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Megève – Contentieux du domaine de Rochebrune (suite) – Insuffisance de la note de présentation (non)

CAA de LYON – 1ère chambre

  • N° 23LY00598
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mardi 04 mars 2025

Président

Mme MAUCLAIR

Rapporteur

Mme Claire BURNICHON

Rapporteur public

Mme DJEBIRI

Avocat(s)

DPA DUCROT AVOCATS ASSOCIES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A… E…, M. D… E… et Mme C… B… ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 23 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de Megève a déclaré d’intérêt général le projet de restructuration du domaine skiable de Rochebrune et a approuvé la mise en compatibilité n° 3 du plan local d’urbanisme de la commune avec la déclaration de projet.

Par un jugement n° 1908367 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 février 2023 et des mémoires enregistrés les 8 septembre 2023, 14 décembre 2023 et 5 mars 2024, Mme A… E…, M. D… E…, décédé le 11 janvier 2024, et Mme C… B…, représentés par la SCP Ducrot Associés  » DPA « , demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 29 décembre 2022 ;

2°) d’annuler la délibération du 23 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de Megève a déclaré d’intérêt général le projet de restructuration du domaine skiable de Rochebrune et a approuvé la mise en compatibilité n° 3 du plan local d’urbanisme de la commune avec la déclaration de projet ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Megève le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– leur requête est recevable dès lors qu’ils ont délivré un mandat à un tiers pour exercer un recours gracieux ;
– le jugement attaqué est irrégulier en ce que la note en délibéré adressée au tribunal par le cabinet Legal performances ne leur a pas été communiquée alors que le rapporteur public avait conclu à l’annulation de la délibération lors de l’audience ; cette note en délibéré semble avoir eu pour effet d’inverser le sens de la décision ; le principe du contradictoire est méconnu ;
– c’est à tort que les premiers juges ont considéré que le rapport de présentation était suffisant quant à la démonstration de l’intérêt général du projet ; sur les 173 pages de la note de présentation, seule une trentaine de lignes présentent l’intérêt général qui s’attache au projet et ces lignes font référence à une précédente étude non jointe au dossier réalisé en 2014-2015 ; il n’est pas précisé de justification concrète de l’impérieuse nécessité de déplacer ces installations au regard des enjeux forts identifiés dans le rapport de présentation ; cette insuffisance a privé les habitants de la commune d’une garantie ;
– le dossier soumis à enquête publique aurait dû comporter une étude d’impact en application des dispositions de l’article L. 126-1 du code de l’environnement ainsi que l’addendum en réponse à l’avis de la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) ;
– la commune de Megève a soumis sa procédure de déclaration de projet aux dispositions de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme alors que le projet en litige relève de l’article L. 126-1 du code de l’environnement ; il était soumis à étude d’impact et à des modalités particulières d’informations et de participation du public qui n’ont pas été respectées ainsi qu’aux dispositions de l’article L. 411-1 du code de l’environnement ;
– le projet comporte des atteintes fortes au milieu naturel comme l’indique l’avis délibéré de la MRAE Auvergne-Rhône-Alpes au sujet de la restructuration du domaine de Rochebrune ; la MRAE relève également un important déboisement ; ils ont également fait établir un inventaire de la faune et de la flore présente sur leurs parcelles et impactées par la déclaration de projet et un botaniste a listé les habitats naturels menacés de disparition et les espèces faune et flore qui sont susceptibles de disparaître et qui sont sur les listes des espèces à protéger ; le projet vient impacter une zone humide et des espèces très menacées ; les justifications apportées au regard des atteintes portées à l’environnement ne sont pas suffisantes ; le volet climatique n’est pas abordé dans le rapport de présentation ; l’intérêt général de l’opération n’est pas démontré en méconnaissance des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement, L. 123-6 du même code et des articles 3 à 6 de la charte de l’environnement et il n’est que temporaire dès lors que les installations devront être démantelées dans une vingtaine d’années ; la théorie du bilan coût avantage n’est pas en faveur de l’intérêt général de cette déclaration de projet ;
– l’implantation de la gare de départ de télésièges en zone rouge du PPRN méconnaît le principe de précaution et ne prend pas en compte les risques spécifiques des ouvrages de protection qui sont susceptibles d’être créés en cas de rupture ou de surverse ;
– le projet en litige méconnaît les dispositions de l’article L. 342-23 du code du tourisme ;
– la délibération en litige n’est pas compatible avec le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) de l’Arve et avec des dispositions D 2.1, D 2.3 et D 2.8 du plan de gestion des risques d’inondation (PGRI) du bassin Rhône-Méditerranée approuvé par arrêté du 7 décembre 2015 ; le projet n’est pas compatible avec le contrat de rivière ;
– le projet est incompatible avec les dispositions des orientations d’aménagement et du règlement du plan local d’urbanisme (PLU).

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 juillet 2023, 17 janvier 2024, 20 février 2024 et 22 mars 2024, la commune de Megève, représentée par la Selas Legal Performances, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la requête de première instance est irrecevable en raison de sa tardiveté en ce que le recours gracieux reçu le 18 octobre 2019 n’a pas eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux dès lors qu’il a été présenté par un expert foncier mais n’était pas accompagné d’un acte exprès permettant de s’assurer que cet expert était régulièrement mandaté par les requérants ; à supposer que les requérants aient confié un mandat à cet expert foncier pour se rapprocher de la mairie par la voie d’une  » réclamation amiable « , ce mandat ne porte pas sur une mission de contestation de la légalité de cette délibération et l’expert foncier a manifestement outrepassé sa mission ;
– les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 25 mars 2024, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 8 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de l’environnement ;
– le code du tourisme ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,
– les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,
– les observations de Me Giraudon pour les requérants et de Me Boiron-Bertrand substituant Me Antoine pour la commune de Megève.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A… E…, M. D… E… et Mme C… B… sont propriétaires d’un chalet situé sur un parcelle cadastrée section E n° 1804 au lieudit  » La Fley  » sur le territoire de la commune de Megève. M. E… étant décédé en cours d’instance, Mmes E… et B… relèvent appel du jugement du 29 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la délibération du 23 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de Megève a déclaré d’intérêt général le projet de restructuration du domaine skiable de Rochebrune et a approuvé la mise en compatibilité n° 3 du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune.
Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article R. 731-3 du code de justice administrative :  » A l’issue de l’audience, toute partie à l’instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré « . En vertu de l’avant-dernier alinéa de l’article R. 741-2 du même code, relatif aux mentions obligatoires de la décision juridictionnelle, celle-ci doit faire  » mention (…) de la production d’une note en délibéré « . S’il a toujours la faculté, dans l’intérêt d’une bonne justice, de rouvrir l’instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans une note en délibéré émanant d’une des parties à l’instance, le juge n’est tenu de le faire à peine d’irrégularité de sa décision que si cette note contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire.
3. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que la note en délibéré, produite par la commune de Megève après l’audience publique mais avant le rendu du jugement et enregistrée le 16 décembre 2022, a été versée au dossier et visée dans le jugement attaqué. Il ressort de l’analyse de cette note en délibéré que les éléments de fait et de droit qu’elle expose n’ont pas été susceptibles d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire et que son contenu n’a pas été pris en compte par les premiers juges. Ainsi, en se bornant à viser la note en délibéré sans procéder à la réouverture de l’instruction et à la communication de cette pièce, les juges de première instance n’ont pas méconnu le principe du contradictoire énoncé à l’article L. 5 du code de justice administrative et n’ont pas entaché leur jugement d’irrégularité.
Sur la légalité de la délibération du 23 juillet 2019 :
4. En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 153-54 du code de l’urbanisme :  » Une opération faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique, d’une procédure intégrée en application de l’article L. 300-6-1 ou, si une déclaration d’utilité publique n’est pas requise, d’une déclaration de projet, et qui n’est pas compatible avec les dispositions d’un plan local d’urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L’enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l’utilité publique ou l’intérêt général de l’opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l’objet d’un examen conjoint de l’Etat, de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. /Le maire de la ou des communes intéressées par l’opération est invité à participer à cet examen conjoint « . Aux termes de l’article L. 153-55 du même code :  » Le projet de mise en compatibilité est soumis à une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement : /(…) / 2° Par le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou le maire dans les autres cas. /(…) « . Aux termes de l’article L. 153-57 du même code :  » A l’issue de l’enquête publique, (…)la commune : /(…) / 2° Décide la mise en compatibilité du plan dans les autres cas « .

5. D’autre part, aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’environnement :  » Le dossier soumis à l’enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. /Le dossier comprend au moins : / 1° Lorsqu’ils sont requis, l’étude d’impact et son résumé non technique, le rapport sur les incidences environnementales et son résumé non technique, et, le cas échéant, la décision prise après un examen au cas par cas par l’autorité mentionnée au IV de l’article L. 122-1 ou à l’article L. 122-4, l’avis de l’autorité environnementale mentionné au III de l’article L. 122-1 et à l’article L. 122-7 du présent code ou à l’article L. 104-6 du code de l’urbanisme, ainsi que la réponse écrite du maître d’ouvrage à l’avis de l’autorité environnementale ; /(…) « . Aux termes de l’article L. 122-6 du code précité :  » L’évaluation environnementale comporte l’établissement d’un rapport qui identifie, décrit et évalue les effets notables que peut avoir la mise en œuvre du plan ou du programme sur l’environnement ainsi que les solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d’application géographique du plan ou du programme. Ce rapport présente les mesures prévues pour éviter les incidences négatives notables que l’application du plan ou du programme peut entraîner sur l’environnement, les mesures prévues pour réduire celles qui ne peuvent être évitées et les mesures prévues pour compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. Il expose les autres solutions envisagées et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l’environnement, le projet a été retenu. Il définit les critères, indicateurs et modalités retenus pour suivre les effets du plan ou du programme sur l’environnement afin d’identifier notamment, à un stade précoce, les impacts négatifs imprévus et envisager, si nécessaire, les mesures appropriées./Le rapport sur les incidences environnementales contient les informations qui peuvent être raisonnablement exigées, compte tenu des connaissances et des méthodes d’évaluation existant à la date à laquelle est élaboré ou révisé le plan ou le programme, de son contenu et de son degré de précision et, le cas échéant, de l’existence d’autres plans ou programmes relatifs à tout ou partie de la même zone géographique ou de procédures d’évaluation environnementale prévues à un stade ultérieur. « . Enfin, aux termes de l’article R. 151-3 du code de l’urbanisme :  » Au titre de l’évaluation environnementale, le rapport de présentation : / 1° Décrit l’articulation du plan avec les autres documents d’urbanisme et les plans ou programmes mentionnés aux articles L. 131-4 à L. 131-6, L. 131-8 et L. 131-9 avec lesquels il doit être compatible ou qu’il doit prendre en compte ; / 2° Analyse l’état initial de l’environnement et les perspectives de son évolution en exposant, notamment, les caractéristiques des zones susceptibles d’être touchées de manière notable par la mise en œuvre du plan ; / 3° Analyse les incidences notables probables de la mise en œuvre du plan sur l’environnement, notamment, s’il y a lieu, sur la santé humaine, la population, la diversité biologique, la faune, la flore, les sols, les eaux, l’air, le bruit, le climat, le patrimoine culturel architectural et archéologique et les paysages et les interactions entre ces facteurs, et expose les problèmes posés par l’adoption du plan sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l’environnement, en particulier l’évaluation des incidences Natura 2000 mentionnée à l’article L. 414-4 du code de l’environnement ; / 4° Explique les choix retenus mentionnés au premier alinéa de l’article L. 151-4 au regard notamment des objectifs de protection de l’environnement établis au niveau international, communautaire ou national, ainsi que les raisons qui justifient le choix opéré au regard des solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d’application géographique du plan ; / 5° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser, s’il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l’environnement ; / 6° Définit les critères, indicateurs et modalités retenus pour l’analyse des résultats de l’application du plan mentionnée à l’article L. 153-27 et, le cas échéant, pour le bilan de l’application des dispositions relatives à l’habitat prévu à l’article L. 153-29. Ils doivent permettre notamment de suivre les effets du plan sur l’environnement afin d’identifier, le cas échéant, à un stade précoce, les impacts négatifs imprévus et envisager, si nécessaire, les mesures appropriées ; / 7° Comprend un résumé non technique des éléments précédents et une description de la manière dont l’évaluation a été effectuée. / Le rapport de présentation au titre de l’évaluation environnementale est proportionné à l’importance du plan local d’urbanisme, aux effets de sa mise en œuvre ainsi qu’aux enjeux environnementaux de la zone considérée. /(…) « .
6. D’une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des dispositions précitées et notamment celles de l’article L. 153-54 du code de l’urbanisme que le dossier soumis à enquête publique doive comporter une présentation du projet assortie de la démonstration de son intérêt général ainsi qu’une explication dans un rapport de présentation des éléments modifiés du PLU par la mise en compatibilité.

7. D’autre part, si les requérants soutiennent que le dossier soumis aux habitants de Megève ne porte pas de façon cohérente, claire et pédagogique sur ses différentes composantes et que la démonstration de l’intérêt général fait défaut au regard des enjeux forts pour l’environnement, très impacté par le projet, il ressort toutefois des pièces du dossier que la note de présentation de la déclaration de projet emportant mise en compatibilité du PLU procède à une description du site et du projet, lequel répond en particulier aux objectifs du projet d’aménagement et de développement durables (PADD) du PLU, notamment la gestion et le confortement raisonnés des infrastructures liées aux sports d’hiver (objectif II.3 du PADD) dans le cadre des projets de sécurisation et d’amélioration de la fonctionnalité des domaines skiables de la commune. Elle précise que le projet en litige doit permettre la réorganisation et la restructuration du domaine skiable de Rochebrune afin de rationaliser le nombre d’installations de remontées mécaniques, les pistes et les installations de production de neige, et de permettre un transfert plus aisé entre les secteurs de Rochebrune, Petite Fontaine et Cote 2000. Si cette note renvoie à une étude menée en 2014-2015 par le cabinet DSCA, les requérants ne remettent pas en cause cette étude qui a relevé, d’une part, que le téléski de Rochefort, qui permet l’accès au domaine de Cote 2000, n’est pas adapté aux skieurs débutants, avec une forte pente et deux pistes d’accès uniquement de niveau rouge et, d’autre part, que le téléski des Lanchettes, qui constitue la principale installation permettant le retour vers le secteur de Petite Fontaine, a un débit trop limité entrainant une longue file d’attente, la longueur importante de l’installation avec une pente très soutenue par endroit et avec un angle, rendant l’installation difficile d’accès pour les skieurs de niveau débutant et moyen et ne donne accès qu’à une piste de niveau rouge. Cette note, après avoir décrit le site et le projet et notamment la présentation des trois installations créées (un téléski et deux télésièges), procède à un descriptif de l’état initial de l’environnement en précisant la méthodologie d’inventaire réalisée, les résultats d’inventaires des habitats naturels, les zones règlementaires et d’inventaires et la biodiversité (ZNIEFF de type I et II et zone humides) recensées sur la commune, expose ensuite la fonctionnalité des réseaux écologiques présents sur le secteur, évoque le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) de la région et les trames vertes et bleues sur la commune, au regard des différents enjeux présents. Cette note de présentation analyse également le contexte paysager du secteur, la ressource en eau et son contexte réglementaire avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Rhône-Méditerranée 2016-2021, le contrat de rivière  » Arly-Chaise-Doron « , les zones humides et l’alimentation en eau potable de la commune via les sept captages présents ainsi que les enjeux de la déclaration de projet sur la ressource en eau, les sols et sous-sols, la ressource énergétique et les facteurs climatiques. Sont ensuite examinés la qualité de l’air, la gestion des déchets et du bruit, les risques naturels et technologiques avant une présentation de la synthèse de l’ensemble de ces enjeux et des perspectives d’évolution de l’état initial de l’environnement. Cette note, en troisième partie, comporte un  » rapport explicatif  » de la déclaration de projet et dans sa quatrième partie, une évaluation environnementale qui permet de conclure à la nécessité de modifier le zonage pour le mettre en conformité avec le PLU et notamment une modification de la délimitation du domaine skiable dès lors que le projet implique une extension de 4,01 ha du domaine skiable. Il est également mentionné les problématiques de ce projet au regard du SDAGE Rhône-Méditerranée 2016-2021 et les mesures préconisées, la compatibilité du projet avec le contrat de rivière, avec le SRCE notamment et analyse les effets attendus de la mise en œuvre du projet sur l’environnement et les mesures envisagées pour éviter, réduire et compenser les effets du projet sur les habitats naturels, la faune et la flore, sur les habitats et les espèces d’intérêt communautaire du site Natura 2000 le plus proche de la zone d’étude (à environ 7 kms), les zones d’inventaires, des cours d’eau et milieux associés, les continuités écologiques selon les différentes phases du projet (travaux, exploitation), ainsi que les effets temporaires et permanent sur les paysages, la ressource en eau, sur les sols et sous-sols, les ressources énergétiques, gaz à effet de serre et qualité de l’air, les effets en phase travaux et en phase d’exploitation sur la production de déchets, l’exposition des populations au bruit, sur les risques naturels et technologiques. Enfin, cette note comporte une explication des choix retenus pour établir le projet avant de comprendre un  » résumé non technique  » qui reprend notamment les enjeux environnementaux et les incidences et mesures du projet sur l’environnement. En conséquence, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la note de présentation du projet de mise en compatibilité du PLU, comporte, conformément aux dispositions précitées et notamment celles de R. 151-3 du code de l’urbanisme, les enjeux du projet au regard de l’intérêt général et des atteintes à l’environnement qu’il est susceptible d’emporter.
8. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme :  » L’Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement, se prononcer, par une déclaration de projet, sur l’intérêt général d’une action ou d’une opération d’aménagement au sens du présent livre ou de la réalisation d’un programme de construction. (…). / (…) / Lorsque l’action, l’opération d’aménagement ou le programme de construction est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, les dispositions nécessaires pour mettre en compatibilité les documents d’urbanisme ou pour adapter les règlements et servitudes mentionnés au deuxième alinéa font l’objet d’une évaluation environnementale, au sens de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement. /(…). « . Aux termes de l’article L. 300-1 du même code, dans sa version en vigueur :  » Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets (…) d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs (…)./L’aménagement, au sens du présent livre, désigne l’ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d’une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l’alinéa précédent et, d’autre part, à assurer l’harmonisation de ces actions ou de ces opérations./(…) « .
9. Le projet en litige vise à réorganiser et restructurer le domaine skiable de Rochebrune par la création de trois installations (un téléski et deux télésièges) et tend à rationaliser le nombre d’installations de remontées mécaniques, les pistes et les installations de production de neige afin de permettre un transfert plus aisé entre les secteurs de Rochebrune, Petite Fontaine et Cote 2000. Il relève d’une opération d’aménagement au sens des dispositions précitées de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme qui relève du livre III de la partie législative du code de l’urbanisme relatif à l’aménagement foncier et nécessite, ainsi qu’il a été décidé par le président de la mission régionale d’autorité environnementale Auvergne Rhône-Alpes du conseil général de l’environnement et du développement durable dans sa décision du 18 juillet 2018 après examen au cas par cas, une évaluation environnementale afin de procéder à la mise en compatibilité du PLU par la déclaration de projet précitée. Cette opération d’aménagement, au sens de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme, est toutefois distincte du projet public de travaux, d’aménagements ou d’ouvrages soumis à étude d’impact au sens de l’article L. 126-1 du code de l’environnement, qui relève d’une procédure différente, ce qui est au demeurant confirmé par l' » Addendum au rapport de présentation  » du 26 juin 2019 qui précise dans son préambule qu' » une grande majorité des interrogations levées par la MRAE trouvent leur réponse dans l’étude d’impact réalisée au titre de la rubrique 43 de l’annexe du R. 122-2 du code de l’environnement « , laquelle concerne les  » pistes de ski, remontées mécaniques et aménagements associés « . Les requérants ne peuvent ainsi utilement soutenir que le dossier soumis à enquête publique était incomplet en l’absence d’étude d’impact de l’article L. 126-1 du code de l’environnement, ni, à défaut de précision suffisante, de l’absence de l’addendum au rapport de présentation précitée lors de l’enquête publique qui a eu lieu du 15 avril 2019 au 17 mai suivant.
10. En troisième lieu, compte tenu de ce qui vient d’être dit et en l’absence d’éléments nouveaux en appel, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée méconnaît les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement doit être écarté par les motifs retenus par les premiers juges qu’il y a lieu pour la cour d’adopter.
11. En quatrième lieu, pour l’application des dispositions de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme précité, il appartient à l’autorité compétente d’établir, de manière précise et circonstanciée, sous l’entier contrôle du juge, l’intérêt général qui s’attache à la réalisation de l’opération constituant l’objet de la mise en compatibilité du plan local d’urbanisme, au regard notamment des objectifs économiques, sociaux et urbanistiques poursuivis par la collectivité publique intéressée.
12. Il ressort des pièces du dossier et ainsi qu’il a été dit, que la note de présentation soumise à enquête publique précise que la commune de Megève, en Haute-Savoie, qui est un ancien village de montagne qui s’est converti, petit à petit, depuis le début du 20ème siècle, en une station touristique de renommée internationale, tout en conservant une activité agricole importante, bénéficie d’une vocation touristique qui s’appuie notamment sur l’existence d’une offre étendue, diversifiée et de qualité en équipements, activités et hébergements. Le projet de développement économique de la commune doit, ainsi que cela ressort du PLU, se concrétiser par des projets visant le maintien de son attractivité touristique, tout en s’inscrivant dans le cadre d’une protection renforcée des qualités paysagères et environnementales du territoire. Le projet en litige, qui répond en particulier aux objectifs du PADD du PLU, lequel constitue le projet de territoire de la commune de Megève, s’inscrit dans les enjeux de l’attractivité touristique de la station, en ce qu’il est nécessaire de permettre la gestion et le confortement raisonnés des infrastructures liées aux sports d’hiver. Enfin, et ainsi qu’il a été relevé par le commissaire-enquêteur, le projet en litige emportera également une mise en sécurité du site pour les jeunes skieurs et les débutants, compte tenu des aménagements actuels qui sont qualifiés d' » anciens  » et de  » vétustes . Il résulte de ce qui précède que la commune de Megève a pu, compte tenu de l’objet de ce projet et de l’importance du tourisme dans cette commune, estimer, sans faire une inexacte application des dispositions de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme que le projet déclaré et la mise en compatibilité de son PLU présentait un intérêt général au sens de ces dispositions.
13. Par ailleurs, si les requérants évoquent que la mise en œuvre du projet en litige impliquera le déboisement de près de dix hectares, emportant la disparition de l’habitat de plusieurs espèces protégées, cette question relève de la mise en œuvre des opérations de défrichement relevant d’une législation distincte et d’une autorisation distincte d’ailleurs contestée par les requérants devant le tribunal administratif de Grenoble et est donc sans incidence sur la légalité de la mise en compatibilité du PLU en litige. De plus, si les requérants produisent une expertise patrimoniale relative à l’incidence de la mise en œuvre du projet sur les espèces protégées, la note de présentation et plus particulièrement l’étude environnementale modifiée après les observations de la MRAE, prévoit explicitement, ainsi qu’il a été dit au point 7, les incidences notables probables de la mise en compatibilité sur l’environnement, et des mesures pour éviter, réduire et, le cas échéant, compenser les incidences négatives et notamment la réalisation, courant mai 2019 d’un dossier de dérogation pour la destruction d’espèces protégées et la mise en place, en tant que mesures compensatoires,  » d’ilots de senescence  » qui seront classés en espaces boisés classés au sein du PLU. De plus, si cette note précise que l’impact sur les milieux ouverts est important dès lors que 5,8 hectares de milieux prairiaux seront impactés par le projet, celui-ci est principalement temporaire et des mesures de réduction seront mises en œuvre, seulement 0,2 ha devant être définitivement détruits par la mise en place des pylônes et des gares des remontées. Par ailleurs, seulement deux zones humides ont été identifiées sur la zone d’étude. Enfin, le volet climatique est également examiné par cette note de présentation qui indique qu’une  » tendance à la baisse de l’enneigement est difficile à prouver sur ces vingt-sept dernières années. L’influence du massif du Mont-Blanc permet sans aucun doute à Megève de bénéficier d’un microclimat favorable au maintien des précipitations neigeuses, quand d’autres stations souffrent d’une baisse remarquable de leur enneigement « . Au regard de l’ensemble de ces éléments, les atteintes susceptibles d’être portées à l’environnement par la mise en place du projet n’apparaissent pas excessives au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi par le projet en litige.

