Protection de la biodiversité/ SRCE / Légalité

CAA de NANCY

N° 16NC01198   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. MESLAY, président
M. Philippe REES, rapporteur
M. FAVRET, rapporteur public
MOISSON, avocat

lecture du vendredi 30 juin 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :

La société des Remontées mécaniques du champ du feu (SOREMEC) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler l’arrêté du 22 décembre 2014 par lequel le préfet du Bas-Rhin a adopté le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) d’Alsace.

Par un jugement no 1500815 du 13 avril 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 juin et 12 décembre 2016, ainsi que le 31 janvier 2017, la société des Remontées mécaniques du champ du feu, représentée par MeB…, demande à la cour d’annuler le jugement no 1500815 du 13 avril 2016 du tribunal administratif de Strasbourg, avec toutes conséquences de droit.

La société des Remontées mécaniques du champ du feu soutient que :

– le jugement est insuffisamment motivé ;
– le jugement est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ;
– le jugement est entaché d’erreur de fait en ce que, d’une part, le tribunal a considéré que le schéma n’aurait pas de conséquence sur son activité, d’autre part il a relevé que son activité principale est le ski de fond, alors qu’il s’agit du ski alpin ;
– le schéma est entaché d’un vice de procédure dès lors que les organismes visés à l’article L. 371-3 du code de l’environnement n’ont pas été consultés ;
– le schéma est entaché d’un vice de procédure dès lors que tous les avis n’ont pas été joints au dossier d’enquête publique, contrairement à ce qu’exigent les articles L. 371-3 et R. 123-8 du code de l’environnement ;
– l’article L. 121-13 du code de l’environnement et l’article 7 de la Charte de l’environnement ont été méconnus dès lors que les modalités fixées pour le déroulement de l’enquête publique n’ont pas permis une participation suffisante du public ;
– le schéma n’a, contrairement à ce que prévoit l’article L. 371-3 du code de l’environnement, pas été établi sur le fondement de connaissances scientifiques mises à disposition des autorités pour son élaboration ;
– l’absence de mentions spécifiques relatives aux grands projets dans le SRCE constitue une illégalité ;
– le SRCE méconnaît l’article R. 371-26 du code de l’environnement en ce que son diagnostic ne comporte pas une analyse fiable et précise des interactions humaines sur la biodiversité ;
– le plan d’action stratégique ne comporte pas de volet relatif au développement touristique et des activités de grand air, en méconnaissance de l’article R. 371-28 du code de l’environnement ;
– le plan d’action stratégique ne prévoit aucune disposition pour garantir la compatibilité entre ces activités et les mesures qu’il fixe, en méconnaissance de l’article R. 371-28 du code de l’environnement ;
– le SRCE méconnaît l’article L. 371-1 en ce qu’il institue une protection supplémentaire et injustifiée sur le territoire du Champ du Feu alors que celui-ci comporte déjà trois périmètres de protection qui ne se recoupent pas, sans qu’aucun élément biologique et scientifique n’explique cette différence ; l’institution d’un réservoir de biodiversité, avec un périmètre distinct des trois autres, ne repose sur aucune justification scientifique ; elle porte une atteinte excessive aux activités humaines, en particulier celle de la SOREMEC qui est directement concernée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2017, le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés par la requérante n’est fondé.

Les 16 mars et 3 avril 2017 les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’irrecevabilité des moyens de légalité externe, que la requérante n’a soulevés qu’après l’expiration du délai d’appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’environnement,
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Rees, premier conseiller,
– les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
– et les observations de MeA…, pour la société des Remontées mécaniques du champ du feu.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 décembre 2014, le préfet de la région Alsace a adopté le schéma régional de cohérence écologique d’Alsace.

2. La SOREMEC relève appel du jugement du 13 avril 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

3. La SOREMEC soutient en premier lieu que le tribunal n’a pas suffisamment motivé sa réponse à son moyen tiré de ce que l’arrêté en cause est entaché d’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R. 371-28 du code de l’environnement, dès lors que le plan d’action stratégique n’a pas pris en compte les acteurs de sa catégorie mais uniquement le domaine de l’agriculture qui n’est pourtant par le seul secteur à enjeu de la région. Selon la requérante, le tribunal ne justifie pas en quoi la mention des projets d’aménagement ou des milieux paysagers permettrait de prendre en considération les activités touristiques ou de grand air, ces activités étant différentes par nature.

4. Le tribunal, qui a analysé ce moyen à son point 12, a toutefois expressément indiqué, notamment, que le plan d’action stratégique énonce  » les mesures à prendre dans des domaines qui concernent la société requérante, que sont les projets d’aménagement ou encore la sylviculture et les milieux paysagers « , avant de conclure que,  » alors même que le plan d’action stratégique ne comporte pas de volet spécifique relatif aux activités touristiques ou de grand air, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation ne peut qu’être écarté « .

