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Urbanisation en continuité – Hameau

CAA de MARSEILLE – 1ère chambre

  • N° 22MA00351
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du jeudi 28 septembre 2023

Président

  1. PORTAIL

Rapporteur

  1. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL

Rapporteur public

  1. QUENETTE

Avocat(s)

SCP PLANTARD ROCHAS & VIRY

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C… épouse B… a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler le certificat d’urbanisme du 28 février 2019 par lequel le maire de la commune de Saint-Jacques-en-Valgodemard a, au nom de l’Etat, considéré non-réalisable la construction d’une maison individuelle sur son terrain situé au lieu-dit D… et cadastré section OC n° 299.

Par un jugement n° 1903188 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé ce certificat d’urbanisme et a enjoint au maire de Saint-Jacques-en-Valgodemard, au nom de l’Etat, de procéder au réexamen de la demande de Mme C….

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2022, la ministre de la transition écologique demande à la Cour d’annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 novembre 2021.

Elle soutient que :
– le jugement attaqué est insuffisamment motivé et méconnaît les dispositions de l’article L. 9 du code de justice administrative ;
– le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le maire ne pouvait se fonder pour opposer le certificat d’urbanisme négatif contesté à la fois sur les dispositions de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme et celles de l’article L. 122-5 du même code ;
– le tribunal administratif a commis une erreur d’appréciation en estimant que la parcelle était en continuité avec un groupe de constructions au sens de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2022, Mme C… épouse B…, représentée par Me Plantard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge l’Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Claudé-Mougel,
– les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ;
– et les observations de Me Tramier, représentant Mme C… épouse B….

Considérant ce qui suit :

1. Mme C… épouse B…, propriétaire d’un terrain cadastré section OC n° 299 sur le territoire de la commune de Saint-Jacques-en-Valgodemard dans le département des Hautes-Alpes (05800), a demandé au maire de cette commune un certificat d’urbanisme opérationnel en vue d’y édifier une maison individuelle. Le 28 février 2019, le maire de la commune de Saint-Jacques-en-Valgodemard a délivré, au nom de l’Etat, à Mme C… épouse B… un certificat d’urbanisme indiquant que cette opération n’était pas réalisable. La ministre de la transition écologique demande à la Cour d’annuler le jugement du 23 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé ce certificat d’urbanisme et enjoint au maire de Saint-Jacques-en-Valgodemard de réexaminer la demande de Mme C… épouse B….

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Les articles L. 111-3 et L. 111-4 du code de l’urbanisme, qui ont repris les dispositions de l’article L. 111-1-2 du code désormais abrogées, interdisent en principe, en l’absence de plan local d’urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d’urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées  » en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune « , c’est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Cependant, il résulte des dispositions de l’article L. 122-5 du même code de l’urbanisme, qui reprend celles du III de l’article L. 145-3 du code désormais abrogées, que l’urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d’urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les  » groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants  » et qu’est ainsi possible l’édification de constructions nouvelles en continuité d’un groupe de constructions traditionnelles ou d’un groupe d’habitations qui, ne s’inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L’existence d’un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l’existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble.

3. En premier lieu, les dispositions de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme fixent un régime d’urbanisation limitée pour les communes classées en zone de montagne, qu’elles soient ou non dotées de plan d’urbanisme, qui diffère de celui fixé par l’article L. 111-3 du code applicable aux communes qui ne sont pas dotées d’un tel plan, et régissent dès lors entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l’application de la règle de constructibilité limitée. Par suite, contrairement à ce que soutient la ministre de la transition écologique, le maire de la commune de Saint-Jacques-en-Valgodemard, classée en zone de montagne, ne pouvait se fonder sur cet article pour délivrer le certificat litigieux.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section OC n° 299 appartenant à Mme C… épouse B… est séparée des constructions composant le lieudit  » D… « , situé à un kilomètre du centre de la commune, par la route départementale D 16 A qui permet d’y accéder. Ce lieudit comprend un bâtiment communal, une église et quatre maisons d’habitations distantes les unes des autres de quelques mètres, qui peuvent être perçus comme appartenant à un même ensemble et ainsi être regardés, eu égard aux critères rappelés au point 2, comme un groupe d’habitations existant au sens des dispositions de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme. Toutefois, le terrain de la requérante s’ouvre sur des parcelles non bâties, et s’inscrit dans un compartiment de terrain à dominante agricole différent des bâtiments composant ce groupe d’habitation. Dès lors, la parcelle appartenant à Mme C… épouse B… ne peut être regardée comme se trouvant en continuité de ce groupe d’habitations au sens de ces mêmes dispositions, eu égard à la coupure d’urbanisation créée par la route départementale, nonobstant le lavoir et le calvaire se trouvant du même côté de cette route que cette parcelle.

5. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition écologique est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé le certificat d’urbanisme délivré 28 février 2019 à Mme C… épouse B… en raison de la méconnaissance de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme.

6. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés en première instance par Mme C… épouse B… ainsi qu’en appel.

7. En examinant si le terrain objet de la demande de certificat d’urbanisme entrait dans le champ des exceptions au principe de construction en continuité prévues par l’article L. 122-7 3ème alinéa du code de l’urbanisme, le maire de Saint-Jacques en Valgodemard n’a pas commis d’erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner la régularité du jugement, que la ministre est fondée à demander l’annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par Mme C… épouse B… devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur les frais de l’instance :

9. L’Etat n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme C… épouse B… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.

D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 novembre 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C… épouse B… devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme C… épouse B… fondées sur les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à Mme A… C… épouse B….
Copie en sera adressée à la commune de Saint-Jacques en Valgodemard.

UTN – Limite basse (surface)

CAA Nancy, 1ère chambre

  • N° 21NC02491
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du jeudi 29 juin 2023

Président

  1. WALLERICH

Rapporteur

  1. Marc WALLERICH

Rapporteur public

Mme ANTONIAZZI

Avocat(s)

LEONEM AVOCATS

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI de construction La Kaelberhutte, Mme T… Q…, M. L… Q…, M. et Mme L… N…, Mme A… E… et M. G… K…, Mme A… M…, Mme A… I…, Mme U… C…, M. D… O…, Mme F… O…, M. et Mme R… H…, Mme P… B… et M. J… B…, représentés par la SELARL Leonem Avocats, prise en la personne de Me David Bozzi, ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler l’arrêté du 28 mai 2019, par lequel le maire de la commune de Breitenbach a accordé un permis de construire trois yourtes et deux annexes à la SARL Un autre monde, ainsi que la décision du maire de la commune, du 13 août 2019, rejetant leur recours gracieux du 25 juillet 2019 tendant au retrait dudit permis.

Par un jugement n° 1907790 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2021 et des mémoires complémentaires enregistrés le 21 mars 2023, le 24 avril 2023 et le 25 avril 2023 la SCI de construction La Kaelberhutte, Mme T… Q…, M. L… Q…, M. et Mme L… N…, Mme A… E… et M. G… K…, Mme A… M…, Mme A… I…, Mme U… C…, M. D… O…, Mme F… O…, M. et Mme R… H…, Mme P… B… et M. J… B… demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 juillet 2021 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 28 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Breitenbach a accordé à la SARL Un autre monde un permis de construire trois yourtes et deux annexes, ainsi que la décision du maire de la commune du 13 août 2019 de rejet de leur recours gracieux tendant au retrait dudit permis ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Breitenbach et de la SARL Un autre monde, une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– ils ont un intérêt à agir ;
– c’est à tort que les premiers juges ont écarté les moyens soulevés en première instance ;
– l’arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l’article R. 431-30 du code de l’urbanisme ;
– les articles 1N, 2N et 11N du PLU méconnaissent les dispositions des articles L. 151-8, L. 151-11, L. 151-13 et L. 122-9 du code de l’urbanisme. Partant, et en vertu de l’application du principe de l’exception d’illégalité, l’arrêté litigieux est illégal eu égard aux dispositions immédiatement antérieures remises en vigueur ;
– l’arrêté méconnaît les dispositions des articles 1N et 2N du règlement du PLU ;
– l’arrêté méconnaît les dispositions de l’article 3N du règlement du PLU ;
– l’arrêté méconnaît les dispositions de l’article 4N du règlement du PLU ;
– l’arrêté méconnaît les dispositions de l’article 9N du règlement du PLU ;
– l’arrêté méconnaît les dispositions de l’article 10N du règlement du PLU ;
– l’arrêté méconnaît les dispositions de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme et de l’article 11N du règlement du PLU ;
– l’arrêté méconnaît les règles relatives aux unités touristiques nouvelles ;
– l’arrêté est illégal par voie d’exception, dès lors que l’autorisation de défrichement sur laquelle il repose est entachée d’illégalité ;
– l’arrêté est illégal en tant qu’il n’a pas fait l’objet d’une évaluation environnementale au sens du point 47 de l’annexe de l’article R. 122-2 du code de l’environnement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 novembre 2021, le 17 avril 2023 et le 10 mai 2023, la SARL Un autre monde, représentée par la SELAS M et S…, prise en la personne de Me Laurent Keller, conclut au rejet de la requête, à l’annulation du jugement en tant qu’il a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme, à la condamnation des appelants à une somme de 46 280 euros augmentée de 36 632 euros sur ce même fondement, et à ce que soit mis à leur charge le versement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la requête est irrecevable dès lors que les requérants ne justifient d’un intérêt leur donnant qualité à agir ;
– les moyens présentés par les appelants ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 octobre 2022 et 13 avril 2023 au greffe de la cour, la commune de Breitenbach, représentée par la SCP Racine Strasbourg, prise en la personne de Me Anne-Claire Muller-Pistré, conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mis à la charge des appelants, le versement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la requête est irrecevable ;
– le moyen tiré de l’exception d’illégalité de l’autorisation de défrichement est inopérant ;
– tous les autres moyens ne sont pas fondés.

La clôture de l’instruction a été fixée au 25 mai 2023 par une ordonnance du 25 avril 2023.

Un mémoire complémentaire, enregistré le 25 mai 2023, a été présenté pour les requérants.

Un mémoire en défense complémentaire, enregistré le 25 mai 2023 a été présenté pour la commune de Breitenbach.

Ils n’ont pas été communiqués en application de l’article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de la construction et de l’habitation ;
– le code de la santé publique ;
– l’arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Wallerich, président,
– les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
– et les observations de Me Juliac-Degrelle, pour la SCI de construction la Kaelberhutte et autres, ainsi que celles de Me Martinez-White, pour la SARL Un autre monde.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 mai 2019, le maire de la commune de Breitenbach a délivré un permis de construire trois yourtes et deux annexes sur un terrain situé au lieu-dit la Kaelberhutte à Breitenbach, à la SARL Un autre monde, sollicité le 7 mars 2019. La SCI de construction la Kaelberhutte et les autres requérants ont formulé un recours gracieux, tendant au retrait dudit permis. Ce recours a été rejeté par une décision du maire du 13 août 2019. Par une requête introduite devant le tribunal administratif de Strasbourg, les requérants ont sollicité l’annulation de l’arrêté du 28 mai 2019 et de la décision du 13 août 2019. Par un jugement du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande. La SCI de construction la Kaelberhutte et les autres requérants relèvent appel de ce jugement.

Sur la légalité interne de l’arrêté du 28 mai 2019 :

En ce qui concerne le moyen tiré de l’exception d’illégalité du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) de Breitenbach :

2. Aux termes de l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme :  » Sous réserve de l’application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14, l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d’urbanisme, le document d’urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur « . Aux termes de l’article L. 600-12-1 du même code :  » L’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l’utilisation du sol ou à l’occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d’illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet « .

3. Il résulte de l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme que l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un document local d’urbanisme n’entraine pas l’illégalité des autorisations d’urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d’illégalité repose sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet en cause. Il appartient au juge, saisi d’un moyen tiré de l’illégalité du document local d’urbanisme à l’appui d’un recours contre une autorisation d’urbanisme, de vérifier d’abord si l’un au moins des motifs d’illégalité du document local d’urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l’autorisation d’urbanisme. Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s’il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d’urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s’il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger. En outre, lorsqu’un motif d’illégalité non étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d’urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l’exception d’illégalité du document local d’urbanisme à l’appui d’un recours en annulation d’une autorisation d’urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.

4. Les requérants font valoir que les dispositions des articles 1N, 2N et 11N du règlement du PLU méconnaissent les articles L. 151-11, L. 151-13, L. 151-8 et L. 122-9 du code de l’urbanisme, et que le projet méconnaît les règles du document immédiatement antérieur.

5. Dans un premier temps, aux termes de l’article L. 151-11 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige :  » I.- Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ; / 2° Désigner, en dehors des secteurs mentionnés à l’article L. 151-13, les bâtiments qui peuvent faire l’objet d’un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l’activité agricole ou la qualité paysagère du site. Le changement de destination est soumis, en zone agricole, à l’avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, et, en zone naturelle, à l’avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. / II. – Dans les zones agricoles ou forestières, le règlement peut autoriser les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. L’autorisation d’urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers « . Aux termes de l’article L. 151-13 du même code :  » Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : / 1° Des constructions ; / 2° Des aires d’accueil et des terrains familiaux locatifs destinés à l’habitat des gens du voyage au sens de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ; / 3° Des résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs. / Il précise les conditions de hauteur, d’implantation et de densité des constructions, permettant d’assurer leur insertion dans l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. / Il fixe les conditions relatives aux raccordements aux réseaux publics, ainsi que les conditions relatives à l’hygiène et à la sécurité auxquelles les constructions, les résidences démontables ou les résidences mobiles doivent satisfaire. / Ces secteurs sont délimités après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. /Leur caractère exceptionnel s’apprécie, entre autres critères, en fonction des caractéristiques du territoire, du type d’urbanisation du secteur, de la distance entre les constructions ou de la desserte par les réseaux ou par les équipements collectifs « . Aux termes de l’article R. 151-25 du même code :  » Peuvent être autorisées en zone N : (…) 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d’habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci « . Aux termes de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme :  » Les documents et décisions relatifs à l’occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard « .

