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Moniteurs de ski/ « Pacte intergénérationnel »/ ESF et Syndicat local/ Responsabilité

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 26 avril 2017
N° de pourvoi: 16-10482
Non publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi

Mme Batut (président), président
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)

 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que MM. X… et Y…, moniteurs de ski, exerçant leur activité en qualité de travailleurs indépendants, étaient adhérents du Syndicat local des moniteurs de l’école du ski français de Saint-Lary-Soulan (le syndicat local) et avaient adhéré à la convention établie entre les moniteurs de l’Ecole du ski français de Saint-Lary-Soulan (l’ESF) ; qu’alléguant une discrimination illicite fondée sur l’âge, ils ont assigné le syndicat local aux fins de voir ordonner le retrait de l’article 3 de cette convention, dans sa version mise à jour au 11 décembre 2010, fixant à 61 ans la limite d’âge pour l’exercice de la profession en qualité de moniteur permanent ou saisonnier ; qu’ils ont, en outre, sollicité la réparation de leurs préjudices moral et financier ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que le syndicat local fait grief à l’arrêt de déclarer recevables les demandes indemnitaires de MM. X… et Y… et de le condamner à leur payer diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ qu’un contractant n’est responsable que des conséquences des manquements contractuels qui lui sont imputables et doit, comme tout tiers, respecter l’existence des contrats auxquels il n’est pas partie et se garder d’en compromettre l’exécution ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que le syndicat local avait engagé sa responsabilité à raison du fait qu’il aurait assuré le respect de la convention multipartite ESF passée entre les moniteurs de ski et qui aurait comporté une stipulation illicite ; qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que le syndicat local était tiers à la convention, dont MM. X… et Y… étaient les signataires, et que le syndicat local ne pouvait ni modifier le contenu de cette convention ni retirer cette dernière, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, ensemble l’article 1165 dudit code ;

2°/ que la responsabilité d’un contractant ne peut être engagée que si un manquement ayant causé le dommage dont réparation est demandée lui est imputable ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que le syndicat local n’exerçait aucune activité commerciale et ne s’immisçait pas dans la répartition des cours de ski entre les moniteurs, ce dont il se déduisait nécessairement que la réduction de l’activité d’enseignement dans le cadre de l’ESF dont se plaignaient MM. X… et Y… ne résultait pas d’une décision du syndicat local, mais de la mise en oeuvre d’autres engagements souscrits par eux, de telle sorte que le préjudice allégué n’avait pas été causé par un manquement du syndical local et ne pouvait donc pas lui être imputé ; qu’en condamnant, néanmoins, le syndicat local à indemniser les défendeurs au pourvoi du préjudice résultant de la « réduction illégitime de l’activité d’enseignement », au motif inopérant que le non-respect de la convention signée entre les moniteurs de ski était susceptible de donner lieu, selon les statuts du syndicat, à une sanction disciplinaire interne audit syndicat, la cour d’appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1147 du code civil ;

3°/ que la responsabilité d’une personne ne peut être engagée que si lui est imputable un manquement ayant causé le dommage dont réparation est demandée ; qu’en l’espèce, la cour d’appel s’est contentée d’une référence totalement abstraite aux prérogatives théoriques du syndicat local en matière de discipline interne pour retenir la responsabilité de ce dernier ; qu’en statuant ainsi, sans constater que celui-ci aurait usé desdites prérogatives, ou aurait menacé de le faire, pour contraindre MM. X… et Y… à appliquer la stipulation prétendument discriminatoire figurant dans la convention multipartite conclue entre les moniteurs de ski et se serait ainsi opposé à la poursuite de leur activité de moniteur saisonnier ou permanent dans le cadre de l’ESF, la cour d’appel, qui n’a fait état que d’un manquement hypothétique du syndicat local et d’un lien de causalité éventuel avec le préjudice allégué, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

4°/ que seul est réparable le préjudice causé directement par le manquement contractuel ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a indemnisé le préjudice résultant pour les demandeurs de la réduction, de respectivement 302 heures et 255 heures, de leur activité dans le cadre de l’ESF ; qu’en statuant ainsi, sans démontrer que la privation du label « ESF », à la supposer même imputable à une hypothétique décision du syndicat local, avait effectivement empêché les demandeurs d’exercer leur profession indépendante de moniteur de ski pendant ces heures et les avait privés de clients, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’existence d’un préjudice direct et certain des demandeurs et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1151 du code civil ;

5°/ que seul peut être réparé un préjudice certain et direct ; qu’en l’espèce, le syndicat local soutenait que la réduction d’activité de M. X… avait été en partie causée par le fait qu’il avait pris des congés en pleine saison de ski pendant les deux saisons litigieuses ; qu’en écartant ce moyen pourtant déterminant, aux motifs inopérants que M. X… se fondait sur les temps d’enseignement effectivement dispensés, sans exclure que son temps d’enseignement aurait pu être plus élevé, malgré le fait qu’il soit devenu moniteur occasionnel, s’il n’avait pas pris de congé en saison, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1151 du code civil ;

6°/ que la différence de traitement entre deux personnes ne constitue pas une discrimination illicite lorsqu’elle est proportionnée à la poursuite d’un objectif légitime ; qu’en l’espèce, les stipulations litigieuses poursuivaient un but légitime, et plus précisément permettre l’accès de jeunes moniteurs à la profession, et étaient proportionnées puisqu’elles permettaient aux moniteurs de plus de 61 ans de poursuivre leur activité en indépendant ou en moniteur occasionnel ; qu’en jugeant que MM. X… et Y… avaient subi de ce fait une discrimination fautive, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, ensemble les articles 1er et 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

Mais attendu, d’abord, que l’arrêt relève que, selon la convention, le directeur de l’ESF est aussi président du syndicat local, que l’ESF fonctionne avec quatre comptes bancaires dont l’un est celui du syndicat local, et qu’en exécution des statuts du syndicat local, les membres de celui-ci doivent respecter la convention entre les moniteurs ; qu’après avoir constaté que les appels de cotisations syndicales, émis pas le directeur de l’ESF, rappelaient l’acceptation et le respect des statuts du syndicat local et de la convention, et que l’acceptation de cette dernière était une condition de l’adhésion au syndicat local, la cour d’appel a retenu qu’il résultait de la combinaison de ces documents que le syndicat local était institué gardien du respect, par ses propres membres, de la convention et était statutairement investi d’un pouvoir disciplinaire pour sanctionner d’éventuelles violations de celle-ci de leur part ; qu’elle a pu en déduire que la responsabilité contractuelle du syndicat local pouvait être invoquée, à l’égard de ses adhérents, dans le cas où il aurait imposé l’application de dispositions de la convention, qui s’avéreraient discriminatoires ;

Attendu, ensuite, que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale au regard des articles 1147 et 1151 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le moyen ne tend, en ses quatrième et cinquième branches, qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine du préjudice par les juges du fond ;

Et attendu, enfin, qu’ayant relevé que la convention ne précisait nullement l’objectif recherché par la limitation de l’activité d’enseignement imposée aux moniteurs âgés de plus de 61 ans, reclassés en moniteurs occasionnels, et qu’aucun élément objectivement vérifiable n’établissait qu’elle avait pour objectif et eu pour effet, pour la période considérée, en sus du renouvellement naturel des générations faisant valoir leurs droits à retraite, de permettre l’embauche de jeunes moniteurs, en sorte que le temps de travail dégagé par l’exclusion des moniteurs de plus de 61 ans du statut de moniteur permanent ou saisonnier aurait effectivement bénéficié à ceux-là, la cour d’appel en a justement déduit que la convention comportait une discrimination injustifiée à l’égard des moniteurs âgés de plus de 61 ans ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l’article 32 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande tendant au retrait de la clause litigieuse de la convention, l’arrêt énonce que le syndicat local ne peut être condamné à faire procéder au retrait des dispositions litigieuses :

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle retenait que le syndicat local, statutairement investi du pouvoir de faire respecter la convention entre les moniteurs, engageait sa responsabilité à l’égard de ses adhérents en imposant l’application des dispositions discriminatoires, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande tendant au retrait de l’article 3 de la convention entre les moniteurs de l’Ecole du ski français, dans sa version mise à jour au 11 décembre 2010, l’arrêt rendu le 13 novembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Ordonne le retrait de l’article 3 de la convention des moniteurs de l’Ecole du ski français de Saint-Lary-Soulan, dans sa version mise à jour au 11 décembre 2010 ;

Condamne le Syndicat local des moniteurs de l’école du ski français de Saint-Lary-Soulan aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à MM. X… et Y… la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

Accueil des mineurs en refuge/ Arrêté du 20 oct. 2014/ Annulation partielle

Conseil d’État

N° 387529   
ECLI:FR:CECHR:2017:387529.20170331
Inédit au recueil Lebon
5ème – 4ème chambres réunies
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public

lecture du vendredi 31 mars 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1431993 du 15 janvier 2015, enregistrée le 30 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la présidente du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par l’association Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM), l’association UCPA Sport Vacances, l’association En passant par la montagne et l’Association des gardiens de refuges des Hautes-Alpes.

