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ICHN – Refus – UGB – Age des animaux – Erreur de droit

Conseil d’État – 3ème chambre

  • N° 475585
  • ECLI:FR:CECHS:2024:475585.20241108
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du vendredi 08 novembre 2024

Rapporteur

  1. Paul Levasseur

Rapporteur public

Mme Marie-Gabrielle Merloz

Avocat(s)

CABINET FRANÇOIS PINET ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme A… B… a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision du 19 décembre 2019 par laquelle la cheffe du service agriculture et espaces ruraux de la direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes a rejeté sa demande d’octroi de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) au titre de l’année 2019 et d’enjoindre à la même autorité de lui allouer cette indemnité. Par un jugement n° 2001536 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°22MA00715 du 3 mai 2023, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par Mme B… contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juillet et 4 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
– le règlement délégué (UE) n° 640/2014 de la Commission du 11 mars 2014 ;
– le règlement d’exécution (UE) n° 808/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
– le décret n° 2014-580 du 3 juin 2014 ;
– le décret n° 2015-445 du 16 avril 2015 ;
– le décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 ;
– l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 ;
– l’arrêté du 1er août 2016 pris en application du décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées, et modifiant le code rural et de la pêche maritime, et modifiant l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,

– les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet François Pinet, avocat de Mme A… B… et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B…, éleveuse de chèvres et d’équidés, est bénéficiaire, depuis 2008, des aides directes de la politique agricole commune (PAC), en particulier de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Sa demande de paiement de l’ICHN au titre de la campagne PAC 2019 lui a été refusée par une décision du 19 décembre 2019 prise par la cheffe du service agriculture et espaces ruraux de la direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes, agissant au nom de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur dans les conditions définies par les dispositions de l’article 78 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et du décret du 16 avril 2015 relatif à la mise en œuvre des programmes de développement rural pour la période 2014-2020, au motif que l’un des équidés qu’elle avait déclarés ne remplissait pas la condition d’être âgé de trois ans au plus au 15 mai 2019 et qu’elle ne justifiait donc pas de la présence sur son exploitation de trois unités gros bétail (UGB). Par un jugement du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision. Mme B… se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2023 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel formé contre ce jugement.

Sur le pourvoi :

2. Aux termes de l’article D. 113-18 du code rural et de la pêche maritime, applicable aux aides versées au titre de la programmation de la PAC ayant débuté en 2014 :  » Peuvent bénéficier des aides compensatoires de handicaps naturels et spécifiques, dans les conditions prévues par le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux de la France (…), les agriculteurs actifs « . Aux termes de l’article D. 113-19 du même code, applicable aux mêmes aides :  » Le calcul des aides allouées à chaque agriculteur est effectué selon les règles définies par le programme de développement rural régional de la région où sont situées les surfaces agricoles de l’exploitation bénéficiaire et, le cas échéant, par le cadre national mentionné à l’article D. 113-18. / Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et du budget (…) précise, en tant que de besoin, les règles d’éligibilité exposées dans le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux. Il détermine les surfaces et les catégories de cheptel retenues pour le calcul du taux de chargement lorsqu’un tel critère est prévu par le cadre national ou le programme de développement rural régional applicable à la région concernée « .

3. D’une part, l’article 1er de l’arrêté du 9 octobre 2015 du ministre chargé de l’agriculture relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 prévoit que les agriculteurs déposent une demande unique au titre de la PAC contenant  » la déclaration des effectifs animaux « . L’article 4 du même arrêté dispose que  » la date limite de dépôt à laquelle la demande d’attribution de droits au paiement (…) au titre du régime de paiement de base doit être parvenue à la direction départementale chargée de l’agriculture du département dans lequel se situe le siège de l’exploitation est fixée (…) au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures « . Son article 4 bis précise que  » la qualité du demandeur d’aides s’apprécie au jour de la date limite de dépôt de la demande d’aides « .

4. Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier de l’ICHN au titre de la campagne 2019, le demandeur doit justifier de sa qualité d’agriculteur actif à la date limite de dépôt de sa demande d’aide, soit le 15 mai 2019.

5. D’autre part, aux termes de l’article 3 de l’arrêté du 1er août 2016 des ministres chargés de l’agriculture et du budget pris en application du décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées :  » I. – Lorsque le document Cadre national pour le développement rural ou le programme de développement rural prévoit un critère de taux de chargement, les dispositions suivantes s’appliquent. / (…) II. – Les animaux autres que bovins pris en compte au titre du I sont ceux qui sont déclarés sur le formulaire de déclaration des effectifs animaux et qui sont présents sur l’exploitation pendant une durée minimale de 30 jours consécutifs incluant le 31 mars de l’année de la demande « . Aux termes de l’article 5 du même arrêté :  » Le document Cadre national pour le développement rural ou le programme de développement rural précisent si les équidés sont pris en compte dans les critères d’éligibilité. / Le cas échéant, les équidés pris en compte sont ceux répondant aux critères de l’article 3 et relevant d’une des deux catégories ci-après : / (…) – poulains et pouliches âgés d’au moins 6 mois et au plus de 3 ans et non déclarés à l’entraînement au sens des codes des courses « . En outre, le cadre national du programme de développement rural approuvé par la Commission européenne le 30 juin 2015, qui fixe en son point 5.2.7.3.1.6 les conditions d’admissibilité pour bénéficier de l’ICHN, prévoit que le demandeur doit  » détenir un cheptel d’au moins 3 UGB en production animale « .

6. Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier de l’ICHN au titre de la campagne 2019, l’agriculteur qui en fait la demande doit établir qu’il détient au moins trois UGB éligibles, parmi lesquels, le cas échéant, les animaux autres que bovins pris en compte, dont les équidés, sont ceux qui sont présents sur l’exploitation pendant une période minimale de 30 jours consécutifs incluant le 31 mars 2019. A ce titre, les poulains et pouliches pris en compte pour bénéficier de l’ICHN au titre de la campagne PAC 2019 sont donc ceux âgés d’au moins 6 mois et au plus de 3 ans sur cette même période.

7. Par conséquent, en relevant que la date à laquelle s’apprécie l’âge des équidés pour ouvrir droit au bénéfice de l’ICHN au titre de la campagne PAC 2019 était le 15 mai 2019, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit. Par suite, son arrêt doit être annulé.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le règlement au fond :

9. Il ressort des pièces du dossier que, par la décision litigieuse du 19 décembre 2019, le bénéfice de l’ICHN a été refusé à Mme B… au motif que l’un des équidés qu’elle avait déclarés était âgé de plus de trois ans au 15 mai 2019, alors qu’il n’est pas contesté que cet animal était encore âgé de moins de trois ans au terme d’une période de 30 jours consécutifs débutant le 31 mars 2019. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le bénéfice de l’ICHN ne pouvait être légalement refusé pour ce motif.

10. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme B… est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d’annulation de la décision du 19 décembre 2019.

11. L’annulation pour ce motif de la décision attaquée du 19 décembre 2019 implique seulement que la demande de Mme B… soit réexaminée. Par suite, il y a lieu d’enjoindre au président du conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, d’une part, à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B… qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, d’autre part, à ce qu’une somme soit mise au même titre à la charge de l’Etat qui, n’étant pas la collectivité pour le compte de laquelle la décision litigieuse a été prise, n’est pas partie au présent litige. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur la somme de 3 500 euros à verser à Mme B… au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 3 mai 2023 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 janvier 2022 est annulé.
Article 3 : La décision du 19 décembre 2019 de la cheffe du service agriculture et espaces ruraux de la DDT des Hautes-Alpes rejetant la demande d’ICHN de Mme B… au titre de la campagne PAC 2019 est annulée.
Article 4 : Il est enjoint au président du conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur de procéder au réexamen de la demande de Mme B… dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 5 : La région Provence-Alpes-Côte-d’Azur versera à Mme B… une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions présentées par la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme A… B…, à la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et à la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée à la section des études, de la prospective et de la coopération.
Délibéré à l’issue de la séance du 17 octobre 2024 où siégeaient : M. Philippe Ranquet, conseiller d’Etat, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d’Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.

Rendu le 8 novembre 2024.

Le président :
Signé : M. Philippe Ranquet
Le rapporteur :
Signé : M. Paul Levasseur
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova

ECLI:FR:CECHS:2024:475585.20241108

Chasse au lagopède alpin (Pyrénées) – Quota excessif – Référé liberté – Droit de vivre dans un environnement sain (atteinte)

Conseil d’État – Juge des référés

  • N° 498433
  • ECLI:FR:CEORD:2024:498433.20241018
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du vendredi 18 octobre 2024

Avocat(s)

SCP SPINOSI ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L’association Comité écologique ariégeois a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’une part, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 27 septembre 2024, par lequel le préfet de l’Ariège a instauré un prélèvement maximal autorisé et a fixé des quotas de prélèvements de galliformes de montagne pour la campagne cynégétique 2024-2025, en tant qu’il concerne la chasse du lagopède alpin et, d’autre part, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 2405970 du 4 octobre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, d’une part, suspendu l’exécution de l’arrêté du 27 septembre 2024 en tant qu’il a autorisé le prélèvement de dix lagopèdes alpins pour la campagne de chasse 2024-2025 et, d’autre part, mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler l’ordonnance du 4 octobre 2024 du juge des référés tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de l’association Comité écologique ariégeois.

Elle soutient que :
– la condition d’urgence n’est pas satisfaite ;
– c’est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a considéré qu’il était porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à un environnement sain alors qu’existent des incertitudes quant à l’appréciation des conséquences de l’acte litigieux sur la population du lagopède alpin en Ariège ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2024, le Comité écologique ariégeois conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 17 octobre 2024, l’association One Voice conclut au rejet de la requête. Elle soutient, d’une part, que son intervention est recevable et, d’autre part, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 17 octobre 2024, la fédération départementale des chasseurs de l’Ariège et la fédération nationale des chasseurs demandent à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête. Elles soutiennent que leur intervention est recevable et s’associent aux moyens de la requête.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Charte de l’environnement ;
– la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques et, d’autre part, l’association Comité écologique ariégeois, l’association One Voice ainsi que la fédération départementale des chasseurs de l’Ariège et la fédération nationale des chasseurs ;

Ont été entendus lors de l’audience publique du 18 octobre 2024, à 10 heures 30 :

– Me Megret, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat du Comité écologique ariégeois ;

– la représentante du Comité écologique ariégeois ;

– les représentants de la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques ;

– les représentants de l’association One Voice ;

– la représentante de la fédération nationale des chasseurs et la fédération départementale des chasseurs de l’Ariège ;

à l’issue de laquelle le juge des référés a clos l’instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de l’Ariège a pris un arrêté, le 27 septembre 2024, visant à instaurer un prélèvement maximum autorisé ainsi qu’un quota de prélèvements limitant la chasse des galliformes de montagne pour la campagne 2024/2025. L’association Comité écologique ariégeois a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de suspendre l’exécution de cet arrêté sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administratif dès lors qu’il porterait une atteinte grave au droit de chacun de vivre dans un environnement sain. Le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à ses demandes en tant que l’arrêté contesté autorise le prélèvement de dix lagopèdes alpins pour la campagne de chasse. La ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques fait appel de cette ordonnance.

Sur les interventions :

2. Eu égard à son objet statutaire et à la nature du litige, l’association One Voice justifie d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête. La fédération départementale des chasseurs de l’Ariège et la fédération nationale des chasseurs justifient d’un intérêt suffisant pour intervenir en défense au soutien de la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques. Ainsi, leurs interventions sont recevables.

Sur la demande de référé :

3. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :  » Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (…) « .

4. Le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Toute personne justifiant, au regard de sa situation personnelle, notamment si ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou des intérêts qu’elle entend défendre, qu’il y est porté une atteinte grave et manifestement illégale du fait de l’action ou de la carence de l’autorité publique, peut saisir le juge des référés sur le fondement de cet article. Il lui appartient alors de faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier, dans le très bref délai prévu par ces dispositions, d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Dans tous les cas, l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2, les mesures qu’il peut ordonner doivent s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.

5. Par un arrêté du 15 mai 2024, non attaqué, le préfet de l’Ariège a fixé les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse pour la campagne 2024-2025, et a autorisé notamment la chasse du lagopède alpin les mercredis et dimanches sur la période comprise entre le 29 septembre 2024 et le 20 octobre 2024. Par l’arrêté attaqué du 27 septembre 2024, il a fixé, pour l’ensemble de la campagne de chasse considérée, un quota de prélèvement maximum de lagopède pour chaque unité de gestion, fixé à zéro dans 6 unités de gestion et à 3 et 7 pour deux unités de gestion de la haute chaine centrale, soit un quota total de 10 spécimens maximum. Il résulte de l’instruction qu’un spécimen a été prélevé lors du premier jour de chasse autorisé le 29 septembre, avant que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ne suspende les effets de cet arrêté le 4 octobre 2024 en faisant usage des pouvoirs qu’il tire de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

6. D’une part, aux termes de l’article 1er de la directive du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 susvisée :  » La présente directive concerne la conservation de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité est applicable. Elle a pour objet la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et en réglemente l’exploitation.  » Aux termes de l’article 2 de cette directive :  » Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles. « . En vertu de son article 7 :  » 1. En raison de leur niveau de population, de leur distribution géographique et de leur taux de reproductivité dans l’ensemble de la Communauté, les espèces énumérées à l’annexe II peuvent faire l’objet d’actes de chasse dans le cadre de la législation nationale. Les États membres veillent à ce que la chasse de ces espèces ne compromette pas les efforts de conservation entrepris dans leur aire de distribution. / 2. Les espèces énumérées à l’annexe II, partie A, peuvent être chassées dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive. / 3. Les espèces énumérées à l’annexe II, partie B, peuvent être chassées seulement dans les États membres pour lesquels elles sont mentionnées. / 4. Les États membres s’assurent que la pratique de la chasse (…) respecte les principes d’une utilisation raisonnée et d’une régulation équilibrée du point de vue écologique des espèces d’oiseaux concernées, et que cette pratique soit compatible, en ce qui concerne la population de ces espèces, notamment des espèces migratrices, avec les dispositions découlant de l’article 2. / (…) « .

7. D’autre part, l’article L. 425-14 du code de l’environnement dispose :  » (…) Le préfet peut, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, fixer le nombre maximal d’animaux qu’un chasseur ou un groupe de chasseurs est autorisé à prélever dans une période déterminée sur un territoire donné. (…) « . L’article R. 425-20 du même code dispose :  » I. – L’arrêté par lequel le ministre chargé de la chasse ou le préfet fixe le nombre maximal qu’un chasseur est autorisé à prélever précise, outre la ou les espèces d’animaux concernées, le territoire et la période considérés ainsi que, le cas échéant, les limites quotidienne et hebdomadaire de ce prélèvement, et le ou les objectifs poursuivis par l’instauration de cette mesure. (… ) « .

8. Il résulte de ces dispositions que, si la chasse au lagopède alpin, espèce mentionnée aux annexes I et II de la directive du 30 novembre 2009, n’est pas interdite de manière générale et absolue sur l’ensemble du territoire national, elle doit être réglementée de manière à ce que le nombre maximal d’oiseaux chassés ne compromette pas les efforts de conservation de cette espèce dans son aire de distribution. Il s’ensuit que le préfet de l’Ariège pouvait autoriser la chasse de cette espèce dans la mesure seulement où le nombre maximal des oiseaux chassables permettait de ne pas compromettre les efforts de conservation entrepris dans l’aire de distribution de ces espèces, à savoir les Pyrénées. Tel n’est pas le cas lorsque ces efforts ne suffisent pas à empêcher une diminution sensible des effectifs, dès lors qu’une telle diminution est susceptible de conduire, à terme, à la disparition des espèces concernées.

9. Il résulte de l’instruction, et notamment des études scientifiques produites par l’association Comité écologique ariégeois, que le lagopède alpin (Lagopus muta) est un galliforme boréo-alpin et que si sa population mondiale demeure importante, le réchauffement climatique et les pressions anthropiques le fragilisent particulièrement dans ses habitats les plus méridionaux, tel que la chaine des Pyrénées, cette fragilité étant accentuée par l’isolement géographique et les effectifs plus réduits des populations en cause. Les éléments soumis au juge des référés convergent en outre pour indiquer que l’aire de répartition de l’espèce fait l’objet d’une diminution et d’une fragmentation dans les Pyrénées françaises depuis le milieu du XXème siècle.

10. Pour justifier dans un tel contexte très défavorable un quota de prélèvement de 10 spécimens au total, au demeurant pour seulement deux des unités de gestion de la haute chaine centrale du département et alors que les préfets des autres départements pyrénéens n’ont délivré aucun quota de prélèvement pour le lagopède alpin depuis plusieurs années, l’arrêté litigieux se fonde essentiellement sur un indice de reproduction dans la haute chaine centrale de 0.89 jeune par adulte calculé par la fédération départementale des chasseurs. Toutefois, la solidité de la méthodologie retenue pour parvenir à cet indice a été largement contestée, ainsi que le préfet de l’Ariège l’a reconnu lors d’une réunion du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage du 5 avril 2024. Alors qu’un indice de fécondité inférieur à 0,4 est considéré comme mauvais pour le lagopède alpin, dans le  » bilan démographique Pyrénées 2024  » réalisé par l’observatoire des galliformes de montagne, l’indice de reproduction de l’espèce a été estimé à 0,2 pour l’ensemble des Pyrénées françaises, cet indice étant estimé à 0 dans la haute chaine centrale concernée par les quotas litigieux, à partir il est vrai de l’observation d’un échantillon très faible de quatre lagopèdes dénombrés. Il n’en demeure pas moins que les évaluations de cet indice local de fécondité, réalisées depuis une vingtaine d’année, confirment, au-delà de leur fluctuation d’une année sur l’autre, le caractère durable de la faible fécondité de ces populations.

11. Dans ces conditions, le lagopède alpin fait face à un risque élevé de disparition dans les Pyrénées françaises, qui ne permet pas, en l’état des connaissances scientifiques et sans compromettre les efforts de conservation de cette espèce dans son aire de distribution conformément aux principes rappelées au point 8 de la présente ordonnance, que sa chasse soit autorisée, même pour de faibles quantités, la circonstance que d’autres facteurs que l’arrêté litigieux puissent également contribuer à ce risque n’étant pas de nature à réduire les obligations qui pèsent sur l’administration à cet égard.

12. L’arrêté litigieux étant de nature à compromettre, pour une espèce particulièrement fragile, les efforts de conservation de cette espèce dans son aire de distribution, dans les conditions qui viennent d’être énoncées, il porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, au regard des intérêts que l’association Comité Ariège écologie justifie défendre. Ces mêmes effets de l’arrêté créent une situation d’urgence particulière au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative dès lors qu’il a été pris le 27 septembre 2024 et a commencé à produire ses effets dès le 29 septembre 2024, ainsi que cela a été indiqué au point 5 de la présente ordonnance.

13. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande présentée par l’association Comité écologique ariégeois. Sa requête d’appel doit par suite être rejetée. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l’association Comité écologique ariégeois en mettant à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :
——————
Article 1er : Les interventions de l’association One Voice, de la fédération départementale des chasseurs de l’Ariège et la fédération nationale des chasseurs sont admises.
Article 2 : La requête de la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques est rejetée.
Article 3 : L’Etat versera à l’association Comité écologique ariégeois une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques et à l’association Comité écologique ariégeois.

Plan de secours des Alpes-Maritimes -Légalité

CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 18/10/2024, 23MA00957, Inédit au recueil Lebon

CAA de MARSEILLE – 2ème chambre

  • N° 23MA00957
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du vendredi 18 octobre 2024

Président

Mme FEDI

Rapporteur

  1. Jérôme MAHMOUTI

Rapporteur public

  1. GAUTRON

Avocat(s)

VALLAR

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « .

Par un jugement n° 2200823 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 avril 2023 et le 17 mars 2024, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, représentée par Me Vallar, demande à la cour d’annuler le jugement du 14 février 2023 du tribunal administratif de Nice et l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne « .

Elle soutient que :

– sa requête est recevable ;
– l’arrêté contesté est entaché d’une erreur de droit dès lors qu’il définit la zone de montagne en utilisant la définition qui en est donnée par la loi du 9 janvier 1985 dite  » loi Montagne « , contrairement à ce que prévoit la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le secours en montagne, dite circulaire Khil ;
– les critères utilisés par le préfet pour décider qu’une opération relève du secours en montagne et non du droit commun sont entachés d’une erreur de fait ;
– il n’appartient qu’au seul préfet de décider qu’une opération ressortit ou non de la qualification d’opération de montagne et, par conséquent, le plan contesté ne pouvait légalement prévoir que cette décision serait confiée à une unité spécialisée de permanence, qui est soit la compagnie républicaine de sécurité (CRS) des Alpes soit le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) ;
– l’application de l’arrêté contesté conduit à écarter quasi-systématiquement les sapeurs-pompiers du secours en montagne, alors que la loi les considère comme les acteurs principaux du secours à personnes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2024, le ministre de l’intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

– la requête est irrecevable faute pour la Fédération requérante de justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
– l’invocation par la requérante de la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur est inopérante ;
– les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de la sécurité intérieure ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
– la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;
– la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Mahmouti,
– les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
– et les observations de Me Vallar, représentant la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.
Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 décembre 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a approuvé les dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » et abrogé l’arrêté du 3 juillet 2013 jusqu’alors applicable en la matière. Ce nouveau plan définit le champ d’application du secours en montagne en distinguant deux zones au sein du département concerné, respectivement celle de  » montagne  » où il est applicable et celle de  » littoral/droit commun « . Il détermine également les modalités de traitement de la demande de secours en montagne et, en particulier, prévoit que la qualification en  » opération de secours en montagne  » s’opère en fonction d’un schéma d’alerte présenté sous forme de logigramme, au terme d’un arbitrage systématique réalisé par l’unité spécialisée de permanence, en l’occurrence la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes.
2. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France relève appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021.

Sur la définition des zones dans lesquelles s’appliquent les dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » :

3. D’une part, aux termes de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure :  » Le plan Orsec départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours et recense l’ensemble des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours. / Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. / Le plan Orsec départemental est arrêté par le représentant de l’Etat dans le département, sous réserve des dispositions de l’article L. 742-7. « .
4. D’autre part, aux termes de l’article I.3 du plan contesté :  » Définition du secours en montagne et champ d’application. / Le présent dispositif spécifique ORSEC « secours en montagne » s’applique dans les communes répertoriées dans la carte annexée comme « montagne ». / Cette carte détermine deux zones du département (annexe n°1) des Alpes-Maritimes : – une zone  » Montagne  » dans laquelle toute opération est soumise à l’arbitrage de l’unité spécialisée, après organisation de la conférence téléphonique interservices, chargée de qualifier l’intervention comme « ORSEC secours en montagne » (PGHM ou CRS Alpes). Dans cette zone, l’intervention est présumée « ORSEC secours en montagne » ; (…) – une zone  » littoral / zone de droit commun « . « .

