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Accident dans un Snow Park/ Charge de la preuve/ Faute de l’exploitant (non)

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 8 février 2017
N° de pourvoi: 15-28025
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Gadiou et Chevallier, avocat(s)

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 1er octobre 2015), que, le 2 mars 2004, M. Benjamin X… a été victime d’un accident de snowboard sur le domaine skiable de Val-Cenis, en chutant sur le dos à la réception d’un saut sur une bosse aménagée dans un snow-park ; que les blessures subies ont entraîné sa paraplégie ; que M. Benjamin X… et sa proche famille, M. François X…, Mme Y…, épouse X…, Mme Malorie X…, Mme Sylvaine X… et M. Baptiste X… ont assigné le Syndicat intercommunal des remontées mécaniques et des pistes de Val-Cenis afin d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices ;

Attendu que les consorts X… font grief à l’arrêt de rejeter l’ensemble de leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d’appel a relevé que le module, cause de l’accident, était « gelé », avec « des petits amas de glace et certaines excavations » ; qu’il résultait ainsi de ses propres constatations que la piste de snowboard était « anormalement » dangereuse puisqu’elle présentait un risque qui n’était pas inhérent à la pratique du snowboard lui-même et ne permettait pas de pratiquer le snowboard dans de bonnes conditions ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1147 du code civil ;

2°/ que l’exploitant d’une piste de ski a l’obligation d’anticiper les dangers éventuels en signalant le risque auquel s’exposent les usagers ; qu’en décidant que seul un danger indécelable par un skieur normalement prudent devait être interdit ou signalé par l’exploitant de la piste, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

3°/ qu’en se bornant à retenir que la pente de la piste d’impulsion était visible, sans relever que le snowboarder était en mesure, sur le point de départ, de constater l’état de la piste gelée et les excavations au sommet de la zone d’impulsion, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

4°/ qu’après avoir constaté que le module, cause de l’accident, était « gelé », avec « des petits amas de glace et certaines excavations », la cour d’appel a exclu toute faute du syndicat motif pris de ce que ces circonstances « ne caractérisent pas un danger anormal ou excessif empêchant de franchir cet obstacle » ; qu’en se bornant, ainsi, à constater que l’exploitant n’était pas tenu de condamner l’accès à ce module, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si ces défauts de la piste n’auraient pas dû, à tout le moins, être signalés par l’exploitant à l’attention des usagers, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

5°/ qu’il résultait tant du rapport de l’expert de la MAIF que de l’attestation de M. Z… que le module à l’origine de l’accident avait été condamné dès le lendemain ; qu’il ne s’agissait donc pas là de la mise en place d’une simple signalisation destinée à « inciter les usagers à redoubler de prudence » ; qu’en se déterminant pourtant de la sorte, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et a, derechef, privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

6°/ que la signalisation à l’entrée du snow-park afférente seulement aux risques de la pratique en général n’était pas de nature à alerter les snowboarders sur l’état de la neige (durcie et gelée) et sur l’existence d’excavations sur la piste d’impulsion ; qu’en conséquence, la cour d’appel, en retenant l’existence d’une telle signalisation, s’est encore déterminée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d’abord, qu’ayant estimé que les témoignages faisant état d’une piste gelée, de petits amas de glace et de certaines excavations constituaient des observations imprécises qui ne caractérisaient pas un danger anormal ou excessif empêchant de franchir l’obstacle aménagé, la cour d’appel en a souverainement déduit qu’ils n’étaient pas susceptibles de démontrer une faute de l’exploitant ;

Attendu, ensuite, qu’en énonçant qu’il appartenait à la victime de démontrer qu’au jour de l’accident, le module de saut était si dangereux que l’exploitant aurait dû l’interdire et le signaler, et après avoir rappelé que le snow-park était délimité et particulièrement signalé par un panneau entouré de deux triangles contenant un point d’exclamation pour signaler le danger, la mention du mot « attention » et les mots suivants : « L’utilisation du snow-park présente des risques / Sachez évaluer votre niveau », et qu’à l’époque de l’accident, il n’existait pas de normes de référence, la cour d’appel n’a fait que rappeler à qui incombait la charge de la preuve ;

Attendu, enfin, que la cour d’appel a relevé, en premier lieu, que la pente de la piste d’impulsion était visible et que la preuve n’était donc pas rapportée d’un danger manifeste qui serait résulté d’une trop forte pente de cette piste, imprévisible pour un skieur averti ; qu’elle a énoncé, en deuxième lieu, que la mise en place d’une signalisation, après l’accident, ne pouvait être interprétée comme une reconnaissance de responsabilité ni comme un aveu du caractère anormalement dangereux de l’obstacle aménagé ; qu’elle a estimé, en dernier lieu, que les observations relatives à l’état de la neige sur le module de saut étaient imprécises et ne caractérisaient pas un danger anormal ou excessif ; que, par ces constatations et appréciations souveraines, et sans être tenue de procéder à la recherche prétendument omise, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en ses cinquième et sixième branches, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Benjamin X…, M. François X…, Mme Y…, épouse X…, Mme Malorie X…, Mme Sylvaine X… et M. Baptiste X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-sept.

RTM/ Prérogatives de puissance publique (non)/ Effet attractif des travaux publics (non!)/Contentieux judiciaire (oui)

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 1 mars 2017
N° de pourvoi: 15-28664
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Balat, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP de Nervo et Poupet, avocat(s)

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 23 septembre 2015), que M. X… est propriétaire d’un terrain bâti, lequel est surplombé par un massif forestier montagneux dépendant du domaine privé de l’Etat et géré par l’Office national des forêts (l’ONF) ; qu’un glissement de terrain accompagné de coulées de boues ayant provoqué le déversement de 4 500 m³ de matériaux pierreux sur sa parcelle, il a saisi le juge des référés aux fins d’obtenir la désignation d’un expert et le paiement d’une provision à valoir sur la réparation de son préjudice ; que l’ONF et l’Agent judiciaire de l’Etat ont soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative ;

Attendu que l’ONF, d’une part, et l’Agent judiciaire de l’Etat, d’autre part, font grief à l’arrêt de rejeter cette exception et d’ordonner une mesure d’expertise, alors, selon le moyen :