5. Il ressort ainsi des termes du jugement que le tribunal n’a pas estimé que la différence alléguée par la requérante entre les activités en cause justifiait un traitement particulier au sein du plan d’action stratégique. Le jugement répond ainsi de manière suffisamment précise au moyen soulevé.
6. La SOREMEC soutient en deuxième lieu que le tribunal a entaché son jugement d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation. Toutefois, à les supposer établies, ces erreurs relèvent du bien-fondé du jugement et sont sans incidence sur sa régularité.

Sur la légalité de l’arrêté attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

7. Dans sa requête introductive d’appel, enregistrée le 14 juin 2016, la SOREMEC a contesté la régularité du jugement et soutenu que l’arrêté attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur de droit et d’une erreur de fait. Elle y a également soutenu que  » la décision entreprise est entachée d’illégalité sur le plan externe « , mais en rattachant cette affirmation à la contestation de la régularité du jugement et non de l’arrêté attaqué. La requérante n’a ainsi, dans sa requête d’appel, soulevé que des moyens se rattachant à la régularité du jugement et à la légalité interne de l’arrêté litigieux.

8. Dans son mémoire enregistré le 12 décembre 2016, la SOREMEC a, en outre, soutenu que les personnes mentionnées à l’article L. 371-3 du code de l’environnement n’ont pas toutes été consultées, que le dossier soumis à l’enquête publique n’était pas complet, faute de comporter l’ensemble des avis émis sur le projet et que l’enquête publique s’est déroulée selon des modalités insuffisantes pour assurer correctement la participation du public, en violation de l’article L. 123-13 du code de l’environnement et de l’article 7 de la Charte de l’environnement.

9. Par ailleurs, dans ce même mémoire, ainsi que dans son mémoire enregistré le 31 janvier 2017, la SOREMEC a également soutenu que le SRCE a été adopté en méconnaissance de l’article R. 371-26 du code de l’environnement, dès lors que l’analyse des interactions humaines sur la biodiversité figurant dans le diagnostic n’est pas fiable et précise et qu’il a été adopté en méconnaissance de l’article R. 371-28 du code de l’environnement dès lors que le plan d’action stratégique ne comporte pas de volet relatif au développement du tourisme et des activités de grand air.

10. La première série de moyens, relevés au point 8, se rapporte à la régularité de la procédure préalable à l’adoption du SRCE. La seconde série de moyens, relevés au point 9, se rapporte à la présentation et au contenu formel du SRCE adopté. L’ensemble de ces moyens se rattachent ainsi à la légalité externe de l’acte attaqué.

11. Celle-ci constitue une cause juridique distincte de la légalité interne et de la régularité du jugement, auxquelles se rattachent les moyens soulevés dans la requête introductive d’appel. Or, aux dates auxquelles ces moyens de légalité externe ont été soulevés, le délai d’appel de deux mois, qui a commencé à courir à compter de la notification du jugement, le 14 avril 2016, était expiré.

12. Ces moyens de légalité externe ont donc été soulevés tardivement et doivent, par conséquent, être écartés comme irrecevables.
En ce qui concerne la légalité interne :

13. La SOREMEC soutient en premier lieu qu’alors que l’article L. 371-3 du code de l’environnement prévoit que le SRCE doit être  » fondé en particulier sur les connaissances scientifiques disponibles « , cette exigence a été méconnue puisqu’il ne résulte pas de l’arrêté attaqué que celui-ci soit fondé sur les connaissances scientifiques.

14. Toutefois, l’arrêté lui-même vise l’avis du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel d’Alsace. La seule absence d’indication d’autres données scientifiques n’est pas de nature à démontrer que le SRCE n’a pas été établi sur le fondement des connaissances scientifiques disponibles. Par suite, le moyen ne peut qu’être écarté.

15. La SOREMEC soutient en deuxième lieu que l’absence de mentions spécifiques relatives aux grands projets dans le SRCE constitue une illégalité.

16. Mais cette affirmation n’est assortie d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé.
17. La SOREMEC soutient en troisième lieu que le plan d’action stratégique ne respecte pas les dispositions de l’article R. 371-28 du code de l’environnement en ce qu’il ne prévoit aucune disposition pour garantir la compatibilité entre les mesures qu’il fixe et les activités de développement touristique et de grand air.
18. Aux termes de l’article R. 371-28 du code de l’environnement :  » Le plan d’action stratégique présente : – les outils et moyens mobilisables compte tenu des objectifs de préservation et de remise en bon état des continuités écologiques de la trame verte et bleue régionale, selon les différents milieux ou acteurs concernés et en indiquant, le cas échéant, leurs conditions d’utilisation et leur combinaison ; – des actions prioritaires et hiérarchisées en faveur de la préservation et de la remise en bon état des continuités écologiques ; – les efforts de connaissance à mener, notamment en vue de l’évaluation de la mise en oeuvre du schéma. / Les moyens et mesures ainsi identifiés par le plan d’action sont décidés et mis en oeuvre, dans le respect des procédures qui leur sont applicables, par les acteurs concernés conformément à leurs compétences respectives « .

