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Droit coutumier provençal/ Rétablissement des « carraires » (servitudes d’utilité publique pour le passage des troupeaux transhumants)

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 14MA01877
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre – formation à 3
M. LASCAR, président
Mme Anne MENASSEYRE, rapporteur
M. DELIANCOURT, rapporteur public
KULBASTIAN, avocat

lecture du mardi 13 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A… Duc a demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Gonfaron a refusé de déposer un panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 et d’annuler la délibération du 19 février 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gonfaron a rejeté sa demande de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de son activité professionnelle.

Par un jugement n° 0703822, 0703460, du 11 juin 2009, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Mme Duc a alors saisi le tribunal d’une demande qui a été regardée comme tendant à l’exécution de ce jugement. Une procédure juridictionnelle a été ouverte par ordonnance du 13 octobre 2010.

Par un jugement n° 1002610 du 4 février 2011 le tribunal administratif de Toulon a enjoint à la commune de Gonfaron de déposer le panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 et de rétablir les carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de Mme Duc dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement en assortissant cette injonction d’une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un nouveau jugement n° 1002610 du 17 février 2012, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon, estimant que le jugement du 11 juin 2009 avait été entièrement exécuté, a refusé de liquider l’astreinte prononcée par le jugement du 4 février 2011.

Sur appel de Mme Duc, la cour administrative d’appel de Marseille a, par un arrêt 12MA01469 du 30 juillet 2013 annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 février 2012 et renvoyé l’affaire devant le tribunal pour qu’il y soit statué.

Par un jugement n° 1002610 du 24 janvier 2014, le tribunal administratif de Toulon, estimant que la commune de Gonfaron s’était acquittée des obligations mises à sa charge, a rejeté la requête de Mme Duc, analysée comme tendant à la liquidation provisoire de l’astreinte décidée par le jugement du 4 février 2011.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 avril 2014, Mme Duc, représentée par Me C…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 janvier 2014 ;
2°) de condamner la commune de Gonfaron au paiement d’une astreinte de 584 000 euros au titre de l’astreinte imposée par le jugement du 4 février 2011 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gonfaron la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son avocat qui renoncera dans cette hypothèse au bénéfice de la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle.

Elle soutient que le jugement du 11 juin 2009 n’a pas été exécuté, les carraires riveraines n’étant pas libres d’accès et le panneau litigieux ayant simplement été remplacé par un panneau où le mot traverse a remplacé le mot chemin.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2015, la commune de Gonfaron a conclu au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme Duc au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme Duc a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d’aide juridictionnelle du 19 mars 2014.

Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– l’arrêt de règlement du parlement de Provence du 21 juillet 1783 concernant les carraires à l’usage des troupeaux ;
– l’arrêté relatif au rétablissement des carraires des communes du préfet du Var du 15 octobre 1807 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de MmeD…, première conseillère,
– les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
– et les observations de Me B…pour la commune de Gonfaron.

1. Considérant que Mme Duc exploite un élevage de chèvres sur le territoire de la commune de Gonfaron ; que, par jugement du 11 juin 2009, le tribunal administratif de Toulon a, sur sa demande, annulé la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Gonfaron a refusé de déposer un panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 ainsi que la délibération du 19 février 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gonfaron a rejeté sa demande de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de son activité professionnelle ; que, s’estimant saisi d’une demande d’exécution de ce jugement, ce tribunal a, par jugement du 4 février 2011, enjoint à la commune de Gonfaron de déposer le panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 et de rétablir les carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de l’intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement en assortissant cette injonction d’une astreinte de 500 euros par jour de retard ; que Mme Duc a demandé, en août 2011, qu’il soit procédé à la liquidation de l’astreinte ; qu’elle relève appel du jugement du 24 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon, estimant que la commune de Gonfaron s’était acquittée des obligations mises à sa charge, n’a pas fait droit à cette dernière demande ;

Sur l’exécution du jugement en tant qu’il a annulé la décision implicite refusant de déposer un panneau signalétique :

2. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du procès-verbal de gendarmerie établi le 11 mai 2010, que la commune a déposé le panneau  » Chemin de Plan Cavalier  » qui était situé au droit de la carraire n° 6 ; que si Mme Duc fait valoir que ce panneau aurait été remplacé par un autre panneau revêtu de la mention  » traverse des cavaliers « , elle ne l’établit pas ; que le constat d’huissier réalisé le 11 septembre 2013 dont elle se prévaut à cette fin indique en effet simplement :  » nous constatons sur la D 39 la présence d’un panneau indiquant  » traversée de cavaliers  » « , ce qui ne corrobore pas les affirmations de Mme Duc ; que si l’intéressée estimait que la pose d’un tel panneau préjudiciait à ses droits, il s’agirait là d’un litige distinct, sans incidence sur la demande d’astreinte relative à l’exécution de la première décision d’annulation ; qu’il n’y avait dès lors pas lieu de procéder à la liquidation provisoire de l’astreinte prononcée le 4 février 2011, au titre de l’exécution de cette partie du jugement du 11 juin 2009 ;

Sur l’exécution du jugement en tant qu’il a annulé la délibération du 19 février 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gonfaron a rejeté la demande de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de Mme Duc :

3. Considérant qu’il appartient au juge de l’exécution et à la juridiction chargée de procéder à la liquidation d’une astreinte prononcée de tenir compte des circonstances de droit ou de fait existant à la date de sa décision ;

4. Considérant, en premier lieu, que le jugement du 11 juin 2009, en vue de l’exécution duquel la liquidation d’une astreinte a été demandée par Mme Duc, qui annule le rejet d’une demande de rétablissement de carraires utiles à l’activité professionnelle de l’intéressée rappelle que les carraires, initialement consacrées par le droit coutumier de Provence, sont des servitudes d’utilité publique destinées au passage des troupeaux transhumants ; que l’arrêt de règlement du parlement de Provence du 21 juillet 1783 indique qu’il s’agit de chemins  » servant de passage aux troupeaux qui vont, en été, dépaître dans la haute Provence  » ; que l’arrêté relatif au rétablissement des carraires pris par le préfet du Var le 15 octobre 1807, produit par Mme Duc à l’appui de sa demande d’exécution mentionne  » qu’il est de l’intérêt public que les troupeaux transmigrant puissent se rendre dans les montagnes des Hautes et Basses-Alpes  » ; qu’il suit de là que les carraires et leur éventuel rétablissement ne peuvent être envisagées en dehors des nécessités liées à l’exercice effectif de la transhumance ; que, devant les premiers juges, la commune de Gonfaron a fait valoir pour la première fois dans un mémoire du 5 janvier 2011, sans être contestée, que Mme Duc n’exerçait pas, en réalité, d’activité pastorale, se contentant de faire paître ses chèvres sur des propriétés communales ou privées ; qu’il y a lieu de tenir compte de cette circonstance de fait avant de se prononcer sur la liquidation de l’astreinte prononcée ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que pour refuser de donner suite à la demande de liquidation d’astreinte demandée par Mme Duc, le tribunal a relevé qu’il résultait notamment du constat d’huissier établi à la demande de la commune le 17 mai 2010 que les carraires riveraines de la propriété de Mme Duc étaient libres d’accès et de circulation et que la commune de Gonfaron avait ainsi exécuté son obligation de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de la requérante ; que, pour contester cette appréciation, Mme Duc se borne à invoquer deux phrases d’un constat d’huissier, dressé le 11 septembre 2013, qu’elle a versé aux débats ; que la présence d’un grand portail ouvert et l’utilisation d’un chemin comme chemin d’exploitation mentionnée dans la première phrase invoquée par Mme Duc n’est nullement incompatible avec le passage de troupeaux au moment de la transhumance et ne permet pas de considérer que les carraires en cause ne seraient pas libres d’accès ; que, de même, la circonstance relevée dans ce constat que la parcelle cadastrée n° 194 soit clôturée et protège ainsi l’accès des troupeaux à la voie publique, ne permet pas davantage d’infirmer l’appréciation des premiers juges qui ont, à juste titre, relevé qu’une carraire n’était pas un droit de pâturage dans les parcelles qui bordent le chemin, mais un droit de traverser, au moment de la transhumance, certaines zones qui peuvent être des propriétés privées ou publiques ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Gonfaron devant être regardée comme s’étant conformée à son obligation de rétablissement des carraires utiles à l’activité professionnelle de Mme Duc, il n’y avait pas davantage lieu de procéder à la liquidation provisoire de l’astreinte prononcée le 4 février 2011, au titre de l’exécution de cette partie du jugement du 11 juin 2009 ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme Duc n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon n’a pas fait droit à sa demande tendant à la liquidation de l’astreinte prononcée par le jugement du 4 février 2011, qu’il n’y avait pas lieu de liquider ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions tendant au versement de frais irrépétibles ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce et compte tenu de la situation économique de la partie perdante, de rejeter également les conclusions présentées par la commune de Gonfaron au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme Duc est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Gonfaron au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… Duc, à Me C…et à la commune de Gonfaron.

Délibéré après l’audience du 22 septembre 2015, où siégeaient :

– M. Lascar, président de chambre,
– M. Guidal, président assesseur,
– MmeD…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2015.

Classement en zone Montagne/ Caractère non réglementaire/Exception d’illégalité sans condition de délai (non)

Conseil d’État

N° 380468
ECLI:FR:CESSR:2015:380468.20151007
Inédit au recueil Lebon
1ère sous-section jugeant seule
M. Yannick Faure, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats

lecture du mercredi 7 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir le permis de construire accordé tacitement le 24 novembre 2008 à la SARL Conilhac Energies par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, en vue de l’édification de locaux techniques, de citernes, de places de stationnement et d’une clôture dans le cadre de l’installation d’un parc photovoltaïque au lieu-dit  » La Brigadel  » sur le territoire de la commune de Puimichel. Par un jugement n° 0900689 du 2 avril 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 12MA02078 du 20 mars 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par la SAS ECRCF, venant aux droits de la SARL Conilhac Energies, contre le jugement du tribunal administratif de Marseille.

Procédure devant le Conseil d’Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mai et 20 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SAS ECRCF demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 20 mars 2014 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole la somme de 5 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
– l’arrêté du 20 février 1974 du ministre de l’agriculture et du développement rural portant délimitation de zones de montagne ;
– l’arrêté interministériel du 6 septembre 1985 délimitant la zone de montagne en France métropolitaine ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,

– les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SAS ECRCF ;

Considérant ce qui suit :

Sur l’intérêt pour agir du comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole :

1. Un requérant n’est pas recevable à former un recours contentieux s’il ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité à agir à la date à laquelle il introduit son recours. En l’espèce, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, d’une part, le comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole avait notamment pour objet, à la date du permis de construire en litige,  » de regrouper et coordonner les actions des personnes et associations voulant assurer la sauvegarde du patrimoine naturel des Alpes-de-Haute-Provence contre toutes interventions qui pourraient mettre en péril son équilibre géologique, hydrogéologique, atmosphérique, écologique, son écosystème et son image de marque  » et que, d’autre part, ces statuts n’ont été modifiés que postérieurement à l’introduction par l’association de sa requête devant le tribunal administratif. En jugeant que cet objet donnait au comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole qualité pour demander l’annulation pour excès de pouvoir du permis de construire en litige, destiné à permettre la construction d’une centrale photovoltaïque au sol sur une surface de dix-huit hectares, la cour administrative d’appel de Marseille, qui n’a pas dénaturé les pièces du dossier, a fait une exacte application des règles relatives à la recevabilité du recours pour excès de pouvoir. Elle a pu en déduire sans erreur de droit, en l’absence de modification des statuts de l’association entre la date de l’acte attaqué et celle de l’introduction de sa demande de première instance, que la société requérante n’était pas fondée à soutenir que la requête de l’association, faute pour celle-ci de justifier d’un intérêt à agir, était irrecevable.

