Tous les articles par Philippe Yolka

Un cadeau (de Noël) empoisonné : la légalisation du transport motorisé de clients vers les restaurants d’altitude

LOI n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives (JORF n°0295 du 21 décembre 2014 page 21647)

Article 22
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 362-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, le convoyage par ces engins de la clientèle vers les établissements touristiques d’altitude offrant un service de restauration est autorisé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 362-5, le mot : « dernier » est remplacé par le mot : « troisième ».

Restaurant dans une gare de télécabine/ Bail commercial illégal (conditions d’indemnisation)/ Pas de fonds de commerce avant la loi Pinel

Conseil d’État

N° 352402
ECLI:FR:CESSR:2014:352402.20141124
Publié au recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
Mme Esther de Moustier, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP SPINOSI, SUREAU, avocats

lecture du lundi 24 novembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 6 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, dont le siège est 117, place du Prarion, aux Houches (74310) ; la société demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler les articles 2, 3 et 4 de l’arrêt n° 10LY02748-10LY02749 du 7 juillet 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, réformant le jugement n° 093555 du 20 octobre 2010 du tribunal administratif de Grenoble, d’une part, a ramené de 377 578 euros à 363 000 euros la somme qu’elle a été condamnée, par ce jugement, à verser à la société Champenoise en réparation des préjudices que cette société a subis du fait de la destruction du local qu’elle occupait dans la gare aval de la télécabine des Houches-Prarion en exécution d’un contrat de bail dont le tribunal a constaté la nullité, d’autre part, a rejeté le surplus de ses conclusions dirigées contre ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel et de rejeter l’appel incident formé par la société Champenoise ;

3°) de mettre à la charge de la société Champenoise la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Esther de Moustier, Auditeur,

– les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Champenoise ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Le Refuge a conclu le 17 janvier 1994 un  » bail commercial  » avec la société du Télécabine des Houches-Prarion (THP), alors concessionnaire du service public des remontées mécaniques sur les communes des Houches et de Saint-Gervais, en vue de l’exploitation d’un restaurant dans des locaux de la gare aval de la télécabine des Houches-Prarion, elle-même incluse dans le périmètre de la concession de service public ; que, le 24 décembre 2001, la société Champenoise a acquis, en vue de l’exploitation du restaurant, un  » fonds de commerce  » auprès de la société Le Refuge, comprenant notamment le droit au bail précité ; que ce bail a été renouvelé pour une durée de neuf ans le 31 décembre 2002 par la société THP ; que, cependant, en juin 2006, la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais (LH-SG), qui avait succédé à la société THP et qui devait procéder au remplacement de la télécabine et à la destruction de la gare, a mis fin sans indemnité aux activités de la société Champenoise ; que, par un jugement du 20 octobre 2010, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la société LH-SG à verser à la société Champenoise une indemnité de 377 578 euros en réparation du préjudice subi ; que la société LH-SG se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 7 juillet 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon l’a condamnée à indemniser la société Champenoise à hauteur de 363 000 euros ; que la société Champenoise demande, par la voie du pourvoi incident, l’annulation du même arrêt en tant qu’il a écarté certains chefs de préjudice dont elle demandait l’indemnisation ;

Sur le pourvoi principal de la société LH-SG :

2. Considérant qu’ en raison du caractère précaire et personnel des titres d’occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d’un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public ; que, lorsque l’autorité gestionnaire du domaine public conclut un  » bail commercial  » pour l’exploitation d’un bien sur le domaine public ou laisse croire à l’exploitant de ce bien qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité ; que cet exploitant peut alors prétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, à être indemnisé de l’ensemble des dépenses dont il justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant en erreur sur l’étendue de ses droits ;

3. Considérant que si, en outre, l’autorité gestionnaire du domaine met fin avant son terme au bail commercial illégalement conclu en l’absence de toute faute de l’exploitant, celui-ci doit être regardé, pour l’indemnisation des préjudices qu’il invoque, comme ayant été titulaire d’un contrat portant autorisation d’occupation du domaine public pour la durée du bail conclu ; qu’il est à ce titre en principe en droit, sous réserve qu’il n’en résulte aucune double indemnisation, d’obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliation unilatérale d’une telle convention avant son terme, tel que la perte des bénéfices découlant d’une occupation conforme aux exigences de la protection du domaine public et des dépenses exposées pour l’occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation ;

