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Halte-garderie/ Relations privilégiées avec des professionnels qui en retirent un avantage concurrentiel/ Décharge de TVA (non)

Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 17/10/2022, 453019

 

  • Mentionné dans les tables du recueil Lebon

Lecture du lundi 17 octobre 2022

Rapporteur

  1. Cyril Martin de Lagarde

Rapporteur public

Mme Céline Guibé

Avocat(s)

SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014. Par une ordonnance n° 430232 du 6 avril 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a, sur le fondement de l’article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis sa demande au tribunal administratif de Lyon. Par un jugement n° 1720682 du 26 novembre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20LY00346 du 1er avril 2021, la cour administrative d’appel de Lyon a, sur appel de l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy, annulé ce jugement et déchargé cette association des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mai 2021 et 6 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. A… B… de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l’ association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité dont l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy a fait l’objet, l’administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014. Par un jugement du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 1er avril 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a annulé ce jugement et déchargé l’association des impositions en litige.

2. Aux termes du b du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée  » les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l’autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. (…)  »

3. Une association qui entretient des relations privilégiées avec des organismes à but lucratif ou des professionnels qui en retirent un avantage concurrentiel leur permettant notamment de réaliser, de manière directe, un surcroît de recettes, ne saurait être regardée comme ayant une gestion désintéressée au sens des dispositions de l’article 261 du code général des impôts citées au point 2.

4. Par suite, en se fondant sur la seule circonstance que l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy n’entretenait pas de relations privilégiées avec l’Ecole du ski français (ESF) permettant à cette dernière d’en retirer un avantage concurrentiel, au motif non contesté qu’il s’agit d’un groupement de fait qui ne possède pas de personnalité juridique et qui n’est pas membre de l’association, sans rechercher s’il en allait de même, ainsi que le ministre l’y invitait en défense, à l’égard des moniteurs de ski de l’ESF dont il n’était également pas contesté devant les juges du fond qu’ils exerçaient leur activité à titre commercial et étaient membres de l’association, la cour a commis une erreur de droit. Dès lors, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de l’instruction que l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy exerce une activité de halte-garderie pour les enfants de 18 mois à 3 ans et d’initiation au ski pour les enfants à partir de 3 ans. Pour l’exercice de cette dernière activité, qui représente environ 70 % de ses recettes et constitue donc la principale activité de l’association, celle-ci fait appel à des moniteurs de ski dont il n’est pas contesté qu’ils exercent une activité commerciale pour laquelle ils sont soumis, notamment, à la taxe sur la valeur ajoutée, et qui sont membres de l’association. Dans ces conditions, dès lors qu’ils retirent un avantage concurrentiel des activités de l’association, celle-ci doit être regardée comme entretenant des relations privilégiées avec ses membres, moniteurs de ski exerçant à titre commercial, alors même que les cours de ski dispensés aux enfants dans le cadre de celle-ci seraient moins rémunérateurs en moyenne pour les moniteurs que leurs cours particuliers. C’est dès lors, à bon droit que l’administration a estimé que son activité devait être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy n’est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat lequel n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt du 1er avril 2021 de la cour administrative d’appel de Lyon est annulé.
Article 2 : La requête présentée par l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy devant la cour administrative d’appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy.
Délibéré à l’issue de la séance du 3 octobre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Thomas Andrieu, M. Nicolas Polge, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Vincent Mazauric, conseillers d’Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Enneigeurs/ Assiette foncière/ Contentieux de la DUP et de l’arrêté de cessibilité

CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 18/10/2022, 21MA02641, Inédit au recueil Lebon

 

Président

  1. MARCOVICI

Rapporteur

  1. Michaël REVERT

Rapporteur public

  1. ANGENIOL

Avocat(s)

SCP DELPLANCKE – LAGACHE – MARTY – POZZO DI BORGO – ROMETTI & ASSOCIES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Auron Chastellares a demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, d’annuler l’arrêté du 10 juillet 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d’utilité publique le projet de réfection et d’optimisation du réseau de neige de culture de la piste de ski du Riou (Auron), sur le territoire de la commune de Saint-Etienne de Tinée, et cessibles les immeubles nécessaires à l’objet de la déclaration d’utilité publique, à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de redéfinir l’étendue de la parcelle visée par l’expropriation et, en tout état de cause, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803902 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 10 juillet 2018, a mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Auron Chastellares et non compris dans les dépens, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 juillet 2021 et le 19 avril 2022, le syndicat mixte des stations du Mercantour, représenté par Me Pozzo di Borgo, membre de la SCP Delplancke – Pozzo di Borgo – Rometti et associés, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 11 mai 2021 ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Auron Chastellares, y compris ses conclusions subsidiaires aux fins d’injonction de redéfinition du périmètre de l’expropriation ;

3°) de mettre à la charge de la SCI la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le syndicat mixte soutient que :
– la nécessité de l’opération litigieuse résulte de ce que la piste du Riou constitue l’axe de retour vers le centre de la station, de ce que les difficultés d’enneigement participent à son usure et de ce que les installations existantes sont insuffisantes, alors que l’absence de l’opération entraînerait à court terme la fermeture définitive de cet axe, impliquant des conséquences néfastes pour l’environnement et l’économie de la station ;
– c’est à tort que, pour apprécier l’impact environnemental du projet, les premiers juges ont tenu compte de la construction de la piste pourtant sans rapport avec la déclaration d’utilité publique en litige ;
– l’utilité publique du projet en litige est certaine, dès lors qu’il assure le service public, que ses effets sur la ressource en eau ne seront pas délétères, mais moindres que ceux des installations existantes, plus consommatrices d’eau et davantage exigeantes en ce qui concerne les machines dameuses et que la garantie neige sur la piste du Riou, couplée au projet de nouvelle remontée mécanique, permettra de diminuer considérablement l’utilisation des véhicules personnels pour rejoindre le plateau de Chastellares et donc diminuer les émissions de dioxyde de carbone et améliorer la qualité de vie de la population, résidents comme touristes, ainsi que le montrent les nombreuses observations favorables au cours de l’enquête publique ;
– l’utilité publique du projet, lequel est conforme à l’objet social du syndicat et aux normes en vigueur, tient encore à l’atteinte limitée qu’il porte au droit de propriété, permettant de parer aux difficultés de gestion des conventions de servitude désormais bloquantes ;
– les autres moyens présentés en première instance par le demandeur et qui n’ont pas été expressément écartés par le jugement attaqué, ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, le SCI Auron Chastellares représentée par Me Cinelli, membre du cabinet ACMB, conclut au rejet de la requête, subsidiairement, à ce qu’il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de redéfinir la partie de la parcelle expropriée, devant inclure l’intégralité du talus de la piste et à ce que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :
– les moyens d’appel ne sont pas fondés ;
– ses autres moyens de première instance sont fondés :
* au titre de la légalité externe, l’arrêté en litige est illégal faute d’avoir donné lieu, comme le prévoit l’article L. 122-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à une déclaration de projet en application de l’article L. 126-1 du code de l’environnement, alors que la réfection et l’optimisation du réseau de neige de culture auront un impact non négligeable sur l’environnement ;
* au titre de la légalité interne, l’arrêté litigieux est illégal en cela qu’il a pour objet et pour effet de déposséder la société de la surface de la piste, en lui laissant à dessein la propriété du talus sud avec les risques et les responsabilités en découlant, alors qu’il a emporté expropriation du talus nord constitutif de la parcelle K402.

Par ordonnance du 19 août 2022 la clôture d’instruction a été fixée au 5 septembre 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. A…,
– les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 juillet 2018, le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d’utilité publique, au bénéfice du syndicat mixte des stations du Mercantour, le projet de celui-ci consistant en la réfection et l’optimisation du réseau de neige de culture de la piste de ski dite du Riou, à Auron, sur la commune de Saint-Etienne de Tinée, et a déclaré cessible une surface de 4 506 m2 de la parcelle cadastrée section K 93 appartenant à la SCI Auron Chastellares. Par un jugement du 11 mai 2021, dont le syndicat mixte relève appel, le tribunal administratif de Nice, saisi de la demande de la SCI, a annulé cet arrêté pris en ses deux objets.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge, lorsqu’il doit se prononcer sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu’elle répond à une finalité d’intérêt général, que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.

3. Pour prononcer l’annulation totale de l’arrêté en litige, le tribunal, statuant sur la légalité de la déclaration d’utilité publique, a considéré que tant les atteintes à la propriété privée que les inconvénients d’ordre environnemental du projet litigieux sont excessifs eu égard à l’intérêt général qui y est attaché, et qu’il ne présente donc pas d’utilité publique.

4. Toutefois, et en premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice explicative jointe au dossier d’enquête publique, que les auteurs du projet déclaré d’utilité publique ont poursuivi l’objectif général d’améliorer le réseau de neige de la piste du Riou, à la fois en rénovant la partie haute du réseau et en étendant celui-ci à la partie basse de la piste. Cet objectif général se décline en quatre finalités, précisément énoncées dans la notice explicative, qui sont, premièrement, d’assurer l’enneigement de la piste de ski du Riou, y compris en cas de faibles chutes de neige, deuxièmement, de limiter le travail de damage et de régalage de la neige de culture par une production de neige ciblée et régulièrement répartie sur la piste, troisièmement, de garantir aux skieurs un retour enneigé vers la station, avec un enneigement suffisant pour skier en toute sécurité, et quatrièmement, de pérenniser le bon fonctionnement et la fréquentation touristique de la station d’Auron, et ainsi, l’économie qui y est liée. S’il est en effet constant que le domaine skiable d’Auron est accessible depuis la station par deux types de téléskis et par la piste de ski du Riou, compte tenu de l’existence d’une entaille rocheuse où coule le cours d’eau du Riou d’Auron, il ressort des pièces du dossier que la piste de ski du Riou constitue la seule communication entre le domaine skiable et la station, susceptible d’être empruntée par les skieurs pour retourner à la station, skis aux pieds, sans faire usage de leurs véhicules automobiles. Compte tenu aussi bien de la faiblesse des chutes de neige naturelles, qui n’est pas sérieusement mise en doute par la SCI en se bornant à évoquer l’altitude de la piste à plus de 1 600 mètres, que du travail important de damage induit par l’état existant du réseau de neige de culture de la piste et de l’usure importante de cette voie du fait de sa haute fréquentation, les finalités poursuivies par le projet du syndicat mixte, qui s’inscrivent dans la mission de service public d’exploitation du domaine skiable, et qui visent à rénover le réseau de neige de culture de la piste de ski du Riou et qui, au demeurant, sont cohérentes avec l’un des objectifs du projet d’aménagement et de développement durable de la commune de Saint-Etienne du Tinée dans sa formulation alors en vigueur, présentent un caractère d’intérêt général.

5. Contrairement à ce que soutient la SCI, il ne ressort ni des éléments du dossier soumis à enquête, ni des motifs de la déclaration d’utilité publique, qu’en obtenant cette autorisation d’acquérir les parcelles nécessaires à l’opération, le syndicat mixte des stations du Mercantour ait entendu, en réalité et exclusivement, mener à bien un autre projet consistant en la création d’une remontée mécanique de dernière génération en remplacement du téléski du Riou, devenu obsolète, même si un tel projet est mentionné dans les écritures d’appel du syndicat. Dans la mesure où la déclaration d’utilité publique en litige ne porte pas sur les infrastructures des téléskis, la circonstance, à la supposer exacte, que ces installations auraient été implantées irrégulièrement sur des parcelles privées est sans incidence sur le caractère d’intérêt général de l’opération déclarée d’utilité publique par l’arrêté en litige.

6. Cette opération répondant donc à des finalités d’intérêt général, il n’y a pas lieu d’examiner l’argumentation de l’appelant relative à l’objectif, que servirait également le projet litigieux, de mettre fin aux difficultés de gestion des conventions de servitudes de passage consenties par les propriétaires des parcelles supportant la piste de ski du Riou.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’enneigement de la piste du Riou est réalisé, à la date de l’arrêté en litige, au moyen d’un réseau de neige de culture constitué par l’implantation, en partie haute de la piste, de trois machines de type perche et, dans la partie basse de la voie, d’un enneigeur mobile. Une telle configuration du réseau de production implique, en début de saison hivernale, de produire une quantité de neige importante sur la partie haute de la piste, puis de procéder au régalage de cette neige par des engins de damage sur toute la largeur de la piste (19 800 m²). L’ensemble des éléments du dossier soumis à enquête, qui comportent des évaluations chiffrées de la consommation d’eau du domaine skiable et de la piste du Riou en particulier, et contre lesquelles la SCI ne livre aucun élément ni aucune étude mais se borne à s’étonner de l’insuffisance d’installations antérieures de quelques trois années à l’arrêté en litige, montrent que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, la disposition actuelle des systèmes de production n’assure pas un enneigement correct de la piste et se traduit par une surconsommation d’eau due à un régalage important de la neige. Il ressort en outre des mentions de la notice explicative, et notamment des comparaisons des deux variantes envisagées, dont le maintien en l’état du réseau, que le projet, qui consiste techniquement en la réalisation d’une tranchée, la pose de tuyaux, de regards et de fourreaux, recevant des canalisations d’air et d’eau, enfouies à 1 mètre 20 de profondeur, et l’installation de dix unités de production de neige de culture, doit améliorer le maillage du réseau d’enneigement de la piste en le densifiant sur la totalité de la piste. La simple production par la SCI, au soutien d’ailleurs d’un autre moyen de ses écritures, d’un procès-verbal de constat d’huissier établi le 11 janvier 2022, soit postérieurement à l’arrêté en litige, et faisant apparaître des clichés photographiques de la piste du Riou enneigée, mais sans être assorti d’indications descriptives utiles, n’est pas de nature à remettre en cause la nécessité de l’opération au regard des besoins d’enneigement. Ainsi, contrairement à ce qu’ont considéré les premiers juges, ni le maintien du réseau de production de neige existant, ni son aménagement marginal, en lieu et place du projet en litige, ne permettraient d’obtenir des résultats comparables à celui-ci sans nécessiter des expropriations aussi importantes que celles qu’autorise la déclaration d’utilité publique.

8. Enfin, et d’une part, ainsi qu’il a été dit aux points précédents, le projet autorisé par la déclaration d’utilité publique contestée ne porte que sur l’amélioration et la rénovation du réseau de production de neige de culture sur la piste de ski du Riou. La SCI ne peut donc utilement invoquer, pour affirmer que l’opération porte une atteinte excessive à son droit de propriété et aux ressources en eau de la commune, les conséquences attachées aux travaux de réalisation de la piste, engagés dès 1973, ni les effets qualifiés de délétères sur la ressource en eau du réseau de production tel qu’il est mis en œuvre à la date de l’arrêté en litige. C’est ainsi à tort que pour retenir l’existence d’une telle atteinte, les premiers juges se sont fondés sur de telles considérations. Pour les mêmes motifs, l’intimée ne peut davantage utilement se plaindre de l’absence d’autorisation obtenue par le syndicat pour enfouir les canalisations existantes, ou du caractère impraticable du sol de sa propriété et inaccessible aux pâturages. Si, par ailleurs, la SCI soutient que l’une des deux retenues d’eau desquelles le syndicat assure les prélèvements d’eau pour alimenter le réseau de neige de culture du domaine skiable et de la piste du Riou est susceptible de ne plus être exploitable compte tenu de la procédure judiciaire d’expulsion engagée par les propriétaires des parcelles concernées contre le syndicat et ses installations, ainsi que de son assèchement, elle ne livre à l’appui de son affirmation, en tout état de cause, aucune pièce de nature à justifier de l’impossibilité juridique d’opérer de tels prélèvements d’eau, et l’alimentation insuffisante du réseau de production de neige de culture à créer. Si la réalisation des travaux d’amélioration du réseau de neige de la piste du Riou nécessite l’expropriation de 4 206 m2 de la parcelle K 93 que possède la SCI, soit environ une bande de terre représentant un cinquième de sa propriété, déjà grevée de servitudes de passage pour l’exploitation de la piste, l’intimée n’allègue pas être empêchée, par cette expropriation, de faire un usage normal du reste de sa parcelle.

9. D’autre part, les indications et évaluations chiffrées mentionnées dans la notice explicative du dossier soumis à enquête, selon lesquelles le projet de rénovation du réseau de culture de neige sur la piste du Riou tendra à limiter la surconsommation d’eau liée au fonctionnement du réseau actuel, du fait d’une répartition régulière des enneigeurs sur la piste, assurant une production de la neige plus rapide, réduisant le travail de damage et ciblant la production de neige en fonction de l’usure de la piste, ne sont pas utilement contredites par la SCI qui, en première instance comme en appel, se borne à se référer à la documentation générale sur la production de neige artificielle, au demeurant à l’appui d’un moyen de légalité externe.

10. Dans ces conditions, les inconvénients de l’opération en litige, qui présente un caractère d’intérêt général et qui ne peut être réalisée dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, n’apparaissent pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente et ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique.

11. Le syndicat mixte est par conséquent fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l’arrêté du 10 juillet 2018 pour le motif énoncé au point 3.

12. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la SCI devant le tribunal et dans ses conclusions d’appel.

Sur les autres moyens de la SCI Auron Chastellares :

S’agissant de la légalité de la déclaration d’utilité publique :

13. En premier lieu, aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique :  » La déclaration d’utilité publique des opérations susceptibles d’affecter l’environnement relevant de l’article L. 123-2 du code de l’environnement est soumise à l’obligation d’effectuer la déclaration de projet prévue à l’article L. 126-1 du code de l’environnement. / Si l’expropriation est poursuivie au profit d’une collectivité territoriale, d’un de ses établissements publics ou de tout autre établissement public, l’autorité compétente de l’Etat demande, au terme de l’enquête publique, à la collectivité ou à l’établissement intéressé de se prononcer, dans un délai qui ne peut excéder six mois, sur l’intérêt général du projet dans les conditions prévues à l’article L. 126-1 du code de l’environnement. Après transmission de la déclaration de projet ou à l’expiration du délai imparti à la collectivité ou à l’établissement intéressé pour se prononcer, l’autorité compétente de l’Etat décide de la déclaration d’utilité publique. « . Aux termes de l’article L. 123-2 du code de l’environnement :  » I. – Font l’objet d’une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : 1° Les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale en application de l’article L. 122-1 (…) ; 2° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification faisant l’objet d’une évaluation environnementale en application des articles L. 122-4 à L. 122-11 du présent code, ou L. 104-1 à L. 104-3 du code de l’urbanisme, pour lesquels une enquête publique est requise en application des législations en vigueur ; 3° Les projets de création d’un parc national, d’un parc naturel marin, les projets de charte d’un parc national ou d’un parc naturel régional, les projets d’inscription ou de classement de sites et les projets de classement en réserve naturelle et de détermination de leur périmètre de protection mentionnés au livre III du présent code ; 4° Les autres documents d’urbanisme et les décisions portant sur des travaux, ouvrages, aménagements, plans, schémas et programmes soumises par les dispositions particulières qui leur sont applicables à une enquête publique dans les conditions du présent chapitre « . Il résulte de la combinaison de ces dispositions que seules sont soumises à l’obligation de déclaration de projet les opérations déclarées d’utilité publique qui donnent lieu à une enquête publique organisée dans les conditions posées au chapitre III du code de l’environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement.

14. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’arrêté préfectoral du 23 janvier 2018 prescrivant l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique en litige, que cette enquête a été organisée dans les conditions posées par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, et non dans les conditions du chapitre III du code de l’environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement. Il en résulte que, en application des dispositions combinées, citées au point 13, et dans la mesure où il n’est pas excipé de l’irrégularité de l’enquête publique préalable à l’arrêté en litige, au regard des dispositions de l’article L. 123-2 du code de l’environnement, ni du reste de l’illégalité de l’arrêté du préfet de région du 21 juin 2017 dispensant l’opération d’une étude d’impact, le moyen tiré de l’absence de la déclaration de projet prévue à l’article L. 122-1 du code de l’environnement ne peut qu’être écarté.

15. En deuxième lieu, doivent être écartés comme non assortis des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 111-1, R. 112-4, R. 112-8 et R. 112-18 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

16. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’avis d’ouverture de l’enquête publique a été publié dans le journal l’Avenir Côte d’Azur les 9 février et 2 mars 2018, et dans le journal Nice Matin les 12 et 26 février 2018, soit dans les huit jours avant et après le début de l’enquête, conformément aux dispositions de l’article R. 112-14 du même code. Le moyen tiré de la violation de ces dispositions manque donc en fait et doit être écarté comme tel.

17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SCI tendant à l’annulation de l’arrêté du 10 juillet 2018 en tant qu’il porte déclaration d’utilité publique doivent être rejetées.

S’agissant de la déclaration de cessibilité de la parcelle de la SCI :

18. D’une part, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R.131-4 et R. 131-5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ne sont pas suffisamment précis pour que le juge en apprécie le bien-fondé. Ils doivent être écartés comme tels. Si la SCI soutient avec davantage de précision qu’  » il n’est pas démontré que… le commissaire enquêteur désigné figure sur les listes d’aptitude prévues à l’article L.123-4 du code de l’environnement « , il ressort des pièces du dossier de première instance que ce dernier figure sur la liste départementale des commissaires enquêteurs des Alpes-Maritimes établie le 6 décembre 2017 pour l’année 2018 par le président du tribunal administratif de Nice, et publiée au recueil des actes administratifs
n° 211-2107 du 11 décembre 2017.

19. D’autre part, la circonstance que l’arrêté en litige n’aurait pas été complètement notifié à la SCI est par elle-même sans incidence sur sa légalité.

20. Enfin, en se bornant à reprocher à la déclaration de cessibilité de ne pas porter sur la totalité des talus de soutien de la piste du Riou, mais seulement sur le talus nord, lui laissant ainsi la responsabilité foncière de la partie sud du talus de l’ouvrage, la SCI n’établit ni même n’allègue que l’acquisition de cette portion restante de la piste serait nécessaire à la réalisation de l’opération. Il en résulte que l’allégation selon laquelle cette partie de la parcelle aurait été sciemment exclue du périmètre de cessibilité par l’administration n’est en tout état de cause pas fondée.

21. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SCI tendant à l’annulation de l’arrêté du 10 juillet 2018 en tant qu’il porte déclaration de cessibilité doivent également être rejetées. Il doit en aller de même, par voie de conséquence, de ses conclusions subsidiaires aux fins d’injonction.

Sur les frais liés au litige :

22. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d’instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803902 du tribunal administratif de Nice en date du 11 mai 2021 est annulé.
Article 2 : La demande de la SCI Auron Chastellares, ainsi que ses conclusions aux fins d’injonction et d’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du syndicat mixte des stations du Mercantour présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte des stations du Mercantour, à la SCI Auron Chastellares, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et à la commune de Saint-Etienne de Tinée.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l’audience du 4 octobre 2022, où siégeaient :

– M. Marcovici, président,
– M. Revert, président assesseur,
– M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
N° 21MA026412

UTN Sixt-Fer-à-Cheval/ Plan ou programme (dir. 27 juin 2001)/ Evaluation environnementale systématique

CAA de LYON, 3ème chambre, 26/10/2022, 20LY00888, Inédit au recueil Lebon

Président

  1. TALLEC

Rapporteur

  1. Gilles FEDI

Rapporteur public

  1. DELIANCOURT

Avocat(s)

CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature (FRAPNA région) a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d’annuler l’arrêté du 20 juillet 2017 par lequel le préfet coordonnateur du massif des Alpes a autorisé l’aménagement d’une unité touristique nouvelle présentée par les communes de Sixt-Fer-à-Cheval et de Samoëns ;
2°) à défaut, et avant dire droit, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle relative au champ d’application de la directive n° 2001/42/CE afin de déterminer si une unité touristique nouvelle constitue  » un plan ou programme  » susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de cette directive ;
3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1707080 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du préfet coordonnateur du massif des Alpes du 20 juillet 2017.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 février 2020, la commune de Sixt-Fer-à-Cheval, représentée par Me Poncin, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 décembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande de la fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature reprise par l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes présentée devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Sixt-Fer-à-Cheval soutient que :
– la requête de la Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature (FRAPNA région) est irrecevable ;
– le tribunal administratif a annulé l’arrêté d’autorisation UTN en considérant, à tort, que celui-ci devait faire l’objet d’une évaluation environnementale et que le projet ne respectait pas la qualité des sites et les grands équilibres naturels dès lors qu’il se développait dans un site d’une qualité remarquable avec des équilibres d’une grande sensibilité dont l’atteinte était avérée sans que les compensations prévues soient suffisantes ;
-la cour administrative d’appel ne pourra qu’écarter les autres moyens du recours de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2020, l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes, représentée par Me Wormser :
1°) conclut au rejet de la requête ;
2°) demande qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Sixt-Fer-à-Cheval sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 juin 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 11 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– La directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement,
– le code de l’environnement,
– le code de l’urbanisme,
– le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
– les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
– et les observations de Me Poncin, représentant la commune de Sixt-Fer-à-Cheval , et celles de Me Wormser, représentant l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 20 juillet 2017, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet coordonnateur du massif des Alpes, a autorisé une unité touristique nouvelle sur le territoire des communes de Sixt-Fer-à-Cheval et de Samoëns, dans le département de la Haute-Savoie. La Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature (FRAPNA région) a demandé l’annulation de cet arrêté, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux en date du 24 octobre 2017. La commune de Sixt-Fer-à-Cheval relève appel du jugement rendu le 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision d’autorisation.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne la capacité à agir de l’association requérante :

2. Il ressort des pièces du dossier que la requête a été introduite devant le tribunal administratif de Grenoble par l’association  » Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature (FRAPNA région) « . S’il est vrai que les statuts de l’association arrêtés le 25 juillet 1995 et l’arrêté préfectoral du 25 août 2017 renouvelant l’agrément au titre de la protection de l’environnement indiquent  » Union Régionale FRAPNA « , cette dénomination courante mais distincte de celle mentionnée par l’association requérante en première instance ne permet pas d’établir que cette dernière n’aurait aucune existence juridique et serait dans l’incapacité d’ester en justice, contrairement à ce qui est soutenu.

En ce qui concerne la qualité pour agir du président de l’association requérante :

3. L’article 10 des statuts de l’association indique que  » l’initiative de toute action en justice appartient au Bureau ou au Conseil d’administration qui statue par décision spéciale « . En l’espèce, le président de l’association a été habilité par le bureau, le 13 septembre 2017, à déposer des recours tant gracieux que contentieux contre l’arrêté en cause. En outre, si le juge doit s’assurer de la réalité de l’habilitation du représentant de l’association qui l’a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles cette habilitation a été adoptée. Par suite, la commune de Sixt-Fer-à-Cheval ne peut utilement invoquer la double circonstance qu’il n’est pas établi, d’une part, que la décision du bureau décidant d’engager l’action contentieuse ait été prise en application d’une décision du conseil d’administration, seul compétent pour décider des actions à mener en justice, d’autre part, que l’urgence particulière justifiait qu’il soit statué sur l’habilitation du président à poursuivre l’action en justice au contentieux, alors qu’à cette date aucun recours gracieux n’avait été présenté.

En ce qui concerne le respect des délais de recours :

4. Alors même qu’il ressort des pièces du dossier que le recours gracieux a été reçu en préfecture le 21 septembre 2017 et non le 22 septembre 2017, contrairement à ce que soutient la commune de Sixt-Fer-à-Cheval, aucune pièce du dossier ne permet de démontrer que les formalités auraient été accomplies pour procéder à la publicité de l’arrêté litigieux. Par suite, en tout état de cause, et en l’absence de preuve d’une publicité régulière de l’acte contesté, le délai de recours contentieux ouvert pour contester l’arrêté n’a pas couru à l’encontre des tiers. Dans ces conditions, la commune de Sixt-Fer-à-Cheval ne peut utilement soutenir que la requête serait tardive, faute pour l’association d’apporter la preuve de la date de réception de son recours gracieux.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’intervention et des demandes de FNE AURA :

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l’arrêté ministériel du 13 mars 2020, que les dénominations Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature (FRAPNA région), Union Régionale FRAPNA, association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes et FNE-AURA désignent la même personne morale. Par suite, la circonstance que des mémoires postérieurs aient été produits par la FNE-AURA devant le tribunal administratif de Grenoble est sans incidence sur la recevabilité du recours contentieux.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la nécessité d’une évaluation environnementale :

6. Aux termes de l’article L. 122-16 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne :  » Toute opération de développement touristique effectuée en zone de montagne et contribuant aux performances socio-économiques de l’espace montagnard constitue une « unité touristique nouvelle », au sens de la présente sous-section « . Les articles L. 122-17 et L. 122-18 du même code distinguent les unités touristiques dites  » structurantes  » et  » locales « , dont les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d’Etat. L’article L. 122-19 du même code prévoit que les unités touristiques nouvelles ne sont pas soumises au principe de l’extension de l’urbanisation en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants, prévu aux articles L. 122-5 à L. 122-7 du même code. En vertu des articles L. 122-20 et L. 122-21 du même code, la création et l’extension d’unités touristiques nouvelles structurantes et locales sont prévues, respectivement, par le schéma de cohérence territoriale et par le plan local d’urbanisme dans les communes qui sont couvertes par ces documents, et pour celles qui ne le sont pas, par l’autorité administrative selon des modalités définies par décret en Conseil d’Etat. Pour ces dernières, l’article R. 122-6 de ce code, tel que modifié par décret du 11 août 2016, dispose que  » Sont soumises à autorisation du préfet coordonnateur de massif, après avis de la commission spécialisée du comité de massif, les unités touristiques nouvelles ayant pour objet : / 1° La création, l’extension ou le remplacement de remontées mécaniques, lorsque ces travaux ont pour effet : (…) / b) L’augmentation de la superficie totale d’un domaine skiable alpin existant, dès lors que cette augmentation est supérieure ou égale à 100 hectares ; / 2° Des opérations de construction ou d’extension d’hébergements et d’équipements touristiques d’une surface de plancher totale supérieure à 12 000 mètres carrés, à l’exclusion des logements à destination des personnels saisonniers ou permanents des équipements et hébergements touristiques « .

7. D’après l’article 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement :  » Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement « . Aux termes de l’article L. 122-4 du code de l’environnement, dans sa version applicable au jour de la décision attaquée, transposant l’article 3 de la directive 2001/42/CE :  » II. – Font l’objet d’une évaluation environnementale systématique : / 1° Les plans et programmes qui sont élaborés dans les domaines de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme ou de l’aménagement du territoire et qui définissent le cadre dans lequel les projets mentionnés à l’article L. 122-1 pourront être autorisés ; (…) / III. – Font l’objet d’une évaluation environnementale systématique ou après examen au cas par cas par l’autorité environnementale : / 1° Les plans et programmes mentionnés au II qui portent sur des territoires de faible superficie s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement « .

8. Si la création d’unités touristiques nouvelles, par leur inscription dans le schéma de cohérence territoriale, est prise en compte par l’évaluation environnementale réalisée dans le cadre de l’élaboration de ce document d’urbanisme, tel n’est pas le cas pour celles qui sont autorisées par l’autorité administrative dans les communes non couvertes par un tel document. Eu égard à sa nature et à sa portée, la décision préfectorale créant une telle unité touristique nouvelle constitue, non un projet, mais un plan ou programme au sens de la directive du 27 juin 2001 et de l’article L. 122-4 du code de l’environnement cités au point précédent.

9. Si la commune de Sixt-Fer-à-Cheval soutient que le dossier d’autorisation d’UTN contesté n’a pas été déposé, ni instruit dans le cadre juridique résultant de la loi Montagne II du 28 décembre 2016 et de son décret d’application du 10 mai 2017, mais avant l’entrée en vigueur des dispositions de la loi et donc sous le régime juridique antérieur toutefois la décision en litige, en tant que plan ou programme au sens de la directive du 27 juin 2001, devait faire l’objet d’une évaluation environnementale systématique.

10. En l’espèce, l’unité touristique nouvelle en cause, portant notamment sur la construction de 20 000 m² de surfaces habitables et la restructuration profonde du domaine skiable de la combe de Gers, est susceptible, de par son objet et son importance, d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Il est, par ailleurs, constant que cette opération, présentée par les communes de Sixt-Fer-à-Cheval et de Samoëns, lesquelles ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale, n’a fait l’objet d’aucune évaluation environnementale. Cette carence, au regard de l’importance des opérations autorisées, est nécessairement susceptible d’avoir eu une influence sur le sens de la décision contestée et d’avoir eu pour effet de nuire à l’information complète de la population. Par suite, c’est à bon droit, que les premiers juges ont considéré que la décision était entachée d’un vice de procédure tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 122-4 du code de l’environnement.

En ce qui concerne l’erreur d’appréciation quant au respect de la qualité des sites et des grands équilibres naturels :

11. Aux termes de l’article L. 122-15 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable :  » Le développement touristique et, en particulier, la création d’une unité touristique nouvelle doivent prendre en compte les communautés d’intérêt des collectivités territoriales concernées et contribuer à l’équilibre des activités économiques et de loisirs, notamment en favorisant l’utilisation rationnelle du patrimoine bâti existant et des formules de gestion locative pour les constructions nouvelles. / La localisation, la conception et la réalisation d’une unité touristique nouvelle doivent respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels « .
12. Le projet litigieux, qui autorise une unité touristique nouvelle comprenant la création d’une nouvelle offre d’hébergement et la réalisation de la liaison Sixt-Flaine (combe de Gers) prévoit, d’une part, la réalisation de 20 000 m² de surface de plancher d’hébergements et de services touristiques correspondant à environ 1 700 lits, d’autre part, la restructuration des domaines skiables de ces stations par le démontage de la partie haute du domaine skiable des Vagnys, la réalisation de deux remontées mécaniques entre le domaine skiable de Sixt-Fer-à-Cheval et le secteur de la côte 2050, dans la combe de Gers, avec une gare de départ et d’arrivée, le remplacement du téléski du Gers par un télésiège à pinces fixes et la création d’une surface de 12,6 hectares de pistes de ski.
13. Il ressort des pièces du dossier que la combe de Gers, fait l’objet de plusieurs classements illustrant la qualité remarquable du site et la sensibilité des grands équilibres en place. Le secteur envisagé pour la création de pistes de ski, et l’installation de deux remontées mécaniques et d’un télésiège, est localisé dans une zone inscrite en réservoir de biodiversité au schéma régional de cohérence écologique. Ce territoire fait l’objet de deux classements en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF). Celui-ci est ainsi couvert, dans sa quasi intégralité, par la ZNIEFF II du  » Haut Faucigny  » et, pour une large partie, par la ZNIEFF I de la  » Combe de Sales « . Treize zones humides sont, par ailleurs, recensées à l’intérieur du périmètre des opérations. Il s’agit d’habitats abritant, sur le site, des espèces protégées, considérées pour un nombre important d’entre elles comme patrimoniales ou d’intérêt communautaire, certaines étant qualifiées de  » vulnérable  » tels l’aigle royal ou la chouette chevêchette, voire  » en danger  » ou  » en danger grave  » à l’instar du lynx d’Europe, de la caille des bois ou du gypaète barbu. Ce secteur est encore caractérisé par ses espaces de  » perméabilité  » assurant un rôle de corridor entre les réservoirs de biodiversité. Aux alentours immédiats des opérations se trouve une zone Natura 2000 et la zone d’importance pour la conservation des oiseaux (ZICO) du Haut-Giffre ainsi qu’une importante réserve naturelle. Le quatrième volet du dossier de demande relatif aux effets du projet précise que l’UTN engendre une perte importante de surfaces forestières dont l’effet est permanent et élevé du fait de l’implantation des gares de départ ainsi que du passage des câbles de remontée mécanique. Les effets de cette restructuration du domaine skiable sont qualifiés de permanents et d’élevés, d’une part, pour les mammifères terrestres en raison du déboisement et de l’exploitation du secteur, d’autre part, pour les oiseaux, comme l’aigle royal, le tétras-lyre et le lagopède. Ces dangers résultent non seulement, en phase de travaux, de la destruction de nichées, mais encore, pendant l’exploitation du site, des déclenchements d’avalanches et d’éventuelles collisions avec les câbles, qualifiés de sources de  » dérangement voire de mortalité « .
14. En outre, l’appelante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que le projet ne porte que sur une partie limitée du Grand Massif, dès lors que la restructuration du domaine skiable vise à équiper la combe de Gers, qui est la dernière zone du Grand Massif à avoir préservé son caractère naturel et sa vocation de refuge pour la faune sur un secteur de plus de 12 hectares. En se bornant essentiellement à soutenir, en cause d’appel, sans critiquer le jugement attaqué, s’agissant des espèces patrimoniales, des oiseaux hivernants, des rapaces nocturnes, des chiroptères, des odonates, que les inventaires ont bien été effectués, la commune de Sixt-Fer-à-Cheval ne démontre pas que le projet respecterait la qualité du site et les grands équilibres naturels.
15. Enfin, l’arrêté retient, au titre des prescriptions conditionnant la réalisation des opérations, en premier lieu, qu’un  » comité de suivi soit particulièrement attentif  » sur la prise en charge du démontage du téléski existant et son remplacement par un télésiège à pinces fixes, en deuxième lieu, que le conventionnement  » Loi Montagne  » soit bien suivi dans le temps pour assurer la pérennité des  » lits chauds « , en troisième lieu, qu’un suivi des logements saisonniers soit mis en place , en quatrième lieu, que soient uniquement créées les trois pistes nécessaires au fonctionnement de la liaison entre les domaines skiables de Sixt-Fer-à-Cheval et Samoëns, associé à  » un travail poussé d’intégration paysagère des remontées mécaniques  » et enfin  » que les compensations agricoles et forestières soient mises en place « . Ces mesures, qui ne sont définies ni dans leur portée, ni dans leur calendrier d’application, ne sont pas de nature à compenser l’atteinte à la qualité du site résultant du projet. De même, la collectivité ne peut utilement invoquer le bénéfice de l’article 3 de l’arrêté litigieux qui prévoit qu’un comité de suivi sera mis en place pour accompagner la mise en œuvre du projet avec un  » suivi précis  » dans le temps des différentes phases du projet, dès lors que cet article 3 ne prévoit aucune prescription précise de nature à limiter l’impact du projet sur la qualité du site. Par suite, le préfet de la région Provence-Alpes Côte d’Azur n’a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, estimer que le projet soumis à son autorisation respectait la qualité du site dans lequel il s’inscrit et les grands équilibres naturels.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sixt-Fer-à-Cheval n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté du 20 juillet 2017, par lequel le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet coordonnateur du massif des Alpes, a autorisé une unité touristique nouvelle sur les communes de Sixt-Fer-à-Cheval et de Samoëns.
Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Sixt-Fer-à-Cheval. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Sixt-Fer-à-Cheval une somme de 2 000 euros à verser à l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes, au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Sixt-Fer-à-Cheval est rejetée.
Article 2 : La commune de Sixt-Fer-à-Cheval versera à l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sixt-Fer-à-Cheval, à l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la commune de Samoens.
Délibéré après l’audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2022.
Le rapporteur,
Gilles FédiLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY00888

Fabricants de matériel de montagne/ Rupture brutale d’une relation commerciale (C. commerce, art. L. 442-6, I, 5°)

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 28 septembre 2022, 21-16.209, Inédit

La société Melrose studio, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-16.209 contre l’arrêt rendu le 10 février 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant à la société Millet Mountain group, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Melrose studio, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Millet Mountain group, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 21 juin 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 février 2021), la société Eider, devenue la société Millet Mountain group (la société Millet), qui est un concepteur et fabricant de vêtements de sport et de loisirs en montagne, a chargé, depuis 1996, la société Melrose studio (la société Melrose), bureau de style, qui propose à ses clients des croquis de mode, logos et autres dessins pour le marché de la mode, de l’assister dans la recherche de tendances en vue de la création de ses produits, cette collaboration ayant pris la forme de contrats de prestation de services. La relation entre les parties a pris fin à l’issue d’un contrat signé en 2015, portant sur les saisons été 2017 et hiver 2017/2018.

2. Invoquant une rupture brutale de la relation commerciale établie, la société Melrose a assigné la société Millet en réparation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. La société Melrose fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie et, en conséquence, ses demandes de réparation des préjudices subis, alors :

« 1°/ que constitue une relation commerciale établie celle qui revêt un caractère régulier, significatif et stable ; qu’elle peut résulter d’une succession de contrats à durée déterminée et ponctuels, quoique non régis par un accord-cadre ; qu’en affirmant, pour débouter la société Melrose, que les parties avaient été liées par une succession de contrats de collaboration artistique à durée déterminée pour une ou deux saisons particulières, ou pour une collaboration particulière, lesquels n’avaient été régis par aucun accord-cadre, la cour d’appel, qui s’est déterminée par des motifs impropres à exclure l’existence d’une relation commerciale établie, a violé l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable à la cause ;

2°/ qu’au surplus, le caractère établi d’une la relation commerciale se mesure au regard de la régularité, de la significativité et de la stabilité des échanges commerciaux ; que la variabilité du laps du temps écoulé entre la conclusion de chacun des contrats successifs ayant lié les parties et les modifications des modalités de leur exécution ne suffisent pas à exclure le caractère établi de la relation, si les échanges commerciaux entre les parties ont présenté un caractère récurrent ; que pour exclure l’existence d’une relation commerciale établie entre les parties au travers des contrats de collaboration successivement conclus sur une durée de 20 ans, la cour d’appel a affirmé que « le rythme des contrats » avait été « altéré » et que « le processus de collaboration artistique » avait été « profondément modifié » ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l’existence d’une relation commerciale établie, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :

4. Selon ce texte, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale, sauf en cas d’inexécution, par l’autre partie, de ses obligations ou en cas de force majeure.

5. Pour retenir le caractère précaire de la relation commerciale, l’arrêt retient d’abord que les contrats ayant lié les parties depuis 1996 étaient des contrats de collaboration artistique, conclus à durée déterminée pour une ou deux saisons particulières ou pour une collection spécifique, sans possibilité de reconduction à l’issue de la réalisation des travaux commandés. Il relève ensuite qu’à l’initiative de la société Millet, la collaboration entre les deux partenaires a évolué et que le rythme des contrats a été altéré.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure le caractère établi de la relation commerciale entre les sociétés Millet et Melrose, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

7. La société Melrose fait le même grief à l’arrêt, alors :

« 3°/ que la rupture d’une relation commerciale établie doit être notifiée de manière non équivoque et être précédée d’un préavis suffisant, tenant compte de la durée de la relation ; qu’en relevant, pour exclure le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie avec la société Melrose, que la société Millet lui avait « expressément » indiqué, dans une lettre du 23 juin 2015, qu’elle « souhaitait pouvoir mettre un terme au partenariat, à l’issue de l’achèvement des prestations définies par [le] contrat, si le nouveau fonctionnement testé ne lui donnait pas satisfaction », cependant que cette lettre, qui envisageait une simple « possibilité » de rompre, ne faisait nullement état d’une intention claire et non équivoque de la société Millet de mettre un terme définitif à la relation commerciale établie avec la société Melrose depuis 20 ans, ni d’un délai de préavis défini, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable à la cause ;

4°/ que le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie n’exclut pas son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis ; qu’en retenant, pour écarter l’existence d’une rupture brutale des relations commerciales établies, que la société Millet avait, par lettre du 23 juin 2015, « formellement averti celui-ci du caractère précaire de la relation commerciale », quand un tel courrier, à supposer même qu’il ait pu rendre la rupture prévisible, ne faisait nullement état d’une volonté claire et non équivoque de la société Millet de rompre la relation commerciale et d’accorder à son partenaire commercial un délai de préavis suffisant, la cour d’appel s’est déterminée par des motifs impropres à justifier sa décision et a violé l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :

8. Il résulte de ce texte que le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis.

9. Pour rejeter les demandes de la société Melrose, l’arrêt retient que la cessation des commandes avait été explicitement évoquée entre les parties avant la conclusion du dernier contrat et que par lettre du 23 juin 2015, communiquée avec le dernier contrat par la société Millet à la société Melrose, la première a indiqué expressément à la seconde qu’elle souhaitait pouvoir mettre un terme au partenariat, à l’issue de l’achèvement des prestations définies par ce contrat, si le nouveau fonctionnement testé ne lui donnait pas satisfaction.