1°/ que la réparation de dommages de travaux publics relève de la compétence des juridictions administratives ; que la responsabilité de l’État, susceptible d’être engagée à raison de l’absence de travaux de stabilisation des terrains de montagne (dans le cadre des dispositions du code forestier relatives à la restauration des terrains en montagne) devant être effectués, non pas à des fins de gestion domaniale mais dans un but d’intérêt général de prévention des risques naturels, relève de la responsabilité pour dommages de travaux publics ; que, dès lors, les demandes aux fins de voir ordonner une mesure d’expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et de condamnation solidaire de l’ONF et de l’État à payer une provision de 50 000 euros à raison d’un glissement de terrain de montagne relèvent de la compétence des juridictions de l’ordre administratif ; qu’en retenant, cependant, sa compétence, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives ;

2°/ que c’est à l’ensemble du litige et à toutes les parties concernées que s’appliquent les règles de la responsabilité en matière de travaux publics, en sorte que ne peut être admise une responsabilité alternative qui permettrait de rechercher la responsabilité de l’ONF devant le juge judiciaire à raison de la prétendue existence de troubles de voisinage ; qu’en écartant la responsabilité pour dommages de travaux public pour retenir la responsabilité de l’ONF pour troubles de voisinage à raison de ses activités d’établissement public et commercial sans mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives ;

3°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droits qui lui sont applicables ; qu’il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu’en refusant de rechercher si la responsabilité de l’Etat et de l’ONF pouvait être engagée sur le fondement de l’existence de dommages de travaux public au motif que le demandeur avait fondé son action sur le régime de la responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage, la cour d’appel, qui s’est arrêtée à la dénomination des faits et actes litigieux proposée par le demandeur à l’action, a méconnu son office et violé les dispositions de l’article 12 du code de procédure civile ;

4°/ que l’ONF faisait valoir que l’absence de travaux ou d’ouvrages destinés, dans le cadre des dispositions du code forestier relatives à la restauration des terrains en montagne, à prévenir les glissements de terrain, relevait de la responsabilité pour dommages de travaux publics ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la réparation des dommages de travaux publics relève de la compétence du juge administratif ; qu’en l’espèce, des travaux de stabilisation des terrains de montagne dont la réalisation permettaient d’éviter les éboulements provenant d’une forêt domaniale ne revêtaient pas la qualification de travaux de gestion patrimoniale de la forêt mais de travaux à visée d’utilité générale en ce qu’ils poursuivaient un objectif de sécurité publique, à savoir la prévention des risques naturels, de sorte qu’ils relevaient de la responsabilité pour dommages de travaux publics et donc du juge administratif ; qu’en retenant, néanmoins, sa compétence, la cour d’appel a violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires et excédé ses pouvoirs ;

6°/ que les règles de la responsabilité du fait des dommages de travaux publics ont vocation à s’appliquer à l’ensemble du litige à l’exclusion de tout autre régime de responsabilité ; qu’en retenant que l’Agent judiciaire de l’Etat et l’ONF étaient susceptibles d’engager leur responsabilité sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage pour retenir la compétence du juge judiciaire, la cour d’appel a une nouvelle fois violé le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires et a excédé ses pouvoirs ;

7°/ que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans être lié par la dénomination ou la qualification des demandes données par les parties ; qu’en s’estimant lié par la demande de M. X… fondée sur la théorie des troubles anormaux du voisinage, sans rechercher si la responsabilité de l’Etat et de l’ONF pouvait être engagée sur le fondement de l’existence de dommages de travaux public, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, lorsqu’un établissement public tient de la loi la qualité d’établissement public industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l’exception des litiges relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent, par leur nature, de prérogatives de puissance publique ; que, par des motifs non critiqués, l’arrêt retient que les missions confiées par l’Etat à l’ONF, en vue de la restauration des terrains de montagne, n’impliquent pas la mise en oeuvre, par ce dernier, de prérogatives de puissance publique ; que, l’attribution à cet établissement public industriel et commercial de telles prérogatives étant seule de nature à justifier la compétence de la juridiction administrative, c’est sans excéder ses pouvoirs ni méconnaître son office que la cour d’appel, qui n’avait pas à répondre à un moyen inopérant, en a déduit que la juridiction judiciaire était compétente pour connaître du litige ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne l’Office national des forêts et l’Agent judiciaire de l’Etat aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de l’Office national des forêts et de l’Agent judiciaire de l’Etat et condamne l’Office national des forêts à payer à M. X… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille dix-sept.

Accident en SAE – Obligation de sécurité (exploitant) – Faute d’imprudence (victime)

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 25 janvier 2017
N° de pourvoi: 16-11953
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 10 décembre 2015), que, le 21 mai 2008, alors qu’elle venait de descendre la paroi d’un mur artificiel dans une salle d’escalade exploitée par la société M’Roc, assurée par la société Gras Savoye et aux droits de laquelle vient la société Climb Up Arkose, Mme X…a été heurtée par un autre grimpeur, M. Y…, assuré auprès de la société Filia MAIF ; qu’ayant subi une fracture lombaire avec tassement vertébral, elle a assigné la société M’Roc et M. Y… ainsi que leurs assureurs respectifs, en réparation de son préjudice avec désignation préalable d’un expert médical, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône ayant été régulièrement appelée dans la cause ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes formées à l’encontre de la société M’Roc, alors, selon le moyen :

1°/ que l’exploitant d’une salle d’escalade manque à son obligation de sécurité de moyens à l’égard de ses clients en mettant à leur disposition des locaux ou des installations dont la configuration ou l’aménagement les rendent dangereux ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que la salle de pan, où est exercée une activité d’escalade de bloc sans baudriers et sans assurance des grimpeurs, et qui est équipée de prises permettant à ces derniers d’évoluer tant sur les côtés qu’au plafond, ne comporte aucune zone de réception des grimpeurs pouvant être identifiée par avance et matérialisée au sol, de sorte que les clients ne disposent d’aucune voie de circulation sécurisée qui, ne se trouvant pas sous des prises, leur permettrait de se déplacer au sol sans risquer d’être heurtés et blessés lors de la chute ou du décrochage d’un grimpeur ; qu’en retenant, néanmoins, qu’il n’aurait pas été démontré que la configuration des lieux caractérisait un manquement de la société M’Roc, exploitant cette salle, à son obligation de sécurité, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1147 du code civil ;

2°/ qu’en se bornant à relever que « s’agissant d’une salle de pan d’une hauteur maximale de quatre mètres et d’une activité d’escalade bloc, sans assurance des grimpeurs et sans baudriers, les prises d’escalade installées dans la salle sur les parois et les plafonds permettent d’envisager la présence de grimpeurs tant sur les côtés qu’au plafond et qu’ainsi aucune zone de réception n’est identifiable à l’avance et matérialisable au sol », sans rechercher, comme il le lui était demandé, s’il ne résultait pas des photographies des lieux que la disposition des salles ne permettait pas aux sportifs de se déplacer et de les quitter en toute sécurité, sans risquer d’être heurtés par un grimpeur en cas de décrochage, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

