département et fait l’objet d’une insertion dans au moins une publication locale diffusée dans le département. (…)  » ;
3. Considérant que les dispositions précitées impliquent, dans le cas où le projet de schéma élaboré par le représentant de l’Etat dans le département contient des propositions intéressant des communes ou établissements de coopération intercommunale d’un département voisin, que celui-ci saisisse pour avis le préfet de ce département dans les conditions prévues au troisième alinéa, avant de transmettre son projet ainsi que les avis recueillis sur celui-ci à la commission départementale de coopération intercommunale ; qu’elles ne créent, en revanche, pas d’obligation de consultation du préfet ni de la commission départementale de coopération intercommunale d’un département voisin sur les modifications que la commission apporte elle-même par amendement au projet de schéma voté à la majorité des deux tiers dans le cadre de son examen ultérieur et que le représentant de l’Etat est tenu ensuite d’intégrer au projet de schéma, quel que soit le contenu des propositions ainsi adoptées ;
4. Considérant qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse a consulté le préfet de la Drôme le 9 mai 2011 sur le projet de schéma départemental de coopération intercommunale du Vaucluse qu’il avait élaboré, en application des dispositions précitées du troisième alinéa de l’article L. 5210-1-1 IV ; qu’ainsi que l’ont relevé à bon droit les premiers juges, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui faisait obligation de saisir à nouveau le préfet de la Drôme du schéma départemental une fois celui-ci amendé par la commission intercommunale de coopération intercommunale de Vaucluse, laquelle a proposé le 29 juillet 2011 le principe de l’intégration de la commune de Mollans-sur-Ouvèze à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux ; que, dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse aurait été adopté dans des conditions irrégulières, alors d’ailleurs que le préfet de Vaucluse a dans les faits informé le préfet de la Drôme par courrier de l’introduction de cette modification, et qu’une réunion commune des représentants des commissions de coopération intercommunale des deux départements a eu lieu le 25 novembre 2011 afin d’évoquer les questions d’intérêt commun ; que, dès lors, le moyen invoqué à l’encontre de l’arrêté interpréfectoral en litige et tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité du schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse, doit en tout état de cause être écarté ;
En ce qui concerne l’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales :
5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales :  » I.-Dans chaque département, il est établi, au vu d’une évaluation de la cohérence des périmètres et de l’exercice des compétences des groupements existants, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales.(…) III.-Le schéma prend en compte les orientations suivantes :1 La constitution d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 5 000 habitants ; toutefois, ce seuil de population n’est pas applicable aux établissements publics dont le territoire comprend des zones de montagne délimitées conformément à l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ; par ailleurs, ce seuil peut être abaissé par le représentant de l’Etat dans le département pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces 2° Une amélioration de la cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ; 3° L’accroissement de la solidarité financière (…).  » ; qu’aux termes de l’article L. 5214-1 du même code dans ses dispositions en vigueur à la date de l’arrêté litigieux :  » La communauté de communes est un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave. /Elle a pour objet d’associer des communes au sein d’un espace de solidarité, en vue de l’élaboration d’un projet commun de développement et d’aménagement de l’espace. (…)  » ;
6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’intégration de la commune de Mollans-sur-Ouvèze à la communauté de communes vauclusienne Pays Vaison Ventoux, avec l’accord de la commune concernée et conformément aux propositions du schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse, a eu pour objectif premier de mettre fin à la situation de discontinuité territoriale de cet établissement public résultant, depuis 2009, de l’enclavement des communes membres de Saint-Léger du Ventoux, Brantes et Savoillans ; qu’il est constant que la solution ainsi apportée à la discontinuité du périmètre existant ne présentait pas d’alternative aisément réalisable en raison notamment des contraintes géographiques, et permettait, ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal administratif, de respecter l’objectif de suppression des enclaves fixé par le I de l’article L. 5210-1-1 précité du code général des collectivités territoriales ;
7. Considérant que, si la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies fait valoir que sa taille va diminuer de manière préjudiciable en la faisant passer sous le seuil de 5 000 habitants préconisé par le III de l’article L. 5210-1-1, elle ne conteste pas que son territoire comprend plusieurs zones de montagne au sens de ces dispositions, ayant pour effet d’écarter l’application de ce seuil en l’espèce ; que, par ailleurs, la communauté de communes requérante n’établit pas, en se limitant à faire valoir les projections de ses pertes fiscales et financières estimées du fait du retrait de la commune de Mollans-sur-Ouvèze, sans au demeurant démontrer l’ampleur alléguée de la part des investissements réalisés au bénéfice des habitants de cette commune, que ce départ la placerait dans une situation de déséquilibre financier de nature à caractériser une erreur manifeste d’appréciation des auteurs de l’arrêté litigieux au regard de l’orientation de solidarité financière prévue par le III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales et de la vocation d’une communauté de communes prévue par l’article L. 5214-1 du même code ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement n° 1300613, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté interpréfectoral du préfet de Vaucluse et du préfet de la Drôme du 7 janvier 2013.
D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 14MA01275 de la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies, au ministre de l’intérieur, à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux, à la commune de Vaison la Romaine et à la commune de Mollans-sur-Ouvèze.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse et au préfet de la Drôme.
Délibéré après l’audience du 12 octobre 2015, où siégeaient :

– M. Bocquet, président,
– M. Pocheron, président assesseur,
– Mme Hameline, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 novembre 2015.

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N° 14MA01275

Eoliennes en zone de montagne/ Article L. 145-3 du code de l’urbanisme

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 14MA00594   
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre – formation à 3
Mme BUCCAFURRI, président
Mme Fleur GIOCANTI, rapporteur
M. ROUX, rapporteur public
CABINET MAILLOT – AVOCATS ASSOCIES, avocat

lecture du vendredi 13 novembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres ont demandé au tribunal administratif de Montpellier :
– d’annuler l’arrêté du 28 février 2011 par lequel le préfet de l’Hérault a délivré à la SA Ventura un permis de construire autorisant la construction d’un parc éolien comprenant 7 aérogénérateurs et un poste de livraison ensemble les décisions rejetant leurs recours gracieux dirigés contre ledit permis de construire ;
– de mettre à la charge de l’Etat et de la société Théolia France une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1103761 du 5 décembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 février 2014, le 10 juillet 2015, le 13 juillet 2015 et le 10 août 2015, l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres, représentés par Me D…demandent, dans le dernier état de leurs écritures, à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 décembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;
3°) de rejeter les conclusions présentées par la société Théolia sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société Théolia France une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– la société pétitionnaire n’avait pas qualité pour demander un permis de construire en raison de l’irrégularité du titre l’habilitant à construire ; la demande de permis de construire est entachée de fraude ;
– l’article L. 145-3 II du code de l’urbanisme a été méconnu dès lors que le projet ne comporte aucune prescription de nature à préserver les espaces et paysages du patrimoine naturel et culturel montagnard ;
– la notice d’impact prévue aux articles R. 122-5 et R. 122-9 du code de l’environnement est insuffisante ;
– le permis de construire a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière en ce que la commune d’Avène n’a pas été consultée ;
– les dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues ; deux membres du conseil municipal de la commune de Joncels doivent être qualifiés de  » personnes intéressées  » ;
– le recours en excès de pouvoir n’a pas excédé les intérêts légitimes des requérants et n’a pas causé de préjudice excessif à la société Théolia.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 février 2014, le 20 mai 2014, le 21 mai 2014, le 6 février 2015 et le 31 juillet 2015, la société Théolia France conclut au rejet de la requête, à la condamnation des requérants à lui verser une somme de 1 813 247 euros en application des dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme et de mettre à la charge des requérants la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle fait valoir que :
– la requête est irrecevable ; M. I… ne justifie pas de sa qualité pour agir contre l’acte en litige ; les statuts des associations  » Forum des Monts de l’Orb  » et  » protection des paysages d’Avène et des hauts Cantons  » font apparaître un objet social très général qui ne vise ni l’urbanisme, ni l’énergie éolienne ; les associations requérantes n’ont pas d’intérêt pour agir contre le permis de construire attaqué ;
– les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;
– la requête d’appel qui est vouée au rejet n’a pour seul objet que de retarder le projet ; elle a subi un préjudice matériel lié aux conséquences du retard pris dans la réalisation du projet ainsi qu’un préjudice moral résultant de l’atteinte à l’image de la société vis-à-vis de ses financeurs et clients.

