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Implantation d’éoliennes en zone de montagne/ Régime des biens des sections de commune

CAA de LYON

N° 13LY00135
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
M. Hervé DROUET, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
PORTEJOIE & ASSOCIES, avocat

lecture du mardi 1 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association Vent Libre, Mme B…E…, M. D…H…, M. G…C…et M. A… F…ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’annuler les arrêtés nos SPA-2011-47, SPA-2011-48, SPA-2011-49 et SPA-2011-50 du 19 octobre 2011 par lesquels le préfet du Puy-de-Dôme a autorisé sur le territoire de la commune d’Eglisolles le changement d’usage respectivement des parcelles cadastrées section AW nos 125, 126, 130 et 161 appartenant à la section de Moissonnières, des parcelles cadastrées section AW nos 128, 129, 133 et 134 appartenant à la section de Molhac, des parcelles cadastrées section AV nos 53, 54 et 55 appartenant à la section de Rouffix et des parcelles cadastrées section AT n° 302 et section AV nos 1, 49, 50, 51, 52 et 278 appartenant à la section de Sicaud, afin de permettre l’implantation d’éoliennes sur ces parcelles.

Par un jugement n° 1102316 du 20 novembre 2012, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2013, l’association Vent Libre, Mme B… E…, M. D… H…, M. G… C…et M. A… F…, représentés par la SCP I…, demandent à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 novembre 2012 ;
2°) d’annuler les quatre arrêtés préfectoraux du 19 octobre 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à chacun d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– le jugement attaqué est irrégulier en ce qu’il a décliné à tort la compétence de la juridiction administrative, dès lors que les arrêtés en litige qui visent à permettre l’installation d’éoliennes par la conclusion de baux emphytéotiques conférant des droits réels sur des parcelles boisées ont pour effet de modifier la consistance du domaine privé des sections de commune concernées ;
– les arrêtés en litige méconnaissent l’article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales, dès lors que l’absence de commission syndicale dans les sections de Molhac, de Rouffix et de Sicaud ne répond pas aux conditions fixées par le deuxième alinéa de l’article L. 2411-3 et par l’article L. 2411-5 dudit code ;
– les arrêtés en litige méconnaissent l’article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales, dès lors que c’est le maire, et non le conseil municipal, qui a saisi le préfet à fin de convocation des électeurs des sections concernées ;
– la procédure de consultation des électeurs des sections concernées est irrégulière, dès lors que la question posée lors de cette consultation a porté, non pas sur le changement d’usage des parcelles mais sur la signature par le maire, après consultation du conseil municipal, de promesses de bail en vue d’installer des éoliennes sur les parcelles ;
– les arrêtés en litige méconnaissent l’article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu’en l’absence d’accord de la majorité des électeurs des sections concernées, le conseil municipal de la commune d’Eglisolles ne pouvait valablement délibérer sur le changement d’usage des parcelles ;
– la délibération du 16 septembre 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune d’Eglisolles a autorisé son maire à signer la promesse de bail est irrégulière, dès lors que la séance du 16 septembre 2011 du conseil municipal a débuté avant l’heure de convocation et que les personnes souhaitant assister à la réunion ont été éconduites alors que le huis-clos n’avait pas été demandé ;
– le processus qui a conduit à l’édiction des arrêtés en litige a été caractérisé par un manque de transparence, de concertation, d’information et de communication à l’égard des habitants et propriétaires des sections concernées ;
– le motif des arrêtés en litiges fondé sur les objectifs du Grenelle de l’environnement, est entaché d’erreur de fait et d’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article 23 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, dès lors que l’implantation d’un parc éolien dans la vallée de l’Ance n’est pas indispensable et peut être évité ;
– le motif des arrêtés en litiges tiré de ce que le projet s’inscrit dans le schéma éolien du parc naturel régional du Livradois-Forez est entaché d’erreur de fait et d’erreur manifeste d’appréciation, eu égard à l’intérêt qui s’attache à la préservation de ce paysage naturel emblématique du Livradois-Forez qu’est la vallée de l’Ance et au fait que la charte du parc naturel régional a attribué à la commune d’Eglisolles le label de silhouette de village à préserver, l’implantation d’un parc éolien portant, par ses dimensions et par sa localisation, une atteinte grave au caractère et à l’intérêt de ce site remarquable et à l’harmonie et à la mise en valeur du paysage ; qu’en outre, le schéma éolien du parc naturel régional ne saurait fonder l’implantation d’éoliennes sur le territoire de la commune d’Eglisolles, dès lors que la cartographie établie contient une contradiction en prévoyant sur ce secteur une zone destinée à l’implantation d’éoliennes soumises à permis de construire qui chevauche celle considérée comme « haut lieu » sur laquelle doit être mise en place une démarche globale et concertée de protection et de valorisation ;
– le motif des arrêtés en litiges tiré de la sous-exploitation des parcelles concernées et de l’absence de leur mise en valeur est entaché d’erreur de fait et d’erreur manifeste d’appréciation, dès lors que la plupart des zones concernées sont en réalité exploitées et génèrent des revenus non négligeables, dont un bénéfice net de plus de 12 000 euros en 2010 ;
– les arrêtés en litige portent atteinte au droit de propriété garanti notamment par l’article 544 du code civil ;
– le motif des arrêtés en litiges selon lequel le projet représente une source de revenus pour chaque section est entaché d’erreur de fait et d’erreur manifeste d’appréciation, dès lors que l’implantation d’un parc éolien diminuerait les ressources issues de la gestion forestière en raison du déboisement de surfaces nécessaires, la valeur des terres sectionnales en raison de la réduction des surfaces exploitables et la valeur des habitations voisines en raison des nuisances paysagères et sonores engendrées par le fonctionnement des éoliennes ;
– le motif des arrêtés en litiges tiré de ce que le projet représente une aide financière pour la commune et la communauté de communes est entaché d’erreur de fait et d’erreur manifeste d’appréciation, dès lors que les retombées financières et fiscales au profit des collectivités locales seront en réalité minimes ;
– les arrêtés en litige sont entachés d’erreur manifeste d’appréciation, dès lors que le projet d’implantation de parc éolien porte atteinte aux richesses naturelles et environnementales exceptionnelles du site qui profite d’un classement en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et qu’il présente des risques potentiels pour la santé humaine.

La requête a été communiquée au ministre de l’intérieur et à la commune d’Eglisolles agissant pour les sections de commune, qui n’ont pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 30 avril 2013, la clôture de l’instruction a été fixée au 31 mai 2013.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’environnement ;
– la loi du 10 juin 1793 ;
– la loi du 9 ventôse an XII ;
– le décret du 21 septembre 1805 ;
– la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;
– le décret n° 2011-874 du 25 juillet 2011 portant classement du parc naturel régional du Livradois-Forez ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Drouet, président-assesseur ;
– les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
– et les observations de MeI…, pour l’association Vent Libre, MmeE…, M. H…, M. C…et M.F….

1. Considérant que l’association Vent Libre, MmeE…, M.H…, M. C…et M. F… relèvent appel du jugement du 20 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître leur demande tendant à l’annulation des arrêtés nos SPA-2011-47, SPA-2011-48, SPA-2011-49 et SPA-2011-50 du 19 octobre 2011 du préfet du Puy-de-Dôme autorisant sur le territoire de la commune d’Eglisolles le changement d’usage respectivement des parcelles cadastrées section AW nos 125, 126, 130 et 161 appartenant à la section de Moissonnières, des parcelles cadastrées section AW nos 128, 129, 133 et 134 appartenant à la section de Molhac, des parcelles cadastrées section AV nos 53, 54 et 55 appartenant à la section de Rouffix et des parcelles cadastrées section AT n° 302 et section AV nos 1, 49, 50, 51, 52 et 278 appartenant à la section de Sicaud, afin de permettre d’y implanter des éoliennes ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des lois des 10 juin 1793 et 9 ventôse an XII et du décret impérial additionnel à celui du 9 ventôse an XII que la juridiction administrative est compétente pour connaître des contestations qui peuvent s’élever en matière de partage et de jouissance des biens communaux et des biens sectionnaux ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à la date des décisions en litige :  » Dans le cas où, en application du deuxième alinéa de l’article L. 2411-3 et de l’article L. 2411-5, la commission syndicale n’est pas constituée, le changement d’usage ou la vente de tout ou partie des biens de la section est décidé par le conseil municipal statuant à la majorité absolue des suffrages exprimés, après accord de la majorité des électeurs de la section convoqués par le représentant de l’Etat dans le département. / L’engagement de tout ou partie des biens de la section dans une association syndicale ou une autre structure de regroupement foncier est proposé par le conseil municipal ou par la moitié des électeurs de la section. Le désaccord ne peut être exprimé que par un vote du conseil municipal statuant à la majorité des suffrages exprimés ou par la majorité des électeurs de la section convoqués par le représentant de l’Etat dans le département. / En cas de désaccord ou en l’absence de vote des électeurs de la section sur les propositions visées aux deux alinéas précédents, il est statué par arrêté motivé du représentant de l’Etat dans le département. / (…)  » ;

4. Considérant que la demande présentée par l’association Vent Libre et autres devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand tend à l’annulation d’arrêtés préfectoraux autorisant sur le territoire de la commune d’Eglisolles le changement d’usage de parcelles des sections de Moissonnières, de Molhac, de Rouffix et de Sicaud, afin de permettre l’implantation d’éoliennes sur ces parcelles boisées qui sont utilisées pour l’affouage ; que, dans ces conditions, ces arrêtés doivent être regardés comme affectant les conditions de jouissance de ces parcelles sectionnales ; qu’ainsi, le litige soulevé se rattache à la jouissance de biens sectionnaux au sens des dispositions combinées des lois des 10 juin 1793 et 9 ventôse an XII et du décret impérial additionnel à celui du 9 ventôse an XII ; qu’il appartient, dès lors, à la juridiction administrative de connaître de ce litige ; que les requérants sont, par suite, fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

5. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l’association Vent Libre et autres devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

Sur la légalité des arrêtés du préfet du Puy-de-Dôme du 19 octobre 2011 :

6. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 2411-3 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à la date des décisions en litige :  » Les membres de la commission syndicale, choisis parmi les personnes éligibles au conseil municipal de la commune de rattachement, sont élus selon les mêmes règles que les conseillers municipaux des communes de moins de 2 500 habitants, sous réserve de l’application des dispositions du troisième alinéa du présent article et de celles du premier alinéa de l’article L. 2411-5. Après chaque renouvellement général des conseils municipaux, lorsque la moitié des électeurs de la section ou le conseil municipal lui adressent à cette fin une demande dans les six mois suivant l’installation du conseil municipal, le représentant de l’Etat dans le département convoque les électeurs de la section dans les trois mois suivant la réception de la demande.  » ; que selon l’article L. 2411-5 du même code :  » La commission syndicale n’est pas constituée et ses prérogatives sont exercées par le conseil municipal, sous réserve des dispositions des articles L. 2411-8 et L. 2411-16, lorsque le nombre des électeurs appelés à désigner ses membres est inférieur à dix ou lorsque la moitié au moins des électeurs n’a pas répondu à deux convocations successives du représentant de l’Etat dans le département faites à un intervalle de deux mois. Il en est de même lorsque les revenus ou produits des biens de la section sont inférieurs à un montant minimal annuel moyen fixé dans les conditions prévues par un décret. (…)  » ;

7. Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que des électeurs des sections de Molhac, de Rouffix et de Sicaud auraient, dans les conditions prévues par les dispositions précitées du deuxième alinéa de l’article L. 2411-3 du code général des collectivités territoriales, adressé au représentant de l’Etat dans le département une demande de convocation des électeurs de ces sections en vue de l’élection des membres des commissions syndicales ; que, par suite, le moyen tiré de l’irrégularité de l’absence de commission syndicale dans les sections de Molhac, de Rouffix et de Sicaud doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ne résulte pas des dispositions précitées de l’article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales que la saisine du représentant de l’Etat en vue de la convocation des électeurs de la section pour qu’ils se prononcent sur le changement d’usage de biens de la section doive émaner du conseil municipal à l’exclusion du maire ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir que la procédure serait irrégulière au motif que le préfet a été saisi par le maire de la commune d’Eglisolles de la demande de convocation des électeurs des sections concernées ;

9. Considérant, en troisième lieu, que les requérants font valoir que la procédure de consultation des électeurs des sections est irrégulière en ce que la question posée lors de cette consultation a porté, non pas sur le changement d’usage des parcelles, mais sur la signature par le maire, après consultation du conseil municipal, de promesses de bail en vue d’installer des éoliennes sur les parcelles ; que, toutefois, la question ainsi formulée inclut nécessairement le changement d’usage qui a été autorisé par les arrêtés préfectoraux en litige en vue de l’implantation d’éoliennes ; que, dans ces conditions, la procédure n’est entachée, à cet égard, d’aucune irrégularité ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu’il résulte des dispositions précitées du premier alinéa et du troisième alinéa de l’article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales, qu’en cas de désaccord sur un changement d’usage des biens de la section entre la majorité des électeurs de la section et le conseil municipal, appelé nécessairement à se prononcer sur ce changement, le représentant de l’Etat dans le département statue sur ce changement d’usage ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu’en l’absence d’accord de la majorité des électeurs des sections concernées, le conseil municipal de la commune d’Eglisolles ne pouvait valablement délibérer sur le changement d’usage des parcelles ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que les requérants excipent à l’encontre des arrêtés préfectoraux en litige de l’illégalité d’une délibération du 16 septembre 2011 du conseil municipal de la commune d’Eglisolles en relevant que la séance aurait débuté avant l’heure de convocation et que les personnes souhaitant assister à la séance auraient été éconduites alors que le huis-clos n’avait pas été demandé ;

12. Considérant, d’une part, qu’il ressort des mentions des arrêtés en litige concernant les sections de Moissonnières, Molhac et Rouffix, que ces trois arrêtés ont été édictés à la suite, non pas d’une délibération du 16 septembre 2011 du conseil municipal de la commune d’Eglisolles, mais de trois délibérations du 6 juin 2011 de ce conseil se prononçant favorablement sur trois projets de bail portant sur l’installation d’éoliennes sur les territoires de ces trois sections ; qu’ainsi, les requérants ne sauraient utilement invoquer l’illégalité de la délibération du 16 septembre 2011 à l’encontre de ces trois arrêtés préfectoraux ;

13. Considérant, d’autre part, que si l’arrêté concernant la section de Sicaud a été pris à la suite de la délibération du 16 septembre 2011 du conseil municipal de la commune d’Eglisolles approuvant le projet de bail pour l’installation d’éoliennes sur le territoire de cette section, les requérants n’établissent pas, en se bornant à produire un courrier du 2 novembre 2011 du président de l’association Vent Libre au préfet du Puy-de-Dôme, que la séance du 16 septembre 2011 du conseil municipal aurait débuté avant l’heure de convocation, ni que des personnes souhaitant assister à la séance auraient été éconduites ;

14. Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit aux points 11 à 13 que l’exception d’illégalité invoquée à l’encontre des quatre arrêtés préfectoraux en litige doit être écartée ;

15. Considérant, en sixième lieu, que doit être écarté comme dépourvu de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé le moyen tiré de ce que le processus qui a conduit à l’édiction des arrêtés en litige a été caractérisé par un manque de transparence, de concertation, d’information et de communication à l’égard des habitants et propriétaires des sections concernées ;

16. Considérant, en septième lieu, que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l’article 23 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement, qui se bornent à fixer à l’Etat des objectifs en vue de stopper la perte de biodiversité sauvage et domestique ainsi que de restaurer et de maintenir les capacités d’évolution de cette biodiversité ;

17. Considérant, en huitième lieu, que si les requérants soutiennent que le motif des arrêtés en litige faisant référence aux objectifs du Grenelle de l’environnement visant à favoriser le développement des énergies renouvelables et à porter à 23 % la part de ces énergies renouvelables d’ici 2020 est entaché d’erreur de fait et d’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article 23 de la loi du 3 août 2009, dès lors que, selon eux, l’implantation d’un parc éolien dans la vallée de l’Ance n’est pas indispensable et peut être évité, ce moyen est dépourvu de précisions suffisantes permettant à la Cour d’en apprécier la portée et le bien-fondé ;

18. Considérant, en neuvième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier de première instance que la charte du parc naturel régional du Livradois-Forez, approuvée par décret du 25 juillet 2011, au sein duquel est situé la commune d’Eglisolles, comporte notamment un objectif opérationnel de valorisation d’autres sources d’énergies renouvelables que le bois, dont l’énergie éolienne, pour laquelle ledit parc s’est doté en juillet 2009 d’un schéma éolien comportant quatre secteurs géographiques, comprenant notamment le territoire de la commune d’Eglisolles, où les collectivités locales peuvent envisager de créer des zones de développement de l’éolien ; que si, en vertu de l’annexe V à ladite charte, la vallée de l’Ance, dans laquelle est située la commune d’Eglisolles, a été classée comme haut-lieu pour lequel doit être mise en place une démarche globale et concertée de protection et de valorisation et si la même commune a été classée comme ayant une silhouette de village à préserver au titre de l’objectif stratégique 1.2 « Construire les paysages de demain », la présence de cette commune dans l’un des quatre secteurs géographiques du schéma éolien du parc naturel régional n’est pas incompatible avec ces deux classements, dès lors qu’au titre de l’objectif opérationnel de valorisation d’autres sources d’énergies renouvelables que le bois, le syndicat mixte du parc naturel régional du Livradois-Forez s’engage, en vertu de la charte, à suivre la mise en oeuvre de son schéma éolien et à accompagner les collectivités locales dans leur démarche d’investissement en la matière en veillant notamment à ce que les éoliennes soumises à permis de construire soient localisées dans les secteurs identifiés au plan du parc ou à proximité immédiate, sous réserve d’études approfondies conduites par un paysagiste indépendant des opérateurs éoliens ; qu’en outre, s’agissant des grandes éoliennes, le schéma éolien du parc naturel régional préconise notamment l’inscription des aménagements dans le paysage, la maîtrise du risque de mitage et de prolifération et la maîtrise des effets de dominance ainsi qu’une distance minimale de 700 mètres par rapport à l’habitat ; que, s’agissant des petites éoliennes, le schéma éolien du parc préconise notamment la réalisation d’une étude particulière sur les conditions d’une bonne intégration du projet de construction dans son environnement bâti et paysager et un certain éloignement par rapport aux maisons d’habitation ; que, dans ces conditions, le motif des arrêtés en litige selon lequel les projets de signature de promesses de bail en vue d’installer des éoliennes sur les parcelles sectionnales concernées s’inscrivent dans le schéma éolien du Parc naturel régional du Livradois-Forez n’apparaît entaché ni d’erreur de fait, ni d’erreur manifeste d’appréciation ;

19. Considérant, en dixième lieu, que si les requérants contestent la motivation des arrêtés en litige en ce qu’ils seraient notamment fondés sur la sous-exploitation des parcelles concernées et sur l’absence de leur mise en valeur, le préfet n’a pas retenu de tels motifs en se bornant à relever que « les parcelles concernées sont essentiellement utilisées pour l’affouage et qu’aucune autre mise en valeur n’y est réalisée » ;

