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Servitude administrative grevant l’usage des chalets d’alpage et des bâtiments d’estive/ QPC/ Conformité à la Constitution

Conseil constitutionnel, décision n° 2016-540 QPC du 10 mai 2016

Société civile Groupement foncier rural Namin et Co

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL a été saisi le 12 février 2016 par le Conseil d’État (décision n° 394839 du 10 février 2016), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée pour la société civile Groupement foncier rural Namin et Co, par la SELARL Redlink, avocat au barreau de Paris. Cette question est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du second alinéa du paragraphe I de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-540 QPC.

Au vu des textes suivants :
la Constitution ;
l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
le code de l’urbanisme ;
la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat ;
le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
les observations présentées pour la société requérante par la SELARL Redlink, enregistrées les 7 et 22 mars 2016 ;
les observations présentées pour la commune des Fourgs, partie en défense, par Me Gregory Mollion, avocat au barreau de Grenoble, enregistrées le 7 mars 2016 ;
les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 7 mars 2016 ;
les observations en intervention présentées par l’association nationale des élus de la montagne, enregistrées le 29 février 2016 ;
les observations en intervention présentées par l’association France nature environnement, enregistrées le 7 mars 2016 ;
les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Alexandre Le Mière, avocat au barreau de Paris, pour la société requérante, Me Mollion, pour la partie en défense et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 19 avril 2016 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL s’est fondé sur ce qui suit :

  1. La société requérante a saisi le tribunal administratif d’un recours. Ce recours tend, d’une part, à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 6 mars 2015 par laquelle le maire de la commune des Fourgs a rejeté sa demande tendant à l’abrogation de l’arrêté du 5 mars 2004 instituant, sur la parcelle cadastrée ZE 27 dont elle est propriétaire dans cette commune, la servitude prévue au paragraphe I de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme. Ce recours tend, d’autre part, à l’abrogation de cet arrêté du 5 mars 2004. La question prioritaire de constitutionnalité devant être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l’occasion duquel elle a été posée, le Conseil constitutionnel est saisi du second alinéa du paragraphe I de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme dans sa rédaction résultant de la loi du 2 juillet 2003 mentionnée ci-dessus.
  2. Le second alinéa du paragraphe I de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme dans sa rédaction résultant de la loi du 2 juillet 2003 dispose : « Lorsque des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive, existants ou anciens, ne sont pas desservis par les voies et réseaux, ou lorsqu’ils sont desservis par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale, l’autorité compétente peut subordonner la réalisation des travaux faisant l’objet d’un permis de construire ou d’une déclaration de travaux à l’institution d’une servitude administrative, publiée au bureau des hypothèques, interdisant l’utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l’absence de réseaux. Lorsque le terrain n’est pas desservi par une voie carrossable, la servitude rappelle l’interdiction de circulation des véhicules à moteur édictée par l’article L. 362-1 du code de l’environnement ».
  3. La société requérante soutient qu’en permettant à l’autorité administrative d’instituer une servitude interdisant l’usage des chalets d’alpage et des bâtiments d’estive en période hivernale sans prévoir une indemnisation du propriétaire, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cette servitude, qui ne serait ni justifiée par un motif d’intérêt général ni proportionnée à l’objectif poursuivi et dont l’institution ne serait entourée d’aucune garantie procédurale, méconnaîtrait également les exigences de l’article 2 de la Déclaration de 1789. Il en résulterait enfin une atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques et à la liberté d’aller et de venir.

– SUR L’ATTEINTE AU DROIT DE PROPRIÉTÉ :

  1. La propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Selon son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». En l’absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.
  2. Les dispositions contestées permettent à l’autorité administrative de subordonner la délivrance d’un permis de construire ou l’absence d’opposition à une déclaration de travaux à l’institution d’une servitude interdisant ou limitant l’usage, en période hivernale, des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive non desservis par des voies et réseaux.
  3. D’une part, la servitude instituée en vertu des dispositions contestées n’entraîne pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 mais une limitation à l’exercice du droit de propriété.
  4. D’autre part, en permettant d’instituer une telle servitude, le législateur a voulu éviter que l’autorisation de réaliser des travaux sur des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive ait pour conséquence de faire peser de nouvelles obligations de desserte de ces bâtiments par les voies et réseaux. Il a également voulu garantir la sécurité des personnes en période hivernale. Ainsi le législateur a poursuivi un motif d’intérêt général.
  5. Le champ d’application des dispositions contestées est circonscrit aux seuls chalets d’alpage et bâtiments d’estive conçus à usage saisonnier et qui, soit ne sont pas desservis par des voies et réseaux, soit sont desservis par des voies et réseaux non utilisables en période hivernale. La servitude qu’elles prévoient ne peut être instituée qu’à l’occasion de la réalisation de travaux exigeant un permis de construire ou une déclaration de travaux. Elle s’applique uniquement pendant la période hivernale et ne peut excéder ce qui est nécessaire compte tenu de l’absence de voie ou de réseau.
  6. La décision d’établissement de la servitude, qui est subordonnée à la réalisation, par le propriétaire, de travaux exigeant un permis de construire ou une déclaration de travaux, est placée sous le contrôle du juge administratif. Le propriétaire du bien objet de la servitude dispose de la faculté, au regard des changements de circonstances, d’en demander l’abrogation à l’autorité administrative à tout moment.
  7. Il résulte des motifs exposés aux paragraphes 7 à 9 que les dispositions contestées ne portent pas au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 2 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté.

– SUR LES AUTRES GRIEFS :

  1. Le seul fait de permettre dans ces conditions l’institution d’une servitude ne crée aucune rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Les dispositions contestées, qui se bornent à apporter des restrictions à l’usage d’un chalet d’alpage ou d’un bâtiment d’estive, ne portent aucune atteinte à la liberté d’aller et de venir.
  2. De l’ensemble de ces motifs, il résulte que les dispositions du second alinéa du paragraphe I de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er.- Le second alinéa du paragraphe I de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme dans sa rédaction résultant de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat est conforme à la Constitution.

Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 mai 2016 où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Eoliennes en zone de montagne/ Dérogation au principe d’urbanisation en continuité

CAA de BORDEAUX

N° 14BX02096
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre (formation à trois)
Mme GIRAULT, président
M. Paul-André BRAUD, rapporteur
M. NORMAND, rapporteur public
CABINET MAILLOT AVOCATS ASSOCIES, avocat

lecture du jeudi 3 mars 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique, M. O…W…, Mme T…W…, M. R…J…, Mme Z…J…, M. I…A…, M. P…A…, Mme V…B…, Mme M…G…, Mme S…F…, M. E…U…, M. I…D…, Mme Y…D…, Mme AA…Q…, M. C…Q…, M. R…X…, M. K… X…et Mme H…D…ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler l’arrêté du 23 juin 2010 par lequel le préfet de l’Aveyron a accordé à la société par actions simplifiée (SAS) Centrale éolienne des Soutets le permis de construire six éoliennes et un poste électrique sur un terrain situé au lieu-dit Crassous à Saint-Affrique.

Après avoir ordonné, par un jugement avant-dire droit du 6 janvier 2014, une visite des lieux, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement n° 1004939 du 14 mai 2014, rejeté cette requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2014 et le 28 septembre 2015, l’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique, M. I…A…, M. P…A…, Mme S…F…, M. E…U…, Mme AA…Q…et M. C…Q…, représentés par MeL…, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 14 mai 2014;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet de l’Aveyron du 23 juin 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la SAS Centrale éolienne des Soutets la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de la santé publique ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Paul-André Braud,
– les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
– et les observations de Me Cuelo, avocat de l’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique, M. I… A…, M. P…A…, Mme S…F…, M. E…U…, Mme AA… Q…et M. C…Q…, et de MeN…, représentant la société Centrale éolienne des Soutets;

Considérant ce qui suit :

1. La préfète de l’Aveyron a, par un arrêté en date du 23 juin 2010, délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Centrale éolienne des Soutets, un permis de construire six éoliennes de cent-vingt-cinq mètres de hauteur et un poste électrique sur un terrain situé au lieu-dit  » Crassous  » sur le territoire de la commune de Saint-Affrique. A la suite du rejet de leurs recours gracieux, l’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique, M. O…W…, Mme T…W…, M. R…J…, Mme Z…J…, M. I…A…, M. P…A…, Mme V…B…, Mme M…G…, Mme S…F…, M. E…U…, M. I…D…, Mme Y…D…, Mme AA…Q…, M. C…Q…, M. R…X…, M. K…X…et Mme H…D…ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler cet arrêté. Après avoir ordonné une visite des lieux par un jugement avant-dire droit du 6 janvier 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur requête par un jugement en date du 14 mai 2014. L’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique, M. I…A…, M. P…A…, Mme S…F…, M. E… U…, Mme AA…Q…et M. C…Q…relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Par un mémoire enregistré le 8 janvier 2013, antérieurement à la clôture de l’instruction, les requérants ont invoqué le moyen tiré de la méconnaissance de l’article N.7 du règlement du plan local d’urbanisme de Saint-Affrique. Le tribunal administratif de Toulouse n’a pas répondu à ce moyen, qui n’était pas inopérant, et a ainsi entaché son jugement d’une omission à statuer. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen invoqué à ce titre, le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les requérants devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 122-3 du code de l’environnement dans sa rédaction alors en vigueur :  » I. – Le contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l’environnement. II. – L’étude d’impact présente successivement : (…) 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l’environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l’eau, l’air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l’hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique (…) « . Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.

4. Les requérants soutiennent que les développements de l’étude d’impact sur la présence de minioptères de Schreiber sont insuffisants au motif que les recherches effectuées n’ont pas permis de mettre en évidence la présence permanente de chiroptères. Toutefois, si un courrier du groupe Chiroptères de Midi-Pyrénées du 5 mai 2008 indique que  » l’éolienne 1 se situe encore dans un milieu susceptible d’être un habitat de chasse pour les chiroptères « , les requérants n’établissent néanmoins pas la présence permanente de chiroptères sur le site. Par ailleurs, l’étude d’impact se fonde sur ce point sur un prédiagnostic réalisé par la Ligue pour la Protection des Oiseaux de l’Aveyron, selon lequel aucune cavité naturelle n’a été trouvée sur le secteur et aucun indice de présence n’a été détecté dans la zone d’étude. Ce prédiagnostic a été complété par une étude pour laquelle ont été réalisées deux visites du terrain, une enquête orale, une consultation du groupe Chiroptères de Midi-Pyrénées et six séances d’écoutes à l’aide d’un détecteur à ultrason sur six points du secteur. Cette étude a permis de mettre en évidence la fréquentation du site par des minioptères de Schreiber, susceptible de s’expliquer par la migration de minioptères de la grotte du Boundoulaou vers des cavités situées dans l’Aude. Dans ces conditions, les requérants n’établissent pas que les développements de l’étude d’impact sur la présence des chiroptères seraient inexacts ou insuffisants.

5. L’étude acoustique, annexée à l’étude d’impact, a été réalisée à partir de mesures acoustiques effectuées en sept points correspondants aux secteurs habités les plus proches du projet, dont aucun ne se situe à moins de 800 mètres. Pour évaluer l’impact sonore à l’intérieur des habitations, le cabinet d’acoustique a procédé à une simulation de l’émergence spectrale à l’intérieur d’une pièce pour le voisinage le plus sensible, en l’occurrence, le secteur de Nougayrolles. Les requérants soutiennent, en invoquant les dispositions des articles R. 1334-32 et R. 1334-34 du code de la santé publique, qu’une telle simulation aurait également dû être réalisée pour le secteur de Crassous, où un risque de dépassement des émergences règlementaires a été identifié dans le cas d’un mode de fonctionnement débridé pour des vitesses de vent de 6 à 7 mètres par seconde. Toutefois, les dispositions de ces articles du code de la santé publique, qui définissent l’atteinte à la tranquillité publique ou à la santé publique en fonction de valeurs d’émergence spectrale des bruits engendrés par des « équipements d’activités professionnelles  » n’ont, par elles-mêmes, ni pour objet, ni pour effet de définir le contenu de l’étude d’impact imposée par le code de l’environnement dans le cadre d’un projet d’aménagement ou de construction. Dès lors, en réalisant une simulation des émergences spectrales à l’intérieur d’une habitation sur le seul secteur le plus proche du projet identifié comme potentiellement le plus  » pénalisant « , lesquelles ne révèlent d’ailleurs pas de méconnaissance des valeurs limites réglementaires, l’étude d’impact a suffisamment informé le public sur les effets sonores du projet.

6. Les requérants soutiennent enfin que les développements sur la covisibilité n’ont pas fourni une information sur les éoliennes visibles depuis le projet. L’étude d’impact, dans son paragraphe 4.6.4 précise qu’aucun parc éolien n’est construit dans un périmètre de 13 kilomètres autour du site et recense les parcs éoliens édifiés dans un périmètre de 20 kilomètres alentour. L’étude mentionne également les conditions de visibilité de ces parcs à partir du site du projet. A ce titre, les requérants ne peuvent utilement se plaindre du défaut de mention des projets de parc éolien pour lesquels une demande de permis de construire a été déposée. En outre le défaut de mention des parcs éoliens situés à une distance supérieure à 20 kilomètres ne saurait, eu égard à l’incidence visuelle minime, révéler un défaut d’information du public sur la covisibilité des parcs éoliens.

7. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que la préfète de l’Aveyron ne pouvait délivrer le permis de construire en litige sans s’assurer que les propriétaires concernés avaient accordé leur autorisation pour ce qui concerne les accès au site. Cependant le défaut d’autorisation de ces propriétaires est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité du permis de construire litigieux dans la mesure où ce dernier est délivré sous réserve du droit des tiers.

8. En troisième lieu, contrairement à ce que soutenaient les requérants devant le tribunal, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l’arrêté litigieux, que la préfète de l’Aveyron se soit crue liée par les conclusions du commissaire-enquêteur.

9. En quatrième lieu, aux termes de l’article R. 423-53 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d’un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l’autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l’autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d’urbanisme ou le document d’urbanisme en tenant lieu réglemente de façon particulière les conditions d’accès à ladite voie. « .

10. Si les requérants invoquent un défaut de consultation de l’autorité gestionnaire des routes départementales 50 et 250, ils se bornent à soutenir que le projet nécessite un certain nombre de modifications de ces voies pour permettre l’accès au site des convois chargés des éléments éoliens. Il ressort de l’étude d’impact, et notamment du paragraphe 2.6.3.2., que  » certains croisements  » entre les routes départementales 50 et 250 et la route communale de Crassous  » nécessiteront l’élargissement ou l’aménagement des carrefours « . Toutefois de tels travaux ne peuvent être analysés comme des créations ou modifications d’un accès à une voie publique au sens de l’article R. 423-53 du code de l’urbanisme. En tout état de cause, il n’est finalement pas contesté que le conseil général de l’Aveyron a été consulté et a rendu un avis favorable le 20 juillet 2007. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 423-53 du code de l’urbanisme ne peut qu’être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes du premier alinéa du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme :  » III.-Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. « . Ces dispositions régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l’application de la règle de constructibilité limitée, qu’elles soient ou non dotées d’un plan d’urbanisme. Elles permettent de déroger à la règle d’urbanisation en continuité pour les installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées.

12. Il n’est contesté ni que la commune de Saint-Affrique est classée en zone de montagne, ni que le projet n’est pas réalisé en continuité avec des bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. Toutefois, eu égard à son importance et à sa destination, le parc éolien en cause, qui constitue  » une installation ou un équipement public  » au sens de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, doit être regardé comme pouvant bénéficier de la dérogation prévue au premier alinéa de cet article. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du III de cet article doit être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. « .

14. S’agissant des nuisances sonores, l’étude acoustique montre que sur 112 cas étudiés, seuls 4 présentent un risque de dépassement des émergences réglementaires en mode de fonctionnement débridé. Les requérants reprochent à l’arrêté litigieux de ne pas prescrire un bridage des éoliennes de nature à faire obstacle à la réalisation de ce risque. Cependant il ressort de l’étude d’impact que le maître d’ouvrage a envisagé une mesure, rappelée dans le tableau 42 de l’étude d’impact, consistant dans la mise en place d’un plan de gestion basé sur le bridage des éoliennes, dont un exemple est détaillé au 4.3.1.5. de cette étude. Dès lors, eu égard au caractère limité du risque en cause et à la mesure annoncée par le maître d’ouvrage, la préfète de l’Aveyron a pu accorder le permis de construire litigieux sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation en se bornant à prescrire, s’agissant du bruit induit par le fonctionnement des machines, la réalisation d’un contrôle in situ en vue de s’assurer du respect de la règlementation en vigueur.

