Scoutisme/ Accueil collectif des mineurs en montagne

Conseil d’État

N° 360934
ECLI:FR:CESSR:2014:360934.20141230
Inédit au recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
Mme Anne Iljic, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats

lecture du mardi 30 décembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 10 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’association des Scouts Unitaires de France, dont le siège est 21 23 rue Aristide Briand à Vanves (92170) ; l’association demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 25 avril 2012 portant application de l’article R. 227-13 du code de l’action sociale et des familles ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Anne Iljic, auditeur,

– les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de l’association des Scouts Unitaires de France (SUF) ;

1. Considérant que les dispositions des articles L. 227-4 et L. 227-5 du code de l’action sociale et des familles déterminent les exigences auxquelles est subordonné l’accueil collectif à caractère éducatif de mineurs hors du domicile parental et en dehors des établissements scolaires ; que, pour l’application de ces dispositions, l’article R. 227-1 du même code définit trois grandes catégories d’accueils collectifs de mineurs selon qu’il s’agit d’accueils avec hébergement, d’accueils sans hébergement ou d’accueils de scoutisme d’au moins sept mineurs, avec ou sans hébergement ; que l’article R. 227-13 du code de l’action sociale et des familles, relatif à l’encadrement des activités dans les accueils collectifs de mineurs prévoit notamment que  » Pour l’encadrement de certaines activités physiques déterminées en fonction des risques encourus, les conditions spécifiques de pratique, d’effectifs et de qualification des personnes mentionnées au présent article sont en outre précisées par un arrêté conjoint du ministre chargé de la jeunesse et du ministre chargé des sports en tenant compte de la nature de ces risques, du type d’accueil prévu, du lieu de déroulement de l’activité ainsi que du niveau de pratique et de l’âge des mineurs accueillis  » ; que pour l’application de ces dernières dispositions, l’arrêté du 25 avril 2012 dont l’association requérante demande l’annulation fixe notamment les conditions particulières d’encadrement, d’effectif et de pratique de vingt-deux types d’activités physiques, au nombre desquelles figure la randonnée pédestre, se déroulant en accueils de loisirs, séjours de vacances et accueils de scoutisme ;

Sur les moyens tirés de l’incompétence des signataires de l’arrêté attaqué :

2. Considérant que les dispositions précitées de l’article R. 227-13 du code de l’action sociale et des familles ont été prises pour l’application des dispositions des articles L. 227-4 et L. 227-5 de ce même code instituant une police spéciale en la matière ; que ces dispositions réglementaires définissent de manière suffisamment précise l’objet, le champ et les critères retenus pour déterminer les conditions d’exercice, en accueils collectifs de mineurs, de certaines activités physiques dont la pratique peut présenter des risques ; que, dans ces conditions, le Premier ministre pouvait légalement renvoyer à un arrêté interministériel le soin d’édicter les mesures nécessaires à l’application de ces dispositions réglementaires ; qu’il suit de là que le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué serait entaché d’incompétence, faute d’avoir été pris par le Premier ministre, doit être écarté ;

3. Considérant qu’il ressort des termes mêmes de l’article R. 227-13 du code de l’action sociale et des familles cité au point 1 qu’il appartenait aux seuls ministres chargés de la jeunesse et des sports de prendre les mesures d’application prévues par ce texte ; que, par suite, contrairement à ce qui est soutenu, le ministre de la santé n’avait pas à signer l’arrêté attaqué ;

Sur les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du code de l’action sociale et des familles :