Sur l’exception d’illégalité du classement de la commune de Puimichel en zone de montagne :

2. En premier lieu, si la cour a mentionné que l’exception d’illégalité soulevée par la société ECRCF venait  » au soutien de ses conclusions dirigées contre le permis de construire contesté « , alors que celle-ci demandait l’annulation du jugement du tribunal administratif ayant prononcé l’annulation de ce permis, cette erreur purement matérielle est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l’arrêt attaqué.

3. En deuxième lieu, en jugeant que la société ECRCF ne pouvait se prévaloir, par la voie de l’exception, de l’illégalité du classement de la commune de Puimichel en zone de montagne, dès lors que l’arrêté procédant à un tel classement n’est pas un acte réglementaire, la cour s’est bornée à répondre à l’argumentation soulevée devant elle par la société requérante, selon laquelle les arrêtés des 20 février 1974 et 6 septembre 1985 classant la commune de Puimichel en zone de montagne présentant un caractère réglementaire, l’exception d’illégalité de ces actes était recevable sans condition de délai. Par suite, la société requérante n’est fondée à soutenir ni que la cour a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en n’en informant pas préalablement les parties, ni qu’elle a insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en ne recherchant pas si les arrêtés en cause, publiés au Journal officiel, présentaient un caractère définitif. Enfin, l’arrêt ne peut être regardé comme insuffisamment motivé du seul fait qu’il ne précise pas si l’exception d’illégalité est rejetée comme inopérante ou irrecevable.

4. En troisième lieu, si elle ne fait explicitement mention, au point 7 de son arrêt, que de l’arrêté du 20 février 1974 et non de celui du 6 septembre 1985 pris en application de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, la cour a implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité de ces deux arrêtés, dès lors qu’elle se réfère au point 3 de son arrêt où elle relève que l’arrêté du 6 septembre 1985 ne fait que s’approprier la délimitation opérée par de précédents arrêtés, dont celui du 20 février 1974 mentionnant la commune de Puimichel, et qu’elle écarte l’exception d’illégalité du classement de la commune en zone de montagne, comme indiqué précédemment, au motif qu’un tel acte ne revêt pas un caractère réglementaire. Par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêt serait insuffisamment motivé sur ce point.

5. En quatrième lieu, l’arrêté classant une commune en zone de montagne n’a pour objet et pour effet que de lui rendre applicable le régime juridique défini par la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et par les textes réglementaires pris pour son application, sans édicter lui-même aucune règle particulière. Par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’un tel acte ne revêt pas de caractère réglementaire.

6. Enfin, en mentionnant les différents textes dont il résulte que la commune de Puimichel a été classée en zone de montagne, la cour a suffisamment répondu au moyen tiré de  » l’erreur de droit  » que les premiers juges auraient commise en se fondant, pour retenir ce classement, sur le décret du 3 juin 1977 sur l’agriculture de montagne et de certaines zones défavorisées.

Sur l’application de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme :

7. Aux termes du premier alinéa du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme :  » Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants « .

8. En jugeant, après avoir relevé que le projet en cause occupait  » un espace très important « , que, toutefois, le risque électrique allégué n’était pas établi et la gêne visuelle pour le voisinage était limitée, et en en déduisant que ce projet n’était pas incompatible avec le voisinage des zones habitées, au sens du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, la cour, qui n’était pas tenue de répondre à tous les arguments de la société requérante, a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation et a suffisamment motivé son arrêt.

Sur l’application de l’article ND4 du règlement du plan d’occupation des sols :

9. Aux termes de l’article ND4 du règlement du plan d’occupation des sols de la commune de Puimichel :  » Toute construction ou installation nouvelle devra obligatoirement être alimentée en eau potable conformément aux dispositions aux articles R. 110 et R. 111-11 du code de l’urbanisme (…) « .

10. En premier lieu, en jugeant que ces dispositions imposaient à la société requérante de prévoir l’alimentation en eau potable des bâtiments objets de la demande de permis, quand bien même ceux-ci n’avaient pas vocation à accueillir des personnes de façon permanente ou même régulière, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.

11. En second lieu, en relevant que le projet en cause comprenait la construction de six citernes destinées à l’alimentation en eau des sanitaires et d’un abreuvoir pour les animaux sans qu’il ressorte de la demande de permis de construire ni d’aucune autre pièce du dossier que cette eau était potable, la cour n’a pas commis d’erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS ECRCF n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 20 mars 2014. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être également rejetées.

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi de la SAS ECRCF est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS ECRCF et au comité de sauvegarde du site Clarency Valensole.
Copie en sera adressée à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Création d’une UTN/ Absence d’obligation de notification du recours

Conseil d’État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 09 octobre 2015, 384804

Vu la procédure suivante :

L’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 22 juin 2009 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence a autorisé la création d’une unité touristique nouvelle au lieu dit  » Le Bouas  » sur le territoire de la commune de Lauzet-sur-Ubaye. Par un jugement n° 0909228 du 7 novembre 2011, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 12MA00010 du 25 juillet 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par la commune de Lauzet-sur-Ubaye contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre et 26 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Lauzet-sur-Ubaye demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement une somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d’Etat,

– les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la commune de Lauzet-sur-Ubaye, et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 145-9 du code de l’urbanisme :  » Est considérée comme unité touristique nouvelle toute opération de développement touristique, en zone de montagne, ayant pour objet ou pour effet, en une ou plusieurs tranches (…) de construire des surfaces destinées à l’hébergement touristique ou de créer un équipement touristique comprenant des surfaces de plancher (…)  » ; qu’en vertu de l’article L. 145-11, la création d’unités touristiques nouvelles est soumise à autorisation, après que le projet a été mis à disposition du public ; que les conditions de délivrance d’une telle autorisation sont précisées par les dispositions des articles R. 145-1 et suivants du code de l’urbanisme ;

2. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que le préfet des Alpes de Haute-Provence a, par arrêté du 22 juin 2009, autorisé la création d’une unité touristique nouvelle au lieu-dit  » Le Bouas « , sur le territoire de la commune de Lauzet-sur-Ubaye ; que, saisi par l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement, le tribunal administratif de Marseille a prononcé l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté par un jugement du 7 novembre 2011 ; que la commune de Lauzet-sur-Ubaye se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 25 juillet 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre ce jugement ;

3. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, l’arrêt attaqué comporte l’analyse des conclusions et des mémoires produits devant la cour administrative d’appel, conformément à ce que prévoient les dispositions de l’article R. 741-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable en l’espèce résultant du décret du 5 janvier 2007 :  » En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d’aménager ou de démolir. L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif (…)  » ;

5. Considérant que ces dispositions de l’article R. 600-1, dans leur rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, n’imposent la notification d’un recours administratif ou contentieux, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux, que lorsque le recours est dirigé contre un certificat d’urbanisme, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis de construire, d’aménager ou de démolir ; que les décisions qui sont ainsi limitativement visées par l’article R. 600-1 sont celles qui sont régies par les dispositions du livre IV du code de l’urbanisme ; que la décision autorisant la création d’une unité touristique nouvelle, prise sur le fondement de l’article L. 145-11 du code de l’urbanisme, n’est pas au nombre de ces décisions ; que, par suite, en jugeant que l’obligation de notification du recours édictée par l’article R. 600-1 n’était pas opposable à la demande à fin d’annulation présentée devant le tribunal administratif de Marseille par l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme, relatif à la composition du dossier de demande de création d’une unité touristique nouvelle :  » La demande est accompagnée d’un dossier comportant un rapport et des documents graphiques précisant : / 1° L’état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l’historique de l’enneigement local, l’état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale ; / 2° Les caractéristiques principales du projet et, notamment, de la demande à satisfaire, des modes d’exploitation et de promotion des hébergements et des équipements, ainsi que, lorsque le projet porte sur la création ou l’extension de remontées mécaniques, les caractéristiques du domaine skiable, faisant apparaître les pistes nouvelles susceptibles d’être créées ; / 3° Les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour les prévenir ; / 4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l’économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l’environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir, et l’estimation de leur coût ; / 5° Les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet  » ;

7. Considérant que, pour juger que le dossier accompagnant la demande d’autorisation d’unité touristique nouvelle ne satisfaisait pas, en l’espèce, aux prescriptions de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme, la cour administrative d’appel a relevé que le dossier ne donnait que des indications sommaires sur le bâti existant et sur la taille des chalets à construire et la superficie constructible totale, qu’il n’apportait pas de justifications sur l’état antérieur du site, que le plan d’aménagement ne permettait pas d’apprécier l’importance du projet par rapport à son environnement, que le dossier ne comportait pas d’analyse des risques naturels et qu’il n’examinait pas la possibilité de mesures compensatoires à l’augmentation du trafic routier susceptible d’être causé par la réalisation du projet ; qu’en statuant ainsi, la cour administrative d’appel s’est livrée, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits de l’espèce, qui est exempte de dénaturation ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que la cour administrative d’appel a jugé qu’en dépit de l’état du terrain initialement destiné à l’installation d’un camping et à l’existence d’une construction inachevée, le site d’implantation du projet s’inscrivait dans un milieu montagnard naturel et préservé et relevait des espaces caractéristiques du patrimoine naturel montagnard protégés par les dispositions du II de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme ; qu’en statuant ainsi, la cour a souverainement apprécié les faits de l’espèce sans les dénaturer et sans se méprendre sur l’état du site tel qu’il résultait du projet antérieur d’installation d’un camping qui n’avait pas été mené à terme, et n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’en jugeant, de même, que le terrain en cause avait conservé un caractère naturel au sens de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, la cour s’est livrée, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Lauzet-sur-Ubaye n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ;

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Lauzet-sur-Ubaye la somme de 3 000 euros à verser à l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Lauzet-sur-Ubaye est rejeté.

Article 2 : La commune de Lauzet-sur-Ubaye versera à l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Lauzet-sur-Ubaye et à l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement.

Copie en sera adressée à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Secours en montagne/ Médecin du SMUR/ Insuffisance professionnelle/ Légalité du changement d’affectation

CAA de LYON

N° 14LY00108
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. MARTIN, président
Mme Pascale DECHE, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
ALDEGUER, avocat

lecture du mardi 23 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B…C…a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

– d’annuler la décision par laquelle le chef de service du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne l’a suspendu de toute participation à la structure mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) héliportée de Modane ;
– d’enjoindre audit centre hospitalier de le rétablir dans la plénitude de ses fonctions au sein du SMUR héliporté de Modane ;
– de condamner ledit centre hospitalier à lui verser la somme de 11 914 euros et l’indemnité mensuelle globale de 611 euros à liquider en fonction de la date de lecture du jugement, outre intérêts légaux et capitalisation.

