Convention pluriannuelle de pâturage – Domaine privé forestier – Injonction d’évacuer les lieux – Exécution partielle

Cour de cassation 14 décembre 2023
Pourvoi n° 23-10.934

Première présidence (Ordonnance)

ECLI:FR:CCASS:2023:OR91343

Texte de la décision

COUR DE CASSATION
Première présidence
__________
ORad

Pourvoi n° : K 23-10.934
Demandeur : M. [Z]
Défendeur : L’Office national des forêts
Requête n° : 730/23
Ordonnance n° : 91343 du 14 décembre 2023

ORDONNANCE
_______________

ENTRE :

L’Office national des forêts, ayant la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet pour avocat à la Cour de cassation,

ET :

M. [K] [Z], ayant la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh pour avocat à la Cour de cassation,
Jean Rovinski, conseiller délégué par le premier président de la Cour de cassation, assisté de Vénusia Ismail, greffier lors des débats du 23 novembre 2023, a rendu l’ordonnance suivante :

Vu la requête du 31 juillet 2023 par laquelle L’Office national des forêts demande, par application de l’article 1009-1 du code de procédure civile, la radiation du pourvoi numéro K 23-10.934 formé le 23 janvier 2023 par M. [K] [Z] à l’encontre de l’arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d’appel de Grenoble ;

Vu les observations développées au soutien de la requête ;

Vu les observations développées en défense à la requête ;

Vu l’avis de Marie-Hélène Guilguet-Pauthe, avocat général, recueilli lors des débats ;

M. [Z] a formé un pourvoi contre l’arrêt du 6 décembre 2022 rendu par la cour d’appel de Grenoble.

L’ONF explique que M. [Z] n’a pas exécuté les condamnations prononcées à son
encontre ; qu’il a laissé les installations qu’il avait mises en place pendant le cour de la convention pluriannuelle de pâturage et qu’il ressort des échanges de courriers entre les parties qu’il n’entend pas déférer à la mise en demeure qu’il a reçue de nettoyer et libérer les parcelles litigieuses. L’ONF en conclut qu’en application de l’article 1009-1 du code de procédure civile, elle est fondé à solliciter la radiation du pourvoi n° K 23-10.934 du rôle de la Cour de cassation.

M. [Z] rétorque, pour solliciter le rejet de la requête en radiation qu’il est éleveur berger depuis plus de vingt ans sur la commune de Rosans (05) et pratique le pâturage en haute montagne, que suivant acte sous seing privé du 15 février 2011, l’Office National des Forêts (ci-après ONF) lui a consenti une convention pluriannuelle de pâturage, portant sur diverses parcelles, situées dans le canton de Montagne de Raton, sur la commune de Rosans, pour une contenance totale de 100 ha, que cette convention a été consentie pour une durée de six ans à partir de 2010, qu’il a par la suite continué d’exploiter les terres litigieuses, qu’en 2020, sans aucun congé, l’ONF lui a demandé de retirer son troupeau, que c’est dans ces circonstances que, par acte du 18 janvier 2021, il a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Gap aux fins de voir juger que la convention pluriannuelle de pâturage du 15 février 2011 correspondait à l’annexe 3 de l’arrêté préfectoral du 25 octobre 2007 et qu’elle s’était renouvelée tacitement le 15 février 2015 et se renouvellera le 15 février 2021.

M. [Z] précise que, reconventionnellement, l’ONF a demandé au tribunal de le condamner à lui verser des dommages et intérêts, en raison d’un prétendu préjudice résultant d’une réduction de loyer qu’aurait accordé l’ONF à l’association communale de chasse agréée de la commune, en compensation de deux jours de chasse qui n’auraient pu être effectués du fait de la présence du troupeau et de ses chiens patous qui protègent le troupeau et que, par jugement du 31 mars 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Gap a, pour l’essentiel :
– Dit que la convention pluriannuelle de pâturage signée le 15 février 2011 par M. [Z] et l’ONF avait régulièrement pris fin le 30 novembre 2015 ;
– Déclaré en conséquence M. [Z] occupant sans droit ni titre, depuis le 1er décembre 2015, des parcelles qui lui avaient été concédées par ladite convention pluriannuelle de pâturage ;
– Dit que si M. [Z] n’avait libéré les lieux de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef dans un délai de quinze jours suivant la date du prononcé du jugement, il pourrait être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef.