20. Considérant, en onzième lieu, qu’il est constant que les revenus tirés de la location des parcelles sectionnales bénéficieront aux sections de commune concernées ; que, dès lors, le motif des arrêtés en litige tiré de ce que le projet représente une source de revenus pour chaque section n’est entaché ni d’erreur de fait, ni d’erreur manifeste d’appréciation ;

21. Considérant, en douzième lieu, que le préfet soutient dans ses écritures de première instance, sans être sérieusement contredit sur ce point par les requérants, que l’implantation d’éoliennes génèrera notamment des recettes fiscales avec l’instauration d’une contribution économique territoriale estimée à environ 500 euros par mégawatt et une imposition foncière forfaitaire de 2 200 euros par mégawatt et par éolienne installée ; que, par suite, le motif des arrêtés en litige tiré de ce que le projet représente une aide financière pour la commune et la communauté de communes n’est entaché ni d’erreur de fait, ni d’erreur manifeste d’appréciation ;

22. Considérant, en treizième lieu, que si la commune d’Eglisolles comporte trois zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I dénommées « forêt des Taillades », « hautes chaumes des Pradeaux » et « bois Chétioux et bois du Clovis », il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles sectionnales dont le changement d’usage est autorisé par les arrêtés préfectoraux en litige soient situées à l’intérieur ou à proximité immédiate de ces zones ; que si l’intégralité du territoire de la commune d’Eglisolles est inclus dans la ZNIEFF dite du « Haut-Forez », l’atteinte alléguée à cette zone par le changement d’usage autorisé n’est pas établie par les pièces du dossier ; que, par suite, et alors que ce changement d’usage ne préjuge pas des lieux précis d’implantation des éoliennes, ni de leur nombre, ni de leurs caractéristiques, s’agissant notamment de leur hauteur et de la taille des pales, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés qu’ils attaquent seraient entachés d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’existence de ces ZNIEFF ;

23. Considérant, en quatorzième lieu, qu’en l’absence de précision sur les distances séparant les maisons d’habitation des éoliennes dont la construction est envisagée et alors que le schéma éolien du parc naturel régional du Livradois-Forez préconise des distances minimales par rapport à l’habitat, ainsi qu’il a été dit au point 18, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés en litige seraient entachés d’erreur manifeste d’appréciation au regard des risques potentiels pour la santé humaine ;

24. Considérant, en quinzième et dernier lieu, que les arrêtés préfectoraux en litige sont fondés sur les dispositions législatives précitées de l’article L. 2411-16 du code général des collectivités territoriales, lesquelles ont pour objet et pour effet, non pas de priver les sections de communes de leurs droits de propriété, mais de déterminer, conformément à l’intérêt général, les modalités de gestion des biens et droits desdites sections ; que, par suite, le moyen selon lequel ces arrêtés porteraient atteinte au droit de propriété garanti par l’article 544 du code civil, doit être écarté ;

25. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposées en première instance par le préfet du Puy-de-Dôme, que l’association Vent Libre et autres ne sont pas fondés à demander l’annulation des arrêtés nos SPA-2011-47, SPA-2011-48, SPA-2011-49 et SPA-2011-50 du 19 octobre 2011 du préfet du Puy-de-Dôme ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

26. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les requérants demandent au titre leurs frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, partie perdante ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 novembre 2012 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l’association Vent Libre, MmeE…, M.H…, M. C… et M. F…devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et le surplus des conclusions de leur requête, sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Vent Libre, à Mme B…E…, à M. D… H…, à M. G… C…, à M. A… F…, au ministre de l’intérieur, à la section de commune de Moissonnières, à la section de commune de Molhac, à la section de commune de Rouffix et à la section de commune de Sicaud.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l’audience du 3 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er décembre 2015.

Nouveau refuge de l’Aigle (Ecrins/ Meije)/ Confirmation en appel du jugement rejetant le recours contre le permis de construire

CAA de MARSEILLE

N° 13MA03668
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. d’HERVE, président
Mme Jeanette FEMENIA, rapporteur
M. SALVAGE, rapporteur public
ROZIER, avocat

lecture du jeudi 29 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association les Amis du refuge de l’Aigle a demandé au tribunal administratif de Marseille l’annulation de l’arrêté en date du 19 juillet 2012 par lequel le maire de la commune de La Grave a délivré un permis de construire à la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne (FFCAM).

Par un jugement n° 1206328 du 9 juillet 2013, le tribunal administratif de Marseille a
rejeté la demande présentée pour l’association les Amis du refuge de l’Aigle.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées respectivement le 9 septembre et le 25 octobre 2013, l’association les Amis du refuge de l’Aigle, représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du 9 juillet 2013 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d’annuler l’arrêté précité ;

3°) de mettre à la charge de la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne, une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– en violation de l’arrêté du 19 mars 1943 qui interdit toute modification de la toiture, des façades et du niveau d’élévation du refuge de l’Aigle, le permis de construire attaqué ne prévoit pas la conservation du refuge puisque seulement douze piliers internes sont rallongés, et que les quatre façades de 1910 disparaissent dans la nouvelle architecture ;
– en méconnaissance des articles 621-34 du code du patrimoine, L. 430-8 du code de l’urbanisme et L. 341-1 du code de l’environnement, le projet de construction, objet de l’autorisation en litige, porte atteinte à l’harmonie du site protégé dont le bâti et l’environnement forment un paysage remarquable ; le projet d’étendre le refuge à cet endroit implique un détour des itinéraires et constitue un accès difficile ;
– le maire a entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation en n’examinant que l’aspect du bâti et non l’ensemble du site de la Meije, en méconnaissant le caractère remarquable des lieux résultant de sa beauté et de son histoire et en invoquant des questions de sécurité qu’il était à même de résoudre autrement ;
– la décision attaquée qui consiste en réalité à démolir l’ancien refuge est entachée de détournement de pouvoir et de procédure dès lors qu’il s’agit de faire l’économie d’un permis de démolir dont l’obtention n’est pas certaine ;
– en violation des articles R. 123-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, le projet en litige n’est pas conforme aux règles de sécurité auxquelles sont assujettis les refuges de montagne, dès lors que les abords du refuge sont plus restreints, que les chutes de neige du toit comportent un risque mortel pour les alpinistes utilisant la coursive en façade est et que l’agencement intérieur des pièces présente un risque d’incendie.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2014, la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne représentée par son président en exercice, par Me C… conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
– les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2014, la commune de La Grave représentée par son maire en exercice, par Me A… conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
– à titre principal la requête est irrecevable faute de contestation du jugement dont il est demandé l’annulation ;
– à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Par une ordonnance en date du 4 août 2015, la clôture de l’instruction a été fixée au 20 août 2015 à 12h00.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience par un avis d’audience adressé le 23 septembre 2015.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Féménia, première conseillère,
– les conclusions de M. Salvage, rapporteur public.

1. Considérant que par arrêté en date du 19 juillet 2012, le maire de la commune de La Grave a délivré un permis de construire à la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne pour le confortement et l’extension du refuge de l’Aigle, situé lieu-dit La Grave ; que l’association les Amis du refuge de l’Aigle interjette appel du jugement en date du 9 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision attaquée :
2. Considérant que par arrêté du 19 mars 1943, le ministre de l’éducation nationale a inscrit sur la liste des sites dont la conservation présente un intérêt général en application de la loi du 2 mai 1930, dont l’objet était de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, codifiée depuis le 21 septembre 2000 aux articles L. 341-1 et suivants du code de l’environnement, celui de la  » Meije  » composé par les sommets, cols et arêtes allant du sommet de la Lauze au Pic Oriental de la Meije, les arêtes secondaires descendant de ces sommets, les glaciers, le lac de Puy-Vachier ainsi que les refuges de l’Aigle, du Promontoire et Evariste Chancel ;

3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 341-1 du code de l’environnement susmentionné :  » Il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général. Après l’enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier, l’inscription sur la liste est prononcée par arrêté du ministre chargé des sites et, en Corse, par délibération de l’Assemblée de Corse après avis du représentant de l’Etat. L’inscription entraîne, sur les terrains compris dans les limites fixées par l’arrêté, l’obligation pour les intéressés de ne pas procéder à des travaux autres que ceux d’exploitation courante en ce qui concerne les fonds ruraux et d’entretien normal en ce qui concerne les constructions sans avoir avisé, quatre mois d’avance, l’administration de leur intention.  » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’inscription d’un site n’a ni pour objet ni pour effet d’interdire toute réalisation d’équipement, construction ou activité économique dans le périmètre de conservation du site, mais seulement de soumettre à autorisation toute opération susceptible de modifier l’état des lieux ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l’autorisation de construire en litige serait illégale compte tenu de l’inscription du site au titre des dispositions précitées du code de l’environnement ne peut qu’être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R. 425-30 du code de l’urbanisme :  » Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, la demande de permis ou la déclaration préalable tient lieu de la déclaration exigée par l’article L. 341-1 du code de l’environnement. Les travaux ne peuvent être entrepris avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande ou de la déclaration. La décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l »architecte des Bâtiments de France.  » ;

