Concessions de remontées mécaniques/ Fiscalité des biens de retour (taxe foncière)

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 13LY03454
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre – formation à 3
M. BOURRACHOT, président
M. François BOURRACHOT, rapporteur
M. LEVY BEN CHETON, rapporteur public
VANDENBUSSCHE & BENHAMOU, avocat
lecture du mardi 16 décembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2013 au greffe de la Cour, présentée pour la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors, dont le siège est au Télécabine Côte 2000 à Villard de Lans (38250) ;

La société d’équipement de Villard -de-Lans et de Corrençon-en-Vercors demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1105638 du 23 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre exécutoire émis à son encontre par la commune de Corrençon-en-Vercors le 4 mai 2011 et a mis à charge une somme de 1 000 euros au titre des frais d’instance exposés et non compris dans les dépens ;

2°) de la décharger de l’obligation de payer les sommes visées par ledit titre exécutoire et par le commandement de payer du 5 octobre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Corrençon-en-Vercors la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c’est à tort que les premiers juges ont estimé qu’elle était débitrice à l’égard de la commune d’un remboursement de taxes foncières en application de l’article 11 de la convention conclue, le 26 avril 1985, entre la commune de Corrençon-en-Vercors et la SEVLC qui stipule :  » L’ exploitant supporte toutes les charges de l’exploitation (…) y compris les impôts et taxes  » ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2014, présenté pour la commune de Corrençon-en-Vercors, représenté par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal du 3 février 2014, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SEVLC d’une somme de 2 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; elle fait valoir que la commune intention des parties était bien de mettre la taxe foncière à la charge de l’exploitant ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 2014, présenté pour la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors tendant aux mêmes fins que la requête susvisée par les mêmes moyens et portant le montant de sa demande au titre des frais d’instance exposés et non compris dans les dépens à 5 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juin 2014, présenté pour la commune de Corrençon-en-Vercors tendant aux mêmes fins que le mémoire en défense susvisée par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juillet 2014, présenté pour la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors tendant aux mêmes fins que la requête et le mémoire susvisé par les mêmes moyens ;

Vu l’ordonnance en date du 15 juillet 2014 fixant la clôture d’instruction au 3 août 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code du tourisme ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 novembre 2014 :

– le rapport de M. Bourrachot, président,

– les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public,
– et les observations de Me Manhes, avocat de la commune de Correcnçon-en-Vercors ;
1. Considérant que par convention en date du 26 avril 1985, la commune de Corrençon-en-Vercors a confié à la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors (SEVLC) la gestion  » à ses risques et périls  » de ses remontées mécaniques ainsi que l’aménagement et l’entretien du réseau de pistes de ski desservies et l’aménagement et l’exploitation des installations et des services annexes ; que l’administration fiscale a mis à la charge de la commune, en sa qualité de propriétaire des immeubles ainsi exploités par la SEVLC et au titre des taxes foncières 2010, une somme de 13 389 euros ; que par un titre exécutoire émis le 4 mai 2011, puis par un commandement de payer en date du 5 octobre 2011, la commune de Corrençon-en-Vercors a mis à la charge de la SEVLC le remboursement de cette somme, sur le fondement de l’article 11 de la convention précitée ; que le Tribunal administratif de Grenoble a regardé la SEVLC comme demandant au Tribunal l’annulation de l’obligation de remboursement ainsi mise à sa charge ; que la SEVLC relève appel du jugement du 23 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande ;
2. Considérant que la demande de la SEVLC devant le Tribunal administratif de Grenoble tendait dans un premier temps à l’annulation du titre exécutoire du 4 mai 2011 puis, dans un second temps, à l’annulation du commandement de payer du 5 octobre 2011 ; que de telles demandes doivent être regardées comme tendant à la décharge de l’obligation de payer la somme de 13 389 euros dont le recouvrement est poursuivi par ces actes et la somme de 402 euros correspondant aux frais de commandement ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 1400 du code général des impôts :  » I. Sous réserve des dispositions des articles 1403 et 1404, toute propriété, bâtie ou non bâtie, doit être imposée au nom du propriétaire actuel. / II. Lorsqu’un immeuble est grevé d’usufruit ou loué soit par bail emphytéotique, soit par bail à construction, soit par bail à réhabilitation ou fait l’objet d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public constitutive d’un droit réel, la taxe foncière est établie au nom de l’usufruitier, de l’emphytéote, du preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou du titulaire de l’autorisation. /…  » ;