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 27 septembre 2014, et par un mémoire en réplique, enregistré le 19 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association FFCAM et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 20 octobre 2014 du ministre de l’intérieur portant modification du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacune d’elles au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

L’association FFCAM et autres soutiennent que :
– le ministre de l’intérieur n’était pas compétent pour prendre seul l’arrêté en litige qui, eu égard à son objet, devait être cosigné par le ministre de la ville, le ministre de la jeunesse et des sports, le ministre de l’éducation nationale et le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;
– l’arrêté attaqué méconnaît l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la norme en ce qu’il prévoit des critères d’application imprécis ;
– le ministre ne pouvait pas légalement, sur le fondement de l’article R*. 123-12 du code de la construction et de l’habitation, régir l’hébergement dans les refuges de groupes de mineurs non accompagnés de leurs parents ;
– l’arrêté attaqué pose des conditions d’une rigueur excessive, en particulier en ce qui concerne l’exigence d’accessibilité du refuge aux secours en situation d’enneigement et en ce qu’il ne fait pas de distinction selon l’âge des mineurs ;
– l’arrêté attaqué méconnaît la liberté d’aller et de venir des mineurs ;
– l’arrêté attaqué méconnaît le principe de sécurité juridique en ce qu’il ajoute à un ensemble de normes déjà nombreuses et peu cohérentes et risque d’entraîner l’annulation de nombreux projets.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code du tourisme ;

– le code de la construction et de l’habitation ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article R*. 123-3 du code de la construction et de l’habitation :  » Les constructeurs, propriétaires et exploitants des établissements recevant du public sont tenus, tant au moment de la construction qu’au cours de l’exploitation, de respecter les mesures de prévention et de sauvegarde propres à assurer la sécurité des personnes ; ces mesures sont déterminées compte tenu de la nature de l’exploitation, des dimensions des locaux, de leur mode de construction, du nombre de personnes pouvant y être admises et de leur aptitude à se soustraire aux effets d’un incendie  » ; qu’aux termes de l’article R*. 123-12 du même code :  » Le ministre de l’intérieur précise dans un règlement de sécurité pris après avis de la commission centrale de sécurité prévue à l’article R. 123-29 les conditions d’application des règles définies au présent chapitre. (…) / Le règlement de sécurité comprend des prescriptions générales communes à tous les établissements et d’autres particulières à chaque type d’établissement. (…) / La modification du règlement de sécurité est décidée dans les formes définies au premier alinéa du présent article. Le ministre détermine dans quelles limites et sous quelles conditions les prescriptions nouvelles sont appliquées aux établissements en cours d’exploitation  » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article D. 326-1 du code du tourisme :  » Un refuge est un établissement d’hébergement recevant du public gardé ou non, situé en altitude dans un site isolé…  » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article D. 326-2 du même code :  » Le refuge offre un hébergement à caractère collectif à des personnes de passage. (…) Les mineurs peuvent y être hébergés  » ;

2. Considérant que, dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 2015, les dispositions du § 1 de l’article REF 7 de l’arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public, pris en application des dispositions précitées de l’article R*. 123-12 du code de la construction et de l’habitation, interdisaient l’hébergement nocturne des colonies de vacances, classes de neige ou de découverte et activités assimilées dans les refuges, les dispositions du § 2 de cet article autorisant seulement l’hébergement des  » camps itinérants  » sous réserve que leur organisation réponde aux spécifications réglementaires édictées par le ministre de la jeunesse et des sports ; que, par un arrêté du 20 octobre 2014, le ministre de l’intérieur a modifié cet article REF 7 pour prévoir qu’à compter du 1er janvier 2015 :  » § 1. L’hébergement des mineurs, en dehors de leur famille, est autorisé dans les établissements qui respectent simultanément les caractéristiques suivantes :/ – refuge gardé ;/ – refuge disposant d’un système d’alarme conforme à l’article REF 38 et d’un système d’alerte conforme à l’article REF 39 ;/ – refuge sous avis favorable d’exploitation de la commission de sécurité ;/ – refuge à jour de ses visites périodiques./ Dans ces établissements :/ – l’hébergement des mineurs est limité au rez-de-chaussée. Dans le cas où l’établissement dispose d’un escalier encloisonné ou si le niveau supérieur dispose d’une sortie donnant directement sur l’extérieur, il peut s’effectuer en étage ;/ – la durée du séjour dans un même refuge ne peut dépasser deux nuitées consécutives./ § 2. En situation d’enneigement et en aggravation du paragraphe 1, les refuges doivent, en outre, répondre à une des exigences complémentaires suivantes :/ – le refuge dispose d’un espace clos dans les conditions fixées par l’article REF 21 : dans ce cas, une colonne de secours doit atteindre le refuge en moins de deux heures ;/ – le refuge ne dispose pas d’un espace clos dans les conditions fixées par l’article REF 21 : dans ce cas, il doit être accessible par une colonne de secours en moins de trente minutes à partir d’une voie carrossable en permanence. Durant cette situation d’enneigement, les mineurs de moins de 11 ans ne peuvent y être hébergés./ § 3. Le maire recense les refuges qui remplissent l’ensemble des conditions ci-dessus. Sur la base de cette déclaration, le préfet établit une liste départementale des refuges accessibles aux mineurs en précisant ceux qui le sont en situation d’enneigement. Cette liste est régulièrement tenue à jour./ § 4. En atténuation du paragraphe 1, pour les séjours spécifiques mentionnés à l’article R. 227-1 du code de l’action sociale et des familles organisés par une fédération sportive titulaire de l’agrément prévu à l’article L. 131-8 du code du sport dont l’objet est la pratique de l’alpinisme, de l’escalade, de la randonnée pédestre, des raquettes à neige ou du ski, la durée du séjour peut être portée à un maximum de cinq nuitées  » ; que l’association Fédération française des clubs alpins et de montagne, l’association UCPA Sport vacances, l’association En passant par la montagne et l’Association des gardiens de refuges des Hautes-Alpes demandent l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ;

Sur la requête en tant qu’elle émane de l’Association des gardiens de refuge des Hautes-Alpes :

3. Considérant que l’Association des gardiens de refuge des Hautes-Alpes déclare se désister des conclusions de la requête ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s’oppose à ce qu’il en soit donné acte ;

Sur la requête en tant qu’elle émane des autres associations :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Considérant que l’arrêté attaqué a pour objet de fixer des règles particulières de prévention des risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public, applicables aux refuges de montagne lorsqu’ils accueillent des groupes de mineurs qui y séjournent en dehors d’un cadre familial ; que le ministre de l’intérieur était habilité par les dispositions combinées des articles R*. 123-3 et R*. 123-12 du code de la construction et de l’habitation à édicter seul de telles dispositions ; que le moyen tiré de ce que l’arrêté devait être co-signé par d’autres ministres doit, par suite, être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant, en premier lieu, que l’arrêté attaqué énonce en des termes suffisamment clairs et précis les règles de sécurité applicables à l’accueil dans les refuges des groupes de mineurs non accompagnés de leurs parents ; qu’en particulier, contrairement à ce que soutiennent les associations, il a pu se référer sans en donner une définition aux notions de  » situation d’enneigement  » et de  » colonne de secours  » ; que le moyen tiré d’une méconnaissance de l’objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la norme ne saurait, par suite, être accueilli ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l’article R*. 123-12 du code de la construction et de l’habitation permettent au ministre de l’intérieur de fixer des règles de sécurité relatives non seulement à la construction et à l’équipement des établissements recevant du public mais aussi aux conditions d’exploitation de ces établissements ; que, compte tenu de la spécificité des refuges de montagne au regard tant des risques d’incendie que de l’exposition et de la vulnérabilité particulières à ces risques des groupes de mineurs susceptibles d’y séjourner en dehors d’un cadre familial, le ministre a pu légalement fixer des règles particulières relatives aux conditions auxquelles les refuges doivent satisfaire pour accueillir de tels groupes ainsi qu’aux modalités de cet accueil ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les prescriptions de l’arrêté, notamment celles qui subordonnent l’hébergement des groupes de mineurs, en situation d’enneigement, à une exigence d’accessibilité par les secours qui varie selon que le refuge est ou non doté d’un espace clos pouvant servir d’abri en cas d’incendie, présenteraient un caractère excessif ; que le ministre a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, poser des règles uniformes quel que soit l’âge des mineurs ; que la circonstance que les règles fixées par l’arrêté, qui sont justifiées au regard de cet objectif, sont susceptibles d’avoir une incidence sur la liberté de circuler en zone de montagne n’est pas de nature à les entacher d’illégalité ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que l’arrêté méconnaîtrait l’objectif de sécurité juridique, faute notamment de comporter des dispositions transitoires, n’est pas assorti de précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