6. Il résulte de la combinaison de ces articles que des constructions autres que celles nécessaires à des équipements collectifs ou à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, ainsi que les changements de destination, ne sont autorisées en zone naturelle que si elles sont insérées dans l’environnement et compatibles avec le maintien du caractère naturel de la zone.

7. Il résulte de la combinaison des articles 1N et 2N du règlement du PLU, que sont autorisés en secteur NG3 :  » L’aménagement et la réfection des constructions existantes ;/ L’extension limitée à 20% de l’emprise au sol existante à la date d’approbation du PLU des constructions existantes. / Les installations d’hébergement temporaire touristique démontable et sans dalle (yourtes), ainsi que les installations qui y sont liées « . Aussi, l’article 11N du règlement du PLU dispose que :  » 5. Les toitures devront être conçues de façon à reprendre l’esprit des formes des yourtes (toiture à pan concave ou à un seul pan par exemple) / 6. Les façades des constructions annexes (sanitaires) devront être traitées en matériaux rappelant celles des yourtes ou en matériaux rappelant l’aspect bois ou l’aspect « pierres ». / 7 ; Les constructions annexes aux yourtes devront être recouvertes d’une toiture végétalisée. Lorsqu’elles sont corrélées à au moins deux yourtes, les constructions annexes (sanitaires) devront être contiguës. / 8. Le traitement des yourtes et de leurs annexes devra être harmonieux sur l’ensemble du site « .

8. Les requérants font valoir que la zone NG3 n’est pas constituée en secteur de taille et de capacité limitées et que, par conséquent, le périmètre de ce secteur a été fixé en méconnaissance des articles L. 151-11 et L. 151-13 du code de l’urbanisme. De même, ils considèrent que les occupations du sol autorisées au sein de cette zone ne permettent pas de maintenir le caractère montagnard, naturel et forestier du site, dès lors qu’elles nécessitent un important défrichement de la zone représentant une superficie de 0,7 hectares pour le projet litigieux. Les dispositions de l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme sont applicables au cas d’espèce, dès lors que le terrain d’assiette se situe dans un site inscrit du massif des Vosges. D’une part, il ressort des pièces du dossier que la commune détient environ 750 hectares de forêt, que la zone NG3 jouxte une zone AC de 7 hectares sur laquelle est implantée une exploitation agricole, qui s’ouvre sur une large zone naturelle où l’habitat est diffus et que la sensibilité paysagère de la zone est qualifiée de  » faible à moyenne « , hors axe de vision principal et point de vue. Ainsi et en tout état de cause, eu égard à une analyse globale de la situation, si le secteur NG3 n’a pas été formellement délimité en secteur de taille et de capacité limitées, il n’en demeure pas moins qu’il reste circonscrit à 1,36 hectares et que, si la réalisation du projet nécessite effectivement un défrichement, les articles 1N et 2N du règlement PLU ne sont pas incompatibles avec les exigences de préservation des espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. D’autre part, les dispositions relatives à l’aspect extérieur, tendent à insérer les yourtes, autant que faire se peut, dans leur environnement, en prévoyant notamment la mise en place d’une toiture végétalisée et le rappel de l’aspect bois ou pierre pour les annexes, le tout afin de rendre harmonieuse l’intégralité du projet dans son environnement. Ainsi, si la construction de yourtes n’est pas ordinaire sur le territoire de la commune de Breitenbach, et plus généralement dans la région concernée, il n’en demeure pas moins que le PLU exige qu’elles s’intègrent au mieux dans le paysage et le patrimoine naturel et culturel montagnard. Par conséquent, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions des articles 1N, 2N et 11N seraient incompatibles avec les exigences de préservation des espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel, culturel et montagnard. Partant, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les articles 1N, 2N et 11N du règlement du PLU méconnaîtraient les articles L. 122-9, L. 151-11 et L. 151-13 du code de l’urbanisme.

9. Les requérants font valoir que la création du secteur NG3 est incohérente avec les objectifs du projet d’aménagement et de développement durables, notamment avec ses orientations A1, A4, A5, B2 et C2, en tant qu’elle conduit nécessairement à un étalement urbain en dehors de l’enveloppe urbaine, à modifier la topographie naturelle du terrain, à l’urbanisation d’un secteur agricole et naturel, à un important déboisement, à nuire à la qualité écologique et paysagère, ainsi qu’aux continuités écologiques, et à la destruction d’une partie de la ressource ligneuse de la commune, et que, dès lors, elle méconnaît les dispositions de l’article L. 151-8 du code de l’urbanisme.

10. Aux termes de l’article L. 151-5 du code de l’urbanisme :  » Le projet d’aménagement et de développement durables définit : 1° Les orientations générales des politiques d’aménagement, d’équipement, d’urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; (…) Il ne peut prévoir l’ouverture à l’urbanisation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers que s’il est justifié, au moyen d’une étude de densification des zones déjà urbanisées, que la capacité d’aménager et de construire est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés. Pour ce faire, il tient compte de la capacité à mobiliser effectivement les locaux vacants, les friches et les espaces déjà urbanisés pendant la durée comprise entre l’élaboration, la révision ou la modification du plan local d’urbanisme et l’analyse prévue à l’article L. 153-27. « . Aux termes de l’article L. 151-8 du même code :  » Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols permettant d’atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 « .

11. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d’urbanisme entre le règlement et le projet d’aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire couvert par le document d’urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d’aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l’inadéquation d’une disposition du règlement du plan local d’urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d’aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l’existence d’autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

12. En premier lieu, eu égard au caractère intégralement démontable de l’ensemble des installations projetées et à leur nombre limité, le projet autorisé ne conduit pas à un étalement urbain en dehors du centre urbanisé de la commune. En second lieu, si la topographie du terrain à vocation à être modifiée, il ressort des pièces du dossier que pour la construction de la yourte n°1, le terrain ne sera pas modifié, que pour la construction des annexes ainsi que celle des yourtes n°2 et n° 3, la topographie naturelle du terrain sera légèrement modifiée, du fait d’une retenue des terres nécessaire à l’implantation de la structure, afin de stabiliser le terrain, mais que la pente naturelle a vocation à être conservée. De plus, si la réalisation du projet conduit effectivement à un défrichement, son étendue sera limitée et son impact visuel faible eu égard à la surface forestière du ban communal, et son absence d’incompatibilité avec la préservation des espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. Par ailleurs la ressource ligneuse ne sera pas substantiellement réduite. Enfin, en ce qui concerne la préservation des continuités écologiques, la réalisation de projets autorisés en zone NG3 implique un défrichement d’une partie de la forêt. Par conséquent il ne ressort pas des pièces du dossier que la création de la zone NG3, eu égard à sa superficie, à son emplacement et aux règles qui encadrent les constructions qu’elle autorise, révèle une incohérence avec les objectifs mentionnés par les requérants, alors au demeurant que le PADD poursuit également l’objectif d’encourager le développement économique en valorisant le potentiel touristique et naturel du territoire comme source d’économie locale

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l’exception d’illégalité du règlement de PLU de Breitenbach doit être écarté tel qu’il est articulé, et en toutes ses branches.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R.431-30 du code de l’urbanisme :

14.Aux termes de l’article R. 431-30 du code de l’urbanisme :  » Lorsque les travaux projetés portent sur un établissement recevant du public, la demande est accompagnée des dossiers suivants, fournis en trois exemplaires :/ a) Un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles d’accessibilité aux personnes handicapées, comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 111-19-18 et R. 111-19-19 du code de la construction et de l’habitation ;/ b) Un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles de sécurité, comprenant les pièces mentionnées à l’article R. 123-22 du même code « . Aux termes de l’article R. 111-19-18 du code de la construction et de l’habitation :  » Le dossier, mentionné au a de l’article R. 111-19-17, comprend les pièces suivantes (…) : 3° Une notice expliquant comment le projet prend en compte l’accessibilité aux personnes handicapées, en ce qui concerne : / a) Les dimensions des locaux et les caractéristiques des équipements techniques et des dispositifs de commande utilisables par le public qui sont définis par arrêté du ministre chargé de la construction ; / b) La nature et la couleur des matériaux et revêtements de sols, murs et plafonds ; / c) Le traitement acoustique des espaces ; / d) Le dispositif d’éclairage des parties communes « .

15. Les insuffisances affectant le dossier de demande de permis de construire au regard des prescriptions de l’article R. 111-19-18 du code de la construction et de l’habitation n’entachent d’illégalité la décision que si, compte tenu de la nature de la construction projetée et de ces insuffisances ainsi que des autres pièces dont elle dispose pour y suppléer, l’autorité compétente n’a pas été mise à même de s’assurer que les conditions d’accès à l’établissement des personnes handicapées respectent la réglementation.

16.Les requérants font valoir que le dossier de demande de permis de construire est incomplet, dès lors que la notice d’accessibilité ne contient aucun élément relatif au traitement acoustique des espaces et au dispositif d’éclairage des parties communes. Ils estiment que ces omissions n’ont pas permis au service instructeur d’apprécier la conformité du projet aux règles d’accessibilité. Or, si la notice d’accessibilité ne fait effectivement pas état du traitement acoustique des espaces, pas plus que du dispositif d’éclairage des parties communes, la notice de sécurité mentionne les matériaux utilisés pour la construction des yourtes, qui permettent d’évaluer l’isolation acoustique des lieux. En revanche, les pièces du dossier ne mentionnent pas les éléments relatifs au dispositif d’éclairage des parties communes. Il s’ensuit qu’aucun élément du dossier de demande de permis ne permettait au service instructeur d’apprécier le respect, par le dispositif envisagé, des dispositions en vigueur en la matière. Néanmoins, il s’agit du seul élément manquant. Par conséquent, cette seule omission n’a pas été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Partant, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’arrêté du 28 mai 2019 méconnaît les dispositions de l’article R.431-30 du code de l’urbanisme.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des articles 1N et 2N du règlement du PLU de Breitenbach :

17. Aux termes de l’article 1N du règlement du PLU :  » Toutes les occupations et utilisations du sol non autorisées sous conditions particulières à l’article 2N sont interdites « . Aux termes de l’article 2N :  » En sous-secteur NG3 sont admis, en sus des OUS admises dans toute la zone : / 14. L’aménagement et la réfection des constructions existantes ;/ 15. L’extension limitée à 20% de l’emprise au sol existante à la date d’approbation du PLU des constructions existantes. / 16. Les installations d’hébergement temporaire touristique démontable et sans dalle (yourtes), ainsi que les installations qui y sont liées « .

18. Contrairement à ce qu’ils soutiennent, l’article 2N du règlement du PLU n’interdit pas la réalisation de terrassement pour les places de stationnement, que nécessiteront la construction des yourtes, pour stationner les véhicules des personnes hébergées dans ces yourtes. Le moyen précité ne peut dès lors qu’être écarté.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 3N du règlement du PLU de Breitenbach :

19. Aux termes de l’article 3N du règlement du PLU :  » Les voies publiques ou privées doivent avoir des caractéristiques adaptées à l’approche du matériel de lutte contre l’incendie, des véhicules d’enlèvement des ordures ménagères et aux opérations qu’elles doivent desservir « .

20. Si les requérants font valoir que le chemin d’accès au terrain d’assiette du projet, qui mesure un peu moins de trois mètres de large, ne permet pas une desserte suffisante et présente une certaine dangerosité, compte tenu notamment de la capacité d’accueil maximale des yourtes d’une cinquantaine de personnes en journée, et des conditions météorologiques hivernales qui entraînent, en cas de neige, un rétrécissement de la chaussée praticable, il ressort des pièces du dossier, comme l’ont relevé les premiers juges, que ce chemin dessert, outre le terrain d’assiette du projet, uniquement la yourte déjà installée par la société pétitionnaire, qui a vocation à intégrer le nouveau projet, ainsi que la ferme exploitée par l’un des requérants, et est donc déjà emprunté par des véhicules, sans qu’il ne soit établi que des problèmes particuliers de sécurité et d’accès se seraient déjà posés. Compte tenu de la vocation touristique du projet, de sa taille et de sa capacité d’accueil limitées, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’emplacement des places de stationnement, la végétation qui l’entoure et l’accroissement de fréquentation du chemin seraient de nature à le rendre plus dangereux. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 3N du règlement du plan local d’urbanisme pourra également être écarté.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 4N du règlement du PLU de Breitenbach :

21. Aux termes de l’article 4N du règlement du PLU :  » 2. En l’absence de réseau collectif de distribution d’eau potable, le captage, forage ou puits particulier devront préalablement être autorisés et réalisés dans les conditions fixées par la réglementation en vigueur (…) / 4. A défaut de de réseau d’assainissement collectif, l’assainissement autonome est admis sous réserve de respecter la réglementation en vigueur (…) « . Aux termes de l’article 5 de l’arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 :  » 4° Le dimensionnement de l’installation exprimé en nombre d’équivalents-habitants est égal au nombre de pièces principales au sens de l’article R. 111-1-1 du code de la construction et de l’habitation, à l’exception des cas suivants, pour lesquels une étude particulière doit être réalisée pour justifier les bases de dimensionnement : /les établissements recevant du public, pour lesquels le dimensionnement est réalisé sur la base de la capacité d’accueil ; (…) « .

22. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’avis de l’Agence régionale de santé du 11 avril 2019, que la mise en œuvre du dispositif d’alimentation en eau potable ne nécessitait qu’une déclaration, qui a, par ailleurs, été réalisée. De plus, le syndicat des eaux et de l’assainissement d’Alsace-Moselle a attesté, le 26 mars 2019, de la conformité du projet aux exigences réglementaires relatives à l’assainissement autonome en vigueur, au vu du dossier de demande de permis de construire comportant le nombre et le type de constructions, ainsi que la capacité d’accueil maximale. Ainsi, il ressort de cette attestation que le dimensionnement de l’installation d’assainissement autonome peut être déterminé eu égard aux nombres de pièces principales. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 4N du règlement du PLU doit être écarté comme non fondé.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 9N du règlement du PLU de Breitenbach :

23. Aux termes de l’article 9N du règlement du PLU :  » En sous-secteur NG3, l’emprise au sol cumulée des constructions nouvelles à usage d’hébergement touristique est limitée à 300 m² par unité foncière, y compris les installations techniques (sanitaires) « .