4. Considérant que, dans le cadre d’une délégation de service public ou d’une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l’ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique ;

5. Considérant que, lorsque des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public, et ainsi constitutifs d’aménagements indispensables à l’exécution des missions de ce service, sont établis sur la propriété d’une personne publique, ils relèvent, de ce fait, du régime de la domanialité publique ; que la faculté offerte aux parties au contrat d’en disposer autrement ne peut s’exercer, en ce qui concerne les droits réels dont peut bénéficier le cocontractant sur le domaine public que selon les modalités et dans les limites définies aux articles L. 1311-2 à L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales puis à l’article L. 2122-20 du code général de la propriété des personnes publiques, à compter de l’entrée en vigueur le 1er juillet 2006 de ce code, et à condition que la nature et l’usage des droits consentis ne soient pas susceptibles d’affecter la continuité du service public ;
6. Considérant qu’à l’expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application des principes énoncés ci-dessus, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l’exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu’elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que la commune de Corrençon-en-Vercors, prise en sa qualité d’autorité concédante, était propriétaire, au 1er janvier des années d’imposition en litige, des ouvrages réalisés par la société SEVLC et lui faisant retour à l’expiration du contrat de concession ; qu’elle était redevable légal de la taxe foncière grevant ces biens ;

8. Considérant toutefois que les principes ci-dessus rappelés n’excluent pas que les parties au contrat puissent, en vertu d’une stipulation expresse et précise de ce contrat, prévoir que le redevable légal d’une imposition soit remboursé du montant de cette imposition par l’autre partie ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la convention conclue, le 26 avril 1985, entre la commune de Corrençon-en-Vercors et la SEVLC :  » L’exploitant supporte toutes les charges de l’exploitation, y compris : – le service des emprunts contractés pour assurer le financement des installations nécessaires à l’exploitation ; – sauf recours contre qui de droit, toutes les indemnités qui pourraient être dues à des tiers à la suite de l’exécution des services ou de l’entretien des installations ; – les frais de timbre et les droits d’enregistrement éventuels du présent contrat ; – les impôts et taxes ; – les frais versés au titre du contrôle des services de transports publics d’intérêt local effectués pour le compte de l’autorité organisatrice à concurrence du taux en vigueur appliqué sur les recettes d’exploitation  » ;

10. Considérant qu’il résulte clairement des stipulations précitées que les parties au contrat ont entendu mettre à la charge du concessionnaire toutes les dépenses et impositions grevant les biens nécessaires à l’exploitation du service en ce compris les biens passibles de la taxe foncière ; que la SEVLC n’est pas fondée à soutenir que la commune de Corrençon-en-Vercors ne pouvait mettre à sa charge le remboursement de la taxe foncière grevant les installations dont la commune était ou était devenue propriétaire ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre des frais d’instance exposés et non compris dans les dépens ;

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :  » Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.  » ;

13. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de SEVLC une somme de 1 500 euros au titre frais d’instance exposés par la commune de Corrençon-en-Vercors et non compris dans les dépens ;

14. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Corrençon-en-Vercors qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, des sommes quelconques au titre et des frais non compris dans les dépens exposés par la SEVLC;

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors est rejetée.
Article 2 : La société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors versera à la commune de Corrençon-en-Vercors une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d’équipement de Villard-de-Lans et de Corrençon-en-Vercors et à la commune de Corrençon-en-Vercors
Délibéré après l’audience du 25 novembre 2014 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Bouissac, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2014.