9. Mais considérant, en dernier lieu, que le ministre ne justifie pas, au regard de l’objectif de prévention des risques d’incendie poursuivi par l’arrêté litigieux, de la nécessité de limiter la durée de l’hébergement dans les refuges des groupes de mineurs y séjournant hors d’un cadre familial ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a seulement lieu d’annuler l’arrêté attaqué en tant qu’il limite l’hébergement dans les refuges des groupes de mineurs y séjournant hors d’un cadre familial à deux nuitées consécutives, pouvant être portées à cinq pour certains séjours sportifs ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, mettre à la charge de l’Etat, en application de ces dispositions, le versement de la somme de 1 500 euros chacune à l’association Fédération française des clubs alpins et de montagne, à l’association UCPA Sport Vacances et à l’association En passant par la montagne ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Il est donné acte du désistement de l’Association des gardiens de refuge des Hautes-Alpes.

Article 2 : L’arrêté du 20 octobre 2014 du ministre de l’intérieur portant modification du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public est annulé en tant que son article 1 introduit au §1 de l’article REF 7 de l’arrêté du 25 juin 1980 modifié portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public les mots  » – la durée du séjour dans un même refuge ne peut dépasser deux nuitées consécutives  » et en tant qu’il introduit au même article un §4.

Article 3 : L’Etat versera la somme de 1 500 euros chacune à l’association Fédération française des clubs alpins et de montagne, à l’association UCPA Sport Vacances et à l’association En passant par la montagne au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’association Fédération française des clubs alpins et de montagne, à l’association UCPA Sport Vacances, à l’association En passant par la montagne, à l’Association des gardiens de refuges des Hautes-Alpes et au ministre de l’intérieur.

Recyclage des guides: pas d’atteinte à la concurrence (selon le Conseil d’Etat)

Conseil d’État

n° 390574, n° 390594

Inédit au recueil Lebon
4ème et 5ème chambres réunies
Mme Tiphaine Pinault, rapporteur
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats

lecture du lundi 27 mars 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er juin et 19 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Syndicat interprofessionnel de la montagne demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 11 mars 2015 du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes d’accompagnateurs en moyenne montagne.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code du sport ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Syndicat interprofessionnel de la montagne ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 212-1 du code du sport :  » I. – Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants (…) les titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée  » ; que l’article L. 212-2 du même code prévoit que, lorsque ces activités d’enseignement, d’animation ou d’encadrement s’exercent dans un environnement impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, le diplôme permettant son exercice  » est délivré par l’autorité administrative dans le cadre d’une formation coordonnée par les services du ministre chargé des sports et assurée par des établissements relevant de son contrôle pour les activités considérées  » ; qu’à ce titre, l’article R. 212-7 du même code mentionne, au nombre des activités impliquant le respect de mesures de sécurité particulières,  » le ski, l’alpinisme et leurs activités assimilées  » ; qu’enfin, l’article R. 212-9 dispose que :  » L’arrêté du ministre créant (…) la spécialité du diplôme relative à l’une des activités prévues à l’article R. 212-7 (…) comporte : 1° Le programme de formation et les modalités d’évaluation (…)/ Cet arrêté précise les éléments du programme ou des activités qui ne peuvent être délégués à d’autres établissements ou organismes de formation [que ceux placés sous sa tutelle]  » ;

2. Considérant que, pour l’application de ces dernières dispositions, l’arrêté attaqué du 11 mars 2015 du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports a fixé les modalités d’organisation d’une formation continue dite  » de recyclage  » à laquelle doivent se soumettre les titulaires du diplôme d’accompagnateur en moyenne montagne, du brevet d’Etat d’alpinisme et du diplôme d’Etat d’alpinisme-accompagnateur de moyenne montagne ; que cet arrêté dispose notamment que, si cette formation incombe à l’Ecole nationale des sports de montagne, placée sous la tutelle du ministre chargé des sports, elle peut également être organisée par un ou plusieurs organismes de formation ayant passé convention avec cette école, suivant un cahier des charges établi par celle-ci ; que le même arrêté fixe, dans son annexe, le  » cadre général  » imposé à ce cahier des charges ;

3. Considérant que la requête du syndicat interprofessionnel de la montagne doit être regardée comme demandant l’annulation de l’arrêté du 11 mars 2015 en tant seulement qu’il fixe ce  » cadre général « , applicable, ainsi qu’il vient d’être dit, au futur cahier des charges auquel les organismes de formation devront satisfaire pour être retenus par l’Ecole nationale des sports de montagne, si cette dernière décide de déléguer tout ou partie de l’organisation de la formation  » de recyclage  » dont elle a la charge ;

Sur les moyens tirés de la méconnaissance de la liberté du commerce et de l’industrie et des règles de la concurrence :

4. Considérant que lorsque l’exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d’affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures envisagées aient pour objectif la protection de l’ordre ou de la sécurité publique n’exonère pas l’autorité compétente de l’obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l’industrie et les règles de concurrence ; qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir d’apprécier la légalité de ces mesures en recherchant si elles ont été prises en tenant compte de l’ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application ;

5. Considérant, en premier lieu, que si le  » cadre général  » du cahier des charges annexé à l’arrêté du 11 mars 2015 prévoit que les organismes de formation devront :  » inscrire leur objet, à titre principal, dans le champ des activités professionnelles des accompagnateurs en moyenne montagne : expérience dans le domaine des métiers de la montagne « , ces dispositions, qui ne sauraient avoir légalement pour effet de limiter la contractualisation aux seuls organismes de formation qui consacrent l’essentiel de leur activité aux métiers de la montagne, doivent être regardées comme ayant seulement pour objet d’exiger des organismes susceptibles d’être conventionnés que, pour la part de leur activité de formation qui s’adresse aux accompagnateurs en moyenne montagne, ils dispensent, à titre principal, des formations visant à acquérir de l’expérience dans les métiers de la montagne ; que le syndicat requérant n’est, par suite, pas fondé à soutenir que cette mesure ne serait pas nécessaire et proportionnée à l’objectif de sécurité dans la pratique des sports de montagne ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que le même  » cadre général  » prévoit que les organismes de formation devront :  » présenter les garanties structurelles et financières permettant d’assurer en toutes circonstances le bon déroulement des sessions : capacité de gestion administrative de plusieurs centaines de dossiers par an, capacité financière permettant de faire face à l’irrégularité des flux de formation (…)  » ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’eu égard au nombre important de formations de  » recyclage  » à assurer chaque année et compte tenu de la nécessité de pouvoir le cas échéant confier ces formations à un seul des organismes susceptibles d’être retenus, soit à des fins de commodité d’organisation, soit en raison de la défaillance d’un ou de plusieurs organismes initialement choisis, ces conditions doivent, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, être regardées comme nécessaires et proportionnées à l’objectif visant à assurer, dans des conditions suffisantes de continuité et de sécurité, les formations en cause ;

7. Considérant, enfin, qu’il ressort également des pièces du dossier qu’en exigeant des organismes de formation une  » capacité à autofinancer l’ingénierie de formation et l’ingénierie pédagogique « , le  » cadre général  » litigieux a, eu égard aux exigences de bon fonctionnement du dispositif de  » recyclage  » et alors même que, ainsi que le soutient le syndicat requérant, les formations feraient en principe l’objet d’une avance de paiement par leurs bénéficiaires, fixé une obligation qui doit, pour les raisons déjà mentionnées de continuité et de sécurité du processus de  » recyclage « , être regardée comme nécessaire et proportionnée aux objectifs poursuivis ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que le  » cadre général  » porterait, en raison des exigences qu’il fait peser sur les organismes de formation susceptibles d’être sélectionnés, une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l’industrie et au principe d’égalité devant la commande publique, ou qu’il méconnaîtrait les règles de la concurrence en favorisant la constitution d’un monopole au profit d’un opérateur particulier, ne peuvent qu’être écartés ;

Sur les autres moyens de la requête :

9. Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés de ce que le  » cadre général  » du cahier des charges annexé à l’arrêté méconnaîtrait le principe de neutralité du service public, ainsi qu’un principe de  » transparence  » des services publics, ne sont, en tout état de cause, pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que le  » cadre général  » litigieux n’est relatif ni à l’enseignement ni à la scolarité ; qu’ainsi, les moyens tirés de ce qu’il porterait atteinte aux principes de gratuité et de neutralité de l’enseignement ne sauraient être utilement invoqués ;

11. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat interprofessionnel de la montagne n’est pas fondé à demander l’annulation du  » cadre général  » du cahier des charges annexé à l’arrêté du 11 mars 2015 ; que sa requête doit, par suite, être rejetée ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : La requête du Syndicat interprofessionnel de la montagne est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat interprofessionnel de la montagne et au ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

Accident dans un Snow Park/ Charge de la preuve/ Faute de l’exploitant (non)

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 8 février 2017
N° de pourvoi: 15-28025
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Gadiou et Chevallier, avocat(s)

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 1er octobre 2015), que, le 2 mars 2004, M. Benjamin X… a été victime d’un accident de snowboard sur le domaine skiable de Val-Cenis, en chutant sur le dos à la réception d’un saut sur une bosse aménagée dans un snow-park ; que les blessures subies ont entraîné sa paraplégie ; que M. Benjamin X… et sa proche famille, M. François X…, Mme Y…, épouse X…, Mme Malorie X…, Mme Sylvaine X… et M. Baptiste X… ont assigné le Syndicat intercommunal des remontées mécaniques et des pistes de Val-Cenis afin d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices ;

Attendu que les consorts X… font grief à l’arrêt de rejeter l’ensemble de leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d’appel a relevé que le module, cause de l’accident, était « gelé », avec « des petits amas de glace et certaines excavations » ; qu’il résultait ainsi de ses propres constatations que la piste de snowboard était « anormalement » dangereuse puisqu’elle présentait un risque qui n’était pas inhérent à la pratique du snowboard lui-même et ne permettait pas de pratiquer le snowboard dans de bonnes conditions ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1147 du code civil ;

2°/ que l’exploitant d’une piste de ski a l’obligation d’anticiper les dangers éventuels en signalant le risque auquel s’exposent les usagers ; qu’en décidant que seul un danger indécelable par un skieur normalement prudent devait être interdit ou signalé par l’exploitant de la piste, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

3°/ qu’en se bornant à retenir que la pente de la piste d’impulsion était visible, sans relever que le snowboarder était en mesure, sur le point de départ, de constater l’état de la piste gelée et les excavations au sommet de la zone d’impulsion, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

4°/ qu’après avoir constaté que le module, cause de l’accident, était « gelé », avec « des petits amas de glace et certaines excavations », la cour d’appel a exclu toute faute du syndicat motif pris de ce que ces circonstances « ne caractérisent pas un danger anormal ou excessif empêchant de franchir cet obstacle » ; qu’en se bornant, ainsi, à constater que l’exploitant n’était pas tenu de condamner l’accès à ce module, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si ces défauts de la piste n’auraient pas dû, à tout le moins, être signalés par l’exploitant à l’attention des usagers, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

5°/ qu’il résultait tant du rapport de l’expert de la MAIF que de l’attestation de M. Z… que le module à l’origine de l’accident avait été condamné dès le lendemain ; qu’il ne s’agissait donc pas là de la mise en place d’une simple signalisation destinée à « inciter les usagers à redoubler de prudence » ; qu’en se déterminant pourtant de la sorte, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et a, derechef, privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

6°/ que la signalisation à l’entrée du snow-park afférente seulement aux risques de la pratique en général n’était pas de nature à alerter les snowboarders sur l’état de la neige (durcie et gelée) et sur l’existence d’excavations sur la piste d’impulsion ; qu’en conséquence, la cour d’appel, en retenant l’existence d’une telle signalisation, s’est encore déterminée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d’abord, qu’ayant estimé que les témoignages faisant état d’une piste gelée, de petits amas de glace et de certaines excavations constituaient des observations imprécises qui ne caractérisaient pas un danger anormal ou excessif empêchant de franchir l’obstacle aménagé, la cour d’appel en a souverainement déduit qu’ils n’étaient pas susceptibles de démontrer une faute de l’exploitant ;

Attendu, ensuite, qu’en énonçant qu’il appartenait à la victime de démontrer qu’au jour de l’accident, le module de saut était si dangereux que l’exploitant aurait dû l’interdire et le signaler, et après avoir rappelé que le snow-park était délimité et particulièrement signalé par un panneau entouré de deux triangles contenant un point d’exclamation pour signaler le danger, la mention du mot « attention » et les mots suivants : « L’utilisation du snow-park présente des risques / Sachez évaluer votre niveau », et qu’à l’époque de l’accident, il n’existait pas de normes de référence, la cour d’appel n’a fait que rappeler à qui incombait la charge de la preuve ;

Attendu, enfin, que la cour d’appel a relevé, en premier lieu, que la pente de la piste d’impulsion était visible et que la preuve n’était donc pas rapportée d’un danger manifeste qui serait résulté d’une trop forte pente de cette piste, imprévisible pour un skieur averti ; qu’elle a énoncé, en deuxième lieu, que la mise en place d’une signalisation, après l’accident, ne pouvait être interprétée comme une reconnaissance de responsabilité ni comme un aveu du caractère anormalement dangereux de l’obstacle aménagé ; qu’elle a estimé, en dernier lieu, que les observations relatives à l’état de la neige sur le module de saut étaient imprécises et ne caractérisaient pas un danger anormal ou excessif ; que, par ces constatations et appréciations souveraines, et sans être tenue de procéder à la recherche prétendument omise, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en ses cinquième et sixième branches, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Benjamin X…, M. François X…, Mme Y…, épouse X…, Mme Malorie X…, Mme Sylvaine X… et M. Baptiste X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-sept.

RTM/ Prérogatives de puissance publique (non)/ Effet attractif des travaux publics (non!)/Contentieux judiciaire (oui)

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 1 mars 2017
N° de pourvoi: 15-28664
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Balat, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP de Nervo et Poupet, avocat(s)

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 23 septembre 2015), que M. X… est propriétaire d’un terrain bâti, lequel est surplombé par un massif forestier montagneux dépendant du domaine privé de l’Etat et géré par l’Office national des forêts (l’ONF) ; qu’un glissement de terrain accompagné de coulées de boues ayant provoqué le déversement de 4 500 m³ de matériaux pierreux sur sa parcelle, il a saisi le juge des référés aux fins d’obtenir la désignation d’un expert et le paiement d’une provision à valoir sur la réparation de son préjudice ; que l’ONF et l’Agent judiciaire de l’Etat ont soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative ;

Attendu que l’ONF, d’une part, et l’Agent judiciaire de l’Etat, d’autre part, font grief à l’arrêt de rejeter cette exception et d’ordonner une mesure d’expertise, alors, selon le moyen :

1°/ que la réparation de dommages de travaux publics relève de la compétence des juridictions administratives ; que la responsabilité de l’État, susceptible d’être engagée à raison de l’absence de travaux de stabilisation des terrains de montagne (dans le cadre des dispositions du code forestier relatives à la restauration des terrains en montagne) devant être effectués, non pas à des fins de gestion domaniale mais dans un but d’intérêt général de prévention des risques naturels, relève de la responsabilité pour dommages de travaux publics ; que, dès lors, les demandes aux fins de voir ordonner une mesure d’expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et de condamnation solidaire de l’ONF et de l’État à payer une provision de 50 000 euros à raison d’un glissement de terrain de montagne relèvent de la compétence des juridictions de l’ordre administratif ; qu’en retenant, cependant, sa compétence, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives ;

2°/ que c’est à l’ensemble du litige et à toutes les parties concernées que s’appliquent les règles de la responsabilité en matière de travaux publics, en sorte que ne peut être admise une responsabilité alternative qui permettrait de rechercher la responsabilité de l’ONF devant le juge judiciaire à raison de la prétendue existence de troubles de voisinage ; qu’en écartant la responsabilité pour dommages de travaux public pour retenir la responsabilité de l’ONF pour troubles de voisinage à raison de ses activités d’établissement public et commercial sans mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives ;

3°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droits qui lui sont applicables ; qu’il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu’en refusant de rechercher si la responsabilité de l’Etat et de l’ONF pouvait être engagée sur le fondement de l’existence de dommages de travaux public au motif que le demandeur avait fondé son action sur le régime de la responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage, la cour d’appel, qui s’est arrêtée à la dénomination des faits et actes litigieux proposée par le demandeur à l’action, a méconnu son office et violé les dispositions de l’article 12 du code de procédure civile ;

