Eoliennes en zone de montagne/ Dérogation au principe d’urbanisation en continuité

CAA de BORDEAUX

N° 14BX02096
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre (formation à trois)
Mme GIRAULT, président
M. Paul-André BRAUD, rapporteur
M. NORMAND, rapporteur public
CABINET MAILLOT AVOCATS ASSOCIES, avocat

lecture du jeudi 3 mars 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique, M. O…W…, Mme T…W…, M. R…J…, Mme Z…J…, M. I…A…, M. P…A…, Mme V…B…, Mme M…G…, Mme S…F…, M. E…U…, M. I…D…, Mme Y…D…, Mme AA…Q…, M. C…Q…, M. R…X…, M. K… X…et Mme H…D…ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler l’arrêté du 23 juin 2010 par lequel le préfet de l’Aveyron a accordé à la société par actions simplifiée (SAS) Centrale éolienne des Soutets le permis de construire six éoliennes et un poste électrique sur un terrain situé au lieu-dit Crassous à Saint-Affrique.

Après avoir ordonné, par un jugement avant-dire droit du 6 janvier 2014, une visite des lieux, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement n° 1004939 du 14 mai 2014, rejeté cette requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2014 et le 28 septembre 2015, l’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique, M. I…A…, M. P…A…, Mme S…F…, M. E…U…, Mme AA…Q…et M. C…Q…, représentés par MeL…, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 14 mai 2014;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet de l’Aveyron du 23 juin 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la SAS Centrale éolienne des Soutets la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de la santé publique ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Paul-André Braud,
– les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
– et les observations de Me Cuelo, avocat de l’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique, M. I… A…, M. P…A…, Mme S…F…, M. E…U…, Mme AA… Q…et M. C…Q…, et de MeN…, représentant la société Centrale éolienne des Soutets;

Considérant ce qui suit :

1. La préfète de l’Aveyron a, par un arrêté en date du 23 juin 2010, délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Centrale éolienne des Soutets, un permis de construire six éoliennes de cent-vingt-cinq mètres de hauteur et un poste électrique sur un terrain situé au lieu-dit  » Crassous  » sur le territoire de la commune de Saint-Affrique. A la suite du rejet de leurs recours gracieux, l’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique, M. O…W…, Mme T…W…, M. R…J…, Mme Z…J…, M. I…A…, M. P…A…, Mme V…B…, Mme M…G…, Mme S…F…, M. E…U…, M. I…D…, Mme Y…D…, Mme AA…Q…, M. C…Q…, M. R…X…, M. K…X…et Mme H…D…ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler cet arrêté. Après avoir ordonné une visite des lieux par un jugement avant-dire droit du 6 janvier 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur requête par un jugement en date du 14 mai 2014. L’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique, M. I…A…, M. P…A…, Mme S…F…, M. E… U…, Mme AA…Q…et M. C…Q…relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Par un mémoire enregistré le 8 janvier 2013, antérieurement à la clôture de l’instruction, les requérants ont invoqué le moyen tiré de la méconnaissance de l’article N.7 du règlement du plan local d’urbanisme de Saint-Affrique. Le tribunal administratif de Toulouse n’a pas répondu à ce moyen, qui n’était pas inopérant, et a ainsi entaché son jugement d’une omission à statuer. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen invoqué à ce titre, le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les requérants devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 122-3 du code de l’environnement dans sa rédaction alors en vigueur :  » I. – Le contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l’environnement. II. – L’étude d’impact présente successivement : (…) 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l’environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l’eau, l’air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l’hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique (…) « . Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.