14. En cinquième lieu, aux termes de l’article L. 342-20 du code du tourisme :  » Les propriétés privées ou faisant partie du domaine privé d’une collectivité publique peuvent être grevées, au profit de la commune, (…), d’une servitude destinée à assurer le passage, l’aménagement et l’équipement des pistes de ski alpin et des sites nordiques destinés à accueillir des loisirs de neige non motorisés (…) « . Aux termes de l’article L. 342-21 du même code :  » La servitude est créée par décision motivée de l’autorité administrative compétente sur proposition de l’organe délibérant de la commune, (…), après enquête parcellaire effectuée comme en matière d’expropriation (…) « . Aux termes de l’article L. 342-22 du même code :  » Cette décision définit le tracé, la largeur et les caractéristiques de la servitude, ainsi que les conditions auxquelles la réalisation des travaux est subordonnée. (…) « . Enfin, aux termes de l’article L. 342-23 du code du tourisme :  » La servitude ne peut grever les terrains situés à moins de vingt mètres des bâtiments à usage d’habitation ou professionnel édifiés ou dont la construction a été autorisée avant la date de délimitation des zones et secteurs prévus à l’article L. 151-38 du code de l’urbanisme, ni les terrains attenant à des maisons d’habitation et clos de murs à la date de cette délimitation sauf : /(…) « . Ces dispositions tendent à l’instauration d’une servitude et relèvent d’une législation distincte de la mise en compatibilité du PLU en litige. Les requérants ne peuvent dès lors utilement s’en prévaloir pour remettre en cause la légalité de la délibération contestée.
15. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que le projet en litige, qui tend uniquement à la mise en compatibilité du PLU de la commune de Megève dans le cadre de la restructuration de son domaine skiable, méconnaîtrait, notamment eu égard à l’implantation de la gare de départ de télésièges n° 1, le plan de prévention des risques naturels, le plan de gestion des risques d’inondation (PGRI) du bassin Rhône-Méditerranée approuvé par arrêté du 7 décembre 2015, le contrat de rivière, le SAGE de l’ARVE approuvé par arrêté préfectoral du 23 juin 2018 ou encore qu’il serait incompatible avec les dispositions des orientations d’aménagement et de programmation et le règlement du PLU doivent, compte tenu de l’objet précité de cette délibération, être écartés comme étant inopérants, de tels moyens relevant au surplus de la légalité des autorisations d’urbanisme ultérieurement délivrées pour la mise en œuvre de la déclaration de projet en litige.
16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité de la demande de première instance, que Mmes E… et B… ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l’article L. 761- 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mmes E… et B… demandent au titre des frais qu’elles ont exposés soit mise à la charge de la commune de Megève, qui n’est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mmes E… et B… le versement d’une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Megève.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mmes E… et B… est rejetée.
Article 2 : Mmes E… et B… verseront la somme de 2 000 euros à la commune de Megève au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C… B…, représentant unique en application des dispositions de l’article R. 751-3 du code de justice administrative, et à la commune de Megève.

Régie municipale – Dissolution – SPL – Transfert des contrats de travail (non) – Requalification d’un CDD en CDI (non)

CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 11/03/2025, 22TL21411, Inédit au recueil Lebon

CAA de TOULOUSE – 2ème chambre

  • N° 22TL21411
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mardi 11 mars 2025

Président

Mme Geslan-Demaret

Rapporteur

Mme Delphine Teuly-Desportes

Rapporteur public

Mme Torelli

Avocat(s)

BPG AVOCATS

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, l’annulation de la décision du 27 août 2020 par laquelle le président du conseil d’administration de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères a, après avoir procédé à la requalification de son contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à durée déterminée, refusé de renouveler son contrat, d’enjoindre au président du conseil d’administration de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères de le réintégrer dans ses fonctions, de condamner cette régie municipale à lui verser la somme de 34 917,18 euros en réparation de son préjudice résultant de son éviction illégale, de condamner cette dernière personne publique à lui verser un rappel de salaires entre le 8 août 2010 et le jour de sa réintégration et de reconstituer sa carrière durant la même période, avec effet rétroactif, de condamner, à titre subsidiaire, la régie municipale et la commune de Formiguères à lui verser la somme de 5 819,54 euros pour non-respect de la procédure de licenciement, la somme de 11 652 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, la somme de 1 165,26 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, la somme de 8 608 euros au titre de l’indemnité de licenciement, la somme de 139 668 euros d’indemnité contractuelle de rupture et la somme de 69 834,36 euros en réparation des conséquences dommageables issues de son éviction illégale et, en tout état de cause, de condamner ces dernières à lui verser la somme de 50 011,20 euros au titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires et 5 800 euros en réparation de l’absence de repos compensateur en raison de l’illégalité de la convention de forfait en jours prévue au contrat de travail et de mettre à la charge solidaire de ces deux personnes publiques les entiers dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2005173 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 juin 2022, le 6 janvier 2023 et le 15 février 2024, M. A… B…, représenté par Me Blondeaut, de la société d’exercice libéral à responsabilité limitée BPG Avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’appeler en la cause la société publique locale Trio Pyrénées, qui s’est vu transférer les contrats de travail de la régie municipale des sports et loisirs de la commune de Formiguères ;

2°) d’annuler ce jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 22 avril 2022 ;

3°) d’annuler la décision de non-renouvellement de son contrat de travail du 27 août 2020, ainsi que la décision du 1er octobre 2020 rejetant son recours gracieux et sa réclamation indemnitaire préalable ;

4°) d’enjoindre à la société publique locale Trio Pyrénées, à la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères ou encore à la commune de Formiguères de le réintégrer sans délai sur son poste de directeur sous astreinte qu’il appartiendra à la cour de fixer dans son montant et ses modalités ;

5°) de condamner solidairement la société publique locale Trio Pyrénées, la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères et la commune de Formiguères à lui verser la somme de 34 917,18 euros en réparation des préjudices résultant de son éviction illégale, somme augmentée des intérêts moratoires à compter de la demande préalable ou de l’enregistrement de la requête ;

6°) de condamner solidairement la société publique locale Trio Pyrénées, la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères et la commune de Formiguères à lui verser les rappels de salaires compris entre le 28 août 2020 et le jour de sa réintégration à intervenir et à reconstituer, pour la même période, sa carrière et notamment ses droits à la retraite ;

7°) à titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’un refus d’annulation de la décision de non-renouvellement du contrat, de condamner solidairement la société publique locale Trio Pyrénées, la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères et la commune de Formiguères à lui verser la somme de 5 819,53 euros au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, la somme de 11 652,60 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, la somme de 1 165,26 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis, la somme de 12 437,88 euros au titre de l’indemnité de licenciement, la somme de 139 668,72 euros au titre de l’indemnité contractuelle de rupture et la somme de 69 834,36 euros en réparation des conséquences dommageables de son éviction illégale et des agissements fautifs dont il a été victime ;
8°) de condamner solidairement la société publique locale Trio Pyrénées, la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères et la commune de Formiguères à lui verser la somme de 50 011,20 euros au titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires, ainsi que la somme de 5 800 euros pour absence de repos compensateur de remplacement ;

9°) de mettre à la charge solidaire de la société publique locale Trio Pyrénées, de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères et de la commune de Formiguères les entiers dépens et la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
– le tribunal a omis de statuer sur le moyen, soulevé, par la voie de l’exception, tiré de ce que la délibération du 16 août 2020 par laquelle le conseil municipal a émis un avis favorable au non-renouvellement de son contrat, selon le principe du huis clos, est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– il n’a pas davantage statué sur le moyen tiré de ce que les manquements dans la gestion des contrats de travail des employés de la régie constitueraient des manquements fautifs prescrits et ne pouvaient légalement fonder le non-renouvellement de la relation contractuelle ;
Sur la légalité de la décision du 27 août 2020 :
– la société publique locale Trio Pyrénées s’est nécessairement vu transférer les contrats de travail en cours, en raison de la dissolution de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères ; en effet, s’il n’avait pas été rompu illégalement, son contrat de travail aurait été repris par cette société publique locale, qui doit donc être condamnée solidairement au paiement des sommes dues ;
– il est fondé à invoquer l’illégalité de la délibération du 16 août 2020 par laquelle le conseil municipal a émis un avis favorable au non-renouvellement de son contrat dès lors qu’il a été rendu à huis clos sans qu’un vote l’ait autorisé ; en outre, un huis clos pour rendre cet avis ne pouvait être décidé sans entacher la délibération d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– au surplus, ce vice de procédure est de nature à entraîner l’annulation du non-renouvellement de son contrat ;
– il ne pouvait être procédé à la requalification unilatérale de son contrat sans lui avoir proposé, au préalable, sa régularisation ou un autre emploi, dès lors que la délibération du 19 août 2014 du conseil d’administration de la commune de Formiguères validant son recrutement est devenue définitive ;
– la décision du 27 août 2020, qui procède unilatéralement à une rupture contractuelle, méconnaît le principe des droits acquis ;
– elle est entachée d’illégalité dès lors qu’il y a prescription des faits fautifs retenus à son encontre ;
– le motif tiré des manquements dans la gestion des contrats de travail des employés de la régie et du non-respect de la durée hebdomadaire du travail n’a pas été soumis au contradictoire et ne pouvait donc constituer légalement un motif de non-renouvellement de son contrat ;
Sur la responsabilité :
– la rupture de la relation contractuelle est fautive ;
– au regard de l’illégalité de la décision du 27 août 2020, il doit se voir verser ses salaires entre cette date et sa réintégration à son poste ;
– en outre, au regard des circonstances brutales et vexatoires de la rupture contractuelle, qui lui a été signifiée par huissier, il a droit au versement de dommages et intérêts à hauteur de six mois de salaires, soit la somme de 34 917,18 euros ;
– son employeur a commis une faute en adressant à Pôle emploi une attestation de non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée ;
– il n’aurait pas accepté d’exercer ses fonctions dans le cadre d’un contrat à durée déterminée et n’a accepté d’effectuer une période d’essai de neuf mois que dans la mesure où il était bénéficiaire d’un contrat à durée indéterminée ;
– il est enfin fondé à demander une indemnité en raison de l’illégalité de la convention collective à laquelle était soumis son contrat et qui prévoyait un forfait en jours de récupération non conforme aux dispositions du code du travail.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 décembre 2022 et les 31 janvier et 7 mars 2024, la commune de Formiguères, pour son compte, et venant également aux droits de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères, désormais dissoute, représentée par Me Garidou, de la société civile professionnelle Chichet – Henry – Paillès – Garidou – Renaudin, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la confirmation du jugement contesté, au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B… la somme de 2 500 euros à lui verser en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
– la régie, dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière et ayant été chargée de gérer et d’exploiter le domaine skiable, était responsable des conséquences dommageables des décisions refusant le renouvellement contractuel de ses agents et notamment de son directeur mais, eu égard à la dissolution, prononcée, le 6 avril 2023, avec effet au 31 décembre 2022, elle ne dispose plus d’existence juridique de sorte qu’aucune condamnation ne saurait être prononcée à son encontre ;
– les conclusions tendant à la condamnation solidaire de la commune de Formiguères sont irrecevables ;
– la régie était dans l’obligation de régulariser le contrat de travail de M. B…, qui ne pouvait avoir été conclu pour une durée indéterminée ;
– le moyen tiré de l’irrégularité des conditions de la régularisation du contrat est soulevé pour la première fois en appel ;
– en outre, les manquements de M. B… au droit du travail et le non-respect de la durée hebdomadaire de travail justifient le non-renouvellement de son contrat ;
– M. B… a procédé à une manœuvre frauduleuse en modifiant de façon unilatérale son contrat de travail et notamment les modalités de sa rémunération ;
– la délibération du 26 août 2020 par laquelle le conseil municipal a émis un avis favorable au non-renouvellement de son contrat pouvait être prononcée à huis clos sans qu’une erreur manifeste d’appréciation soit retenue ;
– en admettant même que l’exception, tirée de l’illégalité de la délibération soit retenue, elle n’est à l’origine d’aucune méconnaissance d’une garantie fondamentale pour M. B… ;
– il a été procédé à la mise en œuvre du non-renouvellement de contrat prévue par les dispositions du décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
– le contrat à durée déterminée de droit public dont il était titulaire, en raison de la régularisation, étant arrivé à échéance, l’indemnité de licenciement n’est pas due ;
– l’indemnité contractuelle correspondant à vingt-quatre fois le salaire mensuel brut n’existe pas et ne peut être versée ;
– le préjudice moral et le préjudice matériel ne sont pas établis ;
– M. B…, qui a introduit frauduleusement la clause de  » forfait-jours « , ne saurait en solliciter l’indemnisation ;
– il s’est vu allouer la somme correspondant à l’indemnité compensatrice de congé annuels ;
– il ne peut légalement prétendre à l’indemnité de préavis, qui n’est pas prévue par les dispositions du décret n° 88-145 du 15 février 1988.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2024, la société publique locale Trio Pyrénées, représentée par Me Dubourdieu, de la société d’exercice libéral à responsabilité limitée Legal Workshop, demande à la cour de la mettre hors de cause, de rejeter les demandes de M. B… et de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
– la mission de M. B… confiée par son contrat de travail, conclu avec la régie municipale des sports et loisirs, dont le non-renouvellement a été décidé, le 27 août 2020, ne saurait être qualifiée de contemporaine à sa création, le 10 février 2022, sous la forme d’une personnalité morale de droit privé et donc d’une entité juridique autonome ;
– en admettant même que les décisions contestées n’aient pas mis fin à la relation contractuelle de M. B… avec la régie municipale, le contrat de travail ne lui a pas, pour autant, été transféré, le 6 avril 2023, date de la dissolution de cette même régie.

Par une ordonnance du 10 juillet 2024, la date de clôture d’instruction a été fixée au 22 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code du tourisme ;
– la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
– la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
– le décret n°88-145 du 15 février 1988 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
– les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
– et les observations de Me Perrouty, substituant Me Blondeaut, représentant M. B….
Considérant ce qui suit :
1. M. B… a été recruté, par un contrat à durée indéterminée, conclu le 1er septembre 2014, pour exercer les fonctions de directeur de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères (Pyrénées-Orientales). Après avoir sollicité l’avis du conseil municipal, le 26 août 2020, le président du conseil d’administration de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères a, par une décision du 27 août 2020, informé M. B… que son contrat de travail devait être requalifié en contrat de travail de droit public à durée déterminée renouvelé, pour une dernière durée de trois ans, le 1er septembre 2017, et qu’arrivé à son terme, le 1er septembre 2020, il ne serait pas renouvelé. Par courrier du 23 septembre 2020, M. B… a formé un recours gracieux contre cette décision de non-renouvellement et a présenté une réclamation indemnitaire préalable, demandes qui, le 1er octobre 2020, ont été rejetées par le président du conseil d’administration de la régie municipale. M. B… relève appel du jugement, rendu le 22 avril 2022, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d’annulation de la décision du 27 août 2020 et ses demandes d’indemnisation de ses préjudices et de versement de traitements ou indemnités, demande l’annulation de la décision du 27 août 2020 et sollicite la condamnation solidaire de la commune de Formiguères, de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères et de la société publique locale Trio Pyrénées, attributaire, depuis le 1er juillet 2022, d’une délégation de service public pour l’exploitation des stations de ski du Cambre d’Azes, Porté Puymorens et Formiguères, afin d’obtenir l’indemnisation des conséquences dommageables issues de la cessation de ses fonctions qu’il estime irrégulière.

Sur les conclusions présentées à l’encontre de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères :
2. Aux termes de l’article L. 342-13 du code du tourisme :  » L’exécution du service des remontées mécaniques et pistes de ski est assurée soit en régie directe, soit en régie par une personne publique sous forme d’un service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l’autorité compétente « . Selon l’article L. 2221-10 du code général des collectivités territoriales :  » Les régies dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière, dénommées établissement public sont créées, et leur organisation administrative et financière déterminée, par délibération du conseil municipal. (…) « . Selon l’article R. 2221-16 du même code :  » La régie cesse son exploitation en exécution d’une délibération du conseil municipal. « . Selon l’article R. 2221-17 de ce code :  » La délibération du conseil municipal décidant de renoncer à l’exploitation de la régie détermine la date à laquelle prennent fin les opérations de celle-ci. Les comptes sont arrêtés à cette date. L’actif et le passif de la régie sont repris dans les comptes de la commune. Le maire est chargé de procéder à la liquidation de la régie. Il peut désigner par arrêté un liquidateur dont il détermine les pouvoirs. Le liquidateur a la qualité d’ordonnateur accrédité auprès du comptable. Il prépare le compte administratif de l’exercice qu’il adresse au préfet du département, siège de la régie, qui arrête les comptes. Les opérations de liquidation sont retracées dans une comptabilité tenue par le comptable. Cette comptabilité est annexée à celle de la commune. Au terme des opérations de liquidation, la commune corrige ses résultats de la reprise des résultats de la régie, par délibération budgétaire. « .

3. La régie municipale des sports et loisirs de Formiguères, ayant pour objet d’exploiter le domaine skiable et les remontées mécaniques et d’assurer la promotion et la commercialisation de la station de ski de la commune de Formiguères, service public industriel et commercial, et dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, était l’employeur de M. B…, recruté en application de l’article R. 2221-21 du code général des collectivités territoriales. Par une délibération du 6 avril 2023, le conseil municipal de la commune de Formiguères a décidé de renoncer à l’exploitation de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères, en a prononcé la dissolution, a arrêté les comptes au 31 décembre 2022 et a transféré l’excédent sur le budget annexe de la commune afin de constituer une participation au capital de la société publique locale, attributaire depuis le 1er juillet 2022, d’une délégation de service public en vue de l’exploitation pour une durée de trente ans des stations de montagne de Cambre d’Aze, de Formiguères et de Porté-Puymorens. L’établissement public local industriel et commercial que constitue la régie municipale n’ayant plus d’existence juridique depuis le 6 avril 2023, M. B… ne peut, en tout état de cause, en rechercher la responsabilité, ainsi que le fait valoir à bon droit la commune de Formiguères, laquelle, doit, contrairement à ses allégations, venir aux droits de l’ancien employeur en application des dispositions de l’article R. 2221-17 du code général des collectivités territoriales citées au point précédent.

Sur la demande de mise hors de cause de la société publique locale Trio Pyrénées :
4. Aux termes de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales :  » Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital. Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d’intérêt général. Lorsque l’objet de ces sociétés inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. La réalisation de cet objet concourt à l’exercice d’au moins une compétence de chacun des actionnaires. Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres. Elles peuvent également exercer leurs activités pour le compte d’une société publique locale d’aménagement d’intérêt national sur laquelle au moins un de leurs membres exerce un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services. Ces sociétés revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce. (…). « .

5. Si la société publique locale Trio Pyrénées est attributaire, depuis le 1er juillet 2022, d’une délégation de service public en vue de procéder à la réalisation d’un programme d’investissements de 32 millions d’euros et à l’exploitation pour une durée de trente ans des stations de montagne du Cambre d’Aze, de Formiguères et de Porté-Puymorens, elle est totalement indépendante de l’établissement public industriel et commercial que constituait la régie municipale et, au regard de nature du service public géré, ne saurait, en tout état de cause, s’être vu transférer le contrat de travail de M. B…, la situation des personnels de la régie n’étant assurée selon ses modalités, en application de l’article R. 2221-62 du code général des collectivités territoriales, que dans l’hypothèse d’une dissolution d’un régie gérant un service public administratif. En outre, la circonstance qu’une partie du capital de la société publique locale provienne de la commune de Formiguères est sans incidence sur ce point. Il suit de là que la société publique locale Trio Pyrénées est fondée à solliciter sa mise hors de cause.

Sur la régularité du jugement :
6. En premier lieu, si M. B… invoque l’omission à statuer dont serait entaché le jugement contesté notamment en ce qui concerne le moyen, soulevé par la voie de l’exception, tiré de ce que la décision de recourir au huis clos du conseil municipal de la commune de Formiguères pour émettre l’avis sur le non-renouvellement de son contrat de travail serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, il ressort toutefois de ce même jugement que le tribunal a statué sur ce moyen au point 5. L’omission à statuer ainsi soulevée doit être écartée.

7. En deuxième lieu, si l’appelant a soutenu, devant les juges de première instance, que sa gestion des contrats de travail des employés de la régie, qui constitue l’un des motifs opposés pour mettre fin à ses fonctions, portait sur  » des faits connus depuis décembre 2018 et prescrits « , sans préciser les dispositions prévoyant la prescription, il ne saurait être regardé comme ayant soulevé un moyen opérant dans le cadre du litige dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que l’employeur, qui faisait référence à une procédure de non-respect de la législation sur les horaires de travail initiée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi Occitanie, n’a mis en œuvre aucune procédure de sanction disciplinaire et ne saurait s’être fondé sur des griefs prescrits. Dans ces conditions, l’absence de réponse à un tel moyen est sans incidence sur la régularité du jugement.

8. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative :  » Les jugements sont motivés.  »

9. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges, qui n’étaient pas tenus de faire référence à l’ensemble des arguments que M. B… avait développés, ont répondu, par une motivation suffisante à l’ensemble des conclusions et des moyens qui leur étaient présentés. Au surplus, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire n’était pas soulevé de sorte que l’insuffisance de motivation du jugement au regard de l’absence de réponse à ce moyen ne peut qu’être écartée.

10. Il résulte de ce qui précède que les irrégularités soulevées doivent être écartées.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d’annulation :
11. En premier lieu, en application de l’article R.2221-21 du code général des collectivités territoriales, le président du conseil d’administration de la régie nomme le directeur désigné dans les conditions prévues à l’article L. 2221-10 et met fin à ses fonctions dans les mêmes formes, sauf dans les cas prévus à l’article R. 2221-11. Aux termes de l’article L.2221-10 du même code :  » Les régies dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière, dénommées établissement public local, sont créées, et leur organisation administrative et financière déterminée, par délibération du conseil municipal. Elles sont administrées par un conseil d’administration et un directeur désignés dans les mêmes conditions sur proposition du maire (…) « . Il résulte de ces dispositions que le président du conseil d’administration d’une régie ne peut mettre fin aux fonctions du directeur que sur proposition du maire, après délibération du conseil municipal.

12. Selon l’article L. 2121-18 de ce code :  » Les séances des conseils municipaux sont publiques. Néanmoins, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu’il se réunit à huis clos. (…) « .
13. Le maire de Formiguères, avant d’émettre sa proposition sur le renouvellement de M. B…, a saisi le conseil municipal, qui a, par une délibération du 26 août 2020, rendu un avis favorable au non-renouvellement du contrat de l’intéressé. Or, il ressort des pièces du dossier que, lors de la séance du conseil municipal, si le maire de Formiguères a sollicité le huis clos, il n’a cependant pas soumis au vote cette modalité en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales citées au point précédent. M. B… est donc fondé à soutenir que la procédure de consultation ainsi instituée est entachée d’irrégularité.

14. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.
15. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le vice ainsi relevé qui entache la procédure de consultation de l’organe délibérant, aurait privé M. B… d’une quelconque garantie ni qu’il aurait eu une influence sur la proposition du maire au président du conseil d’administration de la régie. Il suit de là que le vice de procédure ainsi soulevé n’est pas de nature à faire regarder la délibération du 26 août 2020 comme entachée d’irrégularité.

16. En deuxième lieu, M. B… reprend avec la même argumentation qu’en première instance, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dont serait entachée la délibération du 26 août 2020 décidant le recours au huis clos pour émettre l’avis sur le non-renouvellement du contrat de M. B…. Il y a lieu d’écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 5 du jugement attaqué.

17. En troisième lieu, par la décision du 27 août 2020, le président du conseil d’administration de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères a indiqué à M. B… que son contrat de travail, conclu le 1er septembre 2014, sous la forme d’un contrat à durée indéterminée, devait être requalifié en contrat à durée déterminée, soumis à la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, au décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale et aux dispositions des articles L. 2221-10 et R. 2221-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.