5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le refuge de l’Aigle a été édifié dans le site inscrit de la Meije, et s’adosse depuis 1910 à un piton rocheux s’élevant à 3 441 mètres d’altitude, dans le parc national des Ecrins et représente de par son ancienneté, son architecture légère en bois de mélèze, sa situation au coeur des traversées alpines des glaciers de l’Homme et du Tabuchet, tant un témoignage historique qu’un un élément remarquable de ce haut lieu de l’alpinisme ; que cependant, la fédération française des clubs alpins, détentrice d’un bail emphytéotique consenti par la commune de La Grave, a fait le constat à l’appui de différentes études techniques, que la conservation du refuge de l’Aigle ne pouvait plus être assurée en raison de son état de vétusté et que sa conception d’origine n’était plus adaptée à sa mission d’accueillir les alpinistes et les services de secours, en raison notamment de son exiguïté et de l’absence de règles modernes d’hygiène alimentaire et sanitaire, et de la difficulté de respecter les règles de sécurité ; qu’elle a obtenu dans un premier temps une autorisation de démolir le refuge existant ; que la contestation de cette autorisation devant la juridiction administrative par l’association requérante a été définitivement rejetée ; que toutefois, il ressort également des pièces du dossier, que le projet de démolition du refuge légalement autorisé n’a pas été mis en oeuvre et qu’à l’issue d’une démarche de médiation avec les acteurs intéressés, après avoir recueilli l’avis conforme du directeur de l’établissement public du parc national des Ecrins ainsi que les avis favorables de l’architecte des bâtiments de France, de la sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d’incendie dans les établissements recevant du public et l’agence régionale de santé, le maire de la commune de La Grave a, par arrêté du 19 juillet 2012 et sur la demande de la fédération française des clubs alpins, autorisé la réalisation d’un nouveau projet consistant à conforter et étendre le refuge de l’Aigle en intégrant la structure d’origine en bois à un volume unique et surélevé permettant ainsi d’augmenter la capacité d’accueil de 18 à 30 couchages, d’assurer sa pérennité contre les conditions climatiques extrêmes en l’intégrant dans une coque de confortement réalisée en bois massif à l’intérieur et plaquée d’aluminium à l’extérieur, et d’aménager l’espace intérieur à la fois en conformité avec les normes de sécurité et dans le souci d’accueillir au mieux ses usagers; que, de par l’ensemble de ces considérations qui traduisent l’intérêt particulier porté à la valeur patrimoniale du refuge de l’Aigle et le respect de sa situation dans son environnement protégé, le projet en litige, qui consiste à conforter le refuge, ne porte pas atteinte à la protection ou à la mise en valeur du site de La Meije tel qu’il a été inscrit en 1943 ; que pour les mêmes motifs, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que le maire a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ;

6. Considérant en troisième lieu, que si l’association requérante soutient en outre sans toutefois l’établir qu’un tel projet implique un détour des itinéraires habituels et présente un accès difficile pour les alpinistes, un tel moyen est inopérant au regard des dispositions précitées du code de l’urbanisme et du code de l’environnement ;

7. Considérant en quatrième lieu, que si l’association requérante soutient sans l’établir que la délivrance du permis de construire en litige révèle un détournement de pouvoir et de procédure dès lors qu’en réalité il permettrait de démolir le refuge de l’Aigle sans en requérir l’autorisation réglementaire, en tout état de cause, les éléments du dossier rappelés au point 5 contredisent cette allégation ;

8. Considérant en cinquième lieu, que les moyens tirés de la violation des articles R. 123-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, qui relèvent d’une législation indépendante, des dispositions de l’article L. 621-34 du code du patrimoine, relatives au permis de démolir et abrogées au 1er octobre 2007, et d’un prétendu article L. 430-8 du code de l’urbanisme, sont inopérants ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 19 juillet 2012 par lequel le maire de la commune de La Grave a délivré un permis de construire à la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :  » Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.  » ;

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande l’association les Amis du refuge de l’Aigle au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche de mettre à la charge de l’association les Amis du refuge de l’Aigle, le versement à la commune de La Grave et à la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne d’une somme globale de 1 000 euros au même titre ;

D E C I D E :
Article 1er : La requête de l’association les Amis du refuge de l’Aigle est rejetée.
Article 2 : L’association les Amis du refuge de l’Aigle versera à la commune de La Grave et à la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne une somme globale de 1 000 (mille) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’association les Amis du refuge de l’Aigle, à la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne et à la commune de La Grave.

Délibéré après l’audience du 8 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

– M. d’Hervé, président de chambre,
– Mme Josset, présidente assesseure,
– Mme Féménia, première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2015.

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N° 13MA003668

Schéma départemental de coopération intercommunale/ Seuil de 5000 habitants/ Inapplicabilité en zone de montagne

CAA de MARSEILLE

N° 14MA01275   
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre – formation à 3
M. BOCQUET, président
Mme Marie-Laure HAMELINE, rapporteur
M. REVERT, rapporteur public
ADAMAS – AVOCATS ASSOCIES, avocat

lecture du lundi 2 novembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler l’arrêté interpréfectoral du 7 janvier 2013 par lequel le préfet de Vaucluse et le préfet de la Drôme ont étendu le périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux en y intégrant la commune de Mollans-sur-Ouvèze.

Par un jugement n° 1300613 du 23 janvier 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2014, la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies, représentée par MeA…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 janvier 2014 ;

2°) d’annuler l’arrêté interpréfectoral du 7 janvier 2013 susvisé.

Elle soutient que :

– le schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse a été adopté à l’issue d’une procédure irrégulière, dès lors que le préfet de la Drôme et la commission de coopération intercommunale de la Drôme n’ont pas été consultés sur le retrait de Mollans-sur-Ouvèze de la communauté de communes du pays de Buis-les-Baronnies et son intégration à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux, en violation de l’article L.5210-1-1 IV du code général des collectivités territoriales ;
– la décision de rattacher la commune de Mollans-sur-Ouvèze à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux est entachée d’erreur manifeste d’appréciation car elle méconnaît les orientations fixées par l’article L. 5210-1-1 III du code général des collectivités territoriales ;
– la décision entraîne notamment, au regard de l’objectif de solidarité financière, une perte de ressources de 20 % pour la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies qui devra en revanche maintenir des coûts d’amortissement et de personnel inchangés répartis sur un nombre inférieur de communes.

Des pièces complémentaires ont été produites le 20 novembre 2014 pour la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies.
Une mise en demeure de conclure, assortie de l’indication de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et indiquant que l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par les articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative, a été adressée le 27 juillet 2015 au ministre de l’intérieur et les autres parties en ont été informées en application de l’article R. 612-3 du même code.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience par un avis d’audience adressé le 18 septembre 2015 portant clôture d’instruction immédiate en application de l’article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Hameline,
– et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que par arrêté du 27 février 2012, le préfet de Vaucluse a, en application du II de l’article 60 de la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010, adopté un projet de périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux incluant notamment la commune de Mollans-sur-Ouvèze, située dans le département de la Drôme et alors membre dans ce département de la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies ; qu’après avis des communes et établissements intéressés sur ce projet de périmètre, le préfet de Vaucluse et le préfet de la Drôme ont, par arrêté conjoint du 7 janvier 2013, procédé à l’extension du périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux en y intégrant la commune de Mollans-sur-Ouvèze, et ont constaté par voie de conséquence le retrait de cette même commune de la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies ; que cette dernière a successivement demandé au tribunal administratif de Nîmes l’annulation de ces deux arrêtés ; qu’elle interjette appel, sous le n° 14MA01275, du jugement en date du 23 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté conjoint des préfets de Vaucluse et de la Drôme du 7 janvier 2013 modifiant le périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux ;
Sur la légalité de l’arrêté interpréfectoral du 7 janvier 2013 portant extension du périmètre de la communauté de communes Pays Vaison Ventoux :
En ce qui concerne l’exception d’illégalité tirée de la procédure d’adoption du schéma départemental de la coopération intercommunale de Vaucluse :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable :  » IV.-Un projet de schéma est élaboré par le représentant de l’Etat dans le département. Il est présenté à la commission départementale de la coopération intercommunale. / Il est adressé pour avis aux conseils municipaux des communes et aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes concernés par les propositions de modification de la situation existante en matière de coopération intercommunale. Ils se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la notification. A défaut de délibération dans ce délai, celle-ci est réputée favorable. / Lorsqu’une proposition intéresse des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes appartenant à des départements différents, le représentant de l’Etat dans le département saisit pour avis le représentant de l’Etat dans le ou les autres départements concernés, qui se prononce dans un délai de trois mois après consultation de la commission départementale de la coopération intercommunale. A défaut d’avis rendu dans ce délai, l’avis est réputé favorable. / Le projet de schéma, ainsi que l’ensemble des avis mentionnés aux deux alinéas précédents, sont ensuite transmis pour avis à la commission départementale de la coopération intercommunale qui, à compter de cette transmission, dispose d’un délai de quatre mois pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, celle-ci est réputée favorable. Les propositions de modification du projet de schéma conformes aux I à III adoptées par la commission départementale de la coopération intercommunale à la majorité des deux tiers de ses membres sont intégrées dans le projet de schéma. / Le schéma est arrêté par décision du représentant de l’Etat dans le département et fait l’objet d’une insertion dans au moins une publication locale diffusée dans le département. (…)  » ;
3. Considérant que les dispositions précitées impliquent, dans le cas où le projet de schéma élaboré par le représentant de l’Etat dans le département contient des propositions intéressant des communes ou établissements de coopération intercommunale d’un département voisin, que celui-ci saisisse pour avis le préfet de ce département dans les conditions prévues au troisième alinéa, avant de transmettre son projet ainsi que les avis recueillis sur celui-ci à la commission départementale de coopération intercommunale ; qu’elles ne créent, en revanche, pas d’obligation de consultation du préfet ni de la commission départementale de coopération intercommunale d’un département voisin sur les modifications que la commission apporte elle-même par amendement au projet de schéma voté à la majorité des deux tiers dans le cadre de son examen ultérieur et que le représentant de l’Etat est tenu ensuite d’intégrer au projet de schéma, quel que soit le contenu des propositions ainsi adoptées ;
4. Considérant qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse a consulté le préfet de la Drôme le 9 mai 2011 sur le projet de schéma départemental de coopération intercommunale du Vaucluse qu’il avait élaboré, en application des dispositions précitées du troisième alinéa de l’article L. 5210-1-1 IV ; qu’ainsi que l’ont relevé à bon droit les premiers juges, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui faisait obligation de saisir à nouveau le préfet de la Drôme du schéma départemental une fois celui-ci amendé par la commission intercommunale de coopération intercommunale de Vaucluse, laquelle a proposé le 29 juillet 2011 le principe de l’intégration de la commune de Mollans-sur-Ouvèze à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux ; que, dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse aurait été adopté dans des conditions irrégulières, alors d’ailleurs que le préfet de Vaucluse a dans les faits informé le préfet de la Drôme par courrier de l’introduction de cette modification, et qu’une réunion commune des représentants des commissions de coopération intercommunale des deux départements a eu lieu le 25 novembre 2011 afin d’évoquer les questions d’intérêt commun ; que, dès lors, le moyen invoqué à l’encontre de l’arrêté interpréfectoral en litige et tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité du schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse, doit en tout état de cause être écarté ;
En ce qui concerne l’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales :
5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales :  » I.-Dans chaque département, il est établi, au vu d’une évaluation de la cohérence des périmètres et de l’exercice des compétences des groupements existants, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales.(…) III.-Le schéma prend en compte les orientations suivantes :1 La constitution d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 5 000 habitants ; toutefois, ce seuil de population n’est pas applicable aux établissements publics dont le territoire comprend des zones de montagne délimitées conformément à l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ; par ailleurs, ce seuil peut être abaissé par le représentant de l’Etat dans le département pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces 2° Une amélioration de la cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ; 3° L’accroissement de la solidarité financière (…).  » ; qu’aux termes de l’article L. 5214-1 du même code dans ses dispositions en vigueur à la date de l’arrêté litigieux :  » La communauté de communes est un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave. /Elle a pour objet d’associer des communes au sein d’un espace de solidarité, en vue de l’élaboration d’un projet commun de développement et d’aménagement de l’espace. (…)  » ;
6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’intégration de la commune de Mollans-sur-Ouvèze à la communauté de communes vauclusienne Pays Vaison Ventoux, avec l’accord de la commune concernée et conformément aux propositions du schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse, a eu pour objectif premier de mettre fin à la situation de discontinuité territoriale de cet établissement public résultant, depuis 2009, de l’enclavement des communes membres de Saint-Léger du Ventoux, Brantes et Savoillans ; qu’il est constant que la solution ainsi apportée à la discontinuité du périmètre existant ne présentait pas d’alternative aisément réalisable en raison notamment des contraintes géographiques, et permettait, ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal administratif, de respecter l’objectif de suppression des enclaves fixé par le I de l’article L. 5210-1-1 précité du code général des collectivités territoriales ;
7. Considérant que, si la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies fait valoir que sa taille va diminuer de manière préjudiciable en la faisant passer sous le seuil de 5 000 habitants préconisé par le III de l’article L. 5210-1-1, elle ne conteste pas que son territoire comprend plusieurs zones de montagne au sens de ces dispositions, ayant pour effet d’écarter l’application de ce seuil en l’espèce ; que, par ailleurs, la communauté de communes requérante n’établit pas, en se limitant à faire valoir les projections de ses pertes fiscales et financières estimées du fait du retrait de la commune de Mollans-sur-Ouvèze, sans au demeurant démontrer l’ampleur alléguée de la part des investissements réalisés au bénéfice des habitants de cette commune, que ce départ la placerait dans une situation de déséquilibre financier de nature à caractériser une erreur manifeste d’appréciation des auteurs de l’arrêté litigieux au regard de l’orientation de solidarité financière prévue par le III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales et de la vocation d’une communauté de communes prévue par l’article L. 5214-1 du même code ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement n° 1300613, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté interpréfectoral du préfet de Vaucluse et du préfet de la Drôme du 7 janvier 2013.
D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 14MA01275 de la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies, au ministre de l’intérieur, à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux, à la commune de Vaison la Romaine et à la commune de Mollans-sur-Ouvèze.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse et au préfet de la Drôme.
Délibéré après l’audience du 12 octobre 2015, où siégeaient :