4°/ que l’ONF faisait valoir que l’absence de travaux ou d’ouvrages destinés, dans le cadre des dispositions du code forestier relatives à la restauration des terrains en montagne, à prévenir les glissements de terrain, relevait de la responsabilité pour dommages de travaux publics ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la réparation des dommages de travaux publics relève de la compétence du juge administratif ; qu’en l’espèce, des travaux de stabilisation des terrains de montagne dont la réalisation permettaient d’éviter les éboulements provenant d’une forêt domaniale ne revêtaient pas la qualification de travaux de gestion patrimoniale de la forêt mais de travaux à visée d’utilité générale en ce qu’ils poursuivaient un objectif de sécurité publique, à savoir la prévention des risques naturels, de sorte qu’ils relevaient de la responsabilité pour dommages de travaux publics et donc du juge administratif ; qu’en retenant, néanmoins, sa compétence, la cour d’appel a violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires et excédé ses pouvoirs ;

6°/ que les règles de la responsabilité du fait des dommages de travaux publics ont vocation à s’appliquer à l’ensemble du litige à l’exclusion de tout autre régime de responsabilité ; qu’en retenant que l’Agent judiciaire de l’Etat et l’ONF étaient susceptibles d’engager leur responsabilité sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage pour retenir la compétence du juge judiciaire, la cour d’appel a une nouvelle fois violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires et a excédé ses pouvoirs ;

7°/ que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans être lié par la dénomination ou la qualification des demandes données par les parties ; qu’en s’estimant lié par la demande de M. X… fondée sur la théorie des troubles anormaux du voisinage, sans rechercher si la responsabilité de l’Etat et de l’ONF pouvait être engagée sur le fondement de l’existence de dommages de travaux public, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, lorsqu’un établissement public tient de la loi la qualité d’établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l’exception des litiges relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent, par leur nature, de prérogatives de puissance publique ; que, par des motifs non critiqués, l’arrêt retient que les missions confiées par l’Etat à l’ONF, en vue de la restauration des terrains de montagne, n’impliquent pas la mise en oeuvre, par ce dernier, de prérogatives de puissance publique ; que, l’attribution à cet établissement public industriel et commercial de telles prérogatives étant seule de nature à justifier la compétence de la juridiction administrative, c’est sans excéder ses pouvoirs ni méconnaître son office que la cour d’appel, qui n’avait pas à répondre à un moyen inopérant, en a déduit que la juridiction judiciaire était compétente pour connaître du litige ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne l’Office national des forêts et l’Agent judiciaire de l’Etat aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de l’Office national des forêts et de l’Agent judiciaire de l’Etat et condamne l’Office national des forêts à payer à M. X… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille dix-sept.

Accident en SAE – Obligation de sécurité (exploitant) – Faute d’imprudence (victime)

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 25 janvier 2017
N° de pourvoi: 16-11953
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 10 décembre 2015), que, le 21 mai 2008, alors qu’elle venait de descendre la paroi d’un mur artificiel dans une salle d’escalade exploitée par la société M’Roc, assurée par la société Gras Savoye et aux droits de laquelle vient la société Climb Up Arkose, Mme X…a été heurtée par un autre grimpeur, M. Y…, assuré auprès de la société Filia MAIF ; qu’ayant subi une fracture lombaire avec tassement vertébral, elle a assigné la société M’Roc et M. Y… ainsi que leurs assureurs respectifs, en réparation de son préjudice avec désignation préalable d’un expert médical, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône ayant été régulièrement appelée dans la cause ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes formées à l’encontre de la société M’Roc, alors, selon le moyen :

1°/ que l’exploitant d’une salle d’escalade manque à son obligation de sécurité de moyens à l’égard de ses clients en mettant à leur disposition des locaux ou des installations dont la configuration ou l’aménagement les rendent dangereux ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que la salle de pan, où est exercée une activité d’escalade de bloc sans baudriers et sans assurance des grimpeurs, et qui est équipée de prises permettant à ces derniers d’évoluer tant sur les côtés qu’au plafond, ne comporte aucune zone de réception des grimpeurs pouvant être identifiée par avance et matérialisée au sol, de sorte que les clients ne disposent d’aucune voie de circulation sécurisée qui, ne se trouvant pas sous des prises, leur permettrait de se déplacer au sol sans risquer d’être heurtés et blessés lors de la chute ou du décrochage d’un grimpeur ; qu’en retenant, néanmoins, qu’il n’aurait pas été démontré que la configuration des lieux caractérisait un manquement de la société M’Roc, exploitant cette salle, à son obligation de sécurité, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1147 du code civil ;

2°/ qu’en se bornant à relever que « s’agissant d’une salle de pan d’une hauteur maximale de quatre mètres et d’une activité d’escalade bloc, sans assurance des grimpeurs et sans baudriers, les prises d’escalade installées dans la salle sur les parois et les plafonds permettent d’envisager la présence de grimpeurs tant sur les côtés qu’au plafond et qu’ainsi aucune zone de réception n’est identifiable à l’avance et matérialisable au sol », sans rechercher, comme il le lui était demandé, s’il ne résultait pas des photographies des lieux que la disposition des salles ne permettait pas aux sportifs de se déplacer et de les quitter en toute sécurité, sans risquer d’être heurtés par un grimpeur en cas de décrochage, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

3°/ que l’exploitant d’une salle d’escalade doit surveiller l’activité de ses utilisateurs ; qu’en se bornant à relever, par un motif inopérant, qu’il n’était pas établi que d’autres grimpeurs se trouvaient dans la salle au moment de l’accident et que ces derniers auraient gêné Mme X… lorsqu’elle a été heurtée par M. Y…, pour dire qu’aucun défaut de surveillance n’aurait pu être retenu en l’espèce, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, de fait, la société M’Roc ne s’était pas abstenue d’exercer la moindre surveillance de l’activité, lors de l’accident, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu’après avoir exactement énoncé que l’obligation contractuelle de sécurité de l’exploitant d’une salle d’escalade est une obligation de moyens dans la mesure où la pratique de l’escalade implique un rôle actif de chaque participant, l’arrêt constate, d’une part, que le règlement intérieur de la salle d’escalade exploitée par la société M’Roc, conforme aux règles de sécurité applicables en matière d’escalade en salle et sur structure artificielle, dont Mme X… ne conteste pas avoir eu connaissance, informait clairement celle-ci de l’interdiction de se tenir au sol sous un grimpeur, d’autre part, qu’il n’est pas établi qu’au moment de l’accident, d’autres grimpeurs se trouvaient dans la salle qui auraient gêné Mme X… pour s’éloigner de la paroi où se trouvait encore M. Y… avant de décrocher ; que l’arrêt relève, également, qu’aucun élément du dossier ne permet de démontrer que M. Y… n’aurait pas suffisamment vérifié la disponibilité de la zone de réception avant de décrocher, alors même que le grimpeur qui décroche est prioritaire ;

Qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de s’expliquer sur chacun des éléments de preuve versés au débat, a pu retenir que l’accident ne résultait ni de la configuration des lieux ni d’un quelconque manquement de la société M’Roc à son obligation de sécurité, mais était la conséquence de la faute d’imprudence de la victime ; qu’elle a, ainsi, justifié légalement sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-sept.

Sorties scolaires à ski – Rôle de l’accompagnateur – Responsabilité

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 11 janvier 2017
N° de pourvoi: 16-10479
Non publié au bulletin Cassation

Mme Batut (président), président
SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1147, devenu 1231-1 du code civil, et l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 23 février 2009, alors qu’il participait à une sortie de ski en groupe organisée par la Ligue de l’enseignement (la Ligue), et encadrée par M. X…, directeur du centre de loisirs, Julien Y…, né le 5 août 1991, a été gravement blessé à la tête, après avoir effectué un saut de plusieurs mètres au cours duquel il a perdu l’équilibre ; que M. Y… et sa mère, Mme Marie-Claude Y…, celle-ci agissant en qualité de curatrice, ont assigné M. X…, la Ligue, son assureur la MAIF, la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix et la MACIF, leur propre assureur, aux fins de voir déclarer la Ligue responsable de l’accident et obtenir réparation ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de M. Y…, l’arrêt retient, d’abord, qu’il résulte de l’enquête effectuée par la gendarmerie, que M. X… a donné, aux participants de la sortie de ski, des consignes de déplacement précises et adaptées, tenant compte à la fois de la visibilité du point d’arrivée et de leur qualité de skieurs confirmés, ensuite, qu’il ne peut être reproché à l’accompagnateur de ne pas s’être placé en tête du groupe, son rôle n’étant pas assimilable à celui d’un professeur de ski, et, enfin, que sa position en arrière du groupe lui permettait d’assurer une surveillance efficace sur l’ensemble des jeunes et de pouvoir leur venir en aide en cas de difficulté ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions des consorts Y…, si l’accompagnateur avait mis en garde l’adolescent sur la qualité de la neige et le relief du terrain, qui présentait, selon lui, un changement brutal de profil, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 novembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens ;

Condamne la Ligue de l’enseignement et la MAIFaux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. Y… et Mme Y…, ès qualités, la somme globale de 3 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.