15. En septième lieu, aux termes de l’article R. 111-15 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le permis doit respecter les préoccupations d’environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement. Le projet peut n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l’environnement. « .

16. L’article 2 de l’arrêté litigieux prescrit la réalisation des mesures réductrices et/ou compensatoires annoncées dans l’étude d’impact ou figurant dans la fiche dédiée annexée à cet arrêté. S’agissant de la protection des chiroptères, une fois la construction édifiée, la fiche prescrit notamment la réalisation, pendant au moins trois ans, d’un suivi de la fréquentation du site par les chiroptères et de leur mortalité ainsi que l’installation de filets de protection avec des mailles faisant obstacle au passage de chiroptères au niveau des orifices de ventilation de la nacelle. L’étude d’impact annonce une mesure réductrice consistant en l’arrêt de nuit des éoliennes entre le 20 août et le 20 septembre, la période étant susceptible d’être revue chaque année, dans la limite de trente nuits par an, en fonction des observations émises par le Groupe Chiroptères Midi-Pyrénées. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte de la rédaction de l’arrêté litigieux que ces mesures doivent être regardées comme des prescriptions contraignant le pétitionnaire. En outre, en se bornant à soutenir que la période de migration des minioptères de Schreiber excède trente jours sans démontrer la présence de ces derniers sur le site du projet pendant une durée supérieure, les requérants n’établissent pas davantage que la préfète de l’Aveyron aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en n’assortissant pas le permis de construire contesté de prescriptions plus contraignantes pour protéger ces chiroptères.

17. En huitième lieu, aux termes de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales. « . Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l’autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l’assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l’existence d’une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l’article R. 111-21 cité ci-dessus.

18. Il ressort des pièces du dossier que le paysage vallonné qui entoure le plateau des Faydunes, lequel est sillonné par plusieurs sentiers de randonnée, présente un caractère naturel de qualité et de larges horizons dégageant des vues lointaines d’intérêt incontestable. Il ressort de l’étude d’impact et du procès-verbal de la visite des lieux effectuée par le tribunal que le terrain d’assiette du projet, lequel prévoit la construction de six éoliennes dont la hauteur en bout de pale est de 125 mètres et d’un poste électrique, est situé au sommet du plateau de Faydunes à une altitude comprise entre 650 et 700 mètres. Ce terrain est situé dans une  » zone à enjeux modérés à forts où l’éolien est compatible sous réserve de réaliser une étude approfondie  » selon la réflexion cadre pour un développement de l’énergie éolienne en Aveyron. En outre, si le projet se trouve en dehors d’un périmètre protégé au titre des monuments et des sites, il est visible, partiellement ou intégralement, depuis de nombreux sites et notamment le Pont-Vieux de Saint-Affrique, monument historique situé à 3 kilomètres, le rocher de Caylus sur lequel subsistent les ruines d’un vieux château, situé à 2 kilomètres, le dolmen de Tiergues, monument historique situé à 2,3 kilomètres disposant d’un panorama sur le haut plateau du Lévézou, la chapelle romane de Saint-Martin de Boussac, située à 1,6 kilomètres, et le début du plateau du Larzac, situé à plus de sept kilomètres. Toutefois eu égard à l’ampleur du projet, à son implantation en ligne arquée et aux éléments naturels qui dissimulent parfois partiellement la visibilité des machines, l’atteinte que ce parc éolien est susceptible de porter au paysage ou à l’environnement visuel, bien que réelle, demeure limitée. En outre, les requérants ne peuvent utilement invoquer à ce titre l’intérêt du site sur le plan avifaunistique. Dans ces conditions, l’appréciation à laquelle s’est livrée la préfète de l’Aveyron pour délivrer le permis de construire en litige ne procède d’aucune erreur manifeste d’appréciation sur ce point.

19. En neuvième lieu, aux termes de l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature, par sa localisation et ses caractéristiques, à compromettre la conservation ou la mise en valeur d’un site ou de vestiges archéologiques. « .

20. Les requérants soutiennent que le projet est de nature à compromettre la mise en valeur de sites archéologiques dès lors qu’il est situé à proximité de ces derniers et visible de la plupart d’entre eux. Toutefois, pour les motifs énoncés au point 18 la préfète de l’Aveyron a pu s’abstenir d’user de la faculté prévue par l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation.

21. En dixième lieu, aux termes de l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature, par sa localisation ou sa destination : a) A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés (…) « . Il résulte cependant de l’article R. 111-1 du même code que ces dispositions ne sont pas applicables sur le territoire des communes dotées d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan local d’urbanisme. La commune de Saint-Affrique étant dotée d’un plan local d’urbanisme, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme ne peut qu’être écarté comme étant inopérant.

22. En onzième lieu, aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Les zones naturelles et forestières sont dites « zones N ». Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l’existence d’une exploitation forestière, soit de leur caractère d’espaces naturels. En zone N peuvent être délimités des périmètres à l’intérieur desquels s’effectuent les transferts des possibilités de construire prévus à l’article L. 123-4. Les terrains présentant un intérêt pour le développement des exploitations agricoles et forestières sont exclus de la partie de ces périmètres qui bénéficie des transferts de coefficient d’occupation des sols. En dehors des périmètres définis à l’alinéa précédent, des constructions peuvent être autorisées dans des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, à la condition qu’elles ne portent atteinte ni à la préservation des sols agricoles et forestiers ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages. « . Il appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l’article R. 123-8, un secteur qu’ils entendent soustraire, pour l’avenir, à l’urbanisation, sous réserve que l’appréciation à laquelle ils se livrent ne repose pas sur des faits matériellement inexacts ou ne soit pas entachée d’erreur manifeste.

23. Les requérants entendent exciper de l’illégalité du plan local d’urbanisme de Saint-Affrique en ce qui concerne le classement du terrain d’assiette du projet. Ce terrain est classé en secteur  » Nv « , lequel est défini selon l’article N.2 du règlement du plan local d’urbanisme de Saint-Affrique comme étant le secteur où  » sont autorisés les parcs éoliens de production d’énergie électrique, sous réserve d’installations comprenant le regroupement de plusieurs engins de production raccordé au réseau public d’électricité « . Contrairement à ce que semblent soutenir les requérants, les dispositions de l’article R. 123-18 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, n’interdisent pas que le règlement du plan local d’urbanisme autorise la construction d’éoliennes en zone naturelle. Les requérants ne peuvent utilement invoquer un manque d’explications dans le rapport de présentation sur le choix de la zone ou une méconnaissance du principe de participation prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement lors de l’adoption du plan, dès lors que ces moyens de légalité externe, présentés plus de six mois après la prise d’effet du document, sont irrecevables en application de l’article L.600-1 du code de l’urbanisme. Les requérants font également valoir que le terrain est situé dans une zone présentant des enjeux forts au titre des contraintes  » avifaune et chiroptères  » mais cette circonstance ne fait pas par elle-même obstacle à l’implantation de parcs éoliens, cette implantation étant soumise notamment au respect de l’article R. 111-15 du code de l’urbanisme. Enfin, selon la carte combinatoire des enjeux et sensibilités en Aveyron élaborée dans le cadre de la réflexion pour le développement de l’énergie éolienne en Aveyron, le terrain d’assiette du projet est situé dans un secteur  » compatible avec étude « . Dans ces conditions, il ne ressort pas du dossier que le classement du terrain d’assiette du projet, situé dans un secteur naturel à l’écart des habitations, en bordure d’un plateau venté, en secteur  » Nv  » soit entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à exciper de l’illégalité du plan local d’urbanisme sur lequel se fonde le permis de construire en litige.

24. En dernier lieu, aux termes de l’article N.7 du règlement du plan local d’urbanisme de Saint-Affrique dans sa rédaction alors en vigueur :  » Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives /Les constructions doivent s’implanter à une distance au moins égale à la moitié de la hauteur du bâtiment à édifier avec un minimum de 3 mètres. « .

25. Les requérants soutiennent que les éoliennes E1, E2, E4, E5 et E6 ne respectent pas la règle d’implantation énoncée à l’article N.7 du règlement du plan local d’urbanisme de Saint-Affrique. Toutefois, eu égard à la finalité de ces dispositions, une éolienne ne saurait être qualifiée de  » bâtiment  » au sens desdites dispositions. Or il n’est pas contesté et il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’extrait cadastral figurant dans l’étude d’impact et du plan de masse, que les éoliennes en cause sont situées à au moins trois mètres des limites séparatives. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu’être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté de la préfète de l’Aveyron en date du 23 juin 2010.

Sur les conclusions reconventionnelles :

27. Aux termes de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme :  » Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. (…) « .

28. Par mémoire distinct enregistré le 17 juin 2015, la SAS Centrale éolienne des Soutets a demandé, sur le fondement des dispositions précitées, la condamnation des requérants à lui verser la somme de 310 395 euros. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l’association pour la préservation de l’identité culturelle et du patrimoine naturel du canton de Saint-Affrique a pour objet de s’opposer à la destruction du patrimoine naturel de ce canton par l’implantation de structures industrielles et que les personnes privées requérantes sont propriétaires ou résident à proximité du projet. Elles justifient ainsi d’un intérêt légitime à obtenir l’annulation du permis de construire. En outre, la circonstance que l’appel reprend, pour l’essentiel, des moyens invoqués en première instance sans invoquer des éléments de droit ou de fait nouveaux, ne saurait suffire, alors au demeurant que la requête comporte des moyens nouveaux, à caractériser de la part des requérants un usage abusif de leur droit de former un recours contre le jugement ayant rejeté leur demande. Par suite, la demande présentée sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des requérants les sommes que la préfète de l’Aveyron et la SAS Centrale éolienne des Soutets demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par les requérants soit mise à la charge de la SAS Centrale éolienne des Soutets, qui n’est pas la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1004939 du tribunal administratif de Toulouse en date du 14 mai 2014 est annulé.

Article 2 : La demande des requérants devant le tribunal et le surplus de leurs conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la SAS Centrale éolienne des Soutets présentées sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées en première instance par l’Etat sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Convention d’aménagement (ZAC)/ Action relative à l’exécution d’une obligation contractuelle/ Compétence du juge administratif

Conseil d’État

N° 384280
ECLI:FR:CESSR:2016:384280.20160314
Inédit au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
Mme Sophie Roussel, rapporteur
M. Olivier Henrard, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; RICARD, avocats
lecture du lundi 14 mars 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 384280 du 23 mars 2015, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a prononcé l’admission du pourvoi de la société d’aménagement d’Isola 2000 (SAI 2000) contre l’arrêt n° 12MA01668 de la cour administrative d’appel de Marseille du 7 juillet 2014 en tant seulement qu’il la condamne à verser à la commune d’Isola une somme de 2 250 000 euros en réparation du préjudice né de l’impossibilité d’obtenir la restitution de la parcelle cadastrée section AC n° 86 lieudit Le Hameau.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de la société d’aménagement d’Isola 2000 et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 et de la commune d’Isola ;

1. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la commune d’Isola et la société d’aménagement et de promotion de la station d’Isola (SAPSI) ont conclu, le 25 mai 1970, une convention confiant à la SAPSI la mission d’aménager une station de sports d’hiver sur une partie du territoire communal et de l’exploiter ; qu’afin de réaliser l’opération, soumise au régime des zones d’aménagement concerté (ZAC), la commune a vendu à la SAPSI, le 15 septembre 1970, 160 hectares de son domaine privé ; que le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 a été créé le 22 août 1990 entre le département des Alpes-Maritimes et la commune d’Isola afin de poursuivre l’exploitation et l’aménagement de la station ; que, par une convention du 2 juillet 1992, le syndicat mixte a confié à la SAPSI l’aménagement et l’équipement de la ZAC modifiée ; que le 31 juillet 1997, les terrains non bâtis que la commune d’Isola avait vendus en 1970 à la SAPSI et qui étaient restés dans son patrimoine ont été cédés à la société d’aménagement d’Isola 2000 (SAI 2000), qui a succédé à la SAPSI comme aménageur ; qu’après que la convention du 2 juillet 1992 a été résiliée pour motif d’intérêt général le 6 mars 2001, la commune et le syndicat mixte ont demandé à la SAI 2000, en application de l’article 20 de cette convention, la restitution des terrains qui lui avaient été cédés ;

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’alors que la commune et le syndicat mixte avaient saisi le tribunal de grande instance de Nice aux fins d’obtenir la restitution des terrains, la SAI 2000 a vendu le 28 novembre 2006 à la SARL Les terrasses d’Isola l’une des parcelles, cadastrée section AC n° 86 lieudit le Hameau, pour un montant de 2 250 000 euros ; que, par un acte notarié du même jour, le syndicat mixte et la commune ont déclaré ne pas s’opposer à cette vente et se désister partiellement de l’instance, en indiquant toutefois ne pas renoncer à  » une action en paiement sur le prix de la parcelle  » ; que, parallèlement, par un acte de cautionnement du 24 novembre 2006, la SAI 2000 s’est engagée à fournir un cautionnement bancaire à la société Terrasses d’Isola, au syndicat mixte et à la commune pour un montant correspondant au prix de cession de la parcelle ; qu’il ressort ainsi de ces pièces, soumises aux juges du fond, que les parties devaient être regardées comme ayant, d’un commun accord, modifié les modalités d’exécution de l’obligation de retour prévue par l’article 20 de la convention pour la parcelle cadastrée section AC n° 86 ;

3. Considérant que les juridictions de l’ordre judiciaire s’étant déclarées incompétentes pour connaître de leur action, la commune et le syndicat mixte ont saisi le tribunal administratif de Nice d’une demande tendant notamment, en lieu et place de la restitution de la parcelle cadastrée section AC n° 86, à la condamnation de la SAI 2000 à leur reverser le montant de la vente, soit 2 250 000 euros, en exécution de l’article 20 de la convention, tel que les parties l’avaient modifié ; que, par un jugement du 9 mars 2012, le tribunal administratif a rejeté leurs conclusions ; que, par un arrêt du 7 juillet 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a condamné la SAI 2000 à leur verser la somme de 2 250 000 euros correspondant au prix auquel la parcelle litigieuse a été vendue ; que, par une décision du 23 mars 2015, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a admis le pourvoi en cassation de la SAI 2000 contre cet arrêt sur ce point ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

4. Considérant que la convention signée le 2 juillet 1992, qui a pour objet l’aménagement et l’équipement de la ZAC de la station d’Isola 2000, a le caractère d’un contrat administratif ; que l’action engagée par la commune d’Isola et le syndicat mixte en ce qui concerne la parcelle cadastrée section AC n° 86 est relative, ainsi qu’il a été dit, à l’exécution de l’obligation prévue par l’article 20 de la convention, tel que modifié par les parties, de verser la somme de 2 250 000 euros correspondant au prix de cession de cette parcelle ; que, contrairement à ce que soutient la SAI 2000, la juridiction administrative est compétente pour connaître d’un tel litige, qui concerne l’exécution d’un contrat administratif ;

Sur le bien fondé du pourvoi :

5. Considérant que, pour condamner la SAI 2000 à verser à la commune d’Isola et au syndicat mixte la somme de 2 250 000 euros, la cour administrative d’appel de Marseille a estimé que la SAI 2000 avait, en cédant la parcelle cadastrée section AC n° 86 alors que la commune et le syndicat en demandaient la restitution, méconnu une obligation contractuelle et causé un préjudice aux personnes publiques contractantes ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’elle a ainsi commis une erreur de droit, en ne prenant pas en compte la modification de l’article 20 de la convention dont les parties étaient convenues ; que la SAI 2000 est dès lors fondée à demander l’annulation, dans la limite des conclusions admises, de l’arrêt attaqué ;

6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions présentées par la commune et le syndicat mixte devant la cour en ce qui concerne la parcelle cadastrée section AC n° 86 :

7. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit, l’article 20 de la convention prévoyait, du fait de l’accord intervenu entre les parties, que la société devait, en cas de résiliation de la convention et de demande de la commune et du syndicat mixte en ce sens, reverser le montant de la cession de la parcelle litigieuse ; que, par suite, la commune et le syndicat mixte sont fondés à demander que la société soit condamnée à leur verser ce montant, dont sera déduite l’indemnité prévue par les stipulations du même article en cas de retour des parcelles ; que cette indemnité sera calculée, conformément à ces stipulations, sur la base du prix de la cession des terrains intervenue le 15 septembre 1970, la somme étant actualisée pour tenir compte de l’évolution de l’indice du coût de la construction de l’INSEE entre cette date et le 28 novembre 2006, date du transfert de propriété ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune d’Isola et le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 9 mars 2012, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à ce que la SAI 2000 soit condamnée à leur verser la somme de 2 250 0000 euros représentant le prix de la parcelle cadastrée section AC n° 86, cédée par la SAI 2000 à la SARL Les terrasses d’Isola, diminuée de l’indemnité mentionnée ci-dessus ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SAI 2000 une somme de 1 500 euros à verser, d’une part, à la commune d’Isola, d’autre part, au syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’en revanche, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la SAI 2000 ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt du 7 juillet 2014 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé en tant qu’il condamne la SAI 2000 à verser à la commune d’Isola la somme de 2 250 000 euros en réparation d’un préjudice né de l’impossibilité d’obtenir le retour de la parcelle cadastrée section AC n° 86 lieudit Le Hameau.
Article 2 : Le jugement du 9 mars 2012 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu’il rejette les conclusions présentées par la commune d’Isola et le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 tendant à ce que la SAI 2000 soit condamnée à leur verser la somme de 2 250 000 euros, diminuée l’indemnité due en application de l’article 20 de la convention d’aménagement du 2 juillet 1992 dont le montant est égal au prix de la cession de la parcelle AC n° 86 intervenue le 15 septembre 1970, augmenté pour tenir compte de l’évolution de l’indice du coût à la construction calculé par l’INSEE entre cette date et le 28 novembre 2006.
Article 3 : La SAI 2000 versera à la commune d’Isola et au syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 la somme de 2 250 000 euros, dont sera déduite l’indemnité mentionnée ci-dessus.
Article 4 : La SAI 2000 versera une somme de 1 500 euros, d’une part, à la commune d’Isola, d’autre part, au syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la SAI 2000 au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société d’aménagement d’Isola 2000, à la commune d’Isola et au syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000.