10. En se déterminant ainsi, sans avoir constaté que la société Millet avait manifesté une intention non équivoque de rompre la relation commerciale et accordé un délai de préavis, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 février 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Millet Mountain group aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Millet Mountain group à payer à la société Melrose studio la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux

ZAC en zone de montagne/ C. urb., art. L. 122-5/ Respect

CAA de TOULOUSE

N° 19TL01591

1ère chambre
M. BARTHEZ, président
Mme Mathilde FABIEN, rapporteur
Mme CHERRIER, rapporteur public
SCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER & ASSOCIES, avocats

Lecture du jeudi 13 octobre 2022

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association Nouvelle Dynamique Mendoise a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes Coeur de Lozère du 16 décembre 2016 en tant qu’elle approuve le programme des équipements publics de la zone d’aménagement concerté du Causse d’Auge.

Par jugement n° 1700535 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 avril 2019 sous le n° 19MA01591 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille puis sous le n° 19TL01591 au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse, l’association Nouvelle Dynamique Mendoise, représentée par Me Gras, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’annuler la délibération du 16 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Coeur de Lozère une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la délibération contestée méconnaît les articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, la notice explicative communiquée ayant été insuffisamment précise ;
– elle méconnaît l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme, soit directement, soit par l’intermédiaire de l’exception d’illégalité de la délibération approuvant la création de la zone d’aménagement concerté ;
– elle méconnaît l’article L. 311-4 du code de l’urbanisme ;
– elle méconnaît les articles L. 311-1, R. 311-2 et R. 311-7 du code de l’urbanisme en prévoyant l’intégration d’une parcelle non aménagée et non équipée réservée à la constitution d’une réserve foncière pour les besoins de développement futur de la zone.

Par un mémoire enregistré le 27 janvier 2021, la communauté de communes Coeur de Lozère, représentée par Me Bézard, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’association requérante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu’aucun des moyens n’est fondé.

Par ordonnance du 11 mars 2021 la clôture de l’instruction a été fixée au 16 avril 2021.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a attribué à la cour administrative d’appel de Toulouse le jugement de la requête de l’association Nouvelle Dynamique Mendoise.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Fabien, présidente assesseure ;
– les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique ;
– et les observations de Me Becquevort pour l’association requérante et de Me Bézard pour la communauté de communes Coeur de Lozère.

Une note en délibéré, présentée pour la communauté de communes Coeur de Lozère par Me Bézard, a été enregistrée le 30 septembre 2022.

Une note en délibéré, présentée pour l’association Nouvelle Dynamique Mendoise par Mes Gras et Senanedsch, a été enregistrée le 4 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. L’association Nouvelle Dynamique Mendoise fait appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 février 2019 rejetant sa demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes Coeur de Lozère du 16 décembre 2016 en tant qu’elle approuve le programme des équipements publics de la zone d’aménagement concerté du Causse d’Auge.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. A termes de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme, applicable au présent litige et relatif à l’urbanisation des zones de montagne :  » L’urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants, sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. « .

3. D’une part, les dispositions citées au point 2 sont applicables sur le territoire de la commune de Mende classée en zone de montagne par arrêté ministériel du 20 février 1974. D’autre part et contrairement à ce que soutient la communauté de communes en défense, elles sont opposables à la délibération approuvant le programme d’équipements publics d’une zone d’aménagement concerté alors notamment que l’article R. 311-6 du code de l’urbanisme prévoit que l’aménagement et l’équipement des zones d’aménagement concerté sont réalisés dans le respect des règles d’urbanisme applicables.

4. Il ressort des pièces du dossier que la zone d’aménagement concerté du Causse d’Auge, destinée à l’accueil d’activités commerciales, doit se situer dans le prolongement immédiat des constructions déjà existantes à usage industriel et artisanal de la zone d’activités économiques du Causse d’Auge dont elle doit constituer une extension. Il ressort cependant également des pièces du dossier qu’à la date de la délibération du 16 décembre 2016, la zone d’activités économiques déjà existante, qui n’est pas constitutive d’un bourg ou d’un autre type de construction mentionné à l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme, ne se situait pas elle-même en continuité de la partie déjà urbanisée de la ville de Mende mais qu’elle en était séparée par une bande importante de terrain sans construction. Par suite, le projet de zone d’aménagement concerté ne peut être regardé comme s’inscrivant en continuité d’un bourg, d’un village, d’un hameau ou d’un groupe de constructions traditionnelles ou d’habitations de Mende. L’association requérante est en conséquence fondée à soutenir que la délibération du 16 décembre 2016 méconnaît l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme et que c’est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette délibération.

5. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’est, en l’état du dossier, de nature à entraîner l’annulation de la délibération du 16 décembre 2016.

6. Il résulte de ce qui précède que l’association requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement du 5 février 2019 le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil de la communauté de communes Coeur de Lozère du 16 décembre 2016 approuvant le plan d’aménagement de zone d’aménagement concerté du Causse d’Auge.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la communauté de communes Coeur de Lozère le versement à l’association Nouvelle Dynamique Mendoise d’une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés à l’occasion du litige. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association Nouvelle Dynamique Mendoise, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la communauté de communes Coeur de Lozère au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 février 2019 et la délibération du conseil de la communauté de communes Coeur de Lozère du 16 décembre 2016 approuvant le plan d’aménagement de zone de la zone d’aménagement concerté du Causse d’Auge sont annulés.
Article 2 : La communauté de communes Coeur de Lozère versera une somme de 2 000 euros à l’association Nouvelle Dynamique Mendoise au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la communauté de communes Coeur de Lozère tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Nouvelle Dynamique Mendoise et à la communauté de communes Coeur de Lozère.

Dommage causé par un chasseur alpin en exercice (faute de service)/ Victime britannique (conséquences procédurales)/ Evaluation des préjudices

 

CAA de LYON – 6ème chambre

  • N° 20LY02553
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 13 juillet 2022

Président

  1. POURNY

Rapporteur

  1. Jean-Philippe GAYRARD

Rapporteur public

Mme COTTIER

Avocat(s)

Cabinet KPDB

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A… B… et la société Travel Claims Services Limited (TCSL) ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la ministre des armées à verser 132 204,93 euros à Mme B… et 600,53 euros à la société TCSLs.

Par un jugement n° 1800788 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l’Etat à verser à la société TCSL la somme de 600,53 euros et a rejeté la demande de Mme B….

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2020, et un mémoire complémentaire enregistré le 10 juin 2021, Mme A… B… et la société Travel Claims Services Limited (TCSL), représentés par Me Roger, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1800788 du 22 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu’il a rejeté la demande de Mme B… et limité la somme versée à la société TCSL au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner l’Etat à verser à Mme B… la somme globale de 112 204,93 euros et à la société TCSL la somme de 600,53 euros ;

3°) à titre subsidiaire de désigner un expert pour évaluer le préjudice corporel de Mme B… ;

4°) de condamner l’Etat à verser à la société TCSL la somme de 5 000 euros au titre des frais de conseil de première instance et celle de 5 000 euros au titre des frais de procédure en appel.

Ils soutiennent que :
– le tribunal administratif de Grenoble a sous-évalué les préjudices de Mme B… en privilégiant le second rapport d’expertise amiable et en accordant moins que l’administration ;
– elle est donc en droit d’obtenir les indemnités suivantes :
* Dépenses de santé actuelles … 516,49, 376,35 et 25 euros
* Frais divers … 51 euros
* Frais de déplacement … 98,80 et 550,24 euros
* Assistance par tierce personne … 1 664 euros
* Perte de gains professionnels …38 072,84 euros
* Dépenses de santé futures … 38 831,40 euros
* Frais d’assistance par tierce personne futurs … 8 212,50 euros
* Incapacité temporaire totale … 2 496,31 euros
* Incapacité temporaire partielle … 6 210 euros
*  » Préjudice de jouissance  » … 600 euros
* Souffrances endurées … 6 000 euros
* Préjudice esthétique … 1 500 euros
* Incapacité permanente partielle … 12 000 euros
* Préjudice d’agrément … 15 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2021, la ministre des armées a conclu au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative que l’arrêt à intervenir était susceptible d’être fondé sur le moyen relevé d’office tiré de l’irrégularité du jugement en l’absence de mise en cause de l’organisme britannique de sécurité sociale.

Des observations en réponse à l’information communiquées aux parties ont été enregistrées pour Mme B… et la société Travel Claims Services Limited le 17 mars 2022.

La procédure a été communiquée à l’organisme britannique de sécurité sociale, lequel n’a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
* le rapport de M. Gayrard, président assesseur,
* les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
* et les observations de Me Roger, représentant Mme B… et la société TCSL.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A… B…, ressortissante britannique née le 18 mars 1959, a été victime le 4 février 2009 d’un accident de ski causé par un chasseur alpin en exercice dans la station  » les Carroz  » sur le territoire de la commune de Flaine. Deux expertises amiables menées par les Drs C… et D…, ont été réalisées le 18 septembre 2012 puis le 12 septembre 2013 ; les rapports correspondants ont été communiqués à la victime les 23 octobre 2012 et 17 mars 2015. Le ministre des armées a reconnu sa responsabilité et a accordé une provision de 20 000 euros le 10 février 2014. Suite à une réclamation préalable de Mme B… du 26 décembre 2016 portant sur un montant global de 128 867,42 euros, le ministre des armées a adressé un projet de protocole transactionnel proposant une indemnité de 27 407,39 euros. Par jugement du 22 juin 2020, dont Mme B… et son assureur, la société Travel Claims Services Limited (TCSL), relèvent appel, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l’Etat à verser à la société TCSL la somme demandée de 600,53 euros mais a rejeté la demande de Mme B… tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 132 204,93 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsque la victime d’un accident saisit la juridiction administrative pour obtenir réparation du préjudice subi en faisant état de son affiliation à une caisse de sécurité sociale, il incombe à la juridiction saisie de mettre en cause la caisse dans l’instance, que celle-ci soit au nombre des caisses mentionnées à l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ou qu’elle ait son siège à l’étranger. Dès lors, en ne communiquant pas la requête introduite par Mme B… à l’organisme britannique de sécurité sociale  » department for work and pension « , organisme d’affiliation de la victime, le tribunal administratif de Grenoble a statué à l’issue d’une procédure irrégulière. Cette irrégularité est de nature à justifier l’annulation du jugement.

3. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble par Mme B… et son assureur, la compagnie TCSL.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

4. Contrairement à ce que soutient la ministre des armées, par lettre du 26 décembre 2016, reçue le 10 janvier 2017, le conseil de la compagnie TCSL lui a adressé une réclamation préalable, conjointement à celle de son assurée Mme B…. Par suite, la fin de non-recevoir tirée d’un défaut de liaison du contentieux s’agissant des conclusions indemnitaires de la compagnie TCSL ne peut qu’être écartée.

Sur la responsabilité :

5. La ministre des armées ne conteste pas que le chasseur alpin en exercice qui a percuté Mme B… le 4 février 2009 était entièrement responsable de l’accident et a ainsi commis une faute non détachable du service engageant la responsabilité de l’Etat.

Sur les préjudices :

6. Il résulte de l’instruction, et notamment des deux expertises amiables menées contradictoirement entre Mme B… et le ministère des armées, que l’accident de ski a provoqué une rupture du ligament croisé antérieur du genou gauche qui a nécessité une immobilisation et une arthroscopie pour reconstruction ligamentaire le 25 mars 2009. La date de consolidation retenue est le 4 février 2010.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

7. S’agissant des dépenses de santé actuelles, la compagnie TCSL justifie avoir versé à son assurée, Mme B…, une somme de 600,53 euros au titre de frais médicaux et de secours suite à l’accident du 4 février 2009. De même, Mme B… produit une note d’honoraires de chirurgien orthopédique du 31 mars 2009 indiquant un reste à charge de 220 livres sterling, correspondant à une part des frais de l’opération de reconstruction ligamentaire effectuée le 25 mars 2009. En appliquant un taux de change de 0,92 euros pour une livre sterling habituellement constaté en 2009, Mme B… a droit au remboursement de la somme de 239 euros. En revanche, l’intéressée ne produit aucun justificatif quant à des frais restés à sa charge lors de l’achat d’antalgiques pour une somme de 25 euros, ni pour l’acquisition de genouillères pour un montant de 439 livres. De même, le relevé de la compagnie Norwich Union produit par la requérante, mentionnant un reste à charge de 100 livres, porte sur des soins effectués le 22 mai 2008, soit antérieurement à l’accident.

8. S’agissant de frais divers, si Mme B… demande une somme de 51 euros, celle-ci concerne des frais de nettoyage d’un chalet sur la période du 20 février 2010 au 29 mars 2011 dont le lien avec l’accident en cause n’est pas établi. Si Mme B… demande également le remboursement de frais de déplacements exposés entre son domicile et un hôpital britannique, le Manor Hospital, pour un montant de 98,80 euros, elle ne produit aucun justificatif sur ce point. Mme B… demande également le remboursement de frais de déplacement exposés pour se rendre à l’expertise amiable du 18 septembre 2012 en France, comprenant des frais de transport aérien, de location de voiture et de parking pour un montant global de 550,24 euros. Toutefois, la requérante ne justifie pas des frais de parking allégués. Il ressort des justificatifs produits que les frais de location de voiture d’un montant de 157,42 livres portent sur un séjour d’une semaine qui est excessif par rapport à l’objectif de participer à un accédit d’une durée inférieure à la journée et que les frais de billet d’un montant de 253,96 livres concernent Mme B… et une autre personne. Il sera donc fait une juste appréciation des frais de déplacement exposés pour se rendre à l’expertise en retenant une location de voiture de deux jours et la moitié du coût des billets d’avion, soit la somme de 180 euros.

9. S’agissant des frais d’assistance par tierce personne, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d’un dommage corporel la nécessité de recourir à l’aide d’une tierce personne, il détermine le montant de l’indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l’employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l’aide professionnelle d’une tierce personne d’un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il résulte de l’instruction, et notamment du premier rapport d’expertise amiable, que l’état de santé de Mme B… avant consolidation justifiait l’assistance d’une femme de ménage pour deux heures par semaine. Sur la base d’un coût horaire de 12,35 euros correspondant au salaire minimum de croissance augmenté des charges patronales en 2009, et une prise en compte des dimanches, jours fériés et congés payés par une année de 412 jours, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant la somme de 410 euros.

10. S’agissant des pertes de gains professionnels actuels, Mme B… exerçait une activité de paysagiste et gérait une maison d’hôtes dont elle a tiré des revenus en 2008/2009 de 11 842 livres. Il résulte de l’instruction, et notamment des rapports d’expertise, que l’accident en cause a entraîné une perte de revenus jusqu’à la consolidation, et non au-delà comme le soutient la requérante. Compte tenu de revenus professionnels perçus en 2009/2010 de 6 861 livres, et dès lors qu’il n’est pas établi, ni même allégué, que Mme B… ait bénéficié de quelconque aide, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 6 170 euros, après application du taux de parité livres sterling / euro vu au point 7.

11. S’agissant des dépenses de santé futures, Mme B… soutient que l’accident rend nécessaire la pose prématurée d’une prothèse du genou gauche comme le conclut le Dr E…, chirurgien traumatologique anglais, dans deux avis produits à la demande de la compagnie TCSL les 4 août 2010 et 26 février 2015. Elle sollicite une somme de 13 500 livres correspondant au coût d’une telle prothèse et celle de 22 500 livres correspondant au renouvellement de cette prothèse tous les quinze ans. Toutefois, il résulte de l’instruction, et notamment des deux expertises amiables menées entre Mme B… et le ministère de la défense, que Mme B… présente de nombreux antécédents d’entorse du genou gauche (1983, 1984, 1987, 1993) qui avaient provoqué des étirements du ligament croisé antérieur selon des arthroscopies de 1993 et 1998, et une grave entorse du genou droit avec rupture du ligament croisé antérieur également. Si le Dr C… a estimé que ces nombreuses entorses des deux genoux avec étirement et déchirure partielle des ligaments rendaient très vraisemblable la nécessité d’une telle opération, le Dr D…, chirurgien orthopédiste spécialement désigné pour répondre à la question du lien causal entre l’accident et la nécessité de poser une prothèse de façon prématurée, a conclu quant à lui que :  » aucun soin médical futur ne peut être imputé à l’accident dans la mesure où il s’agit d’un genou arthrosique préalable dont l’évolution est imprévisible. La mise en place d’une prothèse totale de genou n’est pas indiquée « . Par suite, ce chef de préjudice doit être écarté.

12. S’agissant des frais futurs d’assistance par tierce personne, Mme B… soutient que la pose d’une prothèse du genou et son remplacement nécessiteront entre 3 et 6 mois d’arrêt de travail et s’accompagneront nécessairement de l’intervention d’une tierce personne pour une durée de 6 mois minimum pour un montant estimé à 8 212,50 euros. Toutefois, il découle du point précédent qu’une telle opération ne présente pas un lien suffisamment direct et certain pour ouvrir droit à réparation.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

13. S’agissant du déficit fonctionnel temporaire, Mme B… demande la prise en compte d’un déficit total pendant une durée de 107 jours et d’un déficit partiel à 75 % pendant une durée d’un an. Toutefois, il résulte de l’instruction que le déficit fonctionnel temporaire ne peut courir que jusqu’à la date de consolidation, soit le 4 février 2010. Il résulte de l’instruction, et notamment des rapports d’expertise, que Mme B… doit être regardée comme ayant subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant les deux jours d’hospitalisation suivant immédiatement l’accident puis lors d’une période d’immobilisation complète du membre inférieur pendant deux semaines, puis un déficit fonctionnel temporaire de 75 % du fait du port d’une attèle et de béquilles pendant cinq semaines. Sur la base d’un taux journalier de 16 euros, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en octroyant la somme de 700 euros. Si Mme B… invoque un préjudice de jouissance tenant à ce qu’elle n’a pu pratiquer d’activités sportives pendant cette période, ce préjudice doit être regardé comme ayant été réparé par l’octroi de la somme précitée dès lors que le poste de déficit fonctionnel temporaire indemnise les troubles dans les conditions d’existence de toutes natures, dont la perte d’agrément.

14. S’agissant des souffrances endurées, si le Dr C… les a évaluées à 3,5 sur 7, il a retenu un syndrome anxio-dépressif qui n’est pas établi. Il résulte de l’instruction, et notamment des rapports d’expertise, que les souffrances physiques endurées tenant à l’accident, à l’immobilisation du membre inférieur et des douleurs peuvent être estimées à 2,5 sur 7. Il en sera fait une juste appréciation en fixant l’indemnisation à 2 700 euros.

15. S’agissant du préjudice esthétique, Mme B… ne justifie pas d’un préjudice temporaire en raison de cicatrices qualifiées par l’expert D… de  » bonne qualité à peine visible « , d’une légère déformation du genou avec avalement de la tubérosité tibiale antérieure et du port d’une attèle et de béquilles pendant cinq semaines. Il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique permanent en l’évaluant à la somme de 400 euros.

16. S’agissant du déficit fonctionnel permanent, les deux experts ont retenu que les séquelles que présentent Mme B… tenant à des dérobements de la jambe gauche et des douleurs persistantes correspondent à un taux de 10 %. Toutefois, comme il a été indiqué au point 11, Mme B… présente des antécédents d’entorse du genou gauche avec étirements du ligament croisé antérieur qui contribuent significativement au déficit fonctionnel permanent. Dès lors, il convient, à l’instar du Dr D…, de retenir un taux de 5 % comme constituant la part des séquelles découlant de façon suffisamment directe et certaine de l’accident du 4 février 2009. Par suite, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en accordant la somme de 5 500 euros.

17. S’agissant du préjudice d’agrément, il résulte de l’instruction, et notamment des rapports d’expertise amiable, que les séquelles imputables à l’accident ont seulement limité la pratique de divers sports par l’intéressée. Il s’ensuit qu’une juste appréciation de ce chef de préjudice consiste en l’octroi d’une somme de 2 000 euros.

18. Il découle des points 7 à 17 que, sans qu’il soit besoin de procéder à une nouvelle expertise, le préjudice global de Mme B… peut être évalué à la somme de 18 299 euros. Or, il résulte de l’instruction que le ministère de la défense a accordé une provision de 20 000 euros par versement effectué le 10 février 2014. Dans ces conditions, Mme B… a d’ores et déjà obtenu une réparation supérieure à la somme à laquelle elle a droit selon ce qui précède. Par suite, les conclusions indemnitaires de la requérante doivent être rejetées.

19. Il découle du point 7, que l’Etat doit verser à la société TCSL une somme de 600,53 euros au titre des sommes versées à son assurée, Mme B…, dans les droits et obligations de laquelle cette compagnie est subrogée.

Sur les frais liés au litige :

20. Il y a lieu de condamner l’Etat à verser à la société TCSL une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat verse une somme à Mme B… sur ce même fondement.

DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800788 du 22 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : L’Etat est condamné à verser à la société Travel Claims Services Limited une somme de 600,53 euros.
Article 3 : L’Etat versera à la société Travel Claims Services Limited une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… B…, à la société Travel Claims Services Limited, au department of work and pension et au ministre des armées.
Délibéré après l’audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :
* M. Pourny, président de chambre,
* M. Gayrard, président assesseur,
* M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.
Le rapporteur,
J-P GayrardLe président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 20LY02553 2

Moniteurs de ski étrangers – Le « Best of » de la saison

CAA de LYON – 6ème chambre

  • N° 20LY02442
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mardi 19 avril 2022

Président

  1. POURNY

Rapporteur

Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE

Rapporteur public

Mme COTTIER

Avocat(s)

PLANES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la décision du 13 avril 2018 par laquelle le préfet de l’Isère a rejeté sa déclaration de libre prestation de services pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin et a refusé de lui délivrer un récépissé et de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et de 105 0000 euros au titre de son préjudice économique.