18. Aux termes de l’article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions relatives au statut de la fonction publique territoriale applicable à la date du recrutement :  » Par dérogation au principe énoncé à l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l’article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : 1° Lorsqu’il n’existe pas de cadre d’emplois de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu’aucun fonctionnaire n’ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi ; (…) Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d’une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d’une durée maximale de six ans.(…). « . Selon l’article 7 des statuts de la régie municipale des sports et loisirs de Formiguères, le directeur ne peut être recruté que pour une durée de trois ans renouvelable.

19. Sauf s’il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d’un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci. Lorsque le contrat est entaché d’une irrégularité, notamment parce qu’il méconnaît une disposition législative ou réglementaire applicable à la catégorie d’agents contractuels dont relève l’intéressé, l’administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuivre régulièrement. Si le contrat ne peut être régularisé, il appartient à l’administration, dans la limite des droits résultant du contrat initial, de proposer à l’agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi, afin de régulariser sa situation. Si l’intéressé refuse la régularisation de son contrat ou si la régularisation de sa situation, dans les conditions précisées ci-dessus, est impossible, l’administration est tenue de le licencier.

20. En application des dispositions de l’article 3-3 de la loi de la loi du 26 janvier 1984, le contrat de travail de M. B…, directeur de la régie, établissement public local industriel et commercial, ne pouvait être conclu que pour une durée maximale de trois ans renouvelable, les statuts de la régie, dans leur article 7, cité au point 18, ayant, au demeurant, repris de telles dispositions. Si le contrat de travail, illégal sur la durée ainsi fixée, conclu le 1er septembre 2014, a créé des droits, ces droits ne peuvent pas faire obstacle à ce que les stipulations illégales soient abrogées pour l’avenir de sorte que le président du conseil d’administration de la régie, qui était tenu de procéder à une telle régularisation, a procédé à bon droit la requalification de son contrat en contrat à durée déterminée et, au regard de l’échéance, au 1er septembre 2020, de la période de renouvellement de trois ans, n’avait pas à la soumettre à d’autres modalités. Dans ces conditions, M. B… ne peut se prévaloir des stipulations de ce contrat qui méconnaissent les dispositions législatives et réglementaires applicables et, compte tenu de la possibilité de cette régularisation, n’est pas davantage fondé à soutenir que son employeur aurait dû notamment lui proposer un emploi de niveau équivalent.

21. En dernier lieu, le titulaire d’un contrat à durée déterminée ne bénéficie d’aucun droit au renouvellement de son contrat et l’autorité compétente peut toujours, pour des motifs tirés de l’intérêt du service, décider de ne pas renouveler son contrat et mettre fin à ses fonctions. Si la décision de ne pas renouveler un contrat à durée déterminée n’a pas à être motivée, il appartient au juge, en cas de contestation de celle-ci, de vérifier qu’elle est fondée sur l’intérêt du service.

22. Par la même décision du 27 août 2020, le président du conseil d’administration de la régie municipale a, après avoir procédé à la requalification du contrat dans le cadre de sa nécessaire régularisation, indiqué à M. B… que son contrat, conclu le 1er septembre 2014, avait été renouvelé pour une première période de trois ans et qu’arrivé à échéance le 1er septembre 2020, il ne serait pas renouvelé en raison d’un bilan insatisfaisant tenant, en premier lieu, à un oubli de collecte de taxe sur la valeur ajoutée liée aux activités de remontées mécaniques pour le 4ème trimestre de l’année 2016 ayant donné lieu à la régularisation d’un montant de 128 881 euros, en deuxième lieu, aux augmentations de rémunérations que M. B… s’est octroyées sans autorisation préalable du conseil municipal et, en dernier lieu, à la gestion des heures de travail du personnel saisonnier.

23. D’une part, compte tenu de la durée de trois ans qui, ainsi qu’il a été dit au point 20, s’appliquait au contrat de travail, M. B… a nécessairement bénéficié, contrairement à ce qu’il soutient, d’un renouvellement de son contrat pour la même durée à compter du 1er septembre 2017 et jusqu’au 1er septembre 2020, quand bien même il n’a pas été expressément prévu. Ainsi, le non-renouvellement à cette date ne pouvant s’analyser comme un licenciement, M. B… ne peut utilement invoquer l’illégalité d’une rupture contractuelle unilatérale.
24. D’autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment des éléments explicités lors de la séance du conseil municipal du 26 août 2020 que le non-renouvellement de contrat de M. B… procède d’une perte de confiance en l’intéressé notamment au regard des nombreux dépassements de la durée maximale légale hebdomadaire de travail pour les agents saisonniers, M. B… ayant précisé qu’il avait privilégié la garantie de rémunération des salariés pénalisés par un enneigement trop faible en début de saison hivernale, en lieu et place de recrutements en cours de saison. Ce motif, qui relève notamment d’un désaccord dans la gestion et l’exercice des fonctions de direction, ne saurait être étranger à l’intérêt du service et était de nature, à lui seul, à justifier la décision de non-renouvellement du contrat de l’intéressé sans qu’il soit besoin d’examiner les deux autres motifs fondant le refus de renouvellement.

25. Il résulte de ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d’annulation et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction.
En ce qui concerne les conclusions à fin d’indemnisation :

26. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B… n’est fondé à invoquer ni l’illégalité de la requalification de son contrat ni celle du non-renouvellement de son contrat. En l’absence de faute, il ne saurait solliciter l’indemnisation d’un préjudice lié à la signification du non-renouvellement de son contrat par voie d’huissier, cette modalité de notification ne pouvant, au demeurant, être qualifiée de brutale et vexatoire.

27. En deuxième lieu, et dès lors que la décision mettant fin au contrat de travail de M. B… ne saurait s’analyser, ainsi qu’il a été dit au point 23, comme un licenciement, l’appelant n’est pas fondé à solliciter le versement d’indemnités de rupture contractuelle, de préavis et de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et licenciement abusif. A cet égard, ainsi qu’il a été dit au point 20, l’intéressé ne saurait se prévaloir de l’indemnité contractuelle de rupture égale à vingt-quatre mois de salaire dès lors que le contrat ainsi conclu méconnaissait les dispositions législatives relatives au recrutement des agents contractuels dans la fonction publique territoriale.

28. En troisième lieu, à l’instar du contrat initial ainsi conclu, la clause figurant à l’article 6 et soumettant le contrat de M. B…, pourtant agent public, aux stipulations de la convention collective nationale des remontées mécaniques et domaines skiables et à la convention en jours, document annexée au contrat, est illégale et ne peut être utilement invoquée par l’appelant, qui, ainsi que le fait valoir son employeur, sans être contredit sur ce point, s’est vu verser l’intégralité des rémunérations liées aux jours travaillés ou aux congés non pris. Il suit de là qu’il ne peut prétendre à aucune indemnisation sur ce fondement.

29. En quatrième lieu, eu égard à la circonstance que l’établissement public industriel et commercial était tenu de requalifier son contrat, l’appelant ne saurait invoquer le caractère fautif de l’attestation remise par la régie à Pôle emploi et retenant qu’il était signataire d’un contrat à durée indéterminée. M. B… n’est donc pas fondé à demander une quelconque somme à ce titre.

30. En dernier lieu, en admettant qu’il ait entendu invoquer la faute de la régie municipale à l’avoir recruté par la voie illégale du contrat à durée indéterminée, M. B…, qui a exercé les fonctions de directeur pendant une durée de six années et s’est vu opposer un refus de renouvellement fondé sur l’intérêt du service, n’établit donc pas la réalité de son préjudice en se bornant à soutenir qu’il n’aurait jamais accepté de conclure, en 2014, un contrat à durée déterminée.
31. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune de Formiguères, que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions à fin d’indemnisation.

Sur les frais liés au litige :

32. D’une part, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par l’appelant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune de Formiguères, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D’autre part, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B… les sommes que sollicitent la commune de Formiguères et la société publique locale Trio Pyrénées sur le même fondement.

33. Par ailleurs, en l’absence de dépens au sens de l’article R.761-1 du même code, les conclusions de M. B… relatives à l’attribution de leur charge ne peuvent qu’être rejetées.

D E C I D E :
Article 1er : La société publique locale Trio Pyrénées est mise hors de cause.

DSP remontées mécaniques Chapelle d’Abondance (suite)/ Eviction irrégulière d’un candidat non dépourvu de chance sérieuse/ Indemnisation

CAA de LYON, 6ème chambre, 16/01/2025, 24LY01164, Inédit au recueil Lebon

CAA de LYON – 6ème chambre

  • N° 24LY01164
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du jeudi 16 janvier 2025

Président

  1. POURNY

Rapporteur

  1. Henri STILLMUNKES

Rapporteur public

Mme COTTIER

Avocat(s)

SELARL PAILLAT CONTI & BORY

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Chapelle d’Abondance loisirs développement a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de la Chapelle d’Abondance à lui verser la somme de 864 012 euros en réparation du préjudice que lui a causé son éviction de la procédure d’attribution de la délégation du service public des remontées mécaniques.

Par un jugement n° 1702695 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de la Chapelle d’Abondance à verser à la société Chapelle d’Abondance loisirs développement une somme de 22 588 euros, outre intérêts au taux légaux à compter du 11 janvier 2017.

Procédure devant la cour avant cassation et renvoi :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2021, ensemble des mémoires complémentaires enregistrés les 26 septembre et 25 octobre 2022, la SAS Chapelle d’Abondance loisirs développement (CALD), représentée par la SELARL Carnot Avocats agissant par Me Deygas, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1702695 du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu’il a limité la somme que la commune de la Chapelle d’Abondance a été condamnée à lui verser à 22 588 euros ;

2°) de condamner la commune de la Chapelle d’Abondance à lui verser la somme de 864 012 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2017 et capitalisation à la date de sa requête, en réparation du préjudice que lui a causé son éviction de la procédure d’attribution de la délégation du service public des remontées mécaniques ;

3°) de mettre à la charge de la commune de la Chapelle d’Abondance une somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société CALD soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
– la procédure de passation est irrégulière compte tenu de l’adjonction de critères non indiqués, de l’imprécision du projet de contrat, de la modification apportée sur la charge des gros entretiens et travaux, et enfin de l’absence d’échéancier prévisionnel des travaux d’investissement et d’une note méthodologique dans l’offre retenue ;
– l’offre retenue étant irrégulière et son offre étant meilleure sur les seuls critères indiqués, son offre, qui est régulière, aurait dû être retenue ;
– elle a subi un préjudice de manque à gagner ;
– les fins de non-recevoir opposées en défense ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2022, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 12 octobre 2022, la commune de la Chapelle d’Abondance, représentée par la SELARL Paillat Conti et Bory agissant par Me Bory, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre incident, à ce que les conclusions indemnitaires de la société CALD soient rejetées ;

3°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société CALD sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de la Chapelle d’Abondance soutient que :
– la requête est irrecevable dès lors que la société CALD ne justifie pas être la même société que celle qui a candidaté sans succès ;
– la requête est irrecevable en l’absence de demande préalable et en tant que le montant demandé excède le montant indiqué dans la demande préalable ;
– elle n’a commis aucune irrégularité dans la procédure de passation ;
– l’offre retenue n’était pas irrégulière ;
– l’offre de la société CALD n’était pas régulière dès lors qu’elle a proposé une solution alternative sur le gros entretien, les travaux de grosse réparation et le renouvellement, et la loyauté des relations processuelles fait obstacle à ce qu’elle puisse contester la proposition alternative faite par la SELCA sur ce point ;
– la société CALD n’a pas perdu de chance sérieuse d’emporter le contrat ;
– ni le manque à gagner ni le coût de l’offre ne sont établis ;
– l’indemnisation doit être réduite en considération de la résiliation du contrat qui a été prononcée le 22 février 2017.

Par un arrêt n° 21LY00192 du 10 janvier 2023, la cour a porté à 450 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2017 et capitalisation au 20 janvier 2021 et à chaque échéance annuelle ultérieure, la somme que la commune de la Chapelle d’Abondance a été condamnée à verser à la société CALD.

Par une décision n° 472038 du 24 avril 2024, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la cour et lui a renvoyé l’affaire.

Procédure devant la cour après cassation et renvoi :

Par un mémoire complémentaire après renvoi enregistré le 3 juin 2024, la SAS CALD, représentée par la SCP Melka Prigent Drusch agissant par Me Melka, conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

La société ajoute que la résiliation est justifiée par l’irrégularité de l’offre retenue, ce qui est sans incidence sur son droit à indemnisation.

Par courrier du 3 octobre 2024, la cour a demandé à la commune de fournir dans les meilleurs délais toutes explications utiles et circonstanciées sur les motifs précis et complets de la résiliation du contrat, ainsi qu’une copie des remarques formulées par le service de contrôle de légalité qu’elle évoque.

Par un mémoire complémentaire après renvoi enregistré le 11 octobre 2024, la commune de la Chapelle d’Abondance, représentée par la SELARL Paillat Conti et Bory agissant par Me Bory, conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

La commune ajoute que la résiliation se fonde essentiellement sur le vice tenant à la durée excessive du contrat, ce qui est opposable à la société requérante qui n’a pas proposé de réduction de cette durée.

Par ordonnance du 12 septembre 2024, la clôture d’instruction a été fixée au 14 octobre 2024 à 16h30. Par ordonnance du 11 octobre 2024, la clôture d’instruction a été reportée au 31 octobre à 16h30.

Un mémoire complémentaire, présenté pour la SAS CALD et enregistré le 29 octobre 2024, n’a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code civil ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code du tourisme ;
– l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016, ensemble le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
– les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
– les observations de Me Deygas, représentant la société CADL,
– et les observations de Me Bory, représentant la commune de la Chapelle d’Abondance.

Une note en délibéré, présentée pour la société CALD, a été enregistrée le 16 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de la Chapelle d’Abondance a engagé la procédure de passation d’un contrat d’affermage du service public des remontées mécaniques et des pistes de ski alpin de la commune, par avis d’appel public à la concurrence publié les 30 et 31 mars 2016. Le contrat a été conclu le 10 novembre 2016 avec la société d’exploitation La Chapelle d’Abondance (SELCA). La société Chapelle d’Abondance loisirs et développement (CALD), candidat évincé, a saisi le tribunal administratif de Grenoble d’une demande indemnitaire au titre du préjudice résultant de son éviction. Par le jugement attaqué du 19 novembre 2020, le tribunal a retenu qu’une irrégularité entachant la procédure de passation avait fait perdre à la société CALD une chance simple d’emporter le contrat et a en conséquence condamné la commune à verser à la société CALD une somme de 22 588 euros au titre des frais de présentation de son offre. Par un arrêt du 10 janvier 2023, la cour a porté ce montant à 450 000 euros, correspondant à la perte des bénéfices escomptés, en retenant la perte d’une chance sérieuse d’emporter le contrat du fait d’une autre irrégularité entachant la procédure de passation. Par une décision du 24 avril 2024, le Conseil d’Etat a cassé l’arrêt de la cour et lui a renvoyé l’affaire.

Sur la recevabilité de l’appel de la société CALD :

2. En premier lieu, il résulte de l’instruction, et notamment des différents extraits Kbis produits, que la société CALD a été immatriculée pour la première fois le 10 décembre 2009 au registre du commerce et des sociétés de Thonon-les-Bains, son activité ayant commencé le 17 novembre 2009. Son adresse se situait alors à la Chapelle d’Abondance. A la suite du déménagement de son siège social à Barberaz, son immatriculation a été transférée le 6 mars 2017 au registre du commerce et des sociétés de Chambéry. Le 31 mai 2021, son siège social a été transféré à la Motte Servolex. Ainsi, contrairement à ce qui est allégué, la société requérante, qui a rectifié l’erreur matérielle figurant sur sa requête portant sur l’adresse de son siège, est la même société que celle qui a présenté une offre dans le cadre de la procédure d’attribution de la délégation de service public litigieuse et que celle qui était demanderesse en première instance. Sa demande de première instance ayant été partiellement rejetée, elle a qualité pour faire appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de la Chapelle d’Abondance tirée du défaut de qualité à agir de la requérante, doit être écartée.

3. En second lieu, la décision par laquelle l’administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d’un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l’égard du demandeur pour l’ensemble des dommages causés par ce fait générateur. Il en va ainsi quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. La victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l’administration à l’indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n’étaient pas mentionnés dans sa réclamation. En l’espèce, il résulte des pièces fournies en première instance que, par décision du 6 février 2017, la commune a rejeté la demande indemnitaire formée par la société, le fait générateur invoqué étant l’irrégularité de la procédure de passation. La société était dès lors recevable à présenter en première instance et en appel des conclusions indemnitaires au titre de ce fait générateur, alors même que leur chiffrage excéderait celui de sa demande indemnitaire préalable.

Sur la responsabilité de la commune de la Chapelle d’Abondance :

4. D’une part, lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de la procédure d’attribution, il appartient au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le contrat. Dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre. Il convient ensuite de rechercher si l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le contrat. Dans un tel cas, l’entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre qui n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique.

5. D’autre part, lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité et si les chances sérieuses de l’entreprise d’emporter le contrat sont établies, de vérifier qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l’indemnisation. Il lui incombe aussi d’apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain, en tenant compte notamment, s’agissant des contrats dans lesquels le titulaire supporte les risques de l’exploitation, de l’aléa qui affecte les résultats de cette exploitation et de la durée de celle-ci.

6. Enfin, dans le cas où le contrat a été résilié par la personne publique, il y a lieu, pour apprécier l’existence d’un préjudice directement causé par l’irrégularité et en évaluer le montant, de tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation, afin de déterminer quels auraient été les droits à indemnisation du concurrent évincé si le contrat avait été conclu avec lui et si sa résiliation avait été prononcée pour les mêmes motifs que celle du contrat irrégulièrement conclu.

En ce qui concerne la régularité de l’attribution de la délégation de service public :

7. Aux termes de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable :  » Les délégations de service public (…) sont soumises par l’autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes (…) / La commission mentionnée à l’article L. 1411-5 dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières (…) / La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations (…) / Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l’autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire « .

8. Le règlement de la consultation prévu par une autorité délégante pour la passation d’une délégation de service public est obligatoire dans toutes ses mentions. L’autorité délégante ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres ou si la méconnaissance de cette exigence résulte d’une erreur purement matérielle d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue.

9. En l’espèce, le règlement de consultation a prévu que les offres devraient répondre aux caractéristiques du service et conditions de fonctionnement définies au cahier des charges ainsi qu’à l’ensemble des demandes formulées par ce cahier des charges et qu’en particulier les documents demandés dans le corps du cahier des charges devaient obligatoirement être produits. Si l’article 3/3 du règlement précise que  » l’ensemble des autres clauses du document de consultation pourront faire l’objet d’observations ou de propositions alternatives motivées de la part du candidat, qui seront intégrées dans leur proposition « , ces dispositions ne pouvaient permettre d’exonérer un candidat de l’obligation de produire l’un des documents demandés, et notamment l’échéancier prévisionnel des travaux d’investissement à envisager en terme de remplacement ou de renouvellement des biens prévu à l’article 23 du cahier des charges.

10. Il résulte de l’instruction que l’offre de la SELCA ne comprenait pas cet échéancier prévisionnel. La SELCA n’a pas plus produit, en cours de négociation, cet échéancier, de sorte que la convention de délégation de service public signée prévoyait :  » Les parties décident de définir dans la première année d’exploitation de la délégation un plan de renouvellement, de développement des installations du domaine skiable. A la date anniversaire de ce contrat, un avenant sera validé entre les parties et composera l’annexe 7 « . La production d’un tel échéancier prévisionnel des travaux, qui permettait d’éclairer la commune sur la nature de l’offre proposée par la société et les coûts correspondants, n’était pas dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures. Par suite, et contrairement à ce qu’a estimé le tribunal, qui a toutefois jugé la procédure d’attribution de la délégation irrégulière pour un autre motif, la société CALD est fondée à soutenir que la délégation de service public a été attribuée à un candidat qui ne respectait pas une des exigences imposées par le règlement de consultation et que la délégation de service public ne pouvait, pour ce motif, être attribuée à la SELCA. Compte tenu de l’incidence de cette irrégularité sur l’attribution de la délégation de service public, il y a lieu de substituer ce motif d’irrégularité à celui retenu par le tribunal.

En ce qui concerne le lien de causalité entre le préjudice et l’irrégularité ainsi commise :

11. En premier lieu, le cahier des charges mis à disposition des candidats à l’attribution de la délégation de service public comprenait un article 22, relatif aux  » Travaux d’entretien courant et spécifique, réparations  » ainsi qu’un article 23, relatif au  » Gros entretien, réparation, renouvellement « . Si chacun de ces deux articles prévoyait, dans leur formulation soumise aux candidats, que ces différents travaux seraient pris en charge par le délégataire, les encadrés suivant chacun de ces articles invitaient les candidats à proposer librement une répartition différente de la charge et de la responsabilité de ces travaux. Par suite, la commune de la Chapelle d’Abondance n’est pas fondée à soutenir que la proposition de la société CALD qui, comme la proposition de la SELCA, prévoyait une répartition des charges de ces travaux entre le délégant et le délégataire, n’aurait pas été régulière et que la société CALD ne pouvait, de ce seul fait, être regardée comme ayant été privée d’une chance sérieuse d’obtenir la délégation.

12. En deuxième lieu, l’offre de la société CALD a été classée deuxième, après celle de la SELCA. L’offre de la SELCA ne pouvant être retenue pour le motif exposé au point 7, la société CALD, ancienne exploitante, avec laquelle des négociations avaient été engagées et dont la qualité des propositions avait été soulignée, disposait d’une chance sérieuse d’obtenir la délégation. La société CALD doit ainsi, en principe, être indemnisée de l’intégralité du manque à gagner dont elle a été privée.

13. En troisième lieu, toutefois, il résulte de l’instruction que, par courrier du 25 novembre 2016, le préfet de la Haute-Savoie a attiré l’attention de la commune de la Chapelle d’Abondance sur les vices entachant le contrat conclu avec la SELCA, tenant à l’absence d’indications essentielles de la publicité, du règlement de la consultation et du cahier des charges, aux incohérences entre le rapport présenté au conseil municipal en vue de recourir à la gestion déléguée, les avis d’appel public à candidature, le règlement de la consultation, le cahier des charges et la convention finalement signée, à l’absence de publication des critères de comparaison des offres utilisés lors de la négociation avec les trois candidats retenus et, enfin, à la durée excessive de la convention signée. Le préfet a en conséquence invité la commune à mettre fin au contrat. La commune a prononcé la résiliation par décision du maire du 22 février 2017, remise en mains propres le jour même, en se fondant sur les irrégularités ainsi relevées.

14. D’une part, aux termes de l’article L. 342-3 du code du tourisme :  » Conformément aux dispositions de l’article 34 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, la durée de ces contrats est modulée en fonction de la nature et de l’importance des investissements consentis par l’aménageur ou l’exploitant (…) « . L’article 14 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 à laquelle il est ainsi renvoyé, alors applicable, prévoyait que :  » I. – Les contrats de concession sont limités dans leur durée. Cette durée est déterminée par l’autorité concédante en fonction de la nature et du montant des prestations ou des investissements demandés au concessionnaire, dans les conditions prévues par voie réglementaire (…) « . Aux termes de l’article 6 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 d’application de cette ordonnance :  » I. – Pour l’application de l’article 34 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 susvisée, les investissements s’entendent comme les investissements initiaux ainsi que ceux devant être réalisés pendant la durée du contrat de concession, nécessaires pour l’exploitation des travaux ou des services concédés. Sont notamment considérés comme tels les travaux de renouvellement, les dépenses liées aux infrastructures, aux droits d’auteur, aux brevets, aux équipements, à la logistique, au recrutement et à la formation du personnel. / II. – Pour les contrats de concession d’une durée supérieure à cinq ans, la durée du contrat n’excède pas le temps raisonnablement escompté par le concessionnaire pour qu’il amortisse les investissements réalisés pour l’exploitation des ouvrages ou services avec un retour sur les capitaux investis, compte tenu des investissements nécessaires à l’exécution du contrat (…) « . Enfin, aux termes de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, applicable à la date d’engagement de la procédure de passation :  » Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l’investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d’amortissement des installations mises en œuvre (…) « . La durée normale d’amortissement au sens de ces dispositions est la durée normalement attendue pour que le délégataire puisse couvrir ses charges d’exploitation et d’investissement, compte tenu des contraintes d’exploitation liées à la nature du service et des exigences du délégant, ainsi que de la prévision des tarifs payés par les usagers, que cette durée coïncide ou non avec la durée de l’amortissement comptable des investissements.