4. Considérant, en revanche, qu’eu égard au caractère révocable et personnel, déjà rappelé, d’une autorisation d’occupation du domaine public, celle-ci ne peut donner lieu à la constitution d’un fonds de commerce dont l’occupant serait propriétaire ; que si la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a introduit dans le code général de la propriété des personnes publiques un article L. 2124-32-1, aux termes duquel  » Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre « , ces dispositions ne sont, dès lors que la loi n’en a pas disposé autrement, applicables qu’aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de son entrée en vigueur ; que, par suite, l’exploitant qui occupe le domaine public ou doit être regardé comme l’occupant en vertu d’un titre délivré avant cette date, qui n’a jamais été légalement propriétaire d’un fonds de commerce, ne peut prétendre à l’indemnisation de la perte d’un tel fonds ;

5. Considérant qu’il ressort des termes de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel de Lyon a relevé que la société Champenoise avait acquis auprès de la société Le Refuge un  » fonds de commerce « , comprenant notamment un droit à un  » bail commercial « , pour un montant de 137 000 euros, et qu’en  » l’agréant  » en qualité de cessionnaire de ce  » fonds « , l’autorité gestionnaire du domaine public l’avait induite en erreur sur l’existence d’un bail commercial et avait ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que la société Champenoise ne puisse être regardée comme ayant elle-même commis une faute ; que, pour déterminer les conditions dans lesquelles la société Champenoise pouvait prétendre être indemnisée des conséquences préjudiciables de la faute commise par le gestionnaire du domaine, elle a jugé qu’il y avait lieu de considérer que, dans l’hypothèse où le gestionnaire du domaine ne l’aurait pas induite en erreur, elle aurait acquis pour 137 000 euros un fonds de commerce qu’elle aurait été susceptible de revendre à la date de la rupture de ses relations avec le gestionnaire du domaine, pour un montant qu’elle a évalué à 500 000 euros ; qu’elle a dès lors fixé à 363 000 euros le montant de l’indemnité à laquelle pouvait prétendre la société Champenoise, en jugeant que le préjudice patrimonial correspondant à la perte d’un élément d’actif était le seul préjudice indemnisable ; qu’en statuant ainsi, la cour administrative d’appel de Lyon, qui a méconnu les conditions d’indemnisation définies aux points 2 et 3 ci-dessus, a commis une erreur de droit ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi principal, la société LH-SG est fondée à demander l’annulation des articles 2, 3 et 4 de l’arrêt attaqué ;

Sur le pourvoi incident de la société Champenoise :

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les articles 2, 3 et 4 de l’arrêt attaqué sont annulés ; que, par suite, les conclusions du pourvoi incident de la société Champenoise, dirigées contre ces mêmes articles, sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 de l’arrêt du 7 juillet 2011 de la cour administrative d’appel de Lyon sont annulés.

Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais et à la société Champenoise.

« Piste de fait ». Partage de responsabilité commune/ victime

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 13LY03383
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre – formation à 3
M. WYSS, président
Mme Aline SAMSON DYE, rapporteur
M. DURSAPT, rapporteur public
SCP LACHAT MOURONVALLE GOUROUNIAN, avocat

lecture du jeudi 13 novembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

(…)

1. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune d’Huez à verser au père, à la mère et à la soeur de MarieE…, décédée le 22 février 2009 à la suite d’un accident de ski, la somme de 10 000 euros chacun, après avoir relevé que la commune avait commis une faute dans l’exercice de son pouvoir de police en s’abstenant de signaler le talweg au fond duquel la victime a chuté, mais que cette dernière avait également commis une faute, responsable pour moitié des conséquences dommageables de l’accident ; que, par deux requêtes distinctes, M. et Mme E…et leur fille et la commune d’Huez relèvent appel de ce jugement ; que, ces requêtes ayant fait l’objet d’une instruction commune et présentant à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la faute de la commune :

2. Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la police municipale a pour objet, notamment, de prévenir par des précautions convenables les accidents et qu’il appartient au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir ;

3. Considérant qu’il n’est pas contesté, et qu’il résulte d’ailleurs de l’instruction, que si le lieu où est survenu l’accident dont a été victime Marie E…n’est pas une piste du domaine skiable, il est situé sur un itinéraire habituellement emprunté des skieurs, non loin d’une aire de pique-nique aménagée ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la victime est décédée d’une chute sur un rocher situé au fond du talweg du Rif Brillant ; que le talus présentait, au lieu de l’accident, une profondeur de trois mètres et une largeur de deux mètres ; qu’il était, en raison de la différence d’altitude entre ses deux rives et de l’épaisseur du manteau neigeux, difficilement décelable depuis la table de pique-nique d’où provenait la victime ; qu’alors même que ce talweg était précédé d’une pente douce, le danger présenté par cet obstacle excédait, compte tenu de sa nature et de sa faible visibilité, les dangers contre lesquels les intéressés doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir ; que, par suite, la commune d’Huez n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont estimé qu’elle avait commis une faute, eu égard au danger exceptionnel créé par ce talweg, en s’abstenant de prendre les dispositions convenables pour assurer la sécurité des skieurs, notamment par une signalisation appropriée ;

Sur la faute de la victime :

5. Considérant que la circonstance que la commune avait commis une carence dans l’exercice de son pouvoir de police n’était pas de nature à dispenser les skieurs de l’obligation d’évoluer avec prudence, avec les précautions rendues nécessaires par l’évolution en dehors des limites des pistes, et de s’adapter notamment aux conditions météorologiques ; qu’il résulte de l’instruction, et en particulier des déclarations effectuées par les personnes qui accompagnaient la victime, que ces derniers avaient choisi, en quittant l’aire de pique-nique, de regagner la piste, en raison de la faible expérience qu’ils avaient chacun de leur matériel de ski respectif, alors que la victime a choisi d’adopter un autre itinéraire ; qu’il ressort également de ces déclarations que la neige n’était pas damée sur l’itinéraire emprunté par l’intéressée ; que, dans ces conditions, il ne peut être sérieusement contesté que la victime a nécessairement dû avoir conscience qu’elle empruntait un passage hors piste, nonobstant les lacunes alléguées du balisage des pistes ; que, par ailleurs, les conditions météorologiques, caractérisées par une mauvaise visibilité due à un phénomène dit de  » jour blanc « , appelaient à une prudence renforcée pour emprunter ce type d’itinéraire, alors même que ni la commune, ni son concessionnaire n’avaient émis de recommandations particulières ; que, dès lors, et sans qu’ils puissent utilement se prévaloir de ce que le rapport d’accident réalisé par les services de secours ne faisait état d’aucune faute caractérisée, M. et Mme E…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont retenu l’existence d’une faute de la victime ;

6. Considérant que si la commune fait par ailleurs état d’une vitesse inappropriée de la part de la victime, l’existence d’une vitesse excessive ne résulte pas de l’instruction ; qu’il ne résulte pas davantage de l’instruction que les conditions dans lesquelles a chuté Marie E… révèleraient une faute de sa part dans le positionnement adopté ; qu’enfin, la circonstance qu’elle ne portait pas de casque n’est pas de nature à justifier, dans les circonstances de l’espèce, que la part de responsabilité de la commune soit jugée inférieure aux 50 % fixés, par une exacte appréciation, par les premiers juges ;

Sur l’évaluation du préjudice :

7. Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que les premiers juges auraient accordé une indemnisation excessive, en accordant à chacun des père, mère et soeur de la victime une somme de 10 000 euros, en réparation du préjudice moral causé par le décès de la victime ; qu’ainsi, la commune, qui se borne à soutenir que l’indemnisation accordée excède les montants octroyés au regard de la jurisprudence, n’est pas fondée à contester le montant de la condamnation prononcée par le Tribunal ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais exposés à l’occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune d’Huez doivent, dès lors, être rejetées ;