Par un jugement n° 1803800 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, M. B…, représenté par Me Planes, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d’annuler la décision 13 avril 2018 du préfet de l’Isère ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 150 000 euros au titre de son préjudice moral et de 165 0000 euros au titre de son préjudice économique ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le refus qui lui est opposé est insuffisamment motivé ; l’appréciation de l’équivalence et du contenu de sa formation n’est pas motivée ; il appartenait à l’autorité administrative de solliciter la production de pièces complémentaires afin de motiver sa décision ;
– le refus contesté est entaché de vice de procédure au regard des dispositions applicables ; son dossier est réputé complet ;
– le préfet, à qui incombe la charge de le prouver, ne démontre pas l’existence de la différence substantielle alléguée motivant l’invitation à se soumettre à un test d’aptitude ;
– le refus de lui délivrer la carte professionnelle requise n’est pas fondé en droit comme en fait ;
– le préfet a méconnu le principe de présomption de qualification prévu par la directive européenne 2005/36 CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;
– le refus litigieux constitue une entrave à l’exercice de son activité professionnelle en France, contraire au principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne ;
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Grenoble, il n’avait pas à solliciter spécifiquement que l’autorité administrative lui accorde, à titre dérogatoire, un accès partiel au regard de son niveau de qualifications professionnelles ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une indemnité de 150 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la décision l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude  » eurotest  » contraire au principe de libre circulation des travailleurs prévu à l’article 45 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne et entachée de discrimination prohibée par le droit de l’Union européenne ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une somme totale de 165 000 euros en réparation de son préjudice économique résultant de l’impossibilité d’exercer l’activité de moniteur de ski durant trois saisons, à l’origine d’une perte de chiffre d’affaires évaluée à 90 000 euros, et d’un manque à gagner sur les prochaines saisons, évalué à 75 000 euros, à raison de la captation de sa clientèle par ses concurrents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2021, la ministre chargée des sports conclut au rejet de la requête.

La ministre expose que :
– aucun des moyens soulevés par le requérant n’est fondé ;
– la décision contestée n’est entachée d’aucune illégalité et d’aucun vice de procédure ;
– il n’existe pas de lien de causalité direct avec les préjudices allégués.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;
– l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées ;
– le code du sport ;
– le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif ;
– l’arrêté du 11 avril 2012 relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski – moniteur national de ski alpin ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
– les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique,
– et les observations de Me Planes, représentant M. B….

Considérant ce qui suit :

1. M. A… B…, ressortissant britannique, titulaire du diplôme autrichien  » Schilehrer- Antwärter  » délivré par le Land Tirol, en 1989, a adressé au préfet de l’Isère une déclaration aux fins d’exercer l’activité de moniteur de ski alpin sur le territoire français. Par une décision du 13 avril 2018, le préfet de l’Isère l’a informé, après avoir pris connaissance de l’avis de la section permanente du ski alpin, qu’il considérait que sa formation n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire français. Le préfet de l’Isère précisait que cette différence substantielle n’était pas entièrement couverte par les connaissances que l’intéressé avait acquises au cours de son expérience professionnelle. Rappelant que le ski est une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions de l’article L. 212-7 du code du sport et que la sécurité des personnes était en jeu, le préfet lui a demandé de se soumettre à l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport, constituée de deux tests : l’épreuve de l’eurotest prévue au titre VII de l’arrêté du 11 avril 2012, qui constitue un test technique de sécurité et un test de vérification des connaissances théoriques et pratiques en matière de sécurité. M. B… relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision et à la condamnation de l’Etat au versement d’une indemnité au titre des préjudices subis à raison de l’illégalité du refus de lui délivrer une carte professionnelle l’autorisant à exercer l’activité réglementée de moniteur de ski sur le territoire français dans le cadre du régime du libre établissement. Contrairement à ce qu’indique la décision préfectorale litigieuse et dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B… aurait été établi pour l’exercice de la profession réglementée de moniteur de ski dans un autre pays de l’Union européenne ou dans un Etat partie à l’Espace Economique Européen, condition ouvrant droit au bénéfice du régime de la libre prestation de services dans les conditions prévues par les articles R. 212-92 à R. 212-93 du code du sport, la demande de M. B…, conformément à ses écritures d’appel, tendait expressément au bénéfice d’une autorisation d’exercer la profession de moniteur de ski sur le territoire national dans le cadre du régime du libre établissement prévu par les dispositions des articles R. 212-88 à R. 212-91-1 du code du sport.
Sur les conclusions aux fins d’annulation pour excès de pouvoir :

En ce qui concerne les dispositions applicables :
2. La transposition en droit interne des directives européennes, étant une obligation résultant du Traité de fonctionnement de l’Union européenne, revêtant en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle, il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit de l’Union européenne, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques. Tout justiciable peut en conséquence, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d’action ou par voie d’exception, qu’après expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent continuer de faire application des règles écrites ou non-écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. En outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires. En application de ce principe, il incombe au juge de vérifier si la décision litigieuse est fondée au regard des dispositions de droit interne conformes au droit de l’Union européenne, en tenant compte de la date d’entrée en vigueur des dispositions issues de leur transposition en droit interne.
3. Les dispositions applicables au cas d’espèce, prévues par le code du sport, sont issues de la transposition de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 modifiée par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 par l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées et en dernier lieu par le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif, dont les dispositions, entrées en vigueur à compter du 12 août 2017, n’apportent pas de modification sur les points en litige dans la présente affaire.
4. Il ressort de la combinaison des articles L. 212-1 et L. 212-7 du code du sport que peuvent exercer, sur le territoire national, contre rémunération les fonctions d’enseignement, animation, ou encadrement d’une activité physique ou sportive ou d’entrainement des pratiquants, les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne qualifiés pour les exercer dans l’un de ces Etats, titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. Ils sont tenus, en application des dispositions précitées de l’article A. 212-184 du code du sport de se déclarer au préfet du département de l’Isère qui les transmet au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski qui s’assure de leur recevabilité et les transmet pour avis à la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne.
5. En application des dispositions de l’article R. 212-89 du même code, le préfet, après avoir accusé réception de la déclaration dans les conditions prévues à l’article R. 212-88, délivre une carte professionnelle d’éducateur sportif au déclarant dont les qualifications professionnelles répondent aux conditions de reconnaissance mentionnées à l’article R. 212-90. Aux termes de ce dernier article, le déclarant, ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, est réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie des activités mentionnées à l’article L. 212-1, notamment, conformément au 1° de l’article R. 212-90, lorsqu’il établit être titulaire d’une attestation de compétences ou d’un titre de formation requis par un Etat membre de l’Union européenne ou un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans lequel l’accès à l’activité ou son exercice est réglementé et délivré par une autorité compétente de cet Etat, ou en vertu du 3° de cet article R. 212-90, s’il établit être titulaire d’un titre de formation délivré par l’autorité compétente d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui ne réglemente pas l’accès à l’activité ou son exercice, sanctionnant une formation réglementée visant spécifiquement l’exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 et consistant en un cycle d’études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle.
6. L’article A. 212-185 du même code précise que l’existence d’une différence substantielle au sens de l’article R. 212-90-1 et du 3° de l’article R. 212-93, susceptible d’exister entre la qualification professionnelle du déclarant et la qualification professionnelle requise sur le territoire national, est appréciée en référence à la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, en tant qu’elle intègre les compétences techniques de sécurité et les connaissances théoriques et pratiques et les compétences en matière de sécurité.
En ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisance de motivation :
7. Aux termes de l’article R. 212-90-2 du code issu du décret n° 2009-1116 du 15 septembre 2009 :  » La décision du préfet de délivrer une carte professionnelle intervient dans un délai de trois mois à compter de la présentation du dossier complet du déclarant. Ce délai peut être prorogé d’un mois, par décision motivée. Dans le cas où le préfet décide de ne pas délivrer de carte professionnelle ou de soumettre le déclarant à une épreuve d’aptitude ou de lui faire accomplir un stage d’adaptation, cette décision est motivée. « .
8. Il ressort des pièces du dossier, que par sa décision du 13 avril 2018, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article R. 212-90-2 du code du sport, après avoir rappelé que le ski alpin est une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions en vigueur de l’article L. 212-7 du code du sport, conformes à la directive 2013-55/UE, pour laquelle la sécurité des personnes est en jeu, le préfet de l’Isère a refusé de délivrer l’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif de ski alpin sollicitées par M. B… aux motifs que le diplôme obtenu en Autriche délivré par le Land Tirol, sanctionnant une formation d’une durée de dix jours dont la validité est limitée dans la plupart des Länders et correspondant au premier et plus bas niveau de qualification professionnelle dans un système qui en comporte trois, n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision doit être écarté.
En ce qui concerne le vice de procédure :
9. Dans le cadre de la liberté d’établissement, l’article A. 212-186 dispose que lorsque le préfet estime, après avis de la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne, transmis au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski et de l’alpinisme, qu’il existe une différence substantielle, il saisit la commission de reconnaissance des qualifications mentionnée à l’article R. 212-84, en joignant au dossier l’avis de la section permanente. Après s’être prononcée sur l’existence d’une différence substantielle, la commission de reconnaissance des qualifications propose, le cas échéant, au préfet de soumettre le déclarant à tout ou partie de l’épreuve d’aptitude prévue à l’article R. 212-90-1. Cette épreuve à laquelle le préfet peut décider de soumettre le déclarant vise, comme le précise l’article A. 212-188, à vérifier la capacité du déclarant à encadrer les pratiquants en sécurité. Elle comporte deux tests : 1° L’épreuve de l’eurotest prévue au titre VII et à l’annexe V de l’arrêté du 11 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin qui constitue le test technique de sécurité ; 2° Le test eurosécurité prévu au titre X et à l’annexe VII-3 de l’arrêté du 26 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, qui constitue le test de vérification des connaissances théoriques et pratiques et des compétences en matière de sécurité. En cas d’échec à l’eurotest, évalué en premier lieu, le déclarant ne peut se présenter à l’eurosécurité. L’attestation de réussite à l’eurotest conditionne la délivrance de la carte professionnelle conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 lorsque, comme en l’espèce, est identifiée une différence substantielle entre la qualification professionnelle du déclarant et celle requise sur le territoire national, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle.
10. L’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif est délivrée par le préfet lorsque celui-ci estime qu’il n’existe pas de différence substantielle ou lorsqu’une différence substantielle a été identifiée et que le déclarant a satisfait à l’épreuve d’aptitude, portant mention des conditions d’exercice prévues à l’article A. 212-192 du code. Toutefois, en application de l’article R. 212-89-1 du même code, le préfet peut, par décision proportionnée à l’objectif poursuivi, refuser d’accorder l’accès partiel à l’une des activités mentionnées à l’article L. 212-1, lorsqu’il estime que l’accès partiel est de nature à nuire à la sécurité des pratiquants et des tiers.
11. Au cas d’espèce, après avis de la section permanente du ski alpin, instance visée par les dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport, le préfet a considéré que la formation de M. B…, obtenue en Autriche, n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. M. B… soutient que, pour instruire son dossier de déclaration de libre établissement, réputé complet selon l’accusé réception finalement délivré par l’autorité administrative compétente, le préfet de l’Isère n’était pas tenu de saisir, pour avis, la section permanente du ski alpin, et ne pouvait décider de le soumettre à une épreuve d’aptitude sans lui réclamer les pièces complémentaires nécessaires pour apprécier l’équivalence et le contenu de sa formation. Toutefois, le formulaire de déclaration figurant à l’annexe II-12-2-a du code du sport recommande au déclarant, dans son intérêt, de fournir toute information utile sur son expérience professionnelle afin d’échapper, totalement ou en partie, à l’obligation éventuelle d’accomplir une épreuve d’aptitude. Il ressort des pièces du dossier que, par décision du 13 avril 2018, le préfet de l’Isère a informé M. B… qu’il estimait que sa formation n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présentait, dans ce domaine, une différence substantielle avec la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin requise sur le territoire national en vertu de l’article A. 212-185 du code du sport. Il appartenait à M. B… d’apporter tous les éléments, qu’il est seul en mesure de fournir, tendant à établir qu’il disposait effectivement des connaissances ou des compétences manquantes en matière de sécurité par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Par suite, M. B… ne démontre pas la décision en litige aurait méconnu les dispositions applicables des A. 212-185, A. 212-186 et A. 212-188 du code du sport ou serait entachée d’un vice de procédure.
En ce qui concerne la présomption de qualification :
12. Le requérant se prévaut de ce qu’en vertu de la directive 2005/36/CE modifiée, telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, l’administration ne saurait imposer une mesure compensatoire au déclarant réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise en application de l’article R. 212-90 du code du sport sans lui donner au préalable la possibilité de démontrer qu’il a acquis les connaissances ou les compétences manquantes par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Il reproche au préfet de l’obliger à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique sans lui avoir demandé de fournir des éléments sur son expérience professionnelle, et soutient que sa formation est réglementée en Autriche et constitue à cet égard une présomption de qualification dans le mécanisme de reconnaissance des qualifications entre les Etats membres prévu par la directive.
13. Il est constant que la formation de moniteur de ski est règlementée en Autriche. Toutefois, cette circonstance, tout comme le fait que M. B… est titulaire du diplôme  » Schilehrer-Anwärter  » délivré par le Land Tirol en 1989 et se prévaut d’un élément de la formation à l’Alpinkurs, ne suffisent pas à établir la conformité de sa qualification professionnelle à la qualification requise pour l’exercice, sur le territoire national, des fonctions de moniteur de ski au sens des dispositions de l’article L. 212-7 du code du sport et garantirait effectivement sa compétence en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité de moiteur de ski alpin conformément au 1° du I de l’article L. 212-1 du code du sport.
14. Le requérant n’est pas fondé à se prévaloir de la présomption de compétence prévue par les dispositions de l’article R. 212-90 du code du sport, en se bornant à invoquer sa formation en Autriche sans, conformément au 1° de cet article, attester, pour l’exercice de cette activité, d’un niveau de qualification au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui requis sur le territoire national, au sens de l’article 11 de la directive 2005/36/CE modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Faute de produire les éléments requis, il ne peut être réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie de l’activité de moniteur national de ski alpin, et le préfet de l’Isère était dès lors tenu de vérifier l’éventuelle existence d’une différence substantielle entre la qualification de M. B… et celle requise sur le territoire national, en application des dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport.
En ce qui concerne l’existence d’une différence substantielle :
15. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application de cette législation transposant la directive européenne 2013/55/UE et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu’il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l’article L. 212-1 en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. La fonction de moniteur de ski alpin fait partie des activités s’exerçant en environnement spécifique au sens de l’article L. 212-7 subordonné, dès lors que la sécurité des personnes l’exige, compte tenu des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées, au contrôle préalable de l’aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance du milieu naturel, des règles de sécurité et des dispositifs de secours.
16. M. B… soutient que l’autorité administrative compétente n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une différence substantielle par rapport à la qualification professionnelle requise ouvrant droit à l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin de nature à justifier le refus contesté, en omettant de spécifier les domaines de compétences regardés comme insuffisantes par rapport à la qualification requise en France, et de ne pas avoir ainsi tenu compte de son expérience professionnelle.
17. Toutefois, la décision litigieuse rappelle au déclarant que sa formation, après analyse et avis de la section permanente du ski alpin, n’est pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, au sens de l’article L. 212-1 du code du sport, et qu’elle présente dans ce domaine, une différence substantielle avec la qualification requise sur le territoire national telle que définie à l’article L. 212-7, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle dont il a fait état dans sa déclaration. Cette circonstance fait obstacle à l’exercice de l’activité sur le territoire national, y compris dans le cadre de l’accès partiel à la profession d’éducateur sportif. En l’invitant, après avoir identifié une différence substantielle, à se soumettre au test technique de sécurité de l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport, le préfet de l’Isère lui permettait, en cas de réussite à l’épreuve d’aptitude, de se voir délivrer une attestation de libre établissement et la carte professionnelle sollicitée conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 du même code.
18. Si le requérant conteste l’existence d’une différence substantielle entre sa formation et la qualification requise en France, le préfet de l’Isère en justifie comme l’ont relevé les premiers juges en faisant état de différences en matière de sécurité concernant notamment la capacité à maîtriser ses trajectoires à une vitesse soutenue sur une certaine durée en tenant compte d’une dénivelée significative et la maîtrise des techniques de recherche de victime d’avalanche, cette différence substantielle n’étant pas couverte par l’expérience professionnelle de l’intéressé.
En ce qui concerne le moyen tiré de la discrimination :
19. De manière générale, dès lors qu’il est soutenu qu’une mesure a pu être empreinte de discrimination, il incombe au juge administratif d’apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, en tenant compte des difficultés propres à l’administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s’attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l’égalité de traitement des personnes. S’il appartient au requérant qui s’estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forge sa conviction au vu des échanges contradictoires entre les parties, et en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d’instruction utile.
20. M. B… soutient qu’en l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique dans prendre en compte sa qualification et son expérience professionnelles, le préfet a méconnu les dispositions du droit de l’Union européenne applicables prohibant toute discrimination, et garantissant la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, en portant atteinte à la liberté d’établissement, et commis une erreur d’appréciation. Le requérant soutient qu’en conséquence, le rejet de sa demande constitue une entrave à la liberté d’établissement et n’est pas fondé.
21. Toutefois, d’une part, dès lors que M. B… n’établit pas que sa qualification professionnelle serait conforme, en matière de sécurité, à la qualification professionnelle requise pour l’exercice sur le territoire national de l’activité de moniteur de ski alpin, la décision litigieuse est pour ce seul motif fondée. D’autre part, eu égard à la transposition de la directive modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’activité d’éducatif sportif en environnement spécifique à l’instar de la fonction de moniteur de ski alpin, les dispositions législatives et réglementaires du code du sport, applicables à l’espèce, pour l’appréciation de la qualification des ressortissants de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’Espace économique européen qualifiés dans l’un de ces Etats au regard de la qualification requise pour l’exercice de cette activité sur le territoire national, sont compatibles avec les objectifs définis par la directive modifiée. Ces dispositions sont conformes aux dispositions précises et inconditionnelles de la directive portant reconnaissance des qualifications professionnelles en ce qui concerne les professions réglementées, lesquelles pour ce motif ne relèvent pas de la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, ni du principe de libre établissement. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des motifs de la décision contestée fondée sur des éléments objectifs et conformes au droit et à la procédure, applicables en la matière, alors que M. B…, n’apporte au soutien de son moyen aucun élément de fait, que le refus litigieux serait empreint de discrimination en méconnaissance du droit de l’Union européenne.
22. Enfin, si M. B… soutient que, nonobstant l’absence de production de l’attestation de réussite aux tests auxquels il a été invité à se soumettre, il a toutefois acquis par son expérience professionnelle ou son apprentissage tout au long de la vie des compétences techniques équivalentes ou proches garantissant sa capacité à encadrer en sécurité l’activité de ski à tous les niveaux de pratique sur piste et hors-piste, il n’apporte pas des éléments circonstanciés à l’appui de ses allégations. Dès lors, il n’établit pas que l’administration lui aurait proposé de se soumettre à des épreuves non prévues par la réglementation ou inadaptées à son profil et que, ce faisant, elle aurait commis une erreur de droit ou d’appréciation. En tout état de cause, il ne peut utilement invoquer la méconnaissance du principe de proportionnalité prévu par le paragraphe 5 de l’article 14 de la directive n° 2005/36/CE.
23. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision refusant de lui délivrer la carte professionnelle sollicitée.
Sur les conclusions indemnitaires :
24. Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires, en l’absence d’illégalité fautive de la décision contestée, la responsabilité de l’Etat n’est pas engagée à l’égard de M. B…. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices moral et économique qu’il soutient avoir subis doivent être rejetées.
25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.

 

 

CAA de LYON – 6ème chambre

  • N° 20LY02441
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mardi 19 avril 2022

Président

  1. POURNY

Rapporteur

Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE

Rapporteur public

Mme COTTIER

Avocat(s)

PLANES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la décision du 14 décembre 2017 par laquelle le préfet de l’Isère a confirmé le rejet de sa déclaration de libre établissement pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin et rejeté son recours indemnitaire, et de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 250 000 euros au titre de son préjudice moral et de 300 000 euros au titre de son préjudice économique.

Par un jugement n° 1801430 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, M. A…, représenté par Me Planes, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d’annuler la décision du 14 décembre 2017 par laquelle le préfet de l’Isère a confirmé le rejet de sa déclaration de libre établissement pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin ;

3°) de condamner l’Etat au versement d’une somme de 150 000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 165 000 euros en réparation de son préjudice économique ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le rejet de son recours gracieux et de sa réclamation indemnitaire par le préfet de l’Isère est insuffisamment motivé ; l’appréciation de l’équivalence et du contenu de sa formation, qui est réglementée en Suisse, n’est pas motivée ; il appartenait à l’autorité administrative de solliciter la production de pièces complémentaires afin de motiver sa décision ;
– le refus contesté est entaché de vice de procédure au regard des dispositions applicables ; son dossier est réputé complet ;
– le préfet, à qui incombe la charge de le prouver, ne démontre pas l’existence d’une différence substantielle de nature à justifier l’invitation à se soumettre à un test d’aptitude ;
– le refus de lui délivrer la carte professionnelle requise n’est pas fondé en droit comme en fait ;
– le préfet a méconnu le principe de présomption de qualification prévu par le cadre du droit européen de reconnaissance des qualifications professionnelles défini par la directive européenne applicable ;
– le refus litigieux constitue une entrave à l’exercice de son activité professionnelle en France, contraire au principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne ;
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Grenoble, il n’avait pas à solliciter spécifiquement que l’autorité administrative lui accorde, à titre dérogatoire, un accès partiel au regard de son niveau de qualifications professionnelles ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une indemnité de 150 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la décision l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude  » eurotest  » contraire au principe de libre circulation des travailleurs prévu à l’article 45 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne et entachée de discrimination prohibée par le droit de l’Union européenne ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une somme totale de 165 000 euros en réparation de son préjudice économique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2021, la ministre chargée des sports conclut au rejet de la requête.