15. D’autre part, eu égard à l’impératif d’ordre public imposant de garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d’accès des opérateurs économiques aux contrats de délégation de service public et la transparence des procédures de passation, la nécessité de mettre fin à une convention dépassant la durée prévue par la loi d’une délégation de service public constitue un motif d’intérêt général justifiant sa résiliation unilatérale par la personne publique, sans qu’il soit besoin qu’elle saisisse au préalable le juge.

16. Il résulte de l’article 1er du cahier des charges mis à disposition des candidats pour les besoins de la consultation, que la commune s’engage à remettre au délégataire les ouvrages et équipements publics existants, dont la liste est dressée à l’article 10, le délégataire étant tenu d’exploiter le service à ses risques et périls. L’article 2 prévoit que le contrat est normalement d’une durée de 12 ans, sauf à ce que le candidat propose à titre alternatif une durée de 8 ans, ces durées pouvant être prolongées. L’article 3 précise que le délégataire est chargé d’entretenir et renouveler en tant que de besoin les équipements mis à sa disposition et qu’il est possible d’envisager qu’il s’engage à financer et réaliser des équipements nouveaux concernant les remontées mécaniques ou la neige de culture, étant précisé que cette possibilité est indiquée comme relevant uniquement  » des clauses concessives possibles « . Les articles 19, 22 et 23 précisent par ailleurs que le délégataire est tenu de renouveler, remplacer, entretenir en bon état de fonctionnement et réparer à ses frais les ouvrages, équipements et matériels permettant le bon fonctionnement du service. Il résulte ainsi de l’ensemble de ces dispositions destinées à fixer l’économie générale du futur contrat que le délégataire n’a pas vocation à réaliser des investissements significatifs, mais seulement à assurer, pour les besoins de l’exploitation du service, le maintien en l’état des équipements et matériels qui lui sont confiés, sauf à ce qu’il accepte ponctuellement et de façon purement optionnelle de réaliser certains équipements nouveaux. La durée de 12 ans prévue par le contrat, ou même la durée optionnelle éventuelle de 8 ans, apparaissent ainsi manifestement excessives au regard de cette charge limitée, ce motif étant de nature à justifier la résiliation du contrat, quel que soit l’attributaire. Au demeurant, après la résiliation du contrat conclu le 10 novembre 2016, une nouvelle procédure de passation a été engagée et un contrat a été conclu le 15 décembre 2017, toujours avec la SELCA. Ce contrat, qui porte sur la délégation du même service public dans un périmètre similaire, est qualifié de concession et met à la charge du délégataire, outre l’exploitation du service, la réalisation de quelques aménagements, pour des espaces ludiques et un réseau de pistes nordiques. Pour autant, la durée a pu être limitée à 5 ans, sans déséquilibre manifeste au regard de la nature et de l’importance des investissements prévus. Le contrat précédant la procédure de passation en litige, qui était attribué à la société CALD, était lui-même d’une durée initiale limitée à 6 ans.

17. Compte tenu de ce qui a été exposé au point précédent, la résiliation prononcée le 22 février 2017 l’aurait été quel que soit le candidat retenu. Le préjudice subi par la société CALD n’est, dès lors, en lien avec l’irrégularité de la procédure de passation, qui est seule invoquée, que dans la limite de la durée maximale d’exécution que le contrat aurait pu connaitre avant d’être résilié. En l’absence d’autre fondement de responsabilité invoqué, l’indemnisation de la société CALD doit ainsi être opérée au titre du manque à gagner perdu du fait de son éviction irrégulière, dans la limite temporelle qui vient d’être indiquée.

En ce qui concerne le montant du préjudice :

18. Le manque à gagner d’une entreprise candidate à l’attribution d’un contrat de délégation de service public, évincée à l’issue d’une procédure irrégulière, est évalué par référence au montant théorique de bénéfices résultant de la soustraction du total du chiffre d’affaires non réalisé de l’ensemble des charges variables et de la quote-part des coûts fixes qui aurait été affectée à l’exécution du marché si elle en avait été titulaire. Compte tenu du risque inhérent à l’exécution d’un tel contrat, il incombe aussi au juge d’apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain, en tenant compte notamment, s’agissant des contrats dans lesquels le titulaire supporte les risques de l’exploitation, de l’aléa qui affecte les résultats de cette exploitation et de la durée de celle-ci.
19. A l’appui de son offre, la société CALD a produit deux comptes d’exploitation prévisionnels. Le premier compte d’exploitation prévisionnel,  » Evasion « , a été établi sur la base d’une offre commerciale de forfaits dans la continuité de l’offre jusque-là proposée par la société CALD dans le cadre de la régie intéressée. La marge nette est de 493 853 euros sur les douze ans du contrat. Le second compte d’exploitation, qui fait apparaître une marge nette de 864 012 euros, se fonde sur la création d’un forfait plus rentable, le forfait  » Liberté « , qui nécessite des accords avec les stations voisines. La mise en œuvre de ce second forfait présentant ainsi un caractère incertain et éventuel, les données figurant dans ce second compte d’exploitation ne peuvent servir de base suffisamment certaine à la détermination du préjudice subi par la société. En outre, lors de l’examen des offres, la commune, qui a jugé que l’offre de la société CALD était sérieuse, a néanmoins noté que les données de la société CALD reposaient sur une approche  » optimiste  » de croissance du chiffre d’affaires de la station, d’autant plus incertaine que la durée du contrat était particulièrement longue. Il ne résulte ainsi pas de l’instruction que le second compte d’exploitation, qui repose sur des bases incertaines et l’éventualité d’accords conclus avec des tiers, puisse être retenu comme suffisamment probant. C’est donc la base d’analyse constituée par le premier compte d’exploitation prévisionnel, non sérieusement contesté, qui doit être retenue comme base d’analyse, sous réserve de l’aléa qui affecte inévitablement les résultats de cette exploitation et de la durée de celle-ci, qui doivent conduire à moduler cette évaluation sur la durée totale du contrat. En l’espèce, il a été dit que le contrat conclu avec la société SELCA l’a été le 10 novembre 2016 et qu’il a été résilié le 22 février 2017. Il ne résulte pas de l’instruction que le calendrier aurait été sensiblement différent si l’offre de la société CALD avait été retenue. Sur la durée très brève d’exécution précédant la résiliation qui aurait dû être prononcée et en l’absence d’aléa marqué sur une telle durée très limitée, l’évaluation du manque à gagner peut être faite sans abattement. En retenant une durée d’exécution maximale de trois mois et demi avant qu’une résiliation d’intervienne, le préjudice de la société CALD tenant au manque à gagner s’élève ainsi, prorata temporis, à 12 003,37 euros.

20. Toutefois, dans l’hypothèse où le préjudice de manque à gagner subi par un candidat évincé qui avait une chance sérieuse d’emporter le contrat est inférieur au coût de présentation de son offre, la somme qui lui est allouée ne peut être inférieure à ce dernier montant, que l’irrégularité de la procédure de passation l’a en tout état de cause conduit à engager en vain. En l’espèce, cependant, l’essentiel des montants demandés par la société au titre du coût de présentation de son offre correspond au coût salarial, sans que soit établi que la société aurait, en vue de la procédure de passation, spécialement recruté des personnels, de telle sorte que ce coût ne correspond à aucun frais supplémentaire mais à la seule utilisation de ses moyens normaux sans surcoût lié à la procédure de passation. Les seuls frais supplémentaires invoqués, au titre des déplacements, repas et frais divers, et qui peuvent être regardés comme en lien avec la procédure de passation, se limitent à la somme totale de 2 340 euros, en supposant que le seul tableau dressé par la société et produit au tribunal puisse être regardé comme suffisamment probant. Ce montant étant inférieur au manque à gagner perdu dont la société CALD est fondée à demander le remboursement, c’est le montant du manque à gagner, tel qu’il a été exposé au point 19 du présent arrêt, qui doit dès lors être alloué à cette société.

21. Il résulte de ce qui précède que le préjudice de manque à gagner subi par la société CALD dont elle est fondée à demander le remboursement par la commune de la Chapelle d’Abondance doit être évalué au montant de 12 003,37 euros.

En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :

22. La société CALD a droit aux intérêts au taux légal sur la somme que la commune de la Chapelle d’Abondance est condamnée à lui verser, à compter du 11 janvier 2017, date de réception de sa demande préalable par la commune. Elle a en outre demandé pour la première fois le 20 janvier 2021 la capitalisation de ces intérêts. A cette date, il était dû au moins une année d’intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande et de prévoir la capitalisation des intérêts à compter du 20 janvier 2021 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de la Chapelle d’Abondance est uniquement fondée à soutenir, à titre incident, que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n’a pas limité la somme qu’elle a été condamnée à verser à la société CALD au montant de 12 003,37 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2017, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés au 20 janvier 2021 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.

Sur les frais de l’instance :

24. La commune de la Chapelle d’Abondance n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions dirigées contre elle par la société CALD sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de la Chapelle d’Abondance sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La commune de la Chapelle d’Abondance est condamnée à verser à la société Chapelle d’Abondance loisirs développement la somme de 12 003,37 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2017, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés au 20 janvier 2021 et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.
Article 2 : L’article 1er du jugement n° 1702695 du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Chapelle d’Abondance loisirs développement et à la commune de la Chapelle d’Abondance

 

ICHN – Refus – UGB – Age des animaux – Erreur de droit

Conseil d’État – 3ème chambre

  • N° 475585
  • ECLI:FR:CECHS:2024:475585.20241108
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du vendredi 08 novembre 2024

Rapporteur

  1. Paul Levasseur

Rapporteur public

Mme Marie-Gabrielle Merloz

Avocat(s)

CABINET FRANÇOIS PINET ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme A… B… a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision du 19 décembre 2019 par laquelle la cheffe du service agriculture et espaces ruraux de la direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes a rejeté sa demande d’octroi de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) au titre de l’année 2019 et d’enjoindre à la même autorité de lui allouer cette indemnité. Par un jugement n° 2001536 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°22MA00715 du 3 mai 2023, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par Mme B… contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juillet et 4 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
– le règlement délégué (UE) n° 640/2014 de la Commission du 11 mars 2014 ;
– le règlement d’exécution (UE) n° 808/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
– le décret n° 2014-580 du 3 juin 2014 ;
– le décret n° 2015-445 du 16 avril 2015 ;
– le décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 ;
– l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 ;
– l’arrêté du 1er août 2016 pris en application du décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées, et modifiant le code rural et de la pêche maritime, et modifiant l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,

– les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet François Pinet, avocat de Mme A… B… et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B…, éleveuse de chèvres et d’équidés, est bénéficiaire, depuis 2008, des aides directes de la politique agricole commune (PAC), en particulier de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Sa demande de paiement de l’ICHN au titre de la campagne PAC 2019 lui a été refusée par une décision du 19 décembre 2019 prise par la cheffe du service agriculture et espaces ruraux de la direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes, agissant au nom de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur dans les conditions définies par les dispositions de l’article 78 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et du décret du 16 avril 2015 relatif à la mise en œuvre des programmes de développement rural pour la période 2014-2020, au motif que l’un des équidés qu’elle avait déclarés ne remplissait pas la condition d’être âgé de trois ans au plus au 15 mai 2019 et qu’elle ne justifiait donc pas de la présence sur son exploitation de trois unités gros bétail (UGB). Par un jugement du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision. Mme B… se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2023 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel formé contre ce jugement.

Sur le pourvoi :

2. Aux termes de l’article D. 113-18 du code rural et de la pêche maritime, applicable aux aides versées au titre de la programmation de la PAC ayant débuté en 2014 :  » Peuvent bénéficier des aides compensatoires de handicaps naturels et spécifiques, dans les conditions prévues par le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux de la France (…), les agriculteurs actifs « . Aux termes de l’article D. 113-19 du même code, applicable aux mêmes aides :  » Le calcul des aides allouées à chaque agriculteur est effectué selon les règles définies par le programme de développement rural régional de la région où sont situées les surfaces agricoles de l’exploitation bénéficiaire et, le cas échéant, par le cadre national mentionné à l’article D. 113-18. / Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et du budget (…) précise, en tant que de besoin, les règles d’éligibilité exposées dans le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux. Il détermine les surfaces et les catégories de cheptel retenues pour le calcul du taux de chargement lorsqu’un tel critère est prévu par le cadre national ou le programme de développement rural régional applicable à la région concernée « .

3. D’une part, l’article 1er de l’arrêté du 9 octobre 2015 du ministre chargé de l’agriculture relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 prévoit que les agriculteurs déposent une demande unique au titre de la PAC contenant  » la déclaration des effectifs animaux « . L’article 4 du même arrêté dispose que  » la date limite de dépôt à laquelle la demande d’attribution de droits au paiement (…) au titre du régime de paiement de base doit être parvenue à la direction départementale chargée de l’agriculture du département dans lequel se situe le siège de l’exploitation est fixée (…) au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures « . Son article 4 bis précise que  » la qualité du demandeur d’aides s’apprécie au jour de la date limite de dépôt de la demande d’aides « .

4. Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier de l’ICHN au titre de la campagne 2019, le demandeur doit justifier de sa qualité d’agriculteur actif à la date limite de dépôt de sa demande d’aide, soit le 15 mai 2019.

5. D’autre part, aux termes de l’article 3 de l’arrêté du 1er août 2016 des ministres chargés de l’agriculture et du budget pris en application du décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées :  » I. – Lorsque le document Cadre national pour le développement rural ou le programme de développement rural prévoit un critère de taux de chargement, les dispositions suivantes s’appliquent. / (…) II. – Les animaux autres que bovins pris en compte au titre du I sont ceux qui sont déclarés sur le formulaire de déclaration des effectifs animaux et qui sont présents sur l’exploitation pendant une durée minimale de 30 jours consécutifs incluant le 31 mars de l’année de la demande « . Aux termes de l’article 5 du même arrêté :  » Le document Cadre national pour le développement rural ou le programme de développement rural précisent si les équidés sont pris en compte dans les critères d’éligibilité. / Le cas échéant, les équidés pris en compte sont ceux répondant aux critères de l’article 3 et relevant d’une des deux catégories ci-après : / (…) – poulains et pouliches âgés d’au moins 6 mois et au plus de 3 ans et non déclarés à l’entraînement au sens des codes des courses « . En outre, le cadre national du programme de développement rural approuvé par la Commission européenne le 30 juin 2015, qui fixe en son point 5.2.7.3.1.6 les conditions d’admissibilité pour bénéficier de l’ICHN, prévoit que le demandeur doit  » détenir un cheptel d’au moins 3 UGB en production animale « .

6. Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier de l’ICHN au titre de la campagne 2019, l’agriculteur qui en fait la demande doit établir qu’il détient au moins trois UGB éligibles, parmi lesquels, le cas échéant, les animaux autres que bovins pris en compte, dont les équidés, sont ceux qui sont présents sur l’exploitation pendant une période minimale de 30 jours consécutifs incluant le 31 mars 2019. A ce titre, les poulains et pouliches pris en compte pour bénéficier de l’ICHN au titre de la campagne PAC 2019 sont donc ceux âgés d’au moins 6 mois et au plus de 3 ans sur cette même période.

7. Par conséquent, en relevant que la date à laquelle s’apprécie l’âge des équidés pour ouvrir droit au bénéfice de l’ICHN au titre de la campagne PAC 2019 était le 15 mai 2019, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit. Par suite, son arrêt doit être annulé.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le règlement au fond :

9. Il ressort des pièces du dossier que, par la décision litigieuse du 19 décembre 2019, le bénéfice de l’ICHN a été refusé à Mme B… au motif que l’un des équidés qu’elle avait déclarés était âgé de plus de trois ans au 15 mai 2019, alors qu’il n’est pas contesté que cet animal était encore âgé de moins de trois ans au terme d’une période de 30 jours consécutifs débutant le 31 mars 2019. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le bénéfice de l’ICHN ne pouvait être légalement refusé pour ce motif.

10. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme B… est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d’annulation de la décision du 19 décembre 2019.

11. L’annulation pour ce motif de la décision attaquée du 19 décembre 2019 implique seulement que la demande de Mme B… soit réexaminée. Par suite, il y a lieu d’enjoindre au président du conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, d’une part, à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B… qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, d’autre part, à ce qu’une somme soit mise au même titre à la charge de l’Etat qui, n’étant pas la collectivité pour le compte de laquelle la décision litigieuse a été prise, n’est pas partie au présent litige. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur la somme de 3 500 euros à verser à Mme B… au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 3 mai 2023 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 janvier 2022 est annulé.
Article 3 : La décision du 19 décembre 2019 de la cheffe du service agriculture et espaces ruraux de la DDT des Hautes-Alpes rejetant la demande d’ICHN de Mme B… au titre de la campagne PAC 2019 est annulée.
Article 4 : Il est enjoint au président du conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur de procéder au réexamen de la demande de Mme B… dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 5 : La région Provence-Alpes-Côte-d’Azur versera à Mme B… une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions présentées par la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme A… B…, à la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et à la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée à la section des études, de la prospective et de la coopération.
Délibéré à l’issue de la séance du 17 octobre 2024 où siégeaient : M. Philippe Ranquet, conseiller d’Etat, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d’Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.

Rendu le 8 novembre 2024.

Le président :
Signé : M. Philippe Ranquet
Le rapporteur :
Signé : M. Paul Levasseur
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova

ECLI:FR:CECHS:2024:475585.20241108

Chasse au lagopède alpin (Pyrénées) – Quota excessif – Référé liberté – Droit de vivre dans un environnement sain (atteinte)

Conseil d’État – Juge des référés

  • N° 498433
  • ECLI:FR:CEORD:2024:498433.20241018
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du vendredi 18 octobre 2024

Avocat(s)

SCP SPINOSI ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L’association Comité écologique ariégeois a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’une part, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 27 septembre 2024, par lequel le préfet de l’Ariège a instauré un prélèvement maximal autorisé et a fixé des quotas de prélèvements de galliformes de montagne pour la campagne cynégétique 2024-2025, en tant qu’il concerne la chasse du lagopède alpin et, d’autre part, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 2405970 du 4 octobre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, d’une part, suspendu l’exécution de l’arrêté du 27 septembre 2024 en tant qu’il a autorisé le prélèvement de dix lagopèdes alpins pour la campagne de chasse 2024-2025 et, d’autre part, mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler l’ordonnance du 4 octobre 2024 du juge des référés tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de l’association Comité écologique ariégeois.

Elle soutient que :
– la condition d’urgence n’est pas satisfaite ;
– c’est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a considéré qu’il était porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à un environnement sain alors qu’existent des incertitudes quant à l’appréciation des conséquences de l’acte litigieux sur la population du lagopède alpin en Ariège ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2024, le Comité écologique ariégeois conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 17 octobre 2024, l’association One Voice conclut au rejet de la requête. Elle soutient, d’une part, que son intervention est recevable et, d’autre part, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 17 octobre 2024, la fédération départementale des chasseurs de l’Ariège et la fédération nationale des chasseurs demandent à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête. Elles soutiennent que leur intervention est recevable et s’associent aux moyens de la requête.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Charte de l’environnement ;
– la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques et, d’autre part, l’association Comité écologique ariégeois, l’association One Voice ainsi que la fédération départementale des chasseurs de l’Ariège et la fédération nationale des chasseurs ;

Ont été entendus lors de l’audience publique du 18 octobre 2024, à 10 heures 30 :

– Me Megret, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat du Comité écologique ariégeois ;

– la représentante du Comité écologique ariégeois ;

– les représentants de la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques ;

– les représentants de l’association One Voice ;

– la représentante de la fédération nationale des chasseurs et la fédération départementale des chasseurs de l’Ariège ;

à l’issue de laquelle le juge des référés a clos l’instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de l’Ariège a pris un arrêté, le 27 septembre 2024, visant à instaurer un prélèvement maximum autorisé ainsi qu’un quota de prélèvements limitant la chasse des galliformes de montagne pour la campagne 2024/2025. L’association Comité écologique ariégeois a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de suspendre l’exécution de cet arrêté sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administratif dès lors qu’il porterait une atteinte grave au droit de chacun de vivre dans un environnement sain. Le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à ses demandes en tant que l’arrêté contesté autorise le prélèvement de dix lagopèdes alpins pour la campagne de chasse. La ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques fait appel de cette ordonnance.

Sur les interventions :

2. Eu égard à son objet statutaire et à la nature du litige, l’association One Voice justifie d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête. La fédération départementale des chasseurs de l’Ariège et la fédération nationale des chasseurs justifient d’un intérêt suffisant pour intervenir en défense au soutien de la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques. Ainsi, leurs interventions sont recevables.

Sur la demande de référé :

3. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :  » Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (…) « .

4. Le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Toute personne justifiant, au regard de sa situation personnelle, notamment si ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou des intérêts qu’elle entend défendre, qu’il y est porté une atteinte grave et manifestement illégale du fait de l’action ou de la carence de l’autorité publique, peut saisir le juge des référés sur le fondement de cet article. Il lui appartient alors de faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier, dans le très bref délai prévu par ces dispositions, d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Dans tous les cas, l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2, les mesures qu’il peut ordonner doivent s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.

5. Par un arrêté du 15 mai 2024, non attaqué, le préfet de l’Ariège a fixé les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse pour la campagne 2024-2025, et a autorisé notamment la chasse du lagopède alpin les mercredis et dimanches sur la période comprise entre le 29 septembre 2024 et le 20 octobre 2024. Par l’arrêté attaqué du 27 septembre 2024, il a fixé, pour l’ensemble de la campagne de chasse considérée, un quota de prélèvement maximum de lagopède pour chaque unité de gestion, fixé à zéro dans 6 unités de gestion et à 3 et 7 pour deux unités de gestion de la haute chaine centrale, soit un quota total de 10 spécimens maximum. Il résulte de l’instruction qu’un spécimen a été prélevé lors du premier jour de chasse autorisé le 29 septembre, avant que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ne suspende les effets de cet arrêté le 4 octobre 2024 en faisant usage des pouvoirs qu’il tire de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

6. D’une part, aux termes de l’article 1er de la directive du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 susvisée :  » La présente directive concerne la conservation de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité est applicable. Elle a pour objet la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et en réglemente l’exploitation.  » Aux termes de l’article 2 de cette directive :  » Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles. « . En vertu de son article 7 :  » 1. En raison de leur niveau de population, de leur distribution géographique et de leur taux de reproductivité dans l’ensemble de la Communauté, les espèces énumérées à l’annexe II peuvent faire l’objet d’actes de chasse dans le cadre de la législation nationale. Les États membres veillent à ce que la chasse de ces espèces ne compromette pas les efforts de conservation entrepris dans leur aire de distribution. / 2. Les espèces énumérées à l’annexe II, partie A, peuvent être chassées dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive. / 3. Les espèces énumérées à l’annexe II, partie B, peuvent être chassées seulement dans les États membres pour lesquels elles sont mentionnées. / 4. Les États membres s’assurent que la pratique de la chasse (…) respecte les principes d’une utilisation raisonnée et d’une régulation équilibrée du point de vue écologique des espèces d’oiseaux concernées, et que cette pratique soit compatible, en ce qui concerne la population de ces espèces, notamment des espèces migratrices, avec les dispositions découlant de l’article 2. / (…) « .

7. D’autre part, l’article L. 425-14 du code de l’environnement dispose :  » (…) Le préfet peut, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, fixer le nombre maximal d’animaux qu’un chasseur ou un groupe de chasseurs est autorisé à prélever dans une période déterminée sur un territoire donné. (…) « . L’article R. 425-20 du même code dispose :  » I. – L’arrêté par lequel le ministre chargé de la chasse ou le préfet fixe le nombre maximal qu’un chasseur est autorisé à prélever précise, outre la ou les espèces d’animaux concernées, le territoire et la période considérés ainsi que, le cas échéant, les limites quotidienne et hebdomadaire de ce prélèvement, et le ou les objectifs poursuivis par l’instauration de cette mesure. (… ) « .