Une mise en demeure a été adressée le 26 janvier 2015 au ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Un courrier du 26 juin 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et a indiqué la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article R. 613-1 et le dernier alinéa de l’article R. 613-2.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2015, la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par les requérants n’est fondé.

L’ordonnance du 22 septembre 2015 a prononcé la clôture de l’instruction à la date de son émission, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de l’environnement ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de la santé publique ;
– la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Giocanti,
– les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
– et les observations de Me B…représentant les requérants et celles de Me H… représentant la société Théolia.

1. Considérant que la société anonyme (SA) Ventura, aux droits de laquelle est venue la société Théolia France, a déposé le 17 avril 2003, une demande de permis de construire en vue de l’édification d’un parc éolien de sept aérogénérateurs et d’un poste de livraison sur un terrain situé au lieu-dit  » Plo de Cambre  » à Joncels ; que, par un arrêté du 2 août 2004, le préfet de l’Hérault a rejeté cette demande au motif que le projet, en covisibilité avec le château de Cazilhac, est de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels en méconnaissance de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme ; que, par un arrêt du 4 juin 2010, la présente Cour a annulé l’arrêté de refus du 2 août 2004 et enjoint au préfet de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire ; que, par un arrêté du 28 février 2011, le préfet de l’Hérault a délivré le permis de construire sollicité par la société Théolia France ; que l’association  » Forum des Monts d’Orb « , l’association de protection des paysages d’Avène et des Hauts-Cantons et M. I…, propriétaire du château de Cazilhac, relèvent appel du jugement du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant en premier lieu, aux termes de l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation dudit terrain pour cause d’utilité publique. (…)  » ; qu’il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet comprend plusieurs parcelles situées à Joncels qui appartiennent à la familleC…, à l’association culturelle orthodoxe Saint Nicolas et au groupement forestier de Joncelets ; qu’à l’appui de sa demande de permis de construire, la SA Ventura a produit trois mandats signés entre décembre 2002 et janvier 2003 par lesquels les propriétaires susmentionnés autorisent la société pétitionnaire à déposer toute demande de permis de construire relatif à la construction d’éoliennes ; que les requérants contestent la validité du mandat émanant du groupement forestier des Joncelets dès lors que la SAFER du Languedoc Roussillon, actionnaire majoritaire dudit groupement, n’aurait pas donné son accord pour signer une promesse de contrat de bail sur les parcelles en question ; que toutefois, alors même que les requérants ont alerté le commissaire enquêteur de l’irrégularité des conditions dans lesquelles le mandat a été donné par le groupement forestier des Joncelets, il n’appartenait pas à l’administration de s’immiscer dans un litige d’ordre privé, de trancher ce litige ou de se fonder sur son éventuelle existence pour refuser d’examiner la demande de permis de construire qui lui était présentée ; qu’ainsi, en regardant les trois mandats des propriétaires comme des titres habilitant le pétitionnaire à construire au sens des dispositions précitées, le préfet de l’Hérault a fait une exacte application des dispositions précitées ; que, par ailleurs, la simple circonstance, à la supposer même établie, que la décision des gérants du groupement forestier de Joncelets du 20 mai 2001, indiquant que la majorité des sociétaires sont favorables à la signature de la promesse de bail avec la SA Ventura, serait antidatée, n’est pas de nature à démontrer que la société pétitionnaire se serait livrée à une manoeuvre frauduleuse pour obtenir un permis de construire ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes du II de l ‘article L. 145-3 du code de l’urbanisme :  » Les documents et décisions relatifs à l’occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard.  » ; qu’il résulte de ces dispositions que, dans les espaces, milieux et paysages caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard, les documents et décisions relatifs à l’occupation des sols doivent être compatibles avec les exigences de préservation de ces espaces ; que, pour satisfaire à cette exigence de compatibilité, les documents et décisions cités ci-dessus doivent comporter des dispositions de nature à concilier l’occupation du sol projetée et les aménagements s’y rapportant avec l’exigence de préservation de l’environnement montagnard prévue par la loi ; qu’il ressort des pièces du dossier que le projet de parc éolien, visible depuis le château de Cazilhac, inscrit sur la liste des monuments historiques, sera implanté à une distance d’environ 5 km de cet élément remarquable du patrimoine local ; que le site de Plo de Cambre est concerné par deux zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), celle du Plo de Cambre de type I et celle du plateau de l’Escandorgne de type II et se situe à proximité du chemin de randonnée de Saint-Jacques de Compostelle, du parc naturel régional des Grands Causses et du territoire  » Causses et Cévennes  » inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco ; que, néanmoins, il ressort de l’étude d’impact que les richesses patrimoniales qui ont justifié le classement du site de Plo de Cambre en ZNIEFF sont d’ordre floristique ; que par ailleurs, il résulte de l’atlas paysager du schéma régional éolien du Languedoc-Roussillon, réalisé en 2011 par la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL), que le projet va s’implanter dans une zone aux enjeux paysagers jugés faibles ; qu’en outre, l’étude d’impact révèle que, bien que le Plo de Cambre soit un lieu de passage des oiseaux migrateurs, le site n’abrite pas de voiliers nicheurs remarquables ou prioritaires ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le lieu d’implantation du projet s’inscrive dans un espace, paysage ou milieu caractéristique du patrimoine naturel et culturel montagnard, ; qu’il s’ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’arrêté méconnaîtrait le II précité de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme ;

4. Considérant en troisième lieu, que l’article 4 du décret n° 77-1141 du 12/10/1977 modifié par le décret n° 2003-767 du 1er août 2003 sur les études d’impact pris pour l’application de l’article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature alors en vigueur dispose que :  » Pour les travaux et projets d’aménagements définis à l’annexe IV jointe au présent décret, la dispense, prévue au B et au C de l’article 3 ci-dessus, de la procédure d’étude d’impact est subordonnée à l’élaboration d’une notice indiquant les incidences éventuelles de ceux-ci sur l’environnement et les conditions dans lesquelles l’opération projetée satisfait aux préoccupations d’environnement.  » ; que l’annexe IV dudit décret prévoit que sont soumis à l’élaboration d’une notice d’impact les  » travaux d’installation des ouvrages de production d’énergie éolienne dont la puissance maximum est inférieure ou égale à 2,5 MW.  » ; que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une notice d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; que les requérants font valoir que la notice d’impact et notamment l’étude acoustique serait insuffisante en ce qu’elle ne répondrait pas aux exigences de la norme NF S 31-010, issue de l’arrêté du 10 mai 1995 relatif aux modalités de mesure des bruits de voisinage, laquelle préconise d’effectuer des mesures en présence d’un vent inférieur à 5m/s ; qu’il ressort des pièces du dossier, que si les relevés acoustiques ont été réalisés alors que le vent était de plus de 6m/s, la notice expose clairement cette circonstance ainsi que la méthodologie qui a été employée pour faire ces relevés ; qu’en outre, l’étude révèle que le dépassement des exigences réglementaires est compensé par le caractère marqué du relief qui a pour effet de diminuer les nuisances sonores ; qu’ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette étude aurait privé les services instructeurs et le public, d’une information complète sur les nuisances sonores induites pas les éoliennes ; qu’en se bornant à soutenir que le relief va créer une  » caisse de résonance  » et amplifier le bruit généré par le projet, sans le démontrer, les requérants n’établissent pas l’insuffisance du volet acoustique de l’étude d’impact ;