5. La fédération requérante soutient que c’est à tort que le préfet des Alpes-Maritimes a, pour déterminer le champ d’application des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « , assimilé la  » zone Montagne  » où elles s’appliquent aux zones de montagne au sens de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi Montagne. Elle invoque à l’appui de son moyen la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le secours en montagne, dite circulaire Khil, qui indique que si une opération de secours en montagne se définit comme toute opération de secours faite en zone de montagne,  » la notion de zone de montagne est entendue dans son acception courante et non au sens juridique qui lui est conféré par la loi Montagne du 9 janvier 1985 « .
6. Toutefois, la circulaire ministérielle invoquée par la requérante n’empêchait en tout état de cause pas le préfet de se référer à la notion de montagne au sens de la loi dite Montagne, laquelle renvoie expressément au code de la sécurité intérieure et dont il n’est pas contesté qu’elle constitue par ailleurs un élément de référence objectif qui n’est pas sans rapport avec l’objet de son arrêté. En outre, la requérante ne se prévaut d’aucun texte interdisant aux préfets de se référer aux zonages effectués dans le cadre de la loi montagne tandis que la seule circonstance qu’il l’ait fait ne démontre pas, en l’absence d’autre précision apportée par la requérante, qu’il se serait trompé dans la délimitation des zones. D’ailleurs, dans leur circulaire commune du 18 septembre 2017 portant sur les opérations de secours en montagne, les trois directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile ne définissent pas non plus ce que doit être une zone de montagne, laissant à chaque plan Orsec le soin de définir les zones géographiques dans lesquelles les dispositions spécifiques du secours en montagne s’appliquent. Enfin, le plan contesté prévoit que chaque demande d’appel au secours fait l’objet d’une décision particulière et que la qualification en  » opération de secours en montagne  » s’opère en fonction d’un schéma d’alerte présenté sous forme de logigramme et non pas seulement en fonction d’un critère géographique.
7. Il suit de là que les seuls éléments invoqués par la requérante ne sont pas de nature à démontrer que la définition des zones dans lesquelles s’appliquent les dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes serait entachée d’une erreur de droit. Le moyen doit donc être écarté.
Sur la qualification d’une demande en opération de  » secours en montagne  » :

S’agissant des critères utilisés pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » :

8. Aux termes de l’article II.2 – Qualification et traitement de la demande de secours en montagne du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes :  » La qualification de l’opération de secours en montagne (SMO) est faite par l’unité spécialisée de permanence en fonction d’un certain nombre de paramètres et en application de la carte annexée de sectorisation des interventions. / Les notions d’altitude, de déclivité ou de type d’activité, tout comme l’emploi du vecteur aérien, sont intéressants et doivent être prises en compte, mais ne suffisent pas à définir à elles seules la qualification de l’opération de secours en montagne. / D’autres critères sont donc également pris en compte, dont certains constituent des constantes, et la plupart des variables : conditions météorologiques, type de terrain, accessibilité (voie carrossable accessible par un véhicule de secours), degré d’urgence, disponibilité des acteurs, nombre de victimes, absence de localisation précise de la victime, notion de recherches, péril imminent, fin de journée ou nuit, recours aux techniques et matériels propres aux activités de montagne (…) « .
9. L’article II.3 – Le schéma d’alerte et de détermination montagne/droit commun – de ce même plan, dessine un arbre décisionnel représentant les différents résultats d’une série de questions :  » Traitement de l’appel par l’opérateur de traitement des appels au CODIS. / L’intervention se situe-t-elle en zone d’application du DS ORSEC montagne ‘ / Si oui, la victime est-elle facilement et rapidement accessible par un véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) ‘ Si oui, intervention en droit commun (…), si non, l’opération nécessite-t-elle la mise en œuvre des techniques et des matériels spécifiques aux activités de montagne ‘ Si oui, Dispositions Spécifiques ORSEC, si non, Les conditions météorologiques permettent-elles la réalisation du secours dans des conditions acceptables ‘ Si non, dispositions Spécifiques ORSEC, si oui, la victime est-elle accessible par voie routière carrossable ‘ Si non, dispositions Spécifiques ORSEC, si oui, l’état de la victime nécessite-t-il l’utilisation d’un vecteur et d’une technique d’évacuation particulière ‘ Si oui, dispositions Spécifiques ORSEC, si non, intervention de droit commun. « .

10. Il est soutenu par la fédération requérante que les critères utilisés par le préfet pour décider qu’une opération relève du secours en montagne et non du droit commun sont entachés d’une erreur de fait. Elle soutient que, alors que seules les opérations complexes devraient être l’objet du plan Orsec, le critère choisi de la difficulté d’accès aboutit à une trop large application de ce plan.
11. Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas de l’arbre décisionnel cité au point 9 que le seul critère tiré du défaut d’accessibilité par véhicule au lieu où se situe la victime impliquerait automatiquement le déclenchement des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « . Au contraire, ce critère ne déclenche ce plan que si, en plus, il est répondu par l’affirmative à la question  » L’opération nécessite-t-elle la mise en œuvre des techniques et des matériels spécifiques aux activités de montagne ‘ « . Il s’en suit que plusieurs critères sont appliqués pour qualifier une opération de secours en montagne et que celui de l’absence d’accessibilité par voie carrossable n’est pas déterminant. Compte tenu par ailleurs de ce que ce critère est en rapport avec l’objet de la mesure contestée, il n’est, par suite, pas entaché d’une erreur de fait ni même de droit. Enfin, la pertinence des autres critères énumérés par l’arbre décisionnel ne sont pas critiqués tandis qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’ils seraient inadaptés à l’objectif poursuivi. Par suite, le moyen doit être écarté.

S’agissant de l’autorité désignée pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » :

12. Aux termes de l’article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure :  » En cas d’accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d’une commune, le représentant de l’Etat dans le département mobilise les moyens de secours relevant de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. Il assure la direction des opérations de secours. Il déclenche, s’il y a lieu, le plan Orsec départemental. (…) « . Aux termes de l’article R. 741-8 de ce même code :  » (…) Les dispositions spécifiques précisent, en fonction des conséquences prévisibles des risques et des menaces identifiées, les effets à obtenir, les moyens de secours et les mesures adaptés à mettre en œuvre, ainsi que les missions particulières de l’ensemble des personnes concernées pour traiter l’évènement. Elles fixent, le cas échéant, l’organisation du commandement des opérations de secours adaptés à certains risques de nature particulière et définissent les modalités d’information du centre opérationnel départemental d’incendie et de secours. (…) « .

13. Le II du plan contesté prévoit que la qualification de l’intervention selon qu’elle relève du droit commun ou de  » secours en montagne  » s’effectue au cours d’une conférence téléphonique interservices entre d’une part, l’unité spécialisée du secours en montagne (USEM), qui peut être la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes, et d’autre part, le CODIS et le SAMU. Il énonce ensuite que la qualification de l’appel comme une demande de secours en montagne induit l’activation du dispositif spécifique Orsec  » secours en montagne « , sous la responsabilité du préfet en sa qualité de directeur des opérations de secours (DOS).

14. Si le plan ORSEC contesté prévoit, comme le relève la requérante, que la qualification de l’appel en opération de  » secours en montagne  » n’est pas effectuée par le préfet lui-même, cette circonstance est sans influence sur la légalité de ce plan dès lors que, conformément à l’article L. 741-2 cité au point 3, celle-ci résulte de l’organisation telle qu’arrêtée par le préfet qui, par ailleurs, informé immédiatement par les services, endosse le rôle de DOS qui est légalement le sien ainsi que le prévoient les dispositions de l’article L. 742-2 du même code et au titre duquel il valide la désignation du COS et lui assigne la mission qui lui est confiée. D’ailleurs, dans leur circulaire commune du 18 septembre 2017 portant sur les opérations de secours en montagne, les trois directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile ont eux-mêmes précisément prévu, pour l’ensemble du territoire national, que  » la conférence téléphonique permet de décider du classement de l’opération en ‘secours montagne’ ou en ‘secours droit commun’ « . Par suite, le moyen tiré de ce que l’autorité désignée pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » serait entachée d’une erreur de droit doit être écarté.

Sur la répartition des compétences entre les acteurs de la sécurité civile :

15. D’une part, aux termes de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure :  » I. Les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours ainsi que par les personnels des services de l’Etat et les militaires des unités qui en sont investis à titre permanent. (…) / II. Concourent également à l’accomplissement des missions de la sécurité civile les militaires des armées et de la gendarmerie nationale, les personnels de la police nationale et les agents de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements et organismes publics ou privés appelés à exercer des missions se rapportant à la protection des populations ou au maintien de la continuité de la vie nationale, ainsi que les réservistes de la sécurité civile et des services d’incendie et de secours. (…) « . Aux termes de l’article L. 741-2 de ce même code :  » Le plan Orsec départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours et recense l’ensemble des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours. / Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. (…) « .
16. D’autre part, aux termes de l’article L. 1424-1 du code général des collectivités territoriales :  » Il est créé dans chaque département un établissement public, dénommé  » service départemental d’incendie et de secours « , qui comporte un corps départemental de sapeurs-pompiers (…). Les modalités d’intervention opérationnelle des services locaux d’incendie et de secours sont déterminées par le règlement opérationnel régi par l’article L. 1424-4, après consultation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale concernés (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-2 du même code :  » Les services d’incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l’évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu’aux secours et aux soins d’urgence. Dans le cadre de leurs compétences, les services d’incendie et de secours exercent les missions suivantes : 1° La prévention et l’évaluation des risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l’organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des animaux, des biens et de leur environnement ; 4° Les secours et les soins d’urgence aux personnes ainsi que leur évacuation lorsqu’elles : a) sont victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ; b) présentent des signes de détresse vitale ; c) présentent des signes de détresse fonctionnelle justifiant l’urgence à agir (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-3 de ce code :  » Les services d’incendie et de secours sont placés pour emploi sous l’autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police (…) « . Enfin, aux termes de l’article L. 1424-4 du même code :  » Dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet mettent en œuvre les moyens relevant des services d’incendie et de secours dans les conditions prévues par un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d’administration du service d’incendie et de secours. (…) « .
17. La fédération requérante soutient que les dispositions rappelées au point précédent énoncent que les pompiers assurent principalement les missions de sécurité civile tandis que les personnels de gendarmerie et de police nationale y concourent seulement et qu’elles auraient ainsi pour effet de ne pas pouvoir  » exclure les pompiers des opérations de secours en montagne « .
18. Toutefois, il résulte de ces mêmes dispositions que le préfet, qui est tenu de déterminer, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours, pouvait, dans ce cadre, légalement décider des modalités d’action des services d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes, placés pour emploi sous son autorité en application des dispositions de l’article L. 1424-3 précité. Par ailleurs, le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR) des Alpes-Maritimes, arrêté par le préfet le 17 décembre 2021, énonce que  » le secours en montagne est une compétence partagée avec les autres acteurs que sont le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) et la compagnie républicaine de sécurité (CRS)  » et n’attribue donc aucune compétence exclusive aux sapeurs-pompiers, contrairement à ce que soutiennent les requérants. En outre et contrairement à ce qui est soutenu, le plan contesté n’a ni pour objet, ni pour effet de priver, à lui seul, les sapeurs-pompiers d’une partie sensible de leur activité de secours. A cet égard, il prévoit au contraire que chaque situation fait l’objet d’une décision particulière sur ce point, conformément au logigramme susmentionné. De plus, il ressort des pièces du dossier que les services des pompiers participent pleinement au dispositif prévu par le plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes, tant par le commandant des opérations de secours (COS) qui appartient forcément au SDIS en cas d’opération d’envergure, que par leur intervention en tant que de besoin en cas d’appel en renfort sur une opération complexe. Enfin, le plan Orsec divise le territoire du département en deux zones et le SDIS est pleinement compétent pour la zone  » littoral/droit commun  » et il l’est sur l’ensemble du département s’agissant des opérations de secours routier et des missions de sauvetage particulières, tandis que les opérations de secours en montagne représentent très peu d’opérations de sécurité civile dès lors qu’il n’est pas contesté qu’entre 2014 et 2018, les interventions des sapeurs-pompiers en zone  » montagne  » ont représenté entre 0,01% et 0,04% de leur activité de secours à victime, soit quelques dizaines d’intervention par an.
19. Compte tenu de tout ce qui vient d’être dit, le moyen tiré de ce que la répartition des compétences opérée par le plan contesté entre les sapeurs-pompiers d’une part et les personnels de gendarmerie et de police nationale d’autre part serait entachée d’une erreur de droit ne peut qu’être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

D É C I D E :
Article 1er : La requête de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l’audience du 3 octobre 2024 où siégeaient :

– Mme Fedi, présidente de chambre,
– Mme Rigaud, présidente-assesseure,
– M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024.
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N° 23MA00957
cm

 

 

CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 18/10/2024, 23MA00955, Inédit au recueil Lebon

CAA de MARSEILLE – 2ème chambre

  • N° 23MA00955
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du vendredi 18 octobre 2024

Président

Mme FEDI

Rapporteur

  1. Jérôme MAHMOUTI

Rapporteur public

  1. GAUTRON

Avocat(s)

EUVRARD

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « .

Par un jugement n° 2200830 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2023, le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes, représenté par Me Euvrard, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 14 février 2023 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– sa requête est recevable ;
– l’arrêté contesté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il définit des zones dans lesquelles s’appliquent les dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » en ne recourant pas à des critères objectifs et justifiés ;
– alors que le dispositif légal Orsec, même en matière d’opérations de secours en montagne, n’a pas vocation à régir tout le secours en montagne, l’article II.2 du plan départemental contesté dispose que toute opération qualifiée de  » secours en montagne  » selon les critères prévus audit plan induit l’activation du dispositif spécifique Orsec  » secours montagne  » ;
– les critères utilisés par le préfet pour décider qu’une opération relève du secours en montagne et non du droit commun ne sont ni adaptés ni pertinents ;
– l’exclusion de principe des sapeurs-pompiers professionnels des équipes spécialisés de secours en montagne est illégale ;
– il appartient aux seuls services de la préfecture d’opérer les arbitrages relatifs à la qualification des opérations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2024, le ministre de l’intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

– la requête est irrecevable faute pour le syndicat requérant de justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
– l’invocation par le requérant de la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur est inopérante ;
– les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de la sécurité intérieure ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
– la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;
– la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Mahmouti,
– les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
– et les observations de Me Euvrard, représentant le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 décembre 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a approuvé les dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » et abrogé l’arrêté du 3 juillet 2013 jusqu’alors applicable en la matière. Ce nouveau plan définit le champ d’application du secours en montagne en distinguant deux zones au sein du département concerné, respectivement celle de  » montagne  » où il est applicable et celle de  » littoral/droit commun « . Il détermine également les modalités de traitement de la demande de secours en montagne et, en particulier, prévoit que la qualification en  » opération de secours en montagne  » s’opère en fonction d’un schéma d’alerte présenté sous forme de logigramme, au terme d’un arbitrage systématique réalisé par l’unité spécialisée de permanence, en l’occurrence la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes.
2. Le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes relève appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la définition des zones dans lesquelles s’appliquent les dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » :

3. D’une part, aux termes de l’article 96 de loi du 9 janvier 1985 modifiée relative au développement et à la protection de la montagne :  » Lorsque, pour assurer le service public de secours, les opérations de sauvetage en montagne nécessitent la conduite d’une action d’ensemble d’une certaine importance, le représentant de l’Etat dans le département peut mettre en œuvre un plan d’urgence, ainsi qu’il est prévu par l’article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure. (…) « .

4. D’autre part, aux termes de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure :  » Le plan Orsec départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours et recense l’ensemble des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours. / Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. / Le plan Orsec départemental est arrêté par le représentant de l’Etat dans le département, sous réserve des dispositions de l’article L. 742-7. « . Aux termes de l’article L. 741-6 du même code :  » Les dispositions spécifiques des plans Orsec prévoient les mesures à prendre et les moyens de secours à mettre en œuvre pour faire face à des risques de nature particulière ou liés à l’existence et au fonctionnement d’installations ou d’ouvrages déterminés « .
5. Enfin, aux termes de l’article I.3 du plan contesté :  » Définition du secours en montagne et champ d’application. / Le présent dispositif spécifique ORSEC « secours en montagne » s’applique dans les communes répertoriées dans la carte annexée comme « montagne ». / Cette carte détermine deux zones du département (annexe n°1) des Alpes-Maritimes : – une zone  » Montagne  » dans laquelle toute opération est soumise à l’arbitrage de l’unité spécialisée, après organisation de la conférence téléphonique interservices, chargée de qualifier l’intervention comme « ORSEC secours en montagne » (PGHM ou CRS Alpes). Dans cette zone, l’intervention est présumée « ORSEC secours en montagne » ; (…) – une zone  » littoral / zone de droit commun « . « .

6. Le syndicat requérant soutient que c’est à tort que le préfet des Alpes-Maritimes a, pour déterminer le champ d’application des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « , assimilé la  » zone Montagne  » où elles s’appliquent aux zones de montagne au sens de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi Montagne. Il invoque à l’appui de son moyen la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le secours en montagne, dite circulaire Khil, qui indique que si une opération de secours en montagne se définit comme toute opération de secours faite en zone de montagne,  » la notion de zone de montagne est entendue dans son acception courante et non au sens juridique qui lui est conféré par la loi Montagne du 9 janvier 1985 « .

7. Toutefois, la circulaire ministérielle invoquée par le requérant n’empêchait en tout état de cause pas le préfet de se référer à la notion de montagne au sens de la loi dite Montagne, laquelle renvoie expressément au code de la sécurité intérieure et dont il n’est pas contesté qu’elle constitue par ailleurs un élément de référence objectif qui n’est pas sans rapport avec l’objet de son arrêté. En outre, le requérant ne se prévaut d’aucun texte interdisant aux préfets de se référer aux zonages effectués dans le cadre de la loi montagne tandis que la seule circonstance qu’il l’ait fait ne démontre pas, en l’absence d’autre précision apportée par le requérant, qu’il se serait trompé dans la délimitation des zones. D’ailleurs, dans leur circulaire commune du 18 septembre 2017 portant sur les opérations de secours en montagne, les trois directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile ne définissent pas non plus ce que doit être une zone de montagne, laissant le soin à chaque plan ORSEC de définir les zones géographiques dans lesquelles les dispositions spécifiques du secours en montagne s’appliquent. Enfin, le plan contesté prévoit que chaque demande d’appel au secours fait l’objet d’une décision particulière et que la qualification en  » opération de secours en montagne  » s’opère en fonction d’un schéma d’alerte présenté sous forme de logigramme et non pas seulement en fonction d’un critère géographique.

8. Il suit de là que les seuls éléments invoqués par le requérant ne sont pas de nature à démontrer que la définition des zones dans lesquelles s’appliquent les dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes serait entachée d’une erreur de droit. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que toute opération de secours en montagne ne devrait pas être l’objet du plan ORSEC :

9. Aux termes de l’article II.2 – Qualification et traitement de la demande de secours en montagne du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes :  » La qualification de l’opération de secours en montagne (SMO) est faite par l’unité spécialisée de permanence en fonction d’un certain nombre de paramètres et en application de la carte annexée de sectorisation des interventions. / Les notions d’altitude, de déclivité ou de type d’activité, tout comme l’emploi du vecteur aérien, sont intéressants et doivent être prises en compte, mais ne suffisent pas à définir à elles seules la qualification de l’opération de secours en montagne. / D’autres critères sont donc également pris en compte, dont certains constituent des constantes, et la plupart des variables : conditions météorologiques, type de terrain, accessibilité (voie carrossable accessible par un véhicule de secours), degré d’urgence, disponibilité des acteurs, nombre de victimes, absence de localisation précise de la victime, notion de recherches, péril imminent, fin de journée ou nuit, recours aux techniques et matériels propres aux activités de montagne (…) / (…) La qualification de l’appel comme une demande de secours en montagne induit l’activation du dispositif spécifique ORSEC  » secours en montagne « , sous la responsabilité du préfet en sa qualité de [directeur des opérations] « . Enfin, l’article II.3 – Le schéma d’alerte et de détermination montagne/droit commun – de ce même plan, dessine un arbre décisionnel représentant les différents résultats d’une série de questions :  » Traitement de l’appel par l’opérateur de traitement des appels au CODIS. / L’intervention se situe-t-elle en zone d’application du DS ORSEC montagne ‘ / Si oui, la victime est-elle facilement et rapidement accessible par un véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) ‘ Si oui, intervention en droit commun (…), si non, l’opération nécessite-t-elle la mise en œuvre des techniques et des matériels spécifiques aux activités de montagne ‘ Si oui, Dispositions Spécifiques ORSEC, si non, Les conditions météorologiques permettent-elles la réalisation du secours dans des conditions acceptables ‘ Si non, dispositions Spécifiques ORSEC, si oui, la victime est-elle accessible par voie routière carrossable ‘ Si non, dispositions Spécifiques ORSEC, si oui, l’état de la victime nécessite-t-il l’utilisation d’un vecteur et d’une technique d’évacuation particulière ‘ Si oui, dispositions Spécifiques ORSEC, si non, intervention de droit commun. « .
10. Le syndicat requérant soutient qu’alors que le dispositif légal ORSEC, même en matière d’opérations de secours en montagne, n’a pas vocation à régir tout le secours en montagne, l’article II.2 du plan départemental contesté dispose que toute opération qualifiée de  » secours en montagne  » selon les critères prévus audit plan induit l’activation du dispositif spécifique ORSEC  » secours montagne « .
11. Toutefois, d’une part, en application de l’article I.3 du plan contesté, le dispositif spécifique mis en place n’a vocation à s’appliquer que dans les communes répertoriées dans la carte qui lui est annexée comme « montagne ». D’autre part, il résulte des dispositions rappelées au point 9 que le plan contesté n’a pas vocation à régir tout le secours en montagne mais prévoit que seules le sont les opérations qualifiées d’opérations de secours en montagne à l’issue de la prise de décision au regard d’un arbre décisionnel. Ainsi, il n’est pas démontré que ce plan ne s’appliquerait pas à des  » actions d’ensemble d’une certaine importance  » ainsi que l’exigent les dispositions de la loi Montagne rappelées au point 3. Le moyen tiré de l’erreur de droit doit donc être écarté.