19. Il ressort des dispositions précitées, en particulier du dernier alinéa de l’article, que l’expression  » les acteurs concernés  » vise les personnes susceptibles de mettre en oeuvre les moyens et mesures identifiés par le plan d’action et non, comme le soutient la requérante, les personnes dont les activités, exercées dans les espaces en cause, sont susceptibles d’être affectées par cette mise en oeuvre. Par ailleurs, le SRCE a notamment mentionné les outils et moyens mobilisables pour la protection de la biodiversité, de manière globale, puis a exposé les actions prioritaires identifiées à mettre en oeuvre, cette fois-ci, par grands secteurs, dont notamment, mais non exclusivement, l’agriculture. Sont ainsi également énoncées les mesures à prendre dans des domaines tels que les projets d’aménagement ou la sylviculture et les milieux paysagers.

20. Ainsi, alors même que le plan d’action stratégique ne comporte pas de volet spécifique relatif aux activités touristiques ou de grand air, le préfet n’a, en adoptant le SRCE, commis ni une erreur de droit ni une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions précitées.
21. La SOREMEC soutient en quatrième lieu que le SRCE méconnaît l’article L. 371-1 en ce qu’il institue une protection supplémentaire et injustifiée sur le territoire du Champ du Feu. Elle souligne que celui-ci comporte déjà trois périmètres de protection qui ne se recoupent pas. Selon elle, l’institution d’un réservoir de biodiversité, avec un périmètre distinct des trois autres, ne repose sur aucune justification scientifique et porte une atteinte excessive aux activités humaines, notamment la sienne, qui en est directement affectée.

22. Aux termes de l’article L. 371-1 du code de l’environnement :  » I – La trame verte et la trame bleue ont pour objectif d’enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural (…) « .

23. Tout d’abord, s’il ressort des pièces du dossier que le territoire du Champ du Feu fait l’objet d’une zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique, d’une zone Natura 2000 et d’une réserve biologique domaniale, dont les périmètres se chevauchent sans coïncider exactement, l’article L. 371-1 du code de l’environnement, ni aucune autre disposition régissant les SRCE ne font obstacle à ce que ce schéma identifie en outre un réservoir de biodiversité.

24. D’autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’identification de ce réservoir de biodiversité ne soit pas justifiée.

25. Enfin, le 8ème alinéa de l’article L. 371-3 du code de l’environnement prévoit que :  » Les collectivités territoriales et leurs groupements compétents en matière d’aménagement de l’espace ou d’urbanisme prennent en compte les schémas régionaux de cohérence écologique lors de l’élaboration ou de la révision de leurs documents d’aménagement de l’espace ou d’urbanisme dans les conditions fixées à l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme « . Par ailleurs, l’article R. 371-28 du même code prévoit, à son dernier alinéa, que :  » Les moyens et mesures ainsi identifiés par le plan d’action sont décidés et mis en oeuvre, dans le respect des procédures qui leur sont applicables, par les acteurs concernés conformément à leurs compétences respectives « .

26. Il résulte de ces dispositions que le SRCE n’est susceptible d’affecter les activités humaines se déroulant sur son territoire que de façon indirecte, du fait de sa prise en compte pour l’élaboration ou la révision des documents d’aménagement de l’espace ou d’urbanisme des collectivités territoriales ou de leurs groupements, ou à travers sa mise en oeuvre par les décisions mentionnées à l’article R. 731-28. Il ne peut ainsi pas être regardé comme portant, par lui-même, atteinte à la situation des tiers.
27. Par conséquent, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’identification, par le SRCE, d’un réservoir de biodiversité dans le secteur où elle exploite une station de ski alpin porte une atteinte excessive à son activité.
28. Il résulte de tout ce qui précède que la SOREMEC n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 22 décembre 2014 par lequel le préfet du Bas-Rhin a adopté le SRCE d’Alsace. Dès lors, ses conclusions à fin d’annulation ne peuvent qu’être rejetées.
Par ces motifs,
DECIDE :

Article 1er : La requête de la société des Remontées mécaniques du Champ du feu est rejetée.