24. Les requérants se prévalent d’une erreur de calcul, dès lors que selon eux l’emprise au sol serait de 292,52 mètres carrés, et non de 271,80 mètres carrés, tel qu’indiqué sur le plan de masse. Or, il s’avère que cette erreur a déjà été rectifiée, à juste titre, par les juges de première instance, qui ont porté l’emprise au sol à 297,52 mètres carrés, résultant des données des plans de masse produits prenant en compte la construction d’une yourte de huit mètres de diamètre, soit une emprise au sol de 50,26 mètres carrés, de deux yourtes de sept mètres de diamètre, soit une emprise au sol de 38,48 mètres carrés chacune, de deux bâtiments annexes d’une emprise au sol de 117 et 48,3 mètres carrés, et de panneaux photovoltaïques d’une emprise au sol de cinq mètres carrés.

25. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ne devaient pas être prises en compte la surface de la citerne d’eau, qui sera enterrée, ni celle des places de stationnement, qui ne feront l’objet d’aucun aménagement, à l’exception de la place PMR qui nécessitera un terrassement en terre pour stabiliser le sol, ni celle du cheminement en bois et les plateformes d’accès aux yourtes, dont il n’est pas établi qu’il serait de nature à créer de l’emprise au sol.

26. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 9N du règlement du PLU n’est pas fondé.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 10N du règlement du PLU de Breitenbach :

27. Aux termes des règles générales du règlement du PLU :  » La hauteur des constructions est mesurée par rapport au niveau moyen du terrain d’assiette avant travaux éventuels d’affouillement ou d’exhaussement du sol nécessaires à la réalisation du projet et le point le plus haut du plan de toiture (faîtage ou sommet de l’acrotère) « . Aux termes de l’article 10N du règlement du PLU, en sous-secteur NG3 :  » La hauteur maximale des constructions est fixée à 5 mètres hors tout « .

28. Si les requérants soutiennent que les yourtes seront visibles depuis le chemin d’accès et leurs habitations à une hauteur supérieure à celle autorisée, la vue qu’ils auront est sans incidence sur le respect des règles de hauteur au sens réglementaire du terme. Par ailleurs, les requérants font valoir que les règles de hauteur ne sont pas respectées, dès lors qu’il n’y a pas un seul point de référence comme l’exige le PLU, et que la yourte n° 3 représente selon eux une hauteur de 5,75 mètres. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune des yourtes ne dépasse la hauteur autorisée par rapport au niveau moyen du terrain d’assiette, calculé par bâtiment, en fonction des mesures du terrain naturel mentionnées sur les plans de masse, propres à chacun de ces bâtiments. Si, la hauteur a été calculée à partir d’un point de référence différent pour chacune des constructions, il n’apparaît pas que cette méthode soit contraire aux dispositions du règlement du PLU alors que au demeurant la méthode proposée par les requérants ne permet pas d’obtenir une valeur exacte du niveau moyen du terrain d’assiette qui s’étend bien au-delà de l’emprise des constructions. De plus, il ressort des pièces du dossier que toutes les yourtes sont inférieures à 5 mètres de haut. Partant, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’arrêté contesté méconnaît les dispositions de l’article 10N du règlement du PLU.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme et de l’article 11N du règlement du PLU de Breitenbach :

29. Aux termes de l’article R. 111-1 du code de l’urbanisme :  » Le règlement national d’urbanisme est applicable aux constructions et aménagements faisant l’objet d’un permis de construire, d’un permis d’aménager ou d’une déclaration préalable ainsi qu’aux autres utilisations du sol régi par le présent code. / Toutefois les dispositions des articles R. 111-3, R. 111-5 à R. 111-19 et R. 111-28 à R. 111-30 ne sont pas applicables dans les territoires dotés d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu « . Aux termes de l’article R. 111-27 du même code :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales « . Aux termes de l’article 11N du règlement du PLU :  » 1. L’autorisation de construire peut-être refusée ou n’être accordée que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, ainsi qu’aux paysages naturels ou urbains. 2. La création de talus ou remblais artificiels est interdite. 3. Les matériaux de surfaces extérieures des bâtiments à implanter devront être traités de manière à optimiser l’insertion des bâtiments dans leur environnement en évitant les teintes vives. Ils devront être d’aspect naturel, non réfléchissants et dans des teintes qui s’insèrent dans leur environnement proche. 4. Les dispositifs d’exploitation d’énergie renouvelable sont autorisés sur les bâtiments. / DE PLUS, EN SOUS-SECTEUR NG3 / 5. Les toitures devront être conçues de façon à reprendre l’esprit des formes des yourtes (toiture à pan concave ou à un seul pan par exemple). / 6. Les façades des constructions annexes (sanitaires) devront être traitées en matériaux rappelant celles des yourtes ou en matériaux rappelant l’aspect bois ou l’aspect « pierres ». / 7. Les constructions annexes aux yourtes devront être recouvertes d’une toiture végétalisée. Lorsqu’elles sont corrélées à au moins deux yourtes, les constructions annexes (sanitaires) devront être contiguës. / 8. Le traitement des yourtes et de leurs annexes devra être harmonieux sur l’ensemble du site « .

30. Dès lors qu’elles ont le même objet que celles de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme et qu’elles posent des exigences qui ne sont pas moindres, c’est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d’urbanisme que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée.

31. En l’espèce, les requérants soutiennent, en se fondant notamment sur l’avis défavorable émis par l’architecte des bâtiments de France, en date du 22 mars 2019, que le projet litigieux est de nature à porter atteinte au caractère et à l’intérêt des paysages naturels caractéristiques du site inscrit du massif des Vosges, ainsi qu’au caractère des lieux avoisinants, dès lors qu’il implique un défrichement de 0,7 hectares, la suppression à venir d’arbres, la modification de la pente du terrain naturel, la rupture avec le patrimoine local alsacien et les habitations avoisinantes.

32. Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé aux points précédents, la zone NG3 est un secteur de taille et capacité d’accueil limitées, dans lequel l’implantation de yourtes a été spécifiquement autorisée, sous réserve de respecter certaines caractéristiques propres à ce type d’habitat, que le projet litigieux respecte. La circonstance que le projet nécessite un défrichement de 0,7 hectares ne porte aucune atteinte aux lieux avoisinants dès lors que le projet est implanté en limite d’une grande clairière et que ce défrichement reste limité au regard de l’étendue de boisement qui entoure le site. Enfin, ni le projet, dans son essence même, ni les installations nécessitées par celui-ci telles que la pose de panneaux photovoltaïques d’une emprise au sol de cinq mètres carrés et d’une citerne d’eau enterrée ne sont contraire à l’article 11N ni de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, ainsi qu’aux paysages naturels, alors même que ce type d’habitat est insolite et peu répandu dans le massif vosgien, et en dépit du fait que l’architecte des bâtiments de France a émis un avis défavorable au projet.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des règles relatives aux unités touristiques nouvelles :

33. Aux termes de l’article L. 122-15 du code de l’urbanisme :  » Le développement touristique et, en particulier, la création ou l’extension des unités touristiques nouvelles prennent en compte les communautés d’intérêt des collectivités territoriales concernées et la vulnérabilité de l’espace montagnard au changement climatique. Ils contribuent à l’équilibre des activités économiques et de loisirs, notamment en favorisant la diversification des activités touristiques ainsi que l’utilisation rationnelle du patrimoine bâti existant et des formules de gestion locative des constructions nouvelles. / La localisation, la conception et la réalisation d’une unité touristique nouvelle doivent respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels « . Aux termes de l’article L. 122-16 du même code :  » Toute opération de développement touristique effectuée en zone de montagne et contribuant aux performances socio-économiques de l’espace montagnard constitue une  » unité touristique nouvelle « , au sens de la présente sous-section « . L’article L. 122-17 du même code dispose que :  » Constituent des unités touristiques nouvelles structurantes : / 1° Celles dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat ; / 2° Le cas échéant, celles définies comme structurantes pour son territoire par le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale, dans les conditions prévues à l’article L. 141-23 « . Aux termes de l’article R. 122-8 du même code :  » Constituent des unités touristiques nouvelles structurantes pour l’application du 1° de l’article L. 122-17 les opérations suivantes : / 1° La création, l’extension ou le remplacement de remontées mécaniques, lorsque ces travaux ont pour effet : / a) La création d’un nouveau domaine skiable alpin ; / b) L’augmentation de la superficie totale d’un domaine skiable alpin existant, dès lors que cette augmentation est supérieure ou égale à 100 hectares ; / 2° Les liaisons entre domaines skiables alpins existants ; / 3° Les opérations de construction ou d’extension d’hébergements et d’équipements touristiques d’une surface de plancher totale supérieure à 12 000 mètres carrés, à l’exclusion des logements à destination des personnels saisonniers ou permanents des équipements et hébergements touristiques ;/ 4° L’aménagement, la création et l’extension de terrains de golf d’une superficie supérieure à 15 hectares ;/ 5° L’aménagement de terrains de camping d’une superficie supérieure à 5 hectares ;/ 6° L’aménagement de terrains pour la pratique de sports ou de loisirs motorisés d’une superficie supérieure à 4 hectares :/ 7° Les travaux d’aménagement de pistes pour la pratique des sports d’hiver alpins, situés en site vierge au sens du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement d’une superficie supérieure à 4 hectares ;/ 8° La création d’une remontée mécanique n’ayant pas pour objet principal de desservir un domaine skiable, pouvant transporter plus de dix mille voyageurs par jour sur un dénivelé supérieur à 300 mètres « . Aux termes de l’article L. 122-18 du code de l’urbanisme :  » Constituent des unités touristiques nouvelles locales : / 1° Celles dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat ; / 2° Le cas échéant, celles définies par le plan local d’urbanisme, dans les conditions prévues au II de l’article L. 151-7 « . Aux termes de l’article R. 122-9 du même code :  » Constituent des unités touristiques nouvelles locales, pour l’application du 1° de l’article L. 122-18 : / 1° La création, l’extension ou le remplacement de remontées mécaniques, lorsqu’ils ont pour effet l’augmentation de plus de 10 hectares et de moins de 100 hectares d’un domaine skiable alpin existant ; / 2° L’aménagement, la création et l’extension de terrains de golf d’une superficie inférieure ou égale à 15 hectares ;/ 3° Les opérations suivantes, lorsqu’elles ne sont pas situées dans un secteur urbanisé ou dans un secteur constructible situé en continuité de l’urbanisation : / a) La création ou l’extension, sur une surface de plancher totale supérieure à 500 mètres carrés, d’hébergements touristiques ou d’équipements touristiques ; / b) L’aménagement de terrains de camping d’une superficie comprise entre 1 et 5 hectares ; / c) La création de refuges de montagne mentionnés à l’article L. 326-1 du code du tourisme, ainsi que leur extension pour une surface de plancher totale supérieure à 200 mètres carrés « .

34. Les requérants font valoir que le projet constitue une unité touristique nouvelle au sens de l’article L. 122-16 du code de l’urbanisme et qu’il méconnaît les dispositions de l’article L. 122-15 du même code, dès lors qu’il porte une atteinte grave à la qualité des sites et aux grands équilibres naturels du massif vosgien. Or, il ressort des pièces du dossier que le projet ne saurait constituer une unité touristique nouvelle, soumise à un régime spécifique, dès lors qu’il créé une surface de plancher limitée de 211 mètres carrés inférieure à la surface de 500 m2 mentionnée à l’article R. 122-9 du code de l’urbanisme. Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’arrêté contesté méconnaît les dispositions relatives aux unités touristiques nouvelles.

Sur le moyen tiré de l’exception d’illégalité de l’autorisation de défrichement délivrée le 5 avril 2018 :

35. Une autorisation de défrichement ne forme pas avec un permis de construire une opération complexe, de sorte que les illégalités d’une autorisation de défrichement devenue définitive, ne sauraient être invoquées à l’appui de conclusions dirigées contre un permis de construire.

36. Les requérants font valoir que l’arrêté contesté est illégal par voie d’exception, dès lors que l’autorisation de défrichement sur laquelle il repose est elle-même entachée d’illégalité, en tant que le maire aurait excédé l’autorisation accordée par le conseil municipal, en la sollicitant auprès du préfet. Or, il ressort des pièces du dossier que l’autorisation de défricher a été délivrée le 5 avril 2018 et n’a fait l’objet d’aucune contestation dans le délai de deux mois suivant son affichage pour les tiers et suivant sa notification pour le bénéficiaire. Ainsi, la décision est devenue définitive. Partant, le moyen tiré de l’exception d’illégalité de l’autorisation de défrichement ne peut qu’être écarté.

Sur le moyen tiré de l’absence d’évaluation environnementale :

37. Aux termes du point 47 de l’annexe de l’article R. 122-2 du code de l’environnement, sont soumis à évaluation environnementale,  » les défrichements portant sur une superficie totale, même fragmentée, égale ou supérieure à 25 hectares « . Sont soumis à un examen au cas par cas,  » Les défrichements soumis à autorisation au titre de l’article L. 341-1 du code forestier en vue de la reconversion des sols, portant sur une superficie totale, même fragmentée, de plus de 0,5 hectares « , ainsi que  » les autres déboisements en vue de la reconversion des sols, portant sur une superficie totale, même fragmentée, de plus de 0,5 hectares « .

38. Le préfet de la région Grand Est a été saisi sur le fondement des dispositions précitées, pour un projet portant sur la réalisation de trois yourtes ainsi que des aménagements paysagers constitués de haies sauvages, d’aménagements de lisières, de la plantation d’un verger de hautes tiges et de la création d’une mare, comportant un défrichement de 0,7 hectares et un changement de destinations des sites. L’autorité administrative compétente a décidé, après avoir relevé que le projet se situait dans un massif forestier de 750 hectares, en dehors d’un zonage environnemental caractéristique d’une sensibilité particulière et qu’au regard des éléments fourmis par le pétitionnaire le projet n’est pas susceptible d’impacter notablement l’environnement et la santé, que ce projet n’était pas soumis à évaluation environnementale par une décision du 26 février 2018. Si le projet soumis a été modifié par l’adjonction de deux bâtiments annexes, destinés à la cuisine et aux sanitaires, il n’apparaît pas, eu égard au caractère mineur des adaptations en cause, qu’il aurait dû faire l’objet d’une nouvelle saisine du préfet, alors que la surface de défrichement est demeurée inchangée.

39. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées en défense, les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du jugement du 15 juillet 2021, de l’arrêté du 28 mai 2019 et de la décision du 13 août 2019 par laquelle le maire a rejeté leur recours gracieux du 25 juillet 2019.

Sur les conclusions présentées par la SARL Un autre monde, sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme :

40. Aux termes de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme :  » Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel « .

41. S’il résulte de l’instruction que la SARL Un autre monde démontre effectivement que la présente instance lui cause un important préjudice financier, il n’en ressort pas qu’il provienne d’un comportement abusif des requérants contestant l’arrêté du 28 mai 2019. Par conséquent, les conclusions à fin d’indemnisation présentées par la SARL Un autre monde, sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme, doivent être rejetées.

Sur les frais d’instance :

42. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Un autre monde et de la commune de Breitenbach, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par la SCI de construction La Kaelberhutte et les autres requérants, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCI de construction La Kaelberhutte et des autres requérants, le versement d’une somme de 1 500 euros à la SARL Un autre monde, ainsi que le versement d’une somme de 1 500 euros à la commune de Breitenbach, sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI de construction La Kaelberhutte et des autres requérants est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fin d’indemnisation formulées sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme par la SARL Un autre monde sont rejetées.
Article 3 : Le versement d’une somme de 1 500 euros à la SARL Un autre monde, ainsi que le versement d’une somme de 1 500 euros à la commune de Breitenbach, sont mis à la charge de la SCI de construction la Kaelberhutte et des autres requérants, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI de construction la Kaelberhutte, représentant unique des autres requérants en application des dispositions de l’article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune de Breitenbach et à la SARL Un autre monde.

PLU (St-Gervais)/ Vices régularisables

CAA de LYON – 1ère chambre

  • N° 21LY02895
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mardi 16 mai 2023

Président

Mme MEHL-SCHOUDER

Rapporteur

Mme Claire BURNICHON

Rapporteur public

  1. LAVAL

Avocat(s)

LIOCHON DURAZ

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association Fédération Rhône-Alpes de la Protection de la Nature section Haute-Savoie, devenue France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74), et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA), ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 9 novembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Gervais a approuvé la révision n° 2 de son plan local d’urbanisme (PLU).

Par un jugement n° 1702614 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a, d’une part, annulé la délibération du conseil municipal de Saint-Gervais-les-Bains du 9 novembre 2016 en tant qu’elle a défini une zone AUD dans le secteur dit des Chosalets/Bétasses, une zone AUB du secteur de l’Essey et les OAP n° 6 et n° 7, et, d’autre part, sursis à statuer sur les conclusions en annulation de la zone AUBb du secteur du Bettex et de l’OAP n° 3, durant un délai de trente jours à compter de la notification du présent jugement dans l’attente des observations des parties.

Par un jugement n°1702614 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur les conclusions en annulation de la zone AUBb du secteur du Bettex et de l’OAP n° 3, durant un délai d’un an à compter de la notification du jugement.

Par une délibération du 10 février 2021, le conseil municipal de Saint-Gervais-les-Bains a approuvé la modification n° 3 du plan local d’urbanisme.
Par un jugement n° 1702614 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations du conseil municipal de Saint-Gervais-les-Bains du 9 novembre 2016 et du 10 février 2021 en tant qu’elles ont défini une zone AUBb dans le secteur du Bettex et ont prévu l’OAP n° 3.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 août 2021, la commune de Saint-Gervais-Les-Bains, représentée par le cabinet CLDAA, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 juillet 2021 ;

2°) de rejeter les demandes des associations France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) ;

3°) de mettre à la charge de ces associations le versement solidaire de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement attaqué est irrégulier en ce qu’il est insuffisamment motivé ;
– le rapport de présentation est suffisant, il précise l’objet de la modification ; les dispositions du 3° de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme ont été respectées ;
– les dispositions du 5° de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme ont été respectées en ce que le rapport de présentation décrit et analyse le fonctionnement de l’hydrosystème et précise que l’OAP vise en priorité la protection intégrale des zones humides, dans leur périmètre, comme dans leur fonctionnement et leur gestion ;
– l’orientation d’aménagement et de programmation n° 3 est cohérente avec le projet d’aménagement et de développement durables ; le jugement attaqué méconnaît l’article L. 151-6 du code de l’urbanisme ; l’OAP n° 3 a identifié les zones humides et la zone de compensation potentielle le cas échéant et elle a été complétée avec l’objectif de la protection intégrale des zones humides ;
– les autres moyens invoqués en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2022, l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA), représentées par la SELARL Morell Alart et Associés, concluent au rejet de la requête de la commune de Saint-Gervais-Les-Bains et à ce qu’il soit mis à la charge de la commune le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
– le rapport de présentation est insuffisant en ce qu’il présente la modification n° 3 comme une erreur matérielle ; les dispositions du 3° de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme ont été méconnues et les cartes de l’étude environnementale sont insuffisantes ;
– les dispositions du 5° de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme ont été méconnues en ce que le rapport de présentation est insuffisant sur l’analyse et le fonctionnement de l’hydrosystème ainsi que sur l’évitement ; la compensation est inexistante et le rapport de présentation n’analyse pas les incidences de l’évolution du PLU sur les fonctionnalités de la zone humide détruite ;
– le tribunal s’est bien prononcé sur la cohérence, et non sur la compatibilité, de l’OAP n° 3 avec le PADD ; compte tenu des caractéristiques de l’OAP n° 3, les zones humides ne pourront pas être préservées dans leur intégralité ;
– le dossier d’enquête publique était insuffisant en l’absence de réponse de la commune à l’avis de la MRAe et le public a été privé de la connaissance des compléments annoncés par la commune ;
– les conclusions du commissaire enquêteur sont dépourvues d’une motivation suffisante et personnelle, en méconnaissance de l’article R. 123-19 du code de l’urbanisme, et il n’a pas fait preuve d’indépendance ;
– les vices entachant la délibération du 9 novembre 2016 n’ont pas été régularisés.

Par ordonnance du 20 mai 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 7 juin 2022.

Par lettre du 30 mars 2023, les parties ont été informées en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de l’irrecevabilité des moyens invoqués devant le tribunal administratif de Grenoble par l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) contre la légalité de la délibération litigieuse en l’absence d’appel de leur part et dirigé contre les jugements des 31 octobre 2019 et 12 mars 2020.
L’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) ont présenté des observations en réponse à ce moyen d’ordre public, qui ont été enregistrées le 19 avril 2023 et communiquées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,
– les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
– les observations de Me Raffin pour l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA).

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 9 novembre 2016, le conseil municipal de la commune de Saint-Gervais-les-Bains a adopté la révision n° 2 de son plan local d’urbanisme (PLU). Par un jugement n° 1702614 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération du 9 novembre 2016 en tant qu’elle a défini une zone AUD dans le secteur dit des Chosalets/Bétasses, une zone AUB dans le secteur de l’Essey et les OAP nos 6 et 7. Il a également sursis à statuer sur les conclusions en annulation de la zone AUBb du secteur du Bettex et de l’OAP n° 3, pendant trente jours à compter de la notification du jugement, dans l’attente des observations des parties. Par un autre jugement n° 1702614 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur les conclusions en annulation de la zone AUBb du secteur du Bettex et de l’OAP n° 3, pendant un an à compter de la notification du jugement. Suite à ce jugement avant dire droit, par un arrêté du 18 novembre 2019, une procédure de modification n° 3 a été prescrite. La mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) a rendu le 22 avril 2020 une décision après un examen au cas par cas relative à cette modification. Par une délibération du 10 février 2021 le conseil municipal, après une enquête publique qui a eu lieu du 24 décembre 2020 au 25 janvier 2021, a approuvé la modification n° 3 du PLU. La commune de Saint-Gervais-les-Bains relève appel du jugement du 5 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations du 9 novembre 2016 et du 10 février 2021 en tant qu’elles ont défini une zone AUBb dans le secteur du Bettex et ont institué l’OAP n° 3.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En application de l’article L. 9 du code de justice administrative, les jugements doivent être motivés. Le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement en examinant le contenu du rapport de présentation et en l’appréciant au regard notamment de l’avis de la MRAe ainsi que la légalité de l’OAP n° 3 au regard des dispositions de l’article L. 151-6 du code de l’urbanisme. Il est dès lors suffisamment motivé. La circonstance que les premiers juges se soient fondés sur l’avis de la MRAe précité sans qu’une confrontation ne soit effectuée avec le contenu de l’évaluation environnementale reprise dans le rapport de présentation approuvé ne relève pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé, et le moyen tiré de l’irrégularité du jugement ne peut donc qu’être rejeté.
Sur la légalité des délibérations du 9 novembre 2016 et 10 février 2021 :

En ce qui concerne la régularisation des vices :
3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme, alors en vigueur et désormais codifié à l’article R. 151-3 du même code :  » Lorsque le plan local d’urbanisme doit faire l’objet d’une évaluation environnementale conformément aux articles L. 121-10 et suivants, le rapport de présentation : (…) / 3° Analyse les incidences notables prévisibles de la mise en œuvre du plan sur l’environnement et expose les conséquences éventuelles de l’adoption du plan sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l’environnement telles que celles désignées conformément aux articles R. 214-18 à R. 214-22 du code de l’environnement ainsi qu’à l’article 2 du décret n° 2001-1031 du 8 novembre 2001 relatif à la procédure de désignation des sites Natura 2000 ; /(…) /5° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser s’il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l’environnement et rappelle que le plan fera l’objet d’une analyse des résultats de son application, notamment en ce qui concerne l’environnement, au plus tard à l’expiration d’un délai de dix ans à compter de son approbation ; « .
4. D’une part, le rapport de présentation portant sur l’évaluation environnementale, dans sa version approuvée par le PLU en février 2021 (RP2) et réalisée dans le cadre de la modification n° 3 du PLU de Saint-Gervais-les-Bains, examine la nature des sols et les modalités d’alimentation de la zone humide en précisant notamment que la zone portant l’OAP du Bettex est alimentée par un bassin versant relativement restreint de douze hectares au sein du vaste versant Nord-Nord-Est du Mont d’Arbois, et étudie les pentes et directions d’écoulement, en indiquant ensuite que les deux autres  » patchs  » de zones humides à proximité du terrain de tennis résultent probablement de microfailles localement plus profondes ou de fuites latérales du milieu principal. Ce rapport comprend un plan schématique du bassin versant topographique actif dominant le terrain étudié localisant ce bassin et les écoulements des eaux superficielles, une vue globale de la topographie du site ainsi qu’une vue aérienne retraçant l’emprise de l’OAP n° 3, celle de l’étude pour l’expertise  » zone humide  » et celle des zones humides présentes sur le terrain. Il indique enfin, en conclusion, que l’expertise relative à la zone humide confirme la présence d’une zone humide sur une surface totale de 1 798 m² et qu’il n’existe pas de lien hydraulique entre la zone humide située sur l’emprise de l’OAP du Bettex et le milieu recensé plus au nord-ouest par l’inventaire départemental des zones humides, les sous-bassins versants alimentant chacune des zones étant très différents.

5. Ce RP2 comprend également une analyse de la modification sur le paysage, un examen du réseau écologique, de la ressource en eau, de la gestion de l’eau potable en matière d’assainissement et d’eaux pluviales, de la gestion des déchets, des sols et sous-sols, des ressources énergétiques, gaz à effets de serre et facteurs climatiques, de la qualité de l’air et du climat, du bruit et des risques naturels et technologiques. Ce RP2, dans le cadre de l’analyse de l’incidence de la modification du PLU sur la biodiversité et la dynamique écologique, comprend aussi une carte retraçant l’emprise de l’OAP n° 3, avec les zones anthropisées, les prairies de transition à hautes herbes et les points de relevés floristiques, entre-autres. En conséquence, ce rapport de présentation, qui a tenu compte des observations de la MRAe, analyse les incidences notables prévisibles de la mise en œuvre du plan sur les zones humides du secteur et les conséquences éventuelles de l’adoption du plan sur la protection de ces zones conformément aux dispositions précitées du 3° de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme.