Par un jugement n° 1202700 du 26 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir annulé la décision du 13 septembre 2010, confirmée le 20 octobre 2010 portant exclusion de M. C…des permanences de l’unité de secours en montagne du SMUR héliporté de Modane, a condamné le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne à payer à M. C… la somme de 17 719 euros.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 14LY00108, les 16 janvier, 30 juillet 2014, et 10 février 2015, le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, représenté par MeD…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1202700 du 26 novembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C…devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de mettre à la charge de M. C…une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– la décision de ne pas intégrer M. C…au planning des interventions du SMUR héliporté ne concerne que l’une des attributions de l’intéressé ; ce dernier pouvant être affecté aux fonctions que nécessitait l’intérêt du service, elle n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;
– les insuffisances techniques et physiques qui ont conduit le docteur Albasini, chef du service, à ne plus intégrer M. C…dans le planning d’intervention du SMUR héliporté sont matériellement établies ; la seule possession du diplôme de médecine en montagne n’est pas suffisante et en l’espèce, l’inaptitude de M. C…aux activités de secours en montagne a été confirmée à plusieurs reprises ;
– l’intéressé a lui-même choisi d’effectuer moins de périodes de travail sur les plages de permanence de soins et moins de travail additionnel ; il est, lui-même, à l’origine de sa perte de rémunération ; de plus, il ne peut prétendre à une quelconque rémunération des astreintes alors qu’il était placé en position d’arrêt de travail sans interruption du 28 février 2012 au 27 février 2013 et ensuite en congés annuels et compte épargne-temps jusqu’au mois de juin 2013, date de son départ au centre hospitalier de Privas.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 avril et 25 juin 2014 et les 12 janvier et 26 mai 2015, M.C…, représenté par MeE…, conclut :
– au rejet de la requête ;
– à ce que le montant de la condamnation prononcée par le Tribunal à l’encontre du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne soit porté à la somme de 48 057 euros ;
– à ce qu’une somme de 3 600 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– la décision de le radier des plannings de l’unité fonctionnelle du SMUR routier et héliporté de Modane a nécessairement réduit ses attributions : lui faisant grief, elle est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;
– elle a été prise par une autorité incompétente ;
– elle n’a pas été précédée de la communication préalable de son dossier ;
– elle repose sur des faits matériellement inexacts ;

– elle n’est pas justifiée par l’intérêt du service ;
– cette décision peut également s’analyser comme une sanction déguisée qui n’a pas respecté la procédure disciplinaire et qui est entachée de détournement de pouvoir ;
– cette éviction illégale lui a causé un préjudice financier lié à la baisse du nombre des permanences effectuées et qui s’élève, à la date du 2 février 2014, à la somme de 48 057 euros.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 14LY00109, les 28 janvier, 14 mai et 30 juillet 2014 et 10 février 2015, le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, représenté par MeD…, demande à la Cour d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution du jugement n° 1202700 du 26 novembre 2013, par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir annulé la décision du 13 septembre 2010, confirmée le 20 octobre 2010, portant exclusion de M. C…des permanences de l’unité de secours en montagne du SMUR héliporté de Modane, a condamné le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne à payer à M. C… la somme de 17 719 euros.

Il justifie de moyens sérieux de nature à entraîner, outre l’annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d’annulation et celui des conclusions indemnitaires.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 avril et 25 juin 2014 et les 12 janvier et 26 mai 2015, M. B…C…, représenté par MeE…, conclut :
– au rejet de la requête ;
– à ce que le montant de la condamnation prononcée par le Tribunal à l’encontre du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne soit porté à la somme de 48 057 euros ;
– à ce qu’une somme de 3 600 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant doivent être écartés pour les mêmes raisons que celles exposées sous le n°14LY00108.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
– les conclusions de M. Clément, rapporteur public,
– et les observations de MeA…, représentant le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, et de MeE…, représentant M.C….

1. Considérant que le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne relève appel du jugement en date du 26 novembre 2013, par lequel le tribunal administratif de Grenoble après avoir annulé la décision du 20 octobre 2010 portant exclusion du M. B…C…, praticien hospitalier, des permanences de l’unité de secours en montagne du SMUR héliporté de Modane, l’a condamné à verser à l’intéressé, la somme de 17 719 euros en réparation des préjudices subis ; que le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne demande également qu’il soit sursis à l’exécution dudit jugement ;
Sur la requête n° 14LY00108 :

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision litigieuse en date du 20 octobre 2010 que la suspension de la participation de M. C…aux permanences de l’unité de secours en montagne du SMUR héliporté de Modane est motivée par les insuffisances physique et techniques de l’intéressé aux activités de secours en montagne ; que ces insuffisances ressortent notamment d’une attestation en date du 10 janvier 2014, produite en appel, établie par un gendarme du peloton de gendarmerie de haute montagne de Modane qui a été chargé de l’instruction en montagne des médecins du SMUR héliporté de Modane, à compter de 2008 ; que cette attestation indique que lors de l’encadrement de ces formations en montagne, il a été constaté  » le faible niveau physique et technique du docteur Hubert C…entre 2008 et 2010 (…), puis en 2011 « , qu’aucune progression physique n’a pu être notée au cours de ces quatre années, qu' » il était toujours le dernier, en montée comme en descente « , qu’il a été vu en situation de panique lors des manoeuvres de treuillage en hélicoptère et que  » son matériel n’était pas adapté, pas préparé, ou pas réglé, voire absent  » ; que M. C…produit de nombreuses attestations de proches et de sportifs professionnels concernant sa pratique régulière du ski, de la course à pied, du vélo et de la natation, la copie d’un livret de suivi de formation pour le ski de randonnée et les techniques de survie en conditions hivernales mentionnant son autonomie physique et technique, plusieurs attestations relatives aux bonnes relations entretenues avec les sapeurs-pompiers intervenant régulièrement avec le SMUR, ainsi que plusieurs factures attestant qu’il achète régulièrement des vêtements et du matériel adaptés aux activités de montagne ; que toutefois, ces documents ne permettent pas d’établir qu’il justifierait du niveau physique et technique qu’exigent les opérations spécifiques de secours en montagne ; que, par suite, c’est à tort que, pour annuler la décision en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce qu’elle reposerait sur des faits qui ne seraient pas matériellement établis ;

3. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. C…tant devant le tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;

4. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que par une décision en date du 1er septembre 2010, le docteur Perrot, chef de pôle Urgences et Plateaux techniques du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne a délégué au docteur Albasini, responsable de l’unité médicale Urgences/SMUR,  » l’élaboration des tableaux de service et permanence de soins à transmettre chaque mois avant le 20 du mois à la Direction pour validation  » ; qu’il ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire qu’une telle délégation devait faire l’objet d’une publication ou d’un affichage particulier ; que, par suite, M. C…n’est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse aurait été prise par une autorité incompétente ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les insuffisances physiques et techniques qui ont justifié, ainsi qu’il a été dit précédemment, l’exclusion de M. C…de la participation aux opérations de secours en montagne étaient de nature à créer une situation préjudiciable à la sécurité de l’intéressé et au bon fonctionnement du service ; que dans ces conditions, l’administration n’a pas, contrairement à ce qui est soutenu, fait une inexacte appréciation des circonstances de l’espèce en estimant que l’intérêt du service exigeait son changement d’affectation ; qu’ainsi, la mesure dont M. C…a été l’objet ne présentait pas, dans les conditions où elle est intervenue le caractère d’une sanction disciplinaire, mais constituait une mesure prononcée dans l’intérêt du service ; que les moyens dirigés contre cette décision en tant qu’elle constituerait une sanction disciplinaire déguisée, et tirés de l’irrégularité de la procédure, et du détournement de pouvoir sont, par suite, inopérants ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 qu’un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier ; que la décision attaquée fondée notamment sur les insuffisances physiques et techniques de M. C…pour participer aux opérations de secours en montagne doit être regardée comme ayant été prise en considération de la personne de l’intéressé et ce dernier devait être mis à même de demander la communication de son dossier en temps utile ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. C…a été informé verbalement, le 13 septembre 2010 de l’intention de l’administration de l’exclure des opérations de secours en montagne ; qu’avant l’intervention de la décision litigieuse en date du 20 octobre 2010, il a disposé d’un délai suffisant pour demander la communication de son dossier ; qu’ainsi, et alors même qu’il n’aurait pas été informé de la possibilité d’une telle communication, M. C…a été mis à même de présenter une demande en ce sens ; que ce moyen doit donc être écarté ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées en défense, que M. C…n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 20 octobre 2010 l’excluant des permanences de l’unité de secours en montagne du SMUR héliporté de Modane ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu’il soit indemnisé des dommages qui résulteraient pour lui de la prétendue illégalité de cette décision ne peuvent qu’être rejetées ; que le présent arrêt qui rejette les conclusions du requérant n’appelle aucune mesure d’exécution ; que ses conclusions à fin d’injonction doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur la requête n° 14LY00109 :

8. Considérant que, dès lors qu’il est statué au fond sur les conclusions à fin d’annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce que la Cour prononce le sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. C…la somme que le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. C…soient mises à la charge du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, qui n’est pas la partie perdante ;
DECIDE
Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur la requête n° 14LY00109.
Article 2 : Le jugement n° 1202700 rendu le 26 novembre 2013 par le tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. C…devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne et par M. C…sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne et à M. B… C….
Délibéré après l’audience du 2 juin 2015 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2015.

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6
Nos 14LY00108, 14LY00109

Bail emphytéotique sur le domaine skiable/ Intérêt à agir/ Consultation de France Domaine

CAA de LYON

N° 14LY00486
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
Mme COURRET, président
Mme Pascale DECHE, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
SELARL KAMS, avocat
lecture du mardi 7 juillet 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D’une part, la commune de Saint-Bon-Tarentaise a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited, ainsi que la décision du maire de signer ce bail.

D’autre part, le préfet de la Savoie a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited.