3°/ que l’exploitant d’une salle d’escalade doit surveiller l’activité de ses utilisateurs ; qu’en se bornant à relever, par un motif inopérant, qu’il n’était pas établi que d’autres grimpeurs se trouvaient dans la salle au moment de l’accident et que ces derniers auraient gêné Mme X… lorsqu’elle a été heurtée par M. Y…, pour dire qu’aucun défaut de surveillance n’aurait pu être retenu en l’espèce, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, de fait, la société M’Roc ne s’était pas abstenue d’exercer la moindre surveillance de l’activité, lors de l’accident, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu’après avoir exactement énoncé que l’obligation contractuelle de sécurité de l’exploitant d’une salle d’escalade est une obligation de moyens dans la mesure où la pratique de l’escalade implique un rôle actif de chaque participant, l’arrêt constate, d’une part, que le règlement intérieur de la salle d’escalade exploitée par la société M’Roc, conforme aux règles de sécurité applicables en matière d’escalade en salle et sur structure artificielle, dont Mme X… ne conteste pas avoir eu connaissance, informait clairement celle-ci de l’interdiction de se tenir au sol sous un grimpeur, d’autre part, qu’il n’est pas établi qu’au moment de l’accident, d’autres grimpeurs se trouvaient dans la salle qui auraient gêné Mme X… pour s’éloigner de la paroi où se trouvait encore M. Y… avant de décrocher ; que l’arrêt relève, également, qu’aucun élément du dossier ne permet de démontrer que M. Y… n’aurait pas suffisamment vérifié la disponibilité de la zone de réception avant de décrocher, alors même que le grimpeur qui décroche est prioritaire ;

Qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de s’expliquer sur chacun des éléments de preuve versés au débat, a pu retenir que l’accident ne résultait ni de la configuration des lieux ni d’un quelconque manquement de la société M’Roc à son obligation de sécurité, mais était la conséquence de la faute d’imprudence de la victime ; qu’elle a, ainsi, justifié légalement sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-sept.

Sorties scolaires à ski – Rôle de l’accompagnateur – Responsabilité

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 11 janvier 2017
N° de pourvoi: 16-10479
Non publié au bulletin Cassation

Mme Batut (président), président
SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1147, devenu 1231-1 du code civil, et l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 23 février 2009, alors qu’il participait à une sortie de ski en groupe organisée par la Ligue de l’enseignement (la Ligue), et encadrée par M. X…, directeur du centre de loisirs, Julien Y…, né le 5 août 1991, a été gravement blessé à la tête, après avoir effectué un saut de plusieurs mètres au cours duquel il a perdu l’équilibre ; que M. Y… et sa mère, Mme Marie-Claude Y…, celle-ci agissant en qualité de curatrice, ont assigné M. X…, la Ligue, son assureur la MAIF, la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix et la MACIF, leur propre assureur, aux fins de voir déclarer la Ligue responsable de l’accident et obtenir réparation ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de M. Y…, l’arrêt retient, d’abord, qu’il résulte de l’enquête effectuée par la gendarmerie, que M. X… a donné, aux participants de la sortie de ski, des consignes de déplacement précises et adaptées, tenant compte à la fois de la visibilité du point d’arrivée et de leur qualité de skieurs confirmés, ensuite, qu’il ne peut être reproché à l’accompagnateur de ne pas s’être placé en tête du groupe, son rôle n’étant pas assimilable à celui d’un professeur de ski, et, enfin, que sa position en arrière du groupe lui permettait d’assurer une surveillance efficace sur l’ensemble des jeunes et de pouvoir leur venir en aide en cas de difficulté ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions des consorts Y…, si l’accompagnateur avait mis en garde l’adolescent sur la qualité de la neige et le relief du terrain, qui présentait, selon lui, un changement brutal de profil, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 novembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens ;

Condamne la Ligue de l’enseignement et la MAIFaux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. Y… et Mme Y…, ès qualités, la somme globale de 3 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.

Constitutionnalité de la servitude Montagne

Conseil d’État

N° 404348

ECLI:FR:CECHR:2016:404348.20161230

Inédit au recueil Lebon

2ème – 7ème chambres réunies

Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur

Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public

lecture du vendredi 30 décembre 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Mme A…B…, à l’appui de sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 24 mars 2014 du préfet de la Haute-Savoie portant institution d’une servitude au titre du code du tourisme pour le domaine skiable Les Houches-Saint-Gervais, a produit un mémoire, enregistré le 14 septembre 2016 au greffe du tribunal administratif, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 342-18 à L. 342-26 du code du tourisme.

Par une ordonnance n° 1407377 du 7 octobre 2016, enregistrée le 11 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble, avant qu’il soit statué sur la demande de MmeB…, a décidé, par application des dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

– le code de l’environnement ;

– le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

– le code du tourisme, notamment ses articles L. 342-18 à L. 342-26 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 décembre 2016, présentée par Mme B… ;

1. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’Etat a transmis à ce dernier, en application de l’article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d’une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, Mme B…demande que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 342-18 à L. 342-26 du code du tourisme permettant l’institution de servitudes sur les propriétés privées ou faisant partie du domaine privé d’une collectivité publique, au profit de la commune, du groupement de communes, du département ou du syndicat mixte concerné, afin d’assurer, selon les termes de l’article L. 342-20,  » le passage, l’aménagement et l’équipement des pistes de ski et des sites nordiques destinés à accueillir des loisirs de neige non motorisés organisés, le survol des terrains où doivent être implantées des remontées mécaniques, l’implantation des supports de lignes dont l’emprise au sol est inférieure à quatre mètres carrés, le passage des pistes de montée, les accès nécessaires à l’implantation, l’entretien et la protection des pistes et des installations de remontée mécanique, et, lorsque la situation géographique le nécessite, les accès aux sites d’alpinisme, d’escalade en zone de montagne et de sports de nature (…) ainsi que les accès aux refuges de montagne  » ; qu’elle soutient que ces dispositions législatives porteraient une atteinte inconstitutionnelle au droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée, en particulier l’inviolabilité du domicile, protégé par l’article 2 de la Déclaration, le principe constitutionnel d’égalité et l’article 7 de la Charte de l’environnement ;