9. Considérant, en second lieu, qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par M. et MmeE… ;
DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B…E…et de Mlle C…E…est rejetée.
Article 2 : La requête de la commune d’Huez est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B…E…, à Mlle C…E…et à la commune d’Huez.
Délibéré après l’audience du 23 octobre 2014, où siégeaient :
– M. Wyss, président de chambre,
– M. Mesmin d’Estienne, président-assesseur,
– Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2014.
 »
 »
 »
 »
N° 13LY03383 – 13LY03384
N° 13LY03383 – 13LY03384

Expulsion du commerçant occupant une ancienne gare de téléphérique non déclassée. Compétence du juge administratif

Conseil d’État

N° 366276
ECLI:FR:CESSR:2014:366276.20141119
Inédit au recueil Lebon
8ème et 3ème sous-sections réunies
Mme Esther de Moustier, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP BOULLEZ, avocats

lecture du mercredi 19 novembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 21 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la régie municipale « Espaces Cauterets », dont le siège est Place Foch, à Cauterets (65110) ; elle demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’article 3 de l’arrêt n° 11BX03303 du 20 décembre 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux, statuant sur sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 0901585 du 11 octobre 2011 du tribunal administratif de Pau rejetant sa demande d’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane des locaux qu’elle occupe dans le bâtiment accueillant l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys sur le territoire de la commune de Cauterets et de condamnation de cette société à démonter la cabane aménagée sur la terrasse de ce bâtiment, après avoir enjoint à la société de libérer la terrasse sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt, a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de mettre à la charge de la société Hôtelière Bigourdane une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Esther de Moustier, auditeur,

– les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Hôtelière Bigourdane ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en vertu de conventions renouvelées de 1965 à 2005, la société Hôtelière Bigourdane a exploité un bar-restaurant à l’intérieur du bâtiment de la gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys, désormais désaffectée, sur le territoire de la commune de Cauterets ; qu’à l’expiration de la dernière convention signée le 16 mai 2001, la société, estimant être titulaire d’un bail commercial, a refusé de signer la convention d’occupation du domaine public qui lui était proposée ; qu’en décembre 2007, la commune de Cauterets a mis la société en demeure de libérer les lieux et qu’en décembre 2008, la régie municipale  » Espaces Cauterets « , à laquelle la commune avait confié la gestion et l’exploitation de l’ensemble des équipements du domaine skiable du Lys, l’a également mise en demeure de supprimer la cabane de restauration rapide aménagée sur la terrasse devant le restaurant ; que, par un arrêt du 20 décembre 2012, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, d’une part, confirmant sur ce point le jugement du 11 octobre 2011 du tribunal administratif de Pau, rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître la demande de la régie municipale  » Espaces Cauterets  » tendant à ce que l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane du bar-restaurant qu’elle exploite soit ordonnée, d’autre part, fait droit à sa demande tendant à ce que cette société soit condamnée à démonter la cabane qu’elle avait aménagée sur la terrasse de la gare ; que la régie municipale  » Espaces Cauterets  » se pourvoit en cassation contre l’article 3 de cet arrêt qui a rejeté ses conclusions tendant à ce que l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane du bar-restaurant qu’elle exploite soit ordonnée ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui réitère en le codifiant l’état du droit antérieurement applicable :  » Un bien d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1, qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement  » ; qu’ainsi, lorsqu’un bien appartenant à une personne publique a été incorporé dans son domaine public, il ne cesse d’appartenir à ce domaine que du fait d’une décision expresse de déclassement ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les locaux exploités par la société Hôtelière Bigourdane se situent dans l’enceinte d’un ensemble immobilier accueillant l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys ainsi que les locaux des services techniques et des services de secours ; que cet ensemble immobilier a été affecté au service public des remontées mécaniques et spécialement aménagé à cet effet ; que, dans ces conditions, la cour administrative d’appel de Bordeaux, qui a relevé que  » l’acte de classement dans le domaine public de l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique n’a pas été rapporté  » ne pouvait, sans erreur de droit, juger que les locaux exploités par la société Hôtelière Bigourdane dans l’enceinte de cet ensemble immobilier ne faisaient pas partie du domaine public géré par la régie municipale  » Espaces Cauterets  » ; que son arrêt doit par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé en tant qu’il rejette la demande de la régie municipale  » Espaces Cauterets  » tendant à ce que soit ordonnée l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane du bar-restaurant qu’elle exploite dans l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

4. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure, l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que, par une délibération du 14 novembre 2011, confirmée par une délibération du 13 novembre 2012, le conseil d’administration de la régie municipale  » Espace Cauterets  » a, conformément à l’article 21 des statuts, autorisé son directeur à faire appel du jugement du 11 octobre 2011 du tribunal administratif de Pau ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Hôtelière Bigourdane, tirée de ce que la demande d’appel de la régie n’aurait pas été présentée par une personne légalement habilitée à le faire, ne peut qu’être rejetée ;

6. Considérant, d’autre part, que, ainsi qu’il a été dit, l’ensemble immobilier accueillant l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys a été affecté au service public des remontées mécaniques et a fait l’objet d’un aménagement spécial ; que tous les locaux compris dans l’enceinte de cet ensemble immobilier, éléments d’une organisation d’ensemble contribuant à l’utilité générale de cet équipement, ont été incorporés dans le domaine public dont la régie municipale  » Espace Cauterets  » est le gestionnaire ; qu’en l’absence de tout acte de déclassement, il en est encore ainsi à la date de la présente décision ; qu’ainsi, il appartient à la juridiction administrative de connaître de la demande tendant à l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane des locaux qu’elle occupe sans droit ni titre au sein du bâtiment abritant l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys ; que la régie municipale  » Espaces Cauterets  » est dès lors fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau s’est déclaré incompétent pour statuer sur sa demande tendant à ce que soit ordonnée l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane de ces locaux ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu’il statue sur ces conclusions ;

7. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer dans cette limite et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la régie municipale  » Espaces Cauterets  » devant le tribunal administratif de Pau ;

8. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que, par une délibération du 18 juin 2009, le conseil d’administration de la régie municipale  » Espaces Cauterets  » a donné pouvoir à son directeur pour poursuivre l’expulsion de la société Hôtelière Bigourdane devant la juridiction administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir, tirée de ce que la demande la régie municipale  » Espaces Cauterets  » n’aurait pas été présentée par une personne légalement habilitée à le faire, doit être rejetée ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que l’autorité propriétaire ou gestionnaire du domaine public est recevable à demander au juge administratif l’expulsion de l’occupant irrégulier de ce domaine ; que la régie municipale  » Espaces Cauterets  » a qualité pour demander à la juridiction administrative d’ordonner l’expulsion des occupants sans titre du domaine public dont elle est le gestionnaire ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu’il est constant que la société Hôtelière Bigourdane occupe les locaux du bar-restaurant qu’elle exploite, qui, ainsi qu’il a été dit, appartiennent au domaine public de la commune, sans droit ni titre depuis le 5 août 2005 ; que, dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de la régie municipale et d’enjoindre à la société Hôtelière Bigourdane de libérer sans délai les lieux qu’elle occupe sans droit ni titre et d’assortir cette injonction d’une astreinte de 100 euros par jour de retard si l’injonction n’a pas été exécutée dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que les conclusions présentées par la société Hôtelière Bigourdane tendant à l’indemnisation du préjudice résultant pour elle de l’impossibilité de poursuivre l’exploitation de son bar-restaurant sont en tout état de cause irrecevables, faute d’avoir fait l’objet d’une demande préalable auprès de l’autorité gestionnaire du domaine public ;

12. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Hôtelière Bigourdane la somme de 3 000 euros à verser à la régie municipale  » Espaces Cauterets « , au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la régie municipale  » Espace Cauterets  » qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : L’article 3 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 20 décembre 2012 et le jugement du tribunal administratif de Pau du 11 octobre 2011, en tant qu’il rejette la demande de la régie municipale  » Espace Cauterets  » tendant à ce que l’expulsion de la Société Hôtelière Bigourdane des locaux qu’elle occupe dans le bâtiment accueillant l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du Domaine du Lys soit ordonnée, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la société Hôtelière Bigourdane de libérer les locaux qu’elle exploite dans l’ancienne gare d’arrivée du téléphérique du domaine du Lys, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : La société Hôtelière Bigourdane versera à la régie municipale  » Espaces Cauterets  » une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions indemnitaires présentées par la société Hôtelière Bigourdane et les conclusions qu’elle présente au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la régie municipale  » Espaces Cauterets  » et à la société Hôtelière Bigourdane.