Par un jugement n° 1301130-1302443 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération précitée du 4 janvier 2013 ainsi que la décision du maire de Bozel de signer le bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited.
Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 14LY00486, le 20 février 2014, et des mémoires, enregistrés les 18 avril et 26 juin 2014, la société Sun Alpes Limited, représentée par la SELARL Kams, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 1301130-1302443 du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la commune de Saint-Bon-Tarentaise et par le préfet de la Savoie devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Bon-Tarentaise et de l’Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement est irrégulier en ce que le sens des conclusions mis en ligne était trop imprécis pour permettre aux parties d’en discuter le contenu lors de l’audience publique ;
– le jugement est également irrégulier en ce que les premiers juges ont méconnu leur office en omettant d’examiner si les conditions posées par la jurisprudence Danthony étaient remplies ;
– les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision en ce qui concerne l’absence d’intérêt à agir de la commune de Saint-Bon-Tarentaise ;
– les stipulations du bail consenti n’étant manifestement pas de nature à léser la commune de Saint-Bon-Tarentaise dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine, le Tribunal aurait du écarter sa demande comme irrecevable ;
– les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales n’étaient pas applicables au cas présent dés lors que le bail emphytéotique n’emporte pas de cession de droits réels immobiliers ;
– France Domaine a été régulièrement consulté ; en tout état de cause, l’avis de France Domaine n’a privé les intéressés d’aucune garantie puisque le projet de bail a été soumis à l’examen des conseillers municipaux, qui ont pu se prononcer en toute connaissance de cause sur les éléments essentiels du bail emphytéotique ; en outre, le vice invoqué n’a eu aucune influence sur le sens de la décision dans la mesure où l’avis de France Domaine est un avis simple ; enfin, c’est à bon droit que la commune de Bozel n’a pas sollicité un autre avis de France Domaine, compte tenu du fait que le bail avait une durée de vingt ans et donc ne pouvait être assimilé à une cession de droits réels immobiliers ;
– saisie de l’effet dévolutif de l’appel, la Cour pourra confirmer le rejet des conclusions à fin d’injonction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2014, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– le bail emphytéotique litigieux est de droit commun, tel que défini par les dispositions des articles L. 451-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et emporte une véritable cession de droits immobiliers au bénéfice du preneur qui peut lui-même le céder ;
– les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales sont applicables au litige et l’avis du service France Domaine est requis ; en l’espèce, les éléments transmis par la commune à ce service étaient manifestement insuffisants, voire erronés pour certains ; dans ces conditions, les dispositions de cet article, et par suite celles de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2014, la commune de Saint-Bon-Tarentaise, représentée par Me A…conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Sun Alpes Limited en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
– le sens des conclusions du rapporteur public mis en ligne était suffisamment renseigné et les dispositions de l’article R. 711-3 du code de justice administrative n’ont pas été méconnues ;
– le Tribunal n’a pas méconnu son office dès lors qu’en relevant que les différences substantielles existant entre le projet de bail soumis pour avis au directeur départemental des finances publiques et le projet de bail signé, il a exactement recherché si les conditions de saisine de cette autorité ont pu exercer une influence sur le sens de la décision attaquée, au sens de la jurisprudence Danthony ;
– en sa qualité d’autorité organisatrice des remontées mécaniques et dès lors que les projets de construction envisagés par la société Sun Alpes Limited sur les terrains litigieux sont susceptibles d’affecter l’aménagement et l’exploitation du domaine skiable, et qu’elle bénéficie d’une servitude de passage des pistes, elle justifie d’un intérêt à agir propre ;
– les dispositions de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime indiquent clairement que la conclusion du bail emphytéotique emporte cession d’un droit réel immobilier ; ces dispositions ne distinguent pas si le droit réel conféré au preneur résulte d’un bail passé pour une durée courte ou longue ; enfin, la circonstance que le préfet des Hautes-Alpes ne citerait pas le bail emphytéotique dans la liste des opérations immobilières soumises à l’avis du service des domaines aux termes d’une circulaire du 11 mars 2009 est sans influence ; les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales étaient applicables en l’espèce ;
– les conditions et les caractéristiques essentielles du projet de bail ont été considérablement modifiées entre l’avis rendu par France Domaine et la délibération litigieuse ; en outre, le loyer fixé à 10 000 euros constitue une libéralité consentie à une société commerciale, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales ; les conseillers municipaux ont été clairement privés de la garantie de disposer d’une information suffisante pour délibérer et l’avis rendu a exercé une influence sur le sens de leur vote.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 14LY00487 le 20 février 2014, la commune de Bozel, représentée par MeB…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 13001130-13002443 du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la commune de Saint-Bon-Tarentaise et par le préfet de la Savoie devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Bon-Tarentaise et de l’Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la conclusion du bail litigieux ne modifie en rien la situation juridique des terrains et les possibilités de la commune de Saint-Bon-Tarentaise d’aménager et d’exploiter le domaine skiable ; la commune de Saint-Bon-Tarentaise ne justifie d’aucun intérêt à agir à l’encontre des décisions litigieuses ;
– un bail emphytéotique ne conduit pas à la cession de droits réels ; l’acte litigieux ne comportant pas cession de droits réels, ne rentrait pas dans la compétence du service des domaines ; les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales n’ont pas été méconnues ; de même, une telle circonstance ne saurait démontrer de facto, la méconnaissance des dispositions de l’article L. 2231-31 du même code ;
– le conseil municipal disposait d’une information complète concernant le contrat envisagé ; en outre l’accomplissement de la formalité de consultation de France Domaine qui n’était pas requise n’a pas pu modifier le sens du vote.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2014, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
– le bail emphytéotique litigieux est de droit commun, tel que défini par les dispositions des articles L. 451-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et emporte une véritable cession de droits immobiliers au bénéfice du preneur qui peut lui-même le céder ;
– les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales sont applicables au litige et l’avis du service France Domaine est requis ; en l’espèce, les éléments transmis par la commune à ce service étaient manifestement insuffisants, voire erronés pour certains ; dans ces conditions, les dispositions de cet article, et par suite celles de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2014, la commune de Saint-Bon-Tarentaise, représentée par Me A…conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Bozel en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement attaqué est suffisamment motivé;
– le sens des conclusions du rapporteur public mis en ligne était suffisamment renseigné et les dispositions de l’article R. 711-3 du code de justice administrative n’ont pas été méconnues ;
– le Tribunal n’a pas méconnu son office dès lors qu’en relevant que les différences substantielles existant entre le projet de bail soumis pour avis au directeur départemental des finances publiques et le projet de bail signé, il a exactement recherché si les conditions de saisine de cette autorité ont pu exercé une influence sur le sens de la décision attaquée, au sens de la jurisprudence Danthony ;
– en sa qualité d’autorité organisatrice des remontées mécaniques et dès lors que les projets de construction envisagés par la société Sun Alpes Limited sur les terrains litigieux sont susceptibles d’affecter l’aménagement et l’exploitation du domaine skiable, elle justifie d’un intérêt à agir propre ;
– les dispositions de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime indiquent clairement que la conclusion du bail emphytéotique emporte cession d’un droit réel immobilier ; ces dispositions ne distinguent pas si le droit réel conféré au preneur résulte d’un bail passé pour une durée courte ou longue ; enfin, la circonstance que le préfet des Hautes-Alpes ne citerait pas le bail emphytéotique dans la liste des opérations immobilières soumises à l’avis du service des domaines aux termes d’une circulaire du 11 mars 2009 est sans influence ; les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales étaient applicables en l’espèce ;
– les conditions et les caractéristiques essentielles du projet de bail ont été considérablement modifiées entre l’avis rendu par France Domaine et la délibération litigieuse ; en outre, le loyer fixé à 10 000 euros constitue une libéralité consentie à une société commerciale, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales ; les conseillers municipaux ont été clairement privés de la garantie de disposer d’une information suffisante pour délibérer et l’avis rendu a exercé une influence sur le sens de leur vote.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
– les conclusions de M. Clément, rapporteur public,
– et les observations de MeC…, représentant la société Sun Alpes Limited.

1. Considérant que les requêtes susvisées concernent un même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un même arrêt ;

2. Considérant que la société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel relèvent appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited, ainsi que la décision du maire de signer ce bail ;

Sur la régularité du jugement :
3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 711-3 du code de justice administrative :  » Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne.  » ; que la communication aux parties du sens des conclusions a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré ; qu’en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;

4. Considérant, par ailleurs, que, pour l’application de l’article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu’appelle, selon lui, le litige, et notamment d’indiquer, lorsqu’il propose le rejet de la requête, s’il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu’il conclut à l’annulation d’une décision, les moyens qu’il propose d’accueillir ; que la communication de ces informations n’est toutefois pas prescrite à peine d’irrégularité de la décision ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le rapporteur public a fait connaître plus de deux jours avant l’audience qu’il entendait conclure à l' » annulation de la décision attaquée pour méconnaissance de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales  » et au  » rejet du surplus « ; que ces mentions qui précisent notamment le moyen retenu pour annuler la décision litigieuse ne méconnaissent pas, les exigences résultant de l’article R. 711-3 du code de justice administrative précité ;

6. Considérant, en second lieu, que le tribunal administratif de Grenoble, qui a jugé que les projets de construction que la société Sun Alpes Limited envisageait de réaliser sur les terrains faisant l’objet du bail emphytéotique sont susceptibles d’affecter l’aménagement et l’exploitation du domaine skiable de la commune de Saint-Bon-Tarentaise et que, compte tenu de la nature de cette opération, de la superficie et de la localisation des terrains en cause, la commune de Saint-Bon-Tarentaise avait intérêt à agir du fait de sa qualité d’autorité organisatrice du service public des remontées mécaniques, indépendamment des compétences qui lui sont dévolues pour l’édiction et l’application de la réglementation d’urbanisme a clairement précisé les motifs pour lesquels il considérait que la commune de Saint-Bon-Tarentaise justifiait d’un intérêt à agir à l’encontre des décisions litigieuses ; qu’ainsi, le tribunal administratif, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments exposés devant lui, a suffisamment motivé son jugement ;

Sur la recevabilité de la demande de la commune de Saint-Bon-Tarentaise :

7. Considérant que le bail dont la signature a été autorisée par la délibération du 4 janvier 2013 a notamment pour objet de permettre à la société Sun Alpes Limited de réaliser des constructions sur des terrains appartenant à la commune de Bozel, mais situés sur le territoire de la commune Saint-Bon-Tarentaise et à l’intérieur du périmètre de la concession d’aménagement des pistes et des remontées mécaniques de Courchevel 1650, conclue entre cette commune et la société des Trois vallées ; qu’il est constant que la commune de Saint-Bon-Tarentaise dispose de la qualité d’autorité organisatrice des remontées mécaniques situées sur les terrains litigieux ; que cette dernière fait valoir, sans être contredite, que la réalisation de constructions sur ces terrains risque de contrevenir gravement à la réalisation des projets d’aménagement de pistes et de réalisation de deux nouvelles remontées mécaniques qu’elle a confiée à la société des Trois vallées ; que, dans ces conditions, la commune de Saint-Bon-Tarentaise justifie d’un intérêt à agir à l’encontre de la délibération du 4 janvier 2013, qui a des conséquences suffisamment directes sur son activité ; que la circonstance qu’elle serait compétente pour l’édiction et l’application de la règlementation d’urbanisme sur cette zone, est sans incidence sur son intérêt à agir, dès lors que, pour autant, elle ne saurait se désintéresser de sa compétence d’autorité organisatrice des remontées mécaniques ; qu’enfin, il ressort des pièces du dossier que la commune de Saint-Bon-Tarentaise dispose de servitudes de passage sur les parcelles litigieuses données à bail ; qu’elle justifie également, à ce titre, d’un intérêt à agir à l’encontre de la délibération du 4 janvier 2013 ;
Sur la légalité des décisions attaquées :

8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime applicable au litige :  » Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction.  » ; qu’aux termes de l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors en vigueur :  » Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l’objet d’un bail emphytéotique prévu à l’article L. 451-1 du code rural, en vue de l’accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d’une mission de service public ou en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence (…).  » ; qu’aux termes de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales :  » (…) Toute cession d’immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vue de l’avis de l’autorité compétente de l’Etat. Cet avis est réputé donné à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la saisine de cette autorité.  » ;
9. Considérant, en premier lieu, qu’il est constant que la délibération litigieuse a pour objet d’autoriser la signature avec la société Sun Alpes Limited, d’un bail emphytéotique au sens des dispositions précitées de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime ; qu’en application de ces dispositions, la conclusion d’un tel bail a pour effet de créer un droit réel au profit de l’emphytéote, dès sa signature ; que, dans ces conditions, le bail litigieux doit être regardé comme tendant à la cession d’un droit réel immobilier ; que par suite, et en application des dispositions précitées de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales, la délibération litigieuse ayant pour objet d’autoriser une telle cession ne pouvait être prise qu’après l’avis de l’autorité compétente de l’Etat, soit en l’espèce, France Domaine ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, que par un courrier en date du 14 septembre 2012, le maire de la commune avait saisi France Domaine d’une demande d’avis concernant un projet de bail emphytéotique, d’une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans concernant seize parcelles dont elle était propriétaire, mais situées sur la commune de Sain-Bon-Tarentaise, pour une surface proche de deux cents hectares ; que toutefois, il est constant que le projet de bail litigieux finalement soumis à l’approbation du conseil municipal portait sur une durée réduite à vingt ans et ne concernait qu’une surface de soixante-huit hectares comprenant quatre parcelles dont deux seulement avaient été soumises à l’avis de Domaine France ; qu’eu égard aux modifications substantielles du projet en cause qui justifiaient que France Domaine fut de nouveau saisi pour avis, et en l’absence d’une telle saisine, cette autorité ne peut être regardée comme ayant été régulièrement consultée ; que par suite, la délibération litigieuse a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ;
11. Considérant, en dernier lieu, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s’il a privé les intéressés d’une garantie ;

12. Considérant que la consultation du service des domaines préalablement à la cession par une commune de plus de 2 000 habitants d’immeubles ou de droits immobiliers constitue une garantie tant pour cette dernière que pour le preneur ; que le défaut de saisine de France Domaine concernant le projet de bail litigieux, devant être regardé comme ayant privé les intéressés d’une garantie, cette irrégularité est de nature à entacher la légalité de la délibération du 4 janvier 2013 ; que, dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que pour ce motif, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ladite délibération et par suite, la décision du maire de la commune de Bozel de signer ledit bail ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges, qui n’ont pas méconnu leur office, ont annulé la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited, ainsi que la décision du maire de signer ce bail ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant, en premier lieu, que la commune de Saint-Bon-Tarentaise et l’Etat n’étant pas parties perdantes dans les présentes instances, il ne peut être fait droit aux conclusions présentées par la société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

15. Considérant, en second lieu, qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Sun Alpes Limited et de la commune de Bozel une somme de 1 500 euros, pour chacune, au titre des frais exposés par la commune de Saint-Bon-Tarentaise et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de la société Sun Alpes Limited et de la commune de Bozel sont rejetées.
Article 2 : La société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel verseront, chacune, la somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Bon-Tarentaise au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sun Alpes Limited, à la commune de Bozel, à la commune de Saint-Bon-Tarentaise et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l’audience du 16 juin 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Courret, présidente de la formation de jugement,
Mme Dèche, premier conseiller,
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juillet 2015.