La ministre expose que :
– aucun des moyens soulevés par le requérant n’est fondé ;
– la décision contestée n’est entachée d’aucune illégalité, ni d’aucun vice de procédure ;
– il n’existe pas de lien de causalité direct avec les préjudices allégués ; le quantum réclamé est partiellement irrecevable.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;
– l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées ;
– le code du sport ;
– le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif ;
– l’arrêté du 11 avril 2012 relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski – moniteur national de ski alpin ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
– les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique,
– et les observations de Me Planes, représentant M. A….

Considérant ce qui suit :

1. M. B… A…, ressortissant français, titulaire de la qualification de  » Professeur de sport de brevet fédéral  » délivrée par l’association suisse des professions et des écoles de sport de neige, a transmis au préfet de l’Isère, le 29 mai 2017, une déclaration de libre établissement aux fins d’exercer, en application des dispositions de l’article R. 212-88 et suivants du code du sport, l’activité de moniteur de ski alpin sur le territoire français. Par courrier du 29 septembre 2017, le préfet de l’Isère a informé le déclarant de ce qu’il estimait qu’il existait une différence substantielle entre sa qualification professionnelle et celle requise pour l’exercice de cette activité réglementée en France, et qu’il considérait, après avis notamment de la commission de reconnaissance des qualifications, que cette différence n’était pas couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle. Par ce même courrier, le préfet lui indiquait que, pour ce motif et en réponse à sa demande, il avait décidé de le soumettre à l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport. Par un courrier du 5 décembre 2017, M. A… a formé un recours gracieux à l’encontre de cette décision assorti d’une réclamation indemnitaire. Par décision du 14 décembre 2017, réceptionnée le 8 janvier 2018, le préfet de l’Isère a rejeté ces réclamations. Par la présente requête, M. A… relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation du rejet de son recours gracieux et au versement d’une indemnité en réparation de ses préjudices.
Sur les conclusions aux fins d’annulation pour excès de pouvoir :

En ce qui concerne la décision attaquée :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il ressort des pièces du dossier que les conclusions de la requête de M. A… doivent être regardées comme dirigées, non à l’encontre du rejet de son recours gracieux, mais contre la décision du 29 septembre 2017, objet de ce recours gracieux. Il résulte de ce qui vient d’être dit que le bien-fondé du moyen soulevé par le requérant tiré de l’insuffisance de motivation de la décision préfectorale litigieuse ne peut être apprécié qu’en ce qui concerne le rejet initial du 29 septembre 2017.
En ce qui concerne les dispositions applicables :
4. La transposition en droit interne des directives européennes, étant une obligation résultant du Traité de fonctionnement de l’Union européenne, revêtant en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle, il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit de l’Union européenne, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques. Tout justiciable peut en conséquence, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d’action ou par voie d’exception, qu’après expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent continuer de faire application des règles écrites ou non-écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. En outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires. En application de ce principe, il incombe au juge de vérifier si la décision litigieuse est fondée au regard des dispositions de droit interne conformes au droit de l’Union européenne, en tenant compte de la date d’entrée en vigueur des dispositions issues de leur transposition en droit interne.
5. Les dispositions applicables au cas d’espèce, prévues par le code du sport, sont issues de la transposition de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 modifiée par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 par l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées et en dernier lieu par le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif, dont les dispositions, entrées en vigueur à compter du 12 août 2017, n’apportent pas de modification sur les points en litige dans la présente affaire.
6. Il ressort de la combinaison des articles L. 212-1 et L. 212-7 du code du sport que peuvent exercer, sur le territoire national, contre rémunération les fonctions d’enseignement, animation, ou encadrement d’une activité physique ou sportive ou d’entrainement des pratiquants, les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne qualifiés pour les exercer dans l’un de ces Etats, titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. Ils sont tenus, en application des dispositions précitées de l’article A. 212-184 du code du sport de se déclarer au préfet du département de l’Isère qui les transmet au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski qui s’assure de leur recevabilité et les transmet pour avis à la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne.
7. En application des dispositions de l’article R. 212-89 du même code, le préfet, après avoir accusé réception de la déclaration dans les conditions prévues à l’article R. 212-88, délivre une carte professionnelle d’éducateur sportif au déclarant dont les qualifications professionnelles répondent aux conditions de reconnaissance mentionnées à l’article R. 212-90. Aux termes de ce dernier article, le déclarant, ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, est réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie des activités mentionnées à l’article L. 212-1, notamment, conformément au 1° de l’article R. 212-90, lorsqu’il établit être titulaire d’une attestation de compétences ou d’un titre de formation requis par un Etat membre de l’Union européenne ou un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans lequel l’accès à l’activité ou son exercice est réglementé et délivré par une autorité compétente de cet Etat, ou en vertu du 3° de cet article R. 212-90, s’il établit être titulaire d’un titre de formation délivré par l’autorité compétente d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui ne réglemente pas l’accès à l’activité ou son exercice, sanctionnant une formation réglementée visant spécifiquement l’exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 et consistant en un cycle d’études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle.
8. L’article A. 212-185 du même code précise que l’existence d’une différence substantielle au sens de l’article R. 212-90-1 et du 3° de l’article R. 212-93, susceptible d’exister entre la qualification professionnelle du déclarant et la qualification professionnelle requise sur le territoire national, est appréciée en référence à la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, en tant qu’elle intègre les compétences techniques de sécurité et les connaissances théoriques et pratiques et les compétences en matière de sécurité.
En ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisance de motivation :
9. Aux termes de l’article R. 212-90-2 du code issu du décret n° 2009-1116 du 15 septembre 2009 :  » La décision du préfet de délivrer une carte professionnelle intervient dans un délai de trois mois à compter de la présentation du dossier complet du déclarant. Ce délai peut être prorogé d’un mois, par décision motivée. Dans le cas où le préfet décide de ne pas délivrer de carte professionnelle ou de soumettre le déclarant à une épreuve d’aptitude ou de lui faire accomplir un stage d’adaptation, cette décision est motivée. « .
10. Il ressort des pièces du dossier, que par sa décision du 29 septembre 2017 à laquelle dont la décision de rejet de son recours gracieux du 14 décembre 2017 reprenait les motifs, et conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article R. 212-90-2 du code du sport, le préfet de l’Isère, après avoir rappelé que le ski alpin est une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions en vigueur de l’article L. 212-7 du code du sport, conformes à la directive 2013-55/UE, la sécurité des personnes étant de ce fait en jeu, a réitéré son refus de délivrer l’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif de ski alpin sollicitées par M. A… aux motifs que sa formation en Suisse n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. Le préfet motivait la confirmation de son refus par la circonstance que l’intéressé, invité à se soumettre à l’épreuve d’aptitude de l’eurotest définie à l’article A. 212-188 du code du sport, n’avait pas produit l’attestation de réussite à cette épreuve. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision doit être écarté.
En ce qui concerne le vice de procédure :
11. Dans le cadre de la liberté d’établissement, l’article A. 212-186 dispose que lorsque le préfet estime, après avis de la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne, transmis au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski et de l’alpinisme, qu’il existe une différence substantielle, il saisit la commission de reconnaissance des qualifications mentionnée à l’article R. 212-84, en joignant au dossier l’avis de la section permanente. Après s’être prononcée sur l’existence d’une différence substantielle, la commission de reconnaissance des qualifications propose, le cas échéant, au préfet de soumettre le déclarant à tout ou partie de l’épreuve d’aptitude prévue à l’article R. 212-90-1. Cette épreuve à laquelle le préfet peut décider de soumettre le déclarant vise, comme le précise l’article A. 212-188, à vérifier la capacité du déclarant à encadrer les pratiquants en sécurité. Elle comporte deux tests : 1° L’épreuve de l’eurotest prévue au titre VII et à l’annexe V de l’arrêté du 11 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin qui constitue le test technique de sécurité ; 2° Le test eurosécurité prévu au titre X et à l’annexe VII-3 de l’arrêté du 26 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, qui constitue le test de vérification des connaissances théoriques et pratiques et des compétences en matière de sécurité. En cas d’échec à l’eurotest, évalué en premier lieu, le déclarant ne peut se présenter à l’eurosécurité. L’attestation de réussite à l’eurotest conditionne la délivrance de la carte professionnelle conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 lorsque, comme en l’espèce, est identifiée une différence substantielle entre la qualification professionnelle du déclarant et celle requise sur le territoire national, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle.
12. L’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif est délivrée par le préfet lorsque celui-ci estime qu’il n’existe pas de différence substantielle ou lorsqu’une différence substantielle a été identifiée et que le déclarant a satisfait à l’épreuve d’aptitude, portant mention des conditions d’exercice prévues à l’article A. 212-192 du code. Toutefois, en application de l’article R. 212-89-1 du même code, le préfet peut, par décision proportionnée à l’objectif poursuivi, refuser d’accorder l’accès partiel à l’une des activités mentionnées à l’article L. 212-1, lorsqu’il estime que l’accès partiel est de nature à nuire à la sécurité des pratiquants et des tiers.
13. Au cas d’espèce, après réception du dossier de M A…, sur avis du conseil supérieur des sports de montagne et de la commission de reconnaissance des qualifications, instances visées par les dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport, le préfet a considéré que la formation de M. A…, obtenue en Suisse, Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. M. A… soutient que, pour instruire son dossier de déclaration de libre établissement, réputé complet selon l’accusé réception délivré par l’autorité administrative compétente, le préfet de l’Isère n’était pas tenu de saisir, pour avis, le conseil supérieur des sports de montagne, ni la commission de reconnaissance des qualifications, et ne pouvait décider de le soumettre à une épreuve d’aptitude sans lui réclamer les pièces complémentaires nécessaires pour apprécier l’équivalence et le contenu de sa formation. Toutefois, le formulaire de déclaration figurant à l’annexe II-12-2-a du code du sport recommande au déclarant, dans son intérêt, de fournir toute information utile sur son expérience professionnelle afin d’échapper, totalement ou en partie, à l’obligation éventuelle d’accomplir une épreuve d’aptitude. Il ressort des pièces du dossier que, par sa décision du 29 septembre 2017, le préfet de l’Isère a informé M. A… qu’il estimait que sa formation n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présentait, dans ce domaine, une différence substantielle avec la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin requise sur le territoire national en vertu de l’article A. 212-185 du code du sport. Dans ce contexte spécifique, il appartenait à M. A…, informé de la position de l’administration d’apporter tous les éléments, qu’il est seul en mesure de fournir, tendant à établir qu’il disposait effectivement des connaissances ou des compétences manquantes en matière de sécurité par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Par suite, M. A… ne démontre pas la décision en litige aurait méconnu les dispositions applicables des A. 212-185, A. 212-186 et A. 212-188 du code du sport ou serait entachée d’un vice de procédure.
En ce qui concerne la présomption de qualification :
14. Le requérant se prévaut de ce qu’en vertu de la directive 2005/36/CE modifiée, telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, l’administration ne saurait imposer une mesure compensatoire au déclarant réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise en application de l’article R. 212-90 du code du sport sans lui donner au préalable la possibilité de démontrer qu’il a acquis les connaissances ou les compétences manquantes par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Il reproche au préfet de l’avoir obligé à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique sans lui avoir demandé de fournir des éléments sur son expérience professionnelle, et soutient que sa formation est réglementée en Suisse et constitue à cet égard une présomption de qualification dans le mécanisme de reconnaissance des qualifications entre les Etats membres prévu par la directive.
15. Il est constant que la formation de moniteur de ski est règlementée en Suisse. Toutefois, cette circonstance, tout comme le fait que M. A… soit titulaire de la  » plus haute  » qualification suisse de  » professeur de sport de neige avec brevet fédéral  » et qu’il fournisse une attestation de formation rédigée par les autorités suisses, ne suffisent pas à établir la conformité de sa qualification professionnelle à la qualification requise pour l’exercice, sur le territoire national, des fonctions de moniteur de ski au sens des dispositions de l’article L. 212-7 du code du sport et garantirait effectivement sa compétence en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité de moiteur de ski alpin conformément au 1° du I de l’article L. 212-1 du code du sport.
16. Le requérant n’est pas fondé à se prévaloir de la présomption de compétence prévue par les dispositions de l’article R. 212-90 du code du sport, en se bornant à invoquer sa formation en Suisse sans, conformément au 1° de cet article, attester, pour l’exercice de cette activité, d’un niveau de qualification au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui requis sur le territoire national, au sens de l’article 11 de la directive 2005/36/CE modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Faute de produire les éléments requis, il ne peut être réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie de l’activité de moniteur national de ski alpin, et le préfet de l’Isère était dès lors tenu de vérifier l’éventuelle existence d’une différence substantielle entre la qualification de M. A… et celle requise sur le territoire national, en application des dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport.
En ce qui concerne l’existence d’une différence substantielle :
17. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application de cette législation transposant la directive européenne 2013/55/UE et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu’il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l’article L. 212-1 en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. La fonction de moniteur de ski alpin fait partie des activités s’exerçant en environnement spécifique au sens de l’article L. 212-7 subordonné, dès lors que la sécurité des personnes l’exige, compte tenu des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées, au contrôle préalable de l’aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance du milieu naturel, des règles de sécurité et des dispositifs de secours.
18. M. A… soutient que l’autorité administrative compétente n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une différence substantielle par rapport à la qualification professionnelle requise ouvrant droit à l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin de nature à justifier le refus contesté, en omettant de spécifier les domaines de compétences regardés comme insuffisantes par rapport à la qualification requise en France, et de ne pas avoir ainsi tenu compte de son expérience professionnelle.
19. Toutefois, la décision litigieuse du 29 septembre 2017, confirmée par celle du 14 décembre 2017, rappelle au déclarant que sa formation, après analyse et avis de la section permanente du ski alpin et de la commission de reconnaissance des qualifications, n’est pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, au sens de l’article L. 212-1 du code du sport, et qu’elle présente dans ce domaine, une différence substantielle avec la qualification requise sur le territoire national telle que définie à l’article L. 212-7, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle dont il a fait état dans sa déclaration. Cette circonstance fait obstacle à l’exercice de l’activité sur le territoire national, y compris dans le cadre de l’accès partiel à la profession d’éducateur sportif. En l’invitant, après avoir identifié une différence substantielle, à se soumettre au test technique de sécurité de l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport, le préfet de l’Isère lui permettait, en cas de réussite à l’épreuve d’aptitude, de se voir délivrer une attestation de libre établissement et la carte professionnelle sollicitée conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 du même code.
20. Si le requérant conteste l’existence d’une différence substantielle entre sa formation suisse et la qualification requise en France, le préfet de l’Isère en justifie, comme l’ont retenu les premiers juges, en s’appuyant sur l’ordonnance suisse du 30 novembre 2012 sur les guides de montagne et les organisateurs d’autres activités à risque, en faisant valoir que l’exercice de la profession de professeur de sport de neige est subordonné en Suisse à des conditions restrictives tenant au niveau de l’aménagement des pistes, aux difficultés des itinéraires, aux conditions nivo-météorologiques et au niveau de risque d’avalanche. Ainsi, à titre exemple, il observe, sans être contredit, que l’exercice de cette activité professionnelle n’est plus autorisé en Suisse lorsque le risque d’avalanche annoncé excède le niveau 1 de l’échelle européenne du risque d’avalanche alors que seulement 14 % des jours de l’hiver en France présentent un bulletin de prévision du risque d’avalanche limité au niveau 1. Par comparaison, le moniteur de ski alpin a vocation à exercer son métier en toutes pentes, sans limitations liées à l’altitude, au risque d’avalanche et à l’aménagement du domaine skiable. L’exercice de cette profession requiert ainsi un haut niveau d’autonomie et de technicité imposant notamment la maîtrise des trajectoires qui est vérifiée par un test dénommé  » eurotest  » prévu par l’article 2 de l’arrêté du 11 avril 2012.
En ce qui concerne le moyen tiré de la discrimination :
21. De manière générale, dès lors qu’il est soutenu qu’une mesure a pu être empreinte de discrimination, il incombe au juge administratif d’apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, en tenant compte des difficultés propres à l’administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s’attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l’égalité de traitement des personnes. S’il appartient au requérant qui s’estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forge sa conviction au vu des échanges contradictoires entre les parties, et en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d’instruction utile.
22. M. A… soutient qu’en l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique sans prendre en compte sa qualification et son expérience professionnelles, le préfet a méconnu les dispositions du droit de l’Union européenne applicables prohibant toute discrimination, et garantissant la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, en portant atteinte à la liberté d’établissement, et commis une erreur d’appréciation. Le requérant soutient qu’en conséquence, le rejet de sa demande constitue une entrave à la liberté d’établissement et n’est pas fondé.
23. Toutefois, d’une part, dès lors que M. A… n’établit pas que sa qualification professionnelle serait conforme, en matière de sécurité, conforme à la qualification professionnelle requise pour l’exercice sur le territoire national de l’activité de moniteur de ski alpin, la décision litigieuse est, pour ce seul motif fondée. D’autre part, eu égard à la transposition de la directive modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’activité d’éducateur sportif en environnement spécifique à l’instar de la fonction de moniteur de ski alpin, les dispositions législatives et réglementaires du code du sport, applicables à l’espèce, pour l’appréciation de la qualification des ressortissants de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’Espace économique européen qualifiés dans l’un de ces Etats au regard de la qualification requise pour l’exercice de cette activité sur le territoire national, sont compatibles avec les objectifs définis par la directive modifiée. Ces dispositions sont conformes aux dispositions précises et inconditionnelles de la directive portant reconnaissance des qualifications professionnelles en ce qui concerne les professions réglementées, lesquelles pour ce motif ne relèvent pas de la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, ni du principe de libre établissement. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des motifs de la décision contestée fondée sur des éléments objectifs et conformes au droit et à la procédure, applicables en la matière, alors que M. A…, n’apporte au soutien de son moyen aucun élément de fait, que le refus litigieux serait empreint de discrimination en méconnaissance du droit de l’Union européenne.
24. Enfin, si M. A… soutient que, nonobstant l’absence de production de l’attestation de réussite aux tests auxquels il a été invité à se soumettre soumis, il a toutefois acquis par son expérience professionnelle ou son apprentissage tout au long de la vie des compétences techniques équivalentes ou proches garantissant sa capacité à encadrer en sécurité l’activité de ski à tous les niveaux de pratique sur piste et hors-piste. Toutefois, il n’apporte pas des éléments circonstanciés à l’appui de ses allégations. Dès lors, il n’établit pas que l’administration lui a proposé des épreuves non prévues par la réglementation ou inadaptées à son profil et que, ce faisant, elle aurait commis une erreur de droit ou d’appréciation. En tout état de cause, il ne peut utilement invoquer la méconnaissance du principe de proportionnalité prévu par le paragraphe 5 de l’article 14 de la directive n° 2005/36/CE.
25. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision refusant de lui délivrer la carte professionnelle sollicitée.
Sur les conclusions indemnitaires :
26. Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires, en l’absence d’illégalité fautive de la décision contestée, la responsabilité de l’Etat n’est pas engagée à l’égard de M. A…. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices moral et économique qu’il soutient avoir subis doivent être rejetées.
27. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.

 

 

 

CAA de LYON – 6ème chambre

  • N° 20LY02440
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 30 mars 2022

Président

  1. POURNY

Rapporteur

Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE

Rapporteur public

Mme COTTIER

Avocat(s)

PLANES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 septembre 2017 par laquelle le préfet de l’Isère a implicitement rejeté sa déclaration de libre établissement pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin et refusé de lui délivrer la carte professionnelle et de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 40 000 euros au titre de son préjudice moral et de 85 000 euros au titre de son préjudice économique.

Par un jugement n° 1706586 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, M. B…, représenté par Me Planes, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d’annuler la décision implicite de rejet du 24 septembre 2017 en ce qu’elle rejette sa demande de reconnaissance de ses qualifications et de délivrance d’une carte professionnelle dans le cadre de sa déclaration de libre établissement pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin et la délivrance subséquente d’un récépissé ;

3°) de condamner l’Etat au versement d’une somme de 150 000 euros en réparation du préjudice moral subi et une somme de 165 000 euros en réparation du préjudice économique subi ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le rejet implicite de son recours gracieux et de sa demande indemnitaire notifiés le 24 juillet 2017 au préfet de l’Isère est insuffisamment motivé ;
– l’appréciation de l’équivalence et du contenu de sa formation, qui est réglementée en Suisse, n’est pas motivée ; il appartenait à l’autorité administrative de solliciter la production de pièces complémentaires afin de motiver sa décision ;
– le refus contesté est entaché de vice de procédure au regard des dispositions applicables ; son dossier est réputé complet ;
– le préfet, à qui incombe la charge de le prouver, ne démontre pas l’existence de la différence substantielle alléguée motivant l’invitation à se soumettre à un test d’aptitude ;
– le refus de lui délivrer la carte professionnelle requise n’est pas fondé en droit comme en fait ;
– le préfet a méconnu le principe de présomption de qualification prévu par le cadre du droit européen de reconnaissance des qualifications professionnelles défini par la directive européenne applicable ;
– le refus litigieux constitue une entrave à l’exercice de son activité professionnelle en France, contraire au principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne ;
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Grenoble, il n’avait pas à solliciter spécifiquement que l’autorité administrative lui accorde, à titre dérogatoire, un accès partiel au regard de son niveau de qualifications professionnelles ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une indemnité de 150 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la décision l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude  » eurotest  » contraire au principe de libre circulation des travailleurs prévu à l’article 45 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne et entachée de discrimination prohibée par le droit de l’Union européenne ;
– il est fondé à réclamer le versement d’une somme totale de 165 000 euros en réparation de son préjudice économique résultant de l’impossibilité d’exercer l’activité de moniteur de ski durant trois saisons, à l’origine d’une perte de chiffre d’affaires, évaluée à 90 000 euros, et d’un manque à gagner sur les prochaines saisons, évalué à 75 000 euros, à raison de la captation de sa clientèle par ses concurrents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2021, la ministre chargée des sports conclut au rejet de la requête.