Confirmation de l’illégalité des circuits de motos-neige en espaces naturels

Conseil d’État

N° 365121
ECLI:FR:CESSR:2014:365121.20141105
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Charles Touboul, rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE, avocats

lecture du mercredi 5 novembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 janvier et 10 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la commune de Saint-Martin-de-Belleville, représentée par son maire ; la commune de Saint-Martin-de-Belleville demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 12LY00623 du 13 novembre 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, après avoir annulé pour irrégularité le jugement n° 0905540 du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2011, a annulé l’arrêté du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur du 14 octobre 2009 l’autorisant à créer une unité touristique nouvelle ayant pour objet l’aménagement sur les sites des Ménuires et de Val-Thorens de deux terrains pour l’utilisation de motos-neige à des fins de loisirs ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge des associations Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature – comité de la Savoie, dite FRAPNA Savoie, et Mountain Wilderness, demanderesses devant le tribunal administratif, le versement d’une somme de 1 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 91-2 du 3 janvier 1991;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Charles Touboul, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la commune de Saint-Martin-de-Belleville et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de l’association Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes protection nature – comité de la Savoie et de l’association Mountain Wilderness ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 14 octobre 2009, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet coordonnateur du massif des Alpes, a autorisé la création par la commune de Saint-Martin-de-Belleville (Savoie) d’une unité touristique nouvelle en vue de l’aménagement sur les sites des Ménuires et de Val-Thorens de  » deux terrains de sports ou loisirs motorisés  » ; que, à la demande de l’association Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature – comité de la Savoie, dite  » FRAPNA Savoie « , et de l’association Mountain Wilderness, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté par un jugement du 30 décembre 2011 ; que, saisie par la commune de Saint-Martin-de-Belleville, la cour administrative d’appel de Lyon a, par l’arrêt attaqué du 13 novembre 2012, annulé ce jugement pour irrégularité puis, évoquant la demande des associations, annulé l’arrêté préfectoral litigieux ;

Sur la régularité de l’arrêt attaqué :

2. Considérant que l’Etat n’a pas introduit d’appel contre le jugement mentionné ci-dessus du 30 décembre 2011, alors que, défendeur en première instance, il aurait été recevable à le faire ; que si la cour avait la faculté de le mettre en cause pour qu’il produise des observations sur l’appel formé par la commune, elle n’a, en s’abstenant de le faire, ni méconnu le caractère contradictoire de la procédure, ni porté atteinte aux droits de la défense ; que le moyen tiré de ce que, en l’absence d’une telle mise en cause, l’arrêt attaqué serait entaché d’irrégularité doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur le bien fondé de l’arrêt attaqué :