6. D’autre part, ce même RP2 du PLU approuvé précise que  » l’OAP vise en priorité la protection intégrale des zones humides, dans leur périmètre, comme dans leur fonctionnement et leur gestion. Les aménagements veilleront à éviter les zones humides le long des courts de tennis et dans la bande inconstructible sous la remontée mécanique, ce qui correspond à une surface évitée d’environ 760m²  » et ajoute que, pour la zone humide qui ne pourra être évitée, celle-ci fera l’objet d’une compensation in situ et que, selon les sondages des sols réalisés sur la zone et les données hydrogéologiques, la seule dérivation des venues d’eaux des circulations superficielles permettront de restaurer un habitat similaire à celui observé sur la zone humide actuelle, dans des sols et un substratum de même nature et une situation topographique propice à cette solution. Il y est par ailleurs aussi mentionné que l’OAP intègre  » des espaces verts libres de constructions à conserver dans les secteurs d’exutoire des écoulements afin de recréer la végétation spontanée des milieux humides, de caractéristiques phytosociologiques similaires à la zone qui serait détruite et en connexion avec les zones humides conservées  » afin de garantir l’objectif d’équivalence fonctionnelle de la zone compensée avec la zone potentiellement impactée, et que la superficie maximum impactée de 1 038m² imposera le cas échéant une compensation sur 2 100 m² environ et l’absence totale de possibilité d’usage récréatif de la zone de compensation, compte tenu de la nature même des sols restaurés. L’ensemble de ces éléments permet de constater que le rapport de présentation de la modification n° 3 présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et compenser s’il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l’environnement.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les vices entachant le rapport de présentation concernant les zones humides du secteur du Bettex ont été régularisés par la délibération du 10 février 2021.
8. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 151-6 du code de l’urbanisme :  » Les orientations d’aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables [PADD], des dispositions portant sur l’aménagement, l’habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles « .
9. L’OAP n° 3  » Zone AUB du Bettex cœur de station « , telle que complétée par la modification n° 3 du PLU de Saint-Gervais-les-Bains, indique que l’objectif visé est la protection intégrale des zones humides, dans leur périmètre comme dans leurs fonctionnement et gestion, en précisant que tout aménagement ou construction devra veiller en premier lieu à éviter les zones humides. Elle précise également que si une telle mesure d’évitement n’est pas possible, l’impact potentiel sur ces zones devra être réduit et, qu’en dernier lieu, toute destruction d’une zone humide ou partie de zone humide devra être compensée en reprenant la mise en place des mesures de compensation in situ précisées par le RP2 mais en précisant que des espaces verts libres de construction devront être conservés dans les secteurs d’exutoire des écoulements afin de recréer la végétation spontanée des milieux humides de caractéristiques phytosociologiques similaires à la zone qui serait détruite et en connexion avec les zones humides conservées. L’OAP n° 3 comporte par ailleurs une carte localisant les zones humides, précise la structuration du projet autour d’un cœur de quartier ainsi que les espaces dédiés à la gestion des eaux pluviales, d’évitement et de compensation possible des zones humides. Compte tenu de ces éléments et alors que le PLU en tant que document de planification n’avait pas à préciser davantage la mise en œuvre de mesures de compensation en l’absence de projet défini sur le secteur, l’OAP n° 3 précitée comporte des objectifs et principes d’aménagement qui sont en cohérence avec l’objectif du PADD tendant à  » protéger la trame verte et bleue : espaces forestiers, espaces naturels de coupure d’urbanisation, les zones humides « .
10. Il résulte de ce qui précède que le vice entachant l’OAP n° 3 a été régularisé par la délibération du 10 février 2021.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Gervais-les-Bains est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a considéré que les vices entachant la délibération du 9 novembre 2016 en tant qu’elle a défini une zone AUBb dans le secteur du Bettex et prévu l’OAP n° 3, n’avaient pas été régularisés par la délibération du 10 février 2021. Par ailleurs, en l’absence d’appel dirigé contre les jugements des 31 octobre 2019 et 12 mars 2020, l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) ne sont pas recevables à reprendre à leur compte l’argumentation développée devant le TA de Grenoble contre la légalité des délibérations litigieuses.
En ce qui concerne les vices propres de la procédure de régularisation :
12. Il résulte de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme que les parties à l’instance ayant donné lieu à la décision de sursis à statuer en vue de permettre la régularisation de l’acte attaqué ne peuvent contester la légalité de l’acte pris par l’autorité administrative en vue de cette régularisation que dans le cadre de cette instance et qu’elles ne sont, en revanche, pas recevables à présenter devant le tribunal administratif une requête tendant à l’annulation de cet acte. Elles peuvent, à l’appui de la contestation de l’acte de régularisation, invoquer des vices affectant sa légalité externe et soutenir qu’il n’a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant-dire droit. Elles ne peuvent soulever aucun autre moyen, qu’il s’agisse d’un moyen déjà écarté par la décision avant-dire droit ou de moyens nouveaux, à l’exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
13. En premier lieu, aux termes de l’article L. 153-19 du code de l’urbanisme :  » Le projet de plan local d’urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement par le président de l’établissement public de coopération intercommunale ou le maire « . L’article R. 153-8 du même code prévoit que :  » Le dossier soumis à l’enquête publique est composé des pièces mentionnées à l’article R. 123-8 du code de l’environnement et comprend, en annexe, les différents avis recueillis dans le cadre de la procédure. / Il peut, en outre, comprendre tout ou partie des pièces portées à la connaissance de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune par le préfet (…) « .
14. Contrairement à ce que soutiennent les fédérations en défense, le rapport du commissaire-enquêteur énumère et synthétise les avis des personnes publiques associées et notamment l’avis de la MRAe et il cite également le mémoire de la commune de Saint-Gervais-les-Bains fait en réponse à cet avis, lesquels étaient joints au dossier d’enquête. Par ailleurs, ce mémoire en réponse indique clairement que le rapport de présentation RP2 sera complété et reprend les compléments qui ont été ajoutés en février 2021, permettant ainsi au public d’avoir connaissance des modifications apportées au rapport de présentation après l’enquête.
15. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 123-19 du code de l’environnement : « Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l’enquête et examine les observations recueillies./Le rapport comporte le rappel de l’objet du projet, plan ou programme, la liste de l’ensemble des pièces figurant dans le dossier d’enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l’enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public./ Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet./(…) « .

16. Le commissaire-enquêteur, après avoir rappelé l’objet et le déroulement de la procédure de modification n° 3 et précisé ses apports, notamment dans le rapport de présentation, liste et analyse les avis des personnes publiques associées et notamment celui de la MRAe, ainsi que le mémoire en réponse de la commune produit avant enquête, puis analyse les observations formulées par le public et donne son avis sur ces dernières. Il ressort de ce rapport et des conclusions qu’il comporte que le commissaire a donné, en toute impartialité, un avis, qui est personnel, sur le projet de modification n° 3, en relevant également la possibilité d’inscrire le projet d’urbanisation du Bettex en évitant les deux zones humides et en recommandant à la commune d’étudier avec le concepteur du projet cette possibilité, qui permettrait de valoriser ces zones humides et de les intégrer dans les aménagements paysagers et peut-être même de les signaler à titre pédagogique avec une signalétique appropriée. Par suite, les dispositions de l’article R. 123-19 du code de l’environnement n’ont pas été méconnues.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Gervais-les-Bains est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations du conseil municipal de Saint-Gervais-les-Bains du 9 novembre 2016 et du 10 février 2021 en tant qu’elles ont défini une zone AUBb dans le secteur du Bettex et prévu l’OAP n° 3.

Sur les frais d’instance :

18. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Gervais-les-Bains, qui n’est pas la partie perdante, verse à l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et à l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) la somme qu’elles demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Gervais-les-Bains au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1702614 du 5 juillet 2021 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Gervais-les-Bains, à l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et à l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA).
Délibéré après l’audience du 25 avril 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Aides agricoles/ ZSCN/ ZSCS

CAA de LYON – 3ème chambre

  • N° 21LY03732
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 17 mai 2023

Président

  1. TALLEC

Rapporteur

Mme Sophie CORVELLEC

Rapporteur public

  1. DELIANCOURT

Avocat(s)

SELARL GC AVOCAT

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

I. Par une requête enregistrée sous le numéro 1901530, la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or, l’exploitation agricole à responsabilité limitée Cédric Bazin, le groupement agricole d’exploitation en commun Reconnu des Pralets, le groupement agricole d’exploitation en commun Jacotot, M. C… B…, le groupement agricole d’exploitation en commun de Bessey-en-Chaume, M. H… D…, M. F… A…, la société civile d’exploitation agricole de Flagny et la société à responsabilité limitée Domaine Guy Fouquerand ont demandé au tribunal administratif de Dijon :
1°) d’annuler l’arrêté du 27 mars 2019 du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et du ministre de l’économie et des finances portant délimitation des zones agricoles défavorisées ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Par une requête enregistrée sous le numéro 1903320, la Confédération paysanne de Côte-d’Or et M. E… G… ont demandé au tribunal administratif de Dijon :
1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a refusé de procéder à la publication au Journal officiel de l’annexe de l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées ;
2°) d’annuler l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées, en tant qu’il ne classe pas en zones soumises à des contraintes naturelles les communes d’Antheuil, Aubaine, Bessey-en-Chaume, Bévy, Bouhey, Bouilland, La Bussière-sur-Ouche, Clémencey, Collonges-lès-Bévy, Crugey, Curley, L’Etang-Vergy, Flavignerot, Fussey, Mavilly-Mandelot, Meloisey, Messanges, Quemigny-Poisot, Reulle-Vergy, Saint-Jean-de-Bœuf, Saint-Victor-sur-Ouche, Semezanges, Ternant, Thorey-sur-Ouche, Urcy et Cormot-Vauchignon, ensemble la décision portant rejet de leur recours gracieux ;
3°) d’annuler l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées, en tant qu’il ne classe pas en zones agricoles défavorisées les communes de Chamboeuf, Corcelles-les-Monts, Détain-et-Bruant et Veuvey-sur-Ouche, ensemble la décision portant rejet de leur recours gracieux ;
4°) d’enjoindre au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de procéder à la publication au Journal officiel de la République française de l’annexe de l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées ;
5°) d’enjoindre au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de modifier l’annexe de l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées en classant les communes d’Antheuil, Aubaine, Bessey-en-Chaume, Bévy, Bouhey, Bouilland, La Bussière-sur-Ouche, Clémencey, Collonges-lès-Bévy, Crugey, Curiey, L’Etang-Vergy, Flavignerot, Fussey, Mavilly-Mandelot, Meloisey, Messanges, Quemigny-Poisot, Reulle-Vergy, Saint-Jean-de-Bœuf, Saint-Victor-sur-Ouche, Semezanges, Ternant, Thorey-sur-Ouche, Urcy et Cormot-Vauchignon en zones soumises à des contraintes naturelles ;
6°) d’enjoindre au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de modifier l’annexe de l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées en classant les communes de Chamboeuf, Corcelles-les-Monts, Détain-et-Bruant et Veuvey-sur-Ouche en zones agricoles défavorisées.

Par un jugement nos 1901530, 1903320 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a joint ces demandes et a :
1°) annulé l’arrêté du 27 mars 2019 du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et du ministre de l’économie et des finances portant délimitation des zones agricoles défavorisées en tant qu’il ne classe pas les communes d’Antheuil, Bessey-en-Chaume, Bouhey, Bouilland, Clémencey, Curley, Flavignerot, La Bussière-sur-Ouche, Quemigny-Poisot, Saint-Jean-de-Bœuf, Saint-Victor-sur-Ouche, Semezanges, Thorey-sur-Ouche, Urcy, Cormot-Vauchignon, Ternant, Aubaine et Mavilly-Mandelot en zone soumise à des contraintes naturelles importantes ;
2°) annulé la décision implicite de rejet du recours gracieux de la Confédération paysanne de Côte d’Or et de M. G… en tant qu’elle ne classe pas les communes d’Antheuil, Bessey-en-Chaume, Bouhey, Bouilland, Clémencey, Curley, Flavignerot, La Bussière-sur-Ouche, Quemigny-Poisot, Saint-Jean-de-Bœuf, Saint-Victor-sur-Ouche, Semezanges, Thorey-sur-Ouche, Urcy, Cormot-Vauchignon, Ternant, Aubaine et Mavilly-Mandelot en zone soumise à des contraintes naturelles importantes ;
3°) mis à la charge de l’Etat les sommes de 300 euros à verser à la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or, à l’exploitation agricole à responsabilité limitée Cédric Bazin, au groupement agricole d’exploitation en commun Reconnu des Pralets, au groupement agricole d’exploitation en commun Jacotot, à M. C… B…, au groupement agricole d’exploitation en commun de Bessey-en-Chaume, à M. H… D…, à M. F… A…, à la société civile d’exploitation agricole de Flagny et à la société à responsabilité limitée Domaine Guy Fouquerand, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2021 et un mémoire enregistré le 28 octobre 2022, la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or, désignée représentante unique, l’exploitation agricole à responsabilité limitée Cédric Bazin, M. C… B…, M. H… D…, la société civile d’exploitation agricole de Flagny et la société à responsabilité limitée Domaine Guy Fouquerand, représentés par Me Chareyre (SELARL GC Avocat), avocat, demandent à la cour :
1°) d’annuler l’article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 septembre 2021 rejetant le surplus de leurs conclusions ;
2°) d’annuler l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées, en tant qu’il ne classe pas en zones agricoles défavorisées les communes de Corcelles-les-Monts, Détain-et-Bruant, Flavignerot, Chamboeuf, Veuvey-sur-Ouche, Messanges, L’Etang-Vergy, Reulle-Vergy, La Rochepot, Fussey, Chaux, Nolay, Segrois, Nantoux, Collonges-lès-Bévy, Saint-Romain, Baubigny et Crugey ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser à la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et les sommes de 300 euros à verser à chacun des autres appelants, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
S’agissant des communes de Messanges, L’Etang-Vergy, Reulle-Vergy, La Rochepot, Fussey, Chaux, Segrois, Nantoux, Collonges-lès-Bévy, Saint-Romain, Baubigny et Crugey :
– leur inclusion au sein de la  » petite région agricole  » (PRA)  » côte viticole et arrière-côte de Bourgogne « , laquelle est fortement hétérogène, est injustifiée ;
– leur classement en ZSCN est justifié par application du critère de la PBS  » restreinte « , en raisonnant en moyenne par hectare de surface agricole utile dans ces communes ;
S’agissant des communes de Corcelles-les-Monts, Détain-et-Bruant, Chamboeuf, Veuvey-sur-Ouche et Nolay :
– elles répondent aux critères biophysiques requis pour être classées, les nouveaux chiffres publiés n’étant pas justifiés ;
– leur inclusion au sein de la  » petite région agricole  » (PRA)  » côte viticole et arrière-côte de Bourgogne « , laquelle est fortement hétérogène, est injustifiée ;
– leur classement en ZSCS, qui est indépendant des critères biophysiques, est justifié, en application du critère de l’autonomie fourragère, apprécié à l’échelle des communes concernées.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2022, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l’appel incident, d’annuler l’article 1er du jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 septembre 2021 annulant partiellement l’arrêté du 27 mars 2019.

Il expose que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le respect des critères de classement doit être apprécié par référence aux PRA en vertu du décret du 27 mars 2019 dont la légalité, notamment en ce qui concerne cette méthode, a été validée par le Conseil d’Etat.