5. Considérant en quatrième lieu, qu’aux termes du XI de l’article 90 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement :  » Hors des zones de développement de l’éolien définies par le préfet, pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d’urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d’instruction de la demande d’urbanisme concernée  » ; qu’aux termes de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme :  » Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’ occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire.  » ; que la société pétitionnaire bénéficiait en l’espèce du droit de voir examiner sa nouvelle demande de permis de construire sous l’empire des dispositions applicables à la date de la première décision de refus ; que les dispositions précitées de la loi du 12 juillet 2010 ne pouvaient donc trouver à s’appliquer à la nouvelle demande de permis de construire déposée par la société Théolia France à la suite de l’annulation par l’arrêt du 4 juin 2010 de la cour administrative d’appel de Marseille du précédent refus qui lui avait été opposé le 2 août 2004 ; que, par suite, l’autorité préfectorale n’était pas tenue de solliciter l’avis des communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes des projets et notamment celui de la commune d’Avène ; qu’en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que ladite commune a effectivement été consultée sur le projet le 16 novembre 2010 et a émis, à l’expiration du délai de douze jours qui lui était imparti pour répondre, un avis réputé favorable ; que si les requérants soutiennent que les textes prévoient que le délai accordé à la collectivité consultée ne peut être inférieur à un mois, une telle argumentation manque en droit ;

6. Considérant en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :  » Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires.  » ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. G… E…et M. A… F…, gérants du groupement forestier des Joncelets lequel est propriétaire d’une partie du terrain d’assiette du projet, sont également conseillers municipaux de la commune de Joncels ; qu’alors même que M. G… E…et M. A… F…ont pris part à une séance du conseil municipal au cours de laquelle a été adoptée la délibération précédant l’avis favorable émis par le maire de Joncels le 17 juillet 2003, une telle circonstance ne saurait conduire à vicier la procédure à l’issue de laquelle le permis de construire a été délivré dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés auraient exercé une influence sur le sens de cette délibération ni même sur l’avis émis par le maire, au nom de la commune ; qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette circonstance aurait exercé une quelconque influence sur le sens de la décision prise par le préfet au vu de l’avis émis par le maire de cette commune ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense par la société Théolia France, que l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 28 février 2011 ;

Sur les conclusions présentées par la société Théolia France en application de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme :

8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme :  » Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel  » ;
9. Considérant que, par un mémoire distinct enregistré le 6 février 2015, la société Théolia France demande, sur le fondement des dispositions précitées, la condamnation des requérants à lui verser la somme de 1 813 247 euros ; que, d’une part, il ressort des pièces du dossier que les deux associations requérantes ont pour objet, pour l’une d' » agir dans l’intérêt des habitants des Monts d’Orb en s’opposant à la destruction du patrimoine naturel par, entre autre, l’implantation de structures industrielles, dans un souci de maintenir la qualité de la vie  » et pour l’autre  » de protéger les espaces naturels et les paysages du département de l’Hérault  » ; que, d’autre part, M. I…, également requérant, est propriétaire du château de Cazilhac en covisibilité duquel se situe le projet ; qu’eu égard à l’ampleur du projet de construction d’éoliennes dont la hauteur peut atteindre 80 mètres, les requérants disposent d’un intérêt à contester le permis de construire du 28 février 2011 ; qu’en se bornant à affirmer que le recours aurait pour seul objet de retarder la mise en oeuvre du projet, la société pétitionnaire n’établit pas que l’action de l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres excèderait, en l’espèce, la défense de leurs intérêts légitimes ; qu’en conséquence, les conclusions présentées par la société Théolia France sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme doivent être rejetées ;
Sur les frais non compris dans les dépens :

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres demandent sur leur fondement au titre de leurs frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge de l’Etat et de la société Théolia, qui ne sont, dans la présente instance, ni parties perdantes, ni tenus aux dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Théolia les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Théolia présentées sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société Théolia tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’association  » Forum des Monts d’Orb « , à l’association protection des paysages d’Avène et des Hauts-Cantons, à M. J…, à la société Théolia France et à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera adressée au préfet de l’Hérault.

Délibéré après l’audience du 23 octobre 2015 , à laquelle siégeaient :

– Mme Buccafurri, présidente,
– M. Portail, président assesseur,
– Mme Giocanti, conseiller,

Lu en audience publique, le 13 novembre 2015.
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N° 14MA00594


 

Analyse

Abstrats : 29-035 Energie.
68-001-01-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles générales d’utilisation du sol. Règles générales de l’urbanisme. Prescriptions d’aménagement et d’urbanisme. Régime issu de la loi du 9 janvier 1985 sur la montagne.
68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire

Accident de randonnée en forêt publique de montagne/ Responsabilité de l’ONF (compétence judiciaire)/ Responsabilité communale (non)

Conseil d’État

N° 383791   
ECLI:FR:CESSR:2015:383791.20151109
Inédit au recueil Lebon
2ème / 7ème SSR
M. Camille Pascal, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP DE NERVO, POUPET ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats

lecture du lundi 9 novembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu 1°, sous le n° 383791, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 19 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme D…A…, demeurant … ; Mme A…demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 12MA03847 du 19 juin 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 1104054 du 16 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que soit désigné un expert pour procéder à l’évaluation de ses préjudices et à la condamnation solidaire de l’Office national des forêts et de la commune d’Allos à réparer les préjudices résultant de l’accident dont elle a été victime le 25 avril 2008, d’autre part, à ce qu’il soit fait droit à ses conclusions de première instance et à ce qu’il soit dit que l’indemnité portera intérêts à compter du 18 mars 2011, date de réception de la première demande, ceux-ci étant capitalisés annuellement pour produire eux-mêmes intérêts ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Office national des forêts et de la commune d’Allos le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le numéro 383792, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 19 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme B…C…, demeurant … ; Mme C…demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 12MA03846 du 19 juin 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 1104053 du 16 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que soit désigné un expert pour procéder à l’évaluation de ses préjudices et à la condamnation solidaire de l’Office national des forêts et de la commune d’Allos à réparer les préjudices résultant de l’accident dont elle a été victime le 25 avril 2008, d’autre part, à ce qu’il soit fait droit à ses conclusions de première instance et à ce qu’il soit dit que l’indemnité portera intérêts à compter du 18 mars 2011, date de réception de la première demande, ceux-ci étant capitalisés annuellement pour produire eux-mêmes intérêts ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Office national des forêts et de la commune d’Allos le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 octobre 2015, présentée pour l’Office national des forêts ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code forestier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Camille Pascal, conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de Mme A…et de MmeC…, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de l’Office national des forêts et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la commune d’Allos ;

1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A…et sa fille mineure B…C…, qui faisaient partie d’un groupe de randonneurs, ont été victimes d’un accident le 25 avril 2008 alors qu’elles se trouvaient sur le territoire de la commune d’Allos (04) à proximité du chemin de grande randonnée 56 B qui traverse la forêt domaniale du Haut Verdon dans le Parc national du Mercantour ; que le groupe s’est écarté du chemin de randonnée pour gravir une pente sur laquelle se trouvaient des grumes, résidus d’une opération d’abattage réalisée dix mois plus tôt par un entrepreneur privé à la demande de l’Office national des forêts (ONF) et financée par la commune d’Allos ; que Mme A… et M.C…, agissant au nom de leur filleB…, estimant que cet accident était imputable aux conditions dans lesquelles les arbres avaient été abattus et laissés sur place après la coupe ont saisi le tribunal administratif de Marseille de demandes d’indemnisation dirigées contre l’ONF et la commune d’Allos ; que, par deux jugements du 16 juillet 2012, le tribunal a rejeté ces demandes ; que Mme A…et Mme B…C…ont relevé appel de ces jugements devant la cour administrative d’appel de Marseille, qui, par un arrêt du 19 juin 2014, a rejeté leurs appels ; que Mme A…et Mme C…se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

Sur la régularité de l’arrêt attaqué :

3. Considérant qu’aux termes de l’article R. 741-2 du code de justice administrative,  » la décision (…) contient (…) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application  » ; qu’en se bornant à mentionner le caractère d’établissement public industriel et commercial de l’ONF, qui ne faisait l’objet d’aucune contestation devant elle, la cour n’a pas, pour la solution du litige dont elle était saisie, fait application des textes qui confèrent à l’ONF ce statut ; que, par suite elle n’était pas tenue, en tout état de cause, de les mentionner dans les visas de son arrêt ;

Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la forêt domaniale du Haut Verdon appartient au domaine privé forestier de l’Etat et que sa gestion a été confiée à l’ONF ; qu’elle a fait l’objet, conformément aux dispositions des articles L. 133-1 et suivants du code forestier, d’un arrêté d’aménagement forestier en date du 8 novembre 1971, modifié par un arrêté du 12 janvier 1988, auquel était annexé un plan domanial de gestion ; que, dans son paragraphe 4-3, ce plan domanial prévoit que l’exploitation du domaine doit poursuivre simultanément comme objectifs  » la protection du milieu naturel, la production de bois d’oeuvre et d’herbage, l’accueil du public et les activités cynégétiques  » ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article R. 121-2 du code forestier alors applicable, devenu l’article D. 221-2 de ce même code :  » L’office national des forêts applique les arrêtés d’aménagement et assure la gestion et l’équipement des forêts et terrains qui lui sont confiés (…) L’office peut, sur ces forêts et terrains, avec ou sans l’aide de l’État et des collectivités publiques, exécuter ou faire exécuter tous travaux d’entretien, d’équipement et de restauration.  » ;

En ce qui concerne la responsabilité de l’ONF :

6. Considérant que, lorsqu’un établissement public tient de la loi la qualité d’établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l’exception de ceux relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique et ne peuvent donc être exercées que par un service public administratif ; que la cour a relevé que l’ONF avait, dans le cadre de sa mission d’entretien de la forêt domaniale du Haut Verdon, décidé d’abattre trois arbres, dont celui qui s’est trouvé à l’origine du dommage, pour améliorer l’accueil du public en ouvrant depuis le chemin de randonnée n° 56 qui traverse cette forêt une perspective sur une cascade remarquable ; qu’en déduisant de ces constatations souveraines, exemptes de dénaturation, que la juridiction administrative était incompétente pour connaître des conséquences dommageables de l’accident en cause, dès lors que l’ONF tient de la loi la qualité d’établissement public à caractère industriel et commercial, la cour administrative d’appel n’a commis ni erreur de qualification juridique ni erreur de droit ;

En ce qui concerne la responsabilité de la commune d’Allos pour dommage de travaux publics :

7. Considérant que, lorsque l’ONF fait réaliser, dans le cadre de sa mission de gestion d’une forêt domaniale, l’abattage d’arbres, la circonstance que la commune dont le territoire est concerné donne son accord et que, comme les dispositions précitées de l’article R. 121-2 du code forestier en prévoient la possibilité, elle apporte son aide financière à l’ONF ne saurait conduire à regarder les travaux d’abattage comme des travaux publics réalisés pour le compte de la commune dans un but d’intérêt général ; que ce motif de pur droit, qui suffit à justifier le rejet, par la cour, des conclusions des requérantes tendant à ce que la commune soit condamnée à indemniser leur préjudice sur le fondement du régime des dommages de travaux public, doit être substitué au motif qu’elle a retenu ;

En ce qui concerne la responsabilité de la commune d’Allos pour faute du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police :

8. Considérant que l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose que  » la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment (…) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure  » et qu’à cet égard il appartient notamment au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement, par prudence, se prémunir ;

9. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de la commune d’Allos avait fait placer à l’entrée du sentier, dans le courant du mois de novembre, un panneau avertissant les randonneurs du fait qu’ils s’engageaient sur un itinéraire de haute montagne non sécurisé et des risques d’avalanches auxquels ils s’exposaient ; que l’accident s’est produit avant le début de la saison touristique, dans un lieu situé un peu à l’écart du chemin et présentant une forte déclivité ; qu’en jugeant qu’il n’incombait pas au maire de la commune d’Allos de prendre des mesures particulières afin d’attirer l’attention des randonneurs sur les risques qu’ils couraient en quittant le chemin de grande randonnée et que, compte tenu de la présence du panneau au départ du sentier, aucune faute dans l’exercice de ses pouvoirs de police ne pouvait être reprochée au maire, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ni d’erreur de qualification juridique ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme A…et Mme C… ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune d’Allos et de l’ONF les sommes que demandent Mme A…et Mme C…; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l’ONF et la commune d’Allos ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Les pourvois de Mme A…et Mme C…sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions présentées par l’Office national des forêts et la commune d’Allos au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme D…A…, Mme B…C…, à l’Office national des forêts et à la commune d’Allos.

Abattage de loups (Savoie)/ Suspension de l’arrêté préfectoral du 10 septembre 2015 (non)

Encore une ordonnance fortement motivée du juge des référés du TA de Grenoble…

NB: arrêté édicté sous la pression des éleveurs, quelques jours après la séquestration de plusieurs hauts représentants du Parc national de la Vanoise à Bramans. Or, un acte administratif obtenu par la violence est (grossièrement) illégal.

 

TA Grenoble 20 octobre 2015 Loups

Immobilier de montagne/ Défiscalisation/ Risques (oui)

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 avril 2015, 13-28.207

 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à M. et Mme X…du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mme Y…, ès qualités de liquidateur judiciaire de l’EURL Alpages de Val Cenis ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 22 octobre 2013), que la société PM3C a créé la société civile immobilière Les Arcellins (la SCI) pour la construction et la commercialisation d’une résidence de tourisme en montagne ; que, désireux de réaliser un placement immobilier défiscalisé, M. et Mme X…y ont acquis, sur présentation par la société Selexia et par acte reçu par M. Z…, notaire, un appartement qu’ils ont donné à bail commercial au gestionnaire de cette résidence, la société Compagnie de développement touristique (CDT), filiale de la société PM3C ; qu’après liquidation judiciaire de la société Les Alpages de Val Cenis à laquelle le bail commercial avait été cédé, M. et Mme X…ont assigné la société PM3C, la SCI, la société Selexia et la société civile professionnelle Z…-A…, Z…, B…-Z…et C… (la SCP) en annulation de la vente, restitution du prix et paiement de dommages et intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X…font grief à l’arrêt de rejeter leur demande d’annulation de la vente pour dol de la société PM3C, promoteur, et de la SCI, vendeur, alors, selon le moyen :

1°/ que le dol est constitué en cas d’informations erronées ou de réticence dans la délivrance d’une information ; qu’en écartant le dol du promoteur et du vendeur du chef de la solvabilité de l’exploitant de la résidence, quand la rentabilité de l’opération annoncée dans la plaquette publicitaire, faisant état de « revenus locatifs garantis » et de ce que « le gestionnaire n’avait aucun souci à se faire sur le remplissage de la résidence, les locations lui assur (ant) les recettes nécessaires pour faire face à ses charges et à ses obligations », impliquait la solvabilité du preneur, tout en constatant qu’au chapitre « défaillance du gestionnaire », l’attribution au promoteur d’un capital social de 1 000 000 euros, au lieu de 300 000 euros, était objectivement inexacte, et tout en relevant que les acquéreurs n’avaient pas été informés que la rentabilité de l’exploitation ne pourrait être obtenue sans le règlement de fonds de concours à l’exploitant substitué de la résidence, lequel disposait d’un capital de seulement 10 000 euros, ce dont il résultait que ces informations erronées et ces réticences, prises ensemble, étaient précisément destinées à dissimuler la solvabilité réelle du gestionnaire et à convaincre les investisseurs de s’engager dans un projet financier sur la rentabilité duquel leur appréciation ne pouvait qu’être faussée, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article 1116 du code civil ;

2°/ que le dol est constitué en cas d’informations erronées ou de réticence dans la délivrance d’une information ; qu’en affirmant que la présentation flatteuse de la plaquette publicitaire, en ce qu’elle annonçait, au chapitre « défaillance du gestionnaire », qu’une telle éventualité était limitée et que l’exploitant n’avait aucun souci à se faire sur le remplissage de la résidence, ne pouvait être qualifiée de dolosive dès lors qu’elle était en accord avec les données économiques du moment et que l’obligation de mise en gestion locative pendant neuf ans sanctionnée par la perte des avantages fiscaux avait été mentionnée en cas de revente du bien avant terme, quand aucune information n’avait été délivrée aux acquéreurs sur la perte des avantages fiscaux en cas de défaillance du gestionnaire et de résiliation du bail, la cour d’appel n’a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l’article 1116 du code civil ;