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 145-9 du code de l’urbanisme :  » Est considérée comme unité touristique nouvelle toute opération de développement touristique, en zone de montagne, ayant pour objet ou pour effet, en une ou plusieurs tranches (…) de réaliser des aménagements touristiques ne comprenant pas de surfaces de plancher dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat  » ; qu’aux termes de l’article R. 145-2 du même code :  » Sont soumises à autorisation du préfet coordonnateur de massif, en application du I de l’article L. 145-11, les unités touristiques nouvelles ayant pour objet : (…) 3° Lorsqu’ils sont soumis à étude d’impact en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement : (…) c) L’aménagement de terrains pour la pratique de sports ou de loisirs motorisés  » ; qu’en vertu des dispositions combinées des articles L. 122-1 et R. 122-8 du code de l’environnement, les projets visant à l’aménagement de  » terrains  » pour la pratique de sports ou loisirs motorisés d’une emprise totale supérieure à quatre hectares sont soumis à étude d’impact ; que de tels projets revêtent par suite, en zone de montagne, le caractère d’unités touristiques nouvelles devant faire l’objet d’une autorisation du préfet coordonnateur de massif ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 362-1 du code de l’environnement :  » En vue d’assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur  » ; qu’aux termes de l’article L. 362-3 du même code :  » L’ouverture de terrains pour la pratique de sports motorisés est soumise à l’autorisation prévue à l’article L. 421-2 du code de l’urbanisme./ (…) / L’utilisation, à des fins de loisirs, d’engins motorisés conçus pour la progression sur neige est interdite, sauf sur les terrains ouverts dans les conditions prévues au premier alinéa  » ; qu’aux termes de l’article L. 421-2 du code de l’urbanisme :  » Les travaux, installations et aménagements affectant l’utilisation des sols et figurant sur une liste arrêtée par décret en Conseil d’Etat doivent être précédés de la délivrance d’un permis d’aménager  » ; qu’aux termes de l’article R*. 421-19 du même code :  » Doivent être précédés d’un permis d’aménager : … g) l’aménagement d’un terrain pour la pratique des sports ou loisirs motorisés  » ;

5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels et portant modification du code des communes, de laquelle sont issues les dispositions ultérieurement codifiées aux articles L. 362-1 et L. 362-3 précités du code de l’environnement, que le législateur a entendu encadrer strictement les conditions dans lesquelles peut être autorisé l’aménagement en zone de montagne de  » terrains  » pour la pratique de sports ou de loisirs motorisés en vue de l’utilisation, à des fins de loisirs, d’engins conçus pour la progression sur neige ; qu’il a, en particulier, entendu empêcher la création d’itinéraires, mêmes balisés, lesquels ne peuvent être regardés comme des  » terrains  » au sens de la loi ;

6. Considérant que la cour a relevé que le projet d’unité touristique nouvelle litigieux consistait en des boucles de 9,5 et 8 kilomètres, autour d’espaces de 570 et 424 hectares, dans des zones demeurées essentiellement naturelles, empruntant des pistes situées sur le domaine skiable des Ménuires et de Val-Thorens ; qu’elle a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit ni dénaturer les faits qui lui étaient soumis, que ces circuits constituaient des itinéraires balisés et non des terrains et que le préfet coordonnateur de massif ne pouvait, dès lors, légalement autoriser une unité touristique nouvelle en application des dispositions précitées ; que son arrêt est suffisamment motivé sur ce point ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la commune de Saint-Martin-de-Belleville doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-de-Belleville, au titre des mêmes dispositions, une somme globale de 3 000 euros à verser à l’association Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature – comité de la Savoie et à l’association Mountain Wilderness ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de la commune de Saint-Martin-de-Belleville est rejeté.

Article 2 : La commune de Saint-Martin-de-Belleville versera à l’association Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature – comité de la Savoie, dite FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness la somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Martin-de-Belleville, à l’association Mouvement Homme et Nature – Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature – comité de la Savoie, dite FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness.
Copie en sera adressée, pour information, à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Convention de pâturage/ Candidat évincé/ Domaine privé/ Compétence judiciaire

 

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 13LY01991
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. MARTIN, président
Mme Catherine COURRET, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
SCP BODECHER-CORDEL-BETEMPS, avocat

lecture du mardi 21 octobre 2014

1. Considérant que la commune de Champagny-en-Vanoise relève appel du jugement du 28 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, à la demande du groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G…A…, a annulé la délibération du 15 mai 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune a autorisé le maire à signer, d’une part, avec le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais, représenté par Mme B…C…, une convention de pâturage limitée en durée à la saison d’été 2009 et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » dont les associés sont M. et MmeE…, une convention pluriannuelle de pâturage à partir du 1er janvier 2010 ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant que la contestation par une personne privée de l’acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu’en soit la forme, dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n’affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu’en revanche, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la contestation par l’intéressé de l’acte administratif par lequel une personne morale de droit public refuse d’engager avec lui une relation contractuelle ayant un tel objet ;