Par ordonnance du 28 octobre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 28 novembre 2022.
Par courrier du 4 avril 2023, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d’office l’irrecevabilité des conclusions présentées, par la voie de l’appel incident, par le ministre en charge de l’agriculture et tendant à l’annulation du jugement attaqué en ce qu’il a partiellement annulé l’arrêté du 27 mars 2019, celles-ci soulevant un litige distinct de l’appel principal formé par la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et autres.
Par deux mémoires enregistrés les 5 et 13 avril 2023, la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et autres ont présenté des observations en réponse à ce moyen d’ordre public.
Ils exposent que les conclusions du ministre soulevant un litige distinct de l’appel principal, elles sont irrecevables.
Par un mémoire enregistré le 12 avril 2023, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a présenté des observations en réponse à ce moyen d’ordre public.
Il expose que son appel incident, qui ne soulève pas de litige distinct de l’appel principal, est recevable.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
– le règlement (UE) n° 808/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 ;
– la décision d’exécution C (2019) 1769 de la Commission européenne du 27 février 2019 ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
– le décret n° 2015-445 du 16 avril 2015 ;
– le décret n° 2019-243 du 27 mars 2019 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
– les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
– et les observations de Me Chareyre, avocat, représentant la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 27 mars 2019, les ministres en charge de l’économie et de l’agriculture ont énuméré les communes classées comme  » zones soumises à des contraintes naturelles  » (ZSCN) et comme  » zones soumises à des contraintes spécifiques  » (ZSCS), en application de l’article 32 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 et de l’article D. 113-15 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version issue du décret du 27 mars 2019, afin de permettre le versement de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) aux exploitants agricoles installés dans ces zones. Saisi par la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or (FDSEA 21), par la confédération paysanne de Côte-d’Or et par différents exploitants agricoles, le tribunal administratif de Dijon a, par un jugement du 21 septembre 2021, annulé cet arrêté en ce qu’il ne classait pas les communes d’Antheuil, de Bessey-en-Chaume, de Bouhey, de Bouilland, de Clémencey, de Curley, de Flavignerot, de La Bussière-sur-Ouche, de Quemigny-Poisot, de Saint-Jean-de-Bœuf, de Saint-Victor-sur-Ouche, de Semezanges, de Thorey-sur-Ouche, d’Urcy, de Cormot-Vauchignon, de Ternant, d’Aubaine et de Mavilly-Mandelot en ZSCN et rejeté le surplus de leurs demandes. La FDSEA de Côte-d’Or et cinq exploitants agricoles relèvent appel de ce jugement en ce qu’il a ainsi rejeté le surplus de leurs demandes, en son article 4, concernant dix-sept autres communes du département. Par la voie de l’appel incident, le ministre en charge de l’agriculture demande l’annulation de ce même jugement en ce qu’il a partiellement annulé l’arrêté du 27 mars 2019.

Sur l’appel incident du ministre en charge de l’agriculture :

2. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s’il ne soumet pas au juge d’appel un litige distinct de celui qui a été soulevé par l’appel principal.
3. Par son mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2022, le ministre en charge de l’agriculture demande, par la voie de l’appel incident, l’annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 septembre 2021 en tant qu’il a partiellement annulé l’arrêté du 27 mars 2019. L’annulation ainsi prononcée par le tribunal administratif portant sur le défaut de classement de dix-huit communes de la Côte-d’Or, distinctes de celles visées par l’appel principal présenté par la FDSEA 21 et autres, ces conclusions incidentes soulèvent un litige distinct de l’appel principal. Ayant été introduites au-delà du délai d’appel, ces conclusions sont, par suite, irrecevables.
Sur l’appel principal de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et autres :

4. En premier lieu, aux termes, d’une part, de l’article 31 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) :  » 1. Les paiements destinés aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques sont accordés annuellement par hectare de surface agricole, afin d’indemniser les agriculteurs pour tout ou partie des coûts supplémentaires et de la perte de revenu résultant de ces contraintes pour la production agricole dans la zone concernée (…) « . Le paragraphe 3 de l’article 32 de ce même règlement, relatif aux ZSCN, dispose que :  » Afin de pouvoir bénéficier des paiements prévus à l’article 31, les zones autres que les zones de montagne sont considérées comme soumises à des contraintes naturelles importantes lorsqu’au moins 60 % de la surface agricole remplit au moins l’un des critères énumérés à l’annexe III, à la valeur seuil indiquée. / Le respect de ces conditions est assuré au niveau des unités administratives locales (niveau « UAL 2 ») ou au niveau d’une unité locale nettement délimitée qui couvre une zone géographique clairement d’un seul tenant et dotée d’une identité économique et administrative définissable. / Lorsqu’ils délimitent les zones concernées par le présent paragraphe, les États membres procèdent à un exercice d’affinement basé sur des critères objectifs, afin d’exclure les zones dans lesquelles des contraintes naturelles importantes, visées au premier alinéa, ont été démontrées, mais ont été surmontées par des investissements ou par l’activité économique, ou par une productivité normale des terres dûment attestée, ou dans lesquelles les méthodes de production ou les systèmes agricoles ont compensé la perte de revenus ou les coûts supplémentaires visés à l’article 31, paragraphe 1 « . Enfin, le paragraphe 4 de ce même article, relatif aux ZSCS, dispose que :  » Les zones autres que celles visées aux paragraphes 2 et 3 peuvent bénéficier des paiements prévus à l’article 31 si elles sont soumises à des contraintes spécifiques et lorsque la poursuite de la gestion des terres est nécessaire pour assurer la conservation ou l’amélioration de l’environnement, l’entretien du paysage rural et la préservation du potentiel touristique de la zone ou pour protéger le littoral. / Les zones soumises à des contraintes spécifiques comprennent les surfaces agricoles dans lesquelles les conditions naturelles de production sont similaires et dont la superficie totale ne dépasse pas 10 % du territoire de l’État membre concerné. / En outre, des zones peuvent également bénéficier des paiements au titre du présent paragraphe si: / – 60 % au moins de la surface agricole remplit au moins deux des critères énumérés à l’annexe III, avec une marge ne dépassant pas 20 % de la valeur seuil indiquée, ou / – 60 % au moins de la surface agricole est composée de zones qui remplissent au moins l’un des critères énumérés à l’annexe III à la valeur seuil indiquée et de zones remplissant au moins deux des critères énumérés à l’annexe III, avec pour chacune d’elles une marge ne dépassant pas 20 % de la valeur seuil indiquée. / Le respect de ces conditions est assuré au niveau des UAL de niveau 2 ou au niveau d’une unité locale clairement définie qui couvre une seule zone géographique précise d’un seul tenant ayant une identité économique et administrative définissable. Lorsqu’ils délimitent les zones concernées par le présent alinéa, les États membres procèdent à un exercice d’affinement, comme prévu à l’article 32, paragraphe 3. Les zones considérées admissibles au titre du présent alinéa sont prises en considération pour le calcul de la limite de 10 % visée au deuxième alinéa « .

5. Aux termes, d’autre part, de l’article D. 113-15 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret du 27 mars 2019 relatif à la révision des critères de délimitation des zones agricoles défavorisées autres que les zones de montagne :  » Les autres zones agricoles défavorisées sont constituées : – des zones autres que les zones de montagne qui sont soumises à des contraintes naturelles importantes, dites ZSCN, telles que définies au 3 de l’article 32 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013 ; / – des autres zones soumises à des contraintes spécifiques, dites ZSCS, telles que définies au 4 de l’article 32 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013. / Leurs éléments de définition sont ceux précisés dans le cadre national, pris en application du 3 de l’article 6 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013, approuvé par la décision d’exécution C (2019) 1769 de la Commission du 27 février 2019 « .
6. Dans le cadre de la révision des zones défavorisées rendue nécessaire par l’entrée en vigueur des dispositions des articles 31 et 32 du règlement n° 1305/2013 relatifs aux paiements en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles et des zones soumises à des contraintes spécifiques et à leur désignation, la France a présenté à la Commission européenne une demande de modification du cadre national selon la procédure prévue au b) de l’article 11 de ce règlement. Les points 5.2.7.3.2 et 5.2.7.3.3 de ce document précisent, en application des dispositions combinées du 3 de l’article 6 du règlement et de l’annexe I du décret du 16 avril 2015, les conditions d’admissibilité, les montants et les taux d’aide applicables ainsi que les critères d’affinement visés à l’article 32 de ce même règlement. Les annexes intitulées  » Définitions et méthodologie dans l’Hexagone pour les ZSCN (sous-mesure 13.2) et pour les ZSCS (sous-mesure 13.3)  » et  » Définition des ZSCN et ZSCS en Corse, Guyane, Guadeloupe, Martinique, La Réunion et Mayotte  » décrivent la méthode et les données utilisées afin de délimiter les zones dans lesquelles les exploitants agricoles peuvent bénéficier de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), conformément aux critères fixés par le règlement du 17 décembre 2013 et les points précités du cadre national. Par une décision d’exécution du 27 février 2019, la Commission européenne a approuvé le cadre national ainsi modifié. Par les dispositions précédemment rappelées du décret du 27 mars 2019 relatif à la révision des critères de délimitation des zones agricoles défavorisées autres que les zones de montagne, le Premier ministre a donné effet aux éléments de définition des zones soumises à des contraintes naturelles et des zones soumises à des contraintes spécifiques contenus dans le cadre national. Sur le fondement de ce décret, l’arrêté litigieux du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées a fixé la liste des communes et parties de communes classées au titre de ces deux types de zones.
7. Il résulte de ces dispositions, et notamment de celles du cadre national, que le classement d’une commune en ZSCN, comme en ZSCS, que ce soit, dans ce dernier cas, par application combinée des critères biophysiques ou par la méthode dite  » hors critères combinés « , est subordonné à un  » exercice d’affinement « , destiné à exclure de ces classements les zones considérées comme ayant surmonté les contraintes naturelles ou spécifiques auxquelles elles sont soumises. En vertu du cadre national, plus particulièrement de ses annexes, le respect des critères mis en œuvre pour cet exercice d’affinement, à l’exception de celui tiré des investissements réalisés, est apprécié à l’échelle des  » petites régions agricoles  » (PRA) ou, pour les 10 % de PRA les plus grandes, à l’échelle cantonale. Parmi les critères ainsi appréciés à l’échelle de la PRA, figure celui subordonnant le classement à un niveau de production brute standard par hectare (PBS/ha) inférieur ou égal à 80 ou 85 % de la moyenne nationale. Subsidiairement, est substitué à cet indicateur celui dit de la  » PBS restreinte « , si les productions à forte valeur ajoutée représentent plus de 50 % de la valeur de la PBS et que la valeur des productions résiduelles reste significative, en représentant plus de 10 % de la PBS, au sein de la PRA en cause.
8. Il est constant que le classement des communes concernées par l’appel de la FDSEA 21 et autres a été notamment refusé au stade de l’exercice d’affinement.
9. Pour contester l’appréciation du respect de ces critères d’affinement, notamment celui dit de la  » PBS restreinte « , à l’échelle de la PRA  » côte viticole et arrière-côte de Bourgogne « , dont les communes en cause relèvent, la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et autres soutiennent que l’hétérogénéité de cette PRA fait obstacle à ce qu’elle soit retenue. Toutefois, ils ne peuvent utilement se prévaloir, pour contester la pertinence de cette échelle, du deuxième alinéa du 3. de l’article 32 du règlement, qui exige la délimitation d’  » unités administratives locales  » ou  » d’une unité locale nettement délimitée qui couvre une zone géographique clairement d’un seul tenant et dotée d’une identité économique et administrative définissable « , celui-ci n’étant applicable qu’à la première étape de la définition des zones, et non à la seconde que constitue l’exercice d’affinement. Par ailleurs, ils ne sauraient utilement se plaindre des disparités, tenant plus particulièrement à la part de cultures à forte valeur ajoutée telles que la viticulture, existant entre les communes de cette PRA, le critère subsidiaire dit de la  » PBS restreinte  » ayant précisément pour objet de neutraliser la PBS liée à ces cultures au stade de l’exercice d’affinement. Dans ces conditions, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l’exercice d’affinement aurait été, à tort, opéré à l’échelle de la PRA  » côte viticole et arrière-côte de Bourgogne « .
10. En conséquence, la FDSEA 21 et autres ne pouvant se prévaloir d’une échelle autre que la PRA  » côte viticole et arrière-côte de Bourgogne  » pour la mise en œuvre de l’exercice d’affinement et ne contestant pas que cette PRA ne satisfait pas à cet exercice, ils ne sont pas fondés à soutenir que les communes de Messanges, de L’Etang-Vergy, de Reulle-Vergy, de La Rochepot, de Fussey, de Chaux, de Segrois, de Nantoux, de Collonges-lès-Bévy, de Saint-Romain, de Baubigny et de Crugey devaient être classées comme ZSCN, ni davantage que celles de Corcelles-les-Monts, de Détain-et-Bruant, de Chamboeuf, de Veuvey-sur-Ouche et de Nolay, devaient être classées en ZSCS.
11. En second lieu, si la FDSEA 21 et autres soutiennent par ailleurs que les communes de Corcelles-les-Monts, de Détain-et-Bruant, de Chamboeuf, de Veuvey-sur-Ouche et de Nolay respectent les critères biophysiques nécessaires au classement en ZSCN, ils n’apportent aucun élément tendant à remettre en cause l’exactitude des données publiées dans le  » tableau des valeurs des critères ZSCN et ZSCS pour les communes de l’hexagone  » sur le site internet du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la FDSEA 21 et autres ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus de leur demande concernant les communes de Messanges, de L’Etang-Vergy, de Reulle-Vergy, de La Rochepot, de Fussey, de Chaux, de Segrois, de Nantoux, de Collonges-lès-Bévy, de Saint-Romain, de Baubigny, de Crugey, de Corcelles-les-Monts, de Détain-et-Bruant, de Chamboeuf, de Veuvey-sur-Ouche et de Nolay.
Sur les frais liés au litige :

13. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le paiement des frais exposés par la FDSEA 21 et autres en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la FDSEA 21 et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire par la voie de l’appel incident sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or, au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Servitude montagne (Allos)/ Légalité/ Proportionnalité

CAA de MARSEILLE – 5ème chambre

  • N° 21MA04519
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 03 mai 2023

Président

Mme VINCENT

Rapporteur

  1. Sylvain MERENNE

Rapporteur public

  1. PECCHIOLI

Avocat(s)

BOURREL

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… C… a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté du 5 juillet 2019 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence en tant qu’il institue une servitude de survol sur la parcelle cadastrée section E235 au lieu-dit les Guinands, à Allos.

