Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques vise, notamment, à habiliter le Gouvernement à prendre, par ordonnance, toute mesure de nature à accélérer l’instruction et la délivrance de l’autorisation des projets de construction et d’aménagement et favoriser leur réalisation (article 28 I, 1°, du projet).
Il est envisagé de supprimer totalement la procédure d’autorisation des UTN (article L. 145-11 code de l’urbanisme) applicable en l’absence de SCOT. Le Gouvernement devra, en outre, prévoir les modalités suivant lesquelles les UTN « sont créées et contrôlées dans le cadre des documents d’urbanisme ou des autorisations mentionnées au livre IV de ce code ».
À l’instar de certains observateurs, (v. notamment Philippe Billet, « La simplification du droit dans toute sa complexité », La semaine juridique-Collectivités territoriales, 2015, n°8 ; Contribution inter-associative, Acte II de la loi Montagne. Quelles politiques demain pour une montagne à vivre ?, mars 2015, p.8) et à l’heure où la procédure UTN semble à la croisée des chemins, il nous semble que son maintien s’avère important pour plusieurs raisons :
-Une procédure « intelligente » (L. Blaise, A. Wauters et B. Rousseau, Rapport sur l’adaptation de la procédure des unités touristiques nouvelles, février 2003, p. 25). L’autorisation des UTN se caractérise par la consultation du comité de massif. L’avis que ce dernier rend alimente la réflexion et évite l’isolement de la collectivité territoriale porteuse du projet. Cette procédure consultative « relève d’une démarche pédagogique utile conduisant à une culture de travail en commun positive » (L. Blaise et alii, rapport précité, p.25).
Or, même si l’autorisation est supprimée, il serait opportun de conserver l’avis de ce comité. D’ailleurs, cet avis est actuellement requis lorsque le territoire concerné par le projet UTN est régi par un SCOT (alors même que l’autorisation UTN a été supprimée dans ce cas). Conformément à l’article L. 122-8 du code de l’urbanisme, l’avis de la commission spécialisée du comité de massif est sollicité lorsque le projet de SCOT comporte des dispositions relatives à la création d’une ou plusieurs UTN (circulaire du 29 janvier 2008).
En outre, la procédure UTN, même si elle n’a pas permis une limitation considérable des opérations en montagne, a conduit à leur « encadrement », la jurisprudence ayant apporté d’utiles précisions en ce sens (par exemple : CAA Lyon, 15 octobre 2013, Commune d’Allevard et Syndicat intercommunal d’Allevard : un projet qui ne comprendrait la création que d’une seule remontée mécanique doit être considéré comme revêtant le caractère d’une UTN).
-Une éventuelle suppression totale ou partielle des UTN poserait, quant à elle, un problème juridique. Il deviendrait extrêmement difficile de déroger au principe de l’urbanisation en continuité (article L. 145-3 du code de l’urbanisme). Ce principe est évidemment fort utile pour protéger les zones de montagne. Il n’en demeure pas moins important de prévoir quelques dérogations lorsque l’intérêt général l’exige. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, « la question n’est plus tant l’aménagement de nouvelles zones que la gestion des structures existantes ». Ce jugement mériterait quelques nuances : si un projet de création ex nihilo d’une nouvelle station de ski semble peu probable, nombreuses sont les stations qui ambitionnent de s’agrandir, non seulement quant à leur domaine skiable, mais également au niveau de l’offre de construction. Or, bien que limité par le législateur, le principe de l’urbanisation en continuité viendrait s’appliquer avec toute sa rigueur en l’absence d’UTN. La jurisprudence du Conseil d’Etat est, sur cette question, sans ambigüité : un plan local d’urbanisme ne peut méconnaître la règle de l’urbanisation en continuité qu’en raison de l’existence d’une UTN dont il constitue la mise en œuvre. Selon le juge, « les auteurs d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan local d’urbanisme ne peuvent légalement approuver un document d’urbanisme incompatible avec les dispositions précitées de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme avant que la décision de création d’une unité touristique nouvelle ait été prise » (CE, 22 janvier 2003, Commune de Saint-Ours, n°212522).
-Il est important de conserver le régime (et a fortiori l’appellation) UTN compris dans les SCOT, tant il donne aux projets montagnards une spécificité et une visibilité certaines. Sa suppression risquerait de diluer, voire de banaliser ces projets au sein du SCOT. Elle présenterait alors un risque pour le développement durable dans le sens où les projets envisagés pourraient être présentés de façon extrêmement sibylline et, par conséquent, faire l’objet d’un examen rapide. Le maintien du régime UTN, avec avis du comité de massif, inciterait à une planification détaillée des projets.
Il apparait important aujourd’hui de conserver, au vu des possibles évolutions de la loi Montagne et de la régionalisation de la politique montagne, un organe d’expertise et d’accompagnement impartial au service du développement de la montagne en France.
La multiplication des grands projets de transport par câble (Funiflaine, Téléphérique périurbain de Chamrousse, de Chambéry…), les défis posés par la diversification des zones de moyenne montagne, le développement économique de ces mêmes zones nécessiteront une implication plus importante des acteurs institutionnels de montagne, et particulièrement des comités de massif. Les commissions UTN de massif, par leur rôle de conseil sur les grands projets d’aménagement, pourraient jouer demain un rôle d’accompagnement accru des collectivités porteuses de ces grands projets.
François Barque Damien Riollant