3°/ qu’en déclarant que l’acte authentique de vente portait mention des spécificités de la défiscalisation en zones de revitalisation rurale, quand ledit acte faisait uniquement référence à l’article 42 de la loi Montagne, la cour d’appel l’a dénaturé en violation de l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la société PM3C disposait, selon le bilan 2005, de fonds propres d’un montant de 1 246 233 euros et retenu que la mention, par la plaquette publicitaire, de revenus locatifs garantis en l’absence de difficulté pour assurer le remplissage de la résidence était en accord avec les données économiques du moment et retenu que cette plaquette indiquait les éléments essentiels de la défiscalisation liée à l’acquisition et à la location de l’appartement, notamment l’obligation de remboursement de l’avantage fiscal en cas de revente avant neuf ans et évoquait la possibilité d’une défaillance du gestionnaire et la nécessité de trouver rapidement un nouveau gestionnaire, la cour d’appel, qui a pu en déduire, abstraction faite d’un motif surabondant relatif aux mentions de l’acte authentique de vente, que les époux X…n’avaient pas été trompés sur la solvabilité du promoteur et du gestionnaire locatif ni sur les conséquences fiscales liées à la perte du gestionnaire, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. et Mme X…font grief à l’arrêt de rejeter leur demande indemnitaire formée contre la société Selexia, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir du chef du dol du promoteur et du vendeur entraînera l’annulation par voie de conséquence de la disposition par laquelle l’arrêt attaqué a débouté les acquéreurs de leurs demandes indemnitaires contre le courtier en placements immobiliers pour complicité de ce dol en ayant manqué à son obligation d’information et de conseil, en application de l’article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ que le conseiller en placements immobiliers défiscalisés est tenu de renseigner les investisseurs éventuels sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du placement qui leur est proposé, ainsi que sur les risques qui lui sont associés et peuvent être le corollaire des avantages annoncés ; qu’en énonçant qu’il ne pouvait être reproché au conseiller aucun manquement relatif aux caractéristiques essentielles de l’opération de défiscalisation, qui avaient été mentionnées dans la plaquette publicitaire établie par le promoteur et dans le contrat de vente, quand il était personnellement tenu d’une obligation d’information à l’égard de ses clients, et sans vérifier, comme elle y était invitée, que l’étude personnalisée élaborée par le prestataire, qui ne comportait qu’une simulation de l’effort d’épargne en cas de perception des loyers, était de nature à renseigner complètement les candidats acquéreurs sur les aléas financiers de l’opération en cas de déconfiture du gestionnaire, ainsi qu’à les informer concrètement de leur impact sur leur patrimoine que les documents publicitaires et de vente ne permettaient pas de mesurer précisément, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d’une part, que le premier moyen étant rejeté, la première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;

Attendu, d’autre part, qu’ayant constaté que la société Selexia avait établi une étude personnalisée détaillée, prenant en considération les avis d’imposition des acquéreurs et rappelant de manière précise les dispositions de la loi Demessine, et retenu qu’elle avait rempli sa mission, aucune critique ne pouvant être formulée sur les simulations établies à partir des données de l’époque sur la base de loyers qui n’étaient pas surévalués ni aucun autre manquement ne pouvant lui être reproché, la cour d’appel, qui a pu en déduire que la demande indemnitaire des acquéreurs ne pouvait être accueillie, a légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. et Mme X…font grief à l’arrêt de rejeter leur demande indemnitaire formée contre la SCP, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir du chef du dol du promoteur et du vendeur entraînera l’annulation par voie de conséquence de la disposition par laquelle l’arrêt attaqué a débouté les acquéreurs de leurs demandes indemnitaires contre le notaire pour complicité de ce dol en ayant manqué à son obligation d’information et de conseil, en application de l’article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ que les notaires sont tenus d’informer et d’éclairer les parties sur la portée et les effets de l’acte auquel ils prêtent leur concours, notamment quant à ses incidences fiscales, ainsi que sur ses risques, et, le cas échéant, de le leur déconseiller, sans que leurs compétences personnelles et la présence d’un conseiller à leur côté ne les dispensent de leur devoir de conseil ; que cette obligation doit prendre en considération les mobiles des parties, extérieurs à l’acte, lorsque le notaire en a eu précisément connaissance ; qu’en affirmant que le notaire chargé de l’établissement d’actes de vente de biens immobiliers n’avait pas vocation à s’exprimer sur l’opportunité économique d’une opération de défiscalisation comportant comme toute opération financière ou économique des aléas que ne pouvaient ignorer les investisseurs, sans vérifier que l’officier public, qui avait participé à l’ensemble de l’opération immobilière et ne pouvait ignorer la motivation fiscale des acquéreurs, avait alerté ces derniers sur les aléas de la défiscalisation attendue, la cour d’appel n’a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l’article 1382 du code civil ;

3°/ qu’en affirmant que l’acte authentique de vente portait mention des spécificités de la défiscalisation en zones de revitalisation rurale, quand ledit acte faisait uniquement référence à l’article 42 de la loi Montagne, la cour d’appel l’a dénaturé en violation de l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d’une part, que le premier moyen étant rejeté, la première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;

Attendu, d’autre part, qu’ayant retenu que le notaire chargé de l’établissement d’actes de vente de biens immobiliers n’avait pas vocation à s’exprimer sur l’opportunité économique d’une opération de défiscalisation comportant des aléas que ne pouvaient ignorer les investisseurs, que l’efficacité juridique de l’acte de vente instrumenté par M. Z…n’encourait aucune critique et qu’il n’était pas le rédacteur du bail commercial, la cour d’appel, qui a pu déduire de ces seuls motifs que la demande indemnitaire des acquéreurs ne pouvait être accueillie, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X…aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quinze.

Convention pluriannuelle de pâturage/ Requalification en bail rural (non)

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 8 octobre 2015
N° de pourvoi: 14-18117
Non publié au bulletin Cassation

M. Chauvin (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat(s)

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1315 du code civil, ensemble l’article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu que les terres situées dans les régions définies en application de l’article L. 113-2 du code rural et de la pêche maritime peuvent donner lieu pour leur exploitation soit à des contrats de bail conclus dans le cadre du statut des baux ruraux, soit à des conventions pluriannuelles d’exploitation agricole ou de pâturage ; que ces conventions peuvent prévoir les travaux d’aménagement, d’équipement ou d’entretien qui seront mis à la charge de chacune des parties ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bastia, 26 mars 2014), que M. X…, Mme X…, épouse A… et Mme X…, épouse Y…, ont conclu avec Mme Z…, par actes sous seing privé du 1er septembre 1997, deux conventions qualifiées de pluriannuelles de pâturages sur des parcelles à vocation pastorale, puis un avenant du 28 février 2000 réduisant le montant du loyer ; que Mme Z…a sollicité la nullité du congé qui lui a été délivré pour le 1er décembre 2010 en revendiquant l’existence d’un bail rural ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l’arrêt retient, d’une part, que la preuve de conventions pluriannuelles de pâturage incombe à celui qui s’en prévaut, d’autre part, que les bailleurs ne contestent pas que le loyer initial excédait les limites du barème préfectoral en vigueur, que les conventions prévoient une obligation d’entretien des pâturages, des clôtures et des fossés ainsi que la mise en culture en vue de la production fourragère, que, faute pour les bailleurs d’établir les critères constitutifs de la convention pluriannuelle de pâturage alléguée, ces conventions relèvent en réalité du statut du bail à ferme et que, par suite, le congé ne contient pas les mentions exigées à peine de nullité par l’article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombait au preneur d’établir que les conventions, expressément adoptées en application d’une disposition législative particulière, devaient être requalifiées et que les conventions pluriannuelles de pâturage peuvent prévoir les travaux d’aménagement, d’équipement ou d’entretien mis à la charge de chacune des parties, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 mars 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Demande d’autorisation pour l’aménagement d’un domaine skiable/ Incompatibilité avec les orientations d’un SDAGE

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 13MA05167
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre – formation à 3
M. LASCAR, président
M. Vincent L’HÔTE, rapporteur
M. DELIANCOURT, rapporteur public

lecture du mardi 13 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler l’arrêté en date du 11 juillet 2011 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté leur demande d’autorisation présentée au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, en vue de l’aménagement d’un domaine skiable sur le territoire de la commune de Porta.

