CAA de BORDEAUX
N° 12BX02086
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre (formation à 3)
M. CHEMIN, président
Mme Florence REY-GABRIAC, rapporteur
M. BENTOLILA, rapporteur public
SCP NOYER – CAZCARRA, avocat
lecture du lundi 1 février 2016
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête du 2 août 2010, la commune de Vignec a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune d’Aragnouet à lui payer la somme de 4 260 000 euros en conséquence de la résiliation par cette dernière d’une convention du 25 août 1970 portant cession de parcelles de son domaine privé.
Par un jugement n° 1001412 du 29 juin 2012 le tribunal administratif de Pau a ordonné une expertise en vue de déterminer le montant du rachat, par la commune d’Aragnouet, de la rente foncière dont était bénéficiaire la commune de Vignec en application de la convention du 25 août 1970 modifiée.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2012, et des mémoires enregistrés les 29 avril et 27 mai 2013 la commune d’Aragnouet, représentée par MeA…, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1001412 du 29 juin 2012 ;
2°) à titre reconventionnel, de condamner la commune de Vignec à lui verser la somme de 515 469 euros ;
3°) de condamner la commune de Vignec à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code civil ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Antoine Bec, président-assesseur,
– les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,
– les observations de MeA…, représentant la Commune d’Aragnouet.
Considérant ce qui suit :
1. En vue de la création d’une station de ski, la commune d’Aragnouet a suscité une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique de terrains appartenant en indivision aux domaines privés des communes de Vignec et de Cadeilhan-Tachères.
L’arrêté portant déclaration d’utilité publique est intervenu le 26 septembre 1969. N’étant pas en mesure de régler immédiatement les indemnités d’expropriation, la commune d’Aragnouet a passé le 25 août 1970 avec la commune de Vignec une convention, modifiée par avenant approuvé le 19 avril 1973, aux termes de laquelle la commune de Vignec cédait à la commune d’Aragnouet ses parts dans l’indivision, moyennant le versement annuel d’une somme de 3 000 francs représentant le montant des impôts fonciers restant dûs par la commune de Vignec au titre des terrains dont elle restait propriétaire.
La convention prévoyait également, sans limite de durée, la préservation de droits de pacage dont les éleveurs de bétail de la commune de Vignec disposaient sur les parcelles du domaine privé ainsi cédées, ainsi que l’égalité avec les habitants d’Aragnouet dans l’accès aux remontées mécaniques et l’exploitation des installations commerciales de la station.
Elle prévoyait enfin le versement annuel par la commune d’Aragnouet à la commune de Vignec, d’une redevance annuelle égale à 3 % du montant des recettes brutes des remontées mécaniques, en contrepartie de l’utilisation hivernale du domaine skiable.
Postérieurement, par deux ordonnances des 21 septembre 1970 et 16 février 1972, le juge de l’expropriation a prononcé l’expropriation des parcelles visées par les arrêtés de cessibilité des 4 juin 1970 et 18 septembre 1971.
Cette convention a été résiliée par la commune d’Aragnouet à compter du 31 décembre 2007.
2. Par une requête du 2 août 2010, la commune de Vignec a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune d’Aragnouet à lui payer la somme de 4 260 000 euros en conséquence de la résiliation de la convention du 25 août 1970 modifiée.
Par un jugement avant dire droit du 29 juin 2012, le tribunal administratif a considéré que la résiliation de la convention du 25 août 1970 modifiée obligeait la commune d’Aragnouet à racheter à la commune de Vignec la rente foncière que constituerait le versement d’une fraction du montant annuel des recettes des remontées mécaniques, et a ordonné une expertise afin de déterminer le montant du rachat de cette rente foncière.
3. La commune d’Aragnouet fait appel de ce jugement en tant qu’il l’a condamnée à racheter cette rente foncière, et présente des conclusions reconventionnelles tendant à ce que la commune de Vignec soit condamnée à lui reverser la somme de 515 469 euros correspondant à la rente indûment versée de 2000 à 2003.
Par la voie de l’appel incident, la commune de Vignec demande à la cour de condamner la commune d’Aragnouet à lui verser la somme de 4 260 000 euros au titre du rachat de sa rente foncière.
4. Aux termes de l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, » lorsqu’une juridiction est saisie d’un litige qui présente à juger, soit sur l’action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n’est susceptible d’aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence. La juridiction saisie transmet sa décision et les mémoires ou conclusions des parties au Tribunal des conflits. L’instance est suspendue jusqu’à la décision du Tribunal des conflits. »
5. La convention du 25 août 1970 porte sur la cession amiable de parcelles du domaine privé postérieurement à l’intervention d’une déclaration d’utilité publique ; en application de l’article L 12-2 du code de l’expropriation, elle emporte les mêmes effets que l’ordonnance d’expropriation. Le refus de la commune d’Aragnouet de poursuivre le paiement à la commune de Vignec d’une fraction des recettes des remontées mécaniques de la station de Piau-Engaly constitue donc l’inexécution de la convention de cession amiable passée dans le cadre de la procédure d’expropriation.
6. Le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges relatifs à l’indemnisation de la dépossession intervenue dans le cadre de la procédure d’expropriation, que ce soit par l’effet de l’ordonnance d’expropriation ou d’un accord amiable, lorsque cet accord amiable n’a donné naissance qu’à des rapports de droit privé.
7. La convention du 25 août 1970, passée entre deux collectivités publiques, porte sur la consistance de leur domaine privé, et comporte des clauses qui préservent au profit de la commune de Vignec divers droits d’usage sur les terrains vendus, dont, implicitement, celui de l’usage hivernal des zones skiables, qu’elle rétrocède à la commune d’Aragnouet moyennant la perception d’une redevance égale à 3 % du montant des recettes brutes des remontées mécaniques.
8. La question de savoir si ce contrat revêt un caractère administratif et, dans ce cas, quel est l’ordre de juridiction appelé à connaître d’un litige relatif à l’indemnisation de la dépossession intervenue dans le cadre d’une procédure d’expropriation, soulève une difficulté sérieuse mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction.
9. Dans ces conditions, il convient, par application des dispositions précitées de l’article 35 du décret du 27 février 2015, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée, et de surseoir à toute procédure jusqu’à la décision de ce tribunal.
DECIDE :
Article 1er : L’affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la commune d’Aragnouet jusqu’à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l’ordre de juridiction compétent pour statuer sur cette requête.
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N° 12BX02086
Analyse
Abstrats : 17-03-02-03-02-01 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Contrats. Contrats administratifs. Contrats conclus entre personnes publiques.