Par un jugement n° 1907732 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 25 novembre 2021, 4 juillet et 6 septembre 2022, M. C…, représenté par Me Bourrel, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 30 septembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d’ordonner une expertise portant sur la distance entre l’entraxe du téléporté des Guinands 2 et son habitation ;

3°) d’annuler l’arrêté du 5 juillet 2019 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence en tant qu’il institue une servitude de survol sur la parcelle cadastrée section E235 au lieu-dit les Guinands ;

4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l’État en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés tant en première instance et en appel.

Il soutient que :
– le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif a écarté un moyen comme inopérant sans en informer préalablement les parties conformément à l’article R. 611-7 du code de justice administrative ;
– l’article L. 342-20 du code de tourisme ne permet pas de régulariser les installations existantes ;
– il méconnaît le code de l’expropriation ;
– une étude technique portant sur la probabilité de glissements de terrain aurait dû être réalisée ;
– la remontée mécanique ne respecte pas les conditions posées par le plan de prévention des risques naturels prévisibles ;
– elle ne respecte pas non plus les valeurs limites relatives aux bruits de voisinage ;
– les nuisances sonores de l’installation méconnaissent le règlement 2016/424 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016, l’article L. 342-8 du code tourisme, et les articles L. 572-3 et L. 572-6 du code de l’environnement ;
– le plan joint à l’arrêté contesté ne représente pas fidèlement le tracé de la télécabine actuelle, et méconnaît ainsi l’article L. 342-22 du code de tourisme ;
– la surface survolée n’est pas de 208 mètres carrés, mais de 270 mètres carrés ;
– l’interdiction de clôturer la parcelle est injustifiée.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 8 juin et 25 août 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C… ne sont pas fondés.

Par des observations en défense, enregistrées le 18 mai 2022, le syndicat mixte du Val d’Allos, représenté par Me Fages, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. C… ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C… ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Vu :
– le code du tourisme ;
– le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. A…,
– les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
– et les observations de Me Bourrel, représentant M. C…, et de Me Seisson, substituant Me Fages, avocat du syndicat mixte du Val d’Allos.

Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 5 juillet 2019, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a institué plusieurs servitudes en application des articles L. 342-20 et L. 342-26-1 du code de tourisme en vue de l’exploitation des stations de ski du Seignus et de la Foux d’Allos sur le territoire de la commune d’Allos.

2. M. C… fait appel du jugement du 30 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté en tant qu’il institue une servitude de survol sur la parcelle cadastrée section E235 dont il est propriétaire au lieu-dit les Guinands.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En écartant l’un des moyens de M. C… comme inopérant, le tribunal administratif de Marseille s’est borné à exercer son office en répondant aux moyens invoqués devant lui, sans relever lui-même un moyen dont il aurait été tenu d’informer les parties sur le fondement de l’article R. 611-7 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :
4. Le premier alinéa de l’article L. 342-20 du code du tourisme prévoit que :  » Les propriétés privées ou faisant partie du domaine privé d’une collectivité publique peuvent être grevées, au profit de la commune, du groupement de communes, du département ou du syndicat mixte concerné, d’une servitude destinée à assurer le passage, l’aménagement et l’équipement des pistes de ski alpin et des sites nordiques destinés à accueillir des loisirs de neige non motorisés organisés, le survol des terrains où doivent être implantées des remontées mécaniques, l’implantation des supports de lignes dont l’emprise au sol est inférieure à quatre mètres carrés, le passage des pistes de montée, les accès nécessaires à l’implantation, l’entretien et la protection des pistes et des installations de remontée mécanique.  »

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. C…, les dispositions de l’article L. 342-20 du code de tourisme citées au point 4 n’excluent pas la régularisation d’une infrastructure existante. En outre, la servitude de survol destinée à régulariser une infrastructure existante n’est pas illégale du fait de l’irrégularité de cette dernière, à laquelle elle vise à remédier.

6. En deuxième lieu, M. C… invoque à plusieurs reprises le code de l’expropriation sans indiquer les dispositions auxquelles il se réfère ni les raisons pour lesquelles il estime qu’elles ont été méconnues. Ce moyen n’est pas assorti de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé.

7. En troisième lieu, la parcelle voisine cadastrée E233 supporte un des pylônes de la télécabine, dont il est constant qu’il a été édifié en 1986. La légalité de cette construction, au demeurant antérieure à l’adoption du plan de prévention des risques naturels de la commune d’Allos en 1998, est étrangère au litige dont M. C… a saisi le tribunal administratif, qui porte uniquement sur la légalité de la servitude de survol grevant la parcelle cadastrée E235.

8. En quatrième lieu, les nuisances de toutes natures susceptibles d’être générées par le projet sont susceptibles d’être prises en compte pour apprécier son utilité publique. En revanche, les servitudes édictées sur le fondement de l’article L. 342-20 du code du tourisme ne portent pas sur le respect des normes relatives aux émissions de bruit, qui relèvent d’une législation distincte et indépendante. Le moyen de légalité tiré de la méconnaissance de cette législation est donc inopérant et doit être écarté.

9. En cinquième lieu, M. C… fait valoir que la distance entre son chalet et la localisation réelle de l’entraxe de la télécabine est de 6,40 mètres alors qu’elle serait de 8 mètres sur le plan à l’échelle 1/2000e joint à l’arrêté contesté. La différence sur ce plan représenterait 0,8 millimètre. Cette distance a été mesurée par l’huissier mandaté par M. C… à partir de la limite de la terrasse du chalet, alors que le plan cadastral représente ses murs pignons. A supposer même que la distance par rapport à une installation antérieure ait une incidence sur la légalité de la servitude, il n’en ressort en tout état de cause aucune erreur.

10. En sixième lieu, dans l’état parcellaire n° 26 joint à l’arrêté contesté, le préfet a prévu une servitude de survol de 18 mètres de large pour une longueur de 15 mètres, ainsi qu’une surface survolée de 208 mètres carrés pour la parcelle E235. M. C… fait valoir que cette surface survolée aurait dû correspondre au produit entre la longueur et la largeur de la servitude, soit 270 mètres carrés. Toutefois, la surface de la servitude ainsi instituée par l’arrêté ne couvre pas uniquement la parcelle E235 compte tenu des divisions cadastrales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la détermination d’une surface survolée de 208 mètres carrés pour la parcelle E235 soit erronée.

11. En septième lieu, M. C… fait valoir que la télécabine est installée dans une zone rouge du plan de prévention des risques naturels de la commune d’Allos du fait d’un risque de glissement de terrain. Toutefois, ce plan prévoit une exception à l’interdiction d’occupation et d’utilisation des sols pour l’aménagement et l’entretien des remontées mécaniques et des installations liées à la pratique du ski. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la télécabine en question, qui a fonctionné pendant près de quarante ans sans subir d’incident rapporté par les parties, soit à l’origine de risques particuliers pour la sécurité des usagers et les riverains. Par ailleurs, le fonctionnement de la télécabine provoque, selon l’étude acoustique produite par le requérant, des émergences sonores de 13,8 dB(A) en extérieur et de 17,2 dB(A) à l’intérieur fenêtres fermées. La fréquence du passage des cabines varie entre 10 et 30 minutes selon l’affluence. Il est constant que le chalet de M. C… n’est occupé que pendant les vacances scolaires. Si ce dernier soutient que le bruit provoquerait de graves troubles de santé pour lui-même et sa famille, il ne l’établit pas. La télécabine des Guinands, qui permet, en deux tronçons, de relier le village d’Allos au bas des pistes de la station de ski de Seignus, joue un rôle essentiel dans le développement touristique et économique de la station. Il suit de là que les inconvénients de toute nature présentés par le projet ne sont pas excessifs par rapport aux avantages qu’il comporte.
12. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient M. C…, l’arrêté du préfet des Alpes-de-Haute-Provence ne comporte pas d’interdiction de clôturer pour la servitude de survol le concernant. L’article 4 de cet arrêté prévoit la possibilité pour le bénéficiaire de la servitude, en dehors de la saison d’hiver, d’accéder aux terrains de servitudes pour effectuer des travaux d’entretien, de modification ou d’adaptation des remontées mécaniques ou pistes. M. C… fait valoir que la configuration du terrain ne permet pas d’accéder au pylône situé sur la parcelle E233 depuis la parcelle E235. Les interventions effectives du bénéficiaire sur la parcelle E235 sont donc susceptibles d’être peu fréquentes, ce qui minore les inconvénients résultant de cette obligation pour M. C…. Dans le cas exceptionnel où les opérations de maintenance le requerraient, il incombera à M. C… de permettre l’accès à la parcelle au bénéficiaire et à ses préposés, que celle-ci soit clôturée ou non. Une telle obligation, qui trouve son fondement légal à l’article L. 342-22 du code de tourisme, est destinée à permettre des travaux garantissant la sécurité des ouvrages et la continuité de leur fonctionnement. Compte tenu de sa faible fréquence attendue, selon les déclarations de M. C… lui-même, elle n’est pas disproportionnée.

13. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, que M. C… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. C… le versement de la somme de 1 500 euros au syndicat mixte du Val d’Allos au titre des frais qu’il a exposés et non compris dans les dépens.

15. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par M. C… sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C… est rejetée.

Article 2 : M. C… versera la somme de 1 500 euros au syndicat mixte du Val d’Allos en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… C…, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au syndicat mixte du Val d’Allos.

ICHN – Motifs de refus

CAA de MARSEILLE – 5ème chambre

  • N° 22MA00715
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 03 mai 2023

Président

Mme VINCENT

Rapporteur

Mme Claire BALARESQUE

Rapporteur public

  1. PECCHIOLI

Avocat(s)

COLMANT

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B… a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision du 19 décembre 2019 par laquelle la cheffe du service agriculture et espaces ruraux au sein de la Direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes a rejeté sa demande d’octroi de l’indemnité compensatrice des handicaps naturels (ICHN) au titre de l’année 2019.

Par un jugement n°2001536 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 février 2022, Mme A… B…, représentée par Me Colmant, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du 6 janvier 2022 ;

2°) d’annuler la décision du 19 décembre 2019 ;

3°) de la rétablir dans ses droits ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, la décision contestée a été prise en application d’une instruction technique du 10 juillet 2019 ;
– elle est fondée à exciper de l’illégalité de cette instruction, qui fixe une condition nouvelle à l’octroi de l’ICHN, en prévoyant que la date de référence pour apprécier l’âge des animaux déclarés est celle du 15 mai 2019 et qui ne pouvait légalement s’appliquer de façon rétroactive à la campagne 2019 ;
– l’arrêté du 1er août 2016, seul applicable à la demande d’aide présentée au titre de la campagne 2019, ne prévoit pas pour date de référence celle du 15 mai 2019 mais celle du 31 mars de l’année considérée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2022, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, représentée par l’AARPI Baron, D…, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B… la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête n’est pas fondée par les moyens qu’elle soulève.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2023, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête n’est pas fondée par les moyens qu’elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le règlement délégué (UE) n°640/2014 de la Commission du 11 mars 2014 complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, au soutien au développement rural et à la conditionnalité ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 ;
– l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 ;
– l’arrêté du 1er août 2016 pris en application du décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 et modifiant l’arrêté du 9 octobre 2015 ;
– le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de Mme C…,
– et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :
1. Mme A… B…, éleveuse de chèvres et d’équidés sur le territoire de la commune de Lazer (Hautes-Alpes) est bénéficiaire, depuis 2008, des aides directes de la politique agricole commune (PAC) et en particulier de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). En l’absence de paiement intervenu à la suite de sa demande déposée le 15 mai 2019, l’intéressée s’est rapprochée des services de la direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes qui l’ont informée qu’elle n’était pas éligible à l’ICHN  » animale « , faute de disposer de trois unités de gros bétail (UGB) au 15 mai 2019. Par un courrier du 8 décembre 2019, Mme B… a sollicité la modification de sa déclaration, par la substitution de l’équidé non éligible par un autre équin de son exploitation. Par une décision du 19 décembre 2019, la cheffe du service agriculture et espaces ruraux au sein de la Direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes a rejeté sa demande d’octroi de l’ICHN, au motif que la demande de modification de sa déclaration était tardive et que le nombre d’animaux éligibles était, en conséquence, insuffisant pour prétendre au bénéfice de l’ICHN au titre de l’année 2019. Mme B… relève appel du jugement du 6 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 19 décembre 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la date limite de dépôt de la demande de modification :

2. Aux termes de l’article 13 du règlement délégué (UE) n°640/2014 :  » (…) le dépôt d’une demande d’aide ou d’une demande de paiement au titre du présent règlement après la date limite pour ledit dépôt (…) entraîne une réduction de 1 % par jour ouvrable des montants auxquels le bénéficiaire aurait eu droit si la demande d’aide ou de paiement avait été déposée dans le délai imparti. (…) Si ce retard équivaut à plus de 25 jours civils, la demande d’aide ou de paiement est considérée comme non admissible et aucune aide ou soutien n’est accordé au bénéficiaire. (…) / Les modifications relatives à la demande unique ou à la demande de paiement ne sont recevables que jusqu’à la dernière date possible pour le dépôt tardif de la demande unique ou de la demande de paiement (…).  » Aux termes de l’article 12 de ce règlement :  » (…) lorsque la date limite pour le dépôt d’une demande d’aide, d’une demande de soutien, d’une demande de paiement ou d’autres déclarations, ou de tout document justificatif ou contrat, ou lorsque la date limite fixée pour l’introduction de modifications de la demande unique ou de la demande de paiement correspond à un jour férié, un samedi ou un dimanche, celle-ci est reportée au premier jour ouvrable suivant. (…) « . Aux termes de l’article 4 de l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 :  » La date limite de dépôt à laquelle la demande d’attribution de droits au paiement ou d’augmentation de la valeur des droits au paiement au titre du régime de paiement de base doit être parvenue à la direction départementale chargée de l’agriculture du département dans lequel se situe le siège de l’exploitation est fixée (…) au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures. (…) « .