Conventions de pâturage/ Biens « sectionaux » / Conditions d’attribution

CAA de MARSEILLE

N° 14MA03956
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre – formation à 3
M. POCHERON, président
Mme Jacqueline MARCHESSAUX, rapporteur
M. REVERT, rapporteur public
RICHARD & ASSOCIES AVOCATS, avocat
lecture du lundi 7 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B…a demandé au tribunal administratif de Nice, d’une part, d’annuler la délibération en date du 15 mars 2014 par laquelle le conseil municipal de Tende a décidé de l’attribution du pâturage de Peyrafique Chajol, d’autre part, d’ordonner la suspension de l’exécution de cette délibération et d’enjoindre à la commune de Tende de surseoir à la conclusion du contrat d’exploitation de pâturage par l’association  » Agnis Les Merveilles  » jusqu’à l’issue de la présente procédure.

Par un jugement n° 1401968 et 1401971 du 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2014, sous le n° 14MA03956, M.B…, représenté par MeD…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 juillet 2014 ;

2°) d’annuler la délibération en date du 15 mars 2014 par laquelle le conseil municipal de Tende a décidé de l’attribution du pâturage de Peyrafique Chajol ;

3°) d’annuler la décision de la commune de Tende refusant de lui attribuer le pâturage de Peyrafique Chajol ;
4°) d’enjoindre à la commune de Tende de faire constater la nullité de tout contrat éventuellement signé ou de retirer toute décision prise sur le fondement de ladite délibération sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

5°) d’enjoindre à la commune de Tende de réexaminer les deux offres reçues en vue de l’attribution dudit pâturage dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, le cas échéant, dire que le pâturage de Peyrafique Chajol lui est attribué, étant le seul candidat remplissant les conditions parmi les deux ayant présenté des offres ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Tende la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– le jugement attaqué a été rendu en violation des règles régissant la procédure d’instruction et en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ; malgré le délai de trente jours accordé la veille de l’audience par courrier du 23 juin 2014 et sa demande de réouverture de l’instruction, le tribunal a maintenu l’audience au 24 juin 2014, sans aucune nouvelle clôture d’instruction suite à la réouverture automatique par communication la veille de l’audience des pièces et du mémoire de la commune de Tende ;
– le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le contrat de location de pâturage était un contrat administratif ; seul le juge judiciaire est compétent pour apprécier la validité des contrats de location pluriannuel de pâturage ; qu’ainsi, le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que le juge administratif serait seul juge du contrat de location de pâturage ; le jugement est d’ailleurs contraire au premier moyen soulevé d’office par le tribunal qui a considéré à juste titre que le contrat précité était un acte de gestion du domaine privé relevant à ce titre de la compétence du juge judiciaire ;
– la délibération autorisant la conclusion du contrat de location reste un acte détachable de la convention de droit privé et peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge administratif ; ainsi, en jugeant que la contestation de cette délibération ne pouvait se faire que dans le cadre d’un recours de plein contentieux devant le juge du contrat, le tribunal a commis une erreur de droit ;
– les premiers juges ont commis une erreur de droit en faisant application de la décision du Conseil d’Etat en date du 4 avril 2014, n° 358994 dès lors que le contrat en cause n’est pas un contrat administratif et que son appréciation relève du juge judiciaire ;
– il est fondé à exercer un recours pour excès de pouvoir contre la délibération litigieuse qui reste un acte administratif détachable de la convention de droit privé et dès lors qu’aucune convention de pâturage ne semble avoir été signée et publiée ;
– la délibération contestée a été adoptée en méconnaissance des articles L. 331-2 et R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime ;
– il est demandé à la commune de justifier de la publicité effectuée conformément aux articles L. 137-1 et R. 137-1 du code forestier, c’est-à-dire par affichage et par insertion dans un journal régional ou local et de ce que la commission prévue par ces articles et régulièrement constituée a donné son avis sur l’ouverture des offres et sur leur examen ;
– la délibération litigieuse méconnaît les dispositions de l’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales dès lors que l’association attributaire du pâturage n’a ni domicile fixe ni exploitation réelle sur le territoire de la commune de Tende.
Un courrier du 25 août 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et a indiqué la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article R. 613-1 et le dernier alinéa de l’article R. 613-2.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code forestier ;
– l’ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier ;
– les lois du 10 juin 1793 et du 9 ventôse an XII ;
– le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. A…Pocheron en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience par un avis d’audience adressé le 8 octobre 2015 portant clôture d’instruction immédiate en application des dispositions de l’article R. 613-2 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Marchessaux,
– les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
– et les observations de MeC…, représentant M.B….
1. Considérant que M. B…relève appel du jugement en date du 15 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération en date du 15 mars 2014 par laquelle le conseil municipal de Tende a décidé de l’attribution du pâturage de Peyrafique Chajol à l’association  » Agnis des Merveilles  » et de la décision de la commune de Tende refusant de lui attribuer ce pâturage ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 611-1 du code de justice administrative :  » La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux. » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 613-2 du même code :  » Si le président de la formation de jugement n’a pas pris une ordonnance de clôture, l’instruction est close trois jours francs avant la date de l’audience indiquée dans l’avis d’audience prévu à l’article R. 711-2. Cet avis le mentionne. » ; qu’aux termes de l’article R. 613-3 du même code :  » Les mémoires produits après la clôture de l’instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. / Si les parties présentent avant la clôture de l’instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d’instruction.  » ; qu’aux termes de l’article R. 613-4 du même code :  » Le président de la formation de jugement peut rouvrir l’instruction par une décision qui n’est pas motivée et ne peut faire l’objet d’aucun recours. (…) / La réouverture de l’instruction peut également résulter d’un jugement ou d’une mesure d’investigation ordonnant un supplément d’instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l’instruction sont communiqués aux parties.  » ;
3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que lorsqu’il décide de soumettre au contradictoire une production de l’une des parties après la clôture de l’instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel doit être regardé comme ayant rouvert l’instruction ; que lorsque le délai qui reste à courir jusqu’à la date de l’audience ne permet plus l’intervention de la clôture automatique trois jours francs avant l’audience prévue par l’article R. 613-2 du code de justice administrative mentionné ci-dessus, il appartient à ce dernier, qui, par ailleurs, peut toujours, s’il l’estime nécessaire, fixer une nouvelle date d’audience, de clore l’instruction ainsi rouverte ;
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier de première instance que, le 23 juin 2014, soit moins de trois jours francs avant l’audience du 24 juin 2014 au terme de laquelle a été rendu le jugement attaqué et, par suite, après clôture automatique de l’instruction en application des dispositions de l’article R. 613-2, le greffe du tribunal administratif de Nice a communiqué à M.B…, qui avait la qualité de requérant dans cette instance, un mémoire en défense de la commune de Tende, en le priant de produire ses observations éventuelles dans un délai de trente jours ; qu’il résulte de ce qui a été dit plus haut que cette communication a eu pour effet de rouvrir l’instruction et que, par suite, en s’abstenant de clore à nouveau l’instruction alors que le délai de trois jours francs prévu par l’article R. 613-2 était expiré, le tribunal administratif a rendu son jugement au terme d’une procédure irrégulière ; que, par suite, M. B… est fondé à demander, pour ce motif, l’annulation du jugement attaqué ;
5. Considérant que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de régularité, il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. B…devant le tribunal administratif de Nice ;
En ce qui concerne la légalité externe :
6. Considérant, d’une part, aux termes de l’article L. 214-12 du code forestier applicable à compter du 1er juillet 2012 :  » Le pâturage des porcins, des bovins, des équidés ou des ovins, lorsqu’il n’est pas réservé au troupeau commun des habitants, peut être concédé après publicité, soit de gré à gré, soit, à défaut, selon les procédures prévues à l’article L. 214-6 sur décision de la collectivité ou autre personne morale propriétaire et aux conditions techniques arrêtées par une commission composée de représentants de l’Office national des forêts et d’exploitants agricoles. / Toute autorisation, concession ou location consentie en méconnaissance des dispositions du présent article est nulle. / Lorsque la demande de concession de pâturage concerne un usage pastoral extensif saisonnier, une convention pluriannuelle de pâturage est établie dans les formes et conditions prévues aux articles L. 481-3 et L. 481-4 du code rural et de la pêche maritime.  » ; qu’aux termes de l’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales :  » Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature. Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage conclue dans les conditions prévues à l’article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime ou par convention de mise à disposition d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d’exploitation sur la section. L’autorité municipale peut attribuer, le cas échéant, le reliquat de ces biens au profit d’exploitants agricoles sur la section ayant un bâtiment d’exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section, ou à défaut au profit de personnes exploitant des biens sur le territoire de la section et résidant sur le territoire de la commune ; à titre subsidiaire, elle peut attribuer ce reliquat au profit de personnes exploitant seulement des biens sur le territoire de la section ou, à défaut, au profit des exploitants ayant un bâtiment d’exploitation sur le territoire de la commune. Pour toutes les catégories précitées, les exploitants devront remplir les conditions prévues par les articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural et de la pêche maritime et celles prévues par le règlement d’attribution défini par l’autorité municipale (…)  » ;
7. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime dans sa version applicable à la date des décisions litigieuses :  » I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : / 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu’il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. (…) / 2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles ayant pour conséquence : / a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et compris entre le tiers et une fois l’unité de référence définie à l’article L. 312-5, ou de ramener la superficie d’une exploitation en deçà de ce seuil ; / b) De priver une exploitation agricole d’un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s’il est reconstruit ou remplacé ; / 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole : / a) Dont l’un des membres ayant la qualité d’exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d’expérience professionnelle ou a atteint l’âge requis pour bénéficier d’un avantage de vieillesse agricole ; / b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d’exploitant. / Il en est de même pour les exploitants pluriactifs remplissant les conditions de capacité ou d’expérience professionnelle dont les revenus extra-agricoles du foyer fiscal excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance ; / 4° (alinéa abrogé) ; / 5° Les agrandissements ou réunions d’exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l’exploitation du demandeur est supérieure à un maximum fixé par le schéma directeur départemental des structures, sans que ce maximum puisse être inférieur à cinq kilomètres ; / 6° Les créations ou extensions de capacité des ateliers de production hors sol au-delà d’un seuil de production fixé par décret ; / 7° La mise en valeur de biens agricoles reçus d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural, ayant pour conséquence la suppression d’une unité économique égale ou supérieure au seuil fixé en application du 2°, ou l’agrandissement, par attribution d’un bien préempté par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, d’une exploitation dont la surface totale après cette cession excède deux fois l’unité de référence définie à l’article L. 312-5.(…)  » ; qu’aux termes de l’article R. 331-5 du code précité en vigueur alors :  » I. – Les demandes d’autorisation d’exploiter sont soumises à l’avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture instituée aux articles R. 313-1 et suivants. Lorsque des candidatures concurrentes ont été enregistrées sur tout ou partie des biens qui font l’objet de la demande, l’ensemble des dossiers portant sur ces biens est soumis à la même séance de la commission. (…)  » ;
8. Considérant que M. B…soutient que le pâturage a été attribué à l’association pastorale  » Agnis les Merveilles  » alors qu’elle n’était bénéficiaire d’aucune autorisation préalable du préfet, la commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA) s’étant réunie le 8 avril 2014 pour examiner les demandes desdites autorisations ; que, cependant, si les dispositions précitées de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime imposent l’obtention préalable d’une autorisation pour les créations ou extensions d’exploitations agricoles, elles n’ont pas par elles-mêmes pour objet ou pour effet de prescrire une telle obligation pour l’attribution des pâturages effectuée dans le cadre de la procédure décrite à l’article L. 214-12 du code forestier telle qu’appliquée par la délibération en litige, qui n’a pas été adoptée en application de l’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ; qu’en effet, ces dernières dispositions, qui seules font expressément du respect de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime une condition préalable à l’attribution de terres à vocation agricole ou pastorale, sont inapplicables en l’espèce dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que le pâturage en cause n’est pas une propriété de la section mais un bien communal dont la procédure d’attribution ne relève pas de ces dispositions ; que, par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant ;
9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 213-24 du code forestier qui par l’ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 a remplacé l’article L. 137-1 du même code :  » Le pâturage des bovins, ovins, équidés et porcins ainsi que l’utilisation des aires apicoles peuvent être concédés s’il n’en résulte aucun inconvénient pour la gestion forestière du fonds. / La concession est prononcée, après publicité, soit de gré à gré, soit, à défaut, avec appel à la concurrence dans les conditions prévues à l’article L. 213-6, après avis d’une commission composée de représentants de l’Office national des forêts et d’exploitants agricoles. La concession peut être pluriannuelle.  » ; que l’article R. 213-42 du code précité qui a remplacé l’article R. 137-1 du même code prévoit que :  » La publicité prévue à l’article L. 213-24 est faite par affichage en mairie dans les communes de situation des biens et par insertion dans au moins un journal régional ou local dont la diffusion couvre toute la zone intéressée, quinze jours au moins avant la réunion de la commission mentionnée au même article, avec indication de la date limite de dépôt des demandes de concession.  » ;
10. Considérant que M. B…ne peut utilement soutenir que la commune de Tende ne justifie pas de ce que la publicité a été effectuée conformément aux articles L. 137-1 et R. 137-1 du code forestier et de ce que la commission prévue par ces articles et régulièrement constituée a donné son avis sur l’ouverture des offres et sur leur examen, dès lors que la procédure d’attribution en litige ne relève pas de ces dispositions mais de celles de l’article L. 214-12 du code forestier ; qu’il s’en suit que ces moyens ne sauraient être accueillis ;
En ce qui concerne la légalité interne :

11. Considérant que M. B…ne peut utilement soutenir que l’association  » Agnis les Merveilles  » étant une association déclarée à la sous-préfecture de Brignoles et ayant son siège social dans le département du Var, elle ne pouvait être attributaire du pâturage de Peyrafique Chajol en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales dès lors qu’ainsi qu’il a été dit au considérant n° 8, la procédure d’attribution du pâturage en cause n’a pas été effectuée en application de ces dispositions ; que, par suite, est également sans incidence la circonstance que le requérant aurait son domicile comme son exploitation agricole sur le territoire de la section ou du moins sur la commune de Tende ;
12. Considérant que contrairement à ce que soutient le requérant, l’article L. 214-12 précité du code forestier, qui constitue le fondement de la délibération contestée, était applicable à compter du 1er juillet 2012 ; qu’ainsi le moyen tiré du défaut de base légale de cette délibération ne saurait être accueilli ;
13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B…n’est pas fondé à demander l’annulation de la délibération en date du 15 mars 2014 par laquelle le conseil municipal de Tende a décidé de l’attribution du pâturage de Peyrafique Chajol et de la décision de la commune de Tende refusant de lui attribuer ce pâturage ;
Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d’annulation présentées par M.B…, n’implique aucune mesure d’exécution ; qu’il y a lieu, par suite, et en tout état de cause, de rejeter les conclusions susvisées ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Tende, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. B…quelque somme que ce soit au titre des frais que celui-ci a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B…la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Tende et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 15 juillet 2014 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La demande de M. B…présentée devant le tribunal administratif de Nice et le surplus des conclusions de la requête d’appel sont rejetés.
Article 3 : M. B…versera à la commune de Tende une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. B…et à la commune de Tende.