Constitutionnalité de la servitude Montagne

Conseil d’État

N° 404348

ECLI:FR:CECHR:2016:404348.20161230

Inédit au recueil Lebon

2ème – 7ème chambres réunies

Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur

Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public

lecture du vendredi 30 décembre 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Mme A…B…, à l’appui de sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 24 mars 2014 du préfet de la Haute-Savoie portant institution d’une servitude au titre du code du tourisme pour le domaine skiable Les Houches-Saint-Gervais, a produit un mémoire, enregistré le 14 septembre 2016 au greffe du tribunal administratif, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 342-18 à L. 342-26 du code du tourisme.

Par une ordonnance n° 1407377 du 7 octobre 2016, enregistrée le 11 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble, avant qu’il soit statué sur la demande de MmeB…, a décidé, par application des dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

– le code de l’environnement ;

– le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

– le code du tourisme, notamment ses articles L. 342-18 à L. 342-26 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 décembre 2016, présentée par Mme B… ;

1. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’Etat a transmis à ce dernier, en application de l’article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d’une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, Mme B…demande que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 342-18 à L. 342-26 du code du tourisme permettant l’institution de servitudes sur les propriétés privées ou faisant partie du domaine privé d’une collectivité publique, au profit de la commune, du groupement de communes, du département ou du syndicat mixte concerné, afin d’assurer, selon les termes de l’article L. 342-20,  » le passage, l’aménagement et l’équipement des pistes de ski et des sites nordiques destinés à accueillir des loisirs de neige non motorisés organisés, le survol des terrains où doivent être implantées des remontées mécaniques, l’implantation des supports de lignes dont l’emprise au sol est inférieure à quatre mètres carrés, le passage des pistes de montée, les accès nécessaires à l’implantation, l’entretien et la protection des pistes et des installations de remontée mécanique, et, lorsque la situation géographique le nécessite, les accès aux sites d’alpinisme, d’escalade en zone de montagne et de sports de nature (…) ainsi que les accès aux refuges de montagne  » ; qu’elle soutient que ces dispositions législatives porteraient une atteinte inconstitutionnelle au droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée, en particulier l’inviolabilité du domicile, protégé par l’article 2 de la Déclaration, le principe constitutionnel d’égalité et l’article 7 de la Charte de l’environnement ;

3. Considérant toutefois, en premier lieu, que les dispositions contestées, qui se bornent à permettre l’institution de servitudes, n’ont ni pour objet ni pour effet d’autoriser une quelconque dépossession ; qu’elles n’entrent pas, dès lors, dans le champ de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions contestées sont justifiées par un motif d’intérêt général tenant à l’exercice et au développement des sports de nature et de montagne énumérés à l’article L. 342-20 du code du tourisme ; que l’objet des servitudes dont ces dispositions permettent l’institution est défini avec précision par la loi ; que l’article L. 342-22 de ce code impose que la décision instituant la servitude détermine sa consistance et notamment son tracé, sa largeur, les périodes de l’année pendant lesquelles, compte tenu de l’enneigement et du cours des travaux agricoles, la servitude s’applique partiellement ou totalement ; que l’article L. 342-18 subordonne l’établissement de la servitude, pour ce qui concerne la pratique des sports autres que le ski de fond ou l’accès aux sites d’alpinisme, d’escalade ou de sports de nature, à la délimitation préalable des secteurs visés par les plans locaux d’urbanisme ; que les dispositions contestées prévoient que la servitude est créée par une décision motivée de l’autorité administrative sur proposition de la commune, de l’établissement de coopération intercommunale ou du département, après une enquête parcellaire, effectuée comme en matière d’expropriation, dans le cadre de laquelle le dossier de la servitude est tenu à disposition du public pendant un mois, ainsi que, le cas échéant, lorsque la servitude ne peut être établie qu’à l’intérieur des zones et secteurs délimités dans les plans locaux d’urbanisme, après la procédure préalable à l’adoption, à la révision ou à la modification de ces plans ; qu’en cas d’opposition du conseil municipal d’une commune, la loi précise que la servitude ne peut être établie que par décret en Conseil d’Etat ; que les dispositions du code du tourisme interdisent aux servitudes de grever les terrains situés à moins de vingt mètres des bâtiments à usage d’habitation, sauf exceptions dûment justifiées par la configuration des lieux ; qu’enfin, selon l’article L. 342-24, la servitude ouvre droit à indemnité s’il en résulte pour le propriétaire du terrain ou l’exploitant un préjudice direct, matériel et certain ; qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions des articles L. 342-18 à L. 342-26 du code du tourisme, qui répondent à un motif d’intérêt général, sont assorties de garanties suffisantes et ne portent pas d’atteinte disproportionnée au droit de propriété protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

5. Considérant, en troisième lieu, que le droit au respect de la vie privée, et en particulier de l’inviolabilité du domicile, protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne s’oppose pas à l’institution des servitudes prévues par les articles L. 342-18 à L. 342-26 du code du tourisme, lesquelles n’ont ni pour objet ni pour effet de permettre de mettre en cause l’inviolabilité du domicile ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; qu’au regard de l’objet des dispositions contestées, le législateur a pu, tenant compte des différences de situation, permettre que la règle interdisant qu’une servitude grève un terrain situé à moins de vingt mètres des bâtiments à usage d’habitation ne trouve pas à s’appliquer dans les situations mentionnées aux alinéas 2 à 4 de l’article L. 342-23 du code du tourisme, lorsque l’existence des bâtiments en cause est postérieure à l’existence effective de la piste ou des équipements, lorsque l’existence effective de la piste ou des équipements est antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux et lorsque l’institution de la servitude est le seul moyen d’assurer la réalisation des pistes, des équipements ou des accès visés à l’article L. 342-20 ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel d’égalité ne peut, par suite, qu’être écarté ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement :  » Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement  » ; que les décisions établissant des servitudes en application des dispositions contestées sont prises, ainsi qu’il a été dit, après enquête parcellaire effectuée comme en matière d’utilité publique, c’est-à-dire, ainsi que le prévoient les articles R. 131-4 et R.131-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, après le recueil des observations du public et après notification individuelle aux propriétaires concernés du dépôt du dossier en mairie ; que les décisions prises en application des dispositions contestées sont en outre précédées des procédures préalables à l’établissement, la révision ou la modification des plan locaux d’urbanisme prévoyant les zones et secteurs dans lesquels les servitudes peuvent être établies, à chaque fois que l’institution de la servitude requiert au préalable la délimitation des secteurs correspondants au plan local d’urbanisme ; que ces procédures garantissent la participation du public à l’élaboration des décisions concernées ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 7 de la Charte de l’environnement doit être écarté ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la question de la conformité à la Constitution des articles L. 342-18 à L. 342-26 du code du tourisme, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu’il n’y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Grenoble.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A…B…, au syndicat intercommunal unique du domaine skiable Les Houches-Saint-Gervais et au ministre de l’intérieur.