– M. Bocquet, président,
– M. Pocheron, président assesseur,
– Mme Hameline, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 novembre 2015.

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N° 14MA01275

Eoliennes en zone de montagne/ Article L. 145-3 du code de l’urbanisme

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 14MA00594   
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre – formation à 3
Mme BUCCAFURRI, président
Mme Fleur GIOCANTI, rapporteur
M. ROUX, rapporteur public
CABINET MAILLOT – AVOCATS ASSOCIES, avocat

lecture du vendredi 13 novembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres ont demandé au tribunal administratif de Montpellier :
– d’annuler l’arrêté du 28 février 2011 par lequel le préfet de l’Hérault a délivré à la SA Ventura un permis de construire autorisant la construction d’un parc éolien comprenant 7 aérogénérateurs et un poste de livraison ensemble les décisions rejetant leurs recours gracieux dirigés contre ledit permis de construire ;
– de mettre à la charge de l’Etat et de la société Théolia France une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1103761 du 5 décembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 février 2014, le 10 juillet 2015, le 13 juillet 2015 et le 10 août 2015, l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres, représentés par Me D…demandent, dans le dernier état de leurs écritures, à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 décembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;
3°) de rejeter les conclusions présentées par la société Théolia sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société Théolia France une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– la société pétitionnaire n’avait pas qualité pour demander un permis de construire en raison de l’irrégularité du titre l’habilitant à construire ; la demande de permis de construire est entachée de fraude ;
– l’article L. 145-3 II du code de l’urbanisme a été méconnu dès lors que le projet ne comporte aucune prescription de nature à préserver les espaces et paysages du patrimoine naturel et culturel montagnard ;
– la notice d’impact prévue aux articles R. 122-5 et R. 122-9 du code de l’environnement est insuffisante ;
– le permis de construire a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière en ce que la commune d’Avène n’a pas été consultée ;
– les dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues ; deux membres du conseil municipal de la commune de Joncels doivent être qualifiés de  » personnes intéressées  » ;
– le recours en excès de pouvoir n’a pas excédé les intérêts légitimes des requérants et n’a pas causé de préjudice excessif à la société Théolia.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 février 2014, le 20 mai 2014, le 21 mai 2014, le 6 février 2015 et le 31 juillet 2015, la société Théolia France conclut au rejet de la requête, à la condamnation des requérants à lui verser une somme de 1 813 247 euros en application des dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme et de mettre à la charge des requérants la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle fait valoir que :
– la requête est irrecevable ; M. I… ne justifie pas de sa qualité pour agir contre l’acte en litige ; les statuts des associations  » Forum des Monts de l’Orb  » et  » protection des paysages d’Avène et des hauts Cantons  » font apparaître un objet social très général qui ne vise ni l’urbanisme, ni l’énergie éolienne ; les associations requérantes n’ont pas d’intérêt pour agir contre le permis de construire attaqué ;
– les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;
– la requête d’appel qui est vouée au rejet n’a pour seul objet que de retarder le projet ; elle a subi un préjudice matériel lié aux conséquences du retard pris dans la réalisation du projet ainsi qu’un préjudice moral résultant de l’atteinte à l’image de la société vis-à-vis de ses financeurs et clients.

Une mise en demeure a été adressée le 26 janvier 2015 au ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Un courrier du 26 juin 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et a indiqué la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article R. 613-1 et le dernier alinéa de l’article R. 613-2.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2015, la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par les requérants n’est fondé.

L’ordonnance du 22 septembre 2015 a prononcé la clôture de l’instruction à la date de son émission, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de l’environnement ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de la santé publique ;
– la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Giocanti,
– les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
– et les observations de Me B…représentant les requérants et celles de Me H… représentant la société Théolia.