3. Considérant que la commune de Champagny-en-Vanoise est propriétaire de l’alpage de la Plagne d’une superficie totale de 779 ha 27 a sur lequel est implanté un chalet destiné à la fabrication du beaufort et au logement ; que la commune a lancé, en décembre 2008, une procédure d’adjudication afin de procéder au renouvellement de la convention pluriannuelle de location de l’alpage précédemment exploité par MmeC… ; qu’à la suite de cette procédure d’appel d’offres, du classement des candidats à l’adjudication et de leur demande d’autorisation d’exploiter l’alpage précité, le préfet de la Savoie, par deux arrêtés du 22 avril 2009 a accordé l’autorisation d’exploiter, d’une part, à MmeC…, M. D…et M. A…ayant vocation à créer le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais pour la prochaine période d’estive et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » à compter du 1er janvier 2010 ; que par une délibération du 15 mai 2009, le conseil municipal de la commune de Champagny-en-Vanoise, a autorisé le maire, conformément aux arrêtés préfectoraux précités, à signer, d’une part, avec le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme C… une convention de pâturage limitée à la durée de la saison d’été 2000 et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » une convention pluriannuelle de pâturage à partir du 1er janvier 2010 ; que, pour annuler ladite délibération, les premiers juges se sont prononcés sur la régularité de la convention de pâturage accordée au groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par MmeC…, autorisation temporaire pour la période d’estive 2009 ; que ces conventions, dont l’objet est la valorisation du domaine privé de la commune, qui n’affectent ni son périmètre ni sa consistance, ne mettent en cause que des rapports de droit privé ; que le présent litige relève à ce titre de la compétence du juge judiciaire ; qu’il y a lieu en conséquence d’annuler le jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant, toutefois, que le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par MmeC…, peut être regardé comme contestant, en sa qualité de concurrent évincé, le refus de la commune de lui attribuer une convention pluriannuelle sur des terres agricoles dont elle est propriétaire ;

5. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Dijon par le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G…A…et de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur leurs conclusions présentées en qualité de concurrent évincé ;

Sur la légalité de la délibération attaquée :

6. Considérant qu’eu égard à ce qui vient d’être dit, il y a lieu de rejeter les conclusions de cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur le refus de conclure une convention pluriannuelle de pâturage :

7. Considérant, en premier lieu, que la délibération litigieuse, en tant qu’elle a rejeté sa candidature, ne constitue pas le refus d’une autorisation ; que, par suite, le groupement pastoral ne peut utilement faire valoir qu’elle devait être motivée ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que la délibération attaquée qui autorise le maire à signer deux conventions relatives à l’exploitation de l’alpage communal ne respecterait pas la durée minimale des conventions pluriannuelles prévue par un arrêté préfectoral du 30 novembre 2007 est sans incidence sur le refus de conclure qui leur est opposé ;

9. Considérant, en troisième lieu, que le groupement pastoral, qui se borne à invoquer sa situation financière, n’apporte aucun élément de nature à établir que la commune aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en attribuant la convention pluriannuelle de pâturage à l’EARL  » Ferme aux Abondances  » ;

10. Considérant, enfin, que le moyen tiré de la rupture d’égalité de traitement des candidats n’est assorti d’aucun élément permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la collectivité, que la commune de Champagny-en-Vanoise est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a annulé sa délibération du 15 mai 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune a autorisé le maire à signer, d’une part, avec le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais, représenté par Mme B…C…, une convention de pâturage limitée en durée à la saison d’été 2009 et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » dont les associés sont M. et Mme E… une convention pluriannuelle de pâturage à partir du 1er janvier 2010 ;

12. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Champagny-en-Vanoise présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0903322 du tribunal administratif de Grenoble du 28 mai 2013 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G…A…en première instance et celles présentées en appel par commune de Champagny-en-Vanoise sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : La demande présentée en première instance par le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G… A…est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Champagny-en-Vanoise présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Champagny-en-Vanoise, au groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais, à Mme B…C…, à M. H… D…et à M. G… A….