Projet de station de ski (Porta, Pyrénées)/ Atteinte à des sites Natura 2000

CAA de MARSEILLE

N° 16MA03194   
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre – formation à 3
M. BOCQUET, président
Mme Marie-Laure HAMELINE, rapporteur
M. REVERT, rapporteur public
SCP DELAPORTE BRIARD TRICHET, avocat

lecture du mardi 20 juin 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés par actions simplifiées Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler l’arrêté du 3 mars 2009 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté leur demande d’autorisation en vue de la réalisation des équipements hydrauliques relatifs à l’aménagement d’une station de ski sur le territoire de la commune de Porta ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 5 mai 2009 contre cet arrêté, et d’enjoindre au préfet de réexaminer leur demande. Par un jugement n° 0903855 du 11 mars 2011, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à ces conclusions.

Par un arrêt n° 11MA02182 du 28 octobre 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur le recours du ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par les sociétés Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges devant le tribunal administratif de Montpellier.

Par une décision n° 386789 du 27 juillet 2016, le Conseil d’Etat a, sur pourvoi formé par ces deux sociétés, annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré initialement le 1er juin 2011 sous le n° 11MA02182 puis, après renvoi par le Conseil d’Etat, sous le n° 16MA03194, le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour d’annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 mars 2011.

Il soutient que :
– le tribunal a estimé, à tort, que l’atteinte portée par le projet aux zones humides ne justifiait pas un refus d’autorisation ;
– les premiers juges ont apprécié de manière erronée la gravité des atteintes portées aux zones humides uniquement au regard de la superficie affectée par le projet, sans rechercher si les composantes de cette partie présentaient des caractéristiques telles que sa réalisation compromettrait l’objectif de préservation et de gestion durable des zones humides ;
– les effets des mesures compensatoires prévues dans le dossier de demande d’autorisation avaient été pris en compte par le préfet ;
– le critère de la superficie concernée par le projet ne pouvait être seul retenu pour apprécier l’atteinte portée au site Natura 2000 de Capcir-Carlit-Campcardos en application de l’article L. 414-4 du code de l’environnement interprété conformément à l’article 6§3 de la directive Habitats ;
– les effets du projet en cause doivent être pris en compte de manière cumulée avec ceux du projet de station de ski de la commune voisine Porté-Puymorens comme l’impose l’article R. 414-23 du même code ;
– en appréciant les effets des mesures d’atténuation envisagées sur la conservation des espèces, sans vérifier l’absence de solution alternative ni l’intérêt public majeur qui s’attachait au projet, le tribunal a fait une application erronée de l’article 6§4 de la directive Habitats ;
– les tourbières actives hautes sont quasi inexistantes en Europe et doivent être protégées au-delà de la seule préservation du site de Capcir-Carlit-Campcardos ;
– le préfet a considéré à juste titre que la destruction d’une partie, quelle que soit son importance, d’un habitat d’intérêt communautaire prioritaire, et nonobstant les mesures d’atténuation envisagées, était contraire à l’engagement de préservation de ces habitats dans les sites Natura 2000.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 février 2013, annulé et remplacé par un mémoire enregistré le 27 février 2013, puis complété par un mémoire enregistré le 17 juin 2013, la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges, représentées par la SCP Delaporte Briard et Trichet, concluent au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :
– aucun des moyens invoqués contre le jugement contesté n’est fondé ;
– la décision du préfet est entachée d’insuffisance de motivation, d’erreurs de droit et d’erreur manifeste d’appréciation.

La Cour a informé les parties les 3 et 4 juillet 2014, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d’être fondée sur des moyens relevés d’office tirés, d’une part, de la tardiveté de la demande de première instance et, d’autre part, de la méconnaissance du champ d’application de la loi par le préfet des Pyrénées-Orientales dans l’application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement.

Les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges ont présenté le 15 juillet 2014 leurs observations en réponse aux moyens relevés d’office par la Cour.

Elles soutiennent que leur recours contentieux n’était pas tardif dès lors que l’arrêté préfectoral comportait des mentions inexactes sur les voies et délais de recours ;

Le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, a présenté le 29 juillet 2014 ses observations en réponse aux moyens relevés d’office par la Cour.