1. Considérant que la société anonyme (SA) Ventura, aux droits de laquelle est venue la société Théolia France, a déposé le 17 avril 2003, une demande de permis de construire en vue de l’édification d’un parc éolien de sept aérogénérateurs et d’un poste de livraison sur un terrain situé au lieu-dit  » Plo de Cambre  » à Joncels ; que, par un arrêté du 2 août 2004, le préfet de l’Hérault a rejeté cette demande au motif que le projet, en covisibilité avec le château de Cazilhac, est de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels en méconnaissance de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme ; que, par un arrêt du 4 juin 2010, la présente Cour a annulé l’arrêté de refus du 2 août 2004 et enjoint au préfet de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire ; que, par un arrêté du 28 février 2011, le préfet de l’Hérault a délivré le permis de construire sollicité par la société Théolia France ; que l’association  » Forum des Monts d’Orb « , l’association de protection des paysages d’Avène et des Hauts-Cantons et M. I…, propriétaire du château de Cazilhac, relèvent appel du jugement du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant en premier lieu, aux termes de l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation dudit terrain pour cause d’utilité publique. (…)  » ; qu’il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet comprend plusieurs parcelles situées à Joncels qui appartiennent à la familleC…, à l’association culturelle orthodoxe Saint Nicolas et au groupement forestier de Joncelets ; qu’à l’appui de sa demande de permis de construire, la SA Ventura a produit trois mandats signés entre décembre 2002 et janvier 2003 par lesquels les propriétaires susmentionnés autorisent la société pétitionnaire à déposer toute demande de permis de construire relatif à la construction d’éoliennes ; que les requérants contestent la validité du mandat émanant du groupement forestier des Joncelets dès lors que la SAFER du Languedoc Roussillon, actionnaire majoritaire dudit groupement, n’aurait pas donné son accord pour signer une promesse de contrat de bail sur les parcelles en question ; que toutefois, alors même que les requérants ont alerté le commissaire enquêteur de l’irrégularité des conditions dans lesquelles le mandat a été donné par le groupement forestier des Joncelets, il n’appartenait pas à l’administration de s’immiscer dans un litige d’ordre privé, de trancher ce litige ou de se fonder sur son éventuelle existence pour refuser d’examiner la demande de permis de construire qui lui était présentée ; qu’ainsi, en regardant les trois mandats des propriétaires comme des titres habilitant le pétitionnaire à construire au sens des dispositions précitées, le préfet de l’Hérault a fait une exacte application des dispositions précitées ; que, par ailleurs, la simple circonstance, à la supposer même établie, que la décision des gérants du groupement forestier de Joncelets du 20 mai 2001, indiquant que la majorité des sociétaires sont favorables à la signature de la promesse de bail avec la SA Ventura, serait antidatée, n’est pas de nature à démontrer que la société pétitionnaire se serait livrée à une manoeuvre frauduleuse pour obtenir un permis de construire ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes du II de l ‘article L. 145-3 du code de l’urbanisme :  » Les documents et décisions relatifs à l’occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard.  » ; qu’il résulte de ces dispositions que, dans les espaces, milieux et paysages caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard, les documents et décisions relatifs à l’occupation des sols doivent être compatibles avec les exigences de préservation de ces espaces ; que, pour satisfaire à cette exigence de compatibilité, les documents et décisions cités ci-dessus doivent comporter des dispositions de nature à concilier l’occupation du sol projetée et les aménagements s’y rapportant avec l’exigence de préservation de l’environnement montagnard prévue par la loi ; qu’il ressort des pièces du dossier que le projet de parc éolien, visible depuis le château de Cazilhac, inscrit sur la liste des monuments historiques, sera implanté à une distance d’environ 5 km de cet élément remarquable du patrimoine local ; que le site de Plo de Cambre est concerné par deux zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), celle du Plo de Cambre de type I et celle du plateau de l’Escandorgne de type II et se situe à proximité du chemin de randonnée de Saint-Jacques de Compostelle, du parc naturel régional des Grands Causses et du territoire  » Causses et Cévennes  » inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco ; que, néanmoins, il ressort de l’étude d’impact que les richesses patrimoniales qui ont justifié le classement du site de Plo de Cambre en ZNIEFF sont d’ordre floristique ; que par ailleurs, il résulte de l’atlas paysager du schéma régional éolien du Languedoc-Roussillon, réalisé en 2011 par la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL), que le projet va s’implanter dans une zone aux enjeux paysagers jugés faibles ; qu’en outre, l’étude d’impact révèle que, bien que le Plo de Cambre soit un lieu de passage des oiseaux migrateurs, le site n’abrite pas de voiliers nicheurs remarquables ou prioritaires ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le lieu d’implantation du projet s’inscrive dans un espace, paysage ou milieu caractéristique du patrimoine naturel et culturel montagnard, ; qu’il s’ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’arrêté méconnaîtrait le II précité de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme ;

4. Considérant en troisième lieu, que l’article 4 du décret n° 77-1141 du 12/10/1977 modifié par le décret n° 2003-767 du 1er août 2003 sur les études d’impact pris pour l’application de l’article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature alors en vigueur dispose que :  » Pour les travaux et projets d’aménagements définis à l’annexe IV jointe au présent décret, la dispense, prévue au B et au C de l’article 3 ci-dessus, de la procédure d’étude d’impact est subordonnée à l’élaboration d’une notice indiquant les incidences éventuelles de ceux-ci sur l’environnement et les conditions dans lesquelles l’opération projetée satisfait aux préoccupations d’environnement.  » ; que l’annexe IV dudit décret prévoit que sont soumis à l’élaboration d’une notice d’impact les  » travaux d’installation des ouvrages de production d’énergie éolienne dont la puissance maximum est inférieure ou égale à 2,5 MW.  » ; que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une notice d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; que les requérants font valoir que la notice d’impact et notamment l’étude acoustique serait insuffisante en ce qu’elle ne répondrait pas aux exigences de la norme NF S 31-010, issue de l’arrêté du 10 mai 1995 relatif aux modalités de mesure des bruits de voisinage, laquelle préconise d’effectuer des mesures en présence d’un vent inférieur à 5m/s ; qu’il ressort des pièces du dossier, que si les relevés acoustiques ont été réalisés alors que le vent était de plus de 6m/s, la notice expose clairement cette circonstance ainsi que la méthodologie qui a été employée pour faire ces relevés ; qu’en outre, l’étude révèle que le dépassement des exigences réglementaires est compensé par le caractère marqué du relief qui a pour effet de diminuer les nuisances sonores ; qu’ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette étude aurait privé les services instructeurs et le public, d’une information complète sur les nuisances sonores induites pas les éoliennes ; qu’en se bornant à soutenir que le relief va créer une  » caisse de résonance  » et amplifier le bruit généré par le projet, sans le démontrer, les requérants n’établissent pas l’insuffisance du volet acoustique de l’étude d’impact ;

5. Considérant en quatrième lieu, qu’aux termes du XI de l’article 90 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement :  » Hors des zones de développement de l’éolien définies par le préfet, pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d’urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d’instruction de la demande d’urbanisme concernée  » ; qu’aux termes de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme :  » Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’ occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire.  » ; que la société pétitionnaire bénéficiait en l’espèce du droit de voir examiner sa nouvelle demande de permis de construire sous l’empire des dispositions applicables à la date de la première décision de refus ; que les dispositions précitées de la loi du 12 juillet 2010 ne pouvaient donc trouver à s’appliquer à la nouvelle demande de permis de construire déposée par la société Théolia France à la suite de l’annulation par l’arrêt du 4 juin 2010 de la cour administrative d’appel de Marseille du précédent refus qui lui avait été opposé le 2 août 2004 ; que, par suite, l’autorité préfectorale n’était pas tenue de solliciter l’avis des communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes des projets et notamment celui de la commune d’Avène ; qu’en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que ladite commune a effectivement été consultée sur le projet le 16 novembre 2010 et a émis, à l’expiration du délai de douze jours qui lui était imparti pour répondre, un avis réputé favorable ; que si les requérants soutiennent que les textes prévoient que le délai accordé à la collectivité consultée ne peut être inférieur à un mois, une telle argumentation manque en droit ;

6. Considérant en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :  » Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires.  » ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. G… E…et M. A… F…, gérants du groupement forestier des Joncelets lequel est propriétaire d’une partie du terrain d’assiette du projet, sont également conseillers municipaux de la commune de Joncels ; qu’alors même que M. G… E…et M. A… F…ont pris part à une séance du conseil municipal au cours de laquelle a été adoptée la délibération précédant l’avis favorable émis par le maire de Joncels le 17 juillet 2003, une telle circonstance ne saurait conduire à vicier la procédure à l’issue de laquelle le permis de construire a été délivré dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés auraient exercé une influence sur le sens de cette délibération ni même sur l’avis émis par le maire, au nom de la commune ; qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette circonstance aurait exercé une quelconque influence sur le sens de la décision prise par le préfet au vu de l’avis émis par le maire de cette commune ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense par la société Théolia France, que l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 28 février 2011 ;

Sur les conclusions présentées par la société Théolia France en application de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme :

8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme :  » Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel  » ;
9. Considérant que, par un mémoire distinct enregistré le 6 février 2015, la société Théolia France demande, sur le fondement des dispositions précitées, la condamnation des requérants à lui verser la somme de 1 813 247 euros ; que, d’une part, il ressort des pièces du dossier que les deux associations requérantes ont pour objet, pour l’une d' » agir dans l’intérêt des habitants des Monts d’Orb en s’opposant à la destruction du patrimoine naturel par, entre autre, l’implantation de structures industrielles, dans un souci de maintenir la qualité de la vie  » et pour l’autre  » de protéger les espaces naturels et les paysages du département de l’Hérault  » ; que, d’autre part, M. I…, également requérant, est propriétaire du château de Cazilhac en covisibilité duquel se situe le projet ; qu’eu égard à l’ampleur du projet de construction d’éoliennes dont la hauteur peut atteindre 80 mètres, les requérants disposent d’un intérêt à contester le permis de construire du 28 février 2011 ; qu’en se bornant à affirmer que le recours aurait pour seul objet de retarder la mise en oeuvre du projet, la société pétitionnaire n’établit pas que l’action de l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres excèderait, en l’espèce, la défense de leurs intérêts légitimes ; qu’en conséquence, les conclusions présentées par la société Théolia France sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme doivent être rejetées ;
Sur les frais non compris dans les dépens :

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres demandent sur leur fondement au titre de leurs frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge de l’Etat et de la société Théolia, qui ne sont, dans la présente instance, ni parties perdantes, ni tenus aux dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Théolia les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête l’association  » Forum des Monts d’Orb  » et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Théolia présentées sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société Théolia tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’association  » Forum des Monts d’Orb « , à l’association protection des paysages d’Avène et des Hauts-Cantons, à M. J…, à la société Théolia France et à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera adressée au préfet de l’Hérault.