En ce qui concerne les critères à utiliser pour qualifier une opération de secours en montagne :

12. Il est soutenu par le syndicat requérant que les critères utilisés par le préfet, et en particulier celui de l’accessibilité par voie terrestre, pour décider qu’une opération relève du secours en montagne et non du droit commun ne sont ni adaptés ni pertinents et qu’ils ont pour effet de qualifier extensivement et abusivement les opérations de secours d’opérations de secours montagne.
13. Toutefois, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de l’arbre décisionnel cité au point 9 que le seul critère tiré du défaut d’accessibilité par véhicule au lieu où se situe la victime impliquerait automatiquement le déclenchement des dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne « . Au contraire, ce critère ne déclenche ce plan que si, en plus, il est répondu par l’affirmative à la question  » L’opération nécessite-t-elle la mise en œuvre des techniques et des matériels spécifiques aux activités de montagne ‘ « . Il s’en suit que plusieurs critères sont appliqués pour qualifier une opération de secours en montagne et que celui de l’absence d’accessibilité par voie carrossable n’est pas déterminant. Compte tenu par ailleurs de ce que ce critère est en rapport avec l’objet de la mesure contestée, il n’est, par suite, pas entaché d’une erreur de fait ni même de droit. Enfin, la pertinence des autres critères énumérés par l’arbre décisionnel ne sont pas critiqués tandis qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’ils seraient inadaptés à l’objectif poursuivi. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l’autorité désignée pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » :

14. Aux termes de l’article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure :  » En cas d’accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d’une commune, le représentant de l’Etat dans le département mobilise les moyens de secours relevant de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. Il assure la direction des opérations de secours. Il déclenche, s’il y a lieu, le plan Orsec départemental. (…) « . Aux termes de l’article R. 741-8 du code de la sécurité intérieure :  » (…) Les dispositions spécifiques précisent, en fonction des conséquences prévisibles des risques et des menaces identifiées, les effets à obtenir, les moyens de secours et les mesures adaptés à mettre en œuvre, ainsi que les missions particulières de l’ensemble des personnes concernées pour traiter l’évènement. Elles fixent, le cas échéant, l’organisation du commandement des opérations de secours adaptés à certains risques de nature particulière et définissent les modalités d’information du centre opérationnel départemental d’incendie et de secours. (…) « .

15. Le II du plan contesté prévoit que la qualification de l’intervention selon qu’elle relève du droit commun ou de  » secours en montagne  » s’effectue au cours d’une conférence téléphonique interservices entre d’une part, l’unité spécialisée du secours en montagne (USEM), qui peut être la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes, et d’autre part, le CODIS et le SAMU. Il énonce ensuite que la qualification de l’appel comme une demande de secours en montagne induit l’activation du dispositif spécifique ORSEC  » secours en montagne « , sous la responsabilité du préfet en sa qualité de directeur des opérations de secours (DOS).

16. Si le plan ORSEC contesté prévoit, comme le relèvent les requérants, que la qualification de l’appel en opération de  » secours en montagne  » n’est pas effectuée par le préfet lui-même, cette circonstance est sans influence sur la légalité de ce plan dès lors que, conformément à l’article L. 741-2 cité au point 4, elle résulte de l’organisation telle qu’arrêtée par le préfet qui, par ailleurs, informé immédiatement par les services, endosse le rôle de DOS qui est légalement le sien ainsi que le prévoient les dispositions de l’article L. 742-2 du même code et au titre duquel il valide la désignation du COS et lui assigne la mission qui lui est confiée. D’ailleurs,
dans leur circulaire commune du 18 septembre 2017 portant sur les opérations de secours en montagne, les trois directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile ont eux-mêmes précisément prévu, pour l’ensemble du territoire national, que  » la conférence téléphonique permet de décider du classement de l’opération en ‘secours montagne’ ou en ‘secours droit commun’ « . Le moyen tiré de ce que le plan contesté aurait désigné une autorité incompétente pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le plan contesté exclut les sapeurs-pompiers des équipes spécialisées de secours en montagne :

17. D’une part, aux termes de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure :  » I. Les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours ainsi que par les personnels des services de l’Etat et les militaires des unités qui en sont investis à titre permanent. (…) / II. Concourent également à l’accomplissement des missions de la sécurité civile les militaires des armées et de la gendarmerie nationale, les personnels de la police nationale et les agents de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements et organismes publics ou privés appelés à exercer des missions se rapportant à la protection des populations ou au maintien de la continuité de la vie nationale, ainsi que les réservistes de la sécurité civile et des services d’incendie et de secours. (…) « . Aux termes de l’article L. 741-2 de ce même code :  » Le plan ORSEC départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours et recense l’ensemble des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours. / Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. (…) « .
18. D’autre part, aux termes de l’article L. 1424-1 du code général des collectivités territoriales :  » Il est créé dans chaque département un établissement public, dénommé  » service départemental d’incendie et de secours « , qui comporte un corps départemental de sapeurs-pompiers (…). Les modalités d’intervention opérationnelle des services locaux d’incendie et de secours sont déterminées par le règlement opérationnel régi par l’article L. 1424-4, après consultation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale concernés (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-2 du même code :  » Les services d’incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l’évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu’aux secours et aux soins d’urgence. Dans le cadre de leurs compétences, les services d’incendie et de secours exercent les missions suivantes : 1° La prévention et l’évaluation des risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l’organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des animaux, des biens et de leur environnement ; 4° Les secours et les soins d’urgence aux personnes ainsi que leur évacuation lorsqu’elles : a) sont victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ; b) présentent des signes de détresse vitale ; c) présentent des signes de détresse fonctionnelle justifiant l’urgence à agir (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-3 de ce code :  » Les services d’incendie et de secours sont placés pour emploi sous l’autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police (…) « . Enfin, aux termes de l’article L. 1424-4 du même code :  » Dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet mettent en œuvre les moyens relevant des services d’incendie et de secours dans les conditions prévues par un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d’administration du service d’incendie et de secours. (…) « .

19. Aux termes de l’article IV.1 – Les unités spécialisées sont le PGHM de Saint-Sauveur-sur-Tinée et la CRS Alpes. Aux termes du IV.2 – Les autres acteurs :  » Les services ci-après peuvent être engagés par le COS après décision du DO. Les sapeurs-pompiers du SDIS notamment : • en cas d’opération d’envergure : avalanche urbaine ou avalanche noire nécessitant le recours aux services de sauvetage déblaiement ; • lorsque le COS a besoin de moyens opérationnels ; • lorsque la sur-sollicitation de l’unité spécialisée nécessite le recours aux moyens du SDIS pour assurer ou renforcer les opérations de secours. « .
20. Il est soutenu par le syndicat requérant que, du fait des dispositions du IV.1 précité, les sapeurs-pompiers ne sont plus qu’un acteur de sécurité civile  » très secondaire  » éventuellement appelé en renfort dans le cadre d’opérations de grande ampleur, ou en cas de sur sollicitation du PGHM ou de la CRS montagne.

21. Toutefois, il résulte des dispositions citées ci-dessus que le préfet, qui est tenu de déterminer, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours, pouvait, dans ce cadre, légalement décider des modalités d’action des services d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes, placés pour emploi sous son autorité en application des dispositions de l’article L. 1424-3 précité. Par ailleurs, le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR) des Alpes-Maritimes, arrêté par le préfet le 17 décembre 2021, énonce que  » le secours en montagne est une compétence partagée avec les autres acteurs que sont le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) et la compagnie républicaine de sécurité (CRS)  » et n’attribue donc aucune compétence exclusive aux sapeurs-pompiers, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant. En outre et contrairement à ce qui est soutenu, le plan contesté n’a ni pour objet, ni pour effet de priver, à lui seul, les sapeurs-pompiers d’une partie sensible de leur activité de secours. A cet égard, il prévoit au contraire que chaque situation fait l’objet d’une décision particulière sur ce point, conformément au logigramme susmentionné. De plus, il ressort des pièces du dossier que les services des pompiers participent pleinement au dispositif prévu par le plan Orsec départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes, tant par le commandant des opérations de secours (COS) qui appartient forcément au SDIS en cas d’opération d’envergure, que par leur intervention en tant que de besoin en cas d’appel en renfort sur une opération complexe. Enfin, le plan Orsec divise le territoire du département en deux zones et le SDIS est pleinement compétent pour la zone  » littoral/droit commun « . Il l’est aussi sur l’ensemble du département s’agissant des opérations de secours routier et des missions de sauvetage particulières, tandis que les opérations de secours en montagne représentent très peu d’opérations de sécurité civile dès lors qu’il n’est pas contesté qu’entre 2014 et 2018, les interventions des sapeurs-pompiers en zone  » montagne  » ont représenté entre 0,01% et 0,04% de leur activité de secours à victime, soit quelques dizaines d’intervention par an.

22. Compte tenu de tout ce qui vient d’être dit, le moyen tiré de ce que la répartition des compétences opérée par le plan contesté entre les sapeurs-pompiers d’une part et les personnels de gendarmerie et de police nationale d’autre part serait entachée d’une erreur de droit ne peut qu’être lui aussi écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, le syndicat des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat qui, dans la présente instance, n’est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes non compris dans les dépens.

D É C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés du département des Alpes-Maritimes et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l’audience du 3 octobre 2024 où siégeaient :

– Mme Fedi, présidente de chambre,
– Mme Rigaud, présidente-assesseure,
– M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024.
2
N° 23MA00955
cm

CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 18/10/2024, 23MA00850, Inédit au recueil Lebon

CAA de MARSEILLE – 2ème chambre

  • N° 23MA00850
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du vendredi 18 octobre 2024

Président

Mme FEDI

Rapporteur

  1. Jérôme MAHMOUTI

Rapporteur public

  1. GAUTRON

Avocat(s)

Benoit FLAMANT

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Avenir Secours et M. A… B… ont demandé au tribunal administratif de Nice de déclarer inexistant l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne « , à titre subsidiaire, de l’annuler, à titre plus subsidiaire, de l’abroger et, en toute hypothèse, de transmettre l’affaire pour avis au Conseil d’Etat.

Par un jugement n° 2200495 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2023, le syndicat Avenir Secours et M. B…, représentés par Me Flamant, demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 14 février 2023 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de déclarer inexistant l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021 portant approbation des dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » ;

3°) à titre subsidiaire, d’annuler ce même arrêté, ou, à titre plus subsidiaire, de l’abroger ;
4°) en toute hypothèse, de transmettre l’affaire pour avis au Conseil d’Etat ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

– les premiers juges ont omis de répondre à leur demande d’abrogation de l’arrêté contesté dans l’hypothèse où le tribunal ne procéderait pas à son annulation ;
– ils ont omis de répondre à leur moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement décider de l’utilisation d’un hélicoptère relevant de la sécurité civile ;

En ce qui concerne le bienfondé du jugement attaqué :

– l’arrêté contesté devra être déclaré inexistant dès lors qu’il comporte des vices graves, à savoir qu’en ôtant au service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes des missions pour les confier aux forces de sécurité intérieure, la compagnie républicaine de sécurité (CRS) des Alpes et le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), et en faisant peser sur lui les charges de fonctionnement générées par ces services, le préfet s’est immiscé dans les compétences de cet établissement public administratif autonome et a ainsi méconnu le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales ;
– l’arrêté contesté a été approuvé à l’issue d’une procédure irrégulière dans la mesure où, alors qu’il porte atteinte à l’organisation des services du SDIS des Alpes-Maritimes et de ceux des forces de sécurité intérieure, il n’a pas été précédé d’une consultation des comités techniques de ces différentes institutions, et ce en méconnaissance des dispositions de l’article L. 253-5 du code général de la fonction publique ;
– à supposer que l’arrêté contesté puisse être qualifié de mesure de police administrative, l’organisation qu’il a mise en place est disproportionnée, non nécessaire, inadaptée et inintelligible ;
– l’arrêté contesté est entaché d’un vice d’incompétence négative dès lors qu’il prévoit que le déclenchement d’une opération de secours en montagne relève non du préfet mais de la qualification qui en est faite par une unité spécialisée de permanence (USEM) ;
– l’arrêté contesté est entaché de détournement de pouvoir ;
– subsidiairement, il est sollicité l’abrogation de l’acte contesté à l’aune de l’évolution des conditions de sa mise en œuvre ;
– le Conseil d’Etat sera invité à se prononcer sur la nature de l’acte litigieux pour en déterminer avec plus de précision le contour juridique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2024, le ministre de l’intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
– la requête est irrecevable, faute pour le syndicat requérant de produire ses statuts et de justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

– les conclusions des requérants tendant à l’abrogation de l’arrêté contesté sont irrecevables faute pour eux de n’avoir pas formulé de conclusions tendant à l’annulation de la décision refusant l’abrogation de l’arrêté contesté ;
– les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;
– les conditions requises pour qu’une affaire soit transmise pour avis au Conseil d’Etat ne sont pas satisfaites.

Par un mémoire, enregistré le 18 septembre 2024, le syndicat Avenir Secours et M. B…, représentés par Me Flamant, demandent à la cour, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure.

Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige et qui n’ont jamais été déclarées conformes à la Constitution, portent atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par les articles 34 et 72 de la Constitution du 4 octobre 1958.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– la Constitution, notamment son article 61-1 ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
– le code de la sécurité intérieure ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code général de la fonction publique ;
– la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;
– la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Mahmouti,
– les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
– et les observations de Me Flamant, représentant le syndicat Avenir Secours et M. B….

Une note en délibéré, présentée pour le syndicat Avenir Secours et M. B…, a été enregistrée le 3 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 décembre 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a approuvé les dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » et abrogé l’arrêté du 3 juillet 2013 jusqu’alors applicable en la matière. Ce nouveau plan définit le champ d’application du secours en montagne en distinguant deux zones au sein du département concerné, respectivement celle de  » montagne  » où il est applicable et celle de  » littoral/droit commun « . Il détermine également les modalités de traitement de la demande de secours en montagne et, en particulier, prévoit que la qualification en  » opération de secours en montagne  » s’opère en fonction d’un schéma d’alerte présenté sous forme de logigramme, au terme d’un arbitrage systématique réalisé par l’unité spécialisée de permanence, en l’occurrence la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes.
2. Le syndicat Avenir Secours et M. B… relèvent appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021.
Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il résulte des termes du jugement attaqué, et en particulier de ceux mentionnés à son point 6, que le tribunal a répondu au  » moyen tiré de l’inexistence de l’arrêté attaqué « . Par suite, le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir que le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre au détail de l’argumentation que lui soumettait les parties, aurait omis de statuer sur l’argument soulevé à l’appui de ce moyen et tiré de ce que le préfet ne pouvait décider seul de l’utilisation d’un hélicoptère de la sécurité civile.

4. En revanche, les requérants avaient demandé au tribunal administratif de Nice d’abroger l’arrêté contesté dans l’hypothèse où il ne prononcerait pas son annulation. Le tribunal a omis de se prononcer sur ces conclusions subsidiaires alors même qu’il avait rejeté les conclusions principales des demandeurs. Il y a lieu, dès lors, d’annuler son jugement en date du 14 février 2023 en tant qu’il n’a pas statué sur ces conclusions.

5. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d’évocation et de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
6. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la juridiction administrative saisie d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l’article 23-2 de la même ordonnance précise que :  » En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu’elle est saisie de moyens contestant la conformité d’une disposition législative, d’une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d’autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’Etat (…) « .
7. Aux termes de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure :  » Le plan Orsec départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours et recense l’ensemble des moyens publics et privés susceptibles d’être mis en œuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l’autorité compétente pour diriger les secours. / Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. / Le plan Orsec départemental est arrêté par le représentant de l’Etat dans le département, sous réserve des dispositions de l’article L. 742-7. « .
8. Les requérants exposent que, pour trois motifs, les dispositions de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure, applicables au litige, portent atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources, et par le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution en vertu duquel, dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus.
9. En premier lieu, les requérants soutiennent que l’article L. 742-1 du code de la sécurité intérieure permet au préfet, par l’adoption d’un plan Orsec propre à certains risques particuliers, de transférer aux services de l’État la charge de la gestion totale ou partielle du secours en montagne et de porter ainsi atteinte aux missions qui incombent aux services départementaux d’incendie et de secours en diminuant ou en supprimant leurs prérogatives.
10. Toutefois, les dispositions contestées, qui confient au préfet la charge de déterminer, par voie d’arrêté, l’organisation générale des secours compte tenu des risques existant dans le département, ne lui ouvrent nullement le droit de s’exonérer du respect des lois et en particulier de celles présidant à la répartition des compétences entre les différents services publics. A cet égard, le préfet exerce son pouvoir sous le contrôle du juge à qui il appartient, le cas échéant, de connaître des contestations portant sur la violation de telles dispositions.
11. Par suite, le premier moyen invoqué par les requérants n’est pas de nature à démontrer que les dispositions contestées porteraient atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
12. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que l’article L. 742-1 du code de la sécurité intérieure permet au préfet d’imposer aux services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), constituant pourtant des établissements publics dotés de l’autonomie juridique, le transfert de leurs compétences aux services de l’Etat, sans même qu’ils n’y aient consenti ou qu’ils n’aient eu la faculté de se prononcer à cet égard par la voie de leur organe délibérant alors qu’un tel transfert induit pour eux des changements organisationnels.
13. Toutefois, comme il a été dit au point 10, les dispositions contestées n’ouvrent pas le droit au préfet de méconnaître les règles présidant à l’attribution des compétences relevant légalement des SDIS.
14. En outre, les dispositions contestées poursuivent le but d’intérêt général d’organiser et de coordonner la réponse apportée par diverses personnes publiques et privées en cas de survenance d’un risque identifié. Elles confient au préfet, dans cette seule mesure, le pouvoir de définir, sous le contrôle du juge, l’organisation des secours et ne créent, dès lors, aucune obligation susceptible de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
15. Enfin, les plans Orsec constituent des mesures de police administrative et non des mesures d’organisation du service. Par conséquent, l’autonomie de gestion qu’implique l’attribution de la personnalité morale aux SDIS n’a pas pour effet, par principe, de subordonner l’édiction d’un plan Orsec à l’accord préalable des organes dirigeant ces établissements publics.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne démontrent pas, par ce deuxième moyen, que les dispositions contestées porteraient atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
17. En dernier lieu, les requérants soutiennent que les dispositions contestées sont, à plusieurs titres, insuffisamment précises.
18. D’une part, le deuxième alinéa de l’article L. 741-2 contesté dispose que lorsque  » le plan Orsec comprend (…) des dispositions propres à certains risques particuliers (…), il précise le commandement des opérations de secours « . Les requérants soutiennent que ces dispositions sont insuffisamment précises et ouvrent, par conséquent, le pouvoir au préfet de désigner, par voie réglementaire, un commandant des opérations de secours de son choix, ce qui, selon eux, offre à l’État la possibilité de restreindre, à son profit et sans motif d’intérêt général, le champ d’intervention reconnu par la loi aux SDIS. Toutefois, en prévoyant que le plan Orsec portant sur certains risques particuliers doive expressément préciser le commandement des opérations de secours, le législateur a entendu confier au préfet la charge de déterminer, sous le contrôle du juge, le commandement le plus adapté à la nature du risque particulier pris en considération et n’a, dès lors, pas restreint les modalités d’action des SDIS. Il n’a pas, par conséquent, porté atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
19. D’autre part, si les requérants soutiennent que les dispositions de l’article L. 742-1 permettent au préfet seul, par le plan Orsec qu’il arrête, de définir ce qu’est une opération de secours ou non, cette seule circonstance ne démontre pas que ces dispositions appelaient des précisions supplémentaires alors au contraire qu’elles chargent les préfets, sous le contrôle du juge, d’identifier les risques existants et d’élaborer les réponses qui sont adaptées pour prévenir leur survenance et réagir au cas où ils se réalisent. De même, ces dispositions n’ouvrent pas la faculté au préfet de modifier les compétences du maire en matière de police administrative et les requérants ne sont, par conséquent, pas fondés à soutenir que les dispositions de l’article L. 741-2 contestées laisseraient toute latitude au préfet pour substituer son appréciation à celles des maires pour décider si une opération relève du niveau préfectoral ou communal.
20. Il suit de là que les requérants ne démontrent pas que les dispositions contestées définiraient avec insuffisamment de précision leur objet et leur portée de telle sorte qu’elles porteraient atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée par les requérants ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi et sans qu’il soit besoin de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

Sur les conclusions tendant à transmettre le dossier de l’affaire au Conseil d’État :

22. L’article L. 113-1 du code de justice administrative dispose :  » Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel peut, par une décision qui n’est susceptible d’aucun recours, transmettre le dossier de l’affaire au Conseil d’Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu’à un avis du Conseil d’Etat ou, à défaut, jusqu’à l’expiration de ce délai. « .

23. Les requérants soutiennent que la qualification juridique de l’acte par lequel le préfet adopte un plan Orsec pose des questions nouvelles, sérieuses et susceptibles de se poser dans de nombreux litiges. Ils soutiennent qu’il en va de même s’agissant de la question de savoir si le préfet dispose ou non de la faculté de transférer les missions incombant légalement aux sapeurs-pompiers à un autre service.

24. D’une part, la faculté de transmettre le dossier au Conseil d’Etat pour avis prévue par les dispositions précitées constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions des requérants tendant à ce que la cour saisisse le Conseil d’Etat d’une demande d’avis sur une question de droit doivent pour ce motif être rejetées.

25. D’autre part et en tout état de cause, l’article L. 112-1 du code de la sécurité intérieure dispose :  » La sécurité civile, dont l’organisation est définie au livre VII, a pour objet la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des animaux, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l’Etat, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées. « . Il résulte de ces dispositions et de celles de l’article L. 741-2 cité au point 7 que le plan Orsec arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes l’a été dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative et que, par suite, la qualification juridique de cet acte ne pose une question ni nouvelle ni sérieuse.
26. Enfin, la seconde question posée par les requérants ne présente pas de difficulté sérieuse dès lors que si la loi précise qu’une compétence est assurée par une personne morale, un simple arrêté préfectoral ne peut légalement transférer cette compétence à une autre.

27. Il résulte de tout ce qui vient d’être dit qu’il n’y a pas lieu de transmettre le dossier de l’affaire au Conseil d’Etat.

Sur le bienfondé du jugement attaqué en tant qu’il a statué sur les conclusions à fin de déclaration d’inexistence et d’annulation de l’arrêté préfectoral du 31 décembre 2021 :

28. Un acte ne peut être regardé comme inexistant que s’il est dépourvu d’existence matérielle ou s’il est entaché d’un vice d’une gravité telle qu’il affecte, non seulement sa légalité, mais son existence même.
En ce qui concerne la régularité de la procédure :

29. Aux termes de l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors en vigueur :  » Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1° A l’organisation et au fonctionnement des services (…) « .
30. Aux termes de l’article R. 741-1 du code de la sécurité intérieure :  » Le plan Orsec s’inscrit dans le dispositif général de la planification de défense et de sécurité civiles. Il organise la mobilisation, la mise en œuvre et la coordination des actions de toute personne publique et privée concourant à la protection générale des populations. (…) « .