4. Les requérants soutiennent que les développements de l’étude d’impact sur la présence de minioptères de Schreiber sont insuffisants au motif que les recherches effectuées n’ont pas permis de mettre en évidence la présence permanente de chiroptères. Toutefois, si un courrier du groupe Chiroptères de Midi-Pyrénées du 5 mai 2008 indique que  » l’éolienne 1 se situe encore dans un milieu susceptible d’être un habitat de chasse pour les chiroptères « , les requérants n’établissent néanmoins pas la présence permanente de chiroptères sur le site. Par ailleurs, l’étude d’impact se fonde sur ce point sur un prédiagnostic réalisé par la Ligue pour la Protection des Oiseaux de l’Aveyron, selon lequel aucune cavité naturelle n’a été trouvée sur le secteur et aucun indice de présence n’a été détecté dans la zone d’étude. Ce prédiagnostic a été complété par une étude pour laquelle ont été réalisées deux visites du terrain, une enquête orale, une consultation du groupe Chiroptères de Midi-Pyrénées et six séances d’écoutes à l’aide d’un détecteur à ultrason sur six points du secteur. Cette étude a permis de mettre en évidence la fréquentation du site par des minioptères de Schreiber, susceptible de s’expliquer par la migration de minioptères de la grotte du Boundoulaou vers des cavités situées dans l’Aude. Dans ces conditions, les requérants n’établissent pas que les développements de l’étude d’impact sur la présence des chiroptères seraient inexacts ou insuffisants.

5. L’étude acoustique, annexée à l’étude d’impact, a été réalisée à partir de mesures acoustiques effectuées en sept points correspondants aux secteurs habités les plus proches du projet, dont aucun ne se situe à moins de 800 mètres. Pour évaluer l’impact sonore à l’intérieur des habitations, le cabinet d’acoustique a procédé à une simulation de l’émergence spectrale à l’intérieur d’une pièce pour le voisinage le plus sensible, en l’occurrence, le secteur de Nougayrolles. Les requérants soutiennent, en invoquant les dispositions des articles R. 1334-32 et R. 1334-34 du code de la santé publique, qu’une telle simulation aurait également dû être réalisée pour le secteur de Crassous, où un risque de dépassement des émergences règlementaires a été identifié dans le cas d’un mode de fonctionnement débridé pour des vitesses de vent de 6 à 7 mètres par seconde. Toutefois, les dispositions de ces articles du code de la santé publique, qui définissent l’atteinte à la tranquillité publique ou à la santé publique en fonction de valeurs d’émergence spectrale des bruits engendrés par des « équipements d’activités professionnelles  » n’ont, par elles-mêmes, ni pour objet, ni pour effet de définir le contenu de l’étude d’impact imposée par le code de l’environnement dans le cadre d’un projet d’aménagement ou de construction. Dès lors, en réalisant une simulation des émergences spectrales à l’intérieur d’une habitation sur le seul secteur le plus proche du projet identifié comme potentiellement le plus  » pénalisant « , lesquelles ne révèlent d’ailleurs pas de méconnaissance des valeurs limites réglementaires, l’étude d’impact a suffisamment informé le public sur les effets sonores du projet.

6. Les requérants soutiennent enfin que les développements sur la covisibilité n’ont pas fourni une information sur les éoliennes visibles depuis le projet. L’étude d’impact, dans son paragraphe 4.6.4 précise qu’aucun parc éolien n’est construit dans un périmètre de 13 kilomètres autour du site et recense les parcs éoliens édifiés dans un périmètre de 20 kilomètres alentour. L’étude mentionne également les conditions de visibilité de ces parcs à partir du site du projet. A ce titre, les requérants ne peuvent utilement se plaindre du défaut de mention des projets de parc éolien pour lesquels une demande de permis de construire a été déposée. En outre le défaut de mention des parcs éoliens situés à une distance supérieure à 20 kilomètres ne saurait, eu égard à l’incidence visuelle minime, révéler un défaut d’information du public sur la covisibilité des parcs éoliens.

7. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que la préfète de l’Aveyron ne pouvait délivrer le permis de construire en litige sans s’assurer que les propriétaires concernés avaient accordé leur autorisation pour ce qui concerne les accès au site. Cependant le défaut d’autorisation de ces propriétaires est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité du permis de construire litigieux dans la mesure où ce dernier est délivré sous réserve du droit des tiers.

8. En troisième lieu, contrairement à ce que soutenaient les requérants devant le tribunal, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l’arrêté litigieux, que la préfète de l’Aveyron se soit crue liée par les conclusions du commissaire-enquêteur.

9. En quatrième lieu, aux termes de l’article R. 423-53 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d’un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l’autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l’autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d’urbanisme ou le document d’urbanisme en tenant lieu réglemente de façon particulière les conditions d’accès à ladite voie. « .