La ministre expose que :
– aucun des moyens soulevés par le requérant n’est fondé ;
– la décision contestée n’est entachée d’aucune illégalité et d’aucun vice de procédure ;
– il n’existe pas de lien de causalité direct avec les préjudices allégués ; le quantum réclamé est partiellement irrecevable.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;
– l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées ;
– le code du sport ;
– le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif ;
– l’arrêté du 11 avril 2012 relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski – moniteur national de ski alpin ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
– les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique,
– et les observations de Me Planes, représentant M. B….

Considérant ce qui suit :

1. M. A… B…, ressortissant français, titulaire de la qualification suisse de  » professeur de sport de neige avec brevet fédéral  » délivrée le 25 octobre 2013 par la Confédération Suisse, a adressé au préfet de l’Isère, en mars 2016, une déclaration de libre établissement en application des dispositions des articles R. 212-88 et suivants du code du sport, applicables aux ressortissants de l’Union européenne, aux fins d’exercer l’activité de moniteur de ski alpin sur le territoire français. Par une décision du 21 mars 2016, le préfet de l’Isère l’a informé, après avoir pris connaissance des avis de la section permanente du ski alpin et de la commission de reconnaissance des qualifications, qu’il considérait que sa formation n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire français. Le préfet de l’Isère précisait que cette différence substantielle n’était pas entièrement couverte par les connaissances que l’intéressé avait acquises au cours de son expérience professionnelle. Rappelant que le ski est une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions de l’article L. 212-7 du code du sport et que la sécurité des personnes était en jeu, le préfet lui a demandé de se soumettre à l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport, constituée de deux tests : l’épreuve de l’eurotest prévue au titre VII de l’arrêté du 11 avril 2012, qui constitue un test technique de sécurité et un test de vérification des connaissances théoriques et pratiques en matière de sécurité. Par un courrier du 27 mai 2017, reçu le 31 mai 2017, adressé par son conseil à la préfecture de l’Isère, une nouvelle déclaration de libre établissement tendant aux mêmes fins était présentée pour le compte de M. B…. Par courrier du 7 juin 2017, le préfet de l’Isère constatant que cette nouvelle déclaration adressée par Me Planes, à supposer qu’elle soit effectivement le fait de M. B…, ne comportait aucune pièce nouvelle, notamment pas l’attestation de réussite à l’épreuve d’aptitude, et que conformément au motif énoncé dans sa précédente décision, sa formation n’étant pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, cette circonstance faisait obstacle à la délivrance de la carte professionnelle permettant d’exercer l’activité réglementée de moniteur de ski sur le territoire français. Par courrier du 19 juillet 2017 reçu le 24 juillet 2017, M. B… a mis en demeure le préfet de l’Isère de lui délivrer une carte professionnelle et a demandé un million d’euros à titre de dommages et intérêts. M. B… relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet née le 24 septembre 2017 du silence gardé par l’administration et à la condamnation de l’Etat au versement d’une indemnité au titre des préjudices subis à raison de l’illégalité de la décision de refus de lui délivrer une carte professionnelle permettant d’exercer l’activité réglementée de moniteur de ski sur le territoire français.
Sur les conclusions aux fins d’annulation pour excès de pouvoir :

En ce qui concerne la décision attaquée :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.
3. Il ressort des pièces du dossier que les conclusions de la requête de M. B… tendant à l’annulation pour excès de pouvoir doivent être regardées comme dirigées, non à l’encontre du rejet implicite de son recours gracieux formé par un courrier du 19 juillet 2017, dont l’autorité administrative compétente a accusé réception le 24 juillet 2017, mais contre la décision du 7 juin 2017 objet de son recours gracieux. Il résulte de ce qui vient d’être dit que le bien-fondé du moyen soulevé par le requérant tiré de l’insuffisance de motivation de la décision préfectorale litigieuse ne peut être apprécié qu’en ce qui concerne le rejet initial du 7 juin 2017, sans qu’y fasse obstacle l’omission de M. B… à solliciter auprès de l’autorité compétente la communication des motifs du rejet implicite de son recours gracieux, lequel n’était pas tardif.
En ce qui concerne les dispositions applicables :
4. La transposition en droit interne des directives européennes, étant une obligation résultant du Traité de fonctionnement de l’Union européenne, revêtant en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle, il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit de l’Union européenne, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques. Tout justiciable peut en conséquence, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d’action ou par voie d’exception, qu’après expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent continuer de faire application des règles écrites ou non-écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. En outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires. En application de ce principe, il incombe au juge de vérifier si la décision litigieuse est fondée au regard des dispositions de droit interne conformes au droit de l’Union européenne, en tenant compte de la date d’entrée en vigueur des dispositions issues de leur transposition en droit interne.
5. Les dispositions applicables au cas d’espèce, prévues par le code du sport, sont issues de la transposition en droit interne de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005, modifiée par la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013, par l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 portant reconnaissance des qualifications professionnelles réglementées et en dernier lieu par le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif, dont les dispositions, entrées en vigueur à compter du 12 août 2017, n’apportent pas de modification sur les points en litige dans la présente affaire.
6. Il ressort de la combinaison des articles L. 212-1 et L. 212-7 du code du sport que peuvent exercer, sur le territoire national, contre rémunération les fonctions d’enseignement, animation, ou encadrement d’une activité physique ou sportive ou d’entrainement des pratiquants, les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne qualifiés pour les exercer dans l’un de ces Etats, titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. Ils sont tenus, en application des dispositions de l’article A. 212-184 du code du sport de se déclarer au préfet du département de l’Isère qui les transmet au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski qui s’assure de leur recevabilité et les transmet pour avis à la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne.
7. En application des dispositions de l’article R. 212-89 du même code, le préfet, après avoir accusé réception de la déclaration dans les conditions prévues à l’article R. 212-88, délivre une carte professionnelle d’éducateur sportif au déclarant dont les qualifications professionnelles répondent aux conditions de reconnaissance mentionnées à l’article R. 212-90. Aux termes de ce dernier article, le déclarant est réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie des activités mentionnées à l’article L. 212-1, notamment, conformément au 1° de l’article R. 212-90, lorsqu’il établit être titulaire d’une attestation de compétences ou d’un titre de formation requis par un Etat membre de l’Union européenne ou un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans lequel l’accès à l’activité ou son exercice est réglementé et délivré par une autorité compétente de cet Etat, ou en vertu du 3° de cet article R. 212-90, s’il établit être titulaire d’un titre de formation délivré par l’autorité compétente d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui ne réglemente pas l’accès à l’activité ou son exercice, sanctionnant une formation réglementée visant spécifiquement l’exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 et consistant en un cycle d’études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle.
8. L’article A. 212-185 du même code précise que l’existence d’une différence substantielle au sens de l’article R. 212-90-1 et du 3° de l’article R. 212-93, susceptible d’exister entre la qualification professionnelle du déclarant et la qualification professionnelle requise sur le territoire national, est appréciée en référence à la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, en tant qu’elle intègre les compétences techniques de sécurité et les connaissances théoriques et pratiques et les compétences en matière de sécurité.
En ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisance de motivation :
9. Aux termes de l’article R. 212-90-2 du code issu du décret n° 2009-1116 du 15 septembre 2009 :  » La décision du préfet de délivrer une carte professionnelle intervient dans un délai de trois mois à compter de la présentation du dossier complet du déclarant. Ce délai peut être prorogé d’un mois, par décision motivée. Dans le cas où le préfet décide de ne pas délivrer de carte professionnelle ou de soumettre le déclarant à une épreuve d’aptitude ou de lui faire accomplir un stage d’adaptation, cette décision est motivée. « .
10. Il ressort des pièces du dossier, que par sa décision du 7 juin 2017 à laquelle était jointe copie de sa décision du 26 mars 2016 dont elle s’appropriait les motifs, et conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article R. 212-90-2 du code du sport, le préfet de l’Isère, après avoir rappelé que le ski alpin est une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions en vigueur de l’article L. 212-7 du code du sport, conformes à la directive 2013-55/UE, la sécurité des personnes étant de ce fait en jeu, a réitéré son refus de délivrer l’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif de ski alpin sollicitées par M. B… aux motifs que sa formation en Suisse n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. Le préfet motivait la confirmation de son refus par la circonstance que l’intéressé, invité par sa précédente décision du 26 mars 2016, à se soumettre à l’épreuve d’aptitude de l’eurotest définie à l’article A. 212-188 du code du sport, n’avait pas produit l’attestation de réussite à cette épreuve. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré du vice de procédure :
11. Dans le cadre de la liberté d’établissement, l’article A. 212-186 dispose que lorsque le préfet estime, après avis de la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne, transmis au Pôle national des métiers de l’encadrement du ski et de l’alpinisme, qu’il existe une différence substantielle, il saisit la commission de reconnaissance des qualifications mentionnée à l’article R. 212-84, en joignant au dossier l’avis de la section permanente. Après s’être prononcée sur l’existence d’une différence substantielle, la commission de reconnaissance des qualifications propose, le cas échéant, au préfet de soumettre le déclarant à tout ou partie de l’épreuve d’aptitude prévue à l’article R. 212-90-1. Cette épreuve à laquelle le préfet peut décider de soumettre le déclarant vise, comme le précise l’article A. 212-188, à vérifier sa capacité à encadrer les pratiquants en sécurité. Elle comporte deux tests : 1° L’épreuve de l’eurotest prévue au titre VII et à l’annexe V de l’arrêté du 11 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin qui constitue le test technique de sécurité ; 2° Le test eurosécurité prévu au titre X et à l’annexe VII-3 de l’arrêté du 26 avril 2012 modifié relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin, qui constitue le test de vérification des connaissances théoriques et pratiques et des compétences en matière de sécurité. En cas d’échec à l’eurotest, évalué en premier lieu, le déclarant ne peut se présenter à l’eurosécurité. L’attestation de réussite à l’eurotest conditionne la délivrance de la carte professionnelle conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 lorsque, comme en l’espèce, est identifiée une différence substantielle entre la qualification professionnelle du déclarant et celle requise sur le territoire national, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle.
12. L’attestation de libre établissement et la carte professionnelle d’éducateur sportif est délivrée par le préfet lorsque celui-ci estime qu’il n’existe pas de différence substantielle ou lorsqu’une différence substantielle a été identifiée et que le déclarant a satisfait à l’épreuve d’aptitude, portant mention des conditions d’exercice prévues à l’article A. 212-192 du code. Toutefois, en application de l’article R. 212-89-1 du même code, le préfet peut, par décision proportionnée à l’objectif poursuivi, refuser d’accorder l’accès partiel à l’une des activités mentionnées à l’article L. 212-1, lorsqu’il estime que l’accès partiel est de nature à nuire à la sécurité des pratiquants et des tiers.
13. Au cas d’espèce, après réception du dossier de M. B…, le préfet a sur avis de la section permanente du ski alpin et de la commission de reconnaissance des qualifications, instances visées par les dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport, considéré que la formation de M. B…, obtenue en Suisse, Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présentait dans ce domaine une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national. M. B… soutient que, pour instruire son dossier de déclaration de libre établissement, réputé complet selon l’accusé réception délivré par l’autorité administrative compétente, le préfet de l’Isère n’était pas tenu de saisir, pour avis, la section permanente du ski alpin, ni la commission de reconnaissance des qualifications, et ne pouvait décider de le soumettre à une épreuve d’aptitude sans lui réclamer les pièces complémentaires nécessaires pour apprécier l’équivalence et le contenu de sa formation. Toutefois, le formulaire de déclaration figurant à l’annexe II-12-2-a du code du sport recommande au déclarant, dans son intérêt, de fournir toute information utile sur son expérience professionnelle afin d’échapper, totalement ou en partie, à l’obligation éventuelle d’accomplir une épreuve d’aptitude. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 21 mars 2016, le préfet de l’Isère a informé M. B… qu’il estimait que sa formation n’était pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers et qu’elle présente, dans ce domaine, une différence substantielle avec la formation du diplôme d’Etat de ski-moniteur national de ski alpin requise sur le territoire national en vertu de l’article A.212-185 du code du sport. Dans ce contexte spécifique, il appartenait à M. B…, informé de la position de l’administration lorsqu’il a déposé sa nouvelle déclaration le 27 mai 2017, d’apporter tous les éléments, qu’il est seul en mesure de fournir, tendant à établir qu’il disposait effectivement des connaissances ou des compétences manquantes en matière de sécurité par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Par suite, M. B… ne démontre pas la décision en litige aurait méconnu les dispositions applicables des articles A. 212-185, A. 212-186 et A. 212-188 du code du sport ou serait entachée d’un vice de procédure.
En ce qui concerne la présomption de qualification :
14. Le requérant se prévaut de ce qu’en vertu de la directive 2005/36/CE modifiée, telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, l’administration ne saurait imposer une mesure compensatoire au déclarant réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise en application de l’article R. 212-90 du code du sport sans lui donner au préalable la possibilité de démontrer qu’il a acquis les connaissances ou les compétences manquantes par le biais de son expérience professionnelle ou d’une formation complémentaire professionnelle continue. Il reproche au préfet de l’avoir obligé à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique sans lui avoir demandé de fournir des éléments sur son expérience professionnelle, et soutient que sa formation est réglementée en Suisse et constitue à cet égard une présomption de qualification dans le mécanisme de reconnaissance des qualifications entre les Etats membres prévu par la directive.
15. Il est constant que la formation de moniteur de ski est règlementée en Suisse. Toutefois, cette circonstance, tout comme le fait que M. B… soit titulaire de la  » plus haute  » qualification suisse de  » professeur de sport de neige avec brevet fédéral  » délivrée le 25 octobre 2013 et qu’il fournisse une attestation de formation rédigée par les autorités suisses le 1er octobre 2015, ne suffisent pas à établir la conformité de sa qualification professionnelle à la qualification requise pour l’exercice, sur le territoire national, des fonctions de moniteur de ski au sens des dispositions de l’article L. 212-7 du code du sport et à garantir effectivement sa compétence en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité de moniteur de ski alpin conformément au 1° du I de l’article L. 212-1 du code du sport.
16. Le requérant n’est pas fondé à se prévaloir de la présomption de compétence prévue par les dispositions de l’article R. 212-90 du code du sport, en se bornant à invoquer sa formation en Suisse sans, conformément au 1° de cet article, attester, pour l’exercice de cette activité, d’un niveau de qualification au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui requis sur le territoire national, au sens de l’article 11 de la directive 2005/36/CE modifiée relative à la reconnaissances des qualifications professionnelles. Faute de produire les éléments requis, il ne peut être réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie de l’activité de moniteur national de ski alpin, et le préfet de l’Isère était dès lors tenu de vérifier l’absence de différence substantielle entre la qualification de M. B… et celle requise sur le territoire national, en application des dispositions de l’article R. 212-90-1 du code du sport.
En ce qui concerne l’existence d’une différence substantielle :
17. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application de cette législation transposant la directive européenne 2013/55/UE et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu’il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l’article L. 212-1 en matière de sécurité des pratiquants et des tiers. La fonction de moniteur de ski alpin fait partie des activités s’exerçant en environnement spécifique au sens de l’article L. 212-7 subordonné, dès lors que la sécurité des personnes l’exige, compte tenu des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées, au contrôle préalable de l’aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance du milieu naturel, des règles de sécurité et des dispositifs de secours
18. M. B… soutient que l’autorité administrative compétente n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une différence substantielle par rapport à la qualification professionnelle requise ouvrant droit à l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin de nature à justifier le refus contesté, en omettant de spécifier les domaines de compétences regardés comme insuffisants par rapport à la qualification requise en France, et de ne pas avoir ainsi tenu compte de son expérience professionnelle.
19. Toutefois, la décision litigieuse, confirmant la décision du préfet de l’Isère du 21 mars 2016 dont elle reprend les motifs, rappelle au déclarant que sa formation, après analyse et avis de la section permanente du ski alpin et de la commission de reconnaissance des qualifications, n’est pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers, au sens de l’article L. 212-1 du code du sport, et qu’elle présente dans ce domaine, une différence substantielle avec la qualification requise sur le territoire national telle que définie à l’article L. 212-7, non couverte par les connaissances acquises au cours de son expérience professionnelle dont il a fait état dans sa déclaration. Cette circonstance fait obstacle à l’exercice de l’activité sur le territoire national, y compris dans le cadre de l’accès partiel à la profession d’éducateur sportif. En l’invitant, après avoir identifié une différence substantielle, à se soumettre au test technique de sécurité de l’épreuve d’aptitude définie à l’article A. 212-188 du code du sport, le préfet de l’Isère lui permettait, en cas de réussite à l’épreuve d’aptitude, de se voir délivrer une attestation de libre établissement et la carte professionnelle sollicitée conformément aux dispositions de l’article A. 212-192 du même code.
20. Si le requérant conteste l’existence d’une différence substantielle entre sa formation suisse et la qualification requise en France, le préfet de l’Isère en justifie, comme l’ont retenu les premiers juges, en s’appuyant sur l’ordonnance suisse du 30 novembre 2012 sur les guides de montagne et les organisateurs d’autres activités à risque, en faisant valoir que l’exercice de la profession de professeur de sport de neige est subordonné en Suisse à des conditions restrictives tenant au niveau de l’aménagement des pistes, aux difficultés des itinéraires, aux conditions nivo-météorologiques et au niveau de risque d’avalanche. Ainsi, à titre exemple, il observe, sans être contredit, que l’exercice de cette activité professionnelle n’est plus autorisé en Suisse lorsque le risque d’avalanche annoncé excède le niveau 1 de l’échelle européenne du risque d’avalanche alors que seulement 14 % des jours de l’hiver en France présentent un bulletin de prévision du risque d’avalanche limité au niveau 1. Par comparaison, le moniteur de ski alpin a vocation à exercer son métier en toutes pentes, sans limitations liées à l’altitude, au risque d’avalanche et à l’aménagement du domaine skiable. L’exercice de cette profession requiert ainsi un haut niveau d’autonomie et de technicité imposant notamment la maîtrise des trajectoires qui est vérifiée par un test dénommé  » eurotest  » prévu par l’article 2 de l’arrêté du 11 avril 2012.
En ce qui concerne le moyen tiré de la discrimination :
21. De manière générale, dès lors qu’il est soutenu qu’une mesure a pu être empreinte de discrimination, il incombe au juge administratif d’apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, en tenant compte des difficultés propres à l’administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s’attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l’égalité de traitement des personnes. S’il appartient au requérant qui s’estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forge sa conviction au vu des échanges contradictoires entre les parties, et en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d’instruction utile.
22. M. B… soutient qu’en l’obligeant à se soumettre à l’épreuve d’aptitude technique sans prendre en compte sa qualification et son expérience professionnelles, le préfet a méconnu les dispositions du droit de l’Union européenne applicables prohibant toute discrimination, et garantissant la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, en portant atteinte à la liberté d’établissement, et commis une erreur d’appréciation. Le requérant soutient qu’en conséquence, le rejet de sa demande constitue une entrave à la liberté d’établissement et n’est pas fondé.
23. Toutefois, d’une part, dès lors que M. B… n’établit pas que sa qualification professionnelle serait conforme, en matière de sécurité, à la qualification professionnelle requise pour l’exercice sur le territoire national de l’activité de moniteur de ski alpin, la décision litigieuse est, pour ce seul motif, fondée. D’autre part, eu égard à la transposition de la directive modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’activité d’éducateur sportif en environnement spécifique à l’instar de la fonction de moniteur de ski alpin, les dispositions législatives et réglementaires du code du sport, applicables à l’espèce, pour l’appréciation de la qualification des ressortissants de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’Espace économique européen qualifiés dans l’un de ces Etats au regard de la qualification requise pour l’exercice de cette activité sur le territoire national, sont compatibles avec les objectifs définis par la directive modifiée. Ces dispositions sont conformes aux dispositions précises et inconditionnelles de la directive portant reconnaissance des qualifications professionnelles en ce qui concerne les professions réglementées, lesquelles pour ce motif ne relèvent pas de la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, ni du principe de libre établissement. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des motifs de la décision contestée fondée sur des éléments objectifs et conformes au droit et à la procédure, applicables en la matière, alors que M. B…, n’apporte au soutien de son moyen aucun élément de fait, que le refus litigieux serait empreint de discrimination en méconnaissance du droit de l’Union européenne.
24. Enfin, si M. B… soutient que, s’il n’a pas réussi les deux tests auxquels il a été soumis, il a toutefois acquis par son expérience professionnelle ou son apprentissage tout au long de la vie des compétences techniques équivalentes ou proches garantissant sa capacité à encadrer en sécurité l’activité de ski à tous les niveaux de pratique sur piste et hors-piste. Toutefois, il n’apporte pas des éléments circonstanciés à l’appui de ses allégations. Dès lors, il n’établit pas que l’administration lui a proposé des épreuves réglementaires non adaptées à son profil et que, ce faisant, elle aurait commis une erreur de droit ou d’appréciation. Par suite et en tout état de cause, il ne peut utilement invoquer la méconnaissance du principe de proportionnalité prévu par le paragraphe 5 de l’article 14 de la directive n° 2005/36/CE.
25. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision refusant de lui délivrer la carte professionnelle sollicitée.
Sur les conclusions indemnitaires :
26. Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires, en l’absence d’illégalité fautive de la décision contestée, la responsabilité de l’Etat n’est pas engagée à l’égard de M. B…. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices moral et économique qu’il soutient avoir subis doivent être rejetées.
27. Il résulte de tout ce qui précède que M B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée

 

CAA de LYON, 6ème chambre, 17/03/2022, 20LY02340, Inédit au recueil Lebon

Président

  1. POURNY

Rapporteur

Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE

Rapporteur public

Mme COTTIER

Avocat(s)

PLANES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la décision du 17 octobre 2017, par laquelle le préfet de l’Isère a rejeté sa déclaration de libre prestation de services pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin et a refusé de lui délivrer un récépissé de déclaration, et de condamner l’Etat à lui verser les sommes de 150 000 euros au titre de son préjudice moral et de 135 000 euros au titre de son préjudice économique.