Délibéré après l’audience du 23 octobre 2015 , à laquelle siégeaient :

– Mme Buccafurri, présidente,
– M. Portail, président assesseur,
– Mme Giocanti, conseiller,

Lu en audience publique, le 13 novembre 2015.
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N° 14MA00594


 

Analyse

Abstrats : 29-035 Energie.
68-001-01-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles générales d’utilisation du sol. Règles générales de l’urbanisme. Prescriptions d’aménagement et d’urbanisme. Régime issu de la loi du 9 janvier 1985 sur la montagne.
68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire

Accident de randonnée en forêt publique de montagne/ Responsabilité de l’ONF (compétence judiciaire)/ Responsabilité communale (non)

Conseil d’État

N° 383791   
ECLI:FR:CESSR:2015:383791.20151109
Inédit au recueil Lebon
2ème / 7ème SSR
M. Camille Pascal, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP DE NERVO, POUPET ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats

lecture du lundi 9 novembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu 1°, sous le n° 383791, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 19 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme D…A…, demeurant … ; Mme A…demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 12MA03847 du 19 juin 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 1104054 du 16 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que soit désigné un expert pour procéder à l’évaluation de ses préjudices et à la condamnation solidaire de l’Office national des forêts et de la commune d’Allos à réparer les préjudices résultant de l’accident dont elle a été victime le 25 avril 2008, d’autre part, à ce qu’il soit fait droit à ses conclusions de première instance et à ce qu’il soit dit que l’indemnité portera intérêts à compter du 18 mars 2011, date de réception de la première demande, ceux-ci étant capitalisés annuellement pour produire eux-mêmes intérêts ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Office national des forêts et de la commune d’Allos le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le numéro 383792, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 19 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme B…C…, demeurant … ; Mme C…demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 12MA03846 du 19 juin 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 1104053 du 16 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que soit désigné un expert pour procéder à l’évaluation de ses préjudices et à la condamnation solidaire de l’Office national des forêts et de la commune d’Allos à réparer les préjudices résultant de l’accident dont elle a été victime le 25 avril 2008, d’autre part, à ce qu’il soit fait droit à ses conclusions de première instance et à ce qu’il soit dit que l’indemnité portera intérêts à compter du 18 mars 2011, date de réception de la première demande, ceux-ci étant capitalisés annuellement pour produire eux-mêmes intérêts ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Office national des forêts et de la commune d’Allos le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 octobre 2015, présentée pour l’Office national des forêts ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code forestier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Camille Pascal, conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de Mme A…et de MmeC…, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de l’Office national des forêts et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la commune d’Allos ;

1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A…et sa fille mineure B…C…, qui faisaient partie d’un groupe de randonneurs, ont été victimes d’un accident le 25 avril 2008 alors qu’elles se trouvaient sur le territoire de la commune d’Allos (04) à proximité du chemin de grande randonnée 56 B qui traverse la forêt domaniale du Haut Verdon dans le Parc national du Mercantour ; que le groupe s’est écarté du chemin de randonnée pour gravir une pente sur laquelle se trouvaient des grumes, résidus d’une opération d’abattage réalisée dix mois plus tôt par un entrepreneur privé à la demande de l’Office national des forêts (ONF) et financée par la commune d’Allos ; que Mme A… et M.C…, agissant au nom de leur filleB…, estimant que cet accident était imputable aux conditions dans lesquelles les arbres avaient été abattus et laissés sur place après la coupe ont saisi le tribunal administratif de Marseille de demandes d’indemnisation dirigées contre l’ONF et la commune d’Allos ; que, par deux jugements du 16 juillet 2012, le tribunal a rejeté ces demandes ; que Mme A…et Mme B…C…ont relevé appel de ces jugements devant la cour administrative d’appel de Marseille, qui, par un arrêt du 19 juin 2014, a rejeté leurs appels ; que Mme A…et Mme C…se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

Sur la régularité de l’arrêt attaqué :

3. Considérant qu’aux termes de l’article R. 741-2 du code de justice administrative,  » la décision (…) contient (…) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application  » ; qu’en se bornant à mentionner le caractère d’établissement public industriel et commercial de l’ONF, qui ne faisait l’objet d’aucune contestation devant elle, la cour n’a pas, pour la solution du litige dont elle était saisie, fait application des textes qui confèrent à l’ONF ce statut ; que, par suite elle n’était pas tenue, en tout état de cause, de les mentionner dans les visas de son arrêt ;

Sur le bien-fondé de l’arrêt attaqué :

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la forêt domaniale du Haut Verdon appartient au domaine privé forestier de l’Etat et que sa gestion a été confiée à l’ONF ; qu’elle a fait l’objet, conformément aux dispositions des articles L. 133-1 et suivants du code forestier, d’un arrêté d’aménagement forestier en date du 8 novembre 1971, modifié par un arrêté du 12 janvier 1988, auquel était annexé un plan domanial de gestion ; que, dans son paragraphe 4-3, ce plan domanial prévoit que l’exploitation du domaine doit poursuivre simultanément comme objectifs  » la protection du milieu naturel, la production de bois d’oeuvre et d’herbage, l’accueil du public et les activités cynégétiques  » ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article R. 121-2 du code forestier alors applicable, devenu l’article D. 221-2 de ce même code :  » L’office national des forêts applique les arrêtés d’aménagement et assure la gestion et l’équipement des forêts et terrains qui lui sont confiés (…) L’office peut, sur ces forêts et terrains, avec ou sans l’aide de l’État et des collectivités publiques, exécuter ou faire exécuter tous travaux d’entretien, d’équipement et de restauration.  » ;

En ce qui concerne la responsabilité de l’ONF :

6. Considérant que, lorsqu’un établissement public tient de la loi la qualité d’établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l’exception de ceux relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique et ne peuvent donc être exercées que par un service public administratif ; que la cour a relevé que l’ONF avait, dans le cadre de sa mission d’entretien de la forêt domaniale du Haut Verdon, décidé d’abattre trois arbres, dont celui qui s’est trouvé à l’origine du dommage, pour améliorer l’accueil du public en ouvrant depuis le chemin de randonnée n° 56 qui traverse cette forêt une perspective sur une cascade remarquable ; qu’en déduisant de ces constatations souveraines, exemptes de dénaturation, que la juridiction administrative était incompétente pour connaître des conséquences dommageables de l’accident en cause, dès lors que l’ONF tient de la loi la qualité d’établissement public à caractère industriel et commercial, la cour administrative d’appel n’a commis ni erreur de qualification juridique ni erreur de droit ;

En ce qui concerne la responsabilité de la commune d’Allos pour dommage de travaux publics :

7. Considérant que, lorsque l’ONF fait réaliser, dans le cadre de sa mission de gestion d’une forêt domaniale, l’abattage d’arbres, la circonstance que la commune dont le territoire est concerné donne son accord et que, comme les dispositions précitées de l’article R. 121-2 du code forestier en prévoient la possibilité, elle apporte son aide financière à l’ONF ne saurait conduire à regarder les travaux d’abattage comme des travaux publics réalisés pour le compte de la commune dans un but d’intérêt général ; que ce motif de pur droit, qui suffit à justifier le rejet, par la cour, des conclusions des requérantes tendant à ce que la commune soit condamnée à indemniser leur préjudice sur le fondement du régime des dommages de travaux public, doit être substitué au motif qu’elle a retenu ;

En ce qui concerne la responsabilité de la commune d’Allos pour faute du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police :

8. Considérant que l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose que  » la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment (…) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure  » et qu’à cet égard il appartient notamment au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement, par prudence, se prémunir ;

9. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de la commune d’Allos avait fait placer à l’entrée du sentier, dans le courant du mois de novembre, un panneau avertissant les randonneurs du fait qu’ils s’engageaient sur un itinéraire de haute montagne non sécurisé et des risques d’avalanches auxquels ils s’exposaient ; que l’accident s’est produit avant le début de la saison touristique, dans un lieu situé un peu à l’écart du chemin et présentant une forte déclivité ; qu’en jugeant qu’il n’incombait pas au maire de la commune d’Allos de prendre des mesures particulières afin d’attirer l’attention des randonneurs sur les risques qu’ils couraient en quittant le chemin de grande randonnée et que, compte tenu de la présence du panneau au départ du sentier, aucune faute dans l’exercice de ses pouvoirs de police ne pouvait être reprochée au maire, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ni d’erreur de qualification juridique ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme A…et Mme C… ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune d’Allos et de l’ONF les sommes que demandent Mme A…et Mme C…; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l’ONF et la commune d’Allos ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Les pourvois de Mme A…et Mme C…sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions présentées par l’Office national des forêts et la commune d’Allos au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme D…A…, Mme B…C…, à l’Office national des forêts et à la commune d’Allos.

Abattage de loups (Savoie)/ Suspension de l’arrêté préfectoral du 10 septembre 2015 (non)

Encore une ordonnance fortement motivée du juge des référés du TA de Grenoble…

NB: arrêté édicté sous la pression des éleveurs, quelques jours après la séquestration de plusieurs hauts représentants du Parc national de la Vanoise à Bramans. Or, un acte administratif obtenu par la violence est (grossièrement) illégal.

 

TA Grenoble 20 octobre 2015 Loups

Immobilier de montagne/ Défiscalisation/ Risques (oui)

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 avril 2015, 13-28.207

 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à M. et Mme X…du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mme Y…, ès qualités de liquidateur judiciaire de l’EURL Alpages de Val Cenis ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 22 octobre 2013), que la société PM3C a créé la société civile immobilière Les Arcellins (la SCI) pour la construction et la commercialisation d’une résidence de tourisme en montagne ; que, désireux de réaliser un placement immobilier défiscalisé, M. et Mme X…y ont acquis, sur présentation par la société Selexia et par acte reçu par M. Z…, notaire, un appartement qu’ils ont donné à bail commercial au gestionnaire de cette résidence, la société Compagnie de développement touristique (CDT), filiale de la société PM3C ; qu’après liquidation judiciaire de la société Les Alpages de Val Cenis à laquelle le bail commercial avait été cédé, M. et Mme X…ont assigné la société PM3C, la SCI, la société Selexia et la société civile professionnelle Z…-A…, Z…, B…-Z…et C… (la SCP) en annulation de la vente, restitution du prix et paiement de dommages et intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X…font grief à l’arrêt de rejeter leur demande d’annulation de la vente pour dol de la société PM3C, promoteur, et de la SCI, vendeur, alors, selon le moyen :