3. Considérant toutefois, en premier lieu, que les dispositions contestées, qui se bornent à permettre l’institution de servitudes, n’ont ni pour objet ni pour effet d’autoriser une quelconque dépossession ; qu’elles n’entrent pas, dès lors, dans le champ de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions contestées sont justifiées par un motif d’intérêt général tenant à l’exercice et au développement des sports de nature et de montagne énumérés à l’article L. 342-20 du code du tourisme ; que l’objet des servitudes dont ces dispositions permettent l’institution est défini avec précision par la loi ; que l’article L. 342-22 de ce code impose que la décision instituant la servitude détermine sa consistance et notamment son tracé, sa largeur, les périodes de l’année pendant lesquelles, compte tenu de l’enneigement et du cours des travaux agricoles, la servitude s’applique partiellement ou totalement ; que l’article L. 342-18 subordonne l’établissement de la servitude, pour ce qui concerne la pratique des sports autres que le ski de fond ou l’accès aux sites d’alpinisme, d’escalade ou de sports de nature, à la délimitation préalable des secteurs visés par les plans locaux d’urbanisme ; que les dispositions contestées prévoient que la servitude est créée par une décision motivée de l’autorité administrative sur proposition de la commune, de l’établissement de coopération intercommunale ou du département, après une enquête parcellaire, effectuée comme en matière d’expropriation, dans le cadre de laquelle le dossier de la servitude est tenu à disposition du public pendant un mois, ainsi que, le cas échéant, lorsque la servitude ne peut être établie qu’à l’intérieur des zones et secteurs délimités dans les plans locaux d’urbanisme, après la procédure préalable à l’adoption, à la révision ou à la modification de ces plans ; qu’en cas d’opposition du conseil municipal d’une commune, la loi précise que la servitude ne peut être établie que par décret en Conseil d’Etat ; que les dispositions du code du tourisme interdisent aux servitudes de grever les terrains situés à moins de vingt mètres des bâtiments à usage d’habitation, sauf exceptions dûment justifiées par la configuration des lieux ; qu’enfin, selon l’article L. 342-24, la servitude ouvre droit à indemnité s’il en résulte pour le propriétaire du terrain ou l’exploitant un préjudice direct, matériel et certain ; qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions des articles L. 342-18 à L. 342-26 du code du tourisme, qui répondent à un motif d’intérêt général, sont assorties de garanties suffisantes et ne portent pas d’atteinte disproportionnée au droit de propriété protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

5. Considérant, en troisième lieu, que le droit au respect de la vie privée, et en particulier de l’inviolabilité du domicile, protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne s’oppose pas à l’institution des servitudes prévues par les articles L. 342-18 à L. 342-26 du code du tourisme, lesquelles n’ont ni pour objet ni pour effet de permettre de mettre en cause l’inviolabilité du domicile ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; qu’au regard de l’objet des dispositions contestées, le législateur a pu, tenant compte des différences de situation, permettre que la règle interdisant qu’une servitude grève un terrain situé à moins de vingt mètres des bâtiments à usage d’habitation ne trouve pas à s’appliquer dans les situations mentionnées aux alinéas 2 à 4 de l’article L. 342-23 du code du tourisme, lorsque l’existence des bâtiments en cause est postérieure à l’existence effective de la piste ou des équipements, lorsque l’existence effective de la piste ou des équipements est antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux et lorsque l’institution de la servitude est le seul moyen d’assurer la réalisation des pistes, des équipements ou des accès visés à l’article L. 342-20 ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel d’égalité ne peut, par suite, qu’être écarté ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement :  » Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement  » ; que les décisions établissant des servitudes en application des dispositions contestées sont prises, ainsi qu’il a été dit, après enquête parcellaire effectuée comme en matière d’utilité publique, c’est-à-dire, ainsi que le prévoient les articles R. 131-4 et R.131-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, après le recueil des observations du public et après notification individuelle aux propriétaires concernés du dépôt du dossier en mairie ; que les décisions prises en application des dispositions contestées sont en outre précédées des procédures préalables à l’établissement, la révision ou la modification des plan locaux d’urbanisme prévoyant les zones et secteurs dans lesquels les servitudes peuvent être établies, à chaque fois que l’institution de la servitude requiert au préalable la délimitation des secteurs correspondants au plan local d’urbanisme ; que ces procédures garantissent la participation du public à l’élaboration des décisions concernées ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 7 de la Charte de l’environnement doit être écarté ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la question de la conformité à la Constitution des articles L. 342-18 à L. 342-26 du code du tourisme, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu’il n’y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Grenoble.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A…B…, au syndicat intercommunal unique du domaine skiable Les Houches-Saint-Gervais et au ministre de l’intérieur.

Protection des lacs de montagne – Illégalité d’un projet d’hôtel de luxe (Tignes)

CAA de LYON

N° 14LY03771   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
M. Juan SEGADO, rapporteur
M. VALLECCHIA, rapporteur public
SCP VOVAN & ASSOCIES, avocat