8. Il résulte de ces dispositions que, si la chasse au lagopède alpin, espèce mentionnée aux annexes I et II de la directive du 30 novembre 2009, n’est pas interdite de manière générale et absolue sur l’ensemble du territoire national, elle doit être réglementée de manière à ce que le nombre maximal d’oiseaux chassés ne compromette pas les efforts de conservation de cette espèce dans son aire de distribution. Il s’ensuit que le préfet de l’Ariège pouvait autoriser la chasse de cette espèce dans la mesure seulement où le nombre maximal des oiseaux chassables permettait de ne pas compromettre les efforts de conservation entrepris dans l’aire de distribution de ces espèces, à savoir les Pyrénées. Tel n’est pas le cas lorsque ces efforts ne suffisent pas à empêcher une diminution sensible des effectifs, dès lors qu’une telle diminution est susceptible de conduire, à terme, à la disparition des espèces concernées.

9. Il résulte de l’instruction, et notamment des études scientifiques produites par l’association Comité écologique ariégeois, que le lagopède alpin (Lagopus muta) est un galliforme boréo-alpin et que si sa population mondiale demeure importante, le réchauffement climatique et les pressions anthropiques le fragilisent particulièrement dans ses habitats les plus méridionaux, tel que la chaine des Pyrénées, cette fragilité étant accentuée par l’isolement géographique et les effectifs plus réduits des populations en cause. Les éléments soumis au juge des référés convergent en outre pour indiquer que l’aire de répartition de l’espèce fait l’objet d’une diminution et d’une fragmentation dans les Pyrénées françaises depuis le milieu du XXème siècle.

10. Pour justifier dans un tel contexte très défavorable un quota de prélèvement de 10 spécimens au total, au demeurant pour seulement deux des unités de gestion de la haute chaine centrale du département et alors que les préfets des autres départements pyrénéens n’ont délivré aucun quota de prélèvement pour le lagopède alpin depuis plusieurs années, l’arrêté litigieux se fonde essentiellement sur un indice de reproduction dans la haute chaine centrale de 0.89 jeune par adulte calculé par la fédération départementale des chasseurs. Toutefois, la solidité de la méthodologie retenue pour parvenir à cet indice a été largement contestée, ainsi que le préfet de l’Ariège l’a reconnu lors d’une réunion du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage du 5 avril 2024. Alors qu’un indice de fécondité inférieur à 0,4 est considéré comme mauvais pour le lagopède alpin, dans le  » bilan démographique Pyrénées 2024  » réalisé par l’observatoire des galliformes de montagne, l’indice de reproduction de l’espèce a été estimé à 0,2 pour l’ensemble des Pyrénées françaises, cet indice étant estimé à 0 dans la haute chaine centrale concernée par les quotas litigieux, à partir il est vrai de l’observation d’un échantillon très faible de quatre lagopèdes dénombrés. Il n’en demeure pas moins que les évaluations de cet indice local de fécondité, réalisées depuis une vingtaine d’année, confirment, au-delà de leur fluctuation d’une année sur l’autre, le caractère durable de la faible fécondité de ces populations.

11. Dans ces conditions, le lagopède alpin fait face à un risque élevé de disparition dans les Pyrénées françaises, qui ne permet pas, en l’état des connaissances scientifiques et sans compromettre les efforts de conservation de cette espèce dans son aire de distribution conformément aux principes rappelées au point 8 de la présente ordonnance, que sa chasse soit autorisée, même pour de faibles quantités, la circonstance que d’autres facteurs que l’arrêté litigieux puissent également contribuer à ce risque n’étant pas de nature à réduire les obligations qui pèsent sur l’administration à cet égard.

12. L’arrêté litigieux étant de nature à compromettre, pour une espèce particulièrement fragile, les efforts de conservation de cette espèce dans son aire de distribution, dans les conditions qui viennent d’être énoncées, il porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, au regard des intérêts que l’association Comité Ariège écologie justifie défendre. Ces mêmes effets de l’arrêté créent une situation d’urgence particulière au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative dès lors qu’il a été pris le 27 septembre 2024 et a commencé à produire ses effets dès le 29 septembre 2024, ainsi que cela a été indiqué au point 5 de la présente ordonnance.

13. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande présentée par l’association Comité écologique ariégeois. Sa requête d’appel doit par suite être rejetée. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l’association Comité écologique ariégeois en mettant à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :
——————
Article 1er : Les interventions de l’association One Voice, de la fédération départementale des chasseurs de l’Ariège et la fédération nationale des chasseurs sont admises.
Article 2 : La requête de la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques est rejetée.
Article 3 : L’Etat versera à l’association Comité écologique ariégeois une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques et à l’association Comité écologique ariégeois.

Plan de secours des Alpes-Maritimes -Légalité

CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 18/10/2024, 23MA00957, Inédit au recueil Lebon

CAA de MARSEILLE – 2ème chambre

  • N° 23MA00957
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du vendredi 18 octobre 2024

Président

Mme FEDI

Rapporteur

  1. Jérôme MAHMOUTI

Rapporteur public

  1. GAUTRON

Avocat(s)

VALLAR

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « .

Par un jugement n° 2200823 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 avril 2023 et le 17 mars 2024, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, représentée par Me Vallar, demande à la cour d’annuler le jugement du 14 février 2023 du tribunal administratif de Nice et l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne « .

Elle soutient que :

– sa requête est recevable ;
– l’arrêté contesté est entaché d’une erreur de droit dès lors qu’il définit la zone de montagne en utilisant la définition qui en est donnée par la loi du 9 janvier 1985 dite  » loi Montagne « , contrairement à ce que prévoit la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le secours en montagne, dite circulaire Khil ;
– les critères utilisés par le préfet pour décider qu’une opération relève du secours en montagne et non du droit commun sont entachés d’une erreur de fait ;
– il n’appartient qu’au seul préfet de décider qu’une opération ressortit ou non de la qualification d’opération de montagne et, par conséquent, le plan contesté ne pouvait légalement prévoir que cette décision serait confiée à une unité spécialisée de permanence, qui est soit la compagnie républicaine de sécurité (CRS) des Alpes soit le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) ;
– l’application de l’arrêté contesté conduit à écarter quasi-systématiquement les sapeurs-pompiers du secours en montagne, alors que la loi les considère comme les acteurs principaux du secours à personnes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2024, le ministre de l’intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

– la requête est irrecevable faute pour la Fédération requérante de justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
– l’invocation par la requérante de la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur est inopérante ;
– les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de la sécurité intérieure ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
– la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;
– la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Mahmouti,
– les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
– et les observations de Me Vallar, représentant la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.
Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 décembre 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a approuvé les dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » et abrogé l’arrêté du 3 juillet 2013 jusqu’alors applicable en la matière. Ce nouveau plan définit le champ d’application du secours en montagne en distinguant deux zones au sein du département concerné, respectivement celle de  » montagne  » où il est applicable et celle de  » littoral/droit commun « . Il détermine également les modalités de traitement de la demande de secours en montagne et, en particulier, prévoit que la qualification en  » opération de secours en montagne  » s’opère en fonction d’un schéma d’alerte présenté sous forme de logigramme, au terme d’un arbitrage systématique réalisé par l’unité spécialisée de permanence, en l’occurrence la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes.
2. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France relève appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021.

Sur la définition des zones dans lesquelles s’appliquent les dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » :

3. D’une part, aux termes de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure :  » Le plan Orsec départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours et recense l’ensemble des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours. / Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. / Le plan Orsec départemental est arrêté par le représentant de l’Etat dans le département, sous réserve des dispositions de l’article L. 742-7. « .
4. D’autre part, aux termes de l’article I.3 du plan contesté :  » Définition du secours en montagne et champ d’application. / Le présent dispositif spécifique ORSEC « secours en montagne » s’applique dans les communes répertoriées dans la carte annexée comme « montagne ». / Cette carte détermine deux zones du département (annexe n°1) des Alpes-Maritimes : – une zone  » Montagne  » dans laquelle toute opération est soumise à l’arbitrage de l’unité spécialisée, après organisation de la conférence téléphonique interservices, chargée de qualifier l’intervention comme « ORSEC secours en montagne » (PGHM ou CRS Alpes). Dans cette zone, l’intervention est présumée « ORSEC secours en montagne » ; (…) – une zone  » littoral / zone de droit commun « . « .

5. La fédération requérante soutient que c’est à tort que le préfet des Alpes-Maritimes a, pour déterminer le champ d’application des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « , assimilé la  » zone Montagne  » où elles s’appliquent aux zones de montagne au sens de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi Montagne. Elle invoque à l’appui de son moyen la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le secours en montagne, dite circulaire Khil, qui indique que si une opération de secours en montagne se définit comme toute opération de secours faite en zone de montagne,  » la notion de zone de montagne est entendue dans son acception courante et non au sens juridique qui lui est conféré par la loi Montagne du 9 janvier 1985 « .
6. Toutefois, la circulaire ministérielle invoquée par la requérante n’empêchait en tout état de cause pas le préfet de se référer à la notion de montagne au sens de la loi dite Montagne, laquelle renvoie expressément au code de la sécurité intérieure et dont il n’est pas contesté qu’elle constitue par ailleurs un élément de référence objectif qui n’est pas sans rapport avec l’objet de son arrêté. En outre, la requérante ne se prévaut d’aucun texte interdisant aux préfets de se référer aux zonages effectués dans le cadre de la loi montagne tandis que la seule circonstance qu’il l’ait fait ne démontre pas, en l’absence d’autre précision apportée par la requérante, qu’il se serait trompé dans la délimitation des zones. D’ailleurs, dans leur circulaire commune du 18 septembre 2017 portant sur les opérations de secours en montagne, les trois directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile ne définissent pas non plus ce que doit être une zone de montagne, laissant à chaque plan Orsec le soin de définir les zones géographiques dans lesquelles les dispositions spécifiques du secours en montagne s’appliquent. Enfin, le plan contesté prévoit que chaque demande d’appel au secours fait l’objet d’une décision particulière et que la qualification en  » opération de secours en montagne  » s’opère en fonction d’un schéma d’alerte présenté sous forme de logigramme et non pas seulement en fonction d’un critère géographique.
7. Il suit de là que les seuls éléments invoqués par la requérante ne sont pas de nature à démontrer que la définition des zones dans lesquelles s’appliquent les dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes serait entachée d’une erreur de droit. Le moyen doit donc être écarté.
Sur la qualification d’une demande en opération de  » secours en montagne  » :

S’agissant des critères utilisés pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » :

8. Aux termes de l’article II.2 – Qualification et traitement de la demande de secours en montagne du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes :  » La qualification de l’opération de secours en montagne (SMO) est faite par l’unité spécialisée de permanence en fonction d’un certain nombre de paramètres et en application de la carte annexée de sectorisation des interventions. / Les notions d’altitude, de déclivité ou de type d’activité, tout comme l’emploi du vecteur aérien, sont intéressants et doivent être prises en compte, mais ne suffisent pas à définir à elles seules la qualification de l’opération de secours en montagne. / D’autres critères sont donc également pris en compte, dont certains constituent des constantes, et la plupart des variables : conditions météorologiques, type de terrain, accessibilité (voie carrossable accessible par un véhicule de secours), degré d’urgence, disponibilité des acteurs, nombre de victimes, absence de localisation précise de la victime, notion de recherches, péril imminent, fin de journée ou nuit, recours aux techniques et matériels propres aux activités de montagne (…) « .
9. L’article II.3 – Le schéma d’alerte et de détermination montagne/droit commun – de ce même plan, dessine un arbre décisionnel représentant les différents résultats d’une série de questions :  » Traitement de l’appel par l’opérateur de traitement des appels au CODIS. / L’intervention se situe-t-elle en zone d’application du DS ORSEC montagne ‘ / Si oui, la victime est-elle facilement et rapidement accessible par un véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) ‘ Si oui, intervention en droit commun (…), si non, l’opération nécessite-t-elle la mise en œuvre des techniques et des matériels spécifiques aux activités de montagne ‘ Si oui, Dispositions Spécifiques ORSEC, si non, Les conditions météorologiques permettent-elles la réalisation du secours dans des conditions acceptables ‘ Si non, dispositions Spécifiques ORSEC, si oui, la victime est-elle accessible par voie routière carrossable ‘ Si non, dispositions Spécifiques ORSEC, si oui, l’état de la victime nécessite-t-il l’utilisation d’un vecteur et d’une technique d’évacuation particulière ‘ Si oui, dispositions Spécifiques ORSEC, si non, intervention de droit commun. « .

10. Il est soutenu par la fédération requérante que les critères utilisés par le préfet pour décider qu’une opération relève du secours en montagne et non du droit commun sont entachés d’une erreur de fait. Elle soutient que, alors que seules les opérations complexes devraient être l’objet du plan Orsec, le critère choisi de la difficulté d’accès aboutit à une trop large application de ce plan.
11. Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas de l’arbre décisionnel cité au point 9 que le seul critère tiré du défaut d’accessibilité par véhicule au lieu où se situe la victime impliquerait automatiquement le déclenchement des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « . Au contraire, ce critère ne déclenche ce plan que si, en plus, il est répondu par l’affirmative à la question  » L’opération nécessite-t-elle la mise en œuvre des techniques et des matériels spécifiques aux activités de montagne ‘ « . Il s’en suit que plusieurs critères sont appliqués pour qualifier une opération de secours en montagne et que celui de l’absence d’accessibilité par voie carrossable n’est pas déterminant. Compte tenu par ailleurs de ce que ce critère est en rapport avec l’objet de la mesure contestée, il n’est, par suite, pas entaché d’une erreur de fait ni même de droit. Enfin, la pertinence des autres critères énumérés par l’arbre décisionnel ne sont pas critiqués tandis qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’ils seraient inadaptés à l’objectif poursuivi. Par suite, le moyen doit être écarté.

S’agissant de l’autorité désignée pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » :

12. Aux termes de l’article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure :  » En cas d’accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d’une commune, le représentant de l’Etat dans le département mobilise les moyens de secours relevant de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. Il assure la direction des opérations de secours. Il déclenche, s’il y a lieu, le plan Orsec départemental. (…) « . Aux termes de l’article R. 741-8 de ce même code :  » (…) Les dispositions spécifiques précisent, en fonction des conséquences prévisibles des risques et des menaces identifiées, les effets à obtenir, les moyens de secours et les mesures adaptés à mettre en œuvre, ainsi que les missions particulières de l’ensemble des personnes concernées pour traiter l’évènement. Elles fixent, le cas échéant, l’organisation du commandement des opérations de secours adaptés à certains risques de nature particulière et définissent les modalités d’information du centre opérationnel départemental d’incendie et de secours. (…) « .

13. Le II du plan contesté prévoit que la qualification de l’intervention selon qu’elle relève du droit commun ou de  » secours en montagne  » s’effectue au cours d’une conférence téléphonique interservices entre d’une part, l’unité spécialisée du secours en montagne (USEM), qui peut être la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes, et d’autre part, le CODIS et le SAMU. Il énonce ensuite que la qualification de l’appel comme une demande de secours en montagne induit l’activation du dispositif spécifique Orsec  » secours en montagne « , sous la responsabilité du préfet en sa qualité de directeur des opérations de secours (DOS).

14. Si le plan ORSEC contesté prévoit, comme le relève la requérante, que la qualification de l’appel en opération de  » secours en montagne  » n’est pas effectuée par le préfet lui-même, cette circonstance est sans influence sur la légalité de ce plan dès lors que, conformément à l’article L. 741-2 cité au point 3, celle-ci résulte de l’organisation telle qu’arrêtée par le préfet qui, par ailleurs, informé immédiatement par les services, endosse le rôle de DOS qui est légalement le sien ainsi que le prévoient les dispositions de l’article L. 742-2 du même code et au titre duquel il valide la désignation du COS et lui assigne la mission qui lui est confiée. D’ailleurs, dans leur circulaire commune du 18 septembre 2017 portant sur les opérations de secours en montagne, les trois directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile ont eux-mêmes précisément prévu, pour l’ensemble du territoire national, que  » la conférence téléphonique permet de décider du classement de l’opération en ‘secours montagne’ ou en ‘secours droit commun’ « . Par suite, le moyen tiré de ce que l’autorité désignée pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » serait entachée d’une erreur de droit doit être écarté.

Sur la répartition des compétences entre les acteurs de la sécurité civile :

15. D’une part, aux termes de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure :  » I. Les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours ainsi que par les personnels des services de l’Etat et les militaires des unités qui en sont investis à titre permanent. (…) / II. Concourent également à l’accomplissement des missions de la sécurité civile les militaires des armées et de la gendarmerie nationale, les personnels de la police nationale et les agents de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements et organismes publics ou privés appelés à exercer des missions se rapportant à la protection des populations ou au maintien de la continuité de la vie nationale, ainsi que les réservistes de la sécurité civile et des services d’incendie et de secours. (…) « . Aux termes de l’article L. 741-2 de ce même code :  » Le plan Orsec départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours et recense l’ensemble des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours. / Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. (…) « .
16. D’autre part, aux termes de l’article L. 1424-1 du code général des collectivités territoriales :  » Il est créé dans chaque département un établissement public, dénommé  » service départemental d’incendie et de secours « , qui comporte un corps départemental de sapeurs-pompiers (…). Les modalités d’intervention opérationnelle des services locaux d’incendie et de secours sont déterminées par le règlement opérationnel régi par l’article L. 1424-4, après consultation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale concernés (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-2 du même code :  » Les services d’incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l’évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu’aux secours et aux soins d’urgence. Dans le cadre de leurs compétences, les services d’incendie et de secours exercent les missions suivantes : 1° La prévention et l’évaluation des risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l’organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des animaux, des biens et de leur environnement ; 4° Les secours et les soins d’urgence aux personnes ainsi que leur évacuation lorsqu’elles : a) sont victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ; b) présentent des signes de détresse vitale ; c) présentent des signes de détresse fonctionnelle justifiant l’urgence à agir (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-3 de ce code :  » Les services d’incendie et de secours sont placés pour emploi sous l’autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police (…) « . Enfin, aux termes de l’article L. 1424-4 du même code :  » Dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet mettent en œuvre les moyens relevant des services d’incendie et de secours dans les conditions prévues par un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d’administration du service d’incendie et de secours. (…) « .
17. La fédération requérante soutient que les dispositions rappelées au point précédent énoncent que les pompiers assurent principalement les missions de sécurité civile tandis que les personnels de gendarmerie et de police nationale y concourent seulement et qu’elles auraient ainsi pour effet de ne pas pouvoir  » exclure les pompiers des opérations de secours en montagne « .
18. Toutefois, il résulte de ces mêmes dispositions que le préfet, qui est tenu de déterminer, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours, pouvait, dans ce cadre, légalement décider des modalités d’action des services d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes, placés pour emploi sous son autorité en application des dispositions de l’article L. 1424-3 précité. Par ailleurs, le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR) des Alpes-Maritimes, arrêté par le préfet le 17 décembre 2021, énonce que  » le secours en montagne est une compétence partagée avec les autres acteurs que sont le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) et la compagnie républicaine de sécurité (CRS)  » et n’attribue donc aucune compétence exclusive aux sapeurs-pompiers, contrairement à ce que soutiennent les requérants. En outre et contrairement à ce qui est soutenu, le plan contesté n’a ni pour objet, ni pour effet de priver, à lui seul, les sapeurs-pompiers d’une partie sensible de leur activité de secours. A cet égard, il prévoit au contraire que chaque situation fait l’objet d’une décision particulière sur ce point, conformément au logigramme susmentionné. De plus, il ressort des pièces du dossier que les services des pompiers participent pleinement au dispositif prévu par le plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes, tant par le commandant des opérations de secours (COS) qui appartient forcément au SDIS en cas d’opération d’envergure, que par leur intervention en tant que de besoin en cas d’appel en renfort sur une opération complexe. Enfin, le plan Orsec divise le territoire du département en deux zones et le SDIS est pleinement compétent pour la zone  » littoral/droit commun  » et il l’est sur l’ensemble du département s’agissant des opérations de secours routier et des missions de sauvetage particulières, tandis que les opérations de secours en montagne représentent très peu d’opérations de sécurité civile dès lors qu’il n’est pas contesté qu’entre 2014 et 2018, les interventions des sapeurs-pompiers en zone  » montagne  » ont représenté entre 0,01% et 0,04% de leur activité de secours à victime, soit quelques dizaines d’intervention par an.
19. Compte tenu de tout ce qui vient d’être dit, le moyen tiré de ce que la répartition des compétences opérée par le plan contesté entre les sapeurs-pompiers d’une part et les personnels de gendarmerie et de police nationale d’autre part serait entachée d’une erreur de droit ne peut qu’être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

D É C I D E :
Article 1er : La requête de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l’audience du 3 octobre 2024 où siégeaient :

– Mme Fedi, présidente de chambre,
– Mme Rigaud, présidente-assesseure,
– M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024.
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N° 23MA00957
cm

 

 

CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 18/10/2024, 23MA00955, Inédit au recueil Lebon

CAA de MARSEILLE – 2ème chambre

  • N° 23MA00955
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du vendredi 18 octobre 2024

Président

Mme FEDI

Rapporteur

  1. Jérôme MAHMOUTI

Rapporteur public

  1. GAUTRON

Avocat(s)

EUVRARD

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « .

Par un jugement n° 2200830 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2023, le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes, représenté par Me Euvrard, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 14 février 2023 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– sa requête est recevable ;
– l’arrêté contesté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il définit des zones dans lesquelles s’appliquent les dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » en ne recourant pas à des critères objectifs et justifiés ;
– alors que le dispositif légal Orsec, même en matière d’opérations de secours en montagne, n’a pas vocation à régir tout le secours en montagne, l’article II.2 du plan départemental contesté dispose que toute opération qualifiée de  » secours en montagne  » selon les critères prévus audit plan induit l’activation du dispositif spécifique Orsec  » secours montagne  » ;
– les critères utilisés par le préfet pour décider qu’une opération relève du secours en montagne et non du droit commun ne sont ni adaptés ni pertinents ;
– l’exclusion de principe des sapeurs-pompiers professionnels des équipes spécialisés de secours en montagne est illégale ;
– il appartient aux seuls services de la préfecture d’opérer les arbitrages relatifs à la qualification des opérations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2024, le ministre de l’intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

– la requête est irrecevable faute pour le syndicat requérant de justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
– l’invocation par le requérant de la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur est inopérante ;
– les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de la sécurité intérieure ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
– la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;
– la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Mahmouti,
– les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
– et les observations de Me Euvrard, représentant le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 décembre 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a approuvé les dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » et abrogé l’arrêté du 3 juillet 2013 jusqu’alors applicable en la matière. Ce nouveau plan définit le champ d’application du secours en montagne en distinguant deux zones au sein du département concerné, respectivement celle de  » montagne  » où il est applicable et celle de  » littoral/droit commun « . Il détermine également les modalités de traitement de la demande de secours en montagne et, en particulier, prévoit que la qualification en  » opération de secours en montagne  » s’opère en fonction d’un schéma d’alerte présenté sous forme de logigramme, au terme d’un arbitrage systématique réalisé par l’unité spécialisée de permanence, en l’occurrence la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes.
2. Le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes relève appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la définition des zones dans lesquelles s’appliquent les dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » :

3. D’une part, aux termes de l’article 96 de loi du 9 janvier 1985 modifiée relative au développement et à la protection de la montagne :  » Lorsque, pour assurer le service public de secours, les opérations de sauvetage en montagne nécessitent la conduite d’une action d’ensemble d’une certaine importance, le représentant de l’Etat dans le département peut mettre en œuvre un plan d’urgence, ainsi qu’il est prévu par l’article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure. (…) « .

4. D’autre part, aux termes de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure :  » Le plan Orsec départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours et recense l’ensemble des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours. / Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. / Le plan Orsec départemental est arrêté par le représentant de l’Etat dans le département, sous réserve des dispositions de l’article L. 742-7. « . Aux termes de l’article L. 741-6 du même code :  » Les dispositions spécifiques des plans Orsec prévoient les mesures à prendre et les moyens de secours à mettre en œuvre pour faire face à des risques de nature particulière ou liés à l’existence et au fonctionnement d’installations ou d’ouvrages déterminés « .
5. Enfin, aux termes de l’article I.3 du plan contesté :  » Définition du secours en montagne et champ d’application. / Le présent dispositif spécifique ORSEC « secours en montagne » s’applique dans les communes répertoriées dans la carte annexée comme « montagne ». / Cette carte détermine deux zones du département (annexe n°1) des Alpes-Maritimes : – une zone  » Montagne  » dans laquelle toute opération est soumise à l’arbitrage de l’unité spécialisée, après organisation de la conférence téléphonique interservices, chargée de qualifier l’intervention comme « ORSEC secours en montagne » (PGHM ou CRS Alpes). Dans cette zone, l’intervention est présumée « ORSEC secours en montagne » ; (…) – une zone  » littoral / zone de droit commun « . « .

