Accueil des mineurs en refuge/ Arrêté sur les risques d’incendie dans les ERP (pas de suspension de l’exécution)

L’arrêté du 20 octobre 2014 du ministre de l’intérieur dont la suspension de l’exécution est demandée modifie les dispositions du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public
Conseil d’État

N° 388158
ECLI:FR:CEORD:2015:388158.20150317
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY, avocats

lecture du mardi 17 mars 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 23 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la fédération française des clubs alpins et de montagne, l’association UCPA sports vacances et l’association  » en passant par la montagne  » demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du 20 octobre 2014 du ministre de l’intérieur portant modification du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public.

Elles soutiennent que :
– la condition d’urgence est remplie dès lors que l’arrêté litigieux porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, aux conditions d’exploitation des refuges et met en péril les stages d’activités de l’été 2015 pour les groupes de mineurs ;
– il existe un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté litigieux ;
– il est entaché de l’incompétence de son auteur ;
– il méconnaît le principe de sécurité juridique et la liberté d’aller et venir des mineurs ;
– il méconnaît l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la norme juridique.

Vu l’arrêté dont la suspension de l’exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d’annulation de cet arrêté ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2015, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 9 mars 2015, la fédération française des clubs alpins et de montagne et autres concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens que ceux invoqués dans leur premier mémoire et à ce que soit mis à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; elles soutiennent en outre qu’il y a une différence de traitement injustifiée entre les mineurs accompagnés par des membres de leur famille et les autres mineurs, que l’arrêté ne prend pas en compte les moyens héliportés et a une portée incertaine.

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 11 mars 2015, le ministre de l’intérieur conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que ceux invoqués dans son premier mémoire ; il soutient en outre que la différence de traitement entre les mineurs est justifiée, la fiche technique invoquée par les requérantes n’est qu’un simple document de travail, le moyen tenant à l’absence de prise en compte des moyens de secours héliportés n’est pas fondé, et la différence de réglementation entre les associations requérantes et les fédérations sportives agréées est justifiée par une différence de situation.

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la fédération française des clubs alpins et de montagne, l’association UCPA sports vacances et l’association  » en passant par la montagne « , d’autre part, le ministre de l’intérieur ;

Vu le procès-verbal de l’audience publique du 11 mars 2015 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

– Me Masse-Dessen, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation, avocat des associations requérantes, qui a soulevé les moyens tirés du détournement de procédure et de l’erreur manifeste d’appréciation de l’arrêté contesté ;

– les représentants des associations requérantes ;

– les représentants du ministre de l’intérieur ;
et à l’issue de laquelle le juge des référés a prolongé l’instruction jusqu’au vendredi 13 mars 2015 à 12 heures ;

Par un nouveau mémoire, enregistré le 13 mars 2015, les requérantes concluent aux mêmes fins et par les mêmes moyens ; elles soutiennent en outre que l’absence de prise en compte, par l’arrêté, des moyens héliportés pour les secours est une erreur manifeste.

Par un nouveau mémoire enregistré le 13 mars 2015, le ministre de l’intérieur conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ; il considère qu’il n’est pas sorti de son champ de compétence et que l’arrêté n’est pas disproportionné.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 13 mars 2015, les requérantes concluent aux mêmes fins et par les mêmes moyens ; elles soutiennent en outre que l’arrêté critiqué engendrera des difficultés d’application.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de la construction et de l’habitation ;

– le code de justice administrative ;

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :  » Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision  » ;

2. Considérant que l’arrêté du 20 octobre 2014 du ministre de l’intérieur dont la suspension de l’exécution est demandée modifie les dispositions du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public relatives aux refuges de montagne en ce qui concerne les exigences de sécurité devant y être respectées pour permettre l’hébergement de mineurs ; que l’arrêté litigieux prévoit au §3 du nouvel article REF 7 que les préfets établissent et tiennent à jour la liste départementale des refuges respectant ces règles ;

3. Considérant que le ministre de l’intérieur est seul compétent, en vertu des dispositions de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation, pour prescrire les conditions de sécurité dans les établissements recevant du public ; que les moyen tirés de ce que l’arrêté du 20 octobre 2014 serait entaché d’incompétence et de détournement de procédure faute d’être également signé du ministre chargé de la jeunesse et des sports ne sont pas, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité ;

4. Considérant que l’arrêté contesté définit de manière précise les conditions de sécurité applicables aux refuges de montagne pour y permettre l’hébergement de mineurs non accompagnés par leur famille ; que la distinction qu’il opère entre ces derniers et les autres mineurs ne paraît pas, eu égard aux différences de situation, méconnaître le principe d’égalité ; que ni le moyen tiré de la violation de l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et accessibilité de la norme juridique, ni le moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique, ni ceux tirés de la violation du principe de la liberté d’aller et venir et de l’erreur manifeste d’appréciation ne sont, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quand à la légalité de la mesure contestée ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l’existence d’une situation d’urgence, et pour regrettables que soient les retards et les insuffisances dans l’élaboration des listes prévues au §3 du nouvel article REF 7 en raison des difficultés qu’ils causent à l’organisation de stages de randonnées en montagne de mineurs, que la demande de la fédération française des clubs alpins et de montagne et autres doit être rejetée ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent les requérantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la fédération française des clubs alpins et de montagne, de l’association UCPA sports vacances et de l’association  » en passant par la montagne  » est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la fédération française des clubs alpins et de montagne, à l’association UCPA sports vacances, à l’association  » en passant par la montagne  » et au ministre de l’intérieur.