Il soutient que :
– l’arrêté en litige se fonde à bon droit sur le IV de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, le dossier des sociétés pétitionnaires comportant plusieurs demandes d’autorisation connexes relatives à un même projet ;
– il ressort des visas, des motifs et du dispositif de l’arrêté que celui-ci statue sur une demande d’autorisation et non sur une déclaration, en dépit d’une erreur de plume.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
– le code de l’environnement ;
– la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
– le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Hameline,
– et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que, par un arrêté du 3 mars 2009, le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté la demande présentée par les sociétés Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, tendant à l’autorisation de travaux et ouvrages hydrauliques pour l’aménagement du domaine skiable et de l’ensemble immobilier d’une nouvelle station touristique sur le territoire de la commune de Porta ; que les deux sociétés, après avoir formé en vain auprès du préfet un recours gracieux contre ce refus le 5 mai 2009, ont introduit un recours contentieux devant le tribunal administratif de Montpellier ; que celui-ci, par un jugement du 11 mars 2011, a annulé l’arrêté préfectoral du 3 mars 2009 ainsi que la décision implicite du préfet rejetant le recours gracieux des sociétés pétitionnaires, et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de leur demande dans un délai de quatre mois ; que par un arrêt du 28 octobre 2014, la cour administrative d’appel de Marseille saisie par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée devant le tribunal administratif par les sociétés Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges au motif relevé d’office que celle-ci était irrecevable ; que, sur pourvoi en cassation des deux sociétés, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt du 28 octobre 2014 par une décision n° 386789 du 27 juillet 2016, en relevant que la demande de première instance ne pouvait être regardée comme tardive eu égard aux mentions de l’arrêté préfectoral du 3 mars 2009 de nature à induire ses destinataires en erreur sur l’interruption du délai de recours contentieux par l’exercice d’un recours gracieux, et a renvoyé l’affaire à la Cour pour qu’il y soit statué ;

Sur les moyens d’annulation retenus par le tribunal administratif :

2. Considérant que, pour refuser la demande d’autorisation présentée par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges au titre de la loi sur l’eau, le préfet des Pyrénées-Orientales s’est fondé sur le double motif que le projet méconnaissait l’objectif de préservation des zones humides prévu par les articles L. 211-1 et L. 211-1-1 du code de l’environnement et qu’il portait atteinte à la conservation du site d’intérêt communautaire de Capcir-Carlit-Campcardos en méconnaissance de l’article L. 414-4 du même code ; que le tribunal administratif de Montpellier a estimé que l’un et l’autre de ces motifs étaient entachés d’erreur d’appréciation ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l’objectif de préservation des zones humides :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’environnement :  » I. Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 211-1-1 du même code :  » La préservation et la gestion durable des zones humides définies à l’article L. 211-1 sont d’intérêt général (…)  » ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le secteur géographique de Porta-Porté-Puymorens où doit être implanté le projet comporte 96,53 hectares de zones humides, et se caractérise en particulier par la présence de tourbières hautes constituant un habitat rare en Europe méridionale ; que les ouvrages projetés ont un impact sur le fonctionnement hydraulique de ces zones humides tant en ce qui concerne l’urbanisation prévue dans le cadre de la zone d’aménagement concerté que l’aménagement du domaine skiable ; qu’il ressort ainsi du rapport présenté au conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques du 25 novembre 2008 que la réalisation du projet global aurait pour effet direct la destruction de 7,6 hectares de zones humides, et entraînerait une dégradation indirecte d’une surface plus importante ; que le rapport d’expertise établi par le conseil général de l’environnement et du développement durable en janvier 2009 indique qu’eu égard au fonctionnement particulier des tourbières, qui doit être apprécié dans une approche globale et est influencé par de multiples causes, l’ensemble de cet habitat présent sur le site est susceptible d’être menacé ; qu’il n’est pas valablement contredit que l’aire de convergence du domaine skiable est située sur certaines des plus belles zones humides du site, en bon état de conservation, abritant des espèces d’intérêt communautaire prioritaires et une espèce végétale protégée ; qu’il ressort par ailleurs des différents documents sur lesquels s’est appuyé le préfet que les mesures compensatoires prévues par le dossier de demande d’autorisation concernent essentiellement la préservation de zones humides en bon état situées de part et d’autre de l’emprise du projet mais ne sont pas de nature à permettre la reconstitution d’une surface de zones humides équivalente à celle détruite sur l’emprise elle-même ; que la destruction d’une surface importante de zones humides induite par le projet entraînerait ainsi une perte définitive ; que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, le préfet n’avait ni à tenir compte du seul rapport entre la superficie de zones humides affectée et la superficie totale du site, ni à limiter son analyse à l’existence d’une atteinte significative portée à ces zones humides, alors qu’un tel critère d’appréciation n’est pas prévu par les dispositions précitées ; qu’enfin, il ne ressort pas des termes de l’arrêté ou des autres éléments soumis à l’instruction que le préfet aurait omis de tenir compte de l’ensemble des mesures de compensation envisagées, alors que la décision en litige indique précisément qu’en dépit de celles-ci, 7,6 ha de zones humides doivent être détruits  » sans remplacement « , ce qui n’est pas efficacement contesté par les sociétés pétitionnaires ; que, dans ces conditions, le préfet a pu estimer sans erreur de droit ni erreur d’appréciation que les incidences du projet présenté méconnaissaient l’objectif de préservation des zones humides prévu par les articles L. 211-1 et L. 211-1-1 du code de l’environnement ;