31. Le plan ORSEC et son dispositif spécifique  » secours en montagne  » constituent des mesures de police qui ont pour objet d’organiser les actions par lesquelles les personnes publiques et privées concourant à la protection générale des populations assument la gestion d’une opération de secours. Il appartient à ces personnes, le cas échéant, de prendre les dispositions nécessaires pour se conformer à ces mesures. Par suite, les plans ORSEC n’ont pas, par eux-mêmes, pour effet d’affecter directement l’organisation ou le fonctionnement de ces personnes. En outre, si l’arrêté contesté prévoit que la réception des demandes de secours en montagne ne s’effectue plus par le CODIS, organe relevant du SDIS, ainsi que le prévoyait jusqu’alors le plan spécifique Orsec approuvé le 3 juillet 2013, cette seule modalité de gestion des alertes n’a pas pour autant pour effet d’affecter une mission ou une compétence légalement dévolue à ce service. Ainsi et comme l’a jugé à juste titre le tribunal, l’édiction du dispositif spécifique  » secours en montagne  » n’était pas au nombre de celles soumises à la consultation des comités techniques prévue par les dispositions précitées. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le préfet s’est immiscé dans les compétences du SDIS des Alpes-Maritimes, établissement public administratif autonome :

32. D’une part, aux termes de l’article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure :  » I. Les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours ainsi que par les personnels des services de l’Etat et les militaires des unités qui en sont investis à titre permanent. (…) / II. Concourent également à l’accomplissement des missions de la sécurité civile les militaires des armées et de la gendarmerie nationale, les personnels de la police nationale et les agents de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements et organismes publics ou privés appelés à exercer des missions se rapportant à la protection des populations ou au maintien de la continuité de la vie nationale, ainsi que les réservistes de la sécurité civile et des services d’incendie et de secours. (…) « .

33. D’autre part, aux termes de l’article L. 1424-1 du code général des collectivités territoriales :  » Il est créé dans chaque département un établissement public, dénommé  » service départemental d’incendie et de secours « , qui comporte un corps départemental de sapeurs-pompiers (…). Les modalités d’intervention opérationnelle des services locaux d’incendie et de secours sont déterminées par le règlement opérationnel régi par l’article L. 1424-4, après consultation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale concernés (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-2 du même code :  » Les services d’incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l’évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu’aux secours et aux soins d’urgence. Dans le cadre de leurs compétences,
les services d’incendie et de secours exercent les missions suivantes : 1° La prévention et l’évaluation des risques de sécurité civile ; 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l’organisation des moyens de secours ; 3° La protection des personnes, des animaux, des biens et de leur environnement ; 4° Les secours et les soins d’urgence aux personnes ainsi que leur évacuation lorsqu’elles : a) sont victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ; b) présentent des signes de détresse vitale ; c) présentent des signes de détresse fonctionnelle justifiant l’urgence à agir (…) « . Aux termes de l’article L. 1424-3 de ce code :  » Les services d’incendie et de secours sont placés pour emploi sous l’autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police (…) « . Enfin, aux termes de l’article L. 1424-4 du même code :  » Dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet mettent en œuvre les moyens relevant des services d’incendie et de secours dans les conditions prévues par un règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d’administration du service d’incendie et de secours. (…) « .

34. Les requérants soutiennent que l’arrêté contesté a pour effet de retirer au SDIS des Alpes-Maritimes des missions lui incombant légalement pour les confier à des forces de sécurité intérieure, la CRS des Alpes et le PGHM, tout en faisant peser sur lui les charges de fonctionnement générées par ces services. Ils en déduisent que le préfet s’est immiscé dans les compétences du SDIS, établissement public administratif pourtant autonome et ainsi méconnu le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales.
35. Toutefois, en plus de ce qui a été dit ci-dessus lors de l’examen de la question prioritaire de constitutionnalité, il résulte des dispositions citées aux points 32 et 33 que le préfet, qui est tenu de déterminer, compte tenu des risques existant dans le département, l’organisation générale des secours, pouvait, dans ce cadre, légalement décider des modalités d’action des services d’incendie et de secours des Alpes-Maritimes, placés pour emploi sous son autorité en application des dispositions de l’article L. 1424-3 précité. Par ailleurs, le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR) des Alpes-Maritimes, arrêté par le préfet le 17 décembre 2021, énonce que  » le secours en montagne est une compétence partagée avec les autres acteurs que sont le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) et la compagnie républicaine de sécurité (CRS)  » et n’attribue donc aucune compétence exclusive aux sapeurs-pompiers, contrairement à ce que soutiennent les requérants. En outre et contrairement à ce qui est soutenu, le plan contesté n’a ni pour objet, ni pour effet de priver, à lui seul, les sapeurs-pompiers d’une partie sensible de leur activité de secours. A cet égard, il prévoit au contraire que chaque situation fait l’objet d’une décision particulière sur ce point, conformément au logigramme susmentionné. De plus, il ressort des pièces du dossier que les services des pompiers participent pleinement au dispositif prévu par le plan Orsec départemental  » secours en montagne  » arrêté par le préfet des Alpes-Maritimes, tant par le commandant des opérations de secours (COS) qui appartient forcément au SDIS en cas d’opération d’envergure, que par leur intervention en tant que de besoin en cas d’appel en renfort sur une opération complexe. De même, si les dispositions de l’article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure cité au point 7 imposent, s’agissant des plans ayant pour objet un risque particulier, au préfet de désigner le commandement des opérations de secours (COS), elles ne l’obligent pas à désigner un membre du SDIS pour assumer une telle charge et, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le plan contesté serait illégal faute de prévoir à ce titre un COS n’appartenant pas au SDIS. Enfin, le plan ORSEC divise le territoire du département en deux zones et le SDIS est pleinement compétent pour la zone  » littoral/droit commun  » et il l’est sur l’ensemble du département s’agissant des opérations de secours routier et des missions de sauvetage particulières, tandis que les opérations de secours en montagne représentent très peu d’opérations de sécurité civile dès lors qu’il n’est pas contesté qu’entre 2014 et 2018, les interventions des sapeurs-pompiers en zone  » montagne  » ont représenté entre 0,01% et 0,04% de leur activité de secours à victime, soit quelques dizaines d’intervention par an.

36. Compte tenu de tout ce qui vient d’être dit, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait méconnu le principe d’autonomie des établissements publics ou même celui de spécialité ou encore celui de libre administration des collectivités territoriales.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que les dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental  » secours en montagne  » ne sont ni adaptées, ni nécessaires ni proportionnées :

37. En premier lieu, les dispositions contestées ont pour objet de coordonner la réponse que doivent apporter les différentes unités spécialisées appartenant à des corps distincts amenées à intervenir en cas de demande de secours en montagne. Elles permettent ainsi de répondre à l’objectif légitime d’assistance aux personnes en cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe. La circonstance invoquée par les requérants selon laquelle ces dispositions confient des missions de secours à des services chargés de l’ordre public, en l’occurrence les gendarmes et les CRS, est à cet égard sans influence dès lors qu’il n’est ni allégué ni a fortiori démontré que ceux-ci, d’ailleurs créés antérieurement aux unités spécialisées des sapeurs-pompiers, ne disposeraient pas des compétences techniques et humaines en la matière. Enfin, si les requérants soutiennent que ces services ne disposent pas d’hélicoptère, il ressort néanmoins des pièces du dossier qu’il en va de même pour les sapeurs-pompiers puisque ce moyen d’intervention appartient à la sécurité civile, laquelle relève des services de l’Etat. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que les mesures contestées ne seraient pas appropriées à l’objectif poursuivi.

38. En deuxième lieu, les requérants soutiennent qu’il n’apparaissait pas utile de venir compenser une quelconque incompétence ou insuffisance des moyens dont disposent les sapeurs-pompiers. Toutefois, l’objet de l’arrêté contesté n’est pas celui de retirer des compétences aux sapeurs-pompiers mais d’organiser la réponse apportée par chacun des trois services concernés en cas de demande de secours en montagne. La circonstance invoquée par les requérants n’est, dès lors, pas de nature à démontrer que les dispositions contestées excéderaient ce qu’exige la réalisation de l’objectif légitime d’assistance aux personnes en cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe en montagne.

39. En troisième lieu, la circonstance que les mesures contestées accordent aux forces de sécurité publique, gendarmes et CRS, des responsabilités dans le domaine du secours en montagne ne porte pas atteinte aux compétences et attributions des sapeurs-pompiers, eu égard au nombre très faible d’opérations concernées. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que les mesures contestées seraient disproportionnées.
40. Enfin, si ces dispositions prévoient, comme le fait d’ailleurs la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le secours en montagne, dite circulaire Khil, des opérations dites simples, complexes et d’envergure, elles ont précisément pour but de distinguer différents niveaux d’engagement sans que d’ailleurs, plus de deux ans après son entrée en vigueur, les requérants fassent état d’une difficulté particulière dans sa bonne connaissance et sa correcte application par les services concernés. Les requérants ne sont donc pas non plus fondés à soutenir que les mesures contestées seraient inintelligibles.
41. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions spécifiques du plan Orsec départemental  » secours en montagne  » ne sont ni adaptées, ni nécessaires et proportionnées, ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré du vice d’incompétence négative :

42. Aux termes de l’article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure :  » En cas d’accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d’une commune, le représentant de l’Etat dans le département mobilise les moyens de secours relevant de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. Il assure la direction des opérations de secours. Il déclenche, s’il y a lieu, le plan Orsec départemental. (…) « . Aux termes de l’article R. 741-8 du code de la sécurité intérieure :  » (…) Les dispositions spécifiques précisent, en fonction des conséquences prévisibles des risques et des menaces identifiées, les effets à obtenir, les moyens de secours et les mesures adaptés à mettre en œuvre, ainsi que les missions particulières de l’ensemble des personnes concernées pour traiter l’évènement. Elles fixent, le cas échéant, l’organisation du commandement des opérations de secours adaptés à certains risques de nature particulière et définissent les modalités d’information du centre opérationnel départemental d’incendie et de secours. (…) « .

43. Le II du plan contesté prévoit que la qualification de l’intervention selon qu’elle relève du droit commun ou de  » secours en montagne  » s’effectue au cours d’une conférence téléphonique interservices entre d’une part, l’unité spécialisée du secours en montagne (USEM), qui peut être la CRS des Alpes ou le PGHM des Alpes-Maritimes, et d’autre part, le CODIS et le SAMU. Il énonce ensuite que la qualification de l’appel comme une demande de secours en montagne induit l’activation du dispositif spécifique Orsec  » secours en montagne « , sous la responsabilité du préfet en sa qualité de directeur des opérations de secours (DOS).

44. Si le plan ORSEC contesté prévoit, comme le relèvent les requérants, que la qualification de l’appel en opération de  » secours en montagne  » n’est pas effectuée par le préfet lui-même, cette circonstance est sans influence sur la légalité de ce plan dès lors que, conformément à l’article L. 741-2 cité au point 7, celle-ci résulte de l’organisation telle qu’arrêtée par le préfet qui, par ailleurs, informé immédiatement par les services, endosse le rôle de DOS qui est légalement le sien ainsi que le prévoient les dispositions de l’article L. 742-2 du même code et au titre duquel il valide la désignation du COS et lui assigne la mission qui lui est confiée. D’ailleurs, dans leur circulaire commune du 18 septembre 2017 portant sur les opérations de secours en montagne, les trois directeurs généraux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile ont eux-mêmes précisément prévu, pour l’ensemble du territoire national, que  » la conférence téléphonique permet de décider du classement de l’opération en ‘secours montagne’ ou en ‘secours droit commun’ « . Le moyen tiré de ce que le plan contesté aurait désigné une autorité incompétente pour qualifier une opération de  » secours en montagne  » doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir :

45. Le détournement de pouvoir allégué selon lequel le préfet des Alpes-Maritimes aurait adopté le dispositif litigieux du secours en montagne dans le seul but de favoriser les gendarmes et les CRS au détriment des sapeurs-pompiers n’est établi par aucune des circonstances relevées par les requérants alors en particulier qu’il ressort des pièces du dossier que le préfet a entendu mettre en application les énonciations de la circulaire du 6 juin 2011 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le secours en montagne, dite circulaire Khil.

46. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les mesures contestées seraient illégales ou qu’elles seraient entachées de vices d’une gravité telle qu’ils remettent en cause leur existence même.

Sur les conclusions à fin d’abrogation :

47. Lorsqu’il est saisi de conclusions tendant à l’annulation d’un acte réglementaire, le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte à la date de son édiction. S’il le juge illégal, il en prononce l’annulation. Ainsi saisi de conclusions à fin d’annulation recevables, le juge peut également l’être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu’il prononce l’abrogation du même acte au motif d’une illégalité résultant d’un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu’un acte règlementaire est susceptible de porter à l’ordre juridique. Il statue alors prioritairement sur les conclusions à fin d’annulation.
48. En l’espèce, les requérants demandent à la cour d’enjoindre au préfet de lui remettre la liste, par année, des secours réalisés par les « ‘unités de secours en montagne' » depuis 2013 jusqu’à 2022, la nature des blessures et l’évaluation de leur gravité, en cas d’enquête de police judiciaire, la désignation de l’entité chargée de l’enquête, les effectifs disponibles quotidiennement dans la CRS Alpes, le PGHM ainsi que leur délai de mobilisation et de départ, la nature des formations suivies, la justification des recyclages, la justification de la formation au commandement d’une opération de secours. Ces documents permettraient, selon eux,  » de constater qu’en réalité, il n’existe aucun élément justifiant d’exclure plus longtemps les sapeurs-pompiers du secours en montagne  » et  » qu’en réalité, aucune des compétences nécessaires à la réalisation de ces missions n’existe au sein ni du PGHM ni de la CRS Alpes « . Toutefois, de tels arguments ne révèlent aucun changement dans les circonstances de fait ou de droit depuis l’approbation des mesures contestées tandis qu’en outre le juge dispose librement de sa faculté de solliciter les documents qu’il estime nécessaire à l’instruction de l’affaire. En outre, il n’apparaît en tout état de cause pas nécessaire, dans les circonstances de l’espèce et eu égard à l’argumentation des requérants, de procéder à la demande de communication des documents qu’ils se bornent à énumérer.

49. Il suit de là, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre à leur encontre, que les conclusions à fin d’abrogation présentées par les requérants doivent être rejetées.

50. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense tirée du défaut de qualité et d’intérêt pour agir, que le syndicat Avenir Secours et M. B… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :

51. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le syndicat Avenir Secours et M. A… B… au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le syndicat Avenir Secours et M. A… B….
Article 2 : Le jugement du 14 février 2023 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu’il a omis de statuer sur les conclusions subsidiaires du syndicat Avenir Secours et de M. A… B… tendant à l’abrogation de l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 31 décembre 2021.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat Avenir Secours et de M. B… est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat Avenir Secours et M. A… B… et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l’audience du 3 octobre 2024 où siégeaient :

– Mme Fedi, présidente de chambre,
– Mme Rigaud, présidente-assesseure,
– M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024

Compétition de ski-cross – Accident – Responsabilité – Modification de trajectoire – Imprévisibilité (non) – Force majeure (non)

Cour de cassation

19 septembre 2024
Pourvoi n° 23-10.638

Deuxième chambre civile – Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200786

Texte de la décision

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 septembre 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 786 F-B

Pourvoi n° P 23-10.638

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024

M. [G] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 23-10.638 contre l’arrêt rendu le 15 novembre 2022 par la cour d’appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [S] [U], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société AWP P&C, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à La caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la caisse primaire d’assurance maladie des Hautes-Alpes,

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [O], de la SCP Duhamel, avocat de M. [U] et de la société AWP P&C, et l’avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l’audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [O] du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes venant aux droits de la caisse primaire d’assurance maladie des Hautes-Alpes.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 15 novembre 2022), le 24 janvier 2010, lors d’une compétition internationale de ski cross organisée par la [5] à [Localité 6] (Etats-Unis) à laquelle ils avaient pris part, M. [O] et M. [U] ont chuté alors qu’ils se trouvaient côte à côte.

3. Victime d’une fracture du rachis cervical, M. [O] a été atteint de tétraplégie.

4. Estimant que sa chute avait été provoquée par un choc de ses skis avec ceux de M. [U], M. [O] l’a assigné, ainsi que la société Gras Savoie Rhône-Alpes Auvergne et la société anonyme AGA international, désormais dénommée AWP P&C, venant aux droits de la société Mondial assistance international, en tant qu’assureur de M. [U], devant un tribunal de grande instance, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie des Hautes-Alpes, à fins d’expertise et d’indemnisation.

5. M. [O] s’est désisté, en cours de procédure, de son action en ce qu’elle était dirigée contre la société Gras Savoie Rhône-Alpes Auvergne.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. M. [O] fait grief à l’arrêt de dire que son comportement a revêtu les caractères d’un cas de force majeure exonérant M. [U] de toute responsabilité et de le débouter de l’ensemble de ses demandes, alors que « l’irrésistibilité et l’imprévisibilité constitutifs de la force majeure s’apprécient au regard des circonstances particulières de la cause ; que dans une compétition sportive de haut niveau de ski cross, n’est pas imprévisible le simple positionnement non rectiligne d’un concurrent lors d’une course jalonnée d’obstacles ; qu’en considérant que le positionnement de M. [O] sur la piste de ski cross était imprévisible pour M. [U], autre compétiteur participant à la course, après avoir pourtant écarté la faute de M. [O] en relevant qu’il n’avait pas brutalement coupé la trajectoire de M. [U], mais qu’il avait simplement atterri, à la fin du cinquième saut, en chevauchant partiellement sa trajectoire, la cour d’appel a violé l’article 1384, alinéa 1er, devenu l’article 1242, alinéa 1er, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil :

7. Un événement n’est constitutif de la force majeure permettant de s’exonérer de la responsabilité prévue par ce texte que s’il est imprévisible, irrésistible et extérieur.

8. Pour débouter M. [O] de toutes ses demandes, l’arrêt retient que les skis de M. [U] ont nécessairement joué un rôle causal dans l’accident de M. [O], mais que, si ce dernier n’a pas commis de faute, son positionnement n’en a pas moins constitué, par son imprévisibilité, son extériorité et son irrésistibilité, liée à l’impossibilité qui était celle de M. [U] de pouvoir manoeuvrer lorsqu’il était en l’air pendant le saut, une cause étrangère revêtant les caractères de la force majeure.

9. Il en déduit que ces circonstances exonèrent M. [U] de la responsabilité lui incombant en qualité de gardien de ses skis.

10. En statuant ainsi, alors que la simple modification de sa trajectoire par un skieur engagé dans une épreuve de ski-cross, ne constitue pas un événement imprévisible pour un autre concurrent la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevable l’appel et infirme le jugement en ce qu’il a dit que M. [O] a commis une faute dans la survenance de l’accident, l’arrêt rendu le 15 novembre 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry ;

Condamne M. [U] et la société AWP P&C aux dépens ;

En application de l’article700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AWP P&C et condamne cette dernière et M. [U], in solidum, à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille vingt-quatre.

Tapis roulant – PPRN – Urbanisation en continuité

CAA de MARSEILLE – 1ère chambre

  • N° 23MA00486
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du jeudi 04 juillet 2024

Président

  1. PORTAIL

Rapporteur

  1. Philippe D’IZARN DE VILLEFORT

Rapporteur public

  1. QUENETTE

Avocat(s)

SELARL CDMF – AFFAIRES PUBLIQUES – AVOCATS ASSOCIÉS

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… C…, la société par actions simplifiée (SAS) Master Phil et M. D… A… ont demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté du 8 août 2019 par lequel le maire d’Enchastrayes a délivré à la Régie Ubaye-Ski un permis de construire un tapis de remontée mécanique sur des parcelles cadastrées section E nos 545, 921, 523 et 406 sur le territoire communal.