6. Le syndicat requérant soutient que c’est à tort que le préfet des Alpes-Maritimes a, pour déterminer le champ d’application des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « , assimilé la  » zone Montagne  » où elles s’appliquent aux zones de montagne au sens de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi Montagne. Il invoque à l’appui de son moyen la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le secours en montagne, dite circulaire Khil, qui indique que si une opération de secours en montagne se définit comme toute opération de secours faite en zone de montagne,  » la notion de zone de montagne est entendue dans son acception courante et non au sens juridique qui lui est conféré par la loi Montagne du 9 janvier 1985 « .

7. Toutefois, la circulaire ministérielle invoquée par le requérant n’empêchait en tout état de cause pas le préfet de se référer à la notion de montagne au sens de la loi dite Montagne, laquelle renvoie expressément au code de la sécurité intérieure et dont il n’est pas contesté qu’elle constitue par ailleurs un élément de référence objectif qui n’est pas sans rapport avec l’objet de son arrêté. En outre, le requérant ne se prévaut d’aucun texte interdisant aux préfets de se référer aux zonages effectués dans le cadre de la loi montagne tandis que la seule circonstance qu’il l’ait fait ne démontre pas, en l’absence d’autre précision apportée par le requérant, qu’il se serait trompé dans la délimitation des zones. D’ailleurs, dans leur circulaire commune du 18 septembre 2017 portant sur les opérations de secours en montagne, les trois directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile ne définissent pas non plus ce que doit être une zone de montagne, laissant le soin à chaque plan ORSEC de définir les zones géographiques dans lesquelles les dispositions spécifiques du secours en montagne s’appliquent. Enfin, le plan contesté prévoit que chaque demande d’appel au secours fait l’objet d’une décision particulière et que la qualification en  » opération de secours en montagne  » s’opère en fonction d’un schéma d’alerte présenté sous forme de logigramme et non pas seulement en fonction d’un critère géographique.

8. Il suit de là que les seuls éléments invoqués par le requérant ne sont pas de nature à démontrer que la définition des zones dans lesquelles s’appliquent les dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes serait entachée d’une erreur de droit. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que toute opération de secours en montagne ne devrait pas être l’objet du plan ORSEC :

9. Aux termes de l’article II.2 – Qualification et traitement de la demande de secours en montagne du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes :  » La qualification de l’opération de secours en montagne (SMO) est faite par l’unité spécialisée de permanence en fonction d’un certain nombre de paramètres et en application de la carte annexée de sectorisation des interventions. / Les notions d’altitude, de déclivité ou de type d’activité, tout comme l’emploi du vecteur aérien, sont intéressants et doivent être prises en compte, mais ne suffisent pas à définir à elles seules la qualification de l’opération de secours en montagne. / D’autres critères sont donc également pris en compte, dont certains constituent des constantes, et la plupart des variables : conditions météorologiques, type de terrain, accessibilité (voie carrossable accessible par un véhicule de secours), degré d’urgence, disponibilité des acteurs, nombre de victimes, absence de localisation précise de la victime, notion de recherches, péril imminent, fin de journée ou nuit, recours aux techniques et matériels propres aux activités de montagne (…) / (…) La qualification de l’appel comme une demande de secours en montagne induit l’activation du dispositif spécifique ORSEC  » secours en montagne « , sous la responsabilité du préfet en sa qualité de [directeur des opérations] « . Enfin, l’article II.3 – Le schéma d’alerte et de détermination montagne/droit commun – de ce même plan, dessine un arbre décisionnel représentant les différents résultats d’une série de questions :  » Traitement de l’appel par l’opérateur de traitement des appels au CODIS. / L’intervention se situe-t-elle en zone d’application du DS ORSEC montagne ‘ / Si oui, la victime est-elle facilement et rapidement accessible par un véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) ‘ Si oui, intervention en droit commun (…), si non, l’opération nécessite-t-elle la mise en œuvre des techniques et des matériels spécifiques aux activités de montagne ‘ Si oui, Dispositions Spécifiques ORSEC, si non, Les conditions météorologiques permettent-elles la réalisation du secours dans des conditions acceptables ‘ Si non, dispositions Spécifiques ORSEC, si oui, la victime est-elle accessible par voie routière carrossable ‘ Si non, dispositions Spécifiques ORSEC, si oui, l’état de la victime nécessite-t-il l’utilisation d’un vecteur et d’une technique d’évacuation particulière ‘ Si oui, dispositions Spécifiques ORSEC, si non, intervention de droit commun. « .
10. Le syndicat requérant soutient qu’alors que le dispositif légal ORSEC, même en matière d’opérations de secours en montagne, n’a pas vocation à régir tout le secours en montagne, l’article II.2 du plan départemental contesté dispose que toute opération qualifiée de  » secours en montagne  » selon les critères prévus audit plan induit l’activation du dispositif spécifique ORSEC  » secours montagne « .
11. Toutefois, d’une part, en application de l’article I.3 du plan contesté, le dispositif spécifique mis en place n’a vocation à s’appliquer que dans les communes répertoriées dans la carte qui lui est annexée comme « montagne ». D’autre part, il résulte des dispositions rappelées au point 9 que le plan contesté n’a pas vocation à régir tout le secours en montagne mais prévoit que seules le sont les opérations qualifiées d’opérations de secours en montagne à l’issue de la prise de décision au regard d’un arbre décisionnel. Ainsi, il n’est pas démontré que ce plan ne s’appliquerait pas à des  » actions d’ensemble d’une certaine importance  » ainsi que l’exigent les dispositions de la loi Montagne rappelées au point 3. Le moyen tiré de l’erreur de droit doit donc être écarté.

En ce qui concerne les critères à utiliser pour qualifier une opération de secours en montagne :

12. Il est soutenu par le syndicat requérant que les critères utilisés par le préfet, et en particulier celui de l’accessibilité par voie terrestre, pour décider qu’une opération relève du secours en montagne et non du droit commun ne sont ni adaptés ni pertinents et qu’ils ont pour effet de qualifier extensivement et abusivement les opérations de secours d’opérations de secours montagne.
13. Toutefois, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de l’arbre décisionnel cité au point 9 que le seul critère tiré du défaut d’accessibilité par véhicule au lieu où se situe la victime impliquerait automatiquement le déclenchement des dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne « . Au contraire, ce critère ne déclenche ce plan que si, en plus, il est répondu par l’affirmative à la question  » L’opération nécessite-t-elle la mise en œuvre des techniques et des matériels spécifiques aux activités de montagne ‘ « . Il s’en suit que plusieurs critères sont appliqués pour qualifier une opération de secours en montagne et que celui de l’absence d’accessibilité par voie carrossable n’est pas déterminant. Compte tenu par ailleurs de ce que ce critère est en rapport avec l’objet de la mesure contestée, il n’est, par suite, pas entaché d’une erreur de fait ni même de droit. Enfin, la pertinence des autres critères énumérés par l’arbre décisionnel ne sont pas critiqués tandis qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’ils seraient inadaptés à l’objectif poursuivi. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l’autorité désignée pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » :

14. Aux termes de l’article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure :  » En cas d’accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d’une commune, le représentant de l’Etat dans le département mobilise les moyens de secours relevant de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. Il assure la direction des opérations de secours. Il déclenche, s’il y a lieu, le plan Orsec départemental. (…) « . Aux termes de l’article R. 741-8 du code de la sécurité intérieure :  » (…) Les dispositions spécifiques précisent, en fonction des conséquences prévisibles des risques et des menaces identifiées, les effets à obtenir, les moyens de secours et les mesures adaptés à mettre en œuvre, ainsi que les missions particulières de l’ensemble des personnes concernées pour traiter l’évènement. Elles fixent, le cas échéant, l’organisation du commandement des opérations de secours adaptés à certains risques de nature particulière et définissent les modalités d’information du centre opérationnel départemental d’incendie et de secours. (…) « .

15. Le II du plan contesté prévoit que la qualification de l’intervention selon qu’elle relève du droit commun ou de  » secours en montagne  » s’effectue au cours d’une conférence téléphonique interservices entre d’une part, l’unité spécialisée du secours en montagne (USEM), qui peut être la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes, et d’autre part, le CODIS et le SAMU. Il énonce ensuite que la qualification de l’appel comme une demande de secours en montagne induit l’activation du dispositif spécifique ORSEC  » secours en montagne « , sous la responsabilité du préfet en sa qualité de directeur des opérations de secours (DOS).

16. Si le plan ORSEC contesté prévoit, comme le relèvent les requérants, que la qualification de l’appel en opération de  » secours en montagne  » n’est pas effectuée par le préfet lui-même, cette circonstance est sans influence sur la légalité de ce plan dès lors que, conformément à l’article L. 741-2 cité au point 4, elle résulte de l’organisation telle qu’arrêtée par le préfet qui, par ailleurs, informé immédiatement par les services, endosse le rôle de DOS qui est légalement le sien ainsi que le prévoient les dispositions de l’article L. 742-2 du même code et au titre duquel il valide la désignation du COS et lui assigne la mission qui lui est confiée. D’ailleurs,
dans leur circulaire commune du 18 septembre 2017 portant sur les opérations de secours en montagne, les trois directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile ont eux-mêmes précisément prévu, pour l’ensemble du territoire national, que  » la conférence téléphonique permet de décider du classement de l’opération en ‘secours montagne’ ou en ‘secours droit commun’ « . Le moyen tiré de ce que le plan contesté aurait désigné une autorité incompétente pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le plan contesté exclut les sapeurs-pompiers des équipes spécialisées de secours en montagne :

17. D’une part, aux termes de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure :  » I. Les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours ainsi que par les personnels des services de l’Etat et les militaires des unités qui en sont investis à titre permanent. (…) / II. Concourent également à l’accomplissement des missions de la sécurité civile les militaires des armées et de la gendarmerie nationale, les personnels de la police nationale et les agents de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements et organismes publics ou privés appelés à exercer des missions se rapportant à la protection des populations ou au maintien de la continuité de la vie nationale, ainsi que les réservistes de la sécurité civile et des services d’incendie et de secours. (…) « . Aux termes de l’article L. 741-2 de ce même code :  » Le plan ORSEC départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours et recense l’ensemble des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours. / Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. (…) « .
18. D’autre part, aux termes de l’article L. 1424-1 du code général des collectivités territoriales :  » Il est créé dans chaque département un établissement public, dénommé  » service départemental d’incendie et de secours « , qui comporte un corps départemental de sapeurs-pompiers (…). Les modalités d’intervention opérationnelle des services locaux d’incendie et de secours sont déterminées par le règlement opérationnel régi par l’article L. 1424-4, après consultation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale concernés (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-2 du même code :  » Les services d’incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l’évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu’aux secours et aux soins d’urgence. Dans le cadre de leurs compétences, les services d’incendie et de secours exercent les missions suivantes : 1° La prévention et l’évaluation des risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l’organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des animaux, des biens et de leur environnement ; 4° Les secours et les soins d’urgence aux personnes ainsi que leur évacuation lorsqu’elles : a) sont victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ; b) présentent des signes de détresse vitale ; c) présentent des signes de détresse fonctionnelle justifiant l’urgence à agir (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-3 de ce code :  » Les services d’incendie et de secours sont placés pour emploi sous l’autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police (…) « . Enfin, aux termes de l’article L. 1424-4 du même code :  » Dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet mettent en œuvre les moyens relevant des services d’incendie et de secours dans les conditions prévues par un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d’administration du service d’incendie et de secours. (…) « .

19. Aux termes de l’article IV.1 – Les unités spécialisées sont le PGHM de Saint-Sauveur-sur-Tinée et la CRS Alpes. Aux termes du IV.2 – Les autres acteurs :  » Les services ci-après peuvent être engagés par le COS après décision du DO. Les sapeurs-pompiers du SDIS notamment : • en cas d’opération d’envergure : avalanche urbaine ou avalanche noire nécessitant le recours aux services de sauvetage déblaiement ; • lorsque le COS a besoin de moyens opérationnels ; • lorsque la sur-sollicitation de l’unité spécialisée nécessite le recours aux moyens du SDIS pour assurer ou renforcer les opérations de secours. « .
20. Il est soutenu par le syndicat requérant que, du fait des dispositions du IV.1 précité, les sapeurs-pompiers ne sont plus qu’un acteur de sécurité civile  » très secondaire  » éventuellement appelé en renfort dans le cadre d’opérations de grande ampleur, ou en cas de sur sollicitation du PGHM ou de la CRS montagne.

21. Toutefois, il résulte des dispositions citées ci-dessus que le préfet, qui est tenu de déterminer, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours, pouvait, dans ce cadre, légalement décider des modalités d’action des services d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes, placés pour emploi sous son autorité en application des dispositions de l’article L. 1424-3 précité. Par ailleurs, le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR) des Alpes-Maritimes, arrêté par le préfet le 17 décembre 2021, énonce que  » le secours en montagne est une compétence partagée avec les autres acteurs que sont le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) et la compagnie républicaine de sécurité (CRS)  » et n’attribue donc aucune compétence exclusive aux sapeurs-pompiers, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant. En outre et contrairement à ce qui est soutenu, le plan contesté n’a ni pour objet, ni pour effet de priver, à lui seul, les sapeurs-pompiers d’une partie sensible de leur activité de secours. A cet égard, il prévoit au contraire que chaque situation fait l’objet d’une décision particulière sur ce point, conformément au logigramme susmentionné. De plus, il ressort des pièces du dossier que les services des pompiers participent pleinement au dispositif prévu par le plan Orsec départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes, tant par le commandant des opérations de secours (COS) qui appartient forcément au SDIS en cas d’opération d’envergure, que par leur intervention en tant que de besoin en cas d’appel en renfort sur une opération complexe. Enfin, le plan Orsec divise le territoire du département en deux zones et le SDIS est pleinement compétent pour la zone  » littoral/droit commun « . Il l’est aussi sur l’ensemble du département s’agissant des opérations de secours routier et des missions de sauvetage particulières, tandis que les opérations de secours en montagne représentent très peu d’opérations de sécurité civile dès lors qu’il n’est pas contesté qu’entre 2014 et 2018, les interventions des sapeurs-pompiers en zone  » montagne  » ont représenté entre 0,01% et 0,04% de leur activité de secours à victime, soit quelques dizaines d’intervention par an.

22. Compte tenu de tout ce qui vient d’être dit, le moyen tiré de ce que la répartition des compétences opérée par le plan contesté entre les sapeurs-pompiers d’une part et les personnels de gendarmerie et de police nationale d’autre part serait entachée d’une erreur de droit ne peut qu’être lui aussi écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, le syndicat des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat qui, dans la présente instance, n’est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes non compris dans les dépens.

D É C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l’audience du 3 octobre 2024 où siégeaient :

– Mme Fedi, présidente de chambre,
– Mme Rigaud, présidente-assesseure,
– M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024.
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N° 23MA00955
cm

CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 18/10/2024, 23MA00850, Inédit au recueil Lebon

CAA de MARSEILLE – 2ème chambre

  • N° 23MA00850
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du vendredi 18 octobre 2024

Président

Mme FEDI

Rapporteur

  1. Jérôme MAHMOUTI

Rapporteur public

  1. GAUTRON

Avocat(s)

Benoit FLAMANT

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Avenir Secours et M. A… B… ont demandé au tribunal administratif de Nice de déclarer inexistant l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « , à titre subsidiaire, de l’annuler, à titre plus subsidiaire, de l’abroger et, en toute hypothèse, de transmettre l’affaire pour avis au Conseil d’Etat.

Par un jugement n° 2200495 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2023, le syndicat Avenir Secours et M. B…, représentés par Me Flamant, demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 14 février 2023 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de déclarer inexistant l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » ;

3°) à titre subsidiaire, d’annuler ce même arrêté, ou, à titre plus subsidiaire, de l’abroger ;
4°) en toute hypothèse, de transmettre l’affaire pour avis au Conseil d’Etat ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

– les premiers juges ont omis de répondre à leur demande d’abrogation de l’arrêté contesté dans l’hypothèse où le tribunal ne procéderait pas à son annulation ;
– ils ont omis de répondre à leur moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement décider de l’utilisation d’un hélicoptère relevant de la sécurité civile ;

En ce qui concerne le bienfondé du jugement attaqué :

– l’arrêté contesté devra être déclaré inexistant dès lors qu’il comporte des vices graves, à savoir qu’en ôtant au service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes des missions pour les confier aux forces de sécurité intérieure, la compagnie républicaine de sécurité (CRS) des Alpes et le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), et en faisant peser sur lui les charges de fonctionnement générées par ces services, le préfet s’est immiscé dans les compétences de cet établissement public administratif autonome et a ainsi méconnu le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales ;
– l’arrêté contesté a été approuvé à l’issue d’une procédure irrégulière dans la mesure où, alors qu’il porte atteinte à l’organisation des services du SDIS des Alpes-Maritimes et de ceux des forces de sécurité intérieure, il n’a pas été précédé d’une consultation des comités techniques de ces différentes institutions, et ce en méconnaissance des dispositions de l’article L. 253-5 du code général de la fonction publique ;
– à supposer que l’arrêté contesté puisse être qualifié de mesure de police administrative, l’organisation qu’il a mise en place est disproportionnée, non nécessaire, inadaptée et inintelligible ;
– l’arrêté contesté est entaché d’un vice d’incompétence négative dès lors qu’il prévoit que le déclenchement d’une opération de secours en montagne relève non du préfet mais de la qualification qui en est faite par une unité spécialisée de permanence (USEM) ;
– l’arrêté contesté est entaché de détournement de pouvoir ;
– subsidiairement, il est sollicité l’abrogation de l’acte contesté à l’aune de l’évolution des conditions de sa mise en œuvre ;
– le Conseil d’Etat sera invité à se prononcer sur la nature de l’acte litigieux pour en déterminer avec plus de précision le contour juridique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2024, le ministre de l’intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
– la requête est irrecevable, faute pour le syndicat requérant de produire ses statuts et de justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

– les conclusions des requérants tendant à l’abrogation de l’arrêté contesté sont irrecevables faute pour eux de n’avoir pas formulé de conclusions tendant à l’annulation de la décision refusant l’abrogation de l’arrêté contesté ;
– les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;
– les conditions requises pour qu’une affaire soit transmise pour avis au Conseil d’Etat ne sont pas satisfaites.

Par un mémoire, enregistré le 18 septembre 2024, le syndicat Avenir Secours et M. B…, représentés par Me Flamant, demandent à la cour, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure.

Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige et qui n’ont jamais été déclarées conformes à la Constitution, portent atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par les articles 34 et 72 de la Constitution du 4 octobre 1958.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– la Constitution, notamment son article 61-1 ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
– le code de la sécurité intérieure ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code général de la fonction publique ;
– la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;
– la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Mahmouti,
– les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
– et les observations de Me Flamant, représentant le syndicat Avenir Secours et M. B….

Une note en délibéré, présentée pour le syndicat Avenir Secours et M. B…, a été enregistrée le 3 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 décembre 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a approuvé les dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » et abrogé l’arrêté du 3 juillet 2013 jusqu’alors applicable en la matière. Ce nouveau plan définit le champ d’application du secours en montagne en distinguant deux zones au sein du département concerné, respectivement celle de  » montagne  » où il est applicable et celle de  » littoral/droit commun « . Il détermine également les modalités de traitement de la demande de secours en montagne et, en particulier, prévoit que la qualification en  » opération de secours en montagne  » s’opère en fonction d’un schéma d’alerte présenté sous forme de logigramme, au terme d’un arbitrage systématique réalisé par l’unité spécialisée de permanence, en l’occurrence la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes.
2. Le syndicat Avenir Secours et M. B… relèvent appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021.
Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il résulte des termes du jugement attaqué, et en particulier de ceux mentionnés à son point 6, que le tribunal a répondu au  » moyen tiré de l’inexistence de l’arrêté attaqué « . Par suite, le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir que le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre au détail de l’argumentation que lui soumettait les parties, aurait omis de statuer sur l’argument soulevé à l’appui de ce moyen et tiré de ce que le préfet ne pouvait décider seul de l’utilisation d’un hélicoptère de la sécurité civile.

4. En revanche, les requérants avaient demandé au tribunal administratif de Nice d’abroger l’arrêté contesté dans l’hypothèse où il ne prononcerait pas son annulation. Le tribunal a omis de se prononcer sur ces conclusions subsidiaires alors même qu’il avait rejeté les conclusions principales des demandeurs. Il y a lieu, dès lors, d’annuler son jugement en date du 14 février 2023 en tant qu’il n’a pas statué sur ces conclusions.

5. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d’évocation et de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
6. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la juridiction administrative saisie d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l’article 23-2 de la même ordonnance précise que :  » En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu’elle est saisie de moyens contestant la conformité d’une disposition législative, d’une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d’autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’Etat (…) « .
7. Aux termes de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure :  » Le plan Orsec départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours et recense l’ensemble des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours. / Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. / Le plan Orsec départemental est arrêté par le représentant de l’Etat dans le département, sous réserve des dispositions de l’article L. 742-7. « .
8. Les requérants exposent que, pour trois motifs, les dispositions de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure, applicables au litige, portent atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources, et par le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution en vertu duquel, dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus.
9. En premier lieu, les requérants soutiennent que l’article L. 742-1 du code de la sécurité intérieure permet au préfet, par l’adoption d’un plan Orsec propre à certains risques particuliers, de transférer aux services de l’État la charge de la gestion totale ou partielle du secours en montagne et de porter ainsi atteinte aux missions qui incombent aux services départementaux d’incendie et de secours en diminuant ou en supprimant leurs prérogatives.
10. Toutefois, les dispositions contestées, qui confient au préfet la charge de déterminer, par voie d’arrêté, l’organisation générale des secours compte tenu des risques existant dans le département, ne lui ouvrent nullement le droit de s’exonérer du respect des lois et en particulier de celles présidant à la répartition des compétences entre les différents services publics. A cet égard, le préfet exerce son pouvoir sous le contrôle du juge à qui il appartient, le cas échéant, de connaître des contestations portant sur la violation de telles dispositions.
11. Par suite, le premier moyen invoqué par les requérants n’est pas de nature à démontrer que les dispositions contestées porteraient atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
12. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que l’article L. 742-1 du code de la sécurité intérieure permet au préfet d’imposer aux services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), constituant pourtant des établissements publics dotés de l’autonomie juridique, le transfert de leurs compétences aux services de l’Etat, sans même qu’ils n’y aient consenti ou qu’ils n’aient eu la faculté de se prononcer à cet égard par la voie de leur organe délibérant alors qu’un tel transfert induit pour eux des changements organisationnels.
13. Toutefois, comme il a été dit au point 10, les dispositions contestées n’ouvrent pas le droit au préfet de méconnaître les règles présidant à l’attribution des compétences relevant légalement des SDIS.
14. En outre, les dispositions contestées poursuivent le but d’intérêt général d’organiser et de coordonner la réponse apportée par diverses personnes publiques et privées en cas de survenance d’un risque identifié. Elles confient au préfet, dans cette seule mesure, le pouvoir de définir, sous le contrôle du juge, l’organisation des secours et ne créent, dès lors, aucune obligation susceptible de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
15. Enfin, les plans Orsec constituent des mesures de police administrative et non des mesures d’organisation du service. Par conséquent, l’autonomie de gestion qu’implique l’attribution de la personnalité morale aux SDIS n’a pas pour effet, par principe, de subordonner l’édiction d’un plan Orsec à l’accord préalable des organes dirigeant ces établissements publics.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne démontrent pas, par ce deuxième moyen, que les dispositions contestées porteraient atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
17. En dernier lieu, les requérants soutiennent que les dispositions contestées sont, à plusieurs titres, insuffisamment précises.
18. D’une part, le deuxième alinéa de l’article L. 741-2 contesté dispose que lorsque  » le plan Orsec comprend (…) des dispositions propres à certains risques particuliers (…), il précise le commandement des opérations de secours « . Les requérants soutiennent que ces dispositions sont insuffisamment précises et ouvrent, par conséquent, le pouvoir au préfet de désigner, par voie réglementaire, un commandant des opérations de secours de son choix, ce qui, selon eux, offre à l’État la possibilité de restreindre, à son profit et sans motif d’intérêt général, le champ d’intervention reconnu par la loi aux SDIS. Toutefois, en prévoyant que le plan Orsec portant sur certains risques particuliers doive expressément préciser le commandement des opérations de secours, le législateur a entendu confier au préfet la charge de déterminer, sous le contrôle du juge, le commandement le plus adapté à la nature du risque particulier pris en considération et n’a, dès lors, pas restreint les modalités d’action des SDIS. Il n’a pas, par conséquent, porté atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
19. D’autre part, si les requérants soutiennent que les dispositions de l’article L. 742-1 permettent au préfet seul, par le plan Orsec qu’il arrête, de définir ce qu’est une opération de secours ou non, cette seule circonstance ne démontre pas que ces dispositions appelaient des précisions supplémentaires alors au contraire qu’elles chargent les préfets, sous le contrôle du juge, d’identifier les risques existants et d’élaborer les réponses qui sont adaptées pour prévenir leur survenance et réagir au cas où ils se réalisent. De même, ces dispositions n’ouvrent pas la faculté au préfet de modifier les compétences du maire en matière de police administrative et les requérants ne sont, par conséquent, pas fondés à soutenir que les dispositions de l’article L. 741-2 contestées laisseraient toute latitude au préfet pour substituer son appréciation à celles des maires pour décider si une opération relève du niveau préfectoral ou communal.
20. Il suit de là que les requérants ne démontrent pas que les dispositions contestées définiraient avec insuffisamment de précision leur objet et leur portée de telle sorte qu’elles porteraient atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée par les requérants ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi et sans qu’il soit besoin de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

Sur les conclusions tendant à transmettre le dossier de l’affaire au Conseil d’État :

22. L’article L. 113-1 du code de justice administrative dispose :  » Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel peut, par une décision qui n’est susceptible d’aucun recours, transmettre le dossier de l’affaire au Conseil d’Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu’à un avis du Conseil d’Etat ou, à défaut, jusqu’à l’expiration de ce délai. « .