Exploitants de domaines skiables/ Aides publiques/ Remboursement/ Prescription

CAA de MARSEILLE

N° 13MA05111
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre – formation à 3
M. GUERRIVE, président
Mme Florence HERY, rapporteur
Mme FELMY, rapporteur public
CABINET CHRISTIAN BOITEL, avocat

lecture du lundi 18 mai 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2013 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille, sous le n° 13MA05111 présentée pour la société d’aménagement du Cheiron, dont le siège est route de Draguignan au Tignet (06530), par MeB… ;

La société d’aménagement du Cheiron demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n°s 1102983 et 1102984 du 25 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l’annulation des titres exécutoires du 17 juin 2011 par lesquels le département des Alpes-Maritimes a mis à sa charge les sommes respectives de 198 183,72 euros et 9 914,62 euros ;

2°) d’annuler les titres exécutoires du 17 juin 2011 ;

3°) de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

– le titre exécutoire n° 8490 est insuffisamment motivé en tant qu’il ne précise pas le mode de calcul des intérêts ;

– la créance présente un caractère contestable, dès lors que la commune de Gréolières est substituée à la société d’aménagement du Cheiron dans les contrats conclus par celle-ci du fait de la résiliation de la convention de concession le 8 novembre 2002 ; aux termes de ces statuts, le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l’Audibergue est lui-même substitué aux obligations de la commune ;

– la créance est prescrite ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2014 présenté par le payeur départemental des Alpes-Maritimes qui conclut à sa mise hors de cause ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2015, présenté pour le département des Alpes-Maritimes par MeC… ;

Le département des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner la société d’aménagement du Cheiron à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

– le titre exécutoire comporte l’indication précise de la nature de la créance et des bases de sa liquidation ;

– la société d’aménagement du Cheiron, qui a été bénéficiaire de l’aide versée par le département, s’est engagée par convention à rembourser cette aide ; elle ne peut exciper de l’existence d’autres contentieux administratifs pour contester le caractère exigible de cette créance ; la commune de Gréolières et le SMGA ne sauraient être redevables de cette créance ;

– aucun comportement fautif ou déloyal ne peut lui être reproché ;

– la créance n’est pas prescrite ;

Vu, enregistré le 19 avril 2015, le mémoire en réplique présenté pour la société d’aménagement du Cheiron qui persiste dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 23 avril 2015 :

– le rapport de Mme Héry, rapporteur,

– les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

– et les observations de Me A…pour la société d’aménagement du Cheiron et de Me C…pour le département des Alpes-Maritimes ;

Après avoir pris connaissance des notes en délibéré produites le 24 avril 2015 pour le département des Alpes-Maritimes par Me C…et le 29 avril 2015 pour la société d’aménagement du Cheiron par Me A…;

1. Considérant que par une convention de délégation de service public conclue le 30 mai 1986, la commune de Gréolières a concédé à la société d’aménagement du Cheiron la réalisation et l’exploitation d’équipements de sports d’hiver ; que, suite au manque d’enneigement dans le massif des Alpes du Sud, la société d’aménagement du Cheiron a bénéficié en 2001 d’une aide exceptionnelle de 2 600 000 francs versée pour moitié par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et pour l’autre moitié par le département des Alpes-Maritimes ; que la convention tripartite signée à cette fin le 5 janvier 2001 prévoit que cette aide est remboursable moyennant un taux d’intérêt annuel de 1 %, la société d’aménagement du Cheiron s’engageant à effectuer ce remboursement dans un délai de cinq ans à compter de son versement ; que la société d’aménagement du Cheiron relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l’annulation des titres exécutoires du 17 juin 2011 émis par le département des Alpes-Maritimes pour paiement des sommes respectives de 198 183,72 euros et 9 914,62 euros correspondant, pour le premier, au remboursement de l’aide ainsi versée et, pour le second, aux intérêts ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que la société d’aménagement du Cheiron soutient que le titre exécutoire n° 8490 est insuffisamment motivé, comme ne comportant pas le mode de calcul des intérêts ; que ce titre exécutoire mentionne  » remboursement intérêts avance 1 300 000 F – convention du 05/01/2001 art.4  » ; que la convention précitée dispose que la somme remboursable sera assortie d’intérêts au taux annuel de 1 % ; que le mode de calcul de ces intérêts ne pose pas de difficultés d’appréciation sur la date de départ desdits intérêts et sur le taux applicable ; que, par suite, ce titre exécutoire est suffisamment motivé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que la société d’aménagement du Cheiron soutient qu’elle ne saurait être tenue pour débitrice de la créance du département des Alpes-Maritimes du fait de la résiliation le 8 novembre 2002 de la convention la liant avec la commune de Gréolières ;

4. Considérant, sans préjudice des dispositions législatives applicables notamment en matière de transfert de contrat de travail, qu’en cas de résiliation d’un contrat portant exécution d’un service public, quel qu’en soit le motif, la personne publique, à laquelle il appartient de garantir la continuité du service public et son bon fonctionnement, se substitue de plein droit à son ancien cocontractant pour l’exécution des contrats conclus avec les usagers ou avec d’autres tiers pour l’exécution même du service ; qu’il n’en va toutefois ainsi que si les contrats en cause ne comportent pas d’engagements anormalement pris, c’est-à-dire des engagements qu’une interprétation raisonnable du contrat relatif à l’exécution d’un service public ne permettait pas de prendre au regard notamment de leur objet, de leurs conditions d’exécution ou de leur durée, à moins que, dans ce cas, la personne publique n’ait donné, dans le respect de la réglementation applicable, son accord à leur conclusion ; que, pour l’application de ces règles, la substitution de la personne publique n’emporte pas le transfert des dettes et créances nées de l’exécution antérieure des contrats conclus par l’ancien cocontractant de la personne publique, qu’il s’agisse des contrats conclus avec les usagers du service public ou de ceux conclus avec les autres tiers ;

5. Considérant qu’il ressort des termes de la convention précitée du 5 janvier 2001 que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le département des Alpes-Maritimes ont décidé, par délibérations respectives des 27 mars et 30 mai 2000 pour ce qui concerne la région et des 13 avril et 30 juin 2000 pour le département, d’instituer un dispositif d’aide financière aux entreprises en difficulté et aux exploitants des remontées mécaniques des stations de ski des Alpes du Sud en raison d’un manque d’enneigement exceptionnel durant la saison hivernale 1999-2000 préjudiciable à l’activité des stations de ski ; qu’ainsi, cette aide visait à assurer l’équilibre financier du délégataire et ne relevait pas de l’exécution du service ; que, par suite, ni la commune de Gréolières ni a fortiori le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l’Audibergue ne sauraient être regardés comme s’étant substitués à la société d’aménagement du Cheiron dans l’engagement contracté par ce dernier le 5 janvier 2001 ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile :  » Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer  » ; que l’article 4 de la convention du 5 janvier 2001 dispose que la société d’aménagement du Cheiron s’engage à rembourser l’avance majorée des intérêts  » au plus tard dans un délai de 5 ans à partir de son versement  » ; que cette avance ayant été versée le 28 mars 2001, son remboursement était exigible le 29 mars 2006 ; qu’à cette date, qui constitue le fait générateur, la loi du 17 juin 2008 n’était pas applicable ; que, par conséquent, la prescription quinquennale ne doit être calculée qu’à compter du 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; qu’il en résulte que les titres exécutoires, émis le 17 juin 2011, n’étant pas prescrits, la société requérante n’est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a écarté l’exception de prescription en se fondant sur les recours formés antérieurement par cette dernière contre de précédents titres exécutoires ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu’aux termes de l’article 2277 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige :  » Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : Des salaires ;/ Des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ;/ Des loyers, des fermages et des charges locatives ;/ Des intérêts des sommes prêtées / et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts (…)  » ; que la société d’aménagement du Cheiron soutient sur le fondement de ces dispositions que l’action du département des Alpes-Maritimes est prescrite, pour ce qui concerne le titre exécutoire n° 8490, qui porte sur les intérêts ; que, toutefois, les intérêts dont il s’agit ne sont pas payables périodiquement mais uniquement au bout d’un délai de cinq ans ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société d’aménagement du Cheiron n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la société d’aménagement du Cheiron, partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département des Alpes-Maritimes ;

D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société d’aménagement du Cheiron est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département des Alpes-Maritimes tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d’aménagement du Cheiron, au département des Alpes-Maritimes et au payeur départemental des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l’audience du 23 avril 2015, où siégeaient :

– M. Guerrive, président,
– M. Marcovici, président assesseur,
– Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 mai 2015.

Mieussy/ UTN du plateau du Sommand/ Légalité

CAA de LYON

N° 13LY02045
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. RIQUIN, président
M. Jean-Pascal CHENEVEY, rapporteur
M. VALLECCHIA, rapporteur public
AZOUAGH, avocat

lecture du jeudi 18 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 14 octobre 2009 par lequel le préfet de la région Provence – Alpes – Côte d’azur a autorisé la commune de Mieussy à créer une unité touristique nouvelle sur le plateau de Sommand.

Par un jugement n° 1001253 du 30 mai 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2013 et 17 décembre 2014, la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 mai 2013 ;

2°) d’annuler cet arrêté du 14 octobre 2009 ;

3°) de condamner l’Etat et la commune de Mieussy à lui verser chacun une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– son président a été régulièrement habilité par l’assemblée générale à agir en justice, aussi bien en première instance qu’en appel ;

– contrairement à ce qu’impose l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme, le dossier ne procède pas à une analyse suffisante du milieu naturel, des caractéristiques du projet, de ses effets sur l’environnement et de son insertion ;

– le projet autorisé par l’arrêté litigieux méconnaît les dispositions du IV de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, dès lors qu’il porte atteinte aux grands équilibres naturels du plateau de Sommand et ne respecte pas la qualité des sites ;

– le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en autorisant le projet, compte tenu de l’insuffisance de l’approvisionnement en eau.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 novembre 2014 et 20 janvier 2015, la commune de Mieussy conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le président de l’association n’a pas été régulièrement habilité à agir en justice par l’assemblée générale, en première instance mais aussi en appel, la requête d’appel étant en outre irrecevable en raison de l’irrecevabilité de la demande devant le tribunal ;

– les moyens invoqués par Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2015, le ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’en l’absence de tout élément nouveau, il s’en remet aux écritures produites en première instance par le préfet de la région Provence – Alpes – Côte d’azur, ainsi qu’aux écritures en défense de la commune de Mieussy, auxquelles il souscrit.