lecture du mardi 15 novembre 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association Vivre en Tarentaise, l’association Mouvement Homme et nature, la Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature comité Savoie, dite FRAPNA Savoie, et l’association Mountain Wilderness ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 par lequel le préfet de la Savoie a autorisé la création d’une unité touristique nouvelle pour la construction d’un hôtel à Tignes, ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique adressé le 13 janvier 2012 au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Par un jugement n° 1202589 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions, a mis à la charge de l’Etat le versement d’une somme globale de 1 500 euros à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions de la commune de Tignes présentées sur le fondement de ces dispositions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2014, la commune de Tignes, représentée par la Selarl Vovan et associés, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 octobre 2014 ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par l’association Vivre en Tarentaise, la FRAPNA Savoie et l’association Mountain Wilderness devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de ces associations une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la demande présentée devant le tribunal était irrecevable dès lors que les trois associations n’avaient pas d’intérêt pour agir contre l’arrêté contesté ;
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, le projet n’a pas méconnu les dispositions de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant ses effets sur les milieux naturels dès lors que la présentation de ces effets a été suffisante, que le projet n’a pas d’incidence sur les zones Natura 2000, qu’il est suffisamment précis en ce qui concerne la capacité de traitement de la station d’épuration et les mesures compensatoires envisagées, ainsi qu’en ce qui concerne les mesures préconisées pour supprimer ou compenser les effets prévisibles du projet sur les milieux naturels ;
– c’est à tort que le tribunal a estimé que le projet a méconnu les dispositions de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant ses effets prévisibles sur les paysages dès lors que l’impact paysager du projet a été envisagé par le dossier et ceci de manière détaillée ;
– l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme n’a pas été méconnu contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges dès lors que les berges du lac sur lesquelles l’établissement hôtelier sera édifié ne peuvent aucunement être qualifiées de rives naturelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, l’association Vivre en Tarentaise, la FRAPNA Savoie et l’association Mountain Wilderness, représentées par Me A…, concluent au rejet de la requête et demandent qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Tignes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :
– elles ont intérêt pour agir contre l’arrêté autorisant la création d’une unité touristique nouvelle à Tignes ;
– l’arrêté a été signé par une autorité incompétente dès lors que la surface réelle du projet dépasse les 12 000 m² et qu’en vertu des articles L. 145-11 I et R. 145-2 du code de l’urbanisme le préfet coordonnateur du massif était compétent ;
– la présentation des caractéristiques principales du projet méconnaît les dispositions du 2° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme compte tenu des erreurs et contradictions qu’elle contient ;
– la présentation de l’état des milieux naturels, des pays et du site et de son environnement méconnaît les dispositions du 1° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme ;
– les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant la présentation des effets prévisibles du projet sur les milieux naturels, ainsi que les mesures de suppression, compensatoires et de réhabilitation à prévoir à ce sujet et l’estimation de leur coût, ont été méconnues ; le projet ne propose ainsi aucune mesure concrète destinée à sauvegarder les espèces protégées, omet de présenter les effets du projet sur la zone humide du delta du ruisseau du Plan actuellement vierge de toute construction, ne fait état d’aucune disposition prise pour se conformer à la règlementation en matière de qualité des eaux ;
– les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant la présentation des effets prévisibles du projet sur les paysages, ainsi que les mesures de suppression, compensatoires et de réhabilitation à prévoir et l’estimation de leur coût ont été méconnues ;
– l’étude d’incidence sur l’état de conservation des sites Nature 2000 est absente du dossier en méconnaissance de l’article L. 414-4 du code de l’environnement et des articles R. 414-19 I 5° et R. 414-19 II, même si le projet se situe en dehors d’un site Natura 2000 ;
– les articles L. 145-3 et R. 146-3 1° du code de l’urbanisme ont été méconnus dès lors que le dossier omet de mentionner l’obtention récente d’une autorisation UTN aux Boisses pour 1 500 lits supplémentaires et qu’il ne prend pas en compte toutes les caractéristiques principales de l’économie locale ;
– l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme a été méconnu dès lors que le projet a été édifié dans la bande des 300 mètres à compter de la rive et que cette dernière est à l’état naturel ;

Par ordonnance du 16 décembre 2015 la clôture de l’instruction a été fixée au 5 janvier 2016, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Segado, premier conseiller,
– les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
– et les observations de Me B… pour la commune de Tignes, ainsi que celles de Me A… pour les associations Vivre en Tarentaise, FRAPNA Savoie et Mountain Wilderness.

1. Considérant que, par une délibération du 14 novembre 2011, la commune de Tignes a présenté au préfet de la Savoie une demande d’autorisation de création d’une unité touristique nouvelle en vue de la construction d’un ensemble hôtelier de luxe sur la rive sud du lac naturel de Tignes en zone AS1 (domaine skiable) du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Tignes, pour une surface de plancher de 11 856 m² ; que, par arrêté du 14 novembre 2011 le préfet de la Savoie a autorisé la création de cette unité touristique nouvelle ; que les associations Vivre en Tarentaise, Mouvement Homme et nature Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature comité Savoie, dite FRAPNA Savoie, et Mountain Wilderness ont formé, le 13 janvier 2012, un recours hiérarchique contre cette décision ; qu’une décision implicite de rejet est née à la suite du silence gardé par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur ce recours ; que ces associations ont alors demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler cet arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 et la décision implicite du ministre portant rejet de leur recours hiérarchique ; que, par un jugement du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a mis à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros aux associations demanderesses au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions de la commune de Tignes présentées au même titre ; que la commune de Tignes relève appel de ce jugement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Tignes à la demande de première instance :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 142-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de saisine du tribunal :  » Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 141-1 ainsi que les associations mentionnées à l’article L. 433-2 justifient d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément.  » ; que les associations FRAPNA Savoie et Mountain Wilderness sont toutes deux agréées, à l’échelle du département de la Savoie, pour la protection de l’environnement ; que la première, selon l’article 2 de ses statuts,  » a pour but la protection de la nature et de l’environnement dans le département de la Savoie en ce qui concerne notamment le patrimoine naturel (milieux et espèces vivantes), les sites urbanisés, industriels, agricoles, les paysages, etc… « , tandis que la seconde, dont l’agrément porte sur dix-sept départements de montagne comprenant le département de la Savoie, s’est fixé pour mission, définie par l’article 1er de ses statuts,  » de sauvegarder la montagne sous tous ses aspects  » ; que, contrairement à ce que soutient la commune de Tignes, l’objet social de ces deux associations n’est pas trop vague ou imprécis ; que la création d’une unité touristique nouvelle en vue de l’aménagement d’un hôtel dit  » d’exception  » d’une surface de plancher de 11 856 m², qui doit comporter près de cent chambres et des hauteurs maximales allant de R+3 à R+5 et qui est situé sur la rive sud du lac naturel de Tignes en zone de montagne et dans un site inscrit à l’inventaire des sites, ne peut être regardée comme dépourvue de rapport direct avec les objets statutaires de ces deux associations qui justifient ainsi d’un intérêt pour agir à l’encontre de l’arrêté autorisant une telle création ; que ces deux associations justifient ainsi d’un intérêt leur donnant qualité pour demander l’annulation de cet arrêté et de la décision rejetant leur recours hiérarchique contre cette autorisation ;

3. Considérant en second lieu, qu’aux termes l’article 2 de ses statuts, l’association Vivre en Tarentaise, association agréée, a pour objet de  » préserver et améliorer la qualité de vie en Tarentaise (arrondissement d’Albertville, Savoie), notamment par la protection des sites et milieux naturels (…), veiller au respect de l’environnement, du droit et de la légalité sous toutes ses formes » ; que le projet autorisé est susceptible, de par sa situation, ses caractéristiques et celles du site d’implantation et de par son importance, de porter atteinte à l’environnement naturel des lieux, situés dans l’arrondissement d’Albertville ; que, dès lors, l’association Vivre en Tarentaise justifie également d’un intérêt lui donnant qualité pour contester la légalité des décisions en litige devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité des décisions en litige :