23. Les requérants soutiennent que la qualification juridique de l’acte par lequel le préfet adopte un plan Orsec pose des questions nouvelles, sérieuses et susceptibles de se poser dans de nombreux litiges. Ils soutiennent qu’il en va de même s’agissant de la question de savoir si le préfet dispose ou non de la faculté de transférer les missions incombant légalement aux sapeurs-pompiers à un autre service.

24. D’une part, la faculté de transmettre le dossier au Conseil d’Etat pour avis prévue par les dispositions précitées constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions des requérants tendant à ce que la cour saisisse le Conseil d’Etat d’une demande d’avis sur une question de droit doivent pour ce motif être rejetées.

25. D’autre part et en tout état de cause, l’article L. 112-1 du code de la sécurité intérieure dispose :  » La sécurité civile, dont l’organisation est définie au livre VII, a pour objet la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des animaux, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l’Etat, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées. « . Il résulte de ces dispositions et de celles de l’article L. 741-2 cité au point 7 que le plan Orsec arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes l’a été dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative et que, par suite, la qualification juridique de cet acte ne pose une question ni nouvelle ni sérieuse.
26. Enfin, la seconde question posée par les requérants ne présente pas de difficulté sérieuse dès lors que si la loi précise qu’une compétence est assurée par une personne morale, un simple arrêté préfectoral ne peut légalement transférer cette compétence à une autre.

27. Il résulte de tout ce qui vient d’être dit qu’il n’y a pas lieu de transmettre le dossier de l’affaire au Conseil d’Etat.

Sur le bienfondé du jugement attaqué en tant qu’il a statué sur les conclusions à fin de déclaration d’inexistence et d’annulation de l’arrêté préfectoral du 31 décembre 2021 :

28. Un acte ne peut être regardé comme inexistant que s’il est dépourvu d’existence matérielle ou s’il est entaché d’un vice d’une gravité telle qu’il affecte, non seulement sa légalité, mais son existence même.
En ce qui concerne la régularité de la procédure :

29. Aux termes de l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors en vigueur :  » Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1° A l’organisation et au fonctionnement des services (…) « .
30. Aux termes de l’article R. 741-1 du code de la sécurité intérieure :  » Le plan Orsec s’inscrit dans le dispositif général de la planification de défense et de sécurité civiles. Il organise la mobilisation, la mise en œuvre et la coordination des actions de toute personne publique et privée concourant à la protection générale des populations. (…) « .

31. Le plan ORSEC et son dispositif spécifique  » secours en montagne  » constituent des mesures de police qui ont pour objet d’organiser les actions par lesquelles les personnes publiques et privées concourant à la protection générale des populations assument la gestion d’une opération de secours. Il appartient à ces personnes, le cas échéant, de prendre les dispositions nécessaires pour se conformer à ces mesures. Par suite, les plans ORSEC n’ont pas, par eux-mêmes, pour effet d’affecter directement l’organisation ou le fonctionnement de ces personnes. En outre, si l’arrêté contesté prévoit que la réception des demandes de secours en montagne ne s’effectue plus par le CODIS, organe relevant du SDIS, ainsi que le prévoyait jusqu’alors le plan spécifique Orsec approuvé le 3 juillet 2013, cette seule modalité de gestion des alertes n’a pas pour autant pour effet d’affecter une mission ou une compétence légalement dévolue à ce service. Ainsi et comme l’a jugé à juste titre le tribunal, l’édiction du dispositif spécifique  » secours en montagne  » n’était pas au nombre de celles soumises à la consultation des comités techniques prévue par les dispositions précitées. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le préfet s’est immiscé dans les compétences du SDIS des Alpes-Maritimes, établissement public administratif autonome :

32. D’une part, aux termes de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure :  » I. Les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours ainsi que par les personnels des services de l’Etat et les militaires des unités qui en sont investis à titre permanent. (…) / II. Concourent également à l’accomplissement des missions de la sécurité civile les militaires des armées et de la gendarmerie nationale, les personnels de la police nationale et les agents de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements et organismes publics ou privés appelés à exercer des missions se rapportant à la protection des populations ou au maintien de la continuité de la vie nationale, ainsi que les réservistes de la sécurité civile et des services d’incendie et de secours. (…) « .

33. D’autre part, aux termes de l’article L. 1424-1 du code général des collectivités territoriales :  » Il est créé dans chaque département un établissement public, dénommé  » service départemental d’incendie et de secours « , qui comporte un corps départemental de sapeurs-pompiers (…). Les modalités d’intervention opérationnelle des services locaux d’incendie et de secours sont déterminées par le règlement opérationnel régi par l’article L. 1424-4, après consultation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale concernés (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-2 du même code :  » Les services d’incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l’évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu’aux secours et aux soins d’urgence. Dans le cadre de leurs compétences,
les services d’incendie et de secours exercent les missions suivantes : 1° La prévention et l’évaluation des risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l’organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des animaux, des biens et de leur environnement ; 4° Les secours et les soins d’urgence aux personnes ainsi que leur évacuation lorsqu’elles : a) sont victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ; b) présentent des signes de détresse vitale ; c) présentent des signes de détresse fonctionnelle justifiant l’urgence à agir (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-3 de ce code :  » Les services d’incendie et de secours sont placés pour emploi sous l’autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police (…) « . Enfin, aux termes de l’article L. 1424-4 du même code :  » Dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet mettent en œuvre les moyens relevant des services d’incendie et de secours dans les conditions prévues par un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d’administration du service d’incendie et de secours. (…) « .

34. Les requérants soutiennent que l’arrêté contesté a pour effet de retirer au SDIS des Alpes-Maritimes des missions lui incombant légalement pour les confier à des forces de sécurité intérieure, la CRS des Alpes et le PGHM, tout en faisant peser sur lui les charges de fonctionnement générées par ces services. Ils en déduisent que le préfet s’est immiscé dans les compétences du SDIS, établissement public administratif pourtant autonome et ainsi méconnu le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales.
35. Toutefois, en plus de ce qui a été dit ci-dessus lors de l’examen de la question prioritaire de constitutionnalité, il résulte des dispositions citées aux points 32 et 33 que le préfet, qui est tenu de déterminer, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours, pouvait, dans ce cadre, légalement décider des modalités d’action des services d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes, placés pour emploi sous son autorité en application des dispositions de l’article L. 1424-3 précité. Par ailleurs, le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR) des Alpes-Maritimes, arrêté par le préfet le 17 décembre 2021, énonce que  » le secours en montagne est une compétence partagée avec les autres acteurs que sont le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) et la compagnie républicaine de sécurité (CRS)  » et n’attribue donc aucune compétence exclusive aux sapeurs-pompiers, contrairement à ce que soutiennent les requérants. En outre et contrairement à ce qui est soutenu, le plan contesté n’a ni pour objet, ni pour effet de priver, à lui seul, les sapeurs-pompiers d’une partie sensible de leur activité de secours. A cet égard, il prévoit au contraire que chaque situation fait l’objet d’une décision particulière sur ce point, conformément au logigramme susmentionné. De plus, il ressort des pièces du dossier que les services des pompiers participent pleinement au dispositif prévu par le plan Orsec départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes, tant par le commandant des opérations de secours (COS) qui appartient forcément au SDIS en cas d’opération d’envergure, que par leur intervention en tant que de besoin en cas d’appel en renfort sur une opération complexe. De même, si les dispositions de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure cité au point 7 imposent, s’agissant des plans ayant pour objet un risque particulier, au préfet de désigner le commandement des opérations de secours (COS), elles ne l’obligent pas à désigner un membre du SDIS pour assumer une telle charge et, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le plan contesté serait illégal faute de prévoir à ce titre un COS n’appartenant pas au SDIS. Enfin, le plan ORSEC divise le territoire du département en deux zones et le SDIS est pleinement compétent pour la zone  » littoral/droit commun  » et il l’est sur l’ensemble du département s’agissant des opérations de secours routier et des missions de sauvetage particulières, tandis que les opérations de secours en montagne représentent très peu d’opérations de sécurité civile dès lors qu’il n’est pas contesté qu’entre 2014 et 2018, les interventions des sapeurs-pompiers en zone  » montagne  » ont représenté entre 0,01% et 0,04% de leur activité de secours à victime, soit quelques dizaines d’intervention par an.

36. Compte tenu de tout ce qui vient d’être dit, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait méconnu le principe d’autonomie des établissements publics ou même celui de spécialité ou encore celui de libre administration des collectivités territoriales.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que les dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » ne sont ni adaptées, ni nécessaires ni proportionnées :

37. En premier lieu, les dispositions contestées ont pour objet de coordonner la réponse que doivent apporter les différentes unités spécialisées appartenant à des corps distincts amenées à intervenir en cas de demande de secours en montagne. Elles permettent ainsi de répondre à l’objectif légitime d’assistance aux personnes en cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe. La circonstance invoquée par les requérants selon laquelle ces dispositions confient des missions de secours à des services chargés de l’ordre public, en l’occurrence les gendarmes et les CRS, est à cet égard sans influence dès lors qu’il n’est ni allégué ni a fortiori démontré que ceux-ci, d’ailleurs créés antérieurement aux unités spécialisées des sapeurs-pompiers, ne disposeraient pas des compétences techniques et humaines en la matière. Enfin, si les requérants soutiennent que ces services ne disposent pas d’hélicoptère, il ressort néanmoins des pièces du dossier qu’il en va de même pour les sapeurs-pompiers puisque ce moyen d’intervention appartient à la sécurité civile, laquelle relève des services de l’Etat. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que les mesures contestées ne seraient pas appropriées à l’objectif poursuivi.

38. En deuxième lieu, les requérants soutiennent qu’il n’apparaissait pas utile de venir compenser une quelconque incompétence ou insuffisance des moyens dont disposent les sapeurs-pompiers. Toutefois, l’objet de l’arrêté contesté n’est pas celui de retirer des compétences aux sapeurs-pompiers mais d’organiser la réponse apportée par chacun des trois services concernés en cas de demande de secours en montagne. La circonstance invoquée par les requérants n’est, dès lors, pas de nature à démontrer que les dispositions contestées excéderaient ce qu’exige la réalisation de l’objectif légitime d’assistance aux personnes en cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe en montagne.

39. En troisième lieu, la circonstance que les mesures contestées accordent aux forces de sécurité publique, gendarmes et CRS, des responsabilités dans le domaine du secours en montagne ne porte pas atteinte aux compétences et attributions des sapeurs-pompiers, eu égard au nombre très faible d’opérations concernées. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que les mesures contestées seraient disproportionnées.
40. Enfin, si ces dispositions prévoient, comme le fait d’ailleurs la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le secours en montagne, dite circulaire Khil, des opérations dites simples, complexes et d’envergure, elles ont précisément pour but de distinguer différents niveaux d’engagement sans que d’ailleurs, plus de deux ans après son entrée en vigueur, les requérants fassent état d’une difficulté particulière dans sa bonne connaissance et sa correcte application par les services concernés. Les requérants ne sont donc pas non plus fondés à soutenir que les mesures contestées seraient inintelligibles.
41. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » ne sont ni adaptées, ni nécessaires et proportionnées, ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré du vice d’incompétence négative :

42. Aux termes de l’article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure :  » En cas d’accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d’une commune, le représentant de l’Etat dans le département mobilise les moyens de secours relevant de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. Il assure la direction des opérations de secours. Il déclenche, s’il y a lieu, le plan Orsec départemental. (…) « . Aux termes de l’article R. 741-8 du code de la sécurité intérieure :  » (…) Les dispositions spécifiques précisent, en fonction des conséquences prévisibles des risques et des menaces identifiées, les effets à obtenir, les moyens de secours et les mesures adaptés à mettre en œuvre, ainsi que les missions particulières de l’ensemble des personnes concernées pour traiter l’évènement. Elles fixent, le cas échéant, l’organisation du commandement des opérations de secours adaptés à certains risques de nature particulière et définissent les modalités d’information du centre opérationnel départemental d’incendie et de secours. (…) « .

43. Le II du plan contesté prévoit que la qualification de l’intervention selon qu’elle relève du droit commun ou de  » secours en montagne  » s’effectue au cours d’une conférence téléphonique interservices entre d’une part, l’unité spécialisée du secours en montagne (USEM), qui peut être la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes, et d’autre part, le CODIS et le SAMU. Il énonce ensuite que la qualification de l’appel comme une demande de secours en montagne induit l’activation du dispositif spécifique Orsec  » secours en montagne « , sous la responsabilité du préfet en sa qualité de directeur des opérations de secours (DOS).

44. Si le plan ORSEC contesté prévoit, comme le relèvent les requérants, que la qualification de l’appel en opération de  » secours en montagne  » n’est pas effectuée par le préfet lui-même, cette circonstance est sans influence sur la légalité de ce plan dès lors que, conformément à l’article L. 741-2 cité au point 7, celle-ci résulte de l’organisation telle qu’arrêtée par le préfet qui, par ailleurs, informé immédiatement par les services, endosse le rôle de DOS qui est légalement le sien ainsi que le prévoient les dispositions de l’article L. 742-2 du même code et au titre duquel il valide la désignation du COS et lui assigne la mission qui lui est confiée. D’ailleurs, dans leur circulaire commune du 18 septembre 2017 portant sur les opérations de secours en montagne, les trois directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile ont eux-mêmes précisément prévu, pour l’ensemble du territoire national, que  » la conférence téléphonique permet de décider du classement de l’opération en ‘secours montagne’ ou en ‘secours droit commun’ « . Le moyen tiré de ce que le plan contesté aurait désigné une autorité incompétente pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir :

45. Le détournement de pouvoir allégué selon lequel le préfet des Alpes-Maritimes aurait adopté le dispositif litigieux du secours en montagne dans le seul but de favoriser les gendarmes et les CRS au détriment des sapeurs-pompiers n’est établi par aucune des circonstances relevées par les requérants alors en particulier qu’il ressort des pièces du dossier que le préfet a entendu mettre en application les énonciations de la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le secours en montagne, dite circulaire Khil.

46. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les mesures contestées seraient illégales ou qu’elles seraient entachées de vices d’une gravité telle qu’ils remettent en cause leur existence même.

Sur les conclusions à fin d’abrogation :

47. Lorsqu’il est saisi de conclusions tendant à l’annulation d’un acte réglementaire, le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte à la date de son édiction. S’il le juge illégal, il en prononce l’annulation. Ainsi saisi de conclusions à fin d’annulation recevables, le juge peut également l’être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu’il prononce l’abrogation du même acte au motif d’une illégalité résultant d’un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu’un acte règlementaire est susceptible de porter à l’ordre juridique. Il statue alors prioritairement sur les conclusions à fin d’annulation.
48. En l’espèce, les requérants demandent à la cour d’enjoindre au préfet de lui remettre la liste, par année, des secours réalisés par les « ‘unités de secours en montagne' » depuis 2013 jusqu’à 2022, la nature des blessures et l’évaluation de leur gravité, en cas d’enquête de police judiciaire, la désignation de l’entité chargée de l’enquête, les effectifs disponibles quotidiennement dans la CRS Alpes, le PGHM ainsi que leur délai de mobilisation et de départ, la nature des formations suivies, la justification des recyclages, la justification de la formation au commandement d’une opération de secours. Ces documents permettraient, selon eux,  » de constater qu’en réalité, il n’existe aucun élément justifiant d’exclure plus longtemps les sapeurs-pompiers du secours en montagne  » et  » qu’en réalité, aucune des compétences nécessaires à la réalisation de ces missions n’existe au sein ni du PGHM ni de la CRS Alpes « . Toutefois, de tels arguments ne révèlent aucun changement dans les circonstances de fait ou de droit depuis l’approbation des mesures contestées tandis qu’en outre le juge dispose librement de sa faculté de solliciter les documents qu’il estime nécessaire à l’instruction de l’affaire. En outre, il n’apparaît en tout état de cause pas nécessaire, dans les circonstances de l’espèce et eu égard à l’argumentation des requérants, de procéder à la demande de communication des documents qu’ils se bornent à énumérer.

49. Il suit de là, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre à leur encontre, que les conclusions à fin d’abrogation présentées par les requérants doivent être rejetées.

50. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense tirée du défaut de qualité et d’intérêt pour agir, que le syndicat Avenir Secours et M. B… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :

51. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le syndicat Avenir Secours et M. A… B… au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le syndicat Avenir Secours et M. A… B….
Article 2 : Le jugement du 14 février 2023 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu’il a omis de statuer sur les conclusions subsidiaires du syndicat Avenir Secours et de M. A… B… tendant à l’abrogation de l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat Avenir Secours et de M. B… est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat Avenir Secours et M. A… B… et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l’audience du 3 octobre 2024 où siégeaient :

– Mme Fedi, présidente de chambre,
– Mme Rigaud, présidente-assesseure,
– M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024

Compétition de ski-cross – Accident – Responsabilité – Modification de trajectoire – Imprévisibilité (non) – Force majeure (non)

Cour de cassation

19 septembre 2024
Pourvoi n° 23-10.638

Deuxième chambre civile – Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200786

Texte de la décision

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 septembre 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 786 F-B

Pourvoi n° P 23-10.638

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024

M. [G] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 23-10.638 contre l’arrêt rendu le 15 novembre 2022 par la cour d’appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [S] [U], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société AWP P&C, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à La caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la caisse primaire d’assurance maladie des Hautes-Alpes,

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [O], de la SCP Duhamel, avocat de M. [U] et de la société AWP P&C, et l’avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l’audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [O] du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes venant aux droits de la caisse primaire d’assurance maladie des Hautes-Alpes.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 15 novembre 2022), le 24 janvier 2010, lors d’une compétition internationale de ski cross organisée par la [5] à [Localité 6] (Etats-Unis) à laquelle ils avaient pris part, M. [O] et M. [U] ont chuté alors qu’ils se trouvaient côte à côte.

3. Victime d’une fracture du rachis cervical, M. [O] a été atteint de tétraplégie.

4. Estimant que sa chute avait été provoquée par un choc de ses skis avec ceux de M. [U], M. [O] l’a assigné, ainsi que la société Gras Savoie Rhône-Alpes Auvergne et la société anonyme AGA international, désormais dénommée AWP P&C, venant aux droits de la société Mondial assistance international, en tant qu’assureur de M. [U], devant un tribunal de grande instance, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie des Hautes-Alpes, à fins d’expertise et d’indemnisation.

5. M. [O] s’est désisté, en cours de procédure, de son action en ce qu’elle était dirigée contre la société Gras Savoie Rhône-Alpes Auvergne.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. M. [O] fait grief à l’arrêt de dire que son comportement a revêtu les caractères d’un cas de force majeure exonérant M. [U] de toute responsabilité et de le débouter de l’ensemble de ses demandes, alors que « l’irrésistibilité et l’imprévisibilité constitutifs de la force majeure s’apprécient au regard des circonstances particulières de la cause ; que dans une compétition sportive de haut niveau de ski cross, n’est pas imprévisible le simple positionnement non rectiligne d’un concurrent lors d’une course jalonnée d’obstacles ; qu’en considérant que le positionnement de M. [O] sur la piste de ski cross était imprévisible pour M. [U], autre compétiteur participant à la course, après avoir pourtant écarté la faute de M. [O] en relevant qu’il n’avait pas brutalement coupé la trajectoire de M. [U], mais qu’il avait simplement atterri, à la fin du cinquième saut, en chevauchant partiellement sa trajectoire, la cour d’appel a violé l’article 1384, alinéa 1er, devenu l’article 1242, alinéa 1er, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil :

7. Un événement n’est constitutif de la force majeure permettant de s’exonérer de la responsabilité prévue par ce texte que s’il est imprévisible, irrésistible et extérieur.

8. Pour débouter M. [O] de toutes ses demandes, l’arrêt retient que les skis de M. [U] ont nécessairement joué un rôle causal dans l’accident de M. [O], mais que, si ce dernier n’a pas commis de faute, son positionnement n’en a pas moins constitué, par son imprévisibilité, son extériorité et son irrésistibilité, liée à l’impossibilité qui était celle de M. [U] de pouvoir manoeuvrer lorsqu’il était en l’air pendant le saut, une cause étrangère revêtant les caractères de la force majeure.

9. Il en déduit que ces circonstances exonèrent M. [U] de la responsabilité lui incombant en qualité de gardien de ses skis.

10. En statuant ainsi, alors que la simple modification de sa trajectoire par un skieur engagé dans une épreuve de ski-cross, ne constitue pas un événement imprévisible pour un autre concurrent la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevable l’appel et infirme le jugement en ce qu’il a dit que M. [O] a commis une faute dans la survenance de l’accident, l’arrêt rendu le 15 novembre 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry ;

Condamne M. [U] et la société AWP P&C aux dépens ;

En application de l’article700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AWP P&C et condamne cette dernière et M. [U], in solidum, à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille vingt-quatre.

Tapis roulant – PPRN – Urbanisation en continuité

CAA de MARSEILLE – 1ère chambre

  • N° 23MA00486
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du jeudi 04 juillet 2024

Président

  1. PORTAIL

Rapporteur

  1. Philippe D’IZARN DE VILLEFORT

Rapporteur public

  1. QUENETTE

Avocat(s)

SELARL CDMF – AFFAIRES PUBLIQUES – AVOCATS ASSOCIÉS

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… C…, la société par actions simplifiée (SAS) Master Phil et M. D… A… ont demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté du 8 août 2019 par lequel le maire d’Enchastrayes a délivré à la Régie Ubaye-Ski un permis de construire un tapis de remontée mécanique sur des parcelles cadastrées section E nos 545, 921, 523 et 406 sur le territoire communal.