Par une ordonnance du 22 janvier 2015, la clôture de l’instruction a été fixée au
5 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Chenevey,
– les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
– les observations de MeB…, représentant Me Azouagh, avocat de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie, et de MeA…, représentant le Cabinet Philippe Petit et associés, avocat de la commune de Mieussy ;

1. Considérant que, par un jugement du 30 mai 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie tendant à l’annulation de l’arrêté du 14 octobre 2009, par lequel le préfet de la région Provence – Alpes – Côte d’azur a autorisé la commune de Mieussy à créer une unité touristique nouvelle sur le plateau de Sommand, en vue de la création de 1 170 lits touristiques, pour une surface hors oeuvre nette de 15 100 m², outre 2 400 m² de surface hors oeuvre nette pour des commerces et des équipements de loisirs ; que cette fédération relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 145-9 code de l’urbanisme :  » Est considérée comme unité touristique nouvelle toute opération de développement touristique, en zone de montagne, ayant pour objet ou pour effet, en une ou plusieurs tranches : / 1° (…) de construire des surfaces destinées à l’hébergement touristique ou de créer un équipement touristique comprenant des surfaces de plancher ; / (…)  » ;
3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme :  » La demande est accompagnée d’un dossier comportant un rapport et des documents graphiques précisant : / 1° L’état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l’historique de l’enneigement local, l’état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale ; / 2° Les caractéristiques principales du projet et, notamment, de la demande à satisfaire, des modes d’exploitation et de promotion des hébergements et des équipements, ainsi que, lorsque le projet porte sur la création ou l’extension de remontées mécaniques, les caractéristiques du domaine skiable, faisant apparaître les pistes nouvelles susceptibles d’être créées ; / 3° Les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour les prévenir ; / 4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l’économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l’environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir, et l’estimation de leur coût ; / 5° Les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet.  » ;

4. Considérant que le dossier de création de l’unité touristique nouvelle en litige comporte en particulier une description des milieux naturels, du site et de son environnement, et notamment de la tourbière de Sommand, qui fait l’objet d’un arrêté préfectoral de protection de biotope, et du site Natura 2000 du Roc d’Enfer, dont fait partie cette tourbière, analyse les incidences prévisibles du projet sur ces milieux et le site et expose les mesures de réduction et de compensation prévues ; que si la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie fait néanmoins valoir que le dossier ne comporte aucune cartographie des habitats communautaires et aucune esquisse des réseaux écologiques et que l’analyse des modalités de fonctionnement écologiques et des objectifs de conservation est insuffisante, de même que l’évaluation globale de l’évolution des habitats et espèces communautaires du site sans intervention particulière, elle n’indique pas quel manquement précis le dossier comporterait sur ces différents points, qui serait susceptible d’avoir eu pour effet de nuire à l’information complète du public ou de nature à avoir exercé une influence sur la décision de l’autorité administrative ; que si la fédération requérante fait également valoir que le torrent de Sommand est seulement cité dans le dossier, ce dernier fait apparaître que le versant du plateau de Sommand est en réalité sillonné par un ensemble de torrents et cette fédération n’apporte aucun élément pour expliquer en quoi il aurait été nécessaire d’apporter plus de précisions sur ces derniers ; que, contrairement à ce que soutient enfin la requérante, le dossier comporte des développements sur la question du renforcement du dispositif de production de neige artificielle ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie, la commune de Mieussy s’est engagée, à titre de mesure compensatoire, à déplacer la gare existante de départ du téléski des Platières, qui est située dans le périmètre défini par l’arrêté précité de protection de biotope ; qu’en outre, cette mesure constitue, aux termes de l’article 2 de l’arrêté litigieux, une condition préalable de l’autorisation ;
6. Considérant, en troisième lieu, que la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie ne peut utilement faire valoir qu’il n’est pas démontré que le projet entraînera une meilleure répartition des skieurs entre les parties nord et sud de la station de Praz de Lys – Sommand et une meilleure fluidité de la pratique du ski, dès lors en effet que l’unité touristique nouvelle litigieuse n’a pour objet que la seule construction de nouveaux logements, commerces et équipements de loisirs, à l’exclusion de la restructuration du domaine skiable, qui n’est exposée dans le dossier qu’à titre informatif ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes du IV de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme :  » Le développement touristique et, en particulier, la création d’une unité touristique nouvelle doivent prendre en compte les communautés d’intérêt des collectivités locales concernées et contribuer à l’équilibre des activités économiques et de loisirs, (…). / Leur localisation, leur conception et leur réalisation doivent respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels.  » ;
8. Considérant, d’une part, que, comme indiqué précédemment, l’autorisation en litige ne concernant pas la question des remontées mécaniques, la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie ne peut utilement se prévaloir des incidences que la réalisation du télésiège de Vélard aurait sur les galliformes de montagne, et notamment le tétras lyre ; que si elle soutient également que l’urbanisation pavillonnaire projetée entraînera des pertes d’habitats, permanentes et définitives, elle n’apporte toutefois à l’appui de cet argument aucune précision particulière susceptible de permettre d’établir que le projet entraînerait des pertes d’habitats d’une importance excessive pour les galliformes de montagne ; que des mesures de compensation sont prévues pour cet ordre d’oiseaux, consistant en particulier à protéger les zones d’hivernage par des obstacles physiques pendant l’exploitation du domaine skiable, à interdire la pratique du VTT dans les zones sensibles, à installer des systèmes de visualisation des câbles sur les remontées mécaniques et à financer des actions destinées à compenser les pertes d’habitats favorables aux galliformes, ce qui permettra en particulier de poursuivre les actions de maintien des milieux ouverts déjà engagées ; que l’insuffisance alléguée de ces mesures n’est en rien démontrée ;
9. Considérant, d’autre part, que la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie soutient que les pertes des réseaux de canalisations, de l’ordre d’au moins 10 %, entraîneront une eutrophisation et diverses pollutions de la tourbière de Sommand ; que cette affirmation ne s’appuie toutefois sur aucun élément précis de démonstration, alors en outre que l’arrêté litigieux impose d’assurer la descente des eaux usées du plateau de Sommand par un collecteur étanche ; que, de même, l’affirmation selon laquelle les fondations des immeubles projetés pourraient entraîner une perturbation de la circulation des eaux souterraines, et donc modifier le fonctionnement de cette tourbière, est dénuée de tout élément de justification ; que des systèmes de récupération et de traitement des eaux de ruissellement sont prévus, dont le caractère insuffisant n’est pas établi ; qu’enfin, le dossier de la demande prévoit, avant tous travaux, afin de garantir le bon état de conservation de la tourbière de Sommand, de réaliser une étude hydrogéologique, pour définir les fonctionnements hydriques et, par suite, les dispositifs de suppression des impacts ; que, si la requérante fait valoir qu’en l’absence d’esquisse du fonctionnement hydrologique de cette tourbière et de connaissance des impacts potentiels, et donc des mesures à prendre, il existe une incertitude sur la faisabilité technique et financière de l’opération, l’arrêté litigieux conditionne l’autorisation délivrée à la réalisation préalable de ladite étude et à la mise en oeuvre effective de ses préconisations, qui devra faire l’objet d’un contrôle permanent du comité de suivi prévu par l’article 4 de l’autorisation en cause ;
10. Considérant, enfin, que le projet litigieux prévoit la connexion du réseau d’eau potable du plateau de Sommand avec celui de Matringes-Déchamp, en vue d’apporter un appoint à la ressource actuelle, qui serait à elle-seule insuffisante ; que l’arrêté contesté conditionne l’autorisation à la réalisation préalable de ce renforcement ; qu’en se bornant à se référer à un tableau estimatif figurant dans l’expertise hydrogéologique annexée au dossier de la demande, qui ne fait apparaître aucun déséquilibre manifeste entre les besoins futurs et les apports envisagés, la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie n’établit pas que, comme elle le soutient, les besoins en eau qui résulteront du projet excéderont les ressources disponibles ;
11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en délivrant l’autorisation litigieuse, le préfet de la région Provence – Alpes – Côte d’azur n’a pas méconnu l’obligation, imposée par l’article L. 145-3 IV précité du code de l’urbanisme, de respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels ;

12. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que la zone dans laquelle se situe le projet litigieux est couverte par un plan de prévention des risques naturels ; que, dans ce plan, ce projet fait l’objet d’un classement en zone de risque moyen d’effondrement karstique ; que, dans cette zone, le règlement dudit plan soumet les constructions à des mesures de précaution particulières, et notamment à la réalisation d’une étude géotechnique et hydrogéologique préalable ; qu’en se bornant à se référer à une étude réalisée le 19 juillet 2013 sur sa demande, qui ne comporte aucun élément susceptible de permettre d’établir que ces mesures seraient insuffisantes, la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie ne démontre pas que la nature géologique du sol compromettrait la réalisation du projet ;

13. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

14. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat et la commune de Mieussy, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnés à payer à la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette association le versement d’une somme de 1 500 euros au bénéfice de cette commune sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie est rejetée.
Article 2 : La Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie versera à la commune de Mieussy une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de Haute-Savoie, au ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, et à la commune de Mieussy.
Copie en sera transmise au préfet de la région Provence – Alpes – Côte d’azur.
Délibéré après l’audience du 28 avril 2015, à laquelle siégeaient :
M. Riquin, président,
M. Picard, président assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juin 2015.

Environnement/ Autorisation préfectorale de chasser le grand tétras pour la campagne 2011-2012/ Illégalité

CAA de BORDEAUX

N° 13BX02196   
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre (formation à 3)
Mme RICHER, président
M. Olivier MAUNY, rapporteur
M. NORMAND, rapporteur public
LAGIER, avocat

lecture du jeudi 4 juin 2015

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu le recours enregistré le 31 juillet 2013 et régularisé par courrier le 5 août 2013, présenté par le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1102546 du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l’arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 30 septembre 2011 autorisant la chasse du grand tétras pour la campagne 2011-2012 ;

2°) de rejeter la demande des associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées, Nature Midi-Pyrénées, et France Nature Environnement 65 ;
—————————————————————————————————————–
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 mai 2015 :

– le rapport de M. Olivier Mauny, premier conseiller ;
– les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

1. Considérant que le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie fait appel du jugement du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l’arrêté du 30 septembre 2011 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a autorisé et fixé les conditions de la chasse du grand tétras pour la campagne 2011-2012, en déterminant les quotas maximums de prélèvement par unité naturelle, et en fixant à 20 oiseaux le prélèvement départemental autorisé ;

Sur l’intervention de la fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées :

2. Considérant que la fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées, eu égard à son objet, a intérêt à l’annulation du jugement attaqué ; qu’elle a produit, par un mémoire enregistré le 17 février 2014, une copie de ses statuts ainsi qu’un extrait d’une délibération de son conseil d’administration du 3 juillet 2013 donnant mandat à son président jusqu’au 30 juin 2016 pour agir en justice  » dans toutes actions utiles et devant toutes juridictions compétentes  » ; que son intervention est donc recevable, et la fin de non-recevoir opposée par les associations France Nature Environnement 65 et France Nature Environnement Midi-Pyrénées ne peut qu’être écartée ;

Sur la légalité de l’arrêté du 30 septembre 2011 :

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 1er de la directive 2009/147/CE du parlement européen et du conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages :  » 1. La présente directive concerne la conservation de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité est applicable. Elle a pour objet la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et en réglemente l’exploitation. / 2. La présente directive s’applique aux oiseaux ainsi qu’à leurs oeufs, à leurs nids et à leurs habitats.  » ; qu’aux termes de l’article 2 de la même directive:  » Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles.  » ; que selon l’article 7 de cette directive :  » 1. En raison de leur niveau de population, de leur distribution géographique et de leur taux de reproductivité dans l’ensemble de la Communauté, les espèces énumérées à l’annexe II peuvent faire l’objet d’actes de chasse dans le cadre de la législation nationale. Les États membres veillent à ce que la chasse de ces espèces ne compromette pas les efforts de conservation entrepris dans leur aire de distribution. / (…)  » ; qu’il résulte de ces dispositions que si la chasse au grand tétras, qui figure dans la deuxième partie de l’annexe II de la directive, n’est pas interdite de manière générale et absolue sur l’ensemble du territoire national, elle doit être réglementée de manière à assurer la conservation de cette espèce protégée dans son aire naturelle de distribution et de reproduction ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 425-14 du code de l’environnement :  » Dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat, le ministre peut, après avis de la Fédération nationale des chasseurs et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, fixer le nombre maximal d’animaux qu’un chasseur est autorisé à prélever dans une période déterminée sur un territoire donné. Dans les mêmes conditions, le préfet peut, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, fixer le nombre maximal d’animaux qu’un chasseur ou un groupe de chasseurs est autorisé à prélever dans une période déterminée sur un territoire donné. Ces dispositions prennent en compte les orientations du schéma départemental de gestion cynégétique.  » ;

5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées que le préfet des Hautes-Pyrénées pouvait, pendant la campagne de chasse 2011-2012, autoriser les chasseurs à chasser des grands tétras, dans la mesure seulement où le nombre maximal des individus chassés permettait de ne pas compromettre les efforts de conservation entrepris dans l’aire de distribution de cette espèce, c’est-à-dire en l’occurrence dans les Pyrénées ; que tel n’est pas le cas, en revanche, lorsque ces efforts de conservation ne suffisent pas à empêcher une diminution sensible des effectifs de grands tétras, dès lors qu’une telle diminution est susceptible de conduire, à terme, à la disparition de l’espèce ;