Par un jugement n° 1104149 du 5 novembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’arrêté du 11 juillet 2011, a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de la demande d’autorisation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 31 décembre 2013, le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour d’annuler le jugement du 5 novembre 2013.
Il soutient que :
– les premiers juges ont commis une erreur de droit en appréciant la gravité des atteintes portées aux zones humides uniquement au regard de la superficie affectée par le projet, sans rechercher si les composantes de cette partie présentaient des caractéristiques telles que la réalisation du projet compromettrait l’objectif de préservation et gestion durable des zones humides ;
– le tribunal a commis une erreur d’appréciation en estimant que le projet n’était pas incompatible avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne ;
– en tout état de cause, le rejet de la demande d’autorisation était justifié au regard des atteintes portées aux objectifs de conservation du site  » Capcir-Carlit-Campcardos « .
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M.A…’hôte, premier conseiller,
– et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.
1. Considérant que, dans le cadre d’un programme d’aménagement d’une station touristique de montagne sur le territoire de la commune de Porta, la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges ont déposé le 29 octobre 2007 une demande d’autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, en vue de l’aménagement d’un domaine skiable ; que le préfet des Pyrénées-Orientales leur a opposé un refus par un arrêté du 3 mars 2009 ; que, par un jugement du 11 mars 2011, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de la demande dans le délai de quatre mois ; que, le 11 juillet 2011, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris un nouvel arrêté rejetant de nouveau la demande d’autorisation ; que ce second refus a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 novembre 2013, dont le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement fait appel ;
2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 214-3 du code de l’environnement :  » I. – Sont soumis à autorisation de l’autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles (…)  » ; que, d’autre part, le III de l’article L. 212-1 du même code prévoit que chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d’un ou de plusieurs schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux fixant, notamment, les orientations permettant de satisfaire aux principes prévus aux articles L. 211-1, au nombre desquels figure la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; que le XI du même article précise que les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l’eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux ;
3. Considérant que, pour rejeter la demande présentée par la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges, le préfet des Pyrénées-Orientales s’est fondé sur le motif que le projet n’était pas compatible avec les orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne ; que le tribunal a estimé ce motif entaché d’une erreur d’appréciation ;
4. Considérant que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne définit la protection et la restauration des zones humides comme un thème prioritaire ; que le C du paragraphe 3.4 indique que  » le bon état des eaux ne pourra pas être atteint si les milieux aquatiques ne retrouvent pas un fonctionnement plus naturel. Pour atteindre les objectifs du SDAGE, il convient de mettre en oeuvre une politique de préservation, de restauration et de gestion adaptée aux territoires (…) des fonctionnalités des milieux aquatiques  » ; que l’orientation C, qui consiste à  » gérer durablement les eaux souterraines, préserver et restaurer les fonctionnalités des milieux aquatiques et humides « , est déclinée en différentes actions ; que celle numérotée C30, intitulée  » préserver les milieux aquatiques à forts enjeux environnementaux  » parmi lesquels sont mentionnées les zones humides, précise que  » pour toute opération soumise à autorisation ou à déclaration sur un milieu aquatique à forts enjeux environnementaux, le document évaluant son impact sur l’environnement doit notamment préciser les incidences sur les paramètres qui ont conduit à l’identification du milieu dans le SDAGE et qui figurent sur les listes du SDAGE. L’opération ne peut être autorisée ou acceptée que si elle ne remet pas en cause de manière significative ces paramètres, ou si les mesures compensatoires ou autres, adaptées à l’enjeu identifié, visent à réduire de manière satisfaisante l’impact sur ces paramètres. Dans ce cas, l’autorité administrative prescrit au maître d’ouvrage des dispositifs de suivi des travaux et d’évaluation de l’efficacité des prescriptions et des mesures compensatoires (article L214-1-I du code de l’environnement), en tenant compte de l’importance des projets et de la sensibilité des milieux  » ; que l’action C46 a pour objet d' » éviter ou, à défaut, compenser l’atteinte grave aux fonctions des zones humides  » ;
5. Considérant que le rapport de présentation du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, en date du 25 novembre 2008, mentionne que la réalisation du projet aurait pour effet direct la destruction de 7,6 hectares de zones humides et entrainerait une dégradation indirecte d’une surface plus importante ; que le rapport d’expertise établi par le conseil général de l’environnement et du développement durable en janvier 2009, indique qu’eu égard au fonctionnement particulier des tourbières, qui doit être apprécié dans une approche globale et qui est impacté par de multiples causes, l’ensemble de cet habitat présent sur le site est susceptible d’être menacé ; qu’il ressort de ces deux documents, sur lesquels le préfet pouvait s’appuyer sans être tenu de les annexer à sa décision, que les mesures compensatoires prévues par le dossier de demande d’autorisation ne sont pas de nature à permettre la reconstitution d’une surface de zones humides équivalente à celle détruite ; que la destruction d’une surface importante de zones humides induite par le projet entrainerait ainsi une perte définitive ; que, dans ces circonstances, le préfet des Pyrénées-Orientales, qui n’avait pas à tenir compte du rapport entre la superficie de zones humides affectée et celle du site, a pu estimer, sans erreur de droit ni erreur d’appréciation, que les incidences du projet n’étaient pas compatibles avec l’objectif de préservation et de restauration des zones humides défini par le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne ; qu’ainsi, le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondé à soutenir que, pour annuler l’arrêté du 11 juillet 2011, le tribunal a estimé à tort que le motif de refus opposé par le préfet des Pyrénées-Orientales était entaché d’une erreur d’appréciation ;
6. Considérant qu’il appartient toutefois à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges, qui n’ont pas produit en appel, devant le tribunal administratif ;
7. Considérant, en premier lieu, que si l’arrêté contesté n’identifie pas les habitats naturels d’intérêts communautaires susceptibles d’être affectés, il énonce avec une précision suffisante l’impact du projet sur les zones humides, après avoir rappelé que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne visait à préserver et restaurer ces dernières ; que ce motif du refus est suffisamment motivé ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que l’arrêté du 11 juillet 2011 ne méconnaît pas l’autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 mars 2011 dès lors, d’une part, qu’il est fondé sur un autre motif que celui censuré par ce jugement, d’autre part, que ledit jugement a été annulé par un arrêt de la Cour de céans en date du 28 octobre 2014 ;
9. Considérant, en troisième lieu, que, comme il a été dit, le préfet des Pyrénées-Orientales n’avait pas à tenir compte du rapport entre la superficie de zones humides affectée et celle du site ; que, pour refuser l’autorisation sur le fondement du XI de l’article L. 212-1 du code de l’environnement, le préfet n’avait pas à examiner si l’atteinte à la ressource en eau était significative mais seulement à apprécier si l’impact du projet sur le milieu aquatique, et notamment les zones humides, était compatible avec les dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux en vigueur ; que ce schéma prévoit, il est vrai, que seuls peuvent être autorisés les opérations ne portant pas une atteinte significative aux milieux aquatiques à forts enjeux environnementaux ; que le préfet a cependant estimé nécessairement l’impact du projet présenté par la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges comme mettant en cause de manière significative les paramètres ayant justifié l’objectif de préservation des zones humides en relevant que sa réalisation aurait  » un impact fort  » sur les fonctions assurées par ces zones ; que l’erreur de droit alléguée doit dès lors être écartée ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges, l’arrêté du 11 juillet 2011 n’indique pas qu’aucune mesure compensatoire n’a été envisagée mais que celles présentées dans le dossier de demande d’autorisation ne visaient pas à créer de nouvelles zones humides de fonctionnalités équivalentes ;
11. Considérant, en cinquième lieu, que la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l’article L. 414-4 du code de l’environnement dès lors que le refus contesté n’a pas été pris sur ce fondement ;
12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 11 juillet 2011 ;

D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 novembre 2013 est annulé.
Article 2 : La demande d’annulation présentée par la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, à la SAS Résidence Porte des Neiges et à la SAS Domaine Porte des Neiges.