M. [Z] explique qu’il a interjeté appel de cette décision mais que par arrêt du 6 décembre 2022, la cour d’appel de Grenoble a confirmé le jugement déféré et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Il précise qu’il a retiré son troupeau – 300 brebis – des parcelles litigieuses et que l’arrêt est donc, pour l’essentiel, exécuté ; que la requête de l’ONF concerne, selon son courrier du 4 juillet 2023, « des filets pour parquer les animaux, des tonneaux contenant des pierres à sel et des croquettes pour chien, une cabane en bois avec des bâches plastique »; qu’il n’a pas nié la présence de ces installations, mais expliqué, dans son courrier en réponse du 17 juillet 2023, qu’il était en arrêt maladie depuis le 14 avril 2023 et n’avait pu procéder au démontage des installations, indiquant que le matériel qui avait servi à leur montage avait été acheminé à dos d’âne et avait nécessité plusieurs voyages et en nécessiterait donc autant en sens inverse pour redescendre, alors que ses ânes étaient actuellement en alpages en Isère.
Il explique qu’il sollicitait donc la « compréhension » de l’ONF pour pouvoir procéder au démontage et rapatriement des installations et que pour toute réponse, l’ONF a rappelé le caractère exécutoire de l’arrêt et l’a invité à solliciter en justice un délai supplémentaire.
M. [Z] précise encore qu’à ce jour, il est toujours en arrêt de travail, la dernière prolongation courant jusqu’au 14 décembre prochain, que l’arrêt est, pour l’essentiel, exécuté puisqu’il a libéré les parcelles de son troupeau et de ses chiens patous, qui le gardent et le protègent et que l’ONF a d’ailleurs redonné les parcelles en location à un tiers. Il ajoute que les installations non encore démontées occupent une infime partie des 100 hectares objet de la convention pluriannuelle de pâturage litigieuse puisque l’on parle d’une cabane, de restes de filets, et de quelques tonneaux contenant de la nourriture pour les chiens de garde, que la cabane, ou du moins ce qu’il en reste, est constituée de cinq palettes de bois et les tonneaux sont au nombre de quatre, que le tout occupe de l’ordre de 2 m², qui plus est dissimulé sous des arbres, et n’a jamais posé la moindre difficulté depuis l’origine de la convention en 2011. M. [Z] justifie enfin avoir été, depuis le 4 avril 2023 en arrêt de travail, régulièrement prolongé depuis car sa maladie se prolonge, et qu’il se trouve actuellement toujours dans l’impossibilité de redescendre les palettes et tonneaux.

L’ONF fait valoir à juste titre que M. [Z] reconnaît lui-même ne pas avoir intégralement exécuté les causes de l’arrêt objet du pourvoi, puisqu’il n’a pas libéré les lieux et n’a pas procédé au démontage de ses installations et que s’il prétend qu’un tel démontage lui serait impossible puisqu’il est en arrêt de travail depuis le 14 avril 2023, prolongé jusqu’en décembre prochain, une telle objection ne saurait convaincre, puisque, déjà, dans son jugement du 31 mars 2022, exécutoire à titre provisoire, le tribunal paritaire des baux ruraux de Gap l’avait condamné à libérer les lieux dans un délai de 15 jours et que la cour d’appel de Grenoble, dans son arrêt du 6 décembre 2022, a confirmé le jugement.

Ainsi, plus de 20 mois se sont écoulés depuis la condamnation de M. [Z] en première instance en sorte que ce dernier a eu tout le loisir de déférer à l’arrêt attaqué, ce qu’il n’a pas fait.

M. [Z] était en mesure de faire appel aux services d’un tiers pour procéder au démontage de son installation et libérer les lieux, son arrêt de travail ne pouvant suffire à l’exonérer des conséquences de l’inexécution des causes de l’arrêt.

M. [Z], qui persiste depuis 20 mois, dans son refus de libérer les parcelles indûment occupées et d’évacuer les déchets qui s’y trouvent, ne peut se prévaloir d’une volonté non-équivoque d’exécuter la décision attaquée, en sorte qu’il y a lieu de faire droit à la requête en radiation.

Dès lors, la requête doit être accueillie.

EN CONSÉQUENCE :

L’affaire enrôlée sous le numéro K 23-10.934 est radiée.

En application de l’article 1009-3 du code de procédure civile, sauf constat de la péremption, l’affaire pourra être réinscrite au rôle de la Cour de cassation sur justification de l’exécution de la décision attaquée.