10. Si les requérants invoquent un défaut de consultation de l’autorité gestionnaire des routes départementales 50 et 250, ils se bornent à soutenir que le projet nécessite un certain nombre de modifications de ces voies pour permettre l’accès au site des convois chargés des éléments éoliens. Il ressort de l’étude d’impact, et notamment du paragraphe 2.6.3.2., que  » certains croisements  » entre les routes départementales 50 et 250 et la route communale de Crassous  » nécessiteront l’élargissement ou l’aménagement des carrefours « . Toutefois de tels travaux ne peuvent être analysés comme des créations ou modifications d’un accès à une voie publique au sens de l’article R. 423-53 du code de l’urbanisme. En tout état de cause, il n’est finalement pas contesté que le conseil général de l’Aveyron a été consulté et a rendu un avis favorable le 20 juillet 2007. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 423-53 du code de l’urbanisme ne peut qu’être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme :  » III.-Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. « . Ces dispositions régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l’application de la règle de constructibilité limitée, qu’elles soient ou non dotées d’un plan d’urbanisme. Elles permettent de déroger à la règle d’urbanisation en continuité pour les installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées.

12. Il n’est contesté ni que la commune de Saint-Affrique est classée en zone de montagne, ni que le projet n’est pas réalisé en continuité avec des bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. Toutefois, eu égard à son importance et à sa destination, le parc éolien en cause, qui constitue  » une installation ou un équipement public  » au sens de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, doit être regardé comme pouvant bénéficier de la dérogation prévue au premier alinéa de cet article. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du III de cet article doit être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. « .

14. S’agissant des nuisances sonores, l’étude acoustique montre que sur 112 cas étudiés, seuls 4 présentent un risque de dépassement des émergences réglementaires en mode de fonctionnement débridé. Les requérants reprochent à l’arrêté litigieux de ne pas prescrire un bridage des éoliennes de nature à faire obstacle à la réalisation de ce risque. Cependant il ressort de l’étude d’impact que le maître d’ouvrage a envisagé une mesure, rappelée dans le tableau 42 de l’étude d’impact, consistant dans la mise en place d’un plan de gestion basé sur le bridage des éoliennes, dont un exemple est détaillé au 4.3.1.5. de cette étude. Dès lors, eu égard au caractère limité du risque en cause et à la mesure annoncée par le maître d’ouvrage, la préfète de l’Aveyron a pu accorder le permis de construire litigieux sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation en se bornant à prescrire, s’agissant du bruit induit par le fonctionnement des machines, la réalisation d’un contrôle in situ en vue de s’assurer du respect de la règlementation en vigueur.

15. En septième lieu, aux termes de l’article R. 111-15 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le permis doit respecter les préoccupations d’environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement. Le projet peut n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l’environnement. « .

16. L’article 2 de l’arrêté litigieux prescrit la réalisation des mesures réductrices et/ou compensatoires annoncées dans l’étude d’impact ou figurant dans la fiche dédiée annexée à cet arrêté. S’agissant de la protection des chiroptères, une fois la construction édifiée, la fiche prescrit notamment la réalisation, pendant au moins trois ans, d’un suivi de la fréquentation du site par les chiroptères et de leur mortalité ainsi que l’installation de filets de protection avec des mailles faisant obstacle au passage de chiroptères au niveau des orifices de ventilation de la nacelle. L’étude d’impact annonce une mesure réductrice consistant en l’arrêt de nuit des éoliennes entre le 20 août et le 20 septembre, la période étant susceptible d’être revue chaque année, dans la limite de trente nuits par an, en fonction des observations émises par le Groupe Chiroptères Midi-Pyrénées. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte de la rédaction de l’arrêté litigieux que ces mesures doivent être regardées comme des prescriptions contraignant le pétitionnaire. En outre, en se bornant à soutenir que la période de migration des minioptères de Schreiber excède trente jours sans démontrer la présence de ces derniers sur le site du projet pendant une durée supérieure, les requérants n’établissent pas davantage que la préfète de l’Aveyron aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en n’assortissant pas le permis de construire contesté de prescriptions plus contraignantes pour protéger ces chiroptères.

17. En huitième lieu, aux termes de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales. « . Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l’autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l’assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l’existence d’une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l’article R. 111-21 cité ci-dessus.