Protection des lacs de montagne – Illégalité d’un projet d’hôtel de luxe (Tignes)

CAA de LYON

N° 14LY03771   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
M. Juan SEGADO, rapporteur
M. VALLECCHIA, rapporteur public
SCP VOVAN & ASSOCIES, avocat

lecture du mardi 15 novembre 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association Vivre en Tarentaise, l’association Mouvement Homme et nature, la Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature comité Savoie, dite FRAPNA Savoie, et l’association Mountain Wilderness ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 par lequel le préfet de la Savoie a autorisé la création d’une unité touristique nouvelle pour la construction d’un hôtel à Tignes, ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique adressé le 13 janvier 2012 au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Par un jugement n° 1202589 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions, a mis à la charge de l’Etat le versement d’une somme globale de 1 500 euros à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions de la commune de Tignes présentées sur le fondement de ces dispositions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2014, la commune de Tignes, représentée par la Selarl Vovan et associés, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 octobre 2014 ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par l’association Vivre en Tarentaise, la FRAPNA Savoie et l’association Mountain Wilderness devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de ces associations une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la demande présentée devant le tribunal était irrecevable dès lors que les trois associations n’avaient pas d’intérêt pour agir contre l’arrêté contesté ;
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, le projet n’a pas méconnu les dispositions de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant ses effets sur les milieux naturels dès lors que la présentation de ces effets a été suffisante, que le projet n’a pas d’incidence sur les zones Natura 2000, qu’il est suffisamment précis en ce qui concerne la capacité de traitement de la station d’épuration et les mesures compensatoires envisagées, ainsi qu’en ce qui concerne les mesures préconisées pour supprimer ou compenser les effets prévisibles du projet sur les milieux naturels ;
– c’est à tort que le tribunal a estimé que le projet a méconnu les dispositions de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant ses effets prévisibles sur les paysages dès lors que l’impact paysager du projet a été envisagé par le dossier et ceci de manière détaillée ;
– l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme n’a pas été méconnu contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges dès lors que les berges du lac sur lesquelles l’établissement hôtelier sera édifié ne peuvent aucunement être qualifiées de rives naturelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, l’association Vivre en Tarentaise, la FRAPNA Savoie et l’association Mountain Wilderness, représentées par Me A…, concluent au rejet de la requête et demandent qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Tignes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :
– elles ont intérêt pour agir contre l’arrêté autorisant la création d’une unité touristique nouvelle à Tignes ;
– l’arrêté a été signé par une autorité incompétente dès lors que la surface réelle du projet dépasse les 12 000 m² et qu’en vertu des articles L. 145-11 I et R. 145-2 du code de l’urbanisme le préfet coordonnateur du massif était compétent ;
– la présentation des caractéristiques principales du projet méconnaît les dispositions du 2° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme compte tenu des erreurs et contradictions qu’elle contient ;
– la présentation de l’état des milieux naturels, des pays et du site et de son environnement méconnaît les dispositions du 1° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme ;
– les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant la présentation des effets prévisibles du projet sur les milieux naturels, ainsi que les mesures de suppression, compensatoires et de réhabilitation à prévoir à ce sujet et l’estimation de leur coût, ont été méconnues ; le projet ne propose ainsi aucune mesure concrète destinée à sauvegarder les espèces protégées, omet de présenter les effets du projet sur la zone humide du delta du ruisseau du Plan actuellement vierge de toute construction, ne fait état d’aucune disposition prise pour se conformer à la règlementation en matière de qualité des eaux ;
– les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant la présentation des effets prévisibles du projet sur les paysages, ainsi que les mesures de suppression, compensatoires et de réhabilitation à prévoir et l’estimation de leur coût ont été méconnues ;
– l’étude d’incidence sur l’état de conservation des sites Nature 2000 est absente du dossier en méconnaissance de l’article L. 414-4 du code de l’environnement et des articles R. 414-19 I 5° et R. 414-19 II, même si le projet se situe en dehors d’un site Natura 2000 ;
– les articles L. 145-3 et R. 146-3 1° du code de l’urbanisme ont été méconnus dès lors que le dossier omet de mentionner l’obtention récente d’une autorisation UTN aux Boisses pour 1 500 lits supplémentaires et qu’il ne prend pas en compte toutes les caractéristiques principales de l’économie locale ;
– l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme a été méconnu dès lors que le projet a été édifié dans la bande des 300 mètres à compter de la rive et que cette dernière est à l’état naturel ;

Par ordonnance du 16 décembre 2015 la clôture de l’instruction a été fixée au 5 janvier 2016, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Segado, premier conseiller,
– les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
– et les observations de Me B… pour la commune de Tignes, ainsi que celles de Me A… pour les associations Vivre en Tarentaise, FRAPNA Savoie et Mountain Wilderness.

1. Considérant que, par une délibération du 14 novembre 2011, la commune de Tignes a présenté au préfet de la Savoie une demande d’autorisation de création d’une unité touristique nouvelle en vue de la construction d’un ensemble hôtelier de luxe sur la rive sud du lac naturel de Tignes en zone AS1 (domaine skiable) du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Tignes, pour une surface de plancher de 11 856 m² ; que, par arrêté du 14 novembre 2011 le préfet de la Savoie a autorisé la création de cette unité touristique nouvelle ; que les associations Vivre en Tarentaise, Mouvement Homme et nature Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature comité Savoie, dite FRAPNA Savoie, et Mountain Wilderness ont formé, le 13 janvier 2012, un recours hiérarchique contre cette décision ; qu’une décision implicite de rejet est née à la suite du silence gardé par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur ce recours ; que ces associations ont alors demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler cet arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 et la décision implicite du ministre portant rejet de leur recours hiérarchique ; que, par un jugement du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a mis à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros aux associations demanderesses au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions de la commune de Tignes présentées au même titre ; que la commune de Tignes relève appel de ce jugement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Tignes à la demande de première instance :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 142-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de saisine du tribunal :  » Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 141-1 ainsi que les associations mentionnées à l’article L. 433-2 justifient d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément.  » ; que les associations FRAPNA Savoie et Mountain Wilderness sont toutes deux agréées, à l’échelle du département de la Savoie, pour la protection de l’environnement ; que la première, selon l’article 2 de ses statuts,  » a pour but la protection de la nature et de l’environnement dans le département de la Savoie en ce qui concerne notamment le patrimoine naturel (milieux et espèces vivantes), les sites urbanisés, industriels, agricoles, les paysages, etc… « , tandis que la seconde, dont l’agrément porte sur dix-sept départements de montagne comprenant le département de la Savoie, s’est fixé pour mission, définie par l’article 1er de ses statuts,  » de sauvegarder la montagne sous tous ses aspects  » ; que, contrairement à ce que soutient la commune de Tignes, l’objet social de ces deux associations n’est pas trop vague ou imprécis ; que la création d’une unité touristique nouvelle en vue de l’aménagement d’un hôtel dit  » d’exception  » d’une surface de plancher de 11 856 m², qui doit comporter près de cent chambres et des hauteurs maximales allant de R+3 à R+5 et qui est situé sur la rive sud du lac naturel de Tignes en zone de montagne et dans un site inscrit à l’inventaire des sites, ne peut être regardée comme dépourvue de rapport direct avec les objets statutaires de ces deux associations qui justifient ainsi d’un intérêt pour agir à l’encontre de l’arrêté autorisant une telle création ; que ces deux associations justifient ainsi d’un intérêt leur donnant qualité pour demander l’annulation de cet arrêté et de la décision rejetant leur recours hiérarchique contre cette autorisation ;

3. Considérant en second lieu, qu’aux termes l’article 2 de ses statuts, l’association Vivre en Tarentaise, association agréée, a pour objet de  » préserver et améliorer la qualité de vie en Tarentaise (arrondissement d’Albertville, Savoie), notamment par la protection des sites et milieux naturels (…), veiller au respect de l’environnement, du droit et de la légalité sous toutes ses formes » ; que le projet autorisé est susceptible, de par sa situation, ses caractéristiques et celles du site d’implantation et de par son importance, de porter atteinte à l’environnement naturel des lieux, situés dans l’arrondissement d’Albertville ; que, dès lors, l’association Vivre en Tarentaise justifie également d’un intérêt lui donnant qualité pour contester la légalité des décisions en litige devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité des décisions en litige :

4. Considérant que, pour annuler l’arrêté du préfet de la Savoie du 14 novembre 2011 et la décision implicite du ministre rejetant le recours hiérarchique, les premiers juges ont retenu une méconnaissance des dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme en raison d’une insuffisante prise en compte dans le dossier de demande d’autorisation de l’unité touristique nouvelle des effets du projet sur les milieux naturels et l’environnement, d’une formulation imprécise des mesures préconisées pour préserver ces milieux naturels et l’environnement et d’une insuffisante présentation des effets prévisibles du projet sur les paysages ; que le tribunal a également retenu une méconnaissance des dispositions de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme ; qu’il a, pour le surplus, jugé, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, que les autres moyens invoqués par les associations demanderesses ne sont pas susceptibles de conduire à l’annulation de ces décisions ;

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme :

S’agissant des insuffisances du dossier de présentation en ce qui concerne les effets sur le milieu naturel et l’environnement et les mesures préconisées :

5. Considérant qu’aux termes de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » La demande est accompagnée d’un dossier comportant un rapport et des documents graphiques précisant : / 1° L’état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l’historique de l’enneigement local, l’état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale ; / (…) 4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l’économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l’environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir, et l’estimation de leur coût ; (…)  » ;