4. Considérant que, pour annuler l’arrêté du préfet de la Savoie du 14 novembre 2011 et la décision implicite du ministre rejetant le recours hiérarchique, les premiers juges ont retenu une méconnaissance des dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme en raison d’une insuffisante prise en compte dans le dossier de demande d’autorisation de l’unité touristique nouvelle des effets du projet sur les milieux naturels et l’environnement, d’une formulation imprécise des mesures préconisées pour préserver ces milieux naturels et l’environnement et d’une insuffisante présentation des effets prévisibles du projet sur les paysages ; que le tribunal a également retenu une méconnaissance des dispositions de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme ; qu’il a, pour le surplus, jugé, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, que les autres moyens invoqués par les associations demanderesses ne sont pas susceptibles de conduire à l’annulation de ces décisions ;

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme :

S’agissant des insuffisances du dossier de présentation en ce qui concerne les effets sur le milieu naturel et l’environnement et les mesures préconisées :

5. Considérant qu’aux termes de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » La demande est accompagnée d’un dossier comportant un rapport et des documents graphiques précisant : / 1° L’état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l’historique de l’enneigement local, l’état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale ; / (…) 4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l’économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l’environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir, et l’estimation de leur coût ; (…)  » ;

6. Considérant que comme l’expose la commune requérante, et comme l’a d’ailleurs jugé le tribunal, le dossier de demande d’autorisation concernant la création d’un hôtel d’exception comporte de manière suffisamment précise et détaillée, un descriptif de l’état initial du site ; que ce dossier présente ainsi notamment l’état du paysage avant projet en identifiant tant les atouts que les faiblesses de ce paysage et en exposant un panorama de ses vues remarquables ; qu’il expose aussi l’état des milieux naturels en recensant des espèces remarquables à protéger à proximité du site, en rappelant l’existence d’espaces naturels remarquables (ZNIEFF et zone Natura 2000) situés dans un périmètre plus large, en identifiant deux sites sensibles qui devront faire l’objet d’une attention particulière concernant d’une part, l’embouchure du ruisseau du Plan du Lac et, d’autre part, les Berges du lac ; qu’il présente également la situation du site concernant l’hydrologie et la gestion de l’eau ; que la commune soutient que le dossier contient également, conformément aux dispositions précitées, des précisions suffisantes tant en ce qui concerne les effets sur les milieux naturels, l’eau, et le paysage, qu’en ce qui concerne les mesures préconisées pour y remédier ;

7. Considérant qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que, concernant les effets du projet sur les deux sites sensibles recensés et les espèces protégées, le dossier de demande se borne à faire état, sur une demi-page, de remarques très générales consistant, outre une description des nuisances temporaires liées aux travaux, à mentionner  » une augmentation de la pression urbaine et de l’artificialisation des abords de l’embouchure des berges « , sans expliciter notamment les conséquences de cette artificialisation pour le site ; qu’elle mentionne par ailleurs  » des impacts indirects potentiels sur la flore protégée à proximité  » en citant les trois espèces présentes dans le delta pouvant être ainsi impactées et une autre présente ponctuellement, sans préciser la nature et l’importance de ces impacts indirects ; que, les mesures préconisées pour  » garantir l’intégrité de l’embouchure et de la zone humide du delta  » et  » préserver l’interface naturelle des berges du lac  » sont insuffisamment précises, se bornant à prévoir la réalisation d’un inventaire de la flore et de la faune, avant les démarches règlementaires, qui devra préciser l’impact effectif sur les espèces patrimoniales, ou l’établissement d’un plan qualité environnement concernant notamment les enjeux écologiques et de préservation des eaux du lac ; que, ces éléments sont d’autant plus insuffisants que,comme le relève d’ailleurs l’avis du chef du service des eaux, environnement et forêt de la direction départementale des territoires de la Savoie, la question de la détermination de l’impact du projet sur le fonctionnement de l’alimentation de la zone humide de l’embouchure du ruisseau du plan du lac se posait et nécessitait une étude particulière ;

8. Considérant qu’en outre, concernant les effets et les mesures à prendre concernant la protection et la qualité de l’eau ainsi que l’assainissement évoqués dans le dossier, la commune fait valoir que ce dossier expose que les besoins en eau potable du futur hôtel  » devraient être compatibles avec la marge de captage de la station d’épuration  » en présentant les mesures destinées à limiter la consommation d’eau, tout en indiquant que les besoins en eau n’étaient pas définitivement mesurés à ce stade ; que, cependant, le dossier se borne à indiquer que les capacités du réseau et de la station d’épuration paraissent a priori suffisantes pour absorber les eaux usées générées par un hôtel de 250 à 300 lits touristiques, en relevant que ces rejets n’étaient pas quantifiés à ce stade, sans apporter aucune précision sur les capacités de la station d’épuration à l’appui de ces indications, alors notamment que, selon l’avis du service des eaux, environnement et forêt déjà évoqué au point 7, le projet allait aggraver la situation du traitement des eaux usées, la station d’épuration mettant en évidence un dépassement récurrent de sa capacité ;

9. Considérant qu’enfin, comme l’exposent les associations intimées, il résulte des dispositions des I et II de l’article R. 414-19 du code de l’environnement qu’une évaluation des incidences sur un site Natura 2000 doit être réalisée pour les unités touristiques nouvelles même si le terrain ne se trouve pas dans ce site mais a proximité ; qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande d’autorisation, comme l’a d’ailleurs relevé le directeur régional de l’environnement, de l’aménagement du territoire et du logement (Dreal) de la région Rhône Alpes dans son avis du 14 septembre 2011, que le terrain d’assiette du projet se trouve à proximité d’un site Natura 2000 ; que la commune expose alors que les deux sites sont distants d’environ 1 kilomètre et que le dossier a relevé que le projet est situé » bien en aval des secteurs d’intérêt communautaire  » et  » qu’il ne fait apparaître aucun impact potentiel direct ou indirect sur les zones Natura 2000 du massif du Vercors  » ; que, toutefois, et même si le Dreal Rhône-Alpes a lui-même indiqué que le projet ne semble pas porter atteinte aux sites Natura 2000, il ressort des pièces du dossier que, comme l’a également souligné le Dreal, aucune évaluation n’a été produite concluant à l’absence d’incidence et la demande d’autorisation n’apporte aucune précision à ce sujet ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui est dit ci-dessus aux points 6 à 9 que le dossier de demande d’autorisation méconnaît les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme en ce qu’il ne contient pas de précisions suffisantes concernant les effets prévisibles du projet sur les milieux naturels et l’environnement, ainsi que sur les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir ;