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la date limite pour modifier une demande d’aide au titre de la campagne 2019 était fixée au mardi 11 juin 2019, ainsi que le rappelle l’instruction technique DGPE/SDPAC/2019-570 du 22 juillet 2019, citée par la décision contestée du 19 décembre 2019. La base légale de cette décision n’est toutefois pas cette instruction technique mais bien les dispositions précitées du règlement délégué (UE) n°640/2014 et de l’arrêté du 9 octobre 2015. Il est constant que Mme B… a sollicité le 8 décembre 2019 une modification de sa demande d’aide au titre de la campagne 2019, tendant à la substitution d’un des équidés initialement déclarés par un autre. Cette demande de modification de sa demande d’aide présentée au-delà du délai limite fixé par les dispositions précitées ne pouvait toutefois qu’être rejetée pour tardiveté.

En ce qui concerne le refus d’octroi de l’ICHN :

4. D’une part, aux termes de l’article D. 113-18 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’article 1er du décret du 1er août 2016 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées :  » Peuvent bénéficier des aides compensatoires de handicaps naturels et spécifiques, dans les conditions prévues par le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux de la France prévus aux 2 et 3 de l’article 6 du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) pour la période 2015-2020 et approuvés par la Commission européenne, les agriculteurs actifs au sens de l’article 9 du règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique commune et de l’article D. 615-18 « . Aux termes de l’article D. 113-19 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du même décret :  » Le calcul des aides allouées à chaque agriculteur est effectué selon les règles définies par le programme de développement rural régional de la région où sont situées les surfaces agricoles de l’exploitation bénéficiaire et, le cas échéant, par le cadre national mentionné à l’article D. 113-18. / Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et du budget détermine les modalités de définition des sous-zones à l’intérieur de chaque zone défavorisée. Cet arrêté précise, en tant que de besoin, les règles d’éligibilité exposées dans le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux. Il détermine les surfaces et les catégories de cheptel retenues pour le calcul du taux de chargement lorsqu’un tel critère est prévu par le cadre national ou le programme de développement rural régional applicable à la région concernée. (…) « . Le cadre national du programme de développement rural approuvé par la commission européenne le 30 juin 2015, qui fixe en son point 5.2.7.3.1.6. les conditions d’admissibilité pour l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, prévoit notamment, au titre de l’éligibilité du demandeur :  » (…) Détenir un cheptel d’au moins 3 UGB en production animale (…) « .

5. Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 :  » En application de l’article D. 615-1 du code rural et de la pêche maritime, la demande unique comprend les demandes au titre des régimes d’aides liées à la surface et des mesures de soutiens liés à la surface tels que définis respectivement aux 20 et 21 de l’article 2 du règlement (UE) n° 640/2014 susvisé. / Les pièces constituant la demande unique à compléter par les agriculteurs sont notamment : / -la demande d’aides ; /-le descriptif des surfaces ; / -la déclaration des effectifs animaux ; (…) « . Aux termes de l’article 4 de cet arrêté, déjà cité :  » La date limite de dépôt à laquelle la demande d’attribution de droits au paiement ou d’augmentation de la valeur des droits au paiement au titre du régime de paiement de base doit être parvenue à la direction départementale chargée de l’agriculture du département dans lequel se situe le siège de l’exploitation est fixée (…) au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures. (…) « . Aux termes de l’article 4 bis du même arrêté :  » La qualité du demandeur d’aides s’apprécie au jour de la date limite de dépôt de la demande d’aides « .

6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels au titre de la campagne 2019, l’agriculteur qui en fait la demande doit justifier de la détention d’un cheptel d’au moins 3 UGB en production animale, à la date limite de dépôt de sa demande d’aides, soit le 15 mai 2019.

7. D’autre part, aux termes de l’article 3 de l’arrêté du 1er août 2016 pris en application du décret du 1er août 2016 et modifiant l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 :  » / Les catégories d’animaux et les équivalences en UGB correspondantes retenues pour calculer ce taux sont les suivantes : (…) / – équidés identifiés selon la réglementation en vigueur et non déclarés à l’entraînement au sens des codes des courses, âgés de plus de six mois : 1 UGB ; (…) / II. – Les animaux autres que bovins pris en compte au titre du I sont ceux qui sont déclarés sur le formulaire de déclaration des effectifs animaux et qui sont présents sur l’exploitation pendant une durée minimale de 30 jours consécutifs incluant le 31 mars de l’année de la demande (…) « . Aux termes de l’article 5 de cet arrêté :  » Le document Cadre national pour le développement rural ou le programme de développement rural précisent si les équidés sont pris en compte dans les critères d’éligibilité. / Le cas échéant, les équidés pris en compte sont ceux répondant aux critères de l’article 3 et relevant d’une des deux catégories ci-après : (…) / – poulains et pouliches âgés d’au moins 6 mois et au plus de 3 ans et non déclarés à l’entraînement au sens des codes des courses. « .

8. Il résulte de ces dispositions, qui précisent les règles d’éligibilité fixées par le cadre national du programme de développement rural, que s’agissant des équidés, sont pris en compte les poulains et pouliches  » âgés d’au moins 6 mois et au plus de 3 ans  » et  » présents sur l’exploitation pendant une durée minimale de 30 jours consécutifs incluant le 31 mars « , ces deux conditions étant cumulatives. Contrairement à ce que soutient la requérante, ces précisions apportées par l’arrêté du 1er août 2016 n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier la date à laquelle s’apprécie le respect des conditions d’éligibilité par le demandeur, fixée par les articles 4 et 4 bis de l’arrêté du 9 octobre 2015 au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures.

9. Il est constant que Mme B… ne justifiait pas, par les pièces produites au soutien de sa demande d’aide déposée le 15 mai 2019, détenir les 3 UGB requises, l’une des pouliches figurant sur cette demande étant âgée de plus de trois ans à cette date. Par suite, c’est à bon droit que l’administration a rejeté la demande d’ICHN présentée par l’intéressée, en raison d’un nombre insuffisant d’animaux éligibles.

10. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision contestée, qui ne vise au demeurant pas l’instruction technique DGPE/SDPAC/2019-52 du 10 juillet 2019 mais l’instruction technique DGPE/SDPAC/2019-570 du 22 juillet 2019, laquelle rappelle la date limite de dépôt des demandes de modifications fixée par l’article 13 du règlement délégué (UE) n°640/2014, n’a pas pour base légale l’instruction technique du 10 juillet 2019. Dès lors, le moyen tiré de l’exception d’illégalité de cette instruction technique ne peut être utilement soulevé à l’encontre de cette décision.

11. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 19 décembre 2019. Ses conclusions à fin d’injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat la somme demandée par Mme B… au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme B… la somme demandée par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en application de ces dispositions.

D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.

DSP de remontées mécaniques/ « Biens de retour »/ Limite de la catégorie (biens des tiers)

CAA de MARSEILLE – 6ème chambre

  • N° 23MA00452
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du lundi 17 avril 2023

Président

  1. BADIE

Rapporteur

  1. Renaud THIELÉ

Rapporteur public

  1. POINT

Avocat(s)

COTTIN;COTTIN;SELARL ITINERAIRES AVOCATS CADOZ – LACROIX – REY – VERNE

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

En premier lieu, M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon à lui payer la somme de 179 760 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation, au titre de l’occupation des locaux du  » garage de la Rente  » entre le 15 novembre 2017 et le 18 novembre 2021.

En second lieu, la société civile immobilière Rudy a demandé à ce tribunal de condamner la communauté de communes à lui payer la somme de 315 320 euros, également assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation, au titre de l’occupation de l’immeuble  » Le Salto  » depuis le 15 novembre 2017.

Par deux jugements n° 1809565 et 1809573 du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 23 février 2023 sous le n° 23MA00452, la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon, représentée par la SELARL Itinéraires Avocats, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1809565 du 3 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter au fond la demande présentée par M. B… ;

3°) de mettre à la charge de M. B… une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement est insuffisamment motivé ;
– les biens sont des biens de retour qui lui appartiennent ;
– elle n’est pas occupante sans droit ni titre ;
– les sommes exigées pour l’occupation sont excessives et constitutives de libéralités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, M. B…, représenté par Me Cottin :

1°) déclare s’en rapporter à l’appréciation de la Cour sur la question de la compétence juridictionnelle ;

2°) si elle s’estimait compétente, lui demande de condamner la communauté de communes à lui verser la somme de 239 680 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts ;

3°) en toute hypothèse, lui demande de mettre à la charge de la communauté de communes la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que, si la Cour retenait la compétence des juridictions administratives, sa demande de condamnation devrait être satisfaite.

II. Par une requête, enregistrée le 23 février 2023 sous le n° 23MA00453, la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon, représentée par la SELARL Itinéraires Avocats, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1809573 du 3 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter au fond la demande présentée par la société Rudy ;

3°) de mettre à la charge de cette société une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement est insuffisamment motivé ;
– les biens sont des biens de retour qui lui appartiennent ;
– elle n’est pas occupante sans droit ni titre ;
– les sommes exigées pour l’occupation sont excessives et constitutives de libéralités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, la société Rudy, représentée par Me Cottin :

1°) déclare s’en rapporter à l’appréciation de la Cour sur la question de la compétence juridictionnelle ;

2°) si elle s’estimait compétente, de condamner la communauté de communes à lui verser la somme de 418 525 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts ;

3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de la communauté de communes la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, si la Cour retenait la compétence des juridictions administratives, sa demande de condamnation devrait être satisfaite.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
– le code du tourisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
– les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
– et les observations de Me Tabarly, pour la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon, et celles de Me Cottin, pour M. B… et la société Rudy.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention de délégation de service public conclue le 28 décembre 1998, la communauté de communes Vallée de l’Ubaye- Serre-Ponçon (Hautes-Alpes) a confié à la société B… Frères l’aménagement du domaine skiable et l’exploitation des remontées mécaniques du Sauze – Super Sauze – La Rente, situées sur le territoire de la commune d’Enchastrayes. À l’expiration de cette convention, la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon a décidé de reprendre en régie l’exploitation de la station. Le juge de référés du tribunal administratif de Marseille a ordonné à la société B… Frères la remise à la communauté de communes des biens affectés à l’exploitation du service public par une ordonnance du 29 juillet 2013. Par deux requêtes distinctes, M. B… et la société Rudy ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté de communes à leur verser, respectivement, la somme de 179 760 euros et la somme de 315 320 euros à titre d’indemnités d’occupation de locaux leur appartenant en propre et utilisés pour les besoins du service public des remontées mécaniques. Par les jugements attaqués, dont la communauté de communes relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur la jonction :

2. Ces deux affaires présentent à juger la même question, et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements attaqués :

En ce qui concerne la motivation des jugements :

3. En relevant, dans le point 2 des jugements attaqués, que seuls, les biens appartenant à l’exploitant, et non les biens appartenant à des tiers, peuvent être réputés être transférés dans le patrimoine de la personne publique, le tribunal administratif a suffisamment motivé ceux-ci. Il n’avait pas à répondre au moyen, sans incidence sur la solution retenue, tiré de ce que l’exploitant s’était contractuellement engagé, dans la mesure du possible, à mettre tout en œuvre pour acquérir progressivement la pleine propriété des installations. Il n’avait pas non plus à répondre au moyen, également sans incidence sur la solution retenue, tiré de ce que le bien avait été affecté au fonctionnement du service public. La communauté de communes n’est donc pas fondée à soutenir que les jugements attaqués sont insuffisamment motivés.

En ce qui concerne la compétence juridictionnelle :

4. Ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat dans l’affaire n° 402251, dans l’hypothèse où le cocontractant de l’administration était, antérieurement à la passation de la concession de service public, propriétaire de biens qu’il a, en acceptant de conclure la convention, affecté au fonctionnement du service public et qui sont nécessaires à ce dernier, cette mise à disposition emporte le transfert des biens dans le patrimoine de la personne publique, et a pour effet, quels que soient les termes du contrat sur ce point, le retour gratuit de ces biens à la personne publique à l’expiration de la convention.

5. Toutefois, comme l’a jugé le tribunal administratif de Marseille, les biens pour l’occupation desquels il est sollicité le paiement d’une indemnité d’occupation appartiennent non pas à la société B… Frères, titulaire de la délégation de service public, mais, en propre, à M. B… et à la société Rudy. Rien n’indique, par ailleurs, que la société B… Frères aurait à aucun moment acquis la propriété du bien. Dès lors que ces biens appartiennent à des tiers, leur mise à disposition ne peut emporter leur transfert dans le patrimoine de la personne publique.

6. Si la communauté de communes soutient que M. B… et la société Rudy devaient  » dès 1985, ou au plus tard au 10 janvier 1999, en application de la loi Montagne, à l’exclusion de toute autre option, soit démonter leur installation, soit vendre leurs biens à la personne publique, soit conclure avec cette dernière un contrat de délégation de service public « , aucune disposition issue de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ne fait obstacle à ce que le délégataire du service public des remontées mécaniques loue certains biens ou locaux à des tiers pour les besoins du service public.

7. Si, en vertu de l’article 10 de la convention de délégation de service public, le délégataire s’est engagé  » dans la mesure du possible, à mettre tout en œuvre pendant la durée de la concession pour acquérir progressivement la pleine propriété des installations « , cette stipulation est sans incidence sur le raisonnement qui précède. Il appartient, si elle s’y croit fondée, à l’autorité concédante souhaitant s’assurer du respect de cette stipulation d’engager la responsabilité du délégataire sur le fondement de cette stipulation.

8. L’action d’un tiers tendant à l’engagement de la responsabilité d’une personne publique, agissant dans le cadre de l’exploitation d’un service public à caractère industriel et commercial, à raison de l’occupation par cette personne publique, sans droit ni titre, d’un local privé, ressortit à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Dès lors, la communauté de communes n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes en cause comme présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les frais liés au litige :

9. L’article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu’une somme quelconque soit mise à la charge des intimés, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon, en application de cette disposition, une somme de 1 500 euros à verser, à chacun, à M. B… et à la société Rudy.

D É C I D E :
Article 1er : Les deux requêtes de la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon sont rejetées