Biens communaux/ Indivision/ Cession/ Maintien des droits d’usage/ compétence juridictionnelle

CAA de BORDEAUX

N° 12BX02086   
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre (formation à 3)
M. CHEMIN, président
Mme Florence REY-GABRIAC, rapporteur
M. BENTOLILA, rapporteur public
SCP NOYER – CAZCARRA, avocat

lecture du lundi 1 février 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête du 2 août 2010, la commune de Vignec a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune d’Aragnouet à lui payer la somme de 4 260 000 euros en conséquence de la résiliation par cette dernière d’une convention du 25 août 1970 portant cession de parcelles de son domaine privé.

Par un jugement n° 1001412 du 29 juin 2012 le tribunal administratif de Pau a ordonné une expertise en vue de déterminer le montant du rachat, par la commune d’Aragnouet, de la rente foncière dont était bénéficiaire la commune de Vignec en application de la convention du 25 août 1970 modifiée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2012, et des mémoires enregistrés les 29 avril et 27 mai 2013 la commune d’Aragnouet, représentée par MeA…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1001412 du 29 juin 2012 ;

2°) à titre reconventionnel, de condamner la commune de Vignec à lui verser la somme de 515 469 euros ;

3°) de condamner la commune de Vignec à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
—————————————————————————————————————–

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code civil ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Antoine Bec, président-assesseur,
– les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,
– les observations de MeA…, représentant la Commune d’Aragnouet.

Considérant ce qui suit :

1. En vue de la création d’une station de ski, la commune d’Aragnouet a suscité une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique de terrains appartenant en indivision aux domaines privés des communes de Vignec et de Cadeilhan-Tachères.

L’arrêté portant déclaration d’utilité publique est intervenu le 26 septembre 1969. N’étant pas en mesure de régler immédiatement les indemnités d’expropriation, la commune d’Aragnouet a passé le 25 août 1970 avec la commune de Vignec une convention, modifiée par avenant approuvé le 19 avril 1973, aux termes de laquelle la commune de Vignec cédait à la commune d’Aragnouet ses parts dans l’indivision, moyennant le versement annuel d’une somme de 3 000 francs représentant le montant des impôts fonciers restant dûs par la commune de Vignec au titre des terrains dont elle restait propriétaire.
La convention prévoyait également, sans limite de durée, la préservation de droits de pacage dont les éleveurs de bétail de la commune de Vignec disposaient sur les parcelles du domaine privé ainsi cédées, ainsi que l’égalité avec les habitants d’Aragnouet dans l’accès aux remontées mécaniques et l’exploitation des installations commerciales de la station.
Elle prévoyait enfin le versement annuel par la commune d’Aragnouet à la commune de Vignec, d’une redevance annuelle égale à 3 % du montant des recettes brutes des remontées mécaniques, en contrepartie de l’utilisation hivernale du domaine skiable.

Postérieurement, par deux ordonnances des 21 septembre 1970 et 16 février 1972, le juge de l’expropriation a prononcé l’expropriation des parcelles visées par les arrêtés de cessibilité des 4 juin 1970 et 18 septembre 1971.

Cette convention a été résiliée par la commune d’Aragnouet à compter du 31 décembre 2007.

2. Par une requête du 2 août 2010, la commune de Vignec a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune d’Aragnouet à lui payer la somme de 4 260 000 euros en conséquence de la résiliation de la convention du 25 août 1970 modifiée.

Par un jugement avant dire droit du 29 juin 2012, le tribunal administratif a considéré que la résiliation de la convention du 25 août 1970 modifiée obligeait la commune d’Aragnouet à racheter à la commune de Vignec la rente foncière que constituerait le versement d’une fraction du montant annuel des recettes des remontées mécaniques, et a ordonné une expertise afin de déterminer le montant du rachat de cette rente foncière.

3. La commune d’Aragnouet fait appel de ce jugement en tant qu’il l’a condamnée à racheter cette rente foncière, et présente des conclusions reconventionnelles tendant à ce que la commune de Vignec soit condamnée à lui reverser la somme de 515 469 euros correspondant à la rente indûment versée de 2000 à 2003.

Par la voie de l’appel incident, la commune de Vignec demande à la cour de condamner la commune d’Aragnouet à lui verser la somme de 4 260 000 euros au titre du rachat de sa rente foncière.

4. Aux termes de l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015,  » lorsqu’une juridiction est saisie d’un litige qui présente à juger, soit sur l’action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n’est susceptible d’aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence. La juridiction saisie transmet sa décision et les mémoires ou conclusions des parties au Tribunal des conflits. L’instance est suspendue jusqu’à la décision du Tribunal des conflits.  »

5. La convention du 25 août 1970 porte sur la cession amiable de parcelles du domaine privé postérieurement à l’intervention d’une déclaration d’utilité publique ; en application de l’article L 12-2 du code de l’expropriation, elle emporte les mêmes effets que l’ordonnance d’expropriation. Le refus de la commune d’Aragnouet de poursuivre le paiement à la commune de Vignec d’une fraction des recettes des remontées mécaniques de la station de Piau-Engaly constitue donc l’inexécution de la convention de cession amiable passée dans le cadre de la procédure d’expropriation.

6. Le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges relatifs à l’indemnisation de la dépossession intervenue dans le cadre de la procédure d’expropriation, que ce soit par l’effet de l’ordonnance d’expropriation ou d’un accord amiable, lorsque cet accord amiable n’a donné naissance qu’à des rapports de droit privé.

7. La convention du 25 août 1970, passée entre deux collectivités publiques, porte sur la consistance de leur domaine privé, et comporte des clauses qui préservent au profit de la commune de Vignec divers droits d’usage sur les terrains vendus, dont, implicitement, celui de l’usage hivernal des zones skiables, qu’elle rétrocède à la commune d’Aragnouet moyennant la perception d’une redevance égale à 3 % du montant des recettes brutes des remontées mécaniques.

8. La question de savoir si ce contrat revêt un caractère administratif et, dans ce cas, quel est l’ordre de juridiction appelé à connaître d’un litige relatif à l’indemnisation de la dépossession intervenue dans le cadre d’une procédure d’expropriation, soulève une difficulté sérieuse mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction.

9. Dans ces conditions, il convient, par application des dispositions précitées de l’article 35 du décret du 27 février 2015, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée, et de surseoir à toute procédure jusqu’à la décision de ce tribunal.

DECIDE :
Article 1er : L’affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la commune d’Aragnouet jusqu’à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l’ordre de juridiction compétent pour statuer sur cette requête.
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N° 12BX02086


 

Analyse

Abstrats : 17-03-02-03-02-01 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Contrats. Contrats administratifs. Contrats conclus entre personnes publiques.

Local commercial dans une gare de télécabine/ Bail commercial (non)/ Fonds de commerce (pas avant loi Pinel)/Résiliation/Indemnité

CAA de LYON

N° 14LY03708
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre – formation à 3
M. MESMIN d’ESTIENNE, président
Mme Genevieve GONDOUIN, rapporteur
M. DURSAPT, rapporteur public
SOCIETE D’AVOCATS LEXCASE, avocat

lecture du jeudi 17 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Champenoise a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais à lui verser la somme de 580 000 euros en réparation du préjudice causé par la destruction du local qu’elle occupait dans la gare du télécabine des Houches en vertu d’un contrat de bail.

Par le jugement n° 0903555 du 20 octobre 2010, le tribunal administratif de Grenoble a déclaré nul le contrat signé le 5 janvier 2004 entre les deux sociétés et condamné la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais à payer à la société Champenoise une indemnité de 377 578 euros en réparation des préjudices subis.
Par deux requêtes enregistrées les 13 et 10 décembre 2010, sous les n°s 10LY02748 et 10LY02749, la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais a demandé à la cour d’annuler ce jugement, de rejeter la demande indemnitaire présentée par la société Champenoise et de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 0903555 du tribunal administratif de Grenoble du 20 octobre 2010.
La société Champenoise a conclu au rejet de la requête et demandé à la cour par la voie de l’appel incident, d’une part, d’annuler le jugement attaqué en ce qu’il a limité la condamnation de la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais à la somme de 377 578 euros, d’autre part de porter la condamnation de cette dernière à la somme de 580 000 euros.
Par l’arrêt n°s 10LY02748-10LY02749 du 7 juillet 2011, la cour administrative d’appel de Lyon a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué et ramené de 377 578 euros à 363 000 euros la somme mise à la charge de la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais.

La société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant le Conseil d’État.

Par la décision n° 352402 du 24 novembre 2014, le Conseil d’État a annulé les articles 2, 3 et 4 de l’arrêt du 7 juillet 2011 et renvoyé l’affaire, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de céans.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire enregistré le 6 février 2015, la société Champenoise, représentée par MeA…, demande à la cour de :

1°) condamner la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais à lui verser la somme de 589 468,69 euros en réparation des différents chefs de préjudice ;

2°) de mettre à la charge de cette société la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Champenoise soutient que :

– le Conseil d’État a retenu que l’indemnisation pouvait se faire au titre des deux fautes suivantes, celle consistant pour la société des remontées mécaniques à l’avoir induite en erreur sur la nature et l’étendue de ses droits et celle consistant à lui avoir imposé une résiliation unilatérale de la convention avant son terme ;

– en conséquence, l’indemnisation à laquelle elle a droit correspond au prix d’achat du fonds de commerce (137 204,11 euros et 12 264,58 correspondant aux intérêts d’emprunt) et à la valeur du matériel et des aménagements du local (60 000 euros) ainsi qu’à la perte d’exploitation (380 000 euros).

Par un mémoire enregistré le 18 mars 2015, la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, représentée par MeD…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0903555 du tribunal administratif de Grenoble du 20 octobre 2010 ;

2°) de limiter à la somme maximum de 246 283 euros le montant de la condamnation indemnitaire prononcée à son encontre ;

3°) de rejeter le surplus des conclusions de la société Champenoise.
La société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais soutient que :

– seul le prix d’acquisition des éléments incorporels du fonds de commerce peut être pris en considération au titre du chef de préjudice tenant aux dépenses exposées dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial et qu’en l’espèce cette valeur s’élève à 105 190 euros ;

– peuvent être aussi retenus les frais financiers engagés pour le financement des éléments incorporels du fonds de commerce (11 659 euros), ainsi que la valeur non amortie des actifs figurant au bilan de la société à la date du 31 mai 2006 (18 434 euros) ;

– la société Champenoise est responsable de la perte définitive de ses matériels et mobiliers d’exploitation ;

– une évaluation équilibrée et équitable du bénéfice manqué peut être réalisée à partir de la prise en compte des trois années normales d’exploitation restantes (22 200 euros par an), cinq saisons doivent être prises en compte pour l’évaluation du bénéfice manqué (de la saison 2006/2007 à la saison 2010/2011), le bénéfice manqué pour l’ensemble de la période ne pouvant excéder 111 000 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
– le code de commerce ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Gondouin,
– les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
– et les observations de Mme C…B…gérante de la Société Champenoise.

Une note en délibéré produite pour la société Champenoise a été enregistrée le 1er décembre 2015.
1. Considérant que la société Le Refuge a conclu le 17 janvier 1994 un  » bail commercial  » avec la société du Télécabine des Houches-Prarion (THP), alors concessionnaire du service public des remontées mécaniques sur le territoire des communes des Houches et de Saint-Gervais, en vue de l’exploitation d’un restaurant dans des locaux de la gare aval de la télécabine des Houches-Prarion, elle-même incluse dans le champ de la concession de service public ; que, le 24 décembre 2001, la société Champenoise a acquis, en vue de l’exploitation du restaurant, un  » fonds de commerce  » auprès de la société Le Refuge ; que le bail a été renouvelé pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2003 par la société THP ; que, cependant, en juin 2006, la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, qui avait succédé à la société THP et devait procéder au remplacement de la télécabine ainsi qu’à la destruction de la gare, a mis fin sans indemnité aux activités de la société Champenoise ; que, par un jugement du 20 octobre 2010, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la société des remontés mécaniques Les Houches-Saint-Gervais à verser à la société Champenoise une indemnité de 377 578 euros en réparation du préjudice subi ; que par un arrêt du 7 juillet 2011 la cour administrative d’appel de Lyon a ramené cette indemnisation à 363 000 euros ; que, saisi d’un pourvoi en cassation par la société des remontés mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, le Conseil d’État, par une décision du 24 novembre 2014, a annulé les articles 2, 3 et 4 de l’arrêt du 7 juillet 2011 qui méconnaissent les conditions d’indemnisation que sa décision a définies et renvoyé l’affaire, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de céans ;
Sur l’indemnisation du préjudice subi par la société Champenoise :
2. Considérant qu’en raison du caractère précaire et personnel des titres d’occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d’un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public ; que, lorsque l’autorité gestionnaire du domaine public conclut un  » bail commercial  » pour l’exploitation d’un bien sur le domaine public ou laisse croire à l’exploitant de ce bien qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité ; que cet exploitant peut alors prétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, à être indemnisé de l’ensemble des dépenses dont il justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant en erreur sur l’étendue de ses droits ;
3. Considérant que si, en outre, l’autorité gestionnaire du domaine met fin avant son terme au bail commercial illégalement conclu en l’absence de toute faute de l’exploitant, celui-ci doit être regardé, pour l’indemnisation des préjudices qu’il invoque, comme ayant été titulaire d’un contrat portant autorisation d’occupation du domaine public pour la durée du bail conclu ; qu’il est à ce titre en principe en droit, sous réserve qu’il n’en résulte aucune double indemnisation, d’obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliation unilatérale d’une telle convention avant son terme, tel que la perte des bénéfices découlant d’une occupation conforme aux exigences de la protection du domaine public et des dépenses exposées pour l’occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation ;
4. Considérant, en revanche, qu’eu égard au caractère révocable et personnel, déjà rappelé, d’une autorisation d’occupation du domaine public, celle-ci ne peut donner lieu à la constitution d’un fonds de commerce dont l’occupant serait propriétaire ; que si la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises susvisée a introduit dans le code général de la propriété des personnes publiques un article L. 2124-32-1, aux termes duquel  » Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre « , ces dispositions ne sont, dès lors que la loi n’en a pas disposé autrement, applicables qu’aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de son entrée en vigueur ; que, par suite, l’exploitant qui occupe le domaine public ou doit être regardé comme l’occupant en vertu d’un titre délivré avant cette date, qui n’a jamais été légalement propriétaire d’un fonds de commerce, ne peut prétendre à l’indemnisation de la perte d’un tel fonds ;
5. Considérant, d’une part, qu’en décembre 2001 la société Champenoise avait acquis auprès de la société Le Refuge un  » fonds de commerce « , comprenant notamment un droit à un  » bail commercial  » ; qu’en exécution de la clause  » cession, sous-location  » du contrat de bail qu’elle avait conclu le 17 janvier 1994 avec la société Le Refuge, la société du Télécabine des Houches-Prarion (THP) a agréé la société Champenoise en qualité de cessionnaire du  » fonds de commerce  » dont la société le Refuge était précédemment titulaire ; que l’autorité gestionnaire du domaine public en induisant en erreur la société Champenoise, cessionnaire de ce  » fonds « , sur l’existence d’un bail commercial a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la société Champenoise ne peut être regardée comme ayant commis elle-même une faute ; que la société des remontées mécaniques Les Houches Saint-Gervais qui a succédé à la société THP doit répondre de l’erreur commise par le concessionnaire des remontées mécaniques qui a conduit la société Champenoise à se méprendre sur la nature et la consistance de ses droits ;
6. Considérant que la société Champenoise a droit à être indemnisée de l’ensemble des dépenses dont elle justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant en erreur sur l’étendue de ses droits ; qu’il résulte de l’instruction que si elle n’avait pas été induite en erreur sur l’existence d’un droit au bail attachée à celle d’un bail commercial, la société Champenoise n’aurait pas acquis le  » fonds de commerce  » litigieux pour un montant de 137 204 euros ; qu’elle a droit également, à ce titre, à la somme de 11 659 euros correspondant au montant des intérêts qu’elle a versés sur le coût total de son crédit pour acquérir le  » fonds  » ainsi qu’à la somme de 18 434 euros qui correspond aux immobilisations corporelles après amortissement à la fin mai 2006 ; qu’en revanche, dès lors qu’elle ne justifie pas avoir réalisé des aménagements pour une somme avoisinant les 17 000 euros, la société Champenoise n’a pas droit à cette somme ;
7. Considérant, d’autre part, que la société Champenoise, qui occupait le domaine public en vertu d’un titre délivré antérieurement à la loi du 18 juin 2014 susvisée ne peut prétendre à l’indemnisation de la perte de son  » fonds de commerce  » ; qu’elle doit être regardée comme ayant été titulaire d’un contrat portant autorisation d’occupation du domaine public pour la durée du bail conclu et ne peut donc demander à être indemnisée de la perte d’une chance de pouvoir bénéficier d’un droit au renouvellement pour 9 ans de son  » bail commercial  » ; que, toutefois, elle est en droit, dès lors qu’elle n’a commis aucune faute, d’obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliation unilatérale du  » bail commercial  » qui la liait à la société des remontées mécaniques Les Houches Saint-Gervais, tel que la perte des bénéfices découlant d’une occupation conforme aux exigences de la protection du domaine public et des dépenses exposées pour l’occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation ; qu’il résulte de l’instruction, compte tenu des éléments comptables produits par les parties, que le bénéfice annuel moyen attendu de la société Champenoise pouvait atteindre les 30 000 euros ; qu’il sera fait une juste appréciation en fixant le montant de l’indemnisation à ce titre pour les cinq saisons à prendre en considération à la somme de 150 000 euros ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le montant total de l’indemnisation à laquelle a droit la société Champenoise s’élève à 317 297 euros ; que, par suite, la condamnation de 377 578 euros mise à la charge de la société des remontées mécaniques Les Houches Saint-Gervais par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 octobre 2010 doit être ramenée à 317 297 euros ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, d’une part, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de la société des remontées mécaniques Les Houches Saint-Gervais ; que, d’autre part, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais exposés à l’occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la société Champenoise doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La condamnation de 377 578 euros mise à la charge de la société des remontées mécaniques Les Houches Saint-Gervais par l’article 2 du jugement n° 0903555 du tribunal administratif de Grenoble en date du 20 octobre 2010 est ramenée à 317 297 euros.
Article 2 : Le jugement n° 0903555 du tribunal administratif de Grenoble en date du 20 octobre 2010 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais et à la société Champenoise.