S’agissant des insuffisances du dossier de présentation quant aux effets sur le paysage :

11. Considérant qu’il ressort tout d’abord des pièces du dossier, que, comme l’expose la commune de Tignes, la demande d’autorisation a présenté les effets sur le paysage de la construction de l’hôtel composé de quatre à cinq niveaux de hauteur et d’une surface de plancher de 11 856 m², s’étendant sur la rive sud du lac sur une surface de 2 500 m² et sur une longueur d’environ 150 mètres allant d’un paravalanche jusqu’à l’embouchure du ruisseau du Plan du Lac ; que ce dossier contient notamment des simulations dessinées de l’impact visuel sur le paysage et liste les mesures préconisées pour en limiter les conséquences ; que, toutefois, ces dessins, notamment par leurs traits, estompent les effets visuels de l’immeuble sur le paysage et, comme le montrent notamment les photographies produites par les intimées en première instance, ne traitent qu’une partie des axes de vues sur les zones naturelles pouvant être affectées par la réalisation d’un immeuble d’une telle dimension ; que ces dessins ne permettent ainsi de donner qu’un aperçu partiel et trop approximatif de l’impact visuel du projet sur le paysage ; que, dans ces conditions, le dossier ne peut être regardé comme comportant des éléments suffisamment précis concernant les effets du projet sur le paysage ;

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme :

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » Les parties naturelles des rives des plans d’eau naturels ou artificiels d’une superficie inférieure à mille hectares sont protégées sur une distance de trois cent mètres à compter de la rive ; y sont interdits toutes constructions, installations et routes nouvelles ainsi que toutes extractions et tous affouillements. (…)  » ;

13. Considérant que, pour contester le caractère de partie naturelle de la portion de rive où doit être implantée l’unité touristique en litige, la commune de Tignes se prévaut de la présence de la route départementale 87 A qui dessert le centre de Tignes et qui longe partiellement le site du projet, de l’existence de deux chalets d’alpage construits dans les années 1950 présentant une surface de plancher de 300 m², de la présence d’une aire de pique-nique, d’une station de relevage et d’un chalet en ruine ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des photographies produites par les parties, qu’en dépit de ces éléments, la rive sud du lac de Tignes où doit s’implanter le projet constitue une coupure verte entre, d’une part, le centre du bourg de Tignes situé au nord du lac et l’aménagement à l’ouest du lac d’un paravalanche au dessus de la route départementale, et, d’autre part l’urbanisation du Val Claret située au sud du site ; que cette zone contribue ainsi à conserver un caractère naturel au paysage du lac permettant de regarder cette partie de rive du lac comme étant naturelle au sens des dispositions précitées ; que, par suite, en accordant l’autorisation de créer une unité touristique nouvelle dans la bande des 300 mètres de cette partie naturelle de la rive sud du lac de Tignes, le préfet de la Savoie a méconnu les dispositions précitées de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Tignes n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 par lequel le préfet de la Savoie a autorisé la création d’une unité touristique nouvelle pour la construction d’un hôtel à Tignes, ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 13 janvier 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les associations intimées, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnées à payer à la commune de Tignes la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Tignes le paiement à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness d’une somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Tignes est rejetée.
Article 2 : La commune de Tignes versera à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tignes, à l’association Vivre en Tarentaise, à la Frapna Savoie et à l’association Mountain Wilderness.
Délibéré après l’audience du 18 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre,
M. Gille, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2016.
2
N° 14LY03771

Urbanisation en continuité – Parc photovoltaïque (non)

CAA de LYON

N° 15LY00920   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
M. Antoine GILLE, rapporteur
M. VALLECCHIA, rapporteur public
LE BRIERO, avocat

lecture du mardi 13 décembre 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’annuler l’arrêté du 10 juin 2013 par lequel le préfet de la Haute-Loire a délivré à la SARL PSFR002 un permis de construire un parc photovoltaïque sur un terrain situé au lieu-dit le marais sur le territoire de la commune des Vastres.

Par un jugement n° 1301304 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ce permis de construire du 10 juin 2013.

Procédure devant la cour

Par un recours et un mémoire complémentaire enregistrés les 18 mars et 4 mai 2015, la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 janvier 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Elle soutient que :
– le tribunal n’a pas suffisamment motivé son jugement ;
– l’intérêt que présente le projet pour la commune justifie la dérogation à la règle d’urbanisation en continuité.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2016, la Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le recours n’est pas recevable, faute de justification d’une délégation habilitant le signataire du recours à le présenter et faute pour l’Etat de justifier de la notification de son recours au préfet de la Haute-Loire et au bénéficiaire du permis de construire en litige ;
– les moyens du recours ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Gille, président-assesseur ;
– et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public.

1. Considérant que, par un arrêté du 10 juin 2013 pris en application du c) du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, le préfet de la Haute-Loire a, au vu d’une délibération favorable du conseil municipal des Vastres du 15 décembre 2012, délivré à la SARL PSFR002 un permis de construire en vue de la réalisation d’un parc photovoltaïque sur le territoire de cette commune, au lieu-dit le marais ; que la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité relève appel du jugement du 20 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ce permis de construire ;

Sur la régularité du jugement du 20 janvier 2015 :

2. Considérant que, pour annuler l’arrêté du préfet de la Haute-Loire du 10 juin 2013, les premiers juges, après avoir cité les dispositions des articles L. 145-3 et L. 111-1-2 du code de l’urbanisme et explicité leur contenu, ont fait précisément état des circonstances de fait qui leur ont permis de considérer, après avoir notamment examiné les éléments avancés dans une délibération du conseil municipal du 15 décembre 2012, que le permis de construire en litige avait été délivré en méconnaissance de ces dispositions ; que le jugement est, ainsi, suffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé du jugement du 20 janvier 2015 :