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la population globale de grands tétras, a connu, au plan national et sur l’ensemble de la chaîne des Pyrénées, qui accueille la population la plus importante de grands tétras vivant en France, une réduction importante de ses effectifs, de l’ordre de 60 % entre 1960 et 1994 et de 25 % entre 1995 et 2005 s’agissant des Pyrénées ; que le document intitulé  » stratégie nationale d’actions en faveur du grand tétras 2012-2021 « , édité par le ministère de l’ écologie, du développement durable, des transports et du logement, relève que si les effectifs de coqs de grands tétras ont stagné de 2003 à 2006, la tendance à la baisse des effectifs de cette espèce est de nouveau observée, de manière continue, à partir de 2007 ; qu’il ressort, également, des indicateurs établis par l’observatoire des galliformes de montagne pour 2011 que les effectifs de coqs, lesquels servent à déterminer la population totale de grands tétras, ont enregistré pour la zone du piémont central une baisse comprise entre 58 et 25 % pour la période 2000-2011, et entre 45 et 6 % pour la période 2005-2011 ; que sur la même zone, l’indice de reproduction de 1,3 correspond à une reproduction moyenne ; que sur la zone de la haute chaîne centrale, les indicateurs de tendance font état d’une baisse comprise entre 38 et 13 % pour la période 2000-2011, et entre 33 et 8 % pour la période 2005-2011, avec un indice de reproduction de 1 représentant la limite basse d’une reproduction moyenne ; qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que la population des grands tétras aurait connu une inversion de cette tendance à la baisse pour l’année 2011/2012, dans le département des Hautes-Pyrénées et dans les zones du Piémont et de la haute chaîne centrale ; que si le ministre fait valoir que la régression serait maîtrisée, les chiffres dont il se prévaut, relatifs à l’année 2010, font état d’une diminution de la population à l’échelle des Pyrénées, mais aussi d’une diminution, ou d’une stagnation des effectifs après une diminution marquée en 2007, selon les unités naturelles du département ; qu’il en résulte que, nonobstant les efforts de préservation de la population et de l’habitat du grands tétras et les conditions restrictives imposées dans l’arrêté pour sa chasse, les actions de conservation entreprises risquent d’être compromises par des prélèvements supplémentaires ; que, par suite, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l’autorisation donnée par le préfet de prélèvement d’un nombre même limité de grand tétras était de nature à compromettre l’objectif de conservation de cette espèce dans son aire de distribution ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l’arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 30 septembre 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par les associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées et France Nature Environnement 65, et non compris dans les dépens ;

9. Considérant en revanche que les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par la fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées, qui n’est pas une partie à l’instance, ne peuvent qu’être rejetées ;
DECIDE
Article 1er : L’intervention de la fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées est admise.
Article 2 : La requête du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie est rejetée.
Article 3 : L’Etat versera aux associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées et France Nature Environnement 65 la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 13BX02196

Urbanisme en montagne/ Projet contraire à la DTA Alpes-Maritimes

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 13MA01586   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. d’HERVE, président
Mme Jeanette FEMENIA, rapporteur
M. SALVAGE, rapporteur public
SELARL PLENOT-SUARES-BLANCO-ORLANDINI, avocat

lecture du lundi 1 juin 2015

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B…a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler l’arrêté en date du 1er juillet 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d’une maison d’habitation avec piscine et d’enjoindre à l’administration de ré-instruire sa demande de permis de construire dans un délai d’un mois suivant le jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1004661 du 18 février 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de MmeB….

Procédure devant la cour administrative d’appel :

Par une requête enregistrée au greffe de la cour le 18 avril 2013, MmeB…, représentée par MeC…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du 18 février 2013 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d’annuler l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er juillet 2010 ;

3°) d’enjoindre à l’administration d’instruire à nouveau sa demande de permis de construire dans le mois suivant l’arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le projet ne méconnaît pas l’article L. 145-3-III du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2015, la ministre du logement et de l’égalité des territoires conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Un courrier du 02 décembre 2014 adressé aux parties en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et a indiqué la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article R. 613-1 et le dernier alinéa de l’article R. 613-2.

Vu :
– le jugement et la décision attaqués ;
– les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience par un avis d’audience adressé le 24 avril 2015 portant clôture d’instruction immédiate en application des dispositions de l’article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Féménia, première conseillère ;

– les conclusions de M. Salvage, rapporteur public ;

– et les observations de Me D…représentant MmeB… ;

1. Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de Mme B…tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 1er juillet 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d’habitation avec piscine sur une parcelle cadastrée section C n° 577, sise lieudit Les Cials sur le territoire de la commune de Bouson, classée en zone de montagne ; que Mme B…relève appel de ce jugement en soutenant que son projet respecte les dispositions de l’article L. 145-3-III du code de l’urbanisme, dès lors qu’il s’insère au sein d’un groupe de constructions au sens de ces dispositions ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant qu’en application de l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme, les directives territoriales d’aménagement peuvent préciser les modalités d’application des articles L. 145-1 et suivants sur les zones de montagne et s’appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées ; que ces dispositions sont reprises au premier alinéa de l’article L. 145-2, selon lequel les directives territoriales d’aménagement précisant les modalités d’application des dispositions du présent chapitre ou, en leur absence, lesdites dispositions sont applicables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux ou constructions ;

3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’il appartient à l’autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d’autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol mentionnée à l’article L. 145-2 du code de l’urbanisme, de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l’urbanisme particulières aux zones de montagne ; que, dans le cas où le territoire de la commune est couvert par une directive territoriale d’aménagement définie à l’article L. 111-1-1 du même code, ou par un document en tenant lieu, cette conformité doit s’apprécier au regard des éventuelles prescriptions édictées par ce document d’urbanisme, sous réserve que les dispositions qu’il comporte sur les modalités d’application des dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de l’urbanisme soient, d’une part, suffisamment précises et, d’autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 145-3-III du code de l’urbanisme  » (…) / III- Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. (…)  » ; que si l’article L. 145-3-III autorise les constructions en continuité d’un habitat groupé, c’est à la condition que les constructions à usage d’habitation qui le composent soient suffisamment proches les unes des autres pour former un ensemble homogène en continuité duquel peut venir s’insérer une construction nouvelle ;

5. Considérant, d’une part, que la directive territoriale d’aménagement (DTA) des Alpes-Maritimes dans sa rédaction du 2 décembre 2003 postérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-590 du 3 juillet 2003, prescrit que peuvent être densifiés ou étendus sous conditions les secteurs urbains constitués qui sont identifiés sur une carte, comprenant un nombre significatif de maisons très proches les unes des autres et qui sont méthodologiquement révélés par la conjonction d’au moins 5 cercles concentriques sécants de 25 mètres de rayon autour de chacune de ces constructions, sans que cette méthode de détermination puisse revêtir une quelconque portée normative ; que cette même DTA prescrit, d’autre part, que dans le cas où l’extension de l’urbanisation ne peut se réaliser en continuité d’un secteur urbain constitué, elle pourra éventuellement se réaliser dans les conditions prévues au b) du quatrième alinéa de l’article L. 145-3-III, c’est à dire sous forme de hameau ou de groupes d’habitations nouveaux intégrés à l’environnement ou, à titre exceptionnel, et après accord de la chambre d’agriculture et de la commission des sites, sous forme de  » zones d’urbanisation future  » de taille et de capacité d’accueil limitées ; qu’enfin ce document prescrit que les secteurs d’urbanisation diffuse comprenant 2 à 4 maisons à l’hectare ou ceux susceptibles d’être urbanisés sont également délimités graphiquement, et que s’agissant précisément des secteurs d’urbanisation susceptibles d’être urbanisés, ces derniers se développent lorsque la capacité des secteurs urbains constitués et des secteurs d’urbanisation diffuse s’avèrera insuffisante pour satisfaire les besoins de la population ;

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment de la photographie panoramique annotée produite, que le terrain d’assiette du projet de Mme B…est situé à flanc de colline dans une zone boisée où près de quatorze constructions ont été édifiées de façon désordonnée, comprise entre la route départementale n° 17 et la route Saint Hospice ; que cet ensemble de bâtiments, loin de former un groupe homogène, s’étale au contraire sur plus de 400 mètres linéaires et constitue un mitage diffus qui, même doté de l’ensemble des réseaux publics, ne peut être qualifié de groupe de constructions au sens des dispositions sus-rappelées du code de l’urbanisme, compte tenu du parti pris d’isolement des constructions qui le composent ; que ce secteur n’est identifié par la DTA des Alpes-Maritimes comme un secteur urbain constitué que pour sa partie Ouest distante de plus de cinquante mètres du terrain d’assiette du projet en litige, qui ne peut donc être regardé comme étant situé en continuité avec ce groupe d’habitation ; qu’il ressort du même document d’urbanisme, que le terrain d’assiette du projet en litige est classé dans un secteur susceptible d’être urbanisé, qui, à la date de la décision attaquée ne pouvait se développer dès lors que la capacité d’accueil des secteurs urbains déjà constitués et des secteurs d’urbanisation diffuse n’était pas épuisée ; qu’en l’absence de continuité avec un groupe d’habitations et en application de l’article L. 145-3-III du code de l’urbanisme, son projet ne pouvait être autorisé ;

7. Considérant, qu’il est de la nature de toute réglementation d’urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes ; que, dès lors Mme B…ne peut, utilement se prévaloir de ce que des règles différentes sont applicables à d’autres secteurs du territoire communal ou à des propriétés autres que la sienne ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme B…n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu’elle présente en appel à fin d’injonction et au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B…est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A…B…et à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l’audience du 11 mai 2015, à laquelle siégeaient :

M. d’Hervé, président de chambre,
Mme Josset, présidente assesseure,
Mme Féménia, première conseillère.

Lu en audience publique, le 1er juin 2015.

Agriculture de montagne/ Réduction de l’ICHN

CAA de LYON

N° 13LY01936   
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. MARTIN, président
Mme Pascale DECHE, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
SCP MOINS, avocat

lecture du mardi 26 mai 2015

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D…C…a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’annuler la décision du 14 mai 2012 par laquelle le préfet du Cantal l’a informé de la réduction de 1 663,50 euros du montant de son indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) pour la campagne 2011, ainsi que pour celle du 20 juin 2012 par laquelle ledit préfet a rejeté son recours gracieux ;