1°/ que le dol est constitué en cas d’informations erronées ou de réticence dans la délivrance d’une information ; qu’en écartant le dol du promoteur et du vendeur du chef de la solvabilité de l’exploitant de la résidence, quand la rentabilité de l’opération annoncée dans la plaquette publicitaire, faisant état de « revenus locatifs garantis » et de ce que « le gestionnaire n’avait aucun souci à se faire sur le remplissage de la résidence, les locations lui assur (ant) les recettes nécessaires pour faire face à ses charges et à ses obligations », impliquait la solvabilité du preneur, tout en constatant qu’au chapitre « défaillance du gestionnaire », l’attribution au promoteur d’un capital social de 1 000 000 euros, au lieu de 300 000 euros, était objectivement inexacte, et tout en relevant que les acquéreurs n’avaient pas été informés que la rentabilité de l’exploitation ne pourrait être obtenue sans le règlement de fonds de concours à l’exploitant substitué de la résidence, lequel disposait d’un capital de seulement 10 000 euros, ce dont il résultait que ces informations erronées et ces réticences, prises ensemble, étaient précisément destinées à dissimuler la solvabilité réelle du gestionnaire et à convaincre les investisseurs de s’engager dans un projet financier sur la rentabilité duquel leur appréciation ne pouvait qu’être faussée, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article 1116 du code civil ;

2°/ que le dol est constitué en cas d’informations erronées ou de réticence dans la délivrance d’une information ; qu’en affirmant que la présentation flatteuse de la plaquette publicitaire, en ce qu’elle annonçait, au chapitre « défaillance du gestionnaire », qu’une telle éventualité était limitée et que l’exploitant n’avait aucun souci à se faire sur le remplissage de la résidence, ne pouvait être qualifiée de dolosive dès lors qu’elle était en accord avec les données économiques du moment et que l’obligation de mise en gestion locative pendant neuf ans sanctionnée par la perte des avantages fiscaux avait été mentionnée en cas de revente du bien avant terme, quand aucune information n’avait été délivrée aux acquéreurs sur la perte des avantages fiscaux en cas de défaillance du gestionnaire et de résiliation du bail, la cour d’appel n’a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l’article 1116 du code civil ;

3°/ qu’en déclarant que l’acte authentique de vente portait mention des spécificités de la défiscalisation en zones de revitalisation rurale, quand ledit acte faisait uniquement référence à l’article 42 de la loi Montagne, la cour d’appel l’a dénaturé en violation de l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la société PM3C disposait, selon le bilan 2005, de fonds propres d’un montant de 1 246 233 euros et retenu que la mention, par la plaquette publicitaire, de revenus locatifs garantis en l’absence de difficulté pour assurer le remplissage de la résidence était en accord avec les données économiques du moment et retenu que cette plaquette indiquait les éléments essentiels de la défiscalisation liée à l’acquisition et à la location de l’appartement, notamment l’obligation de remboursement de l’avantage fiscal en cas de revente avant neuf ans et évoquait la possibilité d’une défaillance du gestionnaire et la nécessité de trouver rapidement un nouveau gestionnaire, la cour d’appel, qui a pu en déduire, abstraction faite d’un motif surabondant relatif aux mentions de l’acte authentique de vente, que les époux X…n’avaient pas été trompés sur la solvabilité du promoteur et du gestionnaire locatif ni sur les conséquences fiscales liées à la perte du gestionnaire, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. et Mme X…font grief à l’arrêt de rejeter leur demande indemnitaire formée contre la société Selexia, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir du chef du dol du promoteur et du vendeur entraînera l’annulation par voie de conséquence de la disposition par laquelle l’arrêt attaqué a débouté les acquéreurs de leurs demandes indemnitaires contre le courtier en placements immobiliers pour complicité de ce dol en ayant manqué à son obligation d’information et de conseil, en application de l’article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ que le conseiller en placements immobiliers défiscalisés est tenu de renseigner les investisseurs éventuels sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du placement qui leur est proposé, ainsi que sur les risques qui lui sont associés et peuvent être le corollaire des avantages annoncés ; qu’en énonçant qu’il ne pouvait être reproché au conseiller aucun manquement relatif aux caractéristiques essentielles de l’opération de défiscalisation, qui avaient été mentionnées dans la plaquette publicitaire établie par le promoteur et dans le contrat de vente, quand il était personnellement tenu d’une obligation d’information à l’égard de ses clients, et sans vérifier, comme elle y était invitée, que l’étude personnalisée élaborée par le prestataire, qui ne comportait qu’une simulation de l’effort d’épargne en cas de perception des loyers, était de nature à renseigner complètement les candidats acquéreurs sur les aléas financiers de l’opération en cas de déconfiture du gestionnaire, ainsi qu’à les informer concrètement de leur impact sur leur patrimoine que les documents publicitaires et de vente ne permettaient pas de mesurer précisément, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d’une part, que le premier moyen étant rejeté, la première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;

Attendu, d’autre part, qu’ayant constaté que la société Selexia avait établi une étude personnalisée détaillée, prenant en considération les avis d’imposition des acquéreurs et rappelant de manière précise les dispositions de la loi Demessine, et retenu qu’elle avait rempli sa mission, aucune critique ne pouvant être formulée sur les simulations établies à partir des données de l’époque sur la base de loyers qui n’étaient pas surévalués ni aucun autre manquement ne pouvant lui être reproché, la cour d’appel, qui a pu en déduire que la demande indemnitaire des acquéreurs ne pouvait être accueillie, a légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. et Mme X…font grief à l’arrêt de rejeter leur demande indemnitaire formée contre la SCP, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir du chef du dol du promoteur et du vendeur entraînera l’annulation par voie de conséquence de la disposition par laquelle l’arrêt attaqué a débouté les acquéreurs de leurs demandes indemnitaires contre le notaire pour complicité de ce dol en ayant manqué à son obligation d’information et de conseil, en application de l’article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ que les notaires sont tenus d’informer et d’éclairer les parties sur la portée et les effets de l’acte auquel ils prêtent leur concours, notamment quant à ses incidences fiscales, ainsi que sur ses risques, et, le cas échéant, de le leur déconseiller, sans que leurs compétences personnelles et la présence d’un conseiller à leur côté ne les dispensent de leur devoir de conseil ; que cette obligation doit prendre en considération les mobiles des parties, extérieurs à l’acte, lorsque le notaire en a eu précisément connaissance ; qu’en affirmant que le notaire chargé de l’établissement d’actes de vente de biens immobiliers n’avait pas vocation à s’exprimer sur l’opportunité économique d’une opération de défiscalisation comportant comme toute opération financière ou économique des aléas que ne pouvaient ignorer les investisseurs, sans vérifier que l’officier public, qui avait participé à l’ensemble de l’opération immobilière et ne pouvait ignorer la motivation fiscale des acquéreurs, avait alerté ces derniers sur les aléas de la défiscalisation attendue, la cour d’appel n’a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l’article 1382 du code civil ;

3°/ qu’en affirmant que l’acte authentique de vente portait mention des spécificités de la défiscalisation en zones de revitalisation rurale, quand ledit acte faisait uniquement référence à l’article 42 de la loi Montagne, la cour d’appel l’a dénaturé en violation de l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d’une part, que le premier moyen étant rejeté, la première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;

Attendu, d’autre part, qu’ayant retenu que le notaire chargé de l’établissement d’actes de vente de biens immobiliers n’avait pas vocation à s’exprimer sur l’opportunité économique d’une opération de défiscalisation comportant des aléas que ne pouvaient ignorer les investisseurs, que l’efficacité juridique de l’acte de vente instrumenté par M. Z…n’encourait aucune critique et qu’il n’était pas le rédacteur du bail commercial, la cour d’appel, qui a pu déduire de ces seuls motifs que la demande indemnitaire des acquéreurs ne pouvait être accueillie, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X…aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quinze.

Convention pluriannuelle de pâturage/ Requalification en bail rural (non)

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 8 octobre 2015
N° de pourvoi: 14-18117
Non publié au bulletin Cassation

M. Chauvin (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat(s)

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1315 du code civil, ensemble l’article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu que les terres situées dans les régions définies en application de l’article L. 113-2 du code rural et de la pêche maritime peuvent donner lieu pour leur exploitation soit à des contrats de bail conclus dans le cadre du statut des baux ruraux, soit à des conventions pluriannuelles d’exploitation agricole ou de pâturage ; que ces conventions peuvent prévoir les travaux d’aménagement, d’équipement ou d’entretien qui seront mis à la charge de chacune des parties ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bastia, 26 mars 2014), que M. X…, Mme X…, épouse A… et Mme X…, épouse Y…, ont conclu avec Mme Z…, par actes sous seing privé du 1er septembre 1997, deux conventions qualifiées de pluriannuelles de pâturages sur des parcelles à vocation pastorale, puis un avenant du 28 février 2000 réduisant le montant du loyer ; que Mme Z…a sollicité la nullité du congé qui lui a été délivré pour le 1er décembre 2010 en revendiquant l’existence d’un bail rural ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l’arrêt retient, d’une part, que la preuve de conventions pluriannuelles de pâturage incombe à celui qui s’en prévaut, d’autre part, que les bailleurs ne contestent pas que le loyer initial excédait les limites du barème préfectoral en vigueur, que les conventions prévoient une obligation d’entretien des pâturages, des clôtures et des fossés ainsi que la mise en culture en vue de la production fourragère, que, faute pour les bailleurs d’établir les critères constitutifs de la convention pluriannuelle de pâturage alléguée, ces conventions relèvent en réalité du statut du bail à ferme et que, par suite, le congé ne contient pas les mentions exigées à peine de nullité par l’article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombait au preneur d’établir que les conventions, expressément adoptées en application d’une disposition législative particulière, devaient être requalifiées et que les conventions pluriannuelles de pâturage peuvent prévoir les travaux d’aménagement, d’équipement ou d’entretien mis à la charge de chacune des parties, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 mars 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;