Par un jugement n° 1910740 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2023, M. C… et la société par actions simplifiée (SAS) Master Phil, représentés par Me Vaillant, demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du 28 décembre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d’annuler l’arrêté du 8 août 2019 du maire d’Enchastrayes ;

3°) de mettre à la charge de la commune d’Enchastrayes la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– le permis de construire contesté méconnaît les dispositions de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme, en l’absence d’accord du gestionnaire du domaine public ;
– il méconnaît le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP) du 18 septembre 2000, les articles R. 111-2 du code de l’urbanisme et 6 de l’arrêté du 29 septembre 2010, dans la mesure où le projet aggrave les risques de glissement de terrain ;
– le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard du moyen tiré des risques d’atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, notamment dans la mesure où le tribunal n’a pas examiné ce moyen au regard des articles R. 111-2 du code de l’urbanisme et 6 de l’arrêté du 29 septembre 2010 ;
– le permis de construire contesté n’est pas conforme à l’emplacement réservé n° 46 prévu par le plan local d’urbanisme (PLU) d’Enchastrayes ; une modification de ce PLU aurait dû intervenir, en application des dispositions de l’article L. 153-36 du code de l’urbanisme ;
– il méconnaît les dispositions de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023, la Régie Ubaye-Ski, représentée par Me Lacroix, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu’il soit fait application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge solidaire de M. C… et de la SAS Master Phil la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la requête est irrecevable au regard des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme ;
– le recours de la SAS Master Phil est tardif, dans la mesure où cette société n’a pas formé de recours gracieux, et, par suite, irrecevable ;
– la requête est irrecevable au regard des dispositions de l’article R. 600-4 du code de l’urbanisme en ce qu’elle est présentée pour M. C… ;
– les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
– dans l’hypothèse où un moyen serait fondé, une régularisation est possible en application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2023, la commune d’Enchastrayes, représentée par Me Fiat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de M. C… et de la SAS Master Phil la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la requête est irrecevable au regard des dispositions des articles R. 411-1 et R. 811-13 du code de justice administrative, en l’absence de toute critique du jugement attaqué ;
– les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code du tourisme ;
– l’arrêté du 29 septembre 2010 relatif à la conception, à la réalisation, à la modification, à l’exploitation et à la maintenance des tapis roulants mentionnés à l’article L. 342-17-1 du code du tourisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. d’Izarn de Villefort, président-assesseur ;
– les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ;
– les observations de Me Nallet-Rosado représentant la commune d’Enchastrayes, et de Me Plenet représentant la Régie Ubaye-Ski.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 août 2019, le maire d’Enchastrayes, agissant au nom de cette commune, a délivré à la Régie Ubaye-Ski de la communauté de communes Vallée de l’Ubaye Serre-Ponçon (CCVUSP) un permis de construire un tapis de remontée mécanique, sur des parcelles cadastrées section E nos 545, 921, 523 et 406, sises lieu-dit E… sur le territoire communal. M. C…, M. A… et la société par actions simplifiée (SAS) Master Phil ont demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler cet arrêté. M. C… et la SAS Master Phil relèvent appel du jugement du 28 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative :  » Les jugements sont motivés « .
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les requérants soulevaient devant le tribunal un moyen tiré de la méconnaissance, par l’arrêté contesté, des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNp) du 18 septembre 2000, au soutien duquel ils citaient l’article 6 de l’arrêté susvisé du 29 septembre 2010. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Marseille a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par les requérants. En particulier, le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et du PPRNp, en citant l’article 6 de l’arrêté susvisé du 29 septembre 2010, de la même manière que les requérants le mentionnaient dans leur requête comme argument au soutien du moyen susmentionné. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les juges de première instance se sont livrés à un examen du permis de construire contesté au regard des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, examen réalisé conformément à la manière dont le moyen était soulevé devant eux, à savoir au regard des risques de glissement de terrain tels qu’identifiés par le PPRNp. Par suite, M. C… et la SAS Master Phil ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d’irrégularité.
Sur les conclusions à fin d’annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme :  » Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public « .
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des statuts de la Régie Ubaye-Ski tels qu’approuvés par une délibération du 10 janvier 2017 du conseil de communauté de la CCVUSP puis modifiés par une délibération du 14 novembre 2017 de ce même conseil, que ladite régie a notamment pour objet l’exploitation des domaines skiables alpins, incluant le Sauze Super-Sauze, et  » l’exploitation, l’entretien, et la sécurisation, en toute saison et dans la limite des besoins du service, des domaines skiables ou sites espaces nordiques comprenant les remontées mécaniques et les installations techniques indispensables « . L’article 12 desdits statuts précise la liste limitative des attributions sur lesquelles le conseil communautaire s’est réservé le pouvoir de décision, au nombre desquelles ne figure pas la gestion du domaine public skiable. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que la Régie Ubaye-Ski est elle-même gestionnaire de ce domaine public. Etant à la fois gestionnaire et pétitionnaire, elle n’avait dès lors pas besoin de se fournir à elle-même l’accord prévu par les dispositions précitées de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme.
6. En deuxième lieu et d’une part, aux termes de l’article 6 de l’arrêté du 29 septembre 2010 relatif à la conception, à la réalisation, à la modification, à l’exploitation et à la maintenance des tapis roulants mentionnés à l’article L. 342-17-1 du code du tourisme :  » Tout tapis roulant est implanté en tenant compte des risques naturels éventuels. / Il est installé sur un terrain compatible avec les conditions d’installations définies par le constructeur. / Si nécessaire, le terrain est traité et aménagé pour répondre à ces conditions. L’état du sol au moment du montage (gel, humidité, etc.) est notamment pris en considération. (…) « .
7. D’autre part, aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations « . Il appartient à l’autorité d’urbanisme compétente et au juge de l’excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d’atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s’ils se réalisent.
8. Il ressort des pièces du dossier que la commune d’Enchastrayes est couverte par le PPRNp relatif aux mouvements de terrain, aux crues torrentielles et inondations et aux avalanches, approuvé le 18 septembre 2000. La pointe située à l’extrémité est de la parcelle cadastrée section E n° 545 est située en zone R10 de ce plan, tandis que le reste de cette parcelle ainsi que la parcelle cadastrée section E n° 921 et l’extrémité est de la parcelle cadastrée section E n° 406 sont situées en zone blanche de ce même plan. Le reste de cette dernière parcelle, ainsi que la parcelle cadastrée section E n° 523 ne sont, quant à elles, pas concernées par le plan de zonage du PPRNp susvisé. L’article 1.2 du règlement de ce plan, relatif aux différentes zones du plan de prévention des risques (PPR), prévoit que :  » Les zones blanches sises à l’intérieur du périmètre du PPR sont réputées sans risque naturel prévisible significatif, hormis le risque sismique. (…) La construction et l’occupation du sol n’y sont pas réglementées par le PPR. / Les zones rouges signifient qu’à ce jour, il n’existe pas de mesure de protection efficace et économiquement acceptable, pouvant permettre l’implantation de constructions ou ouvrages, soit du fait des risques naturels sur la zone elle-même, soit des risques que des implantations dans la zone pourraient provoquer ou aggraver. (…) « . Ce même règlement précise ensuite les risques spécifiques au Super-Sauze, sur le territoire de la commune d’Enchastrayes, à savoir les glissements de terrain et les crues torrentielles, et précise que les secteurs classés en zone R10 du Super-Sauze sont inconstructibles, sauf quelques exceptions limitativement énumérées.
9. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du dossier de demande de permis de construire, que le projet litigieux ne sera implanté que sur la partie sud-est de la parcelle cadastrée section E n° 545, puis sur la partie nord de la parcelle cadastrée section E n° 523. L’emprise au sol du projet litigieux est donc située, pour partie, en zone blanche du PPRNp, et, pour partie, en-dehors du zonage de ce plan. La seule proximité du projet avec la zone R10 du PPRNp ne saurait soumettre ce projet, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aux prescriptions imposées par le règlement de ce plan. En outre, en se bornant à soutenir que les zones aplanies créées par le projet ainsi que l’aménagement du nouveau chemin d’accès à leurs propriétés seraient de nature à aggraver les risques liés aux glissements de terrain, les requérants ne fournissent aucun élément concret permettant de caractériser de tels risques, dans une zone qui n’est pas, comme il vient d’être dit, concernée par un risque particulier à ce titre au sein des documents techniques y afférents. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il n’est pas prévu par le projet en lui-même que le chemin d’accès à leurs habitations soit remblayé et élargi à 4 mètres. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l’arrêté contesté méconnaîtrait le PPRNp doit être écarté. Pour les mêmes motifs, outre que l’implantation de l’ouvrage litigieux est ainsi conforme aux prescriptions fixées par l’article 6 de l’arrêté du 29 septembre 2010, le maire d’Enchastrayes n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation au regard des exigences de la sécurité publique prescrites par l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.
10. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 151-8 du code de l’urbanisme :  » Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols permettant d’atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 « . Selon l’article L. 151-38 de ce même code :  » Le règlement peut (…) délimiter les zones qui sont ou peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques en indiquant, le cas échéant, les équipements et aménagements susceptibles d’y être prévus « . Aux termes de l’article L. 151-41 de ce même code :  » Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : (…) 2° Des emplacements réservés aux installations d’intérêt général à créer ou à modifier (…) « . Enfin, selon l’article L. 153-36 de ce même code :  » Sous réserve des cas où une révision s’impose en application du I de l’article L. 153-31, le plan local d’urbanisme est modifié lorsque l’établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide de modifier le règlement, les orientations d’aménagement et de programmation ou le programme d’orientations et d’actions « .
11. L’autorité administrative chargée de délivrer le permis de construire est tenue de refuser toute demande, même émanant de la personne bénéficiaire de la réserve, dont l’objet ne serait pas conforme à la destination de l’emplacement réservé, tant qu’aucune modification du plan local d’urbanisme emportant changement de la destination n’est intervenue. En outre, les dispositions précitées de l’article L. 151-41 du code de l’urbanisme ont pour objet de permettre aux auteurs d’un document d’urbanisme de réserver certains emplacements à des voies et ouvrages publics, à des installations d’intérêt général ou à des espaces verts, le propriétaire concerné bénéficiant en contrepartie de cette servitude d’un droit de délaissement lui permettant d’exiger de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu’elle procède à son acquisition, faute de quoi les limitations au droit à construire et la réserve ne sont plus opposables. S’il est généralement recouru à ce dispositif pour fixer la destination future des terrains en cause, aucune disposition ne fait obstacle à ce qu’il soit utilisé pour fixer une destination qui correspond déjà à l’usage actuel du terrain concerné, le propriétaire restant libre de l’utilisation de son terrain sous réserve qu’elle n’ait pas pour effet de rendre ce dernier incompatible avec la destination prévue par la réservation.
12. Il ressort des pièces du dossier qu’est implanté, sur les parcelles cadastrées section E nos 545, 523 et 407, un emplacement réservé (ER) n° 46. La liste des emplacements réservés annexée au règlement du plan local d’urbanisme (PLU) d’Enchastrayes précise que cet ER correspond à l’emprise du téléski de Pré de l’Adroit, pour une surface de 4 200 m² et une largeur de 8 mètres. D’une part, le projet de tapis roulant litigieux a pour objet de permettre le transport du public, pour exercer des activités relatives aux sports de neige durant la saison d’hiver, et des activités de randonnée, notamment pédestre ou cyclable, durant la saison d’été. La destination de cet équipement reste ainsi identique à celle du téléski pour lequel a été institué l’ER concerné et qui a été déposé, et n’est, dès lors, pas incompatible avec cette destination. D’autre part, si la longueur de l’ancien téléski était de 524 m alors que celle du tapis roulant en litige sera de 80 m, il ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire qu’un projet réalisé sur l’emprise d’un ER doive correspondre à la surface réservée, dès lors que le projet est conforme à la destination de l’ER. A cet égard, si les requérants soutiennent qu’une partie de l’emplacement réservé n° 46 sera affectée à des fins étrangères à celles pour lesquelles il a été réservé, cette allégation n’est toutefois étayée par aucun élément concret, et, concernant l’exécution du permis de construire litigieux, reste en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l’arrêté contesté. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le permis de construire attaqué méconnaîtrait l’ER n° 46 du PLU d’Enchastrayes doit être écarté.
13. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme :  » L’urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants, sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d’annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d’installations ou d’équipements public incompatibles avec le voisinage des zones habitées « .
14. D’une part, le projet litigieux, qui porte sur la construction d’un tapis roulant aux fins de transporter du public, présente le caractère d’un équipement public. D’autre part, eu égard à la finalité même des remontées mécaniques, qui ne peuvent être implantées que dans le domaine skiable, ces installations sont, par nature, incompatibles avec le voisinage des zones habitées. Dans ces conditions, le tapis roulant litigieux relève des exceptions à la règle de l’urbanisation en continuité posée par les dispositions précitées de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu’être écarté comme inopérant.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. C… et la SAS Master Phil ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande dirigée contre l’arrêté du 8 août 2019 du maire d’Enchastrayes.
Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d’Enchastrayes, qui n’est pas, dans la partie perdante, la somme demandée par M. C… et la SAS Master Phil au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge solidaire de M. C… et de la SAS Master Phil une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par la commune d’Enchastrayes et une somme de même montant au titre des mêmes frais exposés par la Régie Ubaye-Ski.

D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C… et de la SAS Master Phil est rejetée.
Article 2 : M. C… et la SAS Master Phil pris ensemble verseront à la commune d’Enchastrayes une somme de 1 500 euros et à la Régie Ubaye-Ski une somme de même montant au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… C…, à la société par actions simplifiée Master Phil, à la commune d’Enchastrayes et à la Régie Ubaye-Ski.

Délibéré après l’audience du 20 juin 2024, où siégeaient :

– M. Portail, président,
– M. d’Izarn de Villefort, président assesseur,
– M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
2
N° 23MA0048

PPRN – Enquête publique (conditions d’organisation) – Classement en zone rouge – Erreur manifeste d’appréciation (non)

CAA de LYON – 3ème chambre

  • N° 22LY01828
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 12 juin 2024

Président

  1. TALLEC

Rapporteur

Mme Bénédicte LORDONNE

Rapporteur public

  1. DELIANCOURT

Avocat(s)

SELARL CORDEL BETEMPS

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet de la Savoie a approuvé la révision du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) de la commune de Villaroger, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 17 mars 2020.

Par un jugement n° 2002726 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin 2022 et 23 août 2023, M. B…, représenté par Me Cordel, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 avril 2022 ;
2°) d’annuler l’arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet de la Savoie a approuvé la révision du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) de la commune de Villaroger, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 17 mars 2020 ; à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise judiciaire ;
3°) de mettre une somme de 25 000 euros à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– l’arrêté préfectoral du 25 septembre 2017 prescrivant la révision du PPRN ne mentionne pas le lieu et les heures où le public pourra consulter le dossier d’enquête publique et formuler ses observations ;
– l’information du public par voie de presse a été insuffisante ;
– il n’y a pas eu de réunion préalable à l’enquête ;
– l’enquête publique s’est déroulée en période estivale ;
– si l’avis des personnes publiques associées semble avoir été demandé, seules deux d’entre-elles se sont exprimées et ont donné un avis positif ;
– l’avis de l’autorité environnementale n’a pas été sollicité ;
– le dossier soumis à enquête publique était incomplet, incohérent et inexact ;
– le classement des parcelles cadastrées section OE n°833, 834, 835, 2430 et 2434 en zone rouge-inconstructible du PPRN litigieux est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par ordonnance du 24 août 2023, la clôture de l’instruction a été fixée au 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
– les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
– et les observations de Me Jastrzeb-Senelas pour M. B….

Considérant ce qui suit :

1. M. A… B… est propriétaire sur le territoire de la commune de Villaroger (73640), de parcelles cadastrées section OE n°833, 834, 835, 2430, 2434, situées au lieudit  » Les Plagnes « , sur lesquelles est édifié son bâtiment agricole et d’habitation, qu’il exploite en GAEC. Il relève appel du jugement du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre l’arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet de la Savoie a approuvé la révision du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) de la commune de Villaroger, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 17 mars 2020.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 562-10 du code de l’environnement :  » Le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut être révisé selon la procédure décrite aux articles R. 562-1 à R. 562-9. (…) « . L’article R. 562-8 du même code prévoit que le projet de plan est soumis par le préfet à une enquête publique dans les formes prévues par les articles R. 123-7 à R. 123-23. Aux termes de l’article R. 123-9 du même code :  » I. – L’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête précise par arrêté les informations mentionnées à l’article L. 123-10, quinze jours au moins avant l’ouverture de l’enquête (…) 4 Cet arrêté précise notamment : (…) 4° Les lieux, jours et heures où le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête, représentée par un ou plusieurs de ses membres, se tiendra à la disposition du public pour recevoir ses observations (…) « .
3. Comme l’ont relevé les premiers juges, conformément aux dispositions de l’article R. 123-9 précité, l’arrêté du 15 juillet 2019 prescrivant l’ouverture d’une enquête publique mentionne le lieu et les heures où le public pourra consulter le dossier et formuler ses observations. L’arrêté préfectoral du 25 septembre 2017 prescrivant la révision du PPRN n’avait pas à comporter de telles informations. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, le requérant reprend en appel son moyen selon lequel l’information du public par voie de presse aurait été insuffisante. Il y a lieu d’écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
5. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 123-17 du code de l’environnement :  » Sans préjudice des cas prévus par des législations particulières, lorsqu’il estime que l’importance ou la nature du projet, plan ou programme ou les conditions de déroulement de l’enquête publique rendent nécessaire l’organisation d’une réunion d’information et d’échange avec le public, le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête en informe l’autorité en charge de l’ouverture et de l’organisation de l’enquête ainsi que le responsable du projet, plan ou programme en leur indiquant les modalités qu’il propose pour l’organisation de cette réunion (…) « .
6. Le commissaire-enquêteur justifie aux pages 6 et 7 de son rapport son choix de ne pas organiser de réunion publique, dès lors que le public qui s’est exprimé a mis en évidence une connaissance du dossier, en dépit de la participation réduite en cours d’enquête. L’utilité de l’organisation d’une réunion étant laissée à l’appréciation du commissaire enquêteur, celui-ci a pu décider, sans entacher d’irrégularité l’enquête publique, de ne pas la prescrire, le requérant n’étant pas fondé à soutenir qu’une telle réunion s’imposait nécessairement en raison d’un manque d’information du public qu’il n’établit pas.
7. En quatrième lieu, le requérant reprend son moyen selon lequel les conditions d’organisation de l’enquête publique en période estivale n’ont pas permis au public d’être suffisamment informé et de faire valoir ses observations. Il y a lieu d’écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.
8. En cinquième lieu, aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’environnement :  » Le dossier soumis à l’enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. Le dossier comprend au moins : (…) 4° Lorsqu’ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l’ouverture de l’enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme (…) « .
9. D’une part, s’il ressort des pièces du dossier que seules deux personnes publiques ont donné un avis positif au projet, les avis des autres personnes publiques consultées sont réputés favorables en l’absence de réponse dans le délai de deux mois.
10. D’autre part, les dispositions du II de l’article R. 122-17 du code de l’environnement imposent que les PPRN fassent l’objet d’un examen au cas par cas destiné à déterminer s’ils doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences sur l’environnement.
11. Il ressort des pièces du dossier que l’autorité environnementale a dispensé le projet de PPRN d’une évaluation environnementale, par une décision du 29 août 2017, versée au dossier de première instance.
12. En sixième lieu, les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette enquête, que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou, si elles ont été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête et, par suite, sur la décision de l’autorité administrative.
13. Si le requérant persiste en appel à mettre en cause la lisibilité du dossier soumis à enquête publique, en se prévalant de certaines observations du commissaire enquêteur et de ce que la commune elle-même a fait part de possibles incompréhensions et malentendus à venir pour les habitants, les éléments dont il fait état ne permettent nullement d’établir que le dossier serait incomplet, inexact ou incohérent. Contrairement à ce qui est soutenu, le bâtiment de M. B… est représenté sur la carte de zonage réglementaire et la carte de l’aléa avalanches, ayant motivé le classement des parcelles en litige, cadastrées section OE n°833, 834, 835, 2430 et 2434.
14. En septième et dernier lieu, le requérant soutient que le classement de ces parcelles, en zone rouge-inconstructible du PPRN est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
15. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles en litige sont situées dans le secteur Le Crêt de La Savinaz, classées en zone constructible dans le précédent PPRN, et désormais en zone rouge, car concernées par l’avalanche du Crêt. Le nouveau zonage s’appuie notamment sur une modélisation numérique RAMMS de l’avalanche de référence, avec un mode numérique de terrain (MNT) plus détaillé que celui utilisé en 2002 par l’étude alors conduite par le cabinet Toroval, qui avait conclu à un risque faible. Sont mieux prises en compte les particularités du terrain susceptibles d’influencer la propagation des avalanches, en particulier la plate-forme EDF. Ainsi que l’a fait valoir le préfet en première instance, cette plate-forme dissipe une partie de l’énergie cinétique de l’avalanche qui ne peut plus aller aussi loin dans la combe du Crêt que l’avalanche historique du début du XXème siècle classée en aléa centennal, ce qui a conduit, malgré l’absence de réalisation d’ouvrage de protection, à la réduction de l’aléa dans cette combe par rapport au zonage du précédent PPRN, qui apparaît très efficace pour arrêter les éventuelles coulées de neige humide mais en cas d’avalanche de neige sèche et fluide, n’est pas suffisante pour réduire la pression de l’impact de l’avalanche sous le seuil des 30kPa sur la ferme de M. B….
16. Le requérant ne démontre pas davantage en appel qu’en première instance que le scénario de référence retenu dans le cadre de l’élaboration du PPRN ne serait pas pertinent.
17. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les simulations numériques d’écoulement effectuées avec le programme RAMMS seraient erronées. En effet, s’agissant de l’estimation de l’épaisseur moyenne mobilisable par l’avalanche de référence, M. B… se borne à indiquer qu’elle ne serait pas justifiée ni ne résulterait d’une étude statistique des chutes de neige, en se prévalant de l’étude réalisée par le bureau Toraval en novembre 2020 qui ne propose pas d’autres données concernant la nivométrie locale. Le requérant ne démontre pas davantage qu’une erreur d’interprétation des résultats aurait été commise en assimilant la pression au sein de l’écoulement à la pression d’impact contre un obstacle. M. B… persiste en appel à soutenir que le calcul d’aléa est nécessairement faussé en raison de la prise en compte de la présence de matériaux sur ladite plate-forme, qui constitue une modification non pérenne de la topographie du terrain dès lors que ces derniers peuvent changer d’emplacement et de hauteur, au gré des activités de l’entrepreneur. Il produit à hauteur d’appel un constat d’huissier démontrant l’augmentation de la surface de stockage de matériaux en bordure de la plateforme. Cependant, le tribunal a relevé, sans être sérieusement critiqué sur ce point, que le requérant n’établit pas l’influence déterminante sur la simulation numérique d’écoulement de l’avalanche effectuée avec le programme RAMMS de ces matériaux, alors que le service de restauration des terrains en montagne (RTM) indique qu’il s’agit d’un faible obstacle vis-à-vis de la largeur d’écoulement, et que l’effet de frein, au profit d’ailleurs de la ferme B…, est très limité.
18. Il ressort du rapport de présentation du PPRN que l’analyse l’avalanche du crêt ne repose pas uniquement sur une modélisation numérique dès lors que cet outil a été croisé avec une analyse historique et spatiale du secteur. Si le requérant se prévaut des conclusions des cabinets Goeformer et Toraval, selon lesquelles les résultats des simulations numériques auraient occupé une place démesurée dans le raisonnement du chargé d’étude, alors, selon eux, que le zonage aurait dû résulter d’une synthèse équilibrée de ces multiples approches, il fait également reproche au PPRN de s’être fondé sur un unique témoignage ne reposant, selon lui, sur aucun fondement historique. Toutefois, sur ce point, le jugement n’est pas sérieusement critiqué en ce qu’il a relevé qu’il ressort du rapport de présentation du PPRN que le témoignage du père d’… concernant l’avalanche du début du XXième siècle renseigne uniquement sur la capacité du versant à produire des avalanches coulantes mais n’a pas été utilisé pour calquer l’évènement sur le terrain actuel en raison de l’évolution de celui-ci. En outre, il ressort du rapport de présentation que trois visites de terrain ont été organisées sur le secteur de la Savinaz les 28 octobre 2016, 2 février 2017, et 30 mars 2017. Le travail de photo-interprétation a été réalisé. Le requérant ne peut déduire du seul fait qu’un examen minutieux des clichés aériens de l’IGN n’a pas été effectué que l’analyse spatiale n’aurait pas été conduite avec suffisamment de rigueur.
19. Dans ces circonstances, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, M. B… n’est pas fondé à soutenir que le classement de ses parcelles en zone exposée à un aléa fort et, par suite, en zone  » rouge  » du PPRN, lequel résulte d’une approche globale combinant analyse numérique, historique et spatiale, procèderait d’une erreur manifeste d’appréciation.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B… est rejetée

ICHN – Refus illégal – Critères d’éligibilité – Autorités compétentes

 

CAA de LYON – 3ème chambre

  • N° 22LY02593
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 12 juin 2024

Président

  1. TALLEC

Rapporteur

Mme Bénédicte LORDONNE

Rapporteur public

  1. DELIANCOURT

Avocat(s)

LAUMET

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’EARL La Croix de Renod a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 novembre 2019 par laquelle le président du conseil régional Auvergne Rhône-Alpes lui a refusé le bénéfice des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) pour la campagne 2015, ensemble la décision du 3 février 2020 de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001791 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 août 2022 et 12 janvier 2023, l’EARL La Croix de Renod, représentée par Me Laumet, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 juin 2022 ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de la Région Auvergne Rhône-Alpes et de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c’est à tort que la décision en litige et le tribunal administratif ont cru devoir faire application de l’instruction technique DGPE/SDPAC/2017-52 du 10 janvier 2017 du ministère de l’agriculture et de l’alimentation ; seul un arrêté conjoint adopté par deux ministres, et non une simple instruction technique prise par un seul ministre, peut préciser les règles d’éligibilité exposées dans le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux ; l’instruction technique du 10 janvier 2017 méconnaît les dispositions de l’article D. 113-19 du code rural et de la pêche maritime ; elle n’est pas la norme règlementaire visée à l’article D. 113-19 du code rural et de la pêche maritime ; elle n’est pas une règle exposée dans le  » cadre national « , notion qui n’a pas à être amalgamée avec celle de droit national ; en tout état de cause, aucune règle nationale ne peut venir limiter les règles d’éligibilité de l’Union européenne ; l’instruction technique du 10 janvier 2017 ajoute un critère et va donc au-delà de la seule précision autorisée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2022, la région Auvergne-Rhône-Alpes, représentée par la SELARL Philippe Petit et associés, agissant par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par une ordonnance du 8 juin 2023, la clôture de l’instruction a été fixée au 31 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ;
– le décret n° 2015-445 du 16 avril 2015 relatif à la mise en œuvre des programmes de développement rural pour la période 2014-2020 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
– les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
– et les observations de Me Laumet pour l’EARL La Croix de Renod ainsi que celles de Me Frigière pour la région Auvergne Rhône-Alpes.