3. Considérant qu’aux termes du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. / (…) Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas dans les cas suivants : / (…) c) Dans les communes (…) qui ne sont pas couvertes par un plan local d’urbanisme ou une carte communale, des constructions qui ne sont pas situées en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants peuvent être autorisées, dans les conditions définies au 4º de l’article L. 111-1-2, si la commune ne subit pas de pression foncière due au développement démographique ou à la construction de résidences secondaires et si la dérogation envisagée est compatible avec les objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II. (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 111-1-2 du même code, alors en vigueur :  » En l’absence de plan local d’urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d’urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / (…) 4º Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l’intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, qu’elles n’entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n’est pas contraire aux objectifs visés à l’article L. 110 et aux dispositions des chapitres V et VI du titre IV du livre Ier ou aux directives territoriales d’aménagement précisant leurs modalités d’application.  » ;

4. Considérant que, pour annuler le permis de construire délivré par le préfet de la Haute-Loire à la SARL PSFR002 par arrêté du 10 juin 2013 pour un projet de parc photovoltaïque, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir relevé que ce projet ne peut être regardé comme réalisé en continuité avec des constructions existantes et n’est pas au nombre des équipements incompatibles avec le voisinage des zones habitées, a jugé que l’intérêt communal invoqué par la délibération du conseil municipal du 15 décembre 2012 prise sur le fondement du 4° de l’article L. 111-1-2 précité du code de l’urbanisme ne pouvait fonder une dérogation à la règle d’urbanisation en continuité en zone de montagne ;

5. Considérant que, pour contester le motif d’annulation retenu par les premiers juges, la ministre chargée du logement expose que l’arrêté critiqué du 10 juin 2013 a été pris au vu de la délibération motivée du conseil municipal prévue par la loi et que cette délibération justifiait de l’intérêt du projet pour la commune, pouvant ainsi fonder une dérogation à la règle d’urbanisation en continuité ;

6. Considérant que le principe d’urbanisation en continuité en zone de montagne posé par les dispositions du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, qui vise à interdire toute construction isolée en zone de montagne en fixant la liste limitative des dérogations à cette règle, a pour objet la préservation des terres agricoles, pastorales et forestières et des paysages et milieux caractéristiques de l’espace montagnard ; que, si les dispositions du c) du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme citées au point 3 permettent, dans les communes qui ne se sont pas dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale, d’autoriser la réalisation d’un projet compatible avec le voisinage des zones habitées sur un terrain qui n’est pas situé en continuité d’une forme d’urbanisation existante, cette possibilité n’est ouverte qu’à titre dérogatoire et à condition notamment que l’intérêt communal le justifie ;

7. Considérant qu’au soutien de son recours, la ministre se borne à reprendre, sans autre précision, les termes de la délibération du 15 décembre 2012 selon laquelle le projet critiqué permettra  » d’améliorer le fonctionnement de la zone humide  » et présente l’intérêt de concourir à la production d’électricité avec des énergies renouvelables et d’assurer à la commune des revenus pérennes par la perception d’un loyer ou de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux ; que la ministre fait également valoir que les écritures de l’Etat en première instance avaient permis de confirmer ces aspects du projet au regard des conclusions de l’étude d’impact dont il avait fait l’objet, le projet ayant été choisi afin d’assurer au mieux la protection des espaces naturels et des terres agricoles ; qu’eu égard à l’objet poursuivi par les dispositions précitées du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, les justifications dont la ministre se prévaut ainsi en termes généraux sans faire état d’éléments suffisamment circonstanciés tenant à la situation particulière de la commune des Vastres, ne suffisent pas à établir l’existence, au sens du 4° de l’article L. 111-1-2 auquel ces dispositions renvoient, d’un intérêt de nature à justifier la délivrance d’un permis de construire pour une centrale photovoltaïque au bénéfice du dispositif dérogatoire qu’elles prévoient ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l’arrêté du préfet de la Haute-Loire du 10 juin 2013 ;

Sur les frais d’instance :

9. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement à la Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire d’une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :
Article 1er : Le recours de la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera à la Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du logement et de l’habitat durable, ainsi qu’à la Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire.
Copie en sera adressée pour information : – au préfet de la Haute-Loire ;
– à la commune des Vastres ;
– à la SARL PSFR002.
Délibéré après l’audience du 21 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre,
M. Gille, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.
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N° 15LY00920

Définition de l’environnement montagnard (code du sport, art. R. 212-7)

Arrêté du 6 décembre 2016 portant définition de l’environnement montagnard pour la pratique des activités assimilées à l’alpinisme

Le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports,
Vu le code du sport, notamment ses articles L. 131-14, L. 212-1, L. 212-2, R. 212-7, D. 142-29 ;
Vu la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 modifiée relative au développement et à la protection de la montagne ;
Vu l’avis de la triple section permanente de l’alpinisme, du ski alpin et du ski de fond de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne en date du 23 septembre 2016,
Arrête :

Pour l’application de l’article R. 212-7 du code du sport, les activités assimilées à l’alpinisme se définissent comme un ensemble de pratiques sportives qui regroupent différentes techniques permettant la progression ou le déplacement à pied, en sécurité, dans un environnement montagnard, tel que défini à l’article 2 du présent arrêté.

Article 2

Dans les départements métropolitains, les zones relevant de l’environnement montagnard pour la pratique des activités assimilées à l’alpinisme sont ainsi définies :
1° Les itinéraires pédestres, balisés ou non, sur sentier ou hors sentier, dont le niveau de risque est strictement supérieur à trois, conformément aux critères de la grille de cotation des randonnées pédestres établie par la fédération ayant reçu délégation pour la randonnée pédestre ;
2° Dans les massifs des Vosges, de la Corse, du Jura et du Massif Central, les zones situées à une altitude supérieure à huit cents mètres ;
3° Dans les massifs des Alpes et des Pyrénées, les zones situées à une altitude supérieure à mille mètres.

Article 3

Par dérogation aux dispositions du 2° et du 3° l’article 2, ne relèvent pas de l’environnement montagnard pour la pratique des activités assimilées à l’alpinisme, les itinéraires pédestres répondant cumulativement aux deux critères suivants de la grille de cotation mentionnée à l’article 2 :
1° Une cotation strictement inférieure à trois sur le critère du risque ;
2° Une cotation strictement inférieure à trois sur le critère de l’effort.

Article 4

Toute modification de la grille de cotation mentionnée à l’article 2 est soumise pour avis à la section permanente de l’alpinisme de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne.

Article 5

L’arrêté du 14 juin 2007 portant définition de l’alpinisme, de ses activités assimilées et de leurs territoires et sites de pratique qui relèvent de l’environnement spécifique est abrogé.

Article 6

La directrice des sports est chargée de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 6 décembre 2016.

Pour le ministre et par délégation :

Le sous-directeur de l’emploi et des formations,

B. Béthune