Par un jugement n° 1707289 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 17 octobre 2017 du préfet de l’Isère et condamné l’Etat à verser à M. A… une indemnité de 1 000 euros.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 août 2020, la ministre chargée des sports demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A….

Elle soutient que :
* l’exercice de l’activité de moniteur de ski pendant les quatre mois de la saison française remplit la condition de durée d’un libre établissement et emporte la qualification juridique de  » l’établissement  » d’un ressortissant de l’Union pour l’exercice de l’activité sur le territoire français ; la profession de moniteur de ski alpin est spécifique car saisonnière ;
* c’est par une inexacte application des dispositions de l’article R. 212-88 du code du sport que le tribunal a jugé que le préfet de l’Isère avait commis une erreur de droit en requalifiant la déclaration de libre prestation de services de M. A… en libre établissement ;
* c’est à tort que le tribunal a jugé que le préfet de l’Isère avait omis de combiner le critère jurisprudentiel de la durée de l’activité avec les critères de fréquence, de périodicité et de continuité de la prestation, alors que la demande de M. A… d’exercer l’activité de moniteur de ski pendant les quatre mois de la haute saison remplit les conditions de durée, de fréquence, de périodicité et de continuité et ne relève pas d’une prestation de service temporaire ou occasionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2020, M. B… A…, représenté par Me Planes, conclut au rejet de la requête, et demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement en tant qu’il annule la décision du 17 octobre 2017 ;

2°) d’ordonner à la ministre chargée des sports de lui délivrer le récépissé de déclaration d’activité dans le cadre d’une libre prestation de services, et de condamner l’Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 165 000 euros en réparation de son préjudice économique ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A… expose que :
* aucun des moyens soulevés par la requérante n’est fondé ;
* le préfet n’a pas respecté la procédure, et a commis un abus de droit en s’opposant à la reconnaissance de ses qualifications et à l’exercice de son activité ;
* il y a lieu pour la cour de tirer les conséquences du rejet du recours exercé par le ministre contre le jugement du 5 mars 2020 au regard des délais écoulés en application de l’article R. 212-93 du code du sport puisqu’en l’absence de réaction de l’autorité compétente dans les délais fixés aux deuxième et troisième alinéas de cet article, sa qualification est implicitement reconnue et il est en droit d’obtenir la délivrance de son récépissé, et la prestation de services peut être effectuée ; un délai de plus de deux mois s’est écoulé entre la réception de son dossier complet le 1er aout 2017 et le rejet de son recours gracieux le 17 octobre 2017 ;
* en se fondant sur le seul critère de la durée d’exercice de l’activité, sur la saison hivernale, la décision est entachée d’erreur de droit au regard des critères jurisprudentiels de fréquence, périodicité et continuité de l’activité exercée ; l’activité de moniteur de ski ne relève d’aucun régime particulier ;
* selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui s’impose aux services préfectoraux, l’exigence d’un établissement stable est en fait la négation même de la liberté de prestation de services ;
* des récépissés de déclarations de libre prestation de service ont été délivrés à des ressortissants de l’Union européenne pour une durée de 6 mois ou d’un an de l’autorisation sans requalification en déclaration de libre établissement ;
* l’article 5.1 de la directive prohibe toute restriction à la libre prestation de services pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles ; cette décision, en portant une atteinte majeure à la libre circulation d’un ressortissant européen, lui a causé un préjudice moral du fait de son caractère discriminatoire, et un préjudice économique du fait du refus illégal d’accès au marché du travail en France, au profit de ses concurrents qui ont pu capter une clientèle lucrative sur la station de Méribel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le Traité de fonctionnement de l’Union européenne ;
– la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;
– le code du sport ;
– l’ordonnance du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées ;
– le décret n° 2017-1270 du 9 août 2017 portant adaptation au droit de l’Union européenne relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice des professions d’éducateur sportif et d’agent sportif ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,
– les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 29 juillet 2017, reçu le 1er août 2017, M. B… A…, ressortissant britannique, a sollicité du préfet de l’Isère la délivrance du récépissé de déclaration de libre prestation de services prévu à l’article R. 212-93 du code du sport, pour l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin du 16 décembre 2017 au 16 avril 2018. Par une décision, datée du 9 août 2017, notifiée le 16 août 2017 à l’intéressé, le préfet de l’Isère estimant que sa demande ne relevait pas du régime de libre prestation de service a refusé de lui délivrer le récépissé sollicité en l’invitant à compléter le formulaire de libre établissement en vue d’instruire sa demande dans le cadre de cette procédure prévue aux articles R. 212-88 à R. 212-91 du code du sport. Estimant que l’exercice en France de l’activité de moniteur de ski alpin durant la saison hivernale relevait de la libre prestation de service, M. A… a formé un recours gracieux rejeté par le préfet de l’Isère par décision du 17 octobre 2017, notifiée le 23 octobre 2017. Estimant avoir subi un préjudice moral et économique à raison du rejet de son recours gracieux par l’autorité administrative compétente, M. A… a, par un courrier du 5 décembre 2017, adressé une réclamation indemnitaire à hauteur d’un million d’euros avant de saisir le tribunal administratif de Grenoble, qui par jugement du 5 mars 2020, a annulé la décision préfectorale du 17 octobre 2017 et condamné l’Etat à verser à M. A… une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par le présent recours, la ministre des sports relève appel de ce jugement dont elle demande l’annulation pour erreur de droit. Par un mémoire incident, M. A… demande à la cour de confirmer le jugement attaqué, en tant qu’il a prononcé l’annulation de la décision litigieuse, et de réformer ce jugement, en ordonnant à l’autorité administrative compétente de lui délivrer le récépissé de libre prestation de services sollicité et en condamnant l’Etat à l’indemniser à hauteur de 50 000 euros et de 165 000 euros en réparation respectivement de son préjudice moral et de son préjudice économique.

Sur le moyen d’annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 212-1 du code du sport dans sa version applicable à l’espèce :  » I. -Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d’occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l’article L. 212-2 du présent code, les titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée ; (…) II. -Le diplôme mentionné au I peut être un diplôme étranger admis en équivalence. (…) « . Aux termes de l’article L. 212-7 du même code :  » Les fonctions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 212-1 peuvent être exercées sur le territoire national par les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne ou des Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen, qui sont qualifiés pour les exercer dans l’un de ces Etats. Ces fonctions peuvent également être exercées, de façon temporaire et occasionnelle, par tout ressortissant légalement établi dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Toutefois lorsque l’activité concernée ou la formation y conduisant n’est pas réglementée dans l’Etat d’établissement, le prestataire doit l’avoir exercée, dans un ou plusieurs Etats membres de l’Union européenne ou parties à l’accord sur l’Espace économique européen, à temps plein pendant au moins une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente, au cours des dix années qui précèdent la prestation. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent article et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu’il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l’article L. 212-1. Ce décret précise notamment la liste des activités dont l’encadrement, même occasionnel, peut être subordonné, si la sécurité des personnes l’exige compte tenu de l’environnement spécifique et des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées, au contrôle préalable de l’aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance du milieu naturel, des règles de sécurité et des dispositifs de secours. Ce décret précise également les conditions et les modalités de l’accès partiel à la profession d’éducateur sportif. « . En application de l’article R. 212-91 du code du sport, les activités relatives au ski et ses dérivés relèvent des activités s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions précitées de l’article L. 212-1 du code du sport.

3. D’une part, aux termes de l’article R. 212-88 de ce même code :  » Tout ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qualifié pour y exercer tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 conformément aux conditions mentionnées à l’article R. 212-90 et qui souhaite s’établir sur le territoire national à cet effet doit en faire préalablement la déclaration au préfet du département dans lequel il compte exercer son activité à titre principal. Toutefois, lorsque la déclaration porte sur une activité s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions de l’article L. 212-7, le préfet compétent est précisé par arrêté du ministre chargé des sports. La liste des pièces nécessaires à la déclaration d’activité et à son renouvellement est fixée par arrêté du ministre chargé des sports. Le préfet vérifie le dossier de demande et en accuse réception dans le mois suivant sa réception dès lors que celui-ci est complet, ou, le cas échéant, demande au déclarant de le compléter dans un délai d’un mois. A défaut, la demande est déclarée irrecevable. La déclaration est renouvelée tous les cinq ans. Le préfet est informé de tout changement de l’un des éléments qui y figure. « .

4. D’autre part, aux termes de l’article R. 212-92 du code du sport :  » Sous réserve d’avoir adressé au préfet une déclaration dans les conditions prévues au présent article, peuvent exercer sur le territoire national tout ou partie des activités mentionnées à l’article L. 212-1, à titre temporaire et occasionnel et sans y être établis, les ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen légalement établis dans l’un de ces Etats pour y exercer les mêmes activités et qui, dans le cas où ni ces activités ni la formation y conduisant n’y sont réglementées, les ont exercées dans un ou plusieurs Etats membres à temps plein pendant au moins une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente, au cours des dix années précédant la prestation (…) La déclaration est renouvelée tous les ans. Le préfet est informé de tout changement de l’un quelconque des éléments qui y figurent. (…) « .

5. Il résulte des dispositions précitées que l’exercice sur le territoire national, à titre temporaire et occasionnel et sans y être établis, d’une activité mentionnée à l’article L. 212-1 du code du sport dans le cadre de la libre prestation de services prévu par les dispositions des articles R. 212-92 à R. 212-94, s’applique aux ressortissants de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen légalement établis dans l’un de ces Etats pour y exercer les mêmes activités. Lorsque le ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, qualifié pour y exercer tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 conformément aux conditions mentionnées à l’article R. 212-90, souhaite s’établir sur le territoire national à cet effet, au sens des dispositions de l’article R. 212-88 du code du sport, il doit en faire préalablement la déclaration au préfet du département dans lequel il compte exercer son activité à titre principal.

6. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

7. Au cas d’espèce, il ressort de la lecture de la décision contestée, que le préfet de l’Isère a refusé de délivrer à M. A… le récépissé de déclaration de libre prestation de service pour l’exercice de l’activité de moniteur de ski alpin sollicité au motif que sa déclaration relevait de la procédure de libre établissement.

8. Le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision pour erreur de droit au motif que si la durée d’exercice de l’activité sur le territoire français constitue un indice permettant de déterminer le régime juridique applicable à cette déclaration, et ainsi éviter tout détournement de procédure, le préfet de l’Isère ne pouvait se fonder exclusivement sur la seule durée de la prestation envisagée pour la requalifier en souhait d’établissement en France sans la combiner avec les autres critères jurisprudentiels liés notamment à la fréquence et la continuité de l’exercice de cette activité. Les premiers juges ont, également, relevé qu’alors qu’il n’était pas contesté que M. A… n’avait pas déposé de déclaration au titre des années précédentes pour exercer l’activité de moniteur de ski en France, aucun élément figurant sur sa déclaration de libre prestation de services ne manifestait sa volonté de s’établir en France à titre principal et, que s’agissant d’une première déclaration et non de déclarations systématiquement renouvelées chaque année, M. A… ne pouvait à ce stade, être regardé comme souhaitant exercer cette activité professionnelle en France de façon stable et continue. Ils en ont déduit qu’en estimant que la déclaration de M. A… relevait de la procédure de libre établissement et non de la libre prestation de services au seul motif qu’elle portait sur une période de quatre mois correspondant à la saison hivernale de ski en France, le préfet de l’Isère avait commis une erreur d’appréciation.

9. Toutefois, il ressort de la lettre même des dispositions des articles R. 212-88 à R. 212-91 du code du sport, issues de la transposition en droit interne de la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union européenne et de l’Espace économique européen par l’ordonnance du 22 décembre 2016, qui régissent les conditions d’exercice des activités réglementées dont font partie les activités d’éducateur sportif s’exerçant en environnement spécifique, à l’instar du ski alpin, au sens des dispositions précitées des articles L. 212-7 et R. 212-91, que ce qui permet de déterminer le régime de déclaration applicable à un ressortissant de l’Union européenne souhaitant exercer en France la profession de moniteur de ski, dans le cadre de la libre prestation de service prévue aux articles R. 212-92 à R. 212-94 du code du sport, ou du libre établissement prévu aux articles R. 212-88 à R. 212-1 du même code, dépend de son éventuel établissement dans son Etat membre d’origine ou dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Si l’intéressé est légalement établi, pour l’exercice de cette activité, dans un autre Etat membre et qu’il remplit les conditions de qualifications professionnelles requises sur le territoire français, il peut déclarer l’exercice à titre temporaire et occasionnel en France, sans y être établi, de cette même activité dans le cadre de la libre prestation de service. Dans le cas contraire, il relève de la procédure de libre établissement.

10. Au cas d’espèce, M. A…, qualifié au Royaume-Uni, n’établit ni même n’allègue être légalement établi dans son Etat membre d’origine pour exercer l’activité de moniteur de ski, ni être légalement établi pour cet exercice dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou un Etat partie à l’accord de l’Espace économique européen. Dans ces conditions, sa situation relevait de la procédure de déclaration obligatoire prévue à l’article R. 212-88 et suivants du code du sport, par un ressortissant de l’Union européenne souhaitant s’établir en France pour exercer l’activité de moniteur de ski alpin pour la saison hivernale. La circonstance que sa déclaration portait sur l’exercice de l’activité de moniteur de ski de manière continue sur toute la saison hivernale atteste qu’il souhaitait exercer cette activité sur le territoire national dans le cadre d’un établissement au sens des dispositions précitées de l’article R. 212-88 du code du sport, et non à titre temporaire et occasionnel sans y être établi, en application des dispositions de l’article R. 212-92 du même code.

11. Dans ces conditions, le préfet de l’Isère a pu, sans entacher sa décision d’erreur de droit ni d’une erreur d’appréciation de la situation de M. A…, refuser de lui délivrer le récépissé de déclaration de libre prestation de service sollicité au motif que sa déclaration ne relevait pas de cette procédure définie aux articles R. 212-92 à R. 212-94 du code du sport, et l’inviter à déposer une déclaration de libre établissement dans les conditions prévues aux articles R. 212-88 à R. 212-91 du code du sport, dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que l’intéressé entendait exercer cette activité à titre principal dans le département de l’Isère conformément aux dispositions de l’article R. 212-88 du code.

12. Par suite, la ministre chargée des sports est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour ces motifs la décision préfectorale du 17 octobre 2017.

13. Par l’effet dévolutif de l’appel, il y a lieu pour la cour d’examiner les moyens soulevés en première instance et en appel, au soutien de la demande.

14. M. A… soutient que sa demande relève de la procédure de libre prestation de services et que le préfet de l’Isère ne pouvait, pour refuser de lui délivrer le récépissé sollicité et l’obliger à recourir à la procédure de libre établissement, se fonder sur la seule durée d’exercice de l’activité de moniteur de ski, sollicitée pour la saison hivernale, sans combiner ce critère aux critères de fréquence, périodicité et continuité retenue par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Toutefois, si, par son arrêt du 30 novembre 1995, 55/94 Gebhard, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que le caractère temporaire de la prestation de services, prévu par l’article 60, troisième alinéa du traité CE, est à apprécier en fonction de sa durée, de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité, cette définition jurisprudentielle de la libre prestation de service est sans incidence sur la qualification de libre établissement de la procédure à laquelle M A… est tenu en application des dispositions du code du sport portant transposition de la directive 2013-55/U dont relève l’activité de moniteur de ski eu égard aux conditions dans lesquelles il entend l’exercer à titre principal. Le moyen tiré de ce que ce faisant le préfet de l’Isère l’obligerait à établir un établissement stable en France est inopérant, cette notion d’établissement stable n’ayant aucune application ici.

15. En outre, M. A…, relevant de la procédure de libre établissement qui en application de l’article R. 212-90-2 dans sa rédaction issue du décret du 9 août 2017 susvisé, ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 7ème alinéa de l’article R. 212-93 du code du sport relatives à la libre prestation de services. Au demeurant, la décision du 17 octobre 2017 prise sur recours gracieux à l’encontre de la décision du 16 août 2017 par laquelle le préfet de l’Isère a rejeté sa déclaration comme irrecevable en indiquant à l’intéressé que sa demande relevait de la procédure, n’a fait naître aucune reconnaissance implicite de ses qualifications.

16. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 5.1 de la directive prohibant toute restriction à la libre prestation de services pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles est inopérant s’agissant d’une profession réglementée. Pour le même motif, le moyen tiré de l’atteinte majeure portée par le préfet de l’Isère à la libre circulation d’un ressortissant européen n’est pas fondé.

17. Par suite, les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure, d’un abus de droit et de l’existence d’une décision illégale et fautive doivent être écartés comme non fondés.

18. Dès lors, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’existence d’un lien de causalité direct et certain et sur l’existence même des préjudices allégués, la demande de réparation des préjudices moral et économique à raison de la décision litigieuse ne peut qu’être rejetée.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A… doit être rejetée dans toutes ses conclusions. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction et de condamnation de l’Etat à réparation de ses préjudices, ensemble ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande et les conclusions de M. A… présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre chargée des sports et M. B… A….

Combe de Coulouvrier (74) – Aménagement – Atteinte à des espèces protégées – Raison impérative d’intérêt public majeur (C. env., art. L. 411-2) – Non

CAA de LYON, 3ème chambre, 16/03/2022, 20LY00289, Inédit au recueil Lebon

Président

  1. TALLEC

Rapporteur

Mme Bénédicte LORDONNE

Rapporteur public

  1. DELIANCOURT

Avocat(s)

UNTERMAIER

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure
La fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, devenue France Nature Environnement Auvergne Rhône-Alpes (FNE AURA) a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 12 mai 2017 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a autorisé la société Grand Massif domaines skiables à procéder à l’aménagement de la combe de Coulouvrier, ainsi que la décision du 12 octobre 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1706316 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 12 mai 2017 et la décision du 12 octobre 2017, a mis à la charge de l’Etat le versement à la FNE AURA d’une somme de 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 janvier 2020, 21 août 2020 et 2 septembre 2021, la ministre de la transition écologique et solidaire, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 décembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par FNE AURA devant ce tribunal.

Il soutient que :
– le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur les raisons qui ont conduit les premiers juges à écarter la qualification de raison impérative d’intérêt public majeur du projet et à annuler totalement l’arrêté attaqué ;
– les premiers juges ont commis une erreur de droit en mettant en balance l’intérêt général du projet et les atteintes qu’il est susceptible de porter aux espèces protégées et à leurs habitats ;
– c’est au prix d’une erreur d’appréciation que les premiers juges ont retenu que le projet ne répond pas à une raison impérative d’intérêt public majeur ;
– subsidiairement, c’est à tort que le tribunal administratif de Grenoble n’a pas fait application de l’article L. 181-18 du code de l’environnement en limitant la portée de l’annulation prononcée à la seule dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 février et 1er septembre 2021, la FNE AURA, représentée par Me Untermaier, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l’Etat en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– les moyens soulevés sont infondés ;
– l’illégalité de la dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées affecte un volet indivisible de l’autorisation unique ;
– l’arrêté attaqué n’est pas motivé au regard des incidences du projet sur l’environnement en méconnaissance de l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement ;
– le public a été privé d’une garantie tenant à la possibilité de demander au représentant de l’Etat l’organisation d’une concertation avec garant ;
– l’arrêté attaqué est illégal du fait de l’illégalité de l’arrêté portant création de l’UTN ; il devait faire l’objet d’une évaluation environnementale en tant que plan et programme ;
– l’avis de l’autorité environnementale est irrégulier dès lors qu’il a été instruit par la DREAL, qui était également chargée d’instruire la demande ;
– l’autorisation unique est illégale en tant qu’elle vaut dérogation au titre des espèces protégées, faute de remplir les trois conditions cumulatives exigées ;
– les mesures compensatoires que prévoit l’arrêté attaqué pour les amphibiens sont insuffisantes ; il en est de même, d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif, concernant l’impact sur les zones humides ;
– l’autorisation unique est illégale en tant qu’elle vaut autorisation de défrichement, compte tenu de l’illégalité des atteintes portées au zones humides et aux espèces protégées et du non-respect des règles de compensation de l’article L. 341-6 du code forestier.

Par un mémoire enregistré le 31 juillet 2021, la société Grand Massif domaines skiables (GMDS), représentée par Me De Belenet, conclut à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 novembre 2019, au rejet de la demande présentée par la FNE AURA devant ce tribunal et demande qu’une somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la FNE AURA en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement est irrégulier dès lors qu’il relève d’office un moyen ne présentant pas un caractère d’ordre public ;
– c’est à tort que les premiers juges ont considéré que l’autorisation n’est pas justifiée par des raisons impératives d’intérêt public majeur ;
– les moyens soulevés par la FNE AURA sont infondés.
– la portée de l’annulation prononcée devait être limitée à la seule dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées.