Par un jugement n° 1910740 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2023, M. C… et la société par actions simplifiée (SAS) Master Phil, représentés par Me Vaillant, demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du 28 décembre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d’annuler l’arrêté du 8 août 2019 du maire d’Enchastrayes ;

3°) de mettre à la charge de la commune d’Enchastrayes la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– le permis de construire contesté méconnaît les dispositions de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme, en l’absence d’accord du gestionnaire du domaine public ;
– il méconnaît le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP) du 18 septembre 2000, les articles R. 111-2 du code de l’urbanisme et 6 de l’arrêté du 29 septembre 2010, dans la mesure où le projet aggrave les risques de glissement de terrain ;
– le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard du moyen tiré des risques d’atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, notamment dans la mesure où le tribunal n’a pas examiné ce moyen au regard des articles R. 111-2 du code de l’urbanisme et 6 de l’arrêté du 29 septembre 2010 ;
– le permis de construire contesté n’est pas conforme à l’emplacement réservé n° 46 prévu par le plan local d’urbanisme (PLU) d’Enchastrayes ; une modification de ce PLU aurait dû intervenir, en application des dispositions de l’article L. 153-36 du code de l’urbanisme ;
– il méconnaît les dispositions de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023, la Régie Ubaye-Ski, représentée par Me Lacroix, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu’il soit fait application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge solidaire de M. C… et de la SAS Master Phil la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la requête est irrecevable au regard des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme ;
– le recours de la SAS Master Phil est tardif, dans la mesure où cette société n’a pas formé de recours gracieux, et, par suite, irrecevable ;
– la requête est irrecevable au regard des dispositions de l’article R. 600-4 du code de l’urbanisme en ce qu’elle est présentée pour M. C… ;
– les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
– dans l’hypothèse où un moyen serait fondé, une régularisation est possible en application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2023, la commune d’Enchastrayes, représentée par Me Fiat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de M. C… et de la SAS Master Phil la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la requête est irrecevable au regard des dispositions des articles R. 411-1 et R. 811-13 du code de justice administrative, en l’absence de toute critique du jugement attaqué ;
– les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code du tourisme ;
– l’arrêté du 29 septembre 2010 relatif à la conception, à la réalisation, à la modification, à l’exploitation et à la maintenance des tapis roulants mentionnés à l’article L. 342-17-1 du code du tourisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. d’Izarn de Villefort, président-assesseur ;
– les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ;
– les observations de Me Nallet-Rosado représentant la commune d’Enchastrayes, et de Me Plenet représentant la Régie Ubaye-Ski.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 août 2019, le maire d’Enchastrayes, agissant au nom de cette commune, a délivré à la Régie Ubaye-Ski de la communauté de communes Vallée de l’Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP) un permis de construire un tapis de remontée mécanique, sur des parcelles cadastrées section E nos 545, 921, 523 et 406, sises lieu-dit E… sur le territoire communal. M. C…, M. A… et la société par actions simplifiée (SAS) Master Phil ont demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler cet arrêté. M. C… et la SAS Master Phil relèvent appel du jugement du 28 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative :  » Les jugements sont motivés « .
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les requérants soulevaient devant le tribunal un moyen tiré de la méconnaissance, par l’arrêté contesté, des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNp) du 18 septembre 2000, au soutien duquel ils citaient l’article 6 de l’arrêté susvisé du 29 septembre 2010. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Marseille a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par les requérants. En particulier, le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et du PPRNp, en citant l’article 6 de l’arrêté susvisé du 29 septembre 2010, de la même manière que les requérants le mentionnaient dans leur requête comme argument au soutien du moyen susmentionné. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les juges de première instance se sont livrés à un examen du permis de construire contesté au regard des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, examen réalisé conformément à la manière dont le moyen était soulevé devant eux, à savoir au regard des risques de glissement de terrain tels qu’identifiés par le PPRNp. Par suite, M. C… et la SAS Master Phil ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d’irrégularité.
Sur les conclusions à fin d’annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme :  » Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public « .
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des statuts de la Régie Ubaye-Ski tels qu’approuvés par une délibération du 10 janvier 2017 du conseil de communauté de la CCVUSP puis modifiés par une délibération du 14 novembre 2017 de ce même conseil, que ladite régie a notamment pour objet l’exploitation des domaines skiables alpins, incluant le Sauze Super-Sauze, et  » l’exploitation, l’entretien, et la sécurisation, en toute saison et dans la limite des besoins du service, des domaines skiables ou sites espaces nordiques comprenant les remontées mécaniques et les installations techniques indispensables « . L’article 12 desdits statuts précise la liste limitative des attributions sur lesquelles le conseil communautaire s’est réservé le pouvoir de décision, au nombre desquelles ne figure pas la gestion du domaine public skiable. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que la Régie Ubaye-Ski est elle-même gestionnaire de ce domaine public. Etant à la fois gestionnaire et pétitionnaire, elle n’avait dès lors pas besoin de se fournir à elle-même l’accord prévu par les dispositions précitées de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme.
6. En deuxième lieu et d’une part, aux termes de l’article 6 de l’arrêté du 29 septembre 2010 relatif à la conception, à la réalisation, à la modification, à l’exploitation et à la maintenance des tapis roulants mentionnés à l’article L. 342-17-1 du code du tourisme :  » Tout tapis roulant est implanté en tenant compte des risques naturels éventuels. / Il est installé sur un terrain compatible avec les conditions d’installations définies par le constructeur. / Si nécessaire, le terrain est traité et aménagé pour répondre à ces conditions. L’état du sol au moment du montage (gel, humidité, etc.) est notamment pris en considération. (…) « .
7. D’autre part, aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations « . Il appartient à l’autorité d’urbanisme compétente et au juge de l’excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d’atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s’ils se réalisent.
8. Il ressort des pièces du dossier que la commune d’Enchastrayes est couverte par le PPRNp relatif aux mouvements de terrain, aux crues torrentielles et inondations et aux avalanches, approuvé le 18 septembre 2000. La pointe située à l’extrémité est de la parcelle cadastrée section E n° 545 est située en zone R10 de ce plan, tandis que le reste de cette parcelle ainsi que la parcelle cadastrée section E n° 921 et l’extrémité est de la parcelle cadastrée section E n° 406 sont situées en zone blanche de ce même plan. Le reste de cette dernière parcelle, ainsi que la parcelle cadastrée section E n° 523 ne sont, quant à elles, pas concernées par le plan de zonage du PPRNp susvisé. L’article 1.2 du règlement de ce plan, relatif aux différentes zones du plan de prévention des risques (PPR), prévoit que :  » Les zones blanches sises à l’intérieur du périmètre du PPR sont réputées sans risque naturel prévisible significatif, hormis le risque sismique. (…) La construction et l’occupation du sol n’y sont pas réglementées par le PPR. / Les zones rouges signifient qu’à ce jour, il n’existe pas de mesure de protection efficace et économiquement acceptable, pouvant permettre l’implantation de constructions ou ouvrages, soit du fait des risques naturels sur la zone elle-même, soit des risques que des implantations dans la zone pourraient provoquer ou aggraver. (…) « . Ce même règlement précise ensuite les risques spécifiques au Super-Sauze, sur le territoire de la commune d’Enchastrayes, à savoir les glissements de terrain et les crues torrentielles, et précise que les secteurs classés en zone R10 du Super-Sauze sont inconstructibles, sauf quelques exceptions limitativement énumérées.
9. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du dossier de demande de permis de construire, que le projet litigieux ne sera implanté que sur la partie sud-est de la parcelle cadastrée section E n° 545, puis sur la partie nord de la parcelle cadastrée section E n° 523. L’emprise au sol du projet litigieux est donc située, pour partie, en zone blanche du PPRNp, et, pour partie, en-dehors du zonage de ce plan. La seule proximité du projet avec la zone R10 du PPRNp ne saurait soumettre ce projet, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aux prescriptions imposées par le règlement de ce plan. En outre, en se bornant à soutenir que les zones aplanies créées par le projet ainsi que l’aménagement du nouveau chemin d’accès à leurs propriétés seraient de nature à aggraver les risques liés aux glissements de terrain, les requérants ne fournissent aucun élément concret permettant de caractériser de tels risques, dans une zone qui n’est pas, comme il vient d’être dit, concernée par un risque particulier à ce titre au sein des documents techniques y afférents. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il n’est pas prévu par le projet en lui-même que le chemin d’accès à leurs habitations soit remblayé et élargi à 4 mètres. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l’arrêté contesté méconnaîtrait le PPRNp doit être écarté. Pour les mêmes motifs, outre que l’implantation de l’ouvrage litigieux est ainsi conforme aux prescriptions fixées par l’article 6 de l’arrêté du 29 septembre 2010, le maire d’Enchastrayes n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation au regard des exigences de la sécurité publique prescrites par l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.
10. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 151-8 du code de l’urbanisme :  » Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols permettant d’atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 « . Selon l’article L. 151-38 de ce même code :  » Le règlement peut (…) délimiter les zones qui sont ou peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques en indiquant, le cas échéant, les équipements et aménagements susceptibles d’y être prévus « . Aux termes de l’article L. 151-41 de ce même code :  » Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : (…) 2° Des emplacements réservés aux installations d’intérêt général à créer ou à modifier (…) « . Enfin, selon l’article L. 153-36 de ce même code :  » Sous réserve des cas où une révision s’impose en application du I de l’article L. 153-31, le plan local d’urbanisme est modifié lorsque l’établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide de modifier le règlement, les orientations d’aménagement et de programmation ou le programme d’orientations et d’actions « .
11. L’autorité administrative chargée de délivrer le permis de construire est tenue de refuser toute demande, même émanant de la personne bénéficiaire de la réserve, dont l’objet ne serait pas conforme à la destination de l’emplacement réservé, tant qu’aucune modification du plan local d’urbanisme emportant changement de la destination n’est intervenue. En outre, les dispositions précitées de l’article L. 151-41 du code de l’urbanisme ont pour objet de permettre aux auteurs d’un document d’urbanisme de réserver certains emplacements à des voies et ouvrages publics, à des installations d’intérêt général ou à des espaces verts, le propriétaire concerné bénéficiant en contrepartie de cette servitude d’un droit de délaissement lui permettant d’exiger de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu’elle procède à son acquisition, faute de quoi les limitations au droit à construire et la réserve ne sont plus opposables. S’il est généralement recouru à ce dispositif pour fixer la destination future des terrains en cause, aucune disposition ne fait obstacle à ce qu’il soit utilisé pour fixer une destination qui correspond déjà à l’usage actuel du terrain concerné, le propriétaire restant libre de l’utilisation de son terrain sous réserve qu’elle n’ait pas pour effet de rendre ce dernier incompatible avec la destination prévue par la réservation.
12. Il ressort des pièces du dossier qu’est implanté, sur les parcelles cadastrées section E nos 545, 523 et 407, un emplacement réservé (ER) n° 46. La liste des emplacements réservés annexée au règlement du plan local d’urbanisme (PLU) d’Enchastrayes précise que cet ER correspond à l’emprise du téléski de Pré de l’Adroit, pour une surface de 4 200 m² et une largeur de 8 mètres. D’une part, le projet de tapis roulant litigieux a pour objet de permettre le transport du public, pour exercer des activités relatives aux sports de neige durant la saison d’hiver, et des activités de randonnée, notamment pédestre ou cyclable, durant la saison d’été. La destination de cet équipement reste ainsi identique à celle du téléski pour lequel a été institué l’ER concerné et qui a été déposé, et n’est, dès lors, pas incompatible avec cette destination. D’autre part, si la longueur de l’ancien téléski était de 524 m alors que celle du tapis roulant en litige sera de 80 m, il ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire qu’un projet réalisé sur l’emprise d’un ER doive correspondre à la surface réservée, dès lors que le projet est conforme à la destination de l’ER. A cet égard, si les requérants soutiennent qu’une partie de l’emplacement réservé n° 46 sera affectée à des fins étrangères à celles pour lesquelles il a été réservé, cette allégation n’est toutefois étayée par aucun élément concret, et, concernant l’exécution du permis de construire litigieux, reste en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l’arrêté contesté. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le permis de construire attaqué méconnaîtrait l’ER n° 46 du PLU d’Enchastrayes doit être écarté.
13. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme :  » L’urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants, sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d’annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d’installations ou d’équipements public incompatibles avec le voisinage des zones habitées « .
14. D’une part, le projet litigieux, qui porte sur la construction d’un tapis roulant aux fins de transporter du public, présente le caractère d’un équipement public. D’autre part, eu égard à la finalité même des remontées mécaniques, qui ne peuvent être implantées que dans le domaine skiable, ces installations sont, par nature, incompatibles avec le voisinage des zones habitées. Dans ces conditions, le tapis roulant litigieux relève des exceptions à la règle de l’urbanisation en continuité posée par les dispositions précitées de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu’être écarté comme inopérant.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. C… et la SAS Master Phil ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande dirigée contre l’arrêté du 8 août 2019 du maire d’Enchastrayes.
Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d’Enchastrayes, qui n’est pas, dans la partie perdante, la somme demandée par M. C… et la SAS Master Phil au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge solidaire de M. C… et de la SAS Master Phil une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par la commune d’Enchastrayes et une somme de même montant au titre des mêmes frais exposés par la Régie Ubaye-Ski.

D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C… et de la SAS Master Phil est rejetée.
Article 2 : M. C… et la SAS Master Phil pris ensemble verseront à la commune d’Enchastrayes une somme de 1 500 euros et à la Régie Ubaye-Ski une somme de même montant au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… C…, à la société par actions simplifiée Master Phil, à la commune d’Enchastrayes et à la Régie Ubaye-Ski.

Délibéré après l’audience du 20 juin 2024, où siégeaient :

– M. Portail, président,
– M. d’Izarn de Villefort, président assesseur,
– M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
2
N° 23MA0048

PPRN – Enquête publique (conditions d’organisation) – Classement en zone rouge – Erreur manifeste d’appréciation (non)

CAA de LYON – 3ème chambre

  • N° 22LY01828
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 12 juin 2024

Président

  1. TALLEC

Rapporteur

Mme Bénédicte LORDONNE

Rapporteur public

  1. DELIANCOURT

Avocat(s)

SELARL CORDEL BETEMPS

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet de la Savoie a approuvé la révision du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) de la commune de Villaroger, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 17 mars 2020.

Par un jugement n° 2002726 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin 2022 et 23 août 2023, M. B…, représenté par Me Cordel, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 avril 2022 ;
2°) d’annuler l’arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet de la Savoie a approuvé la révision du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) de la commune de Villaroger, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 17 mars 2020 ; à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise judiciaire ;
3°) de mettre une somme de 25 000 euros à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– l’arrêté préfectoral du 25 septembre 2017 prescrivant la révision du PPRN ne mentionne pas le lieu et les heures où le public pourra consulter le dossier d’enquête publique et formuler ses observations ;
– l’information du public par voie de presse a été insuffisante ;
– il n’y a pas eu de réunion préalable à l’enquête ;
– l’enquête publique s’est déroulée en période estivale ;
– si l’avis des personnes publiques associées semble avoir été demandé, seules deux d’entre-elles se sont exprimées et ont donné un avis positif ;
– l’avis de l’autorité environnementale n’a pas été sollicité ;
– le dossier soumis à enquête publique était incomplet, incohérent et inexact ;
– le classement des parcelles cadastrées section OE n°833, 834, 835, 2430 et 2434 en zone rouge-inconstructible du PPRN litigieux est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par ordonnance du 24 août 2023, la clôture de l’instruction a été fixée au 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
– les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
– et les observations de Me Jastrzeb-Senelas pour M. B….

Considérant ce qui suit :

1. M. A… B… est propriétaire sur le territoire de la commune de Villaroger (73640), de parcelles cadastrées section OE n°833, 834, 835, 2430, 2434, situées au lieudit  » Les Plagnes « , sur lesquelles est édifié son bâtiment agricole et d’habitation, qu’il exploite en GAEC. Il relève appel du jugement du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre l’arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet de la Savoie a approuvé la révision du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) de la commune de Villaroger, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 17 mars 2020.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 562-10 du code de l’environnement :  » Le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut être révisé selon la procédure décrite aux articles R. 562-1 à R. 562-9. (…) « . L’article R. 562-8 du même code prévoit que le projet de plan est soumis par le préfet à une enquête publique dans les formes prévues par les articles R. 123-7 à R. 123-23. Aux termes de l’article R. 123-9 du même code :  » I. – L’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête précise par arrêté les informations mentionnées à l’article L. 123-10, quinze jours au moins avant l’ouverture de l’enquête (…) 4 Cet arrêté précise notamment : (…) 4° Les lieux, jours et heures où le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête, représentée par un ou plusieurs de ses membres, se tiendra à la disposition du public pour recevoir ses observations (…) « .
3. Comme l’ont relevé les premiers juges, conformément aux dispositions de l’article R. 123-9 précité, l’arrêté du 15 juillet 2019 prescrivant l’ouverture d’une enquête publique mentionne le lieu et les heures où le public pourra consulter le dossier et formuler ses observations. L’arrêté préfectoral du 25 septembre 2017 prescrivant la révision du PPRN n’avait pas à comporter de telles informations. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, le requérant reprend en appel son moyen selon lequel l’information du public par voie de presse aurait été insuffisante. Il y a lieu d’écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
5. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 123-17 du code de l’environnement :  » Sans préjudice des cas prévus par des législations particulières, lorsqu’il estime que l’importance ou la nature du projet, plan ou programme ou les conditions de déroulement de l’enquête publique rendent nécessaire l’organisation d’une réunion d’information et d’échange avec le public, le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête en informe l’autorité en charge de l’ouverture et de l’organisation de l’enquête ainsi que le responsable du projet, plan ou programme en leur indiquant les modalités qu’il propose pour l’organisation de cette réunion (…) « .
6. Le commissaire-enquêteur justifie aux pages 6 et 7 de son rapport son choix de ne pas organiser de réunion publique, dès lors que le public qui s’est exprimé a mis en évidence une connaissance du dossier, en dépit de la participation réduite en cours d’enquête. L’utilité de l’organisation d’une réunion étant laissée à l’appréciation du commissaire enquêteur, celui-ci a pu décider, sans entacher d’irrégularité l’enquête publique, de ne pas la prescrire, le requérant n’étant pas fondé à soutenir qu’une telle réunion s’imposait nécessairement en raison d’un manque d’information du public qu’il n’établit pas.
7. En quatrième lieu, le requérant reprend son moyen selon lequel les conditions d’organisation de l’enquête publique en période estivale n’ont pas permis au public d’être suffisamment informé et de faire valoir ses observations. Il y a lieu d’écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.
8. En cinquième lieu, aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’environnement :  » Le dossier soumis à l’enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. Le dossier comprend au moins : (…) 4° Lorsqu’ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l’ouverture de l’enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme (…) « .
9. D’une part, s’il ressort des pièces du dossier que seules deux personnes publiques ont donné un avis positif au projet, les avis des autres personnes publiques consultées sont réputés favorables en l’absence de réponse dans le délai de deux mois.
10. D’autre part, les dispositions du II de l’article R. 122-17 du code de l’environnement imposent que les PPRN fassent l’objet d’un examen au cas par cas destiné à déterminer s’ils doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences sur l’environnement.
11. Il ressort des pièces du dossier que l’autorité environnementale a dispensé le projet de PPRN d’une évaluation environnementale, par une décision du 29 août 2017, versée au dossier de première instance.
12. En sixième lieu, les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette enquête, que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou, si elles ont été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête et, par suite, sur la décision de l’autorité administrative.
13. Si le requérant persiste en appel à mettre en cause la lisibilité du dossier soumis à enquête publique, en se prévalant de certaines observations du commissaire enquêteur et de ce que la commune elle-même a fait part de possibles incompréhensions et malentendus à venir pour les habitants, les éléments dont il fait état ne permettent nullement d’établir que le dossier serait incomplet, inexact ou incohérent. Contrairement à ce qui est soutenu, le bâtiment de M. B… est représenté sur la carte de zonage réglementaire et la carte de l’aléa avalanches, ayant motivé le classement des parcelles en litige, cadastrées section OE n°833, 834, 835, 2430 et 2434.
14. En septième et dernier lieu, le requérant soutient que le classement de ces parcelles, en zone rouge-inconstructible du PPRN est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
15. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles en litige sont situées dans le secteur Le Crêt de La Savinaz, classées en zone constructible dans le précédent PPRN, et désormais en zone rouge, car concernées par l’avalanche du Crêt. Le nouveau zonage s’appuie notamment sur une modélisation numérique RAMMS de l’avalanche de référence, avec un mode numérique de terrain (MNT) plus détaillé que celui utilisé en 2002 par l’étude alors conduite par le cabinet Toroval, qui avait conclu à un risque faible. Sont mieux prises en compte les particularités du terrain susceptibles d’influencer la propagation des avalanches, en particulier la plate-forme EDF. Ainsi que l’a fait valoir le préfet en première instance, cette plate-forme dissipe une partie de l’énergie cinétique de l’avalanche qui ne peut plus aller aussi loin dans la combe du Crêt que l’avalanche historique du début du XXème siècle classée en aléa centennal, ce qui a conduit, malgré l’absence de réalisation d’ouvrage de protection, à la réduction de l’aléa dans cette combe par rapport au zonage du précédent PPRN, qui apparaît très efficace pour arrêter les éventuelles coulées de neige humide mais en cas d’avalanche de neige sèche et fluide, n’est pas suffisante pour réduire la pression de l’impact de l’avalanche sous le seuil des 30kPa sur la ferme de M. B….
16. Le requérant ne démontre pas davantage en appel qu’en première instance que le scénario de référence retenu dans le cadre de l’élaboration du PPRN ne serait pas pertinent.
17. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les simulations numériques d’écoulement effectuées avec le programme RAMMS seraient erronées. En effet, s’agissant de l’estimation de l’épaisseur moyenne mobilisable par l’avalanche de référence, M. B… se borne à indiquer qu’elle ne serait pas justifiée ni ne résulterait d’une étude statistique des chutes de neige, en se prévalant de l’étude réalisée par le bureau Toraval en novembre 2020 qui ne propose pas d’autres données concernant la nivométrie locale. Le requérant ne démontre pas davantage qu’une erreur d’interprétation des résultats aurait été commise en assimilant la pression au sein de l’écoulement à la pression d’impact contre un obstacle. M. B… persiste en appel à soutenir que le calcul d’aléa est nécessairement faussé en raison de la prise en compte de la présence de matériaux sur ladite plate-forme, qui constitue une modification non pérenne de la topographie du terrain dès lors que ces derniers peuvent changer d’emplacement et de hauteur, au gré des activités de l’entrepreneur. Il produit à hauteur d’appel un constat d’huissier démontrant l’augmentation de la surface de stockage de matériaux en bordure de la plateforme. Cependant, le tribunal a relevé, sans être sérieusement critiqué sur ce point, que le requérant n’établit pas l’influence déterminante sur la simulation numérique d’écoulement de l’avalanche effectuée avec le programme RAMMS de ces matériaux, alors que le service de restauration des terrains en montagne (RTM) indique qu’il s’agit d’un faible obstacle vis-à-vis de la largeur d’écoulement, et que l’effet de frein, au profit d’ailleurs de la ferme B…, est très limité.
18. Il ressort du rapport de présentation du PPRN que l’analyse l’avalanche du crêt ne repose pas uniquement sur une modélisation numérique dès lors que cet outil a été croisé avec une analyse historique et spatiale du secteur. Si le requérant se prévaut des conclusions des cabinets Goeformer et Toraval, selon lesquelles les résultats des simulations numériques auraient occupé une place démesurée dans le raisonnement du chargé d’étude, alors, selon eux, que le zonage aurait dû résulter d’une synthèse équilibrée de ces multiples approches, il fait également reproche au PPRN de s’être fondé sur un unique témoignage ne reposant, selon lui, sur aucun fondement historique. Toutefois, sur ce point, le jugement n’est pas sérieusement critiqué en ce qu’il a relevé qu’il ressort du rapport de présentation du PPRN que le témoignage du père d’… concernant l’avalanche du début du XXième siècle renseigne uniquement sur la capacité du versant à produire des avalanches coulantes mais n’a pas été utilisé pour calquer l’évènement sur le terrain actuel en raison de l’évolution de celui-ci. En outre, il ressort du rapport de présentation que trois visites de terrain ont été organisées sur le secteur de la Savinaz les 28 octobre 2016, 2 février 2017, et 30 mars 2017. Le travail de photo-interprétation a été réalisé. Le requérant ne peut déduire du seul fait qu’un examen minutieux des clichés aériens de l’IGN n’a pas été effectué que l’analyse spatiale n’aurait pas été conduite avec suffisamment de rigueur.
19. Dans ces circonstances, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, M. B… n’est pas fondé à soutenir que le classement de ses parcelles en zone exposée à un aléa fort et, par suite, en zone  » rouge  » du PPRN, lequel résulte d’une approche globale combinant analyse numérique, historique et spatiale, procèderait d’une erreur manifeste d’appréciation.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B… est rejetée