Délibéré après l’audience du 26 novembre 2015 où siégeaient :
– M. Mesmin d’Estienne, président-assesseur,
– Mme Gondouin, premier conseiller,
– Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2015.
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N° 14LY03708

Analyse
Abstrats : 24-01-02-01-01-03 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Droits à indemnisation de l’occupant.
60-01-03-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d’ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d’engager la responsabilité de la puissance publique. Renseignements.

Travaux publics/ Dommages aux tiers/ Responsabilité de l’exploitant et de la commune

CAA de MARSEILLE

N° 13MA03559
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre – formation à 3
M. VANHULLEBUS, président
M. Jean-Michel LASO, rapporteur
Mme CHAMOT, rapporteur public
SCP TOMASI GARCIA & ASSOCIES, avocat

lecture du lundi 21 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Bonnabel a demandé au tribunal administratif de Marseille la condamnation de la société Orcières La Belle Montagne à lui verser la somme de 16 378 euros à titre de réparation des conséquences dommageables du sinistre du 17 novembre 2008 et la condamnation de la société Orcières La Belle Montagne et de la commune d’Orcières à lui verser la somme de 27 211,12 euros à titre de réparation des conséquences dommageables du sinistre du 30 juin 2009.

Par un jugement n° 1007687 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières à verser à la SNC Bonnabel la somme de 615,64 euros chacune au titre du sinistre du 30 juin 2009.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 août 2013, et deux mémoires, enregistrés le 3 décembre 2013 et le 24 juin 2014, la SNC Bonnabel, représentée par MeD…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1007687 du 4 juillet 2013 en tant qu’il a rejeté ses conclusions indemnitaires sauf en ce qui concerne la somme de 1 231,28 euros ;

2°) de condamner la société Orcières La Belle Montagne à lui payer la somme de 16 318,30 euros à titre de réparation des conséquences dommageables du sinistre du 17 novembre 2008 ;

3°) de condamner, conjointement et solidairement, la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières à lui verser, à titre principal, la somme de 29 387,82 euros, à titre subsidiaire, la somme de 22 173,06 euros à titre de réparation des conséquences dommageables du sinistre du 30 juin 2009 ;

4°) de condamner, conjointement et solidairement, la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens comprenant les constats d’huissier du 18 juin 2008, 17 novembre 2008 et 1er juillet 2009.

Elle soutient que :

– elle n’a reçu aucune indemnisation de son assureur en réparation des préjudices subis au titre des deux sinistres ;

– l’évaluation des préjudices du sinistre du 17 novembre 2008 d’un montant de 13 378 euros résulte de l’évaluation faite par sa compagnie d’assurance et celle de la société Orcières La Belle Montagne ; l’expert judiciaire a repris cette évaluation ; il convient d’y ajouter les sommes de 1 440,30 euros correspondant à des chaînes de véhicules rendues inutilisables et 1 500 euros correspondant aux congélateurs dont les moteurs ont grillé ;

– l’évaluation des préjudices du sinistre du 30 juin 2009 d’un montant de 11 960 euros résulte de l’expertise judiciaire ; il convient d’y ajouter les sommes de 376,75 euros et 854,54 euros correspondant à des opérations de nettoyage, 3 976,70 euros correspondant au temps passé par les exploitants à remettre en état les locaux et 12 219,84 euros correspondant à la perte d’exploitation calculée à partir du chiffre d’affaire annuel, à titre subsidiaire, la somme de 5 005,08 euros au titre de la perte d’exploitation calculée à partir de la marge d’exploitation ;

– les frais des constats d’huissier du 18 juin 2008, 17 novembre 2008 et 1er juillet 2009 sont justifiés par les factures correspondantes.

Par un mémoire, enregistré le 4 novembre 2013, la société Orcières La Belle Montagne, représentée par MeE…, conclut à la réformation du jugement attaqué en ce qu’il retenu sa responsabilité et l’a condamnée à verser à la SNC Bonnabel la somme de 3 053,23 euros et au rejet de la requête ; à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés Gaudy et SAUR à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre au titre du sinistre du 17 novembre 2008 ; en toute hypothèse, condamner la SNC Bonnabel ou tout autre succombant à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– il n’est pas établi que les travaux de terrassement dont elle est maître d’ouvrage sont à l’origine des sinistres ; le sinistre du 30 juin 2009 a pour origine les travaux liés à la maison du tourisme dont la commune d’Orcières est maître d’ouvrage ; à titre subsidiaire, si une responsabilité partagée était retenue, la responsabilité de la commune devra être supérieure à celle de la société Orcières La Belle Montagne ;

– les préjudices invoqués ne sont pas démontrés ;

– la société Gaudy réalisait les travaux de terrassement et a rompu une canalisation d’eau ; cette entreprise a été mal informée par la société SAUR gestionnaire du réseau d’eau potable de la commune.

Par deux mémoires, enregistrés les 8 et 15 novembre 2013, la société SAUR, représentée par MeK…, conclut à sa mise hors de cause, à ce que la société Gaudy soit condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et à la condamnation de la société Orcières La Belle Montagne ou tout succombant à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le rapport de l’expert judiciaire ne lui est pas opposable ; il n’est pas établi qu’elle a délivré des renseignements erronés à la société Gaudy.

Par un mémoire, enregistré le 24 janvier 2014, la société Gaudy, représentée par Me A…F…, conclut au rejet de l’appel en garantie de la société Orcières La Belle Montagne et au rejet de celui de la société SAUR, à ce que la société SAUR soit condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et à la condamnation de la société Orcières La Belle Montagne ou tout succombant à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le rapport de l’expert judiciaire ne lui est pas opposable ; il n’est pas établi que les travaux de terrassement qu’elle réalisait sont à l’origine des sinistres ; elle a été mal informée sur l’emplacement du réseau d’eau potable.

Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2014, la commune d’Orcières, représentée par MeI…, conclut à la réformation du jugement attaqué en ce qu’il a retenu sa responsabilité sur le sinistre du 30 juin 2009, à titre subsidiaire, à ce que son assureur, la compagnie AXA, le maître d’oeuvre des travaux, la Selarl Blay Coulet, et l’entrepreneur, la société Festa et la société Orcières La Belle Montagne soient condamnés à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ; à la condamnation de la SNC Bonnabel, la compagnie AXA, la Selarl Blay Coulet, la société Festa et la société Orcières La Belle Montagne ou tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu’il n’est pas établi que les travaux de terrassement qu’elle réalisait sont à l’origine du sinistre du 30 juin 2009 ; les préjudices ne sont pas justifiés ; l’entreprise qui réalisait les travaux de construction de la maison du tourisme, la société Festa, et le maître d’oeuvre des travaux, la Selarl Blay Coulet, ont commis des fautes contractuelles.

Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2014, la selarl Blay Coulet, représentée par Me C…, conclut au rejet de l’appel en garantie de la commune d’Orcières, subsidiairement, à ce que le préjudice subi par la SNC Bonnabel consécutivement au sinistre du 30 juin 2009 ne saurait excéder la somme de 1 231,28 euros et, en toute hypothèse, à la condamnation de la commune d’Orcières à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le rapport de l’expert judiciaire ne lui est pas opposable ; il n’est pas établi que les travaux de construction de la maison du tourisme dont elle assurait la maîtrise d’oeuvre sont à l’origine du sinistre ; les préjudices ne sont pas justifiés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur les moyens relevés d’office, tirés de l’incompétence de la juridiction administrative pour connaître, d’une part, des appels en garantie des sociétés Orcières La Belle Montagne et Gaudy dirigés contre la société SAUR dès lors qu’aucun contrat administratif n’a été conclu entre elles et, d’autre part, de l’appel en garantie de la société Orcières La Belle Montagne dirigé contre la société Gaudy dès lors que le contrat conclu entre elles est un contrat de droit privé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Laso, rapporteur ;
– les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
– et les observations de Me D…pour la SNC Bonnabel, de Me B…de la Selarl Abeille pour la société Orcières La Belle Montagne, de Me G…substituant Me I… pour la commune d’Orcières, de Me J…de la SCP De Angelis pour la société SAUR et de Me H…de la Selarl Job F…pour la société Gaudy.

1. Considérant que le local commercial de la SNC Bonnabel situé à Orcières, au bas des pistes du front de neige de la station, a subi des dommages consécutifs à deux sinistres survenus le 17 novembre 2008 et le 30 juin 2009 ; que, le 17 novembre 2008, des infiltrations d’eau ont inondé le sous-sol sur une hauteur de soixante centimètres ; que, le 30 juin 2009, une coulée de boue provenant du front de neige s’est engouffrée dans le magasin ; que la SNC Bonnabel a recherché devant le tribunal administratif de Marseille la responsabilité de la société Orcières La Belle Montagne, titulaire d’une convention de délégation de service public conclue le 31 octobre 2003 en vue notamment de l’exploitation des remontées mécaniques et du domaine skiable de la station, dans la survenance des dommages résultant du sinistre du 17 novembre 2008 et la responsabilité conjointe et solidaire de cette société et de la commune d’Orcières dans la survenance des dommages résultant du sinistre du 30 juin 2009 ; que, par jugement du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Marseille a, d’une part, déclaré la société Orcières La Belle Montagne responsable des conséquences dommageables subies par la SNC Bonnabel lors du sinistre du 17 novembre 2008, d’autre part, déclaré la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières responsables pour moitié chacune des conséquences dommageables subies par la SNC Bonnabel lors du sinistre du 30 juin 2009 et, enfin, condamné la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières à verser à la SNC Bonnabel la somme de 615,64 euros chacune ; que la SNC Bonnabel, estimant cette indemnisation insuffisante, relève appel de ce jugement ; que tant la société Orcières La Belle Montagne que la commune d’Orcières ont présenté des conclusions incidentes tendant à la remise en cause des condamnations prononcées ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que la responsabilité du maître d’un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l’égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage et aux travaux publics ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir la preuve que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être utilement invoqué le fait d’un tiers ; que la victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu’elle allègue avoir subis et de l’existence d’un lien de causalité entre l’ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;

En ce qui concerne le sinistre du 17 novembre 2008 :

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du rapport de l’expert désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 25 mars 2010 et des rapports d’expertise des assureurs de la SNC Bonnabel du 11 août 2009 et de la société Orcières La Belle Montagne du 27 mai 2009 que les infiltrations d’eau constatées au niveau du sous-sol du local de la requérante sont imputables aux  » travaux d’aménagement et de terrassement réalisés par la société Orcières La Belle Montagne (qui) ont entraîné des mouvements de terre importants avec des modifications (au moins provisoire) de l’écoulement des eaux de pluie. Très vraisemblablement, cette eau a imbibé les remblais récents placés au dessus de l’immeuble Bonnabel saturant le sous-sol et pouvant venir inonder en partie la cave du magasin Bonnabel  » ; que les experts ont également indiqué que, le 12 novembre 2008, la rupture d’une canalisation d’eau potable, située sur le chantier des travaux d’aménagement et de terrassement, à quelques dizaines de mètres du bâtiment, a provoqué un écoulement important d’eau et entraîné l’imprégnation totale des terres au dessus de l’immeuble Bonnabel ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient la société Orcières La Belle Montagne, le lien de causalité entre ces travaux publics à l’égard desquels la requérante a la qualité de tiers et les dommages subis par elle lors du sinistre du 17 novembre 2008 est établi ; que, dès lors, la responsabilité sans faute de la société Orcières La Belle Montagne, maître d’ouvrage des travaux en cause, est engagée à l’égard de la SNC Bonnabel ; qu’il n’y a pas lieu de rechercher, à ce stade, si la rupture de la canalisation résulterait de la faute de la société Gaudy en charge des travaux et de la société SAUR gestionnaire du réseau d’eau potable de la commune ; que la société Orcières La Belle Montagne n’est ainsi pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l’a déclarée responsable des conséquences dommageables subies par la SNC Bonnabel lors du sinistre du 17 novembre 2008 ;

En ce qui concerne le sinistre du 30 juin 2009 :

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du rapport de l’expert désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 25 mars 2010 que la coulée de boue qui s’est engouffrée dans le magasin est imputable, d’une part, aux mêmes travaux d’aménagement des pistes réalisés par la société Orcières La Belle Montagne au dessus de l’immeuble Bonnabel qui ont eu pour effet de modifier la collecte des eaux de pluie alors que l’engazonnement des terres et les travaux de drainage n’étaient ni réalisés ni terminés et, d’autre part, aux travaux de construction de la maison du tourisme réalisés également au dessus de l’immeuble Bonnabel qui se sont traduits par la mise en dépôt provisoire des terres au dessus de l’emprise de ce chantier créant  » une zone de rétention d’eau (ou poche) qui, lorsqu’elle a atteint un certain niveau, a rompu le merlon de terres et s’est déversée vers le bas  » des pistes ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutiennent la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières, le lien de causalité entre leurs travaux publics respectifs à l’égard desquels la requérante a la qualité de tiers et les dommages subis lors du sinistre du 30 juin 2009 est établi ; que, dès lors, la responsabilité sans faute de la société Orcières La Belle Montagne et de la commune d’Orcières, maîtres d’ouvrage des travaux publics en cause, est engagée à l’égard de la SNC Bonnabel ; que les dommages résultant pour partie des travaux de construction de la maison du tourisme, la commune ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l’article 23 de la convention de délégation de service public pour soutenir que seule la responsabilité de la société Orcières La Belle Montagne devrait être engagée ; qu’eu égard aux conclusions de l’expert qui déclare que le sinistre est  » la superposition de deux faits « , le tribunal administratif de Marseille n’a pas retenu une appréciation excessive de la part de responsabilité incombant à la société Orcières La Belle Montagne et à la commune d’Orcières en fixant pour moitié pour chacune d’elles la réparation des conséquences dommageables résultant de ce sinistre ; que ni la société Orcières La Belle Montagne ni la commune d’Orcières ne sont ainsi fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille les a déclarées responsables pour moitié chacune des conséquences dommageables subies par la SNC Bonnabel lors du sinistre du 30 juin 2009 ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le sinistre du 17 novembre 2008 :

5. Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de réparation du préjudice matériel lié à ce sinistre au motif que la SNC Bonnabel n’en établissait pas la réalité et, qu’au surplus, elle n’établissait pas non plus ne pas avoir reçu une quelconque indemnité de la part de son assureur en réparation des dommages subis ; que, d’une part, la requérante justifie, en appel, par la production d’une attestation de son assureur qu’elle n’a reçu aucune somme au titre de ce sinistre ; que, d’autre part, il résulte de l’instruction notamment du rapport d’expertise de l’assureur de la SNC Bonnabel du 11 août 2009, du rapport de l’assureur de la société La Belle Montagne du 27 mai 2009 et du rapport de l’expert désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 25 mars 2010 que le préjudice matériel subi par la SNC Bonnabel lié à ce sinistre a été précisément chiffré par les experts privés et détaillé poste par poste dans un procès verbal d’évaluation des dommages signés par ces assureurs ; qu’ainsi, le préjudice matériel subi par la SNC Bonnabel comprend le pompage de l’eau, le nettoyage et l’assèchement pour un montant de 2 181 euros, le total des marchandises perdues pour un montant de 10 897 euros et le tri et l’évacuation de ces marchandises pour un montant de 300 euros ; que la SNC Bonnabel est dès lors fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a écarté ce chef de préjudice s’élevant à la somme de 13 378 euros ;

6. Considérant que si la SNC Bonnabel sollicite une indemnisation, à hauteur de 1 440,30 euros, au titre des chaînes pour véhicules rendues totalement inutilisables, ce préjudice ne résulte pas de l’instruction et ne saurait être démontré par la seule production d’une attestation d’achat du 7 janvier 2009 ; que si la requérante sollicite également l’indemnisation, à hauteur de la somme  » forfaitaire  » de 1 500 euros, au titre des congélateurs dont les moteurs ont grillé, elle n’établit pas le montant de ce préjudice en l’absence de toute pièce justificative ; que, par suite, c’est à juste titre que le tribunal administratif de Marseille a refusé d’indemniser ces chefs de préjudice ;

7. Considérant que les frais de constat d’huissier du 17 novembre 2008 d’un montant de 196,17 euros sont justifiés, en appel, par la production d’une attestation ; qu’ils doivent être mis à la charge de la société Orcières La Belle Montagne dès lors que ce constat a été utile à la solution du litige ; que la SNC Bonnabel est ainsi fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a écarté ce chef de préjudice ; qu’en revanche, la requérante n’est pas fondée à demander à être indemnisée, à hauteur de 255,79 euros, des frais de constat d’huissier du 18 juin 2008 antérieur au sinistre ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SNC Bonnabel a droit à ce que son préjudice matériel lié au sinistre du 17 novembre 2008 soit réparé à hauteur de 13 574,17 euros par la société Orcières La Belle Montagne ;

En ce qui concerne le sinistre du 30 juin 2009 :

9. Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de réparation du préjudice matériel d’un montant de 11 960 euros lié à ce sinistre au motif que la SNC Bonnabel n’en établissait pas la réalité ; que si la requérante justifie, en appel, par la production d’une attestation de son assureur qu’elle n’a reçu aucune somme au titre de ce sinistre, il n’y a pas lieu de retenir les sommes admises par l’expert judiciaire pour la réhabilitation des locaux, la révision du monte-charge, l’achat de pièces de rechange, le contrôle des appareils de froid, la révision des pompes de relevage, le contrôle et les essais des pompes et le contrôle du consuel, frais de pompiers, services municipaux et assurances, ces travaux étant  » à prévoir  » selon l’expert et les montants retenus par l’expert n’étant établis par aucune facture où pièce justificative ; que, dès lors, c’est à juste titre que le tribunal administratif de Marseille a refusé d’indemniser ces chefs de préjudice ; qu’en revanche, l’expert judiciaire a repris la liste détaillée établie par la requérante s’agissant des marchandises dégradées ou avariées, évaluées à 1 813,93 euros ; que, même en l’absence de facture ou de pièce justificative, cette circonstance ne saurait, par elle-même, faire obstacle à la réparation de ce chef de préjudice ; que la SNC Bonnabel est dès lors fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a écarté ce chef de préjudice s’élevant à la somme de 1 813,93 euros ;

10. Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de réparation du préjudice lié au temps passé par les exploitants pour la remise en état ; que si la SNC Bonnabel sollicite à ce titre une indemnisation à hauteur de 3 976,70 euros, ce chef de préjudice ne saurait être démontré par la production d’un devis de nettoyage établi le 21 octobre 2009 concernant le sinistre du 17 novembre 2008 et alors que le tribunal administratif de Marseille a retenu les factures de 376,74 euros et 854,54 euros correspondant à des opérations de nettoyage ; que, par suite, c’est à juste titre que le tribunal administratif de Marseille a refusé d’indemniser ces chefs de préjudice ;

11. Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de réparation du préjudice lié à la perte d’exploitation qu’elle aurait subie pour un montant de 12 219,84 euros au titre du chiffre d’affaire annuel ou d’un montant de 5 005,08 euros au titre de la marge d’exploitation ; que, toutefois, en raison notamment de ce que la SNC Bonnabel ne démontre pas que le magasin a été fermé pendant une durée de six jours comme elle le prétend, l’existence de préjudices de cette nature ne saurait, en l’espèce, être retenue ; que, par suite, c’est à juste titre que le tribunal administratif de Marseille a refusé d’indemniser ces chefs de préjudice ;

12. Considérant que les frais de constat d’huissier du 1er juillet 2009 d’un montant de 483,39 euros sont justifiés, en appel, par la production d’une facture ; qu’ils doivent être mis à la charge de la société Orcières La Belle Montagne et de la commune d’Orcières dès lors que ce constat a été utile à la solution du litige ; que la SNC Bonnabel est ainsi fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a écarté ce chef de préjudice ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SNC Bonnabel est fondée à demander que son préjudice lié au sinistre du 30 juin 2009 soit porté à la somme de 3 528,60 euros ; qu’eu égard au partage de responsabilité, il y a lieu de condamner la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières à verser à la SNC Bonnabel la somme de 1 764,30 euros chacune au titre du sinistre du 30 juin 2009 ;

Sur les appels en garantie :

En ce qui concerne le sinistre du 17 novembre 2008 :

S’agissant des appels en garantie formés par la société Orcières La Belle Montagne :

14. Considérant, en premier lieu, que, pour demander que la société Gaudy soit condamnée à la garantir de toute condamnation, la société Orcières La Belle Montagne soutient que la rupture de la canalisation d’eau potable est imputable à cette société en charge des travaux de terrassement ;

15. Considérant que le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant les participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties sont unies par un contrat de droit privé ; que, dans ce dernier cas, la compétence demeure administrative si l’une des parties au contrat agit pour le compte d’une personne publique ;

16. Considérant que, par une convention de délégation de service public conclue le 31 octobre 2003 la commune d’Orcières a confié à la société Orcières La Belle Montagne l’exploitation et la gestion d’un ensemble de services et d’équipements touristiques de la station d’Orcières Merlette ; qu’aux termes de l’article 1er de cette convention  » les biens, constructions, installations, bâtiments et équipements futurs à réaliser et/ou exploiter  » sont soumis au régime de la concession ; que l’article 34 de la convention stipule que les biens que le délégataire va acquérir ou édifier ou faire édifier tout au long du contrat, s’agissant de biens exclusivement affectés aux services publics objet de la convention, seront remis à la collectivité à la fin normale du contrat ; qu’ainsi, la commune d’Orcières n’a pas confié à la société Orcières La Belle Montagne la réalisation, pour son compte, d’ouvrages qui devaient lui être remis dès l’achèvement des travaux, ceux-ci n’étant remis à la commune qu’au terme des dix-huit ans de la convention, le 31 octobre 2021 ; qu’il découle des stipulations de cette convention que, s’agissant des biens affectés exclusivement au service appartenant au délégataire financés et acquis par ce dernier, la société Orcières La Belle Montagne ne peut être regardée comme un contrat de mandat ; que, dès lors, le délégataire, la société Orcières La Belle Montagne, agit pour son compte et non pour celui de la commune d’Orcières en concluant des marchés avec les tiers pour la réalisation de ces ouvrages ; que, par suite, le marché de travaux de terrassements conclu le 10 juin 2008 par la société Orcières La Belle Montagne, personne morale de droit privé agissant pour son compte, avec la société Gaudy est un contrat de droit privé ; que les litiges relevant de son exécution ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative ; que l’appel en garantie de la société Orcières La Belle Montagne doit donc être rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

17. Considérant, en second lieu, qu’aucun contrat administratif n’a été conclu entre la société Orcières La Belle Montagne et la société SAUR laquelle n’a pas participé à l’exécution des travaux publics en cause ; que, par suite, il n’appartient qu’aux seules juridictions de l’ordre judiciaire de connaître des conclusions présentées par la société Orcières La Belle Montagne dirigées contre la société SAUR ;

S’agissant des appels en garantie croisés formés par les sociétés Gaudy et SAUR :

18. Considérant qu’aucun contrat administratif n’a été conclu entre la société Gaudy et la société SAUR laquelle n’a pas participé à l’exécution des travaux publics en cause ; que, par suite, il n’appartient qu’aux seules juridictions de l’ordre judiciaire de connaître des conclusions en appel en garantie réciproques présentées par ces sociétés ;

En ce qui concerne le sinistre du 30 juin 2009 :

19. Considérant que si la commune d’Orcières appelle en garantie la société Orcières La Belle Montagne, il résulte de ce qui a été au point 4 que les désordres dont la responsabilité est imputable à la commune d’Orcières sont ceux causés par les travaux de construction de la maison du tourisme dont elle était maître d’ouvrage ; que ces travaux sont sans lien avec les travaux d’aménagement des pistes dont la société Orcières La Belle Montagne était maître d’ouvrage ; que, dès lors, les conclusions en appel en garantie de la commune dirigées contre la société Orcières La Belle Montagne doivent être rejetées ;

20. Considérant que si la commune d’Orcières appelle en garantie son assureur, la compagnie Axa, elle ne précise pas plus en appel qu’en première instance le fondement de sa demande et les stipulations contractuelles sur lesquelles elle entend voir engager la responsabilité de son assureur ; que ces conclusions doivent donc être rejetées ;

21. Considérant que la commune d’Orcières appelle en garantie la Selarl Blay Coulet en qualité de maître d’oeuvre des travaux de construction de la maison du tourisme et la société Festa, en qualité d’entrepreneur en charge de ces travaux, en raison du dépôt provisoire de terre au dessus de l’emprise de ce chantier ; qu’il résulte de l’instruction notamment de l’expertise, rappelée au point 4, que  » ce dépôt a créé une zone de rétention d’eau (ou poche) qui ayant atteint un certain niveau a rompu le merlon de terres et s’est déversée vers le bas  » ; qu’eu égard notamment à la configuration des lieux et alors même qu’il n’est pas établi que l’entrepreneur et le maître d’oeuvre avaient eu connaissance de la modification de la collecte des eaux de pluie par les travaux d’aménagement et de terrassement des pistes de ski, les sociétés Festa et Blay-Coulet ont méconnu les règles de l’art en déposant même provisoirement de la terre au dessus de l’emprise du chantier sans mettre en place une évacuation des eaux pluviales ; que la commune d’Orcières est ainsi fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a rejeté ses conclusions d’appel en garantie dirigées contre la Selarl Blay-Coulet et la société Festa ; que les désordres résultent tant d’une mauvaise exécution des travaux par l’entreprise Festa que d’un manquement au devoir de conseil de la Selarl Blay-Coulet, maître d’oeuvre ; qu’eu égard à l’importance de ces fautes dans la survenance des désordres, il y a lieu de condamner la société Festa à hauteur de 70 % et la Selarl Blay-Coulet à hauteur de 30 % à garantir la commune d’Orcières de la somme de 1 764,30 euros mise à sa charge ;

Sur les frais d’expertise :

22. Considérant que les frais de l’expertise liquidés et taxés à la somme de 4 875,18 euros ont été mis à la charge pour moitié chacune de la commune d’Orcières et de la société Orcières La Belle Montagne ; que la responsabilité de la société Orcières la Belle Montagne étant confirmée par le présent arrêt, les conclusions de cette société tendant à la réformation sur ce point du jugement du tribunal administratif de Marseille doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge conjointe et solidaire de la société Orcières la Belle Montagne et de la commune d’Orcières la somme de 2 000 euros à verser à la SNC Bonnabel sur le fondement des dispositions de cet article ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SNC Bonnabel, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Orcières la Belle Montagne et à la commune d’Orcières, une quelque somme à ce titre ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux autres conclusions que la société Orcières la Belle Montagne, la commune d’Orcières, la société Gaudy, la société SAUR et la Selarl Blay-Coulet ont présentées au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L’article 5 du jugement du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Marseille en tant qu’il indique qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions en appel en garantie présentées par la société Orcières La Belle Montagne et par la société SAUR est annulé.

Article 2 : Les conclusions en appel en garantie présentées par la société Orcières La Belle Montagne dirigées contre les sociétés Gaudy et SAUR ainsi que les conclusions en appel en garantie réciproques présentées par les sociétés Gaudy et SAUR sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : La société Orcières La Belle Montagne est condamnée à verser à la SNC Bonnabel la somme de 13 574,17 euros.

Article 4 : La somme de 615,64 euros que la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières ont été condamnées à verser à la SNC Bonnabel chacune est portée à 1 764,30 euros.

Article 5 : La commune d’Orcières sera relevée et garantie de la somme qu’elle a été condamnée à payer en application de l’article 4 du présent arrêt par la société Festa à hauteur de 70 % (1 235,01 euros) et par la société Blay-Coulet à hauteur de 30 % (529,29 euros).

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : La société Orcières la Belle Montagne et la commune d’Orcières verseront conjointement et solidairement à la SNC Bonnabel la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions de l’ensemble des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Bonnabel, à la société Orcières La Belle Montagne, à la commune d’Orcières, à la société SAUR, à la société Gaudy, à la société Axa, à la société Blay Coulet et à la société Festa.