Par ordonnance du 2 septembre 2021, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 24 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive n° 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
– le code de l’environnement ;
– le code forestier ;
– l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ;
– l’ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes ;
– l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
– les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
– et les observations de Me Untermaier pour FNE AURA ainsi que celles de Me Lo-Casto Porte, pour la société Grand Massif domaine skiable.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 mai 2017, le préfet de la Haute-Savoie a, par une autorisation unique portant autorisation au titre de la loi sur l’eau, autorisation de défrichement et dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées, autorisé l’aménagement de la combe de Coulouvrier par la création d’un télésiège, de quatre pistes de ski alpin, d’un réseau d’enneigement et d’une retenue collinaire. La ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, sur demande de la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, devenue France Nature Environnement Auvergne Rhône-Alpes (FNE AURA) cet arrêté, ainsi que la décision du 12 octobre 2017 rejetant son recours gracieux.
Sur les conclusions de la société GMDS :

2. La société Grand Massif domaine skiable (GMDS) était partie en première instance et aurait eu ainsi qualité pour faire appel du jugement en litige dans le délai imparti à cet effet. Ainsi, elle a seulement la qualité d’observateur. Par suite, le mémoire qu’elle a produit ne constitue pas une intervention en demande, mais de simples observations.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative :  » Les jugements sont motivés « . Contrairement à ce que soutient la ministre, les premiers juges ont suffisamment précisé les raisons pour lesquelles ils ont estimé que le projet ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur, seule susceptible de permettre de délivrer une dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées. Dès lors qu’ils n’avaient pas été saisis de conclusions tendant à ce qu’ils fassent application des pouvoirs que leur confèrent les dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, ils n’étaient pas tenus de motiver leur jugement à ce titre. En revanche, en opposant l’absence d’une des conditions cumulatives posées à la légalité de la dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats, pour annuler en totalité l’arrêté du 12 mai 2017, sans préciser les motifs pour lesquels il a procédé à l’annulation totale de l’autorisation unique en litige, le tribunal administratif de Grenoble n’a pas suffisamment motivé le jugement attaqué.
4. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par voie d’évocation, sur les conclusions de la demande de la FNE AURA dirigées contre l’arrêté du 12 mai 2017 en tant qu’il n’a pas trait à la dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées et, par l’effet dévolutif de l’appel, sur le surplus des conclusions de la requête de la ministre.
Sur les conclusions de la demande de la FNE AURA dirigées contre l’arrêté du 12 mai 2017 en tant qu’il n’a pas trait à la dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées :

En ce qui concerne les dispositions applicables au litige et l’office du juge :

5. L’ordonnance du 26 janvier 2017, codifiée aux articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement, a institué une autorisation environnementale dont l’objet est de permettre qu’une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu’elle précise. L’article 15 de cette ordonnance a fixé les conditions d’entrée en vigueur de ces dispositions :  » Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : (…) 2° Les demandes d’autorisation au titre (…) du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement (…) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable. Aux termes de ce 1° :  » Les autorisations délivrées au titre (…) du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance (…) avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l’article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état (…) « .
6. En vertu de l’article L. 181-17 du code de l’environnement, issu de l’article 1er de l’ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l’autorisation environnementale est soumise, comme l’autorisation l’unique l’était avant elle, ainsi que les autres autorisations mentionnées au 1° de l’article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction.
7. Il appartient au juge du plein contentieux, lorsqu’il est saisi d’une contestation dirigée contre une autorisation unique, d’en apprécier la légalité au regard des règles de procédure applicables à la date de délivrance de ces autorisations. S’agissant d’une demande d’autorisation dont il a été accusé réception le 10 juin 2016, sont applicables, en vertu du 2° de l’article 15 précité de l’ordonnance du 26 janvier 2017, les règles de procédure prévues par les dispositions législatives et réglementaire dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de cette ordonnance. Il en est de même pour l’autorisation de défrichement prévue par l’article L. 341-3 du code forestier dont le dossier a été reçu le 27 septembre 2016.
8. Il appartient en revanche au juge du plein contentieux d’apprécier le respect des règles de fond régissant l’installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
En ce qui concerne la légalité externe :
S’agissant de la motivation de l’arrêté :
9. Aux termes du I de l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors applicable :  » (…) La décision de l’autorité compétente est motivée au regard des incidences notables du projet sur l’environnement. Elle précise les prescriptions que devra respecter le maître d’ouvrage ainsi que les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter ou réduire et, si possible, compenser les effets négatifs notables. Elle précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l’environnement ou la santé humaine (…) « .
10. Il résulte des motifs de l’arrêté attaqué que les incidences du projet sur l’environnement sont prises en compte par les prescriptions qu’il comporte. Le titre 3 prévoit des prescriptions particulières au titre de la loi sur l’eau, et notamment des mesures de suivi, d’évitement, de réduction et de compensation des incidences. Le titre 4 prévoit des prescriptions particulières au titre du défrichement, et notamment des mesures de suivi et de compensation des incidences. Dans ces conditions, l’arrêté attaqué satisfait à la motivation exigée par les dispositions de l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement.

S’agissant de l’absence de déclaration d’intention :

11. Aux termes de l’article L. 121-17 du code de l’environnement, créé par l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement :  » (…) / III. – En l’absence de toute concertation préalable décidée en application du I ou du II et respectant les modalités fixées aux articles L. 121-16 et L. 121-16-1, un droit d’initiative est ouvert au public pour demander au représentant de l’Etat concerné l’organisation d’une concertation préalable respectant ces modalités « . Aux termes de l’article L. 121-17-1 du même code :  » Le droit d’initiative prévu au III de l’article L. 121-17 est ouvert pour :1° Les projets mentionnés au 2° de l’article L. 121-15-1, lorsque le montant des dépenses prévisionnelles d’un tel projet réalisé sous maîtrise d’ouvrage publique est supérieur au seuil fixé par décret en Conseil d’Etat (…) « . Aux termes de l’article 19 du décret n° 2017-626 du 25 avril 2017 :  »  » II. – Pour les projets qui n’ont pas fait l’objet d’une décision ou d’une recommandation de la Commission nationale du débat public ou d’une autre procédure de concertation préalable avant le 1er janvier 2017, les dispositions des articles L. 121-17-1 à L. 121-19 du code de l’environnement ne sont pas applicables dès lors qu’ils ont fait l’objet d’un avis d’enquête publique ou d’un avis de mise à disposition du public avant le 1er juillet 2017 « .
12. Le projet, qui a fait l’objet d’un avis d’enquête publique dans  » Le Dauphiné Libéré  » les 5 et 26 janvier 2017, soit avant le 1er juillet 2017 et qui, en outre, n’excède pas le seuil de financement public déclenchant l’obligation de procéder à une déclaration d’intention, ne relève pas des dispositions de l’article L. 121-17-1. Dès lors, les dispositions précitées du code de l’environnement étaient inapplicables et le moyen tiré par la requérante de ce qu’elles auraient été méconnues doit par suite être écarté comme inopérant.
S’agissant du périmètre de l’évaluation environnementale :
13. Aux termes du III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes :  » L’évaluation environnementale est un processus constitué de l’élaboration, par le maître d’ouvrage, d’un rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement, dénommé ci-après  » étude d’impact « , de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l’examen, par l’autorité compétente pour autoriser le projet, de l’ensemble des informations présentées dans l’étude d’impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d’ouvrage. (…) Lorsqu’un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l’espace et en cas de multiplicité de maîtres d’ouvrage, afin que ses incidences sur l’environnement soient évaluées dans leur globalité « .
14. Aux termes de l’article 6 de cette ordonnance :  » Les dispositions de la présente ordonnance s’appliquent : / (…) – aux projets faisant l’objet d’une évaluation environnementale systématique pour lesquels la première demande d’autorisation est déposée à compter du 16 mai 2017 (…) « .
15. La FNE AURA ne peut utilement se prévaloir des dispositions issues de cette ordonnance, qui ne sont pas applicables, en vertu de son article 6, s’agissant d’une demande d’autorisation dont il a été accusé réception le 10 juin 2016. En l’absence de dispositions équivalentes dans la version opposable au litige, le moyen tiré de l’irrégularité de l’évaluation environnementale, faute de prise en compte des incidences sur l’environnement des aménagements prévus pour le développement touristique du Grand Massif dans le cadre de l’Unité Touristique Nouvelle (UTN) de Sixt-Fer-à- Cheval et de Samoëns doit être écarté comme inopérant.
S’agissant de l’étude d’impact :

Quant à l’analyse des effets cumulés du projet avec d’autres projets :
16. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que ne sont pas applicables les dispositions du 5° du II de l’article R. 122-5 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016, pris pour l’application de l’ordonnance n° 2016-1058.
17. Aux termes du II de l’article R. 122-5 du code de l’environnement, dans sa rédaction antérieure, issue du décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011, et applicable à la présente demande d’autorisation, ainsi qu’il a été dit au point précédent :  » l’étude d’impact présente : (…) 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d’autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l’étude d’impact : – ont fait l’objet d’un document d’incidences au titre de l’article R. 214-6 et d’une enquête publique ;-ont fait l’objet d’une étude d’impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement a été rendu public (…) « .
18. La FNE AURA soutient que l’étude d’impact réalisée aurait dû décrire les effets du projet sur l’environnement cumulés avec ceux résultant de l’UTN de Sixt-Fer-à-Cheval et Samoëns, approuvée par arrêté préfectoral en date du 20 juillet 2017. Toutefois, elle ne fait valoir aucun élément de nature à établir que cette UTN devait faire l’objet d’une enquête publique ou d’une étude d’impact, de sorte que la FNE AURA ne peut utilement se prévaloir d’une méconnaissance des dispositions citées au point précédent.
Quant aux effets du projet sur les zones humides et les mesures compensatoires prévues:
19. Contrairement à ce qui est soutenu, l’étude d’impact réalisée par le pétitionnaire et complétée dans le cadre de l’addendum du 16 janvier 2017, décrit suffisamment les effets du projet sur les zones humides et les mesures compensatoires prévues. Elle précise les surfaces des zones humides impactées par le projet, arrêtée à 17 001 m² et les impacts du projet sur ces zones. Elle précise de manière détaillée les mesures compensatoires prévues, qu’elle synthétise dans un tableau reproduit à la page14 de l’addendum et reprises dans l’arrêté attaqué.
S’agissant de l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale :
20. La FNE AURA soutient que l’avis de l’autorité environnementale a été émis au terme d’une procédure irrégulière au regard des exigences de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011.
21. Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l’avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu’autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d’une autonomie réelle répondant aux exigences de l’article 6 de la directive, sauf dans le cas où c’est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d’autorisation et préparé l’avis de l’autorité environnementale. Au cas d’espèce, l’autorisation a été accordée par le préfet de la Haute-Savoie, après instruction de la direction départementale des territoires de la Haute-Savoie, alors que la DREAL Auvergne Rhône-Alpes, a préparé l’avis environnemental. Dans ces conditions, l’avis de l’autorité environnementale a été émis par une autorité disposant d’une autonomie réelle répondant aux exigences de l’article 6 de la directive.
En ce qui concerne la légalité interne :

S’agissant de l’exception d’illégalité de l’arrêté portant création de l’UTN :

22. L’autorisation unique en litige n’ayant pas été prise pour l’application de l’arrêté portant création de l’UTN, qui n’en constitue pas la base légale, la FNE AURA peut en tout état de cause exciper de l’illégalité de cet arrêté à l’appui de ses conclusions contre l’autorisation unique. Elle ne constitue pas avec elle une opération complexe.

S’agissant de l’incompatibilité avec le SDAGE Rhône Méditerranée Corse :

23. En vertu de l’article L. 212-1 XI du code de l’environnement, les décisions administratives prises dans le domaine de l’eau doivent être compatibles avec les dispositions des Schémas directeurs d’aménagement et de gestions des eaux. Cette exigence de compatibilité implique seulement, dans le cadre d’une analyse globale à l’échelle du territoire pertinent, que l’autorisation accordée ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, compte tenu de leur degré de précision.
24. La FNE AURA, à l’appui de son moyen, se borne à soutenir que l’arrêté attaqué n’est pas compatible avec les dispositions de l’article 6B-04 du SDAGE Rhône Méditerranée, aux termes desquelles :  » lorsque la réalisation d’un projet conduit à la disparition d’une surface de zones humides ou à l’altération de leurs fonctions, les mesures compensatoires prévoient la remise en état de zones humides existantes ou la création de nouvelles zones humides. Cette compensation doit viser une valeur guide de 200% de la surface perdue selon les règles suivantes : • une compensation minimale à hauteur de 100% de la surface détruite par la création ou la restauration de zone humide fortement dégradée, en visant des fonctions équivalentes à celles impactées par le projet. (…) • une compensation complémentaire par l’amélioration des fonctions de zones humides partiellement dégradées, situées prioritairement dans le même sous bassin ou dans un sous bassin adjacent « . Ce faisant, elle ne développe aucun élément permettant à la cour de confronter l’autorisation en litige à l’ensemble des orientations et objectifs fixés par le SDAGE, pour apprécier, dans le cadre de l’analyse globale à laquelle il doit être procédé, l’incompatibilité alléguée. Au demeurant, la surface des zones humides impactée par le projet a été définitivement arrêtée à 17 001 m² dans le cadre de l’étude d’impact. Les mesures prévues par le pétitionnaire, portent, en ce qui concerne les mesures de création ou de restauration de zones humides, sur une surface de 16 754 m², et en ce qui concerne l’amélioration des fonctions de zones humides partiellement dégradées, sur une superficie supplémentaire de 6 812 m². Ces mesures conservatoires sont compatibles avec l’article 6B-04, tant d’un point de vue quantitatif, à supposer même qu’on ne doive pas faire déduction de la surface correspondant à la zone AGR072, que qualitatif, faute pour l’intimée de démontrer que, comme elle le soutient, la compensation fonctionnelle par les zones humides créées ou restaurées n’est pas assurée en se prévalant d’un document relatif au projet du Club Méditerranée.
S’agissant du volet défrichement de l’arrêté en litige :
25. Pour contester le volet défrichement de l’arrêté du 12 mai 2017, la FNE AURA se borne à invoquer les atteintes aux zones humides et aux espèces protégées et à soutenir, sans autre précision, que les règles de compensation prévues à l’article L. 341-6 du code forestier ont été méconnues. Ces moyens ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé.
S’agissant des mesures compensatoires prévues en phase de travaux :
26. Si des photographies, datant de mai 2020, attestent de la présence d’amphibiens dans la retenue collinaire, cette circonstance, postérieure à la réalisation des travaux, n’est pas de nature à démontrer l’insuffisance des mesures MRV15 et MRV17 destinées à réduire les impacts du projet sur les amphibiens en phase de travaux. Si elle soutient également que de telles mesures compensatoires auraient dû être prolongées durant la phase d’exploitation, dès lors que la gestion de cette retenue collinaire conduirait à la destruction d’individus d’espèces protégées, l’article 32 du présent arrêt confirme, en tout état de cause, l’annulation de l’autorisation litigieuse en tant qu’elle porte dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées.
S’agissant de l’autorisation d’occupation du domaine public :

27. Si la FNE AURA soutient que l’arrêté entraîne une occupation non autorisée du domaine public, en méconnaissance de l’article 11 de l’ordonnance 2014-619 du 12 juin 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique, aux termes duquel :  » L’autorisation unique, relevant de la présente ordonnance, ne peut être délivrée avant l’autorisation d’occuper le domaine public prévue à l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques « , ces dispositions ont été abrogées à compter du 1er mars 2017, par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017. Elle ne peut, dans ces conditions, pas utilement s’en prévaloir.

Sur la légalité de la dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées :
En ce qui concerne le motif d’annulation retenu par le jugement attaqué :

28. L’article L. 411-1 du code de l’environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d’espèces animales non domestiques, l’interdiction de  » 1° La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces (…). « . Le I de l’article L. 411-2 du même code, qui transpose l’article 6 de la directive du Conseil 92/43/CE du 21 mai 1992, renvoie à un décret en Conseil d’Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment :  » 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) / c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; (…). « .
29. Un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet urbain dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
30. Pour accorder la dérogation sollicitée, le préfet de la Haute-Savoie a estimé que le projet répond à un intérêt public majeur dans la mesure où  » la modernisation et l’extension du domaine skiable sont rendues nécessaires par le développement des programmes immobiliers dans la vallée du Giffre et l’ouverture du village Club Méditerranée sur le plateau des Saix, ce qui induit le décloisonnement des domaines de Samoens et Morillon et le renforcement de l’accès à la Tête des Saix depuis le plateau, avec une liaison Grand Massif ne se limitant pas au télésiège de Chariande Express  » et  » compte tenu de la fréquentation touristique actuelle et à venir, des flux de skieurs prévisibles, de la saturation des appareils existants, de l’impact économique de l’aménagement de la combe de Coulouvrier en termes de compétitivité, d’attractivité, de création d’emplois directs et indirects, pendant la phase de chantier et en phase d’exploitation « .
31. Il résulte de l’instruction que l’accès à la Tête de Saix est déjà possible par le Chariade Express, de sorte que le projet vise seulement à améliorer les fonctionnalités du domaine skiable, en lien avec les flux de skieurs prévisibles générés notamment par les programmes immobiliers du secteur. S’il est soutenu que les équipements existants sont saturés, la difficulté est surtout concentrée sur le flux des skieurs vers Flaine, dans le sens de la remontée comme le soutient la défenderesse, qui n’est pas sérieusement contestée sur ce point. Le bénéfice à long terme d’un tel projet d’aménagement du bas de la combe de Coulouvrier, situé à relativement basse altitude, et dont l’enneigement est aléatoire, a été remis en doute par la commission faune du conseil national de la protection de la nature (CNPN) dans le cadre de son premier avis sur le projet. Enfin, il ne résulte pas de l’instruction que la saturation des équipements serait de nature à fragiliser durablement l’exploitation du domaine skiable. A cet égard, la ministre ne peut utilement invoquer le contexte de crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, qui a généré une fréquentation touristique moindre du secteur concerné. Enfin, en matière de développement économique et touristique du secteur, les retombées du projet doivent s’apprécier au regard des seuls équipements en litige, et indépendamment des retombées économiques du Club Méditerranée. Enfin, si l’ancien télésiège n’est pas remplaçable pour des raisons de faisabilité technique liées à son implantation, il n’est pas démontré que la gestion du risque pour la sécurité lié à la saturation des infrastructures rendrait indispensable l’aménagement de la combe de Coulouvrier.
32. En raison du caractère cumulatif des conditions posées à la légalité des dérogations permises par l’article L. 411-2 du code de l’environnement, à supposer que la dérogation en litige permettrait le maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et répondrait à l’exigence de l’absence de solution alternative satisfaisante, la dérogation accordée, méconnaît ces dispositions dès lors qu’elle ne répond pas, comme il a été dit ci-dessus, à des raisons impératives d’intérêt public majeur. En revanche, ce motif ne vicie l’autorisation environnementale en litige qu’en tant qu’elle incorpore cette dérogation, divisible du reste de l’autorisation.
[0]En ce qui concerne l’application de l’article L. 181-18 du code de l’environnement :

33. Le vice tiré de ce que l’autorisation de dérogation litigieuse n’est pas justifiée par une raison impérative d’intérêt public majeur n’est pas susceptible d’être régularisé. En conséquence, la ministre n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Grenoble n’a pas fait application du 1° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, ni à demander qu’il en soit fait application en appel.
34. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la transition écologique et solidaire est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé totalement l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 12 mai 2017.
Sur les frais liés au litige :

35. Il ne peut être fait application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de la société Grand Massif domaine skiable qui n’a pas la qualité de partie dans l’instance d’appel. Ces dispositions font également obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas partie perdante, la somme que demande la FNE AURA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 décembre 2019 est annulé en tant qu’il prononce l’annulation de l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 12 mai 2017, n’ayant pas trait à la dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande, des conclusions des parties en appel et les conclusions de la société Grand Massif domaine skiable sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique et solidaire, à France Nature Environnement Auvergne Rhône-Alpes et à la société Grand Massif domaine skiable.
Délibéré après l’audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2022.
2
N° 20LY00289

Bâtiments d’une coopérative agricole mis à disposition d’un tiers – Exonération de TFPB (non)

Conseil d’État, 3ème – 8ème chambres réunies, 10/03/2022, 438828

 

  • Mentionné dans les tables du recueil Lebon

Lecture du jeudi 10 mars 2022

Rapporteur

  1. Martin Guesdon

Rapporteur public

  1. Laurent Cytermann

Avocat(s)

SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société coopérative agricole (SCA) laitière  » Les Fruitières de Savoie  » a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018 dans les rôles de la commune de Saint-Germain-la-Chambotte (Savoie). Par un jugement nos 1700502, 1703433, 1800577, 1900427 du 18 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 février et 21 août 2020 et le 31 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SCA laitière  » Les Fruitières de Savoie  » demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

– les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la société coopérative agricole (SCA) laitière  » Les Fruitières de Savoie  » ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société coopérative agricole (SCA) laitière  » Les Fruitières de Savoie  » met à disposition de la société par actions simplifiée (SAS) Fromagerie Chabert des locaux situés à Saint-Germain-la-Chambotte (Savoie) dont elle est propriétaire, afin que le lait produit par les membres de la société coopérative soit transformé en fromage. La société coopérative se pourvoit en cassation contre le jugement du 18 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2018 à raison de ces locaux.

2. Aux termes de l’article 1382 du code général des impôts :  » Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (…) 6° a. Les bâtiments qui servent aux exploitations rurales tels que granges, écuries, greniers, caves, celliers, pressoirs et autres, destinés, soit à loger les bestiaux des fermes et métairies ainsi que le gardien de ces bestiaux, soit à serrer les récoltes. / (…) b. Dans les mêmes conditions qu’au premier alinéa du a, les bâtiments affectés à un usage agricole par les sociétés coopératives agricoles, (…) constituées et fonctionnant conformément aux dispositions légales qui les régissent (…) « . N’entrent pas dans le champ de l’exonération prévue au b du 6° de l’article 1382 du code général des impôts les bâtiments qu’une société coopérative agricole décide de louer ou de mettre à la disposition d’une personne tierce, quand bien même les opérations réalisées au sein de ces bâtiments le seraient à partir des seuls produits issus de cultures ou d’élevages des membres de la société coopérative agricole.

3. Il ressort des énonciations non contestées sur ce point du jugement attaqué que la société coopérative  » Les Fruitières de Savoie  » mettait ses locaux à la disposition de la société Fromagerie Chabert afin qu’elle réalise, pour son compte, une activité de transformation du lait. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que ces bâtiments n’entrent pas dans le champ de l’exonération prévue par le b du 6° de l’article 1382 du code général des impôts. La société coopérative  » Les Fruitières de Savoie  » ne peut, par suite, en bénéficier. Ce motif, qui résulte de faits constants n’appelant pas d’appréciation et qui justifie le dispositif du jugement attaqué, doit être substitué au motif retenu par le tribunal administratif.

4. Il résulte de ce qui précède que la société coopérative  » Les Fruitières de Savoie  » n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société coopérative  » Les Fruitières de Savoie  » est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société coopérative agricole laitière  » Les Fruitières de Savoie  » et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.