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré, présentée pour l’EARL La Croix de Renod, enregistrée le 29 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. L’EARL La Croix de Renod relève appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 29 novembre 2019 par laquelle le président du conseil régional Auvergne Rhône-Alpes lui a refusé le bénéfice des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) pour la campagne 2015, ensemble la décision du 3 février 2020 de rejet de son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l’article 6 du règlement (UE) n° 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) :  » 1. Le Feader agit dans les États membres à travers les programmes de développement rural. Ces programmes mettent en œuvre une stratégie visant à répondre aux priorités de l’Union pour le développement rural grâce à un ensemble de mesures, définies au titre III. Un soutien auprès du Feader est demandé pour la réalisation des objectifs de développement rural poursuivis dans le cadre des priorités de l’Union. / 2. Un État membre peut présenter un programme unique couvrant tout son territoire ou une série de programmes régionaux. (…) / 3. Les États membres ayant opté pour des programmes régionaux peuvent aussi présenter pour approbation, conformément à l’article 10, paragraphe 2, un cadre national contenant les éléments communs de ces programmes sans procéder à une dotation budgétaire distincte (…) « . Par ailleurs, aux termes du paragraphe 2 de l’article 10 du même règlement :  » Chaque programme de développement rural est approuvé par la Commission au moyen d’un acte d’exécution « .
3. Pour la période 2014-2020, l’article 78 de la loi n° 2014-78 du 27 janvier 2014 relative à la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles confie à l’échelon régional l’élaboration de programmes de développement rural régionaux (PDRR), dont les fonctions d’autorité de gestion sont confiées aux régions. Aux termes du III de cet article  » Pour le Fonds européen agricole pour le développement rural, un décret en Conseil d’Etat précise en tant que de besoin les orientations stratégiques et méthodologiques pour la mise en œuvre des programmes. Il définit celles des dispositions qui doivent être identiques dans toutes les régions (…) « .
4. Aux termes de l’article 1er du décret n° 2015-445 du 16 avril 2015 relatif à la mise en œuvre des programmes de développement rural pour la période 2014-2020 :  » Les orientations stratégiques et méthodologiques mentionnées au premier alinéa du III de l’article 78 de la loi du 27 janvier 2014 susvisée pour la mise en œuvre, en France métropolitaine (…) des programmes de développement rural, sont fixées dans les annexes au présent décret. (…) « . Si les premiers juges ont mentionné, à tort, l’annexe II du décret du 16 avril 2015 relatif à la mise en œuvre des programmes de développement rural pour la période 2014-2020, l’annexe I de ce décret précise en son point 2.2 que le contenu obligatoire de l’ICHN concerne notamment  » les conditions d’éligibilité des demandeurs, liées à l’exploitation et liées à l’exploitant « . Elle prévoit que le type de bénéficiaires, les surfaces éligibles ainsi que les modalités de rémunération et de financement de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) inscrite dans les programmes de développement rural régionaux (PDRR) sont fixés au niveau national, au sein du cadre national, ainsi que le permet le 3 de l’article 6 du règlement du 17 décembre 2013. Ce décret donne ainsi effet aux dispositions du cadre national.
5. Aux termes de l’article D. 113-18 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’article 1er du décret du 1er août 2016 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées :  » Peuvent bénéficier des aides compensatoires de handicaps naturels et spécifiques, dans les conditions prévues par le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux de la France prévus aux 2 et 3 de l’article 6 du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) pour la période 2015-2020 et approuvés par la Commission européenne, les agriculteurs actifs au sens de l’article 9 du règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique commune et de l’article D. 615-18 « . Aux termes de l’article D. 113-19 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du même décret :  » Le calcul des aides allouées à chaque agriculteur est effectué selon les règles définies par le programme de développement rural régional de la région où sont situées les surfaces agricoles de l’exploitation bénéficiaire et, le cas échéant, par le cadre national mentionné à l’article D. 113-18. / Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et du budget détermine les modalités de définition des sous-zones à l’intérieur de chaque zone défavorisée. Cet arrêté précise, en tant que de besoin, les règles d’éligibilité exposées dans le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux. Il détermine les surfaces et les catégories de cheptel retenues pour le calcul du taux de chargement lorsqu’un tel critère est prévu par le cadre national ou le programme de développement rural régional applicable à la région concernée. (…) « .
6. Le cadre national du programme de développement rural approuvé par la commission européenne le 30 juin 2015, disponible sur le site du ministère de l’agriculture et de l’alimentation dans une rubrique dédiée au fonds européen agricole pour le développement rural, précise, en application des dispositions combinées du 3 de l’article 6 du règlement et de l’annexe I du décret du 16 avril 2015, les conditions d’admissibilité, pour l’indemnité compensatoire de handicaps naturels. Il prévoit notamment, au titre de l’éligibilité du demandeur :  » (…) Détenir un cheptel d’au moins 3 UGB en production animale (…) « .
7. Pour rejeter la demande l’EARL La Croix de Renod tendant à bénéficier, au titre de la campagne 2015, de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels et spécifiques, le président du conseil régional Auvergne Rhône-Alpes lui a opposé le fait que le critère d’éligibilité hivernale prévu par le point 4.4 de l’instruction technique du ministère de l’agriculture du 10 janvier 2017, n’était pas rempli.
8. Le point 4.4 de cette l’instruction technique prévoit que  » Afin de s’assurer de l’effectivité de l’activité agricole pendant la période d’hivernage, le seuil de 3 UGB minimum pour l’éligibilité, tel que décrit au §2.1.2 (avec en particulier les conditions d’éligibilité à respecter pour les équidés) devra également être respecté pendant la période du 1er décembre au 1er avril « . Comme le soutient l’EARL La Croix de Renod, l’instruction technique dont il a été fait application ne s’est pas bornée à appliquer les règles d’éligibilité exposées dans le cadre national, qu’elle a précisées en imposant la détention d’un cheptel de trois UGB minimum au cours de la période du 1er décembre au 1er avril, alors que les dispositions de l’article D. 113-19 du code rural et de la pêche maritime prévoient dans une telle hypothèse l’intervention d’un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et du budget.
9. Il résulte de ce qui précède que l’EARL La Croix de Renod est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d’injonction :

10. Le présent arrêt implique seulement que le président du conseil régional Auvergne Rhône-Alpes procède au réexamen de la demande de l’EARL La Croix de Renod tendant au bénéfice des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) pour la campagne 2015, et prenne une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la région Auvergne-Rhône-Alpes demande au titre des frais qu’elle a exposés soit mise à la charge de l’EARL La Croix de Renod, qui n’est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la défenderesse le versement d’une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l’EARL La Croix de Renod.

D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2001791 du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Grenoble, la décision du 29 novembre 2019 par laquelle le président du conseil régional Auvergne Rhône-Alpes a refusé à l’EARL La Croix de Renod le bénéfice des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) pour la campagne 2015, ensemble la décision du 3 février 2020 de rejet de son recours gracieux, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au président du conseil régional Auvergne Rhône-Alpes de procéder au réexamen de la demande de l’EARL La Croix de Renod tendant au bénéfice des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) pour la campagne 2015, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt.
Article 3 : La région Auvergne-Rhône-Alpes versera une somme de 2 000 euros à l’EARL La Croix de Renod au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l’EARL La Croix de Renod et à la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l’audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY02593

Piste de ski mise à la disposition d’un club – Accident – Répartition des responsabilités exploitant/ association

28 mai 2024
Cour d’appel de Grenoble
RG n° 22/03538

S.A.S. AWP FRANCE

Le 12 février 2011, dans la station de ski des [16], sur la commune des Adrets (Isère), Mme [G] [N] a été victime d’un grave accident de ski lors d’un entraînement de slalom géant organisé par son club, l’association GUC Grenoble ski.

Mme [N] a saisi le juge des référés qui, par une ordonnance du 22 février 2017, a instauré une expertise médicale confiée au docteur [L]. L’expert a déposé son rapport le 15 septembre 2017.

Par assignations des 21 et 22 mars 2018, et du 24 novembre 2020, Mme [N] a saisi le tribunal de grande instance de Grenoble aux fins d’indemnisation de son préjudice.

Par jugement en date du 22 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

– jugé l’association GUC Grenoble ski seule et entièrement responsable de l’accident dont Mme [G] [N] a été victime le 12 février 2011 ;

– fixé comme suit le préjudice de Mme [G] [N] causé par cet accident :

dépenses de santé actuelles : 69 066,91 euros ;

frais divers : 1 517,80 euros ;

assistance par tierce personne temporaire : 3 380,62 euros

incidence professionnelle : 60 000 euros

préjudice universitaire : 4 000 euros ;

déficit fonctionnel temporaire : 10 282,50 euros ;

souffrances endurées : 30 000 euros ;

déficit fonctionnel permanent : 51 800 euros ;

préjudice d’agrément : 30 000 euros ;

– condamné en conséquence l’association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP P&C à payer à Mme [G] [N] la somme de 190 980,92 euros en indemnisation de son préjudice ;

– condamné en conséquence l’association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP P&C à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Isère la somme de 69 066,91 euros en remboursement de ses débours, avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2020 et capitalisation de ceux dus au moins pour une année entière ;

– débouté l’association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP P&C de toutes leurs demandes ;

– condamné in solidum l’association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP P&C à payer à Mme [G] [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné in solidum l’association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP P&C à payer à la SEM des 7 Laux la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné in solidum l »association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP P&C à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Isère la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et une indemnité forfaitaire de gestion de 1 080 euros ;

– condamné in solidum l’association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP P&C aux entiers dépens, lesquels seront distraits au profit de la Selarl Europa en application de l’article 699 du code de procédure civile pour ceux dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision suffisante.

Par déclaration d’appel en date du 30 septembre 2022, la SAS AWP France et l’association GUC Grenoble ski ont interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

La caisse primaire d’assurance-maladie de l’Isère a interjeté appel incident par conclusions notifiées par voie électronique le 20 mars 2023.

Mme [G] [N] a interjeté appel incident par conclusions notifiées par voie électronique le 21 mars 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 juin 2023, les appelantes demandent à la cour de :

– à titre principal, réformer le jugement entrepris en ce que l’association GUC Grenoble ski a été déclarée entièrement responsable de l’accident subi par Mme [N] le 12 février 2011, et statuant à nouveau :

juger que Mme [N] ne rapporte pas la preuve d’une faute qui serait imputable à l’association GUC Grenoble qui serait en lien avec sa chute et ses blessures subies lors de sa participation à l’entraînement organisé sur une piste exploitée par la société d’aménagement des Sept-Laux sur le territoire de la commune des Adrets le 12 février 2011 ;

débouter Mme [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de l’association GUC Grenoble ski et de son assureur la compagnie AWP P&C ;

condamner Mme [N] à payer à l’association GUC Grenoble ski et à la compagnie AWP P&C la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

la condamner en outre aux entiers dépens de la procédure distraits au profit de la SELARL cabinet Laurent Favet avocat conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– à titre subsidiaire :

déclarer la SEM des Sept-Laux seule et entièrement responsable des conséquences dommageables de l’accident dont a été victime Mme [N] lors de l’entrainement au slalom géant survenu sur les pistes du [14] exploitées et entretenues par ladite société le 12 février 2011 ;

condamner la SEM des Sept-Laux à relever et garantir intégralement l’association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP N&C de l’ensemble des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre en principal, frais et accessoires au profit de Mme [G] [N] ;

débouter la SEM des Sept-Laux de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de l’association GUC Grenoble ski et de la compagnie AWP P&C ;

condamner la SEM des Sept-Laux à payer à l’association GUC Grenoble ski et son assureur AWP P&C la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

la condamner en outre aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL cabinet Laurent Favet avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– à titre plus subsidiaire :

condamner la SEM des 7 Laux à relever et garantir l’association GUC Grenoble ski et la compagnie AWP P&N des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre au profit de Mme [G] [N] dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 50 % ;

réformer le jugement entrepris en ce qui concerne l’évaluation du préjudice corporel de Mme [N] en lien avec son accident du 12 février 2011 et statuant à nouveau, fixer le préjudice de Mme [N] en lien avec son accident de la façon suivante :

frais divers : 1 517.80 euros ;

assistance tierce personne temporaire : 2 574 euros ;

incidence professionnelle : 20 000 euros ;

déficit fonctionnel temporaire : 10 282.50 euros ;

souffrances endurées : 20 000 euros ;

déficit fonctionnel permanent : 40 000 euros ;

préjudice d’agrément : 5 000 euros ;

débouter Mme [N] de ses demandes plus amples ou contraires, notamment de son appel incident concernant ses demandes au titre de l’assistance par tierce personne temporaire, le préjudice universitaire et le déficit fonctionnel temporaire ;

réduire à de plus justes proportions les sommes allouées à Mme [N], et à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’ISERE au titre de leurs frais irrépétibles ;

débouter la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Isère de son appel incident non fondé s’agissant des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

statuer ce que de droit sur les dépens distraits au profit des avocats de la cause.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 juillet 2023, Mme [G] [N] demande à la cour de :

– confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a jugé l’association GUC Grenoble ski seule et entièrement responsable de l’accident dont elle a été victime le 12 février 2011 ;

– dire qu’elle a commis une faute en ne prenant pas les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité lors de l’entraînement de ski organisé le 12 février 2011 ;

– dire qu’elle engage sa responsabilité contractuelle à sonégard de Mme [G] [N] ;

– confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a fixé comme suit son préjudice :

dépenses de santé actuelles : 69 066,91 euros ;

frais divers : 1 517,80 euros ;

incidence professionnelle : 60 000 euros ;

souffrances endurées : 30 000 euros ;

déficit fonctionnel permanent : 51 800 euros ;

préjudice d’agrément : 30 000 euros ;

– infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a fixé comme suit son préjudice :

assistance par tierce personne temporaire : 3 380,62 euros ;

préjudice universitaire : 4 000 euros ;

déficit fonctionnel temporaire : 10 282,50 euros ;

– infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a condamné en conséquence l’association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP P&C à lui payer la somme de 190 980,92 euros en indemnisation de son préjudice ;

– infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a condamné in solidum l’association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP P&C à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– statuant à nouveau :

fixer comme suit son préjudice:

assistance par tierce personne temporaire : 4 000 euros ;

préjudice universitaire : 7 000 euros ;

déficit fonctionnel temporaire : 15 440 euros ;

préjudice esthétique permanent : 3 000 euros

condamner en conséquence l’association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP P&C à lui payer la somme de 202 757,80 euros en indemnisation de son préjudice ;

condamner in solidum le club GUC Grenoble ski et la société AWP P&C, assureur du GUC Grenoble ski, à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 octobre 2023, la SEM 7 Laux demande à la cour de :

– à titre principal :

confirmer la décision de première instance en date du 22 septembre 2022 ;

rejeter l’ensemble des réclamations formulées par l’association GUC Grenoble ski et son assureur, à l’encontre de la SEM des 7 Laux ;

condamner l’association GUC Grenoble ski et son assureur à verser à la SEM des 7 Laux la somme de 3 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance, distraits au profit de la SELARL Europa avocats, sur son affirmation de droit ;

– à titre subsidiaire, si la cour devait estimer que la SEM des 7 Laux engage sa responsabilité à l’égard de Mme [N] :

condamner l’association GUC Grenoble ski et son assureur, à relever et garantir la SEM des 7 Laux à hauteur de 50 % des sommes qui pourront éventuellement être mises à sa charge, en principal, intérêts et accessoires de toute nature, en raison des manquements fautifs causés par l’association GUC Grenoble ski ;

rejeter la demande de l’association GUC Grenoble ski et de son assureur tendant à voir condamner la SEM des 7 Laux, à les relever et garantir à hauteur de 50 % des sommes qui pourront éventuellement être mises à leur charge, en principal, intérêts et accessoires de toute nature, au profit de Mme [N] ;

rejeter la demande de l’association GUC Grenoble ski et de son assureur tendant à voir condamner la SEM des 7 Laux à leur verser la somme de 4 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– à titre infiniment subsidiaire :

allouer à Mme [N] les sommes suivantes qui seront déclarées satisfactoires :

1 517,80 euros au titre des frais divers ;

3 600 euros au titre de l’assistance par tierce personne à titre temporaire ;

20 000 euros au titre de l’incidence professionnelle ;

9 938,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

25 000 euros au titre des souffrances endurées ;

51 800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

2 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

rejeter le surplus des réclamations de Mme [N], notamment s’agissant du préjudice universitaire, ou du préjudice d’agrément ;

– en tout état de cause, condamner l’association GUC Grenoble ski et son assureur à verser à la SEM des 7 Laux la somme de 3 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance, distraits au profit de la SELARL Europa avocats, sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 mars 2023, la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Isère demande à la cour de :

– confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a condamné in solidum l’association GUC Grenoble ski et la SA AWP P&C à rembourser à la caisse la somme de 69 066,91 euros correspondant à ses débours définitifs, outre intérêts au taux légal à compter de la demande et anatocisme ;

– confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a condamné in solidum l’association GUC Grenoble ski et la SA AWP P&C à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère la somme de 1 080 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

– réformer la décision de première instance en ce qu’elle a condamné in solidum l’association GUC Grenoble ski et la SA AWP P&C à payer à la caisse primaire d’assurance maladie la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, condamner in solidum l’association GUC Grenoble ski et la SA AWP P&C à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Isère, représentée par son mandataire de gestion la caisse primaire d’assurance-maladie du Rhône, la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

– en tout état de cause :

condamner in solidum l’association GUC Grenoble ski et la SA AWP P&C à payer à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Isère, représentée par son mandataire de gestion la caisse primaire d’assurance-maladie du Rhône, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

condamner in solidum l’association GUC Grenoble ski et la SA AWP P&C, aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’Union interrégion techn soc édud mutu (SMERRA), intimée citée à personne habilitée, n’a pas constitué avocat ; le présent arrêt est réputé contradictoire.

1. Sur l’action en responsabilité de Mme [G] [N] à l’encontre de l’association GUC Grenoble ski

Moyens des parties

L’association GUC Grenoble ski et son assureur la SAS AWP France soutiennent que les premiers juges n’ont pas caractérisé la faute imputée à l’association tout en éludant la propre faute commise par la victime Mme [N], de même qu’ils n’ont pas établi le lien de causalité entre la prétendue faute commise et le préjudice subi par cette dernière. Elles soutiennent également que la juridiction de première instance s’est mépris sur la portée de l’arrêté municipal relatif à la sécurité des pistes de ski en ce que la piste était bien ouverte et donc sous la responsabilité de l’exploitant.

La SEM des 7 Laux soutient que sa responsabilité ne peut pas être engagée et qu’il appartient à la seule association de veiller à la sécurité de ses adhérents pendant le temps de l’entraînement, et nullement à l’exploitant de la piste, qui est fermée, même temporairement, au public, et réservée aux clubs.

Mme [G] [N] soutient que l’association GUC Grenoble ski a manqué à son obligation de sécurité à son égard alors qu’il lui appartenait, en tant qu’organisateur de l’entraînement, conformément aux dispositions de l’arrêté municipal du 13 décembre 2010, de mettre en place un dispositif de sécurité approprié. Bien qu’ayant connaissance du caractère potentiellement dangereux de cette portion de piste, accentué par le manque de neige, elle a laissé l’entraînement se dérouler. Elle souligne une négligence du club qui a autorisé la tenue d’un entraînement de slalom géant dans des conditions non réglementaires (largeur de la piste, placement des portes). Le port d’un équipement de protection individuelle adapté n’est pas de nature à dispenser le club de prendre toutes les mesures de prudence. Son propre comportement n’a pas été remis en cause et il n’est pas établi une faute de sa part.

Réponse de la cour

En cause d’appel, Mme [G] [N] ne sollicite plus la condamnation in solidum de l’association GUC Grenoble ski et de la SEM des 7 Laux, mais la confirmation de la condamnation de la seule association GUC Grenoble ski.

Par suite, l’association GUC Grenoble ne peut invoquer la responsabilité de la SEM des 7 Laux pour faute que dans le cadre de son action en garantie à l’encontre de celle-ci.

Selon l’article 1147 du code civil, devenu l’article 1231-1, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Les clubs sportifs sont tenus envers leurs membres et adhérents d’une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence et doivent réparation du dommage qui, sans leur faute, ne se serait pas réalisé (Civ. 1ère, 22 mai 2008, n° 07-10.903).

Il s’agit d’une obligation de moyens, qui s’apprécie toutefois avec plus de rigueur lorsqu’il s’agit d’un sport dangereux (Civ. 1ère, 16 octobre 2001, n° 99-18.221).

Il est constant que Mme [G] [N] a participé le 12 février 2011 à un entraînement de slalom géant organisé par son club de ski, l’association GUC Grenoble ski, sur la piste du ‘[13]’ sur le domaine des 7 Laux.

La piste exploitée par la SEM des Sept Laux était alors occupée par deux clubs de ski pour des entraînements au slalom : l’association GUC Grenoble ski et le CO 7Laux.

Comme l’a relevé la juridiction de première instance, les circonstances de l’accident survenu le 12 février 2011 sont établies précisément par le témoignage de M. [U], qui a assisté à la chute, et par celui de M. [K], qui est le premier intervenant.

Il en ressort qu’alors qu’elle effectuait une seconde descente, Mme [N] a chuté au niveau du deuxième mur du tracé, situé à droite de la piste ‘[13]’ en descendant, tandis qu’elle évoluait sur une neige dure à une vitesse estimée à environ 70 km/h, pour finalement s’immobiliser en dehors de la piste, dans un ravin situé cinq mètres encontrebas.