En ce qui concerne l’atteinte aux habitats naturels reconnus d’intérêt communautaire :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, adopté pour la transposition de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 :  » I. – Les programmes ou projets de travaux, d’ouvrage ou d’aménagement soumis à un régime d’autorisation ou d’approbation administrative, et dont la réalisation est de nature à affecter de façon notable un site Natura 2000, font l’objet d’une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site.(…)/ II. – L’autorité compétente ne peut autoriser ou approuver un programme ou projet mentionné au premier alinéa du I s’il résulte de l’évaluation que sa réalisation porte atteinte à l’état de conservation du site. / III. – Toutefois, lorsqu’il n’existe pas d’autre solution que la réalisation d’un programme ou projet qui est de nature à porter atteinte à l’état de conservation du site, l’autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d’intérêt public. Dans ce cas, elle s’assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge du bénéficiaire des travaux, de l’ouvrage ou de l’aménagement. La Commission européenne en est tenue informée. / IV. – Lorsque le site abrite un type d’habitat naturel ou une espèce prioritaires qui figurent, au titre de la protection renforcée dont ils bénéficient, sur des listes arrêtées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, l’accord mentionné au III ne peut être donné que pour des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique ou tirés des avantages importants procurés à l’environnement ou, après avis de la Commission européenne, pour d’autres raisons impératives d’intérêt public  » ;

6. Considérant qu’il ressort de ces dispositions que l’évaluation des incidences d’un projet doit être réalisée au regard des différents objectifs de conservation du site d’intérêt communautaire concerné ; qu’une telle évaluation ne saurait se fonder sur le seul rapport entre la superficie d’habitats naturels affectée et la superficie du site lui-même ; que, par ailleurs, il doit être tenu compte, pour évaluer les incidences d’un projet sur l’état de conservation d’un site d’importance communautaire, des mesures prévues par le projet de nature à supprimer ou réduire les effets dommageables de celui-ci sur le site ;

7. Considérant que les travaux et ouvrages projetés sont entièrement inclus tant dans une zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique de type II  » Massif du Campcardos  » que dans le site d’intérêt communautaire et la zone de protection spéciale  » Campcir-Carlit-Campcardos  » relevant du réseau Natura 2000 ; qu’il ressort des documents soumis à l’instruction, et notamment du document d’évaluation des incidences du projet au regard des objectifs de conservation des sites Natura 2000, que deux habitats naturels recensés comme prioritaires, les formations herbeuses à nard riches en espèces sur substrats siliceux des zones montagnardes et les tourbières hautes actives, sont présentes sur l’emprise du projet en litige ; que ce dernier conduit à une destruction permanente de 14,28 hectares des premières, et de 0,07 hectare des secondes, cependant que la modification de l’écoulement des eaux de surface assècherait aussi ces tourbières hautes actives sur une superficie non précisée ; que le document d’évaluation des incidences montre, en outre, que le projet aurait un impact sur cinq autres types d’habitats naturels d’intérêt communautaire, altérant définitivement plus de 10 autres hectares ; que l’expertise réalisée à la demande du préfet des Pyrénées-Orientales en janvier 2009 a confirmé l’importance de l’atteinte portée par le projet aux formation à nard et aux tourbières, se cumulant avec les impacts résultant de la création de la station de ski de Porté-Puymorens dans la commune voisine, et sans mesure d’atténuation effective des effets négatifs prévisibles du projet ; que, par suite, la réalisation du projet, qui conduirait notamment à une détérioration d’habitats prioritaires, porterait atteinte à l’état de conservation des habitats qui ont justifié la délimitation du site, alors même qu’ils ne représentent qu’un faible pourcentage de la superficie totale de celui-ci ; que dans ces conditions, et contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, c’est par une exacte application de l’article L. 414-4 du code de l’environnement que le préfet des Pyrénées-Orientales a estimé que la demande présentée par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges en vue de réaliser les aménagements hydrauliques du projet de station touristique était de nature à porter atteinte à l’état de conservation du site d’intérêt communautaire concerné, et devait être refusée pour ce motif ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur les deux motifs indiqués ci-dessus pour prononcer l’annulation de l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 3 mars 2009 portant refus d’autorisation et de la décision implicite de rejet du recours gracieux des sociétés pétitionnaires ;

9. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges tant en première instance qu’en appel ;

Sur les autres moyens invoqués à l’encontre de l’arrêté du 3 mars 2009 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux du 5 mai 2009 :