Par un jugement n° 1201457 du 16 mai 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 juillet 2013 et le 3 février 2014, M. C…, représenté par MeA…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1201457 du 16 mai 2013 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d’annuler les décisions des 14 mai et 20 juin 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le contrôle de l’exploitation des terres litigieuses aurait dû être réalisé sur place et en sa présence, ce qui lui aurait permis de présenter directement au contrôleur des explications concernant l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé d’exploiter lesdits terrains ;
– l’occupation illégale de l’îlot litigieux par un tiers constitue une circonstance exceptionnelle ou un cas de force majeure de nature à l’exonérer de son erreur de déclaration de surface pour le versement des aides environnementales en application des dispositions des articles 14 et 75 du règlement (CE) n° 1122/2009 et de l’article 31 du règlement (CE) n° 73/2009 ; en mai 2008, lorsqu’il s’est engagé dans les contrats MAE et PHAE, il était en situation de pouvoir légitimement penser qu’il exploiterait les parcelles litigieuses ; enfin, pour l’année 2012, il a pu effectivement exploiter les surfaces de l’îlot n° 1.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2013, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
– le contrôle sur place de l’exploitation de M.B…, conduit le 4 octobre 2011, a permis de constater que ce dernier exploitait effectivement la parcelle litigieuse ; le contrôle sur place de l’exploitation de M.C…, réalisé le 5 octobre 2011, en sa présence a donné lieu à un compte-rendu indiquant qu’il n’a pas exploité l’îlot n° 1 en 2009, 2010 et 2011, ce qu’il n’a pas contesté ; dans ces conditions, le contrôleur n’était pas tenu d’inspecter physiquement cette parcelle ;
– la question de l’autorisation d’exploiter dont aurait bénéficié à tort M.B…, relève d’une législation indépendante ; elle est sans incidence sur le régime des aides qui s’applique aux parcelles litigieuses ;
– en application des dispositions combinées des articles 34 du règlement (CE) n° 1122/2009 et de l’article D. 113-20 du code rural et de la pêche maritime, l’octroi de l’ICHN est subordonné à une exploitation effective des terres ; l’îlot n° 1 n’étant ni exploité par M. C…, ni à sa disposition en 2009, 2010 et 2011, il ne pouvait bénéficier de l’ICHN pour l’îlot n° 1; l’écart constaté entre la surface déclarée et la surface réellement exploitée entraînait l’application de la pénalité financière prévue par l’article 16 du règlement (CE) ;
– M. C…ne peut justifier d’un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles ;
– M. C…ne peut se prévaloir des dispositions du premier alinéa du 3. de l’article 3 du règlement (CE) n° 65/2011 ;
– sa demande d’aide ne pouvait être rectifiée à tout moment dès lors que sa demande pour la campagne 2011 ne comprend pas d’erreur manifeste au sens du 4. de l’article 3 du règlement (CE) n° 65/2011, mais constitue bien une déclaration volontairement erronée de sa situation qui perdure depuis plusieurs années, et dont il avait parfaitement connaissance au moment du dépôt de sa demande.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le traité instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, modifié par l’Acte unique européen signé les 17 et 28 février 1986 et le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992 ;
– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– le règlement (CE) n° 73/2009 du 19 janvier 2009, du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, ensemble le règlement (CE) n° 1122/2009 du 30 novembre 2009 , de la Commission fixant les modalités d’application de ce règlement (CE) n° 73/2009 du 19 janvier 2009, du Conseil ;
– le règlement (CE) n° 1122/2009 du 30 novembre 2009, de la Commission fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– l’ordonnance n° 2009-325 du 25 mars 2009 relative à la création de l’Agence de services et de paiement et de l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer ;
– le décret n° 2007-1334 du 11 septembre 2007 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées et modifiant le code rural ;
– l’arrêté du 11 septembre 2007 pris en application du décret n° 2007-1334 du 11 septembre 2007 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées et modifiant le code rural ;
– l’arrêté du 30 mars 2009 portant agrément de l’Agence de services et de paiement comme organisme payeur de dépenses financées par les fonds de financement des dépenses agricoles et comme organisme de coordination en matière de financement de la politique agricole commune ;
– l’arrêté n° 2011-1038 du 7 juillet 2011 du préfet du Cantal fixant le montant des indemnités compensatoires de handicaps naturels au titre de la campagne 2011 dans le département du Cantal ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
– et les conclusions de M. Clément, rapporteur public.

1. Considérant que M. C…relève appel du jugement du 16 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 14 mai 2012 par laquelle le préfet du Cantal l’a informé de la réduction de 1 663,50 euros du montant de son ICHN pour la campagne 2011, ainsi que celle du 20 juin 2012 par laquelle ledit préfet a rejeté son recours gracieux ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 20 du règlement CE n° 73/2009 du 19 janvier 2009 susvisé :  » 1. Les Etats membres procèdent au contrôle administratif des demandes d’aide, afin de vérifier le respect des conditions d’admissibilité au bénéfice de l’aide. / 2. Les contrôles administratifs sont complétés par un système de vérifications sur place visant à vérifier l’admissibilité au bénéfice de l’aide. A cet effet, les Etats membres établissent un plan d’échantillonnage des exploitations agricoles. (…).  » ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le 16 mai 2011, M. C…a déposé une demande d’aides communautaires agricoles, pour une superficie de terre de 73 hectares 94 ares, située sur la commune de Mandailles-Saint-Julien, au titre de l’année 2011 ; que l’instruction de ce dossier a révélé qu’une même parcelle de 5 hectares avait également été déclarée par un autre exploitant de la commune de Mandailles-Saint-Julien, M. B…; que l’Agence de services et de paiement a diligenté deux contrôles sur place, le 4 octobre 2011, chez M. B…et le lendemain chez M.C…, afin de déterminer lequel de ces deux agriculteurs exploitait réellement la parcelle litigieuse ; que ces contrôles ont mis en évidence que les 5 hectares de terre litigieux étaient en réalité exploités par M.B… ; que si M. C… fait valoir que n’étant pas présent lors du contrôle sur place de la parcelle en litige, il n’a pu émettre des observations au contrôleur lui permettant d’expliquer à ce dernier les raisons pour lesquelles il n’a pu effectivement exploiter ces terres, il ressort des pièces du dossier qu’il a signé sans observation particulière le compte-rendu de la visite sur place de son exploitation qui indiquait qu’il n’avait pas exploité au cours des années 2009, 2010 et 2011, l’îlot n° 1 comprenant les hectares litigieux ; qu’également, M. C…n’a pas contesté le fait qu’il n’exploitait pas ces terres dans son courrier en réponse au contrôle sur place du 5 octobre 2011, ni dans son courrier du 16 mars 2012 répondant à la lettre contradictoire de fin d’instruction constatant un écart entre les surfaces déclarées et celles réellement exploitées au titre de la campagne 2011; que par suite, M. C…n’est pas fondé à soutenir que les décisions en litige seraient intervenues au terme d’une procédure irrégulière ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 34 du règlement n° 1122/2009 du 30 novembre 2009 susvisé :  » 1. La détermination des superficies des parcelles agricoles se fait par tout moyen dont il est démontré qu’il garantit une mesure de qualité au A…équivalente à celle requise par la norme technique applicable élaborée au niveau communautaire. / Une tolérance de mesure est définie par une zone tampon d’un maximum de 1,5 mètre appliquée au périmètre de la parcelle agricole. Pour chacune des parcelles agricoles la tolérance maximale n’excède pas 1,0 hectare, en valeur absolue. / 2. La superficie totale d’une parcelle agricole peut être prise en compte à condition qu’elle soit entièrement utilisée selon les normes usuelles de l’Etat membre ou de la région concernée. Dans les autres cas, c’est la superficie réellement utilisée qui est prise en compte. (…) 4. Sans préjudice de l’article 34, paragraphe 2, du règlement(CE) n° 73/2009, une parcelle agricole boisée est considérée comme une superficie admissible aux fins des régimes d’aide  » surfaces « , sous réserve que des activités agricoles ou, le cas échéant, que la production envisagée puissent se dérouler comme elles se dérouleraient sur des parcelles non boisées situées dans la même zone (…) 6. L’admissibilité des parcelles agricoles est vérifiée par tout moyen approprié. A cet effet, il est demandé, si nécessaire, des preuves supplémentaires.  » ;

5. Considérant qu’il ressort de ces dispositions que l’octroi des aides agricoles est soumis à la condition de l’exploitation effective des parcelles concernées ; que M. C…qui ne conteste pas qu’il n’a pas exploité les parcelles litigieuses au cours des années 2009, 2010 et 2011 ne peut utilement faire valoir qu’un autre exploitant occupait les terrains concernés en y faisant pacager son cheptel, sous couvert d’une autorisation d’exploiter illégale ; que pour demander l’annulation des décisions litigieuses, le requérant ne peut pas plus se prévaloir de ce qu’en mai 2008, date à laquelle il s’est engagé dans les contrats agroenvironnementaux, il était l’exploitant en place des parcelles litigieuses et qu’il ne pouvait pas savoir que la commune de Mandailles-Saint-Julien allait attribuer ces terrains, appartenant à la section de commune de La Boudie, à un autre exploitant ; qu’enfin, la circonstance que M. C…aurait exploité les surfaces litigieuses en 2012, postérieure à la date des décisions attaquées, est, en tout état de cause, sans incidence sur leur légalité ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 14 du règlement (CE) n° 1122/2009 du 30 novembre 2009 susvisé relatif aux modifications apportées à la demande unique :  » 1. Après l’expiration du délai de présentation de la demande unique, des parcelles agricoles individuelles ou des droits au paiement individuels peuvent être ajoutés à la demande unique, pour autant que les exigences prévues par les régimes d’aide concernés soient respectées.. / Des modifications relatives à l’utilisation ou au régime d’aide concernant des parcelles agricoles, ou aux droits au paiement déjà déclarés dans la demande unique peuvent être apportées selon les mêmes conditions. / Lorsque les modifications visées au premier et au deuxième alinéa ont une incidence sur des documents justificatifs ou sur des contrats à présenter, les modifications afférentes à ces documents ou à ces contrats sont également autorisées. (…). 3. Lorsque l’autorité compétente a déjà informé l’agriculteur des irrégularités que comporte la demande unique ou lorsqu’elle l’a averti de son intention de procéder à un contrôle sur place et que ce contrôle révèle des irrégularités, les modifications visées au paragraphe 1 ne sont pas autorisées pour les parcelles agricoles concernées par ces irrégularités.  » ;

7. Considérant que M. C…fait valoir que les précisions qu’il a apportées concernant l’impossibilité pour lui d’exploiter les parcelles litigieuses lors des observations aux contrôle du 5 octobre 2011 dont il a fait l’objet devaient être prises en compte par l’administration au titre des modifications pouvant être légalement apportées à sa déclaration ; que, toutefois, il résulte des dispositions précitées que de telles modifications ne peuvent être autorisées si, comme en l’espèce, elles concernent des irrégularités révélées à la suite d’un contrôle diligenté par l’autorité compétente ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu’aux termes de l’article 75 du règlement (CE) n° 1122/2009 du 30 novembre 2009 susvisé relatif à la  » force majeure et circonstances exceptionnelles  » :  » 1. Lorsqu’un agriculteur n’a pas été en mesure de respecter ses engagements en raison d’un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles visées à l’article 31 du règlement (CE) no 73/2009, le droit à l’aide lui reste acquis pour la surface ou les animaux admissibles au moment où le cas de force majeure ou les circonstances exceptionnelles sont intervenus. En outre, lorsque la non-conformité résultant de ces cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles concerne la conditionnalité, la réduction correspondante n’est pas appliquée. 2. Les cas de force majeure et les circonstances exceptionnelles au sens de l’article 31 du règlement (CE) no 73/2009 sont notifiés par écrit à l’autorité compétente et les preuves y afférentes sont apportées à la satisfaction de celle-ci dans un délai de dix jours ouvrables à partir du jour où l’agriculteur est en mesure de le faire. « , et qu’aux termes de l’article 31 du règlement n° 73/2009 du 19 janvier 2009 susvisé relatif à la force majeure et aux circonstances exceptionnelles :  » Aux fins du présent règlement, sont notamment reconnus comme cas de force majeure ou circonstances exceptionnelles par l’autorité compétente les cas suivants : a) le décès de l’agriculteur ; b) l’incapacité professionnelle de longue durée de l’agriculteur ; c) une catastrophe naturelle grave qui affecte de façon importante la surface agricole de l’exploitation ; d) la destruction accidentelle des bâtiments de l’exploitation destinés à l’élevage ; e) une épizootie affectant tout ou partie du cheptel de l’agriculteur.  » ;
9. Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes a jugé, notamment dans ses arrêts du 13 octobre 1993, An Bord Bainne Co-operative Ltd, aff. C-124/92, et du 7 décembre 1993, Edmond Huygen, aff. C-12/92, que, dans le domaine des aides à l’agriculture, la notion de force majeure n’est pas limitée à celle d’impossibilité absolue, mais doit être entendue dans le sens de circonstances étrangères à l’opérateur concerné, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées qu’au prix de sacrifices excessifs, malgré toutes les diligences déployées ;

10. Considérant que la circonstance que M. C…n’aurait pu exploiter les terrains litigieux du fait de l’occupation illégale de la partie de ces parcelles comprenant la seule source pérenne en période estivale par un autre exploitant ne constitue pas une circonstance exceptionnelle ou un cas de force majeure ni au sens et pour l’application des articles 75 du règlement n° 1122/2009 et 31 du règlement n° 73/2009, ni au sens de la jurisprudence précitée qui aurait permis, le cas échéant, de lui permettre de conserver le bénéfice des aides communautaires s’y rapportant ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C…n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. C…la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C…est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. C…tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D…C…et au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Délibéré après l’audience du 5 mai 2015 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Dèche, premier conseiller,
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 mai 2015.

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N° 13LY01936