4. Considérant, en premier lieu, que l’arrêté attaqué, pris pour l’application des articles L. 227-5 et R. 227-13 du code de l’action sociale et des familles, a pour objet de réglementer, et non d’interdire, certaines activités à caractère sportif, pratiquées dans le cadre d’accueils collectifs de mineurs ; que l’ensemble des activités ne répondant pas aux caractéristiques prévues par cet arrêté ne relèvent pas des règles de pratique et d’encadrement qu’il prévoit, sans qu’il ait été besoin de les énumérer ; qu’il suit de là que les moyens tirés de ce que le champ d’application de l’arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions des articles L. 227-5 et R. 227-13 du code de l’action sociale et des familles et serait entaché d’erreur manifeste d’appréciation, au motif qu’il soumettrait à la réglementation qu’il édicte toute forme de déplacement en montagne, doivent être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions du dernier alinéa de l’article R. 227-13 du code de l’action sociale et des familles citées au point 1 prévoient que la réglementation de certaines activités physiques pratiquées dans le cadre d’accueils collectifs de mineurs est déterminée en fonction des risques encourus ; que, dans ce cadre, les annexes 13-2 et 13-1 de l’arrêté attaqué réglementent respectivement la pratique de la randonnée pédestre en montagne ainsi que, avec des conditions moins restrictives, en moyenne montagne ; que cette activité physique susceptible d’exposer les participants à des risques est définie non par référence aux dispositions relatives à la montagne figurant dans les codes de l’environnement et de l’urbanisme, dont les dispositions ne sont en l’espèce pas applicables, mais, selon le sens ordinaire conféré à ce mot, par référence à une zone géographique caractérisée par son relief, son altitude, et la difficulté du sol ; qu’il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que l’arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions de l’article R. 227-13 du code de l’action sociale et des familles et serait entaché d’erreur manifeste d’appréciation, au motif qu’il règlementerait des activités définies non pas en fonction des risques encourus mais du territoire sur lequel elles sont pratiquées, doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si les dispositions de l’article R. 227-1 établissent une distinction entre les accueils collectifs de mineurs avec hébergement, les accueils sans hébergement et les accueils en scoutisme, avec ou sans hébergement, il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe que l’arrêté attaqué aurait dû énoncer une règlementation spécifique aux accueils en scoutisme pour l’exercice des différentes activités qu’il prévoit ; qu’il suit de là que l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté qu’elle attaque serait illégal, faute de prévoir une réglementation spécifique pour la pratique de la randonnée pédestre en scoutisme ; qu’en estimant par ailleurs qu’une telle réglementation spécifique n’était pas nécessaire, le pouvoir réglementaire n’a pas non plus entaché l’arrêté attaqué d’erreur manifeste d’appréciation ;

Sur les autres moyens :

7. Considérant, en premier lieu, que l’association requérante soutient que l’arrêté attaqué porterait atteinte à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion et à la liberté d’enseignement constitutionnellement et conventionnellement garanties, au motif qu’il remettrait en cause l’exercice des activités traditionnelles scoutes que constituent notamment le  » grand jeu  » et le  » raid  » ;

8. Considérant, d’une part, que les activités pratiquées par des mineurs et revêtant à titre principal un caractère ludique, récréatif et de découverte ne doivent être regardées, pour l’application des annexes 13.1 et 13.2 de l’arrêté attaqué, comme relevant de la catégorie des randonnées pédestres que si et dans la mesure où elles impliquent une pratique physique à caractère sportif, comportant des déplacements intensifs sur des distances importantes, requérant un certain niveau de performance et pouvant présenter un risque ; qu’en l’absence de réglementation spécifique, ces activités sont, dans ce cas seulement et dès lors qu’elles se déroulent en montagne ou moyenne montagne, soumises aux prescriptions pertinentes de l’arrêté attaqué ; que l’exception d’illégalité soulevée sur ce point à l’encontre des dispositions de l’article R. 227-13 du code de l’action sociale et des familles doit être écartée ;

9. Considérant, d’autre part, que cet arrêté ne porte aux libertés invoquées que des atteintes nécessitées, pour l’exercice d’activités physiques présentant des risques, par la finalité de protection des mineurs que poursuit la police spéciale instituée par les articles L. 227-4 et L. 227-5 du CASF ; qu’il suit de là que le moyen soulevé par l’association requérante doit être écarté ;

10. Considérant, en second lieu, qu’ainsi qu’il a été dit, il résulte clairement des dispositions de l’arrêté attaqué et de ses annexes qu’à défaut de règlementation spécifique aux activités physiques pratiquées dans le cadre d’accueils en scoutisme, ces dernières doivent être regardées comme étant soumises à la réglementation applicable à chacune de ces activités, sans distinction selon qu’elles soient ou non pratiquées en scoutisme, et que, pour l’application des annexes 13-1 et 13-2 de l’arrêté attaqué, la notion de montagne doit s’entendre d’une zone géographique caractérisée par son relief, son altitude, et la difficulté du sol ; qu’il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance de l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et du principe de sécurité juridique doivent être écartés ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’association des Scouts Unitaires de France n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté qu’elle attaque ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l’association des Scouts Unitaires de France est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’association des Scouts Unitaires de France et au ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.