Contentieux CNES-FFME/ Titres de qualification/ Enseignement bénévole

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 17 décembre 2015
N° de pourvoi: 14-26531
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2014), que la Confédération nationale des éducateurs sportifs des salariés du sport et de l’animation (CNES) a assigné la Fédération française de la montagne et de l’escalade aux fins de lui interdire de faire usage de certains titres dans l’intitulé de ses diplômes n’ouvrant droit qu’à l’exercice d’un enseignement bénévole ;

Attendu que la CNES fait grief à l’arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu’il résulte des articles L. 212-1 et L. 212-8 du code du sport que l’usage du titre de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d’une activité physique ou sportive est subordonné à l’obtention d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification permettant d’enseigner, d’animer ou d’encadrer une activité physique ou sportive ou d’entraîner ses pratiquants, à titre d’occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, contre rémunération ; qu’en conséquence, est interdit l’usage des titres de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d’une activité physique ou sportive pour désigner une pratique d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité physique ou sportive ou d’entraînement de ses pratiquants dispensée par le titulaire d’un diplôme n’ouvrant droit qu’à une pratique bénévole ; qu’en l’espèce, la CNES demandait à voir interdire à la Fédération française de la montagne et de l’escalade, sur le fondement des textes susvisés, de faire usage des titres de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d’une activité physique ou sportive dans l’intitulé de ses diplômes fédéraux n’ouvrant pas droit à une pratique rémunérée d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité physique ou sportive ou d’entraînement de ses pratiquants ; qu’en retenant, au contraire, que la Fédération pouvait faire usage de ces titres dans des formations n’ouvrant droit qu’à une pratique bénévole, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’en retenant, en l’espèce, qu’interdire aux fédérations d’utiliser les termes de « professeur », « moniteur », « éducateur », « entraîneur » ou « animateur », ou tout autre titre similaire, pour les diplômes délivrés à ses enseignants bénévoles, serait de nature à leur interdire d’assurer leur mission de formation dans le cadre du bénévolat, l’utilisation du terme générique d’enseignant proposé par la CNES ne permettant pas de qualifier le niveau de formation et les conditions d’exercice du diplôme décerné, la cour d’appel a statué en opportunité et ainsi méconnu l’article 12 du code de procédure civile ;

3°/ qu’il résulte de l’article 433-17 du code pénal qu’est interdit l’usage, sans droit, d’un titre attaché à une profession réglementée par l’autorité publique ou d’un diplôme officiel ou d’une qualité dont les conditions d’attribution sont fixées par l’autorité publique ; qu’est sans droit l’usage, par quiconque, du titre de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d’une activité physique ou sportive pour désigner des diplômes fédéraux n’ouvrant pas droit à une pratique rémunérée d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité physique ou sportive ou d’entraînement de ses pratiquants ; qu’en retenant, pour débouter la CNES de ses demandes d’interdiction, que l’usage de l’un des titres qualifiant l’enseignement sportif par des enseignants bénévoles, titulaires du diplôme fédéral délivré par les fédérations en application de l’alinéa 3 de cet article, ne serait pas un usage « sans droit », la cour d’appel a violé l’article 433-17 du code pénal, ensemble les articles L. 212-1 et L. 212-8 du code du sport ;

Mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que le champ d’application de l’article L. 212-8 du code du sport était limité à l’exercice de l’enseignement contre rémunération d’une activité physique ou sportive, la cour d’appel en a justement déduit que la Fédération française de la montagne et de l’escalade pouvait faire usage des titres litigieux dans l’intitulé de ses diplômes n’ouvrant droit qu’à l’exercice d’un enseignement bénévole ; qu’abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que les quatrième et cinquième branches du moyen ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Confédération nationale des éducateurs sportifs des salariés du sport et de l’animation aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quinze.

Convention de pâturage/ Domaine privé communal/ Contentieux administratif

CAA de MARSEILLE

N° 14MA03956
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre – formation à 3
M. POCHERON, président
Mme Jacqueline MARCHESSAUX, rapporteur
M. REVERT, rapporteur public
RICHARD & ASSOCIES AVOCATS, avocat
lecture du lundi 7 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B…a demandé au tribunal administratif de Nice, d’une part, d’annuler la délibération en date du 15 mars 2014 par laquelle le conseil municipal de Tende a décidé de l’attribution du pâturage de Peyrafique Chajol, d’autre part, d’ordonner la suspension de l’exécution de cette délibération et d’enjoindre à la commune de Tende de surseoir à la conclusion du contrat d’exploitation de pâturage par l’association  » Agnis Les Merveilles  » jusqu’à l’issue de la présente procédure.

Par un jugement n° 1401968 et 1401971 du 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2014, sous le n° 14MA03956, M.B…, représenté par MeD…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 juillet 2014 ;

2°) d’annuler la délibération en date du 15 mars 2014 par laquelle le conseil municipal de Tende a décidé de l’attribution du pâturage de Peyrafique Chajol ;

3°) d’annuler la décision de la commune de Tende refusant de lui attribuer le pâturage de Peyrafique Chajol ;
4°) d’enjoindre à la commune de Tende de faire constater la nullité de tout contrat éventuellement signé ou de retirer toute décision prise sur le fondement de ladite délibération sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

5°) d’enjoindre à la commune de Tende de réexaminer les deux offres reçues en vue de l’attribution dudit pâturage dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, le cas échéant, dire que le pâturage de Peyrafique Chajol lui est attribué, étant le seul candidat remplissant les conditions parmi les deux ayant présenté des offres ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Tende la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– le jugement attaqué a été rendu en violation des règles régissant la procédure d’instruction et en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ; malgré le délai de trente jours accordé la veille de l’audience par courrier du 23 juin 2014 et sa demande de réouverture de l’instruction, le tribunal a maintenu l’audience au 24 juin 2014, sans aucune nouvelle clôture d’instruction suite à la réouverture automatique par communication la veille de l’audience des pièces et du mémoire de la commune de Tende ;
– le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le contrat de location de pâturage était un contrat administratif ; seul le juge judiciaire est compétent pour apprécier la validité des contrats de location pluriannuel de pâturage ; qu’ainsi, le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que le juge administratif serait seul juge du contrat de location de pâturage ; le jugement est d’ailleurs contraire au premier moyen soulevé d’office par le tribunal qui a considéré à juste titre que le contrat précité était un acte de gestion du domaine privé relevant à ce titre de la compétence du juge judiciaire ;
– la délibération autorisant la conclusion du contrat de location reste un acte détachable de la convention de droit privé et peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge administratif ; ainsi, en jugeant que la contestation de cette délibération ne pouvait se faire que dans le cadre d’un recours de plein contentieux devant le juge du contrat, le tribunal a commis une erreur de droit ;
– les premiers juges ont commis une erreur de droit en faisant application de la décision du Conseil d’Etat en date du 4 avril 2014, n° 358994 dès lors que le contrat en cause n’est pas un contrat administratif et que son appréciation relève du juge judiciaire ;
– il est fondé à exercer un recours pour excès de pouvoir contre la délibération litigieuse qui reste un acte administratif détachable de la convention de droit privé et dès lors qu’aucune convention de pâturage ne semble avoir été signée et publiée ;
– la délibération contestée a été adoptée en méconnaissance des articles L. 331-2 et R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime ;
– il est demandé à la commune de justifier de la publicité effectuée conformément aux articles L. 137-1 et R. 137-1 du code forestier, c’est-à-dire par affichage et par insertion dans un journal régional ou local et de ce que la commission prévue par ces articles et régulièrement constituée a donné son avis sur l’ouverture des offres et sur leur examen ;
– la délibération litigieuse méconnaît les dispositions de l’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales dès lors que l’association attributaire du pâturage n’a ni domicile fixe ni exploitation réelle sur le territoire de la commune de Tende.
Un courrier du 25 août 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et a indiqué la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article R. 613-1 et le dernier alinéa de l’article R. 613-2.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code forestier ;
– l’ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier ;
– les lois du 10 juin 1793 et du 9 ventôse an XII ;
– le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. A…Pocheron en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience par un avis d’audience adressé le 8 octobre 2015 portant clôture d’instruction immédiate en application des dispositions de l’article R. 613-2 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Marchessaux,
– les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
– et les observations de MeC…, représentant M.B….
1. Considérant que M. B…relève appel du jugement en date du 15 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération en date du 15 mars 2014 par laquelle le conseil municipal de Tende a décidé de l’attribution du pâturage de Peyrafique Chajol à l’association  » Agnis des Merveilles  » et de la décision de la commune de Tende refusant de lui attribuer ce pâturage ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 611-1 du code de justice administrative :  » La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux. » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 613-2 du même code :  » Si le président de la formation de jugement n’a pas pris une ordonnance de clôture, l’instruction est close trois jours francs avant la date de l’audience indiquée dans l’avis d’audience prévu à l’article R. 711-2. Cet avis le mentionne. » ; qu’aux termes de l’article R. 613-3 du même code :  » Les mémoires produits après la clôture de l’instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. / Si les parties présentent avant la clôture de l’instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d’instruction.  » ; qu’aux termes de l’article R. 613-4 du même code :  » Le président de la formation de jugement peut rouvrir l’instruction par une décision qui n’est pas motivée et ne peut faire l’objet d’aucun recours. (…) / La réouverture de l’instruction peut également résulter d’un jugement ou d’une mesure d’investigation ordonnant un supplément d’instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l’instruction sont communiqués aux parties.  » ;
3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que lorsqu’il décide de soumettre au contradictoire une production de l’une des parties après la clôture de l’instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel doit être regardé comme ayant rouvert l’instruction ; que lorsque le délai qui reste à courir jusqu’à la date de l’audience ne permet plus l’intervention de la clôture automatique trois jours francs avant l’audience prévue par l’article R. 613-2 du code de justice administrative mentionné ci-dessus, il appartient à ce dernier, qui, par ailleurs, peut toujours, s’il l’estime nécessaire, fixer une nouvelle date d’audience, de clore l’instruction ainsi rouverte ;
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier de première instance que, le 23 juin 2014, soit moins de trois jours francs avant l’audience du 24 juin 2014 au terme de laquelle a été rendu le jugement attaqué et, par suite, après clôture automatique de l’instruction en application des dispositions de l’article R. 613-2, le greffe du tribunal administratif de Nice a communiqué à M.B…, qui avait la qualité de requérant dans cette instance, un mémoire en défense de la commune de Tende, en le priant de produire ses observations éventuelles dans un délai de trente jours ; qu’il résulte de ce qui a été dit plus haut que cette communication a eu pour effet de rouvrir l’instruction et que, par suite, en s’abstenant de clore à nouveau l’instruction alors que le délai de trois jours francs prévu par l’article R. 613-2 était expiré, le tribunal administratif a rendu son jugement au terme d’une procédure irrégulière ; que, par suite, M. B… est fondé à demander, pour ce motif, l’annulation du jugement attaqué ;
5. Considérant que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de régularité, il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. B…devant le tribunal administratif de Nice ;
En ce qui concerne la légalité externe :
6. Considérant, d’une part, aux termes de l’article L. 214-12 du code forestier applicable à compter du 1er juillet 2012 :  » Le pâturage des porcins, des bovins, des équidés ou des ovins, lorsqu’il n’est pas réservé au troupeau commun des habitants, peut être concédé après publicité, soit de gré à gré, soit, à défaut, selon les procédures prévues à l’article L. 214-6 sur décision de la collectivité ou autre personne morale propriétaire et aux conditions techniques arrêtées par une commission composée de représentants de l’Office national des forêts et d’exploitants agricoles. / Toute autorisation, concession ou location consentie en méconnaissance des dispositions du présent article est nulle. / Lorsque la demande de concession de pâturage concerne un usage pastoral extensif saisonnier, une convention pluriannuelle de pâturage est établie dans les formes et conditions prévues aux articles L. 481-3 et L. 481-4 du code rural et de la pêche maritime.  » ; qu’aux termes de l’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales :  » Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature. Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage conclue dans les conditions prévues à l’article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime ou par convention de mise à disposition d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d’exploitation sur la section. L’autorité municipale peut attribuer, le cas échéant, le reliquat de ces biens au profit d’exploitants agricoles sur la section ayant un bâtiment d’exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section, ou à défaut au profit de personnes exploitant des biens sur le territoire de la section et résidant sur le territoire de la commune ; à titre subsidiaire, elle peut attribuer ce reliquat au profit de personnes exploitant seulement des biens sur le territoire de la section ou, à défaut, au profit des exploitants ayant un bâtiment d’exploitation sur le territoire de la commune. Pour toutes les catégories précitées, les exploitants devront remplir les conditions prévues par les articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural et de la pêche maritime et celles prévues par le règlement d’attribution défini par l’autorité municipale (…)  » ;
7. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime dans sa version applicable à la date des décisions litigieuses :  » I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : / 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu’il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. (…) / 2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles ayant pour conséquence : / a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et compris entre le tiers et une fois l’unité de référence définie à l’article L. 312-5, ou de ramener la superficie d’une exploitation en deçà de ce seuil ; / b) De priver une exploitation agricole d’un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s’il est reconstruit ou remplacé ; / 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole : / a) Dont l’un des membres ayant la qualité d’exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d’expérience professionnelle ou a atteint l’âge requis pour bénéficier d’un avantage de vieillesse agricole ; / b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d’exploitant. / Il en est de même pour les exploitants pluriactifs remplissant les conditions de capacité ou d’expérience professionnelle dont les revenus extra-agricoles du foyer fiscal excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance ; / 4° (alinéa abrogé) ; / 5° Les agrandissements ou réunions d’exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l’exploitation du demandeur est supérieure à un maximum fixé par le schéma directeur départemental des structures, sans que ce maximum puisse être inférieur à cinq kilomètres ; / 6° Les créations ou extensions de capacité des ateliers de production hors sol au-delà d’un seuil de production fixé par décret ; / 7° La mise en valeur de biens agricoles reçus d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural, ayant pour conséquence la suppression d’une unité économique égale ou supérieure au seuil fixé en application du 2°, ou l’agrandissement, par attribution d’un bien préempté par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, d’une exploitation dont la surface totale après cette cession excède deux fois l’unité de référence définie à l’article L. 312-5.(…)  » ; qu’aux termes de l’article R. 331-5 du code précité en vigueur alors :  » I. – Les demandes d’autorisation d’exploiter sont soumises à l’avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture instituée aux articles R. 313-1 et suivants. Lorsque des candidatures concurrentes ont été enregistrées sur tout ou partie des biens qui font l’objet de la demande, l’ensemble des dossiers portant sur ces biens est soumis à la même séance de la commission. (…)  » ;
8. Considérant que M. B…soutient que le pâturage a été attribué à l’association pastorale  » Agnis les Merveilles  » alors qu’elle n’était bénéficiaire d’aucune autorisation préalable du préfet, la commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA) s’étant réunie le 8 avril 2014 pour examiner les demandes desdites autorisations ; que, cependant, si les dispositions précitées de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime imposent l’obtention préalable d’une autorisation pour les créations ou extensions d’exploitations agricoles, elles n’ont pas par elles-mêmes pour objet ou pour effet de prescrire une telle obligation pour l’attribution des pâturages effectuée dans le cadre de la procédure décrite à l’article L. 214-12 du code forestier telle qu’appliquée par la délibération en litige, qui n’a pas été adoptée en application de l’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ; qu’en effet, ces dernières dispositions, qui seules font expressément du respect de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime une condition préalable à l’attribution de terres à vocation agricole ou pastorale, sont inapplicables en l’espèce dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que le pâturage en cause n’est pas une propriété de la section mais un bien communal dont la procédure d’attribution ne relève pas de ces dispositions ; que, par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant ;
9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 213-24 du code forestier qui par l’ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 a remplacé l’article L. 137-1 du même code :  » Le pâturage des bovins, ovins, équidés et porcins ainsi que l’utilisation des aires apicoles peuvent être concédés s’il n’en résulte aucun inconvénient pour la gestion forestière du fonds. / La concession est prononcée, après publicité, soit de gré à gré, soit, à défaut, avec appel à la concurrence dans les conditions prévues à l’article L. 213-6, après avis d’une commission composée de représentants de l’Office national des forêts et d’exploitants agricoles. La concession peut être pluriannuelle.  » ; que l’article R. 213-42 du code précité qui a remplacé l’article R. 137-1 du même code prévoit que :  » La publicité prévue à l’article L. 213-24 est faite par affichage en mairie dans les communes de situation des biens et par insertion dans au moins un journal régional ou local dont la diffusion couvre toute la zone intéressée, quinze jours au moins avant la réunion de la commission mentionnée au même article, avec indication de la date limite de dépôt des demandes de concession.  » ;
10. Considérant que M. B…ne peut utilement soutenir que la commune de Tende ne justifie pas de ce que la publicité a été effectuée conformément aux articles L. 137-1 et R. 137-1 du code forestier et de ce que la commission prévue par ces articles et régulièrement constituée a donné son avis sur l’ouverture des offres et sur leur examen, dès lors que la procédure d’attribution en litige ne relève pas de ces dispositions mais de celles de l’article L. 214-12 du code forestier ; qu’il s’en suit que ces moyens ne sauraient être accueillis ;
En ce qui concerne la légalité interne :

11. Considérant que M. B…ne peut utilement soutenir que l’association  » Agnis les Merveilles  » étant une association déclarée à la sous-préfecture de Brignoles et ayant son siège social dans le département du Var, elle ne pouvait être attributaire du pâturage de Peyrafique Chajol en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales dès lors qu’ainsi qu’il a été dit au considérant n° 8, la procédure d’attribution du pâturage en cause n’a pas été effectuée en application de ces dispositions ; que, par suite, est également sans incidence la circonstance que le requérant aurait son domicile comme son exploitation agricole sur le territoire de la section ou du moins sur la commune de Tende ;
12. Considérant que contrairement à ce que soutient le requérant, l’article L. 214-12 précité du code forestier, qui constitue le fondement de la délibération contestée, était applicable à compter du 1er juillet 2012 ; qu’ainsi le moyen tiré du défaut de base légale de cette délibération ne saurait être accueilli ;
13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B…n’est pas fondé à demander l’annulation de la délibération en date du 15 mars 2014 par laquelle le conseil municipal de Tende a décidé de l’attribution du pâturage de Peyrafique Chajol et de la décision de la commune de Tende refusant de lui attribuer ce pâturage ;
Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d’annulation présentées par M.B…, n’implique aucune mesure d’exécution ; qu’il y a lieu, par suite, et en tout état de cause, de rejeter les conclusions susvisées ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Tende, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. B…quelque somme que ce soit au titre des frais que celui-ci a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B…la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Tende et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 15 juillet 2014 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La demande de M. B…présentée devant le tribunal administratif de Nice et le surplus des conclusions de la requête d’appel sont rejetés.
Article 3 : M. B…versera à la commune de Tende une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. B…et à la commune de Tende.
Délibéré après l’audience du 16 novembre 2015, où siégeaient :

– M. Pocheron, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative ;
– Mme Hameline, premier conseiller,
– Mme Marchessaux, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 décembre 2015.