18. Il ressort des pièces du dossier que le paysage vallonné qui entoure le plateau des Faydunes, lequel est sillonné par plusieurs sentiers de randonnée, présente un caractère naturel de qualité et de larges horizons dégageant des vues lointaines d’intérêt incontestable. Il ressort de l’étude d’impact et du procès-verbal de la visite des lieux effectuée par le tribunal que le terrain d’assiette du projet, lequel prévoit la construction de six éoliennes dont la hauteur en bout de pale est de 125 mètres et d’un poste électrique, est situé au sommet du plateau de Faydunes à une altitude comprise entre 650 et 700 mètres. Ce terrain est situé dans une  » zone à enjeux modérés à forts où l’éolien est compatible sous réserve de réaliser une étude approfondie  » selon la réflexion cadre pour un développement de l’énergie éolienne en Aveyron. En outre, si le projet se trouve en dehors d’un périmètre protégé au titre des monuments et des sites, il est visible, partiellement ou intégralement, depuis de nombreux sites et notamment le Pont-Vieux de Saint-Affrique, monument historique situé à 3 kilomètres, le rocher de Caylus sur lequel subsistent les ruines d’un vieux château, situé à 2 kilomètres, le dolmen de Tiergues, monument historique situé à 2,3 kilomètres disposant d’un panorama sur le haut plateau du Lévézou, la chapelle romane de Saint-Martin de Boussac, située à 1,6 kilomètres, et le début du plateau du Larzac, situé à plus de sept kilomètres. Toutefois eu égard à l’ampleur du projet, à son implantation en ligne arquée et aux éléments naturels qui dissimulent parfois partiellement la visibilité des machines, l’atteinte que ce parc éolien est susceptible de porter au paysage ou à l’environnement visuel, bien que réelle, demeure limitée. En outre, les requérants ne peuvent utilement invoquer à ce titre l’intérêt du site sur le plan avifaunistique. Dans ces conditions, l’appréciation à laquelle s’est livrée la préfète de l’Aveyron pour délivrer le permis de construire en litige ne procède d’aucune erreur manifeste d’appréciation sur ce point.

19. En neuvième lieu, aux termes de l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature, par sa localisation et ses caractéristiques, à compromettre la conservation ou la mise en valeur d’un site ou de vestiges archéologiques. « .

20. Les requérants soutiennent que le projet est de nature à compromettre la mise en valeur de sites archéologiques dès lors qu’il est situé à proximité de ces derniers et visible de la plupart d’entre eux. Toutefois, pour les motifs énoncés au point 18 la préfète de l’Aveyron a pu s’abstenir d’user de la faculté prévue par l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation.

21. En dixième lieu, aux termes de l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature, par sa localisation ou sa destination : a) A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés (…) « . Il résulte cependant de l’article R. 111-1 du même code que ces dispositions ne sont pas applicables sur le territoire des communes dotées d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan local d’urbanisme. La commune de Saint-Affrique étant dotée d’un plan local d’urbanisme, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme ne peut qu’être écarté comme étant inopérant.

22. En onzième lieu, aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Les zones naturelles et forestières sont dites « zones N ». Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l’existence d’une exploitation forestière, soit de leur caractère d’espaces naturels. En zone N peuvent être délimités des périmètres à l’intérieur desquels s’effectuent les transferts des possibilités de construire prévus à l’article L. 123-4. Les terrains présentant un intérêt pour le développement des exploitations agricoles et forestières sont exclus de la partie de ces périmètres qui bénéficie des transferts de coefficient d’occupation des sols. En dehors des périmètres définis à l’alinéa précédent, des constructions peuvent être autorisées dans des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, à la condition qu’elles ne portent atteinte ni à la préservation des sols agricoles et forestiers ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages. « . Il appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l’article R. 123-8, un secteur qu’ils entendent soustraire, pour l’avenir, à l’urbanisation, sous réserve que l’appréciation à laquelle ils se livrent ne repose pas sur des faits matériellement inexacts ou ne soit pas entachée d’erreur manifeste.