10. Considérant, en premier lieu, que l’arrêté en litige indique les dispositions sur lesquelles le préfet a fondé sa décision de refus ; qu’il relève de manière circonstanciée que le projet doit avoir pour conséquence la destruction de plusieurs habitats naturels d’intérêt communautaire ainsi que la dégradation et la destruction d’habitats d’oiseaux ; que, s’il n’identifie pas les zones humides susceptibles d’être affectées par le projet, il énonce avec une précision suffisante son impact sur ces zones en relevant la destruction de 7,6 hectares de celles-ci et la dégradation indirecte d’une surface plus importante ; que le préfet n’était pas tenu de mentionner plus en détail dans l’arrêté son analyse de l’insuffisance des mesures compensatrices, alors notamment qu’il relève la destruction d’une surface précise  » sans remplacement  » ; qu’il n’avait pas davantage à y examiner la compatibilité alléguée du projet présenté avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne, point qui ne fondait pas sa décision en l’espèce ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus du 3 mars 2009 serait insuffisamment motivée en violation des article 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 et de l’article L. 212-4 III du code de l’environnement doit être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ne ressort ni des termes de l’arrêté en litige ni d’aucun des éléments soumis à l’instruction que le préfet des Pyrénées-Orientales, qui a lui-même demandé la réalisation d’une expertise complémentaire sur les effets du projet sur les sites d’intérêt communautaire concernés, se serait estimé à tort lié par les conclusions du commissaire enquêteur ou par l’avis du conseil départemental pour opposer un refus à la demande dont il était saisi ; que le moyen tiré par les intimées de l’incompétence négative du préfet doit, dès lors, être également écarté ;

12. Considérant, en troisième lieu, que comme il a été dit plus haut, la décision en litige n’est pas fondée sur l’incompatibilité des travaux et ouvrages envisagés avec les dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux localement applicable, mais sur la méconnaissance par le projet des dispositions du code de l’environnement relatives respectivement à la protection des zones humides et à la conservation des sites d’intérêt communautaire ; que ces motifs suffisaient par eux-mêmes à justifier le refus de l’autorisation demandée en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ; que le préfet des Pyrénées-Orientales n’a donc, en toute hypothèse, commis aucune erreur de droit en ne fondant pas en outre son refus sur une analyse de la compatibilité du projet avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne ; que les sociétés pétitionnaires ne peuvent, dès lors, utilement invoquer à l’encontre de l’arrêté du 3 mars 2009 la circonstance que le préfet n’aurait pas démontré l’incompatibilité du projet avec le contenu de ce schéma ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu’ainsi qu’il a été dit aux points 5 à 7, le préfet a fondé en droit le motif de refus tiré de l’atteinte portée par le projet aux sites d’intérêt communautaire relevant du réseau Natura 2000 sur la méconnaissance de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, et non sur la violation directe des directives communautaires et notamment la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 dont ces dispositions assurent la transposition en droit interne ; que le moyen tiré de l’erreur de droit du préfet sur le fondement juridique de l’arrêté en litige doit par suite être écarté ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que le b) du 4° du II de l’article R. 214-6 du code de l’environnement prévoit que la demande d’autorisation présentée au titre de la loi sur l’eau doit comporter l’évaluation des incidences du projet sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; que, par ailleurs le I de l’article R. 414-19 du même code inclut  » les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou déclaration au titre des articles L. 214-1 à L. 214-11  » dans la liste nationale des documents de planification, programmes ou projets qui doivent faire l’objet d’une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 en application l’article L. 414-4 de ce code ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions de ce dernier article relatives à la protection des site Natura 2000 seraient inapplicables à un projet d’aménagements hydrauliques soumis à autorisation en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ne peut qu’être écarté comme manquant en droit ;

15. Considérant, en sixième lieu, que le site de Capcir-Carlit-Campcardos à l’intérieur duquel se trouve le projet a été inscrit sur la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique alpine par une décision de la Commission du 22 décembre 2003, entrée en vigueur le vingtième jour après sa publication au Journal officiel de l’Union Européenne intervenue le 21 janvier 2004 ; que les mesures de protection édictées par l’article L. 414-4 du code de l’environnement s’y appliquaient dès cette date ; que le site a ensuite été désigné comme zone de protection spéciale par arrêté ministériel du 25 avril 2006 dans le cadre du réseau Natura 2000 ; que la seule circonstance que le document d’objectifs propre au site de Capcir-Carlit-Campcardos n’avait pas encore été adopté à la date de la décision en litige demeurait sans influence sur la nécessité pour l’autorité administrative d’apprécier l’atteinte portée à ce site reconnu d’importance communautaire au vu de l’ensemble des éléments recueillis lors de l’instruction de la demande, et conformément aux objectifs indiqués dans la décision de désignation ; que le moyen tiré de l’erreur de droit du préfet sur ce point doit donc être écarté ;