Mme [G] [N] a présenté de graves lésions : un traumatisme crânien avec perte de connaissance, un traumatisme facial avec plaie du scalp, un traumatisme rachidien avec fracture de T6 déplacée, recul du mur postérieur, éclatement du corps vertébral, et un traumatisme thoracique. Il n’est pas sérieusement contestable que ces lésions trouvent leur origine dans la sortie de piste de la victime, et non seulement dans sa chute sur celle-ci.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la chute de Mme [G] [N] sur la piste puis dans le ravin selon les parties : une faute de carre de sa part, un défaut de sécurisation de la piste, un mauvais choix dans le tracé du slalom, l’état de piste.

– sur la faute de carre :

La chute initiale de Mme [N] est très probablement due à une faute de carre, c’est à dire une erreur qui consiste à perdre l’équilibre à la suite de l’appui de la jambe sur la carre non porteuse.

Cependant, cette erreur, courante dans la pratique du ski, ne suffit pas à caractériser une faute civile, s’agissant d’une simple maladresse ou négligence et non d’un acte délibéré.

L’association GUC Grenoble ski et son assureur ne rapportent ainsi pas la preuve de ce que Mme [G] [N], décrite par son club de ski comme une skieuse aguerrie, disposant de l’équipement de protection individuelle recommandé (casque et dorsale), aurait commis une faute de nature à exonérer l’organisateur de l’entraînement de sa propre responsabilité.

– sur la sécurisation de la piste :

Il ressort du témoignage de M. [X] [U], témoin de la chute, que ‘la combe dans laquelle est partie [G] [N] comportait une souche d’arbre et un rocher sur la trajectoire de sa chute’.

M. [O] [R], entraîneur de l’association GUC Grenoble ski, qui a réalisé le tracé du slalom, atteste avoir demandé oralement au service des pistes ‘la pose de filets sur la partie basse de la piste’, et avait relevé lui-même que ‘cette partie peu enneigée à cette période aurait nécessité une protection en cas de sortie de piste comme ça a été le cas pour Melle [N]’. Selon lui, la ‘station’ lui aurait répondu que ‘la piste avait été aménagée comme stade de slalom, sans nécessité de filets’ lesquels demandent un entretien quotidien.

Le cabinet Eurisk, mandaté par l’assueur de la SEM des Sept-Laux, indique qu’aucun courrier ou mail n’a été transmis à la SEM concernant une demande de moyens pour la pose de filets complémentaires avant l’accident, ce qui n’est pas contesté par l’association GUC Grenoble ski.

Aux termes d’un courrier du 25 mars 2011 adressé au directeur de la société des téléphériques des 7 Laux, les co-présidents de l’association GUC Grenoble ski ont admis : ‘cette skieuse a chuté dans le tracé du slalom, mais la gravité de ses blessures est due à sa sortie de piste’. Ils évoquent également une sortie de piste similaire concernant un enfant adhérent de l’association.

Selon un rapport de ré-homologation du 4 septembre 2009, la fédération française de ski a homologué la piste de ski ‘le [13]’ tout en relevant concernant les lieux de l’accident : ‘altitude 1600 une rangée de 30 mètres de filet de type ‘B’ serait souhaitable sur le côté droit en descendant pour les épreuves de géant’.

Il est également mentionné que de gros travaux ont été effectués, portant la largeur de la piste à plus de 40 mètres, ce qui ‘améliore de façon significative la sécurité’.

Le cabinet Eurisk, mandaté par la SEM des Sept Laux, a cependant relevé que la suggestion de pose de filets de type ‘B’ correspond à des ‘filets de compétition ne correspondant pas des filets pour une exploitation courante et normale publique’.

Même si le rapport de la FFS ne crée aucune obligation à l’égard de l’association GUC Grenoble ski s’agissant de l’installation de filets, il ressort de ce qui précède que l’entraîneur en charge de l’entraînement pour l’association GUC Grenoble ski avait conscience du danger présenté par la présence d’une zone identifiée comme dangereuse en l’absence de filets de sécurité. Il n’a cependant ni attiré l’attention des participants sur l’existence de ce danger ni envisagé de reporter l’entraînement.

Par ailleurs, un arrêté municipal du maire de la commune des Adrets en date du 13 décembre 2010 dispose en son article 4 in fine:

« Les entraînements et compétitions sur les pistes de ski ouvertes au public sont interdites. De manière dérogatoire, et à titre exceptionnel, le service des pistes peut autoriser de telles activités à condition qu’un dispositif de sécurité approprié soit mis en place par l’organisateur de ces activités ».

Il appartenait donc à l’association GUC Grenoble d’assurer la mise en place d’un ‘dispositif de sécurité approprié’ et en l’espèce a minima de filets de sécurité sur la zone dangereuse repérée par le traceur.

– sur le choix du tracé du slalom :

Il est constant que le tracé du slalom a été réalisé par M. [R], entraîneur de l’équipe.

Selon M. [I] [K], participant à l’entraînement, un slalom spécial étant tracé sur la gauche de la piste, le tracé du géant passait sur la partie droite de la piste. Ce tracé n’était pas particulièrement proche du bord de la piste.

Selon le cabinet Eurisk, mandaté par la SEM des Sept-Laux, ‘le tracé réalisé par le GUC était un tracé tournant diminuant certes la vitesse mais augmentant le déport en cas de faute de quart sur un passage de porte de géant’. Il a également relevé que la piste était exploitée par deux clubs de ski alpin bien qu’elle soit homologuée pour un seul tracé, ‘ce qui donne par voie de conséquence des espaces d’échappement en cas de chute plus importants’.

Le ‘livret traceur national’ établi par la fédération française de ski dans le cadre de la ‘formation des cadres alpins’, sans valeur normative, mais qui renseigne sur les bonnes pratiques en la matière, recommande (pièce n° 40 de Mme [N] – page 6) :

‘En compétition, le coureur skie à la limite supérieure de ses capacités techniques, les risques de chute ou de sortie de piste sont ainsi augmentés.

Le traceur doit tenir compte de ce fait.

En cas de chute ou de sortie du tracé sur faute, le coureur peut être propulsé vers un obstacle. Le danger sera d’autant plus grand que l’obstacle sera plus rapproché, la vitesse plus grande, le sol dur et glacé.

Par la disposition judicieuse de son piquetage, le traceur devra :

– faire aborder les parties difficiles et dangereuses de la piste à vitesse contrôlée ; il faut alors arrondir le tracé en amont ;

– placer chaque porte en prenant conscience de la zone d’échappement en cas de chute ou de sortie (zone de sécurité) ;

– changer l’axe du tracé pour s’éloigner d’un obstacle.’

Or en l’espèce il est établi qu’une porte se trouvait dans la zone identifiée comme dangereuse, augmentant le risque de déport. Le traceur n’a ainsi pas anticipé qu’une chute ou une sortie de piste conduirait dans le ravin, alors même que la piste était partagée avec un autre tracé, réduisant les possibilités d’échappement en cas de sortie du tracé.

Par suite, il est établi une faute commise par le traceur de l’association GUC Grenoble ski en ce qu’il n’a pas tenu compte de l’existence de la zone dangereuse dans le choix du tracé et le positionnement de l’une des portes, ce qui a nécessairement conduit à la réalisation du dommage.

– sur l’état de la piste (neige dure, manque d’enneigement) :

Il ressort du témoignage de M. [X] [U], témoin direct de l’accident : ‘la piste avait été bien préparée par les dameurs la nuit. La neige était dure mais sans caractère anormal et les conditions climatiques étaient classiques pour un slalom géant sur cette partie de la piste. La visibilité était bonne. Il n’y avait pas de plaques de glace ou de cailloux sur la piste à cette heure-ci (10 heures)’.

Selon le rapport du cabinet Eurisk mandaté par la SEM des Sept Laux, les chutes de neige avaient été absentes sur le domaine skiable du 15 janvier 2011 au 15 février 2011. La neige était donc une neige dure.

Cependant, il n’est pas établi que la dureté de la neige serait à l’origine de l’accident, et en particulier de la chute de Mme [N] dans un ravin.

Il n’est pas davantage démontré que le déficit en enneigement aurait joué un rôle causal dans l’accident dont a été victime Mme [N].

Par suite, il est établi que l’association GUC Grenoble ski a manqué à son obligation de sécurité à l’égard de Mme [G] [N], en ce qu’ayant connaissance de la dangerosité du lieu de l’accident, elle n’a pas tenu compte de cela pour la réalisation du tracé du slalom, ni procédé ou fait procéder à l’installation de filets, ni renoncé à la tenue de l’entraînement, ni attiré l’attention de son adhérente sur ce danger.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a reconnu la responsabilité de l’association GUC Grenoble ski dans l’accident dont a été victime Mme [G] [N].

2. Sur l’action en garantie de l’association GUC Grenoble ski à l’encontre de la SEM des Sept Laux

Moyens des parties

L’association GUC Grenoble ski et son assureur, la SAS AWP France SAS, soutiennent à titre subsidiaire que c’est bien la personne morale qui s’est vue confier par la commune des Adrets l’aménagement et l’exploitation des pistes de ski qui doit veiller à ce que celle-ci ne comportent pas en leur sein de dangers excesifs au sens de la norme, c’est à dire des dangers contre lesquels les skieurs ne seraient pas en mesure de se prémunir eux-mêmes par leur propre prudence. La piste du [13] n’était pas fermée, ce qui ne mettait pas fin à son obligation de contrôle de protection et de surveillance.

La SEM des Sept Laux soutient qu’elle n’est pas responsable dans la survenance de l’accident dont a été victime Mme [N] en ce qu’il n’est pas rapporté la preuve d’un manquement de l’exploitant à son obligation de sécurité de moyen, dès lors que la piste était fermée au public. Elle soutient qu’il existe un transfert des obligations s’agissant du dispositif de sécurité en application des articles 4 et 5 de l’arrêté municipal. Seule l’association GUC Grenoble ski se devait de tout mettre en oeuvre pour assurer la sécurité de ses adhérents. Elle rappelle que la piste a été homologuée par la fédération française de ski. Elle fait valoir qu’il n’est pas rapporté la preuve de ce que l’association GUC Grenoble ski aurait demandé une sécurisation de la zone de l’accident.

Réponse de la cour

Selon l’article 1147 du code civil, devenu l’article 1231-1, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L’exploitant d’une piste de ski est tenu d’une obligation de sécurité de moyen à l’égard des pratiquants (Civ. 1ère, 5 juillet 2017, n° 16-20.363).

Un arrêté municipal du maire de la commune des Adrets en date du 13 décembre 2010 dispose en son article 4 in fine:

« Les entraînements et compétitions sur les pistes de ski ouvertes au public sont interdites. De manière dérogatoire, et à titre exceptionnel, le service des pistes peut autoriser de telles activités à condition qu’un dispositif de sécurité approprié soit mis en place par l’organisateur de ces activités ».

L’article 5 de cet arrêté précise :

« Le service de la sécurité des pistes assure l’ouverture, le contrôle et la fermeture quotidienne des pistes aux pratiquants.

Le contrôle de pistes de ski alpin a pour objet de vérifier, avant et pendant l’ouverture aux pratiquants, qu’elles peuvent être ouvertes ou maintenues ouvertes, et notamment :

qu’elles ne présentent pas, sur leur parcours, de danger d’un caractère anormal ou excessif ;

que les dispositifs de balisage, de signalisation, d’information et de protection sont mis en oeuvre ;

que les secours y sont assurés.

Les pistes sont fermées en fin d’exploitation journalière, après vérification par tous moyens appropriés qu’aucun pratiquant ne s’y trouve, blessé ou en difficulté. En cours d’exploitation, les pistes doivent être ferémes à partir du moment où leur contrôle montrerait que la sécurité des pratiquants n’y est plus assurée ; cette fermeture sera alors matérialisée par un dispositif adapté.

Dès lors qu’elles sont déclarées fermées, les pistes ne sont plus contrôlées, ni protégées ni surveillées ».

L’article 6 de cette arrêté ajoute :

« Les dangers de caractère normal sont signalés par un ou plusieurs jalons de signalisation de danger reliés entre eux ou pas et, si nécessaire, par un filet. Des danger répétitifs de cette nature sur une piste peuvent être signalés aux pratiquants par un panneau d’affichage approprié, installé avant l’entrée de la piste, notamment en cas de faible enneigement ».

Il est constant d’une part que la commune des Adrets a délégué l’exploitation et la gestion du domaine skiable à la SEM des Sept Laux, et d’autre part qu’au moment de l’accident, la piste était fermée aux autres usagers du domaine skiable pour n’être réservée qu’aux seuls membres de l’association GUC Grenoble ski et du CO 7 Laux.

Il n’existe pas de convention écrite fixant les droits et obligations de chacune des parties. Néanmoins, en dépit de l’absence d’explications des parties sur ce point, la SEM des Sept Laux et l’association GUC Grenoble ski sont nécessairement liées par un contrat consistant en la mise à disposition de la piste contre rémunération.

Contrairement à ce qu’a jugé la juridiction de première instance, il ne peut être considéré que sur le temps des entraînements comme des compétitions le club

est seul responsable, pour les activités sportives qu’il organise, de la sécurité sur la piste mise à sa disposition et fermée au public.

En effet, comme l’indique l’arrêté municipal susvisé, la piste du [13] n’était pas fermée pour un motif qui ne permettait plus d’assurer la sécurité des pratiquants (par exemple un défaut d’enneigement).

Elle était donc ouverte, même de manière restrictive, ce qui implique que la SEM des Sept Laux demeurait responsable de la sécurisation de la piste.

Alors que la dangerosité de la piste avait été identifiée sur les lieux de l’accident, conformément à l’article 6 de l’arrêté susvisé, il appartenait à la SEM des Sept Laux a tout le moins d’indiquer la présence d’un danger, voire d’assurer la pose de filets de sécurité qui auraient pu limiter le dommage subi par Mme [G] [N] lors de sa sortie de piste.

Par suite, la SEM des Sept Laux doit sa garantie à l’association GUC Grenoble ski pour les condamnations mises à la charge de cette dernière pour l’indemnisation de Mme [N].

Eu égard à la gravité de la faute commise par la SEM des Sept Laux et au cumul des fautes commises par l’association GUC Grenoble ski, il convient de dire que chacue d’elles est responsable de 50 % du dommage subi par Mme [N].

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef et la SEM des Sept Laux sera condamnée à relever et garantir l’association GUC Grenoble ski à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à son encontre.

3. Sur l’évaluation des préjudices subis par Mme [N]

Les postes contestés par les parties concernent les préjudices suivants :

– l’assistance tierce personne temporaire ;

– le préjudice universitaire ;

– l’incidence professionnelle ;

– le déficit fonctionnel temporaire ;

– les souffrances endurées ;

– le déficit fonctionnel permanent ;

– le préjudice esthétique permanent ;

– le préjudice d’agrément.

a) sur l’assistance par tierce personne temporaire

Moyens des parties

Mme [G] [N] sollicite l’évaluation de ce poste de préjudice à la somme de 4 000 euros sur la base d’un coût horaire de 20 euros.

L’association GUC Grenoble ski et son assureur offrent la somme de 2 574 euros sur base d’un coût horaire de 13 euros aux motifs que l’aide humaine apportée à Mme [N] n’était pas spécialisée.

La SEM des Sept Laux offre la somme de 3 600 euros sur la base d’un coût horaire de 16 euros.

Réponse de la cour

Les parties ne contestent pas le besoin en aide humaine de Mme [N] tel qu’évalué par l’expert à deux heures par jour du 2 septembre 2011 au 1er décembre 2011 (91 jours) puis à deux heures par semaine du 2 décembre 2011 au 6 février 2012 (66 jours).

L’indemnisation de ce poste de préjudice ne saurait être réduite en cas d’assistance familiale ou bénévole (Civ. 2ème, 17 décembre 2020, n° 19-15.969).

Sur la base d’un taux horaire de 20 euros, le préjudice subi par Mme [N] peut être fixé à la somme de 4 017,14 euros [(91 x 2 x 20) + (66/7 x 2 x 20)].

L’évaluation demandée par Mme [N] à la somme de 4 000 euros doit donc être retenue.

b) sur l’incidence professionnelle

Moyens des parties

Mme [G] [N] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a fixé ce poste de préjudice à la somme de 60 000 euros. Elle souligne le fait que l’accident a augmenté la pénibilité de son emploi et qu’elle doit avoir recours à des aménagements. Elle estime être dans l’incapacité de travailler à temps plein et aura du mal à trouver un autre poste de travail.

L’association GUC Grenoble ski et son assureur proposent la somme de 20 000 euros aux motifs que Mme [N] ne verse aucune pièce à l’appui de ses allégations et que l’expert n’a retenu aucune incidence professionnelle à l’exception d’une certaine pénibilité et d’une fatigabilité.

La SEM des Sept Laux offre la somme de 20 000 euros aux motifs que compte tenu de l’accident le poste de travail de Mme [N] doit nécessairement être adapté.

Réponse de la cour

Cette incidence professionnelle à caractère définitif a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques dudommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raisonde sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore dupréjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Il ressort du rapport d’expertise, non contesté sur ce point par les parties, que Mme [N], âgée de 25 ans au jour de la consolidation de ses blessures et désormais de 33 ans, subit un fatigabilité accrue du fait de son handicap et doit bénéficier d’aménagements.

Par ailleurs, elle subit nécessairement une dépréciation sur le marché du travail compte-tenu de son impossibilité d’exercer un métier comportant des contraintes physiques.

C’est donc par une juste appréciation que la juridiction de première instance a fait droit à la demande de la victime de fixer ce poste à la somme de 60 000 euros.

Comme l’a relevé la juridiction de première instance, la caisse primaire d’assurance-maladie n’a servi aucune prestation à ce titre et il ne ressort pas des pièces versées aux débats que la mutuelle de la victime lui verserait une prestation d’invalidité, qui est la seule susceptible d’être imputée sur ce poste de préjudice en vertu de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

c) sur le préjudice universitaire

Moyens des parties

Mme [G] [N] sollicite la somme de 7 000 euros de ce chef aux motifs qu’elle a dû interrompre son année universitaire l’année de l’accident et n’a repris les cours qu’en octobre 2011 en aménageant ses horaires.

L’association GUC Grenoble ski et son assureur concluent au débouté et soutiennent que Mme [N] reconnaît n’avoir subi aucun retard dans son parcours universitaire, ni aucune réorientation. Les efforts dont elle fait état sont d’ores et déjà intégré dans le déficit fonctionnel temporaire.

La SEM des Sept Laux conclut au débouté et soutient que Mme [N] a pu valider son année de STAPS et réussi une première année de Master mais ne justifie pas de ce qu’elle a dû accepter un Master 2 à [Localité 12] en raison de ses séquelles.

Réponse de la cour

Le préjudice scolaire ou universitaire indemnise la perte d’années d’études scolaires, universitaires ou de formation, consécutive à la survenance du dommage. Ce poste de préjudice intègre, en outre, le retard scolaire subi, mais aussi une possible modification d’orientation.

Au moment de l’accident, Mme [G] [N] était étudiante en 3ème année STAPS. Elle a interrompu son année universitaire pour ne reprendre les cours qu’en octobre 2011. Elle a poursuivi son cursus jusqu’au Master 2.

Si Mme [N] a réussi ses examens, les conditions de déroulement de la suite de ses études jusqu’à son retour en cours en octobre 2011 sont constitutives d’un préjudice, non indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire, en ce qu’elle a subi une pénibilité dans la poursuite de ses études.

En revanche, Mme [N] ne rapporte pas la preuve de ce que son handicap est en lien avec la nécessité pour elle de poursuivre un Master 2 à [Localité 12].

C’est donc par une juste appréciation que la juridiction de première instance a évalué ce poste de préjudice à la somme de 4 000 euros.

d) sur le déficit fonctionnel temporaire

Moyens des parties

Mme [G] [N] sollicite la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 15 440 euros.

L’association GUC Grenoble ski et son assureur demandent la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a fixé ce poste de préjudice à la somme de 10 282,50 euros.

La SEM des Sept Laux offre la somme de 9 938,75 euros aux motifs que Mme [N] n’a pas été hospitalisée pendant toute la période de déficit fonctionnel temporaire retenue par l’expert.

Réponse de la cour

Ce poste de préjudice indemnise l’incapacité subie par la victime pendant toute la durée de la maladie traumatique, c’est-à-dire depuis le fait dommageable jusqu’à la date de la consolidation. Il correspond, outre la période d’hospitalisation, à ‘la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante’ (séparation de l’environnement familial et amical, privation des activités tant professionnelles que de loisirs, privation des activités en famille, préjudice sexuel).

L’expert a retenu les périodes de déficit fonctionnel temporaire suivantes :

– total du 12 février 2011 au 1er septembre 2011 (202 jours), correspondant aux différentes périodes d’hospitalisation, soit au CHU, soit en centre de rééducation ;

– partiel (à 50 % selon l’estimation du besoin en tierce personne) du 2 septembre 2011 au 1er décembre 2011 (91 jours) ;

– partiel à 30 % du 2 décembre 2011 au 6 février 2012 (67 jours) ;

– dégressif jusqu’à la consolidation fixée au 1er février 2016 (1455 jours).

Il est objectivé une période de déficit fonctionnel temporaire total dès lors qu’elle correspond non seulement à l’hospitalisation de la victime mais également à des périodes où elle se trouvait en centre de rééducation.

Sur la dernière période retenue par l’expert, le déficit fonctionnel temporaire partiel subi par Mme [N] peut être évalué à 25 % compte tenu de ce qu’il a ensuite été retenu un déficit fonctionnel permanent de 20 %.

Par suite, sur la base des périodes retenues par l’expert, il convient d’évaluer le préjudice subi par Mme [N] à la somme totale de 15 783,75 euros [(202 x 25) + (91 x 25 x 0,5) + (67 x 25 x 0,3) + (1455 x 25 x 0,25)].

Aussi convient-il de faire droit à la demande de Mme [N] tendant à fixer ce poste de préjudice à la somme de 15 440 euros.

e) sur les souffrances endurées

Moyens des parties

Mme [G] [N] sollicite la confirmation du jugement déféré qui a fixé ce poste de préjudice à la somme de 30 000 euros, pour tenir compte de la grande souffrance psychologique qu’a entraîné l’accident et sa prise en charge.

L’association GUC Grenoble ski et son assureur demandent la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 20 000 euros pour réduire l’évaluation de ce poste de préjudice à de plus justes proportions.

La SEM des Sept Laux offre la somme de 25 000 euros, la somme allouée par le tribunal lui paraissant excessive.

Réponse de la cour

L’expert a évalué ce poste de préjudice à 5,5 sur une échelle de 7.