Droit coutumier provençal/ Rétablissement des « carraires » (servitudes d’utilité publique pour le passage des troupeaux transhumants)

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 14MA01877
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre – formation à 3
M. LASCAR, président
Mme Anne MENASSEYRE, rapporteur
M. DELIANCOURT, rapporteur public
KULBASTIAN, avocat

lecture du mardi 13 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A… Duc a demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Gonfaron a refusé de déposer un panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 et d’annuler la délibération du 19 février 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gonfaron a rejeté sa demande de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de son activité professionnelle.

Par un jugement n° 0703822, 0703460, du 11 juin 2009, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Mme Duc a alors saisi le tribunal d’une demande qui a été regardée comme tendant à l’exécution de ce jugement. Une procédure juridictionnelle a été ouverte par ordonnance du 13 octobre 2010.

Par un jugement n° 1002610 du 4 février 2011 le tribunal administratif de Toulon a enjoint à la commune de Gonfaron de déposer le panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 et de rétablir les carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de Mme Duc dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement en assortissant cette injonction d’une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un nouveau jugement n° 1002610 du 17 février 2012, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon, estimant que le jugement du 11 juin 2009 avait été entièrement exécuté, a refusé de liquider l’astreinte prononcée par le jugement du 4 février 2011.

Sur appel de Mme Duc, la cour administrative d’appel de Marseille a, par un arrêt 12MA01469 du 30 juillet 2013 annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 février 2012 et renvoyé l’affaire devant le tribunal pour qu’il y soit statué.

Par un jugement n° 1002610 du 24 janvier 2014, le tribunal administratif de Toulon, estimant que la commune de Gonfaron s’était acquittée des obligations mises à sa charge, a rejeté la requête de Mme Duc, analysée comme tendant à la liquidation provisoire de l’astreinte décidée par le jugement du 4 février 2011.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 avril 2014, Mme Duc, représentée par Me C…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 janvier 2014 ;
2°) de condamner la commune de Gonfaron au paiement d’une astreinte de 584 000 euros au titre de l’astreinte imposée par le jugement du 4 février 2011 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gonfaron la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son avocat qui renoncera dans cette hypothèse au bénéfice de la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle.

Elle soutient que le jugement du 11 juin 2009 n’a pas été exécuté, les carraires riveraines n’étant pas libres d’accès et le panneau litigieux ayant simplement été remplacé par un panneau où le mot traverse a remplacé le mot chemin.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2015, la commune de Gonfaron a conclu au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme Duc au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme Duc a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d’aide juridictionnelle du 19 mars 2014.

Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– l’arrêt de règlement du parlement de Provence du 21 juillet 1783 concernant les carraires à l’usage des troupeaux ;
– l’arrêté relatif au rétablissement des carraires des communes du préfet du Var du 15 octobre 1807 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de MmeD…, première conseillère,
– les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
– et les observations de Me B…pour la commune de Gonfaron.

1. Considérant que Mme Duc exploite un élevage de chèvres sur le territoire de la commune de Gonfaron ; que, par jugement du 11 juin 2009, le tribunal administratif de Toulon a, sur sa demande, annulé la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Gonfaron a refusé de déposer un panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 ainsi que la délibération du 19 février 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gonfaron a rejeté sa demande de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de son activité professionnelle ; que, s’estimant saisi d’une demande d’exécution de ce jugement, ce tribunal a, par jugement du 4 février 2011, enjoint à la commune de Gonfaron de déposer le panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 et de rétablir les carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de l’intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement en assortissant cette injonction d’une astreinte de 500 euros par jour de retard ; que Mme Duc a demandé, en août 2011, qu’il soit procédé à la liquidation de l’astreinte ; qu’elle relève appel du jugement du 24 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon, estimant que la commune de Gonfaron s’était acquittée des obligations mises à sa charge, n’a pas fait droit à cette dernière demande ;

Sur l’exécution du jugement en tant qu’il a annulé la décision implicite refusant de déposer un panneau signalétique :

2. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du procès-verbal de gendarmerie établi le 11 mai 2010, que la commune a déposé le panneau  » Chemin de Plan Cavalier  » qui était situé au droit de la carraire n° 6 ; que si Mme Duc fait valoir que ce panneau aurait été remplacé par un autre panneau revêtu de la mention  » traverse des cavaliers « , elle ne l’établit pas ; que le constat d’huissier réalisé le 11 septembre 2013 dont elle se prévaut à cette fin indique en effet simplement :  » nous constatons sur la D 39 la présence d’un panneau indiquant  » traversée de cavaliers  » « , ce qui ne corrobore pas les affirmations de Mme Duc ; que si l’intéressée estimait que la pose d’un tel panneau préjudiciait à ses droits, il s’agirait là d’un litige distinct, sans incidence sur la demande d’astreinte relative à l’exécution de la première décision d’annulation ; qu’il n’y avait dès lors pas lieu de procéder à la liquidation provisoire de l’astreinte prononcée le 4 février 2011, au titre de l’exécution de cette partie du jugement du 11 juin 2009 ;

Sur l’exécution du jugement en tant qu’il a annulé la délibération du 19 février 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gonfaron a rejeté la demande de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de Mme Duc :

3. Considérant qu’il appartient au juge de l’exécution et à la juridiction chargée de procéder à la liquidation d’une astreinte prononcée de tenir compte des circonstances de droit ou de fait existant à la date de sa décision ;

4. Considérant, en premier lieu, que le jugement du 11 juin 2009, en vue de l’exécution duquel la liquidation d’une astreinte a été demandée par Mme Duc, qui annule le rejet d’une demande de rétablissement de carraires utiles à l’activité professionnelle de l’intéressée rappelle que les carraires, initialement consacrées par le droit coutumier de Provence, sont des servitudes d’utilité publique destinées au passage des troupeaux transhumants ; que l’arrêt de règlement du parlement de Provence du 21 juillet 1783 indique qu’il s’agit de chemins  » servant de passage aux troupeaux qui vont, en été, dépaître dans la haute Provence  » ; que l’arrêté relatif au rétablissement des carraires pris par le préfet du Var le 15 octobre 1807, produit par Mme Duc à l’appui de sa demande d’exécution mentionne  » qu’il est de l’intérêt public que les troupeaux transmigrant puissent se rendre dans les montagnes des Hautes et Basses-Alpes  » ; qu’il suit de là que les carraires et leur éventuel rétablissement ne peuvent être envisagées en dehors des nécessités liées à l’exercice effectif de la transhumance ; que, devant les premiers juges, la commune de Gonfaron a fait valoir pour la première fois dans un mémoire du 5 janvier 2011, sans être contestée, que Mme Duc n’exerçait pas, en réalité, d’activité pastorale, se contentant de faire paître ses chèvres sur des propriétés communales ou privées ; qu’il y a lieu de tenir compte de cette circonstance de fait avant de se prononcer sur la liquidation de l’astreinte prononcée ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que pour refuser de donner suite à la demande de liquidation d’astreinte demandée par Mme Duc, le tribunal a relevé qu’il résultait notamment du constat d’huissier établi à la demande de la commune le 17 mai 2010 que les carraires riveraines de la propriété de Mme Duc étaient libres d’accès et de circulation et que la commune de Gonfaron avait ainsi exécuté son obligation de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de la requérante ; que, pour contester cette appréciation, Mme Duc se borne à invoquer deux phrases d’un constat d’huissier, dressé le 11 septembre 2013, qu’elle a versé aux débats ; que la présence d’un grand portail ouvert et l’utilisation d’un chemin comme chemin d’exploitation mentionnée dans la première phrase invoquée par Mme Duc n’est nullement incompatible avec le passage de troupeaux au moment de la transhumance et ne permet pas de considérer que les carraires en cause ne seraient pas libres d’accès ; que, de même, la circonstance relevée dans ce constat que la parcelle cadastrée n° 194 soit clôturée et protège ainsi l’accès des troupeaux à la voie publique, ne permet pas davantage d’infirmer l’appréciation des premiers juges qui ont, à juste titre, relevé qu’une carraire n’était pas un droit de pâturage dans les parcelles qui bordent le chemin, mais un droit de traverser, au moment de la transhumance, certaines zones qui peuvent être des propriétés privées ou publiques ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Gonfaron devant être regardée comme s’étant conformée à son obligation de rétablissement des carraires utiles à l’activité professionnelle de Mme Duc, il n’y avait pas davantage lieu de procéder à la liquidation provisoire de l’astreinte prononcée le 4 février 2011, au titre de l’exécution de cette partie du jugement du 11 juin 2009 ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme Duc n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon n’a pas fait droit à sa demande tendant à la liquidation de l’astreinte prononcée par le jugement du 4 février 2011, qu’il n’y avait pas lieu de liquider ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions tendant au versement de frais irrépétibles ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce et compte tenu de la situation économique de la partie perdante, de rejeter également les conclusions présentées par la commune de Gonfaron au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme Duc est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Gonfaron au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… Duc, à Me C…et à la commune de Gonfaron.