6. Considérant que comme l’expose la commune requérante, et comme l’a d’ailleurs jugé le tribunal, le dossier de demande d’autorisation concernant la création d’un hôtel d’exception comporte de manière suffisamment précise et détaillée, un descriptif de l’état initial du site ; que ce dossier présente ainsi notamment l’état du paysage avant projet en identifiant tant les atouts que les faiblesses de ce paysage et en exposant un panorama de ses vues remarquables ; qu’il expose aussi l’état des milieux naturels en recensant des espèces remarquables à protéger à proximité du site, en rappelant l’existence d’espaces naturels remarquables (ZNIEFF et zone Natura 2000) situés dans un périmètre plus large, en identifiant deux sites sensibles qui devront faire l’objet d’une attention particulière concernant d’une part, l’embouchure du ruisseau du Plan du Lac et, d’autre part, les Berges du lac ; qu’il présente également la situation du site concernant l’hydrologie et la gestion de l’eau ; que la commune soutient que le dossier contient également, conformément aux dispositions précitées, des précisions suffisantes tant en ce qui concerne les effets sur les milieux naturels, l’eau, et le paysage, qu’en ce qui concerne les mesures préconisées pour y remédier ;

7. Considérant qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que, concernant les effets du projet sur les deux sites sensibles recensés et les espèces protégées, le dossier de demande se borne à faire état, sur une demi-page, de remarques très générales consistant, outre une description des nuisances temporaires liées aux travaux, à mentionner  » une augmentation de la pression urbaine et de l’artificialisation des abords de l’embouchure des berges « , sans expliciter notamment les conséquences de cette artificialisation pour le site ; qu’elle mentionne par ailleurs  » des impacts indirects potentiels sur la flore protégée à proximité  » en citant les trois espèces présentes dans le delta pouvant être ainsi impactées et une autre présente ponctuellement, sans préciser la nature et l’importance de ces impacts indirects ; que, les mesures préconisées pour  » garantir l’intégrité de l’embouchure et de la zone humide du delta  » et  » préserver l’interface naturelle des berges du lac  » sont insuffisamment précises, se bornant à prévoir la réalisation d’un inventaire de la flore et de la faune, avant les démarches règlementaires, qui devra préciser l’impact effectif sur les espèces patrimoniales, ou l’établissement d’un plan qualité environnement concernant notamment les enjeux écologiques et de préservation des eaux du lac ; que, ces éléments sont d’autant plus insuffisants que,comme le relève d’ailleurs l’avis du chef du service des eaux, environnement et forêt de la direction départementale des territoires de la Savoie, la question de la détermination de l’impact du projet sur le fonctionnement de l’alimentation de la zone humide de l’embouchure du ruisseau du plan du lac se posait et nécessitait une étude particulière ;

8. Considérant qu’en outre, concernant les effets et les mesures à prendre concernant la protection et la qualité de l’eau ainsi que l’assainissement évoqués dans le dossier, la commune fait valoir que ce dossier expose que les besoins en eau potable du futur hôtel  » devraient être compatibles avec la marge de captage de la station d’épuration  » en présentant les mesures destinées à limiter la consommation d’eau, tout en indiquant que les besoins en eau n’étaient pas définitivement mesurés à ce stade ; que, cependant, le dossier se borne à indiquer que les capacités du réseau et de la station d’épuration paraissent a priori suffisantes pour absorber les eaux usées générées par un hôtel de 250 à 300 lits touristiques, en relevant que ces rejets n’étaient pas quantifiés à ce stade, sans apporter aucune précision sur les capacités de la station d’épuration à l’appui de ces indications, alors notamment que, selon l’avis du service des eaux, environnement et forêt déjà évoqué au point 7, le projet allait aggraver la situation du traitement des eaux usées, la station d’épuration mettant en évidence un dépassement récurrent de sa capacité ;

9. Considérant qu’enfin, comme l’exposent les associations intimées, il résulte des dispositions des I et II de l’article R. 414-19 du code de l’environnement qu’une évaluation des incidences sur un site Natura 2000 doit être réalisée pour les unités touristiques nouvelles même si le terrain ne se trouve pas dans ce site mais a proximité ; qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande d’autorisation, comme l’a d’ailleurs relevé le directeur régional de l’environnement, de l’aménagement du territoire et du logement (Dreal) de la région Rhône Alpes dans son avis du 14 septembre 2011, que le terrain d’assiette du projet se trouve à proximité d’un site Natura 2000 ; que la commune expose alors que les deux sites sont distants d’environ 1 kilomètre et que le dossier a relevé que le projet est situé » bien en aval des secteurs d’intérêt communautaire  » et  » qu’il ne fait apparaître aucun impact potentiel direct ou indirect sur les zones Natura 2000 du massif du Vercors  » ; que, toutefois, et même si le Dreal Rhône-Alpes a lui-même indiqué que le projet ne semble pas porter atteinte aux sites Natura 2000, il ressort des pièces du dossier que, comme l’a également souligné le Dreal, aucune évaluation n’a été produite concluant à l’absence d’incidence et la demande d’autorisation n’apporte aucune précision à ce sujet ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui est dit ci-dessus aux points 6 à 9 que le dossier de demande d’autorisation méconnaît les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme en ce qu’il ne contient pas de précisions suffisantes concernant les effets prévisibles du projet sur les milieux naturels et l’environnement, ainsi que sur les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir ;

S’agissant des insuffisances du dossier de présentation quant aux effets sur le paysage :

11. Considérant qu’il ressort tout d’abord des pièces du dossier, que, comme l’expose la commune de Tignes, la demande d’autorisation a présenté les effets sur le paysage de la construction de l’hôtel composé de quatre à cinq niveaux de hauteur et d’une surface de plancher de 11 856 m², s’étendant sur la rive sud du lac sur une surface de 2 500 m² et sur une longueur d’environ 150 mètres allant d’un paravalanche jusqu’à l’embouchure du ruisseau du Plan du Lac ; que ce dossier contient notamment des simulations dessinées de l’impact visuel sur le paysage et liste les mesures préconisées pour en limiter les conséquences ; que, toutefois, ces dessins, notamment par leurs traits, estompent les effets visuels de l’immeuble sur le paysage et, comme le montrent notamment les photographies produites par les intimées en première instance, ne traitent qu’une partie des axes de vues sur les zones naturelles pouvant être affectées par la réalisation d’un immeuble d’une telle dimension ; que ces dessins ne permettent ainsi de donner qu’un aperçu partiel et trop approximatif de l’impact visuel du projet sur le paysage ; que, dans ces conditions, le dossier ne peut être regardé comme comportant des éléments suffisamment précis concernant les effets du projet sur le paysage ;

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme :

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » Les parties naturelles des rives des plans d’eau naturels ou artificiels d’une superficie inférieure à mille hectares sont protégées sur une distance de trois cent mètres à compter de la rive ; y sont interdits toutes constructions, installations et routes nouvelles ainsi que toutes extractions et tous affouillements. (…)  » ;

13. Considérant que, pour contester le caractère de partie naturelle de la portion de rive où doit être implantée l’unité touristique en litige, la commune de Tignes se prévaut de la présence de la route départementale 87 A qui dessert le centre de Tignes et qui longe partiellement le site du projet, de l’existence de deux chalets d’alpage construits dans les années 1950 présentant une surface de plancher de 300 m², de la présence d’une aire de pique-nique, d’une station de relevage et d’un chalet en ruine ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des photographies produites par les parties, qu’en dépit de ces éléments, la rive sud du lac de Tignes où doit s’implanter le projet constitue une coupure verte entre, d’une part, le centre du bourg de Tignes situé au nord du lac et l’aménagement à l’ouest du lac d’un paravalanche au dessus de la route départementale, et, d’autre part l’urbanisation du Val Claret située au sud du site ; que cette zone contribue ainsi à conserver un caractère naturel au paysage du lac permettant de regarder cette partie de rive du lac comme étant naturelle au sens des dispositions précitées ; que, par suite, en accordant l’autorisation de créer une unité touristique nouvelle dans la bande des 300 mètres de cette partie naturelle de la rive sud du lac de Tignes, le préfet de la Savoie a méconnu les dispositions précitées de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Tignes n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 par lequel le préfet de la Savoie a autorisé la création d’une unité touristique nouvelle pour la construction d’un hôtel à Tignes, ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 13 janvier 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les associations intimées, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnées à payer à la commune de Tignes la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Tignes le paiement à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness d’une somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Tignes est rejetée.
Article 2 : La commune de Tignes versera à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tignes, à l’association Vivre en Tarentaise, à la Frapna Savoie et à l’association Mountain Wilderness.
Délibéré après l’audience du 18 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre,
M. Gille, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2016.
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N° 14LY03771