Suspension d’un agent de l’Etat (CTPS) formant des moniteurs de ski/ Trafic de substances dopantes

CAA de LYON

N° 14LY00725
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
Mme Nathalie PEUVREL, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
RAVAZ, avocat
lecture du mardi 1 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :

M. E…F…a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 13 avril 2012 par lequel le ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative a prolongé la mesure de suspension dont il faisait l’objet et réduit de moitié sa rémunération.
Par un jugement n° 1204538 du 19 février 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er juin 2015, M. E…F…, représenté par MeB…, demande à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 février 2014 ;
2°) d’annuler l’arrêté du ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative du 13 avril 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le tribunal a omis de se prononcer sur les moyens tirés du traitement discriminatoire dont il fait l’objet, de ce que l’arrêté contesté est constitutif d’un détournement de pouvoir, de ce qu’il a été pris sans examen préalable approfondi de sa situation et de ce que la mesure présente un caractère disproportionné ;
– le décret du 27 juillet 2005 de délégation générale de signature des ministres aux directeurs d’administration centrale est illégal ; l’arrêté contesté n’entre pas dans le champ de ce décret, dès lors qu’il constitue une décision individuelle ; il a été signé par une autorité incompétente ;
– l’arrêté contesté prolongeant sans limite la suspension a été pris sans examen préalable de sa situation ;
– cet arrêté est insuffisamment motivé ; au regard du caractère exceptionnellement long de la suspension dont il fait l’objet, il doit être regardé comme constitutif d’une sanction ;
– s’agissant d’une sanction, il aurait dû être précédé d’une procédure contradictoire ; il n’a pas été entendu avant l’adoption de la mesure de suspension illimitée et a été considéré comme coupable sur la foi de soupçons, du seul fait de l’ouverture d’une instruction pénale ;
– l’absence de limitation dans le temps de la suspension a en réalité pour objet de l’évincer, alors qu’il est proche de l’âge de la retraite, et de mettre fin à la procédure pénale sans désaveu des policiers et du Parquet ; contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif, il est dans l’impossibilité de poursuivre ses fonctions ;
– cet acte procède d’un détournement de procédure, en ce que c’est son épouse, Mme C… G…-F…, qui est visée à travers lui ;
– l’acte contesté est discriminatoire, au regard du traitement réservé à des élus qui poursuivent leur mandat alors qu’ils sont mis en examen et à d’autres fonctionnaires visés par l’instruction en cours, qui ne font pas l’objet d’une mesure de suspension ;
– cet arrêté méconnaît le principe de la présomption d’innocence, reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– l’arrêté litigieux a été pris en méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce qu’il l’empêche de subvenir aux besoins de sa famille et qu’il constitue une mesure humiliante et dégradante ;
– cet arrêté procède d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que les fonctions qu’il exerce sont sans rapport avec le cyclisme, milieu dans lequel il s’investit à titre bénévole, et que les faits qui lui sont reprochés sont sans rapport avec ses fonctions ; aucun élément ne justifie qu’il soit écarté du service pour une durée illimitée ; la ministre s’est estimée liée par la décision du juge d’instruction et s’est fondée sur des articles de presse dépourvus de tout fondement alors qu’il a exercé ses fonctions de manière irréprochable pendant vingt-cinq ans ; aucune sanction n’a été prononcée contre lui, ni par son employeur, ni par l’Agence française de lutte contre le dopage, laquelle a l’a relaxé, et aucune décision de renvoi devant le tribunal correctionnel n’a été prononcée ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; la réputation et le prestige du service ne sont en rien menacés, ses fonctions dans l’administration étant ignorées de la presse ; le caractère de vraisemblance des faits qui lui sont reprochés ne saurait suffire à justifier une suspension sans limitation de durée ; les investigations effectuées l’ont mis hors de cause ;
– sa rémunération a été diminuée des trois-quarts et non de moitié, comme l’a indiqué le tribunal ; le déroulement de sa carrière a été interrompu et ses droits à retraite sont également affectés par la décision de réduire sa rémunération ; sa rémunération est inférieure au seuil de pauvreté.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2015, le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
– le tribunal administratif de Grenoble, qui n’était pas tenu de répondre à tous ses arguments, a répondu à l’ensemble des moyens soulevés par M.F… ;
– Mme D…A…, nommée directrice des ressources humaines par décret du 11 juin 2009, était compétente pour signer l’acte contesté, en application de l’article 1er du décret du 27 juillet 2005 ;
– la mesure de prolongation de la suspension constitue une mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service ; elle a été décidée au motif que M. F…était soupçonné de trafic de stupéfiants et poursuivi pénalement à ce titre ; ces éléments permettant de présumer qu’il avait commis une faute grave, une mesure de suspension pouvait légalement être prise ; l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 permet de prolonger la durée de la suspension ; aucun texte n’interdit de prolonger une mesure de suspension sans limitation de durée ; la réduction de moitié de son traitement pouvait légalement être prise ;
– les garanties relatives à la procédure disciplinaire ne s’appliquent pas en cas de suspension, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une sanction ; ainsi, elle n’a pas à être motivée ;
– s’agissant d’une mesure conservatoire, qui ne se prononce pas sur la culpabilité de M. F… ou sur l’issue de la procédure disciplinaire, elle ne peut avoir été prise en méconnaissance du principe de présomption d’innocence ; elle ne fait pas obstacle à ce que M. F… exerce une activité privée pour compenser sa perte de revenus ; elle ne méconnaît ni l’article 3, ni l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– la mesure a été prise en considération de griefs suffisamment vraisemblables pour laisser présumer que M. F…a commis une faute grave ; les faits qui lui sont reprochés sont pénalement répréhensibles ; la circonstance que les faits auraient été commis en-dehors du service ne fait pas obstacle à la mesure de suspension dès lors qu’ils relèvent d’une qualification criminelle ; l’administration a procédé à un examen préalable approfondi de la situation de M. F… ;
– les faits dont M. F…est soupçonné sont en lien avec la pratique du sport et de nature à compromettre la dignité de sa fonction et à porter atteinte à l’administration dont il relève ;
Par ordonnance du 4 juin 2015, la clôture de l’instruction a été fixée au 26 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
– la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
– le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
– le décret du 11 juin 2009 portant nomination d’une directrice d’administration centrale ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Peuvrel ;
– les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
– et les observations de MeB…, pour M.F….
1. Considérant que M.F…, agent titulaire de la fonction publique d’Etat au sein du corps des conseillers techniques et pédagogiques supérieurs, a pour mission de former des moniteurs de ski ; que, le 10 février 2012, il a été placé en garde à vue puis mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour faits de contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, infractions aux règlements sur le commerce, l’emploi de substances vénéneuses, l’importation de substances ou de produits interdits aux fins d’usage par un sportif, sans raison médicale dûment justifiée, de produits dopants ; qu’il a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois par un arrêté du ministre chargé des sports en date du 14 février 2012 ; que, par un arrêté ministériel du 13 avril 2012, sa suspension a été prolongée et sa rémunération diminuée de moitié ; que son recours gracieux contre cet arrêté ayant été rejeté, M. F…a saisi le tribunal administratif de Grenoble d’une demande tendant à son annulation, demande qui a été rejetée par un jugement du 19 février 2014 dont il relève appel ;
Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, contrairement à ce qu’allègue M.F…, les premiers juges ont dûment examiné les moyens tirés de ce que l’arrêté contesté serait constitutif d’un détournement de pouvoir, aurait été pris sans examen préalable approfondi de sa situation et présenterait, en prolongeant de manière illimitée la suspension, un caractère disproportionné ; que, s’il ressort de sa demande de première instance qu’elle mentionne le fait que d’autres fonctionnaires, pourtant visés par l’information judiciaire, n’ont pas été suspendus, cette indication ne se présente comme un moyen à part entière, mais seulement comme un argument au soutien du moyen tiré du non-respect de la présomption d’innocence ; que, par suite, M. F…n’est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient omis de se prononcer sur des moyens soulevés devant eux ;
Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement :  » A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l’acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d’Etat et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (…) les directeurs d’administration centrale (…).  » ; que, contrairement à ce qu’allègue M.F…, qui ne précise pas quelle loi serait méconnue par ces dispositions, celles-ci n’ont ni pour objet, ni pour effet de priver les ministres de leur compétence, qu’il leur est toujours loisible d’exercer en lieu et place du délégataire ; que si le texte vise, s’agissant des délégataires, des fonctions et non des personnes, la délégation n’est possible que lorsque ces personnes ont été régulièrement nommées et qu’enfin, les matières pour lesquelles la délégation est donnée sont circonscrites au champ de compétence spécifique de chaque délégataire ; que les affaires des services placés sous l’autorité des délégataires incluent les mesures individuelles prises à l’encontre des agents de ces services, comme les mesures de suspension à titre conservatoire, de prolongation de suspension et de réduction de rémunération ; qu’en l’espèce, Mme D…A…était, du fait de sa nomination en qualité de directrice des ressources humaines par décret du 11 juin 2009, compétente pour signer l’arrêté contesté, lequel entre dans le champ des affaires des services placés, au ministère chargé des sports, sous son autorité, par délégation du ministre ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :  » En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire, l’intéressé, sauf s’il est l’objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n’est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l’alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille.  » ;

5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la suspension, de même que sa prolongation, y compris lorsqu’elle ne fixe pas de durée, constitue une mesure conservatoire ne présentant pas, par elle-même, le caractère d’une sanction disciplinaire ; que, par suite, elle n’est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées par application du premier alinéa de l’article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

6. Considérant que, pour le même motif, ni la suspension, ni sa prorogation ne sont subordonnées à la mise en oeuvre préalable d’une procédure contradictoire ;
En ce qui concerne la légalité interne :

7. Considérant, en premier lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le maintien de la mesure de suspension, motivé par le fait que M. F…faisait l’objet de poursuites pénales, ait été décidé sans examen préalable de sa situation et, en particulier, que le ministre chargé des sports se serait estimé tenu de prendre cette mesure par la décision de mise en examen prise par le juge d’instruction ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que, si M. F…soutient qu’il fait l’objet d’un traitement discriminatoire au motif que d’autres fonctionnaires également visés par l’instruction en cours auraient été maintenus en fonction, il ne produit, en tout état de cause, aucun élément de nature à établir que ces agents se trouveraient dans une situation similaire à la sienne ; que, par ailleurs, il ne saurait utilement, à l’appui de ce moyen, se prévaloir du fait que des élus poursuivraient leur mandat alors qu’ils ont été mis en examen ;

9. Considérant, en troisième lieu, que, comme il a été dit précédemment, la prolongation d’une mesure de suspension constitue une simple mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service, destinée à écarter temporairement l’agent du service en attendant la décision du juge pénal ; qu’elle n’implique aucune appréciation sur la culpabilité de la personne qui en fait l’objet par rapport aux agissements qui lui sont reprochés et ne porte donc pas atteinte au principe de la présomption d’innocence ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu’il n’est pas contesté qu’à la date à laquelle a été pris l’arrêté litigieux, M. F…faisait l’objet de poursuites pénales ; que les dispositions de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 citées au point 4 permettent à l’autorité administrative de ne pas rétablir un fonctionnaire dans ses fonctions tant qu’il est l’objet de poursuites pénales ; que, par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le ministre chargé des sports ne pouvait légalement prolonger la mesure de suspension à titre conservatoire sans l’assortir d’une limitation de durée ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que les faits d’achats d’érythropoïétine (EPO) pour lesquels est poursuivi M. F…étaient de nature à compromettre la dignité de sa fonction et à porter atteinte à la réputation de l’administration à laquelle il appartient ; que si ces fait ont été commis en dehors du service et si l’intéressé se prévaut du fait qu’il aurait toujours été exemplaire dans l’accomplissement de ses fonctions, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de la prolongation de la mesure de suspension, dès lors qu’à la date à laquelle elle a été prononcée, les présomptions de fautes graves à la charge de M. F…présentaient un caractère suffisant de vraisemblance pour qu’elle puisse être légalement décidée dans l’intérêt du service ; que, par ailleurs, M.F…, qui faisait l’objet de poursuites pénales à la date de l’arrêté en litige, ne peut utilement se prévaloir de ce qu’aucune sanction n’a été prononcée contre lui par son employeur, de ce que l’Agence française de lutte contre le dopage a, le 26 mars 2014, postérieurement à l’arrêté contesté, pris une décision de relaxe, et de ce qu’aucune décision de renvoi devant le tribunal correctionnel n’a été prononcée à ce jour ; qu’il suit de là que M. F…, auquel il est loisible, s’il s’y croit fondé, de demander qu’il soit mis fin à la mesure de suspension au cas où il estimerait que des modifications survenues dans sa situation depuis l’arrêté du 13 avril 2012 en litige le justifient et de contester un éventuel refus, n’est pas fondé à soutenir qu’en prenant cet arrêté qui prolonge sa suspension et réduit de moitié le montant de son traitement, le ministre aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ;

12. Considérant, en sixième lieu, que les allégations de M. F…selon lesquelles la mesure de suspension, sans limitation de durée, vise en réalité à l’évincer alors qu’il est proche de l’âge de la retraite, à ne pas désavouer les policiers ou le ministère public et à sanctionner son épouse à travers lui, ne sont pas de nature à établir que l’acte contesté qui, ainsi qu’il a été dit, pouvait être légalement pris dans l’intérêt du service, procèderait d’un détournement de pouvoir ;

13. Considérant, en septième lieu, que, contrairement à ce qu’allègue M.F…, le tribunal administratif de Grenoble n’a pas considéré qu’il pouvait poursuivre ses fonctions mais a jugé qu’il lui était possible d’exercer une activité professionnelle dans le secteur privé ;

14. Considérant, en huitième lieu, qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales susvisée :  » 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui.  » ; qu’aux termes de l’article 3 de la même convention :  » Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants  » ;

15. Considérant que M.F…, qui fait l’objet de poursuites pénales et dont le droit au respect de sa vie privée et familiale n’est pas affecté par l’arrêté litigieux, lequel n’a ni pour objet, ni pour effet de le priver du droit d’exercer une activité professionnelle et d’en tirer des ressources, n’est pas fondé à se prévaloir des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’il n’est pas davantage fondé à invoquer la méconnaissance des stipulations de l’article 3 de la même convention, dès lors qu’une mesure conservatoire assortie d’une réduction de rémunération prise en application de la loi ne saurait s’assimiler à un acte de torture ou à un traitement inhumain ou dégradant ;

16. Considérant, en neuvième et dernier lieu, qu’il est constant que, ainsi que le permet le dernier alinéa de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 cité au point 4, l’arrêté contesté réduit de moitié la rémunération de M.F… ; qu’il appartient au requérant, s’il estime que sa rémunération a fait l’objet d’une diminution plus importante, de saisir l’administration d’une réclamation ; que si M. F…fait également valoir que sa rémunération serait désormais inférieure au seuil de pauvreté, que le déroulement de sa carrière aurait été interrompu et que ses droits à retraite seraient affectés par la réduction de sa rémunération, de telles circonstances sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la légalité d’une mesure de suspension justifiée par les poursuites pénales engagées contre lui ;

17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. F…n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les frais non compris dans les dépens :

18. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. F…demande au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, partie perdante ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E…F…est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E…F…et au ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Délibéré après l’audience du 3 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2015