Eu égard à la nature des blessures présentées par Mme [N] ensuite de l’accident et des souffrances physiques et psychologiques qu’elles ont engendré, c’est par une juste appréciation que la juridiction de première instance a évalué ce poste de préjudice à la somme de 30 000 euros.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré de ce chef.

f) sur le déficit fonctionnel permanent

Moyens des parties

Mme [G] [N] sollicite la fixation de ce poste de préjudice à la somme de 51 800 euros pour tenir compte de la persistance de douleurs physiques et psychologiques.

L’association GUC Grenoble ski et son assureur offrent la somme de 40 000 euros.

La SEM des Sept Laux s’en rapporte à la décision de la cour.

Réponse de la cour

Le déficit fonctionnel permanent subi par Mme [N] a été évalué à 20 % par l’expert pour prendre en compte ‘à la fois les déficits fonctionnels permanents liés à toutes les conséquences ostéoarticulaires présentées par Mme [N] aussi bien au niveau des ceintures scapulaires, de l’ensemble du rachis et du reste du squelette et également les troubles cognitifs évoqués’.

L’évaluation de ce poste de préjudice à la somme de 51 800 euros apparaît de nature à assurer une réparation intégrale du préjudice subi par Mme [G] [N] en regard de son âge au jour de la consolidation de ses blessures.

g) sur le préjudice esthétique permanent

Moyens des parties

Mme [G] [N] sollicite la somme de 3 000 euros à ce titre en indiquant que le tribunal a omis de statuer sur cette demande qui n’est pas reprise dans le dispositif.

L’association GUC Grenoble ski et son assureur demandent la confirmation du jugement déféré de ce chef.

La SEM des Sept Laux offre la somme de 2 500 euros aux motifs que l’évaluation de ce poste par la juridiction de première instance serait excessive.

Réponse de la cour

L’évaluation de ce poste de préjudice à la somme de 3 000 euros apparaît de nature à assurer une réparation intégrale du préjudice subi par Mme [G] [N] en regard de la persistance d’une cicatrice sur le visage chez une jeune femme de 25 ans au jour de la consolidation de ses blessures.

Ainsi que l’a relevé Mme [G] [N], la juridiction de première instance a répondu à cette demande dans les motifs de sa décision mais a omis de mentionner ce poste de préjudice dans le dispositif fixant les différents postes et de l’additionner aux autres postes pour déterminer les sommes dues à Mme [N].

Il convient donc de compléter le jugement déféré sur ce point.

h) sur le préjudice d’agrément

Moyens des parties

Mme [G] [N] sollicite la somme de 30 000 euros à ce titre aux motifs qu’elle a dû arrêter brutalement sa carrière d’athlète de haut niveau.

L’association GUC Grenoble et son assureur demandent à la cour de rejeter la demande ou à tout le moins de la ramener à la somme de 5 000 euros dès lors que Mme [N] ne justifie pas de ses affirmations et notamment du fait qu’elle appartenait à l’équipe de France d’athlétisme pour la saison 2010-2011.

La SEM des Sept Laux conclut au débouté aux motifs que Mme [N] ne verse aux débats aucun élément permettant de justifier d’une carrière à haut niveau.

Réponse de la cour

Ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Ce poste de préjudice doit être apprécié in concreto en tenant compte de tous les paramètres individuels de la victime (âge, niveau, etc.).

La Cour de cassation exige que la spécificité de l’activité régulière de loisir ou sportive soit démontrée (Civ. 2ème, 27 avril 2017, n° 16-13.340 ; 3 juin 2021, n° 20-13.574), mais admet l’existence de ce préjudice en cas de limitation de l’activité concernée (Civ. 2ème, 29 mars 2018, n° 17-14.499) ou lorsqu’une gêne psychologique empêche la pratique d’une activité (Civ. 2ème, 5 juillet 2018, n° 16-21.776).

Comme l’a relevé la juridiction de première instance, Mme [G] [N] démontre qu’elle figurait parmi les meilleures perchistes de sa catégorie d’âge et qu’à ce titre elle était inscrite sur les listes des sportifs de haut niveau de la fédération française d’athlétisme, mais aussi qu’elle ne limitait pas sa pratique sportive à l’athlétisme.

En regard de l’état séquellaire de Mme [N], elle n’est pas en mesure de reprendre le saut à la perche et est limitée dans sa pratique d’autres sports en raison des douleurs qu’elle ressent à cette occasion.

C’est donc par une juste appréciation que la juridiction de première instance a évalué ce poste de préjudice à la somme de 30 000 euros après avoir considéré que le préjudice d’agrément était majeur en regard du statut de sportive de haut niveau de la victime et de son âge au jour de la consolidation de ses blessures.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré de ce chef.

4. Sur l’indemnisation due à Mme [N]

Compte tenu de ce qui précède, le préjudice corporel de Mme [G] [N] doit être fixé comme suit :

Postes de préjudice

Evaluation

Indemnité due à la victime

Indemnité due à la CPAM

Dépenses de santé actuelles

69 066,91 euros

0

69 066,91 euros

Frais divers

1 517,80 euros

1 517,80 euros

0

Assistance par tierce personne temporaire

4 000 euros

4 000 euros

0

Incidence professionnelle

60 000 euros

60 000 euros

0

Préjudice universitaire

4 000 euros

4 000 euros

0

Déficit fonctionnel temporaire

15 440 euros

15 440 euros

Souffrances endurées

30 000 euros

30 000 euros

Déficit fonctionnel permanent

51 800 euros

51 800 euros

Préjudice esthétique permanent

3 000 euros

3 000 euros

Préjudice d’agrément

30 000 euros

30 000 euros

Total

199 757,80 euros

69 066,91 euros

Il convient donc de condamner solidairement l’association GUC Grenoble ski et son assureur à verser à Mme [G] [N] la somme de 199 757,80 euros à titre d’indemnisation de son préjudice corporel, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, avec capitalisation des intérêts par année entière comme demandé.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– jugé l’association GUC Grenoble ski seule et entièrement responsable de l’accident dont Mme [G] [N] a été victime le 12 février 2011 ;

– fixé l’assistance par tierce personne temporaire à la somme de 3 380,62 euros ;

– fixé le déficit fonctionnel temporaire à la somme de 10 282,50 euros ;

– condamné en conséquence l’association GUC Grenoble ski et son assureur la société AWP P&C à payer à Mme [G] [N] la somme de 190 980,92 euros en indemnisation de son préjudice ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare l’association GUC Grenoble ski et la SEM des Sept-Laux responsables du préjudice subi par Mme [G] [N] ensuite de l’accident survenu le 12 février 2011 ;

Fixe l’indemnisation due à Mme [G] [N] au titre de l’assistance par tierce personne temporaire à la somme de 4 000 euros ;

Fixe l’indemnisation due à Mme [G] [N] au titre du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 15 440 euros ;

Fixe l’indemnisation due à Mme [G] [N] au titre du préjudice esthétique permanent à la somme de 3 000 euros ;

Condamne solidairement l’association GUC Grenoble ski et la SAS AWP France à verser à Mme [G] [N] la somme de 199 757,80 euros à titre d’indemnisation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

Condamne la SEM des Sept-Laux à relever et garantir l’assocation GUC Grenoble ski à hauteur de 50 % de toute condamnation prononcée à son encontre ;

Condamne in solidum l’association GUC Grenoble ski et la SAS AWP France à verser à Mme [G] [N] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne in solidum l’association GUC Grenoble ski et la SAS AWP France à verser à la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Isère la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne in solidum l’association GUC Grenoble ski et la SAS AWP aux dépens de l’instance d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE

Accident de ski – Hors-piste de proximité – Obligation de sécurisation de l’exploitant (non)

Cour d’appel de Montpellier
7 mai 2024

RG n° 21/04488

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/04488 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PCRA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 JUILLET 2021

Tribuanl Judiciaire de PERPIGNAN

N° RG 19/01726

APPELANTS :

EPIC [Localité 5] Etablissement Public Industriel et Commercial, représenté par son représentant en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Stéphanie BAUDOT, avocat au barreau d’ALBERTVILLE, avocat plaidant

Compagnie d’Assurance ALLIANZ IARD représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Stéphanie BAUDOT, avocat au barreau d’ALBERTVILLE, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [T] [B]

né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DÔME prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexia ROLAND de la SCP VPNG, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Laurie MARTI, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 21 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

Faits, Procédure et Prétentions des parties

Le 25 février 2018, vers 16h, M. [T] [B] a été victime d’une chute à ski sur la piste de classée verte et intitulée ‘solarium’ entre les balises 16 et 17 sur le domaine skiable d’une station dont la gestion a été confiée à l’EPIC [Localité 5]. Sa chute, qui l’a entraîné dans une excavation, lui a occasionné des blessures notamment une fracture luxation de la hanche gauche, une luxation de l’épaule gauche, un traumatisme au niveau de la face et une thrombose consécutive aux blessures. Il a fait l’objet d’un arrêt de travail du 28 février au 11 octobre 2018, date à laquelle il a repris une activité mi-temps thérapeutique.

Par acte du 22 mai 2019, il a assigné l’EPIC [Localité 5] et la compagnie Allianz Iard devant le tribunal de grande instance de Perpignan.

Le 18 novembre 2019, son assignation a été dénoncée à la Réunion des Assureurs maladie.

Une jonction a été ordonnée le 12 mars 2020

La CPAM du Puy de Dôme est intervenue volontairement à la procédure au lieu et place de la Réunion des assureurs maladie.

Par jugement du 5 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Perpignan a accueilli la CPAM du Puy de Dôme dans son intervention volontaire, jugé l’EPIC [Localité 5] responsable pour manquement à son obligation de sécurité de moyens des conséquences dommageables de l’accident de ski survenu le 25 février 2018 au préjudice de M. [B], jugé que ce dernier n’a commis aucune faute de nature à réduire ou exclure son droit à indemnisation, que la Compagnie d’assurance Allianz Iard doit sa garantie et a condamné en conséquence solidairement l’EPIC [Localité 5] et la Compagnie d’assurance Allianz Iard à indemniser M. [B] de son entier préjudice, et par jugement avant dire droit a ordonné une expertise confié au docteur [R] [J] et a condamné solidairement l’EPIC [Localité 5] et la Compagnie d’assurance Allianz Iard à payer M. [B] la somme de 20 000euros à titre de provision et la CPAM du Puy de Dôme la somme de 14 760,02euros à valoir sur le remboursement définitif de sa créance.

La juridiction a retenu sur le fondement de la responsabilité contractuelle des exploitants de la station de ski que nonobstant la signalisation dont était pourvue la piste verte à savoir des jalons jaunes et noirs espacés conformément aux normes Afnor applicables et l’absence de faute d’entretien des pistes, l’existence d’une excavation de 3 mètres de profondeur située à proximité d’une piste constitue un danger qui présente un caractère anormal ou excessif, que si la présence de relief en montagne ne peut permettre d’engager la responsabilité des exploitants, tel n’est pas le cas d’une excavation qui se situe à quelques mètres d’une piste verte privilégiée par les débutants incapables de maîtriser leur trajectoire, que l’exploitant doit prendre à leur égard des précautions particulières, qu’en l’espèce la présence de la cavité n’était nullement soulignée alors que ce relief n’était pas visible du fait de l’enneigement et de sa situation dans la partie ombragée de la piste et qu’aucune protection de type filet de protection n’existait pour empêcher la chute dans l’excavation.

La juridiction a également estimé qu’aucune faute ne peut être reprochée à M. [B].

Le 12 juillet 2021, l’EPIC et la compagnie Allianz Iard ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 19 février 2024, ils demandent à la cour de :

Dire recevable et bien fondé l’appel relevé par l’EPIC [Localité 5] et la Compagnie d’assurance ALLIANZ,

Vu l’article 1231-1 du code civil,

Infirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu la responsabilité de l’EPIC [Localité 5],

Statuant à nouveau, juger l’absence de manquement de l’exploitant du domaine skiable à son obligation de sécurité de moyens, la victime restant responsable du choix de sa course.

Débouter Monsieur [B] de sa demande de provision et de sa demande d’expertise judiciaire.

A titre subsidiaire,

Juger que la victime est responsable de son préjudice,

En conséquence, juger que Monsieur [B] est responsable à hauteur de 70% de son préjudice et laisser à sa charge 70% des causes du sinistre,

Condamner Monsieur [B] à payer à l’EPIC Porte Puy Morens et à la Compagnie ALLIANZ la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC

Ils exposent que l’obligation de sécurité des exploitants d’une station de ski alpin est nécessairement une obligation de moyens dans la mesure où le skieur joue un rôle actif par son comportement, que l’exploitant est tenu d’assurer la sécurité des skieurs mais sans décharger pour autant le skieur, utilisateur de la piste, qui se livre à une activité sportive à risques nécessitant de la prudence indispensable pour lui permettre de se prémunir des dangers subsistants, inhérents à cette activité, qu’il ne peut être exigé de l’exploitant du domaine skiable dont il assure l’exploitation, d’avoir cette même responsabilité en dehors des pistes et de baliser ou signaler absolument tous les obstacles et dangers éventuels du milieu naturel, que ce principe s’applique avec d’autant plus de rigueur que l’accident s’est déroulé en dehors de la piste balisée, que Monsieur [B] ne fait aucune démonstration d’une faute de l’EPIC [Localité 5] dans l’exécution de ses obligations, et qu’au contraire, le Tribunal Judiciaire de PERPIGNAN a bien relevé tous les éléments qui confirment que l’exploitant du domaine skiable n’a commis aucune faute puisqu’il fait état de la mise en place du balisage conforme à la norme, qu’il n’existe aucun danger de caractère anormal ou excessif sur la partie « piste » aménagée clairement délimitée que le jour des faits les gendarmes spécialisés ont constaté la présence de disquettes orange pour indiquer le côté droit de la piste dans le sens de la descente et deux jalons jaunes et noirs afin de signaler un danger en dehors de la piste et entre chaque jalon vert, 5 jalons jaunes et noirs, afin de signaler la cassure en dehors de la piste, comme l’impose la norme AFNOR S52102, que sur les photos prises au moment du secours, la présence de jalons jaune et noir est parfaitement visible, que de surcroît, le bord de la piste est situé à plusieurs mètres de l’excavation de sorte qu’aucun danger immédiat ne menace à priori un skieur normalement diligent et soucieux de sa vitesse, que la planche photographique figurant à l’enquête pénale, vient établir que cette cassure se trouve très largement en dehors de la piste balisée et sécurisée, que la fiche de secours de Monsieur [B] précise que son secours a été effectué entre les balises 16 et 17 de la piste « Solarium », en zone éloignée, que l’exploitant n’a pas l’obligation de protéger les obstacles naturels situés en dehors de la piste, qu’il est matériellement impossible pour un exploitant de mettre en place une barrière continue le long de la piste, car il existe forcément, en dehors de la piste elle-même, des obstacles naturels qu’il n’existe aucune obligation à la charge du service des pistes de supprimer les excavations en dehors de la piste dont il a la charge, pas davantage d’enserrer chaque piste de filets.

Ils soutiennent qu’en sa qualité de skieur, Monsieur [B] garde un rôle actif quant au choix de la trajectoire adoptée (virages serrés en bord de piste), et qu’il lui appartient d’adopter un comportement prudent et diligent.

Par conclusions déposées le 17 juin 2022, M. [T] [B] demande à la cour :

Confirmer entrepris et de

-Juger que la responsabilité de l’accident de ski survenu le 25 février 2018 dont a été victime M. [T] [B] est imputable à l’exploitant du domaine skiable en l’occurence l’EPIC [Localité 5]

– débouter l’exploitant et son assureur la compagnie d’assurance Allianz Iard de leurs demandes exposées en cause d’appel,

– les débouter de leurs demandes subsidiaires s’agissant d’un partage de responsabilité avec une responsabilité imputée à 70% à la victime en l’occurence M. [T] [B] dans l’accident qui s’est produit le 25 février 2018,

En conséquence :

Juger que l’EPIC [Localité 5] et son assureur la compagnie Allianz IARD sont tenus solidairement à la réparation intégrale de l’entier préjudice subi par M. [T] [B] du fait de l’accident du 25 février 2018

Confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur la demande d’expertise et de provisions et a désigné lé docteur [J] [R] en qualité d’expert avec pour mission de déterminer l’étendue de l’entier préjudice corporel subi par la victime

condamner solidairement l’EPIC [Localité 5] et son assureur la compagnie Allianz IARD à payer à la victime la somme de 20 000euros à titre de provision et 5 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que lors de sa chute il a basculé dans une excavation non signalée et non protégée qui se trouvait à proximité directe de la piste, qu’aucune signalisation entre les balises 16 et 17 n’avertissait les skieurs de cette anfractuosité, que la réalité de l’accident est établie par l’attestation de M. [K], seul témoin direct de la chute, par les photographies prises à cette occasion.

Il indique que la responsabilité de l’exploitant, qui n’a pas mis en place une signalisation idoine pour informer de la dangerosité des lieux doit être retenue, et ce d’autant qu’aucun système de sécurité n’a été posé pour empêcher toute chute éventuelle, qu’il ne pouvait ni avoir conscience ni être protégé du fait du défaut de sécurisation, que l’accident s’est bien produit sur les pistes et non hors pistes, qu’aucun élément ne permet d’affirmer que M. [B] effectuait du ski hors piste, que les déclarations de M. [V] en ce sens ne sont que des suppositions, que la présence d’une cavité de 3m en bordure d’une piste verte présente un danger anormal et excessif, que selon la norme AFNOR, une piste de ski est un parcours protégé des dangers anormaux et excessifs, que tel n’a pas été le cas en l’espèce, que le procès verbal des services de gendarmerie a été établi plusieurs jours après les faits et qu’ils n’ont interrogé que les préposés de l’exploitant et non pas la victime ou le témoin direct des faits, qu’en l’espèce, M. [B] évoluait sur le domaine skiable et non pas en dehors, de sorte qu’il devait être protégé des obstacles qui se trouvent à proximité immédiate de la piste comme l’était l’excavation, ainsi que l’établissent les clichés photographiques, qu’il incombait à l’exploitant de mettre en oeuvre une protection pour cet obstacle situé à proximité de la piste, que la fiche des pisteurs établie lors de l’accident mentionne bien que les faits se sont produits sur la piste, de sorte que la question sur l’éloignement de la cavité est sans intérêt puisqu’il est acquis que M. [B] skiait sur la piste lors de l’accident et qu’il a basculé dans la cavité, démontrant sa présence non loin de la piste.

Par conclusions du 28 décembre 2021, la CPAM demande à la cour de confirmer le jugement de première instance et de condamner les appelantes à lui verser la somme de 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2024.

Motifs

Il n’est pas contesté par les parties que M. [B] ayant acquis un forfait le jour des faits, un lien contractuel existant entre lui et l’EPIC et que la responsabilité de ce dernier repose sur un fondement contractuel.

La responsabilité de l’exploitant d’un domaine skiable est une obligation de sécurité de moyen eu égard au rôle actif tenu par le skieur et à la nécessaire prise de risque inhérente à la pratique du ski. Il appartient à la juridiction de rechercher, pour retenir l’éventuelle responsabilité de l’exploitant, s’il a pris les mesures de sécurité utiles pour limiter les risques de chute ou de blessures.

En l’espèce, il convient de relever, ainsi que l’a fait le juge de première instance, que la piste dite solarium était pourvue d’une signalisation adéquate, ainsi que le relève le peloton de gendarmerie arrivé sur les lieux de l’accident, qui note la présence de jalons de la couleur de la piste et ponctuellement de jalons jaune et noir afin de signaler le danger à savoir une cassure de neige de 3 mètres environ en contrebas de la piste entre les jalons 16 et 17, démontrant la mise en place d’une signalisation adaptée au danger et suffisante en période de bonne visibilité puisqu’il résulte du même rapport que les conditions météorologiques étaient bonnes, la neige de bonne qualité et la visibilité excellente. Ce document établi par les services de gendarmerie contredit les affirmations de M. [B] sur l’absence de signalisation idoine sur la piste verte, de même que les photographies prises le jour du secours qui permettent de justifier la présence visible des dits jalons.

M. [K], seul témoin direct des faits, affirme que M. [B], qui effectuait juste avant la chute des petits virages serrés sur le bord droit de la piste, a brusquement perdu le contrôle de ses skis et a chuté. Il résulte de ce témoignage qu’aucun obstacle n’était présent sur la piste qui ne présente aucun danger à l’origine de la chute de M. [B] et que seul son manque de prudence et d’expérience l’a empêché de rester maître de ses skis et d’en conserver le contrôle.

M. [B], qui n’impute nullement sa chute à la présence d’un obstacle sur la piste, critique la configuration de la piste et soutient que la présence, rendue invisible par l’enneigement, de cette excavation en bordure de la piste verte, démunie de filet de protection, constitue un manquement avéré à l’obligation de sécurité de l’EPIC qui n’aurait pas suffisamment signalé le danger et protégé les skieurs.

M. [K] qualifie le positionnement de l’excavation de ‘au bord de la piste’. Toutefois, la photographie n°4, produite par M. [B], laisse apparaître la trace du passage de skieurs entre la piste verte et l’excavation démontrant au contraire qu’une distance certaine les séparent. Cette image est confirmée par celle n°4 prise par les services de gendarmerie à l’examen de laquelle un constat similaire peut être fait, qui est corroboré par la fiche d’intervention établie au moment de l’accident par les services de secours qui notent une intervention réalisée en ‘zone éloignée’.

Or, aucune réglementation n’impose à l’exploitant d’une station de ski de sécuriser les obstacles situés hors de la piste, par l’installation de dispositifs de protection. L’excavation naturelle située à plusieurs mètres de la piste, peu pentue et sans difficulté particulière s’agissant d’une piste verte, ne revêt pas de caractère anormal ou excessif, d’autant que ce type de phénomène naturel se modifie au gré des chutes de neige et des vents. L’accident dû à un défaut de maîtrise du skieur ne peut engager la responsabilité de l’exploitant nonobstant les dangers naturels situés à l’extérieur de la piste alors qu’il appartient au skieur d’adapter sa vitesse et son comportement à ses capacités personnelles et à la configuration des lieux pour s’assurer de sa propre sécurité.

Dès lors en l’absence de preuve d’une faute de l’exploitant du domaine skiable, sa responsabilité ne peut être engagée et la demande d’indemnisation doit être rejetée.

L’équité ne commande nullement de faire application des dispositions d l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs la cour statuant par arrêt contradictoire :

Infirme le jugement rendu le 5 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Perpignan sauf en ce qu’il a accueilli la CPAM du Puy de Dôme en son intervention volontaire,

Statuant à nouveau :

Déboute M. [B] [T] de ses demandes,

Déboute la CPAM et L’EPIC [Localité 5] de leur demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] [B] aux entiers dépens y compris ceux de première instance.

Le Greffier La Présidente