Délibéré après l’audience du 22 septembre 2015, où siégeaient :

– M. Lascar, président de chambre,
– M. Guidal, président assesseur,
– MmeD…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2015.

Classement en zone Montagne/ Caractère non réglementaire/Exception d’illégalité sans condition de délai (non)

Conseil d’État

N° 380468
ECLI:FR:CESSR:2015:380468.20151007
Inédit au recueil Lebon
1ère sous-section jugeant seule
M. Yannick Faure, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats

lecture du mercredi 7 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir le permis de construire accordé tacitement le 24 novembre 2008 à la SARL Conilhac Energies par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, en vue de l’édification de locaux techniques, de citernes, de places de stationnement et d’une clôture dans le cadre de l’installation d’un parc photovoltaïque au lieu-dit  » La Brigadel  » sur le territoire de la commune de Puimichel. Par un jugement n° 0900689 du 2 avril 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 12MA02078 du 20 mars 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par la SAS ECRCF, venant aux droits de la SARL Conilhac Energies, contre le jugement du tribunal administratif de Marseille.

Procédure devant le Conseil d’Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mai et 20 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SAS ECRCF demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 20 mars 2014 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole la somme de 5 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
– l’arrêté du 20 février 1974 du ministre de l’agriculture et du développement rural portant délimitation de zones de montagne ;
– l’arrêté interministériel du 6 septembre 1985 délimitant la zone de montagne en France métropolitaine ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,

– les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SAS ECRCF ;

Considérant ce qui suit :

Sur l’intérêt pour agir du comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole :

1. Un requérant n’est pas recevable à former un recours contentieux s’il ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité à agir à la date à laquelle il introduit son recours. En l’espèce, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, d’une part, le comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole avait notamment pour objet, à la date du permis de construire en litige,  » de regrouper et coordonner les actions des personnes et associations voulant assurer la sauvegarde du patrimoine naturel des Alpes-de-Haute-Provence contre toutes interventions qui pourraient mettre en péril son équilibre géologique, hydrogéologique, atmosphérique, écologique, son écosystème et son image de marque  » et que, d’autre part, ces statuts n’ont été modifiés que postérieurement à l’introduction par l’association de sa requête devant le tribunal administratif. En jugeant que cet objet donnait au comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole qualité pour demander l’annulation pour excès de pouvoir du permis de construire en litige, destiné à permettre la construction d’une centrale photovoltaïque au sol sur une surface de dix-huit hectares, la cour administrative d’appel de Marseille, qui n’a pas dénaturé les pièces du dossier, a fait une exacte application des règles relatives à la recevabilité du recours pour excès de pouvoir. Elle a pu en déduire sans erreur de droit, en l’absence de modification des statuts de l’association entre la date de l’acte attaqué et celle de l’introduction de sa demande de première instance, que la société requérante n’était pas fondée à soutenir que la requête de l’association, faute pour celle-ci de justifier d’un intérêt à agir, était irrecevable.

Sur l’exception d’illégalité du classement de la commune de Puimichel en zone de montagne :

2. En premier lieu, si la cour a mentionné que l’exception d’illégalité soulevée par la société ECRCF venait  » au soutien de ses conclusions dirigées contre le permis de construire contesté « , alors que celle-ci demandait l’annulation du jugement du tribunal administratif ayant prononcé l’annulation de ce permis, cette erreur purement matérielle est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l’arrêt attaqué.

3. En deuxième lieu, en jugeant que la société ECRCF ne pouvait se prévaloir, par la voie de l’exception, de l’illégalité du classement de la commune de Puimichel en zone de montagne, dès lors que l’arrêté procédant à un tel classement n’est pas un acte réglementaire, la cour s’est bornée à répondre à l’argumentation soulevée devant elle par la société requérante, selon laquelle les arrêtés des 20 février 1974 et 6 septembre 1985 classant la commune de Puimichel en zone de montagne présentant un caractère réglementaire, l’exception d’illégalité de ces actes était recevable sans condition de délai. Par suite, la société requérante n’est fondée à soutenir ni que la cour a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en n’en informant pas préalablement les parties, ni qu’elle a insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en ne recherchant pas si les arrêtés en cause, publiés au Journal officiel, présentaient un caractère définitif. Enfin, l’arrêt ne peut être regardé comme insuffisamment motivé du seul fait qu’il ne précise pas si l’exception d’illégalité est rejetée comme inopérante ou irrecevable.

4. En troisième lieu, si elle ne fait explicitement mention, au point 7 de son arrêt, que de l’arrêté du 20 février 1974 et non de celui du 6 septembre 1985 pris en application de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, la cour a implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité de ces deux arrêtés, dès lors qu’elle se réfère au point 3 de son arrêt où elle relève que l’arrêté du 6 septembre 1985 ne fait que s’approprier la délimitation opérée par de précédents arrêtés, dont celui du 20 février 1974 mentionnant la commune de Puimichel, et qu’elle écarte l’exception d’illégalité du classement de la commune en zone de montagne, comme indiqué précédemment, au motif qu’un tel acte ne revêt pas un caractère réglementaire. Par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêt serait insuffisamment motivé sur ce point.

5. En quatrième lieu, l’arrêté classant une commune en zone de montagne n’a pour objet et pour effet que de lui rendre applicable le régime juridique défini par la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et par les textes réglementaires pris pour son application, sans édicter lui-même aucune règle particulière. Par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’un tel acte ne revêt pas de caractère réglementaire.

6. Enfin, en mentionnant les différents textes dont il résulte que la commune de Puimichel a été classée en zone de montagne, la cour a suffisamment répondu au moyen tiré de  » l’erreur de droit  » que les premiers juges auraient commise en se fondant, pour retenir ce classement, sur le décret du 3 juin 1977 sur l’agriculture de montagne et de certaines zones défavorisées.

Sur l’application de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme :

7. Aux termes du premier alinéa du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme :  » Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants « .

8. En jugeant, après avoir relevé que le projet en cause occupait  » un espace très important « , que, toutefois, le risque électrique allégué n’était pas établi et la gêne visuelle pour le voisinage était limitée, et en en déduisant que ce projet n’était pas incompatible avec le voisinage des zones habitées, au sens du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, la cour, qui n’était pas tenue de répondre à tous les arguments de la société requérante, a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation et a suffisamment motivé son arrêt.

Sur l’application de l’article ND4 du règlement du plan d’occupation des sols :

9. Aux termes de l’article ND4 du règlement du plan d’occupation des sols de la commune de Puimichel :  » Toute construction ou installation nouvelle devra obligatoirement être alimentée en eau potable conformément aux dispositions aux articles R. 110 et R. 111-11 du code de l’urbanisme (…) « .

10. En premier lieu, en jugeant que ces dispositions imposaient à la société requérante de prévoir l’alimentation en eau potable des bâtiments objets de la demande de permis, quand bien même ceux-ci n’avaient pas vocation à accueillir des personnes de façon permanente ou même régulière, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.

11. En second lieu, en relevant que le projet en cause comprenait la construction de six citernes destinées à l’alimentation en eau des sanitaires et d’un abreuvoir pour les animaux sans qu’il ressorte de la demande de permis de construire ni d’aucune autre pièce du dossier que cette eau était potable, la cour n’a pas commis d’erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS ECRCF n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 20 mars 2014. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être également rejetées.

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SAS ECRCF est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS ECRCF et au comité de sauvegarde du site Clarency Valensole.
Copie en sera adressée à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.