23. Les requérants entendent exciper de l’illégalité du plan local d’urbanisme de Saint-Affrique en ce qui concerne le classement du terrain d’assiette du projet. Ce terrain est classé en secteur  » Nv « , lequel est défini selon l’article N.2 du règlement du plan local d’urbanisme de Saint-Affrique comme étant le secteur où  » sont autorisés les parcs éoliens de production d’énergie électrique, sous réserve d’installations comprenant le regroupement de plusieurs engins de production raccordé au réseau public d’électricité « . Contrairement à ce que semblent soutenir les requérants, les dispositions de l’article R. 123-18 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, n’interdisent pas que le règlement du plan local d’urbanisme autorise la construction d’éoliennes en zone naturelle. Les requérants ne peuvent utilement invoquer un manque d’explications dans le rapport de présentation sur le choix de la zone ou une méconnaissance du principe de participation prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement lors de l’adoption du plan, dès lors que ces moyens de légalité externe, présentés plus de six mois après la prise d’effet du document, sont irrecevables en application de l’article L.600-1 du code de l’urbanisme. Les requérants font également valoir que le terrain est situé dans une zone présentant des enjeux forts au titre des contraintes  » avifaune et chiroptères  » mais cette circonstance ne fait pas par elle-même obstacle à l’implantation de parcs éoliens, cette implantation étant soumise notamment au respect de l’article R. 111-15 du code de l’urbanisme. Enfin, selon la carte combinatoire des enjeux et sensibilités en Aveyron élaborée dans le cadre de la réflexion pour le développement de l’énergie éolienne en Aveyron, le terrain d’assiette du projet est situé dans un secteur  » compatible avec étude « . Dans ces conditions, il ne ressort pas du dossier que le classement du terrain d’assiette du projet, situé dans un secteur naturel à l’écart des habitations, en bordure d’un plateau venté, en secteur  » Nv  » soit entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à exciper de l’illégalité du plan local d’urbanisme sur lequel se fonde le permis de construire en litige.

24. En dernier lieu, aux termes de l’article N.7 du règlement du plan local d’urbanisme de Saint-Affrique dans sa rédaction alors en vigueur :  » Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives /Les constructions doivent s’implanter à une distance au moins égale à la moitié de la hauteur du bâtiment à édifier avec un minimum de 3 mètres. « .

25. Les requérants soutiennent que les éoliennes E1, E2, E4, E5 et E6 ne respectent pas la règle d’implantation énoncée à l’article N.7 du règlement du plan local d’urbanisme de Saint-Affrique. Toutefois, eu égard à la finalité de ces dispositions, une éolienne ne saurait être qualifiée de  » bâtiment  » au sens desdites dispositions. Or il n’est pas contesté et il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’extrait cadastral figurant dans l’étude d’impact et du plan de masse, que les éoliennes en cause sont situées à au moins trois mètres des limites séparatives. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu’être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté de la préfète de l’Aveyron en date du 23 juin 2010.

Sur les conclusions reconventionnelles :

27. Aux termes de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme :  » Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. (…) « .

28. Par mémoire distinct enregistré le 17 juin 2015, la SAS Centrale éolienne des Soutets a demandé, sur le fondement des dispositions précitées, la condamnation des requérants à lui verser la somme de 310 395 euros. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique a pour objet de s’opposer à la destruction du patrimoine naturel de ce canton par l’implantation de structures industrielles et que les personnes privées requérantes sont propriétaires ou résident à proximité du projet. Elles justifient ainsi d’un intérêt légitime à obtenir l’annulation du permis de construire. En outre, la circonstance que l’appel reprend, pour l’essentiel, des moyens invoqués en première instance sans invoquer des éléments de droit ou de fait nouveaux, ne saurait suffire, alors au demeurant que la requête comporte des moyens nouveaux, à caractériser de la part des requérants un usage abusif de leur droit de former un recours contre le jugement ayant rejeté leur demande. Par suite, la demande présentée sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des requérants les sommes que la préfète de l’Aveyron et la SAS Centrale éolienne des Soutets demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par les requérants soit mise à la charge de la SAS Centrale éolienne des Soutets, qui n’est pas la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1004939 du tribunal administratif de Toulouse en date du 14 mai 2014 est annulé.

Article 2 : La demande des requérants devant le tribunal et le surplus de leurs conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la SAS Centrale éolienne des Soutets présentées sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées en première instance par l’Etat sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.