16. Considérant, en septième et dernier lieu, que le préfet des Pyrénées-Orientales a pu à bon droit apprécier l’atteinte portée aux sites d’intérêt communautaire concernés par le projet sans se prononcer sur le caractère significatif ou non d’une telle atteinte, dès lors que le II de l’article L. 414-4 précité du code de l’environnement impose à l’autorité administrative de s’opposer à un projet dès lors que sa réalisation  » porte atteinte aux objectifs de conservation  » d’un site Natura 2000, sans limiter l’interdiction qu’il prévoit aux seules atteintes notables ou significatives, une telle notion ne s’appliquant qu’à l’exigence procédurale d’évaluation environnementale instituée par le I du même article ; que le préfet n’avait pas non plus à prendre en compte, dans son appréciation de l’atteinte portée à l’état de conservation des sites, les mesures de compensation qui ne doivent être intégrées à l’analyse que dans les situations dérogatoires prévues par le III du même article ; que les moyens tirés d’erreurs de droit du préfet dans l’application de ces dispositions doivent, dès lors, être écartés ;

17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 3 mars 2009 refusant l’autorisation demandée par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaines porte des Neiges en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, ainsi que sa décision implicite rejetant le recours gracieux de ces dernières ;

Sur les conclusions présentées en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle en toute hypothèse à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser aux sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n°0903855 du 11 mars 2011 est annulé.

Abri de jardin/ Urbanisation en continuité (non)

CAA de LYON

N° 15LY02726   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
Mme Véronique VACCARO-PLANCHET, rapporteur
M. VALLECCHIA, rapporteur public
BOUILLOT, avocat

lecture du mardi 18 juillet 2017

1. Considérant que, par jugement du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme B… tendant à l’annulation de l’arrêté du 13 décembre 2012 par lequel le maire de la commune de Brizon s’est, au nom de l’Etat, opposé à la déclaration préalable qu’elle avait déposée en vue de la construction d’un abri de jardin sur un terrain lui appartenant au lieu-dit le Châble et de la décision du 23 avril 2013 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a rejeté son recours hiérarchique ; que Mme B…relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » (…) III. – Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. (…)  » ;

3. Considérant que par groupe de constructions traditionnelles ou d’habitations au sens de ces dispositions, il convient d’entendre un groupe de plusieurs bâtiments qui, bien que ne constituant pas un hameau, se perçoivent, compte tenu de leur implantation les uns par rapport aux autres, notamment de la distance qui les sépare, de leurs caractéristiques et de la configuration particulière des lieux, comme appartenant à un même ensemble ; que pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s’insérant dans l’ensemble existant ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies aériennes produites ainsi que du plan cadastral, que le chalet de Mme B…est situé à environ soixante-cinq mètres de la construction la plus proche ; que le terrain de la requérante est séparé des autres constructions éparses et peu nombreuses situées à une centaine de mètres de son chalet par une voie publique, le chemin de la Torche ; que le chalet de Mme B…est compris dans une partie du territoire communal qui a conservé un caractère naturel très marqué ; que, bien qu’il soit prévu d’implanter l’abri de jardin projeté à proximité de ce chalet et entre celui-ci et les constructions les plus proches, cette implantation méconnaît l’obligation de construire en continuité avec un groupe de constructions ou d’habitations existant au sens des dispositions citées au point 2, dès lors que les constructions existantes ne peuvent être regardées comme constituant, en l’espèce, un tel groupe ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

6. Considérant que si les conclusions de Mme B…tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative peuvent être regardées comme dirigées contre l’Etat au nom duquel la décision en litige a été prise, il ne peut y être fait droit dès lors que l’Etat n’est pas partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A…B…et au ministre de la cohésion des territoires.

Piste de ski « indoor »/ Obligation de sécurité de moyens/ Faute de la commune

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 5 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-20363
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Haas, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 12 mai 2016), que, le 11 janvier 2009, Donacien X…, alors âgé de quinze ans, a été victime d’un accident de ski sur une piste artificielle implantée dans un complexe de loisirs exploité par la commune de Noeux-les-Mines (la commune) ; que Mme Y…, agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, a assigné en réparation la commune et la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing (la CPAM) ; que la société SMACL assurances, assureur de la commune (l’assureur), et M. X…, devenu majeur, sont intervenus volontairement à l’instance ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que la commune et l’assureur font grief à l’arrêt de retenir la responsabilité de la commune dans la survenance de l’accident, de dire que celle-ci doit réparation de son entier préjudice corporel à la victime, de la condamner à payer à M. X…une somme de 10 000 euros à titre de provision et de les condamner solidairement à verser à la CPAM une provision d’un montant de 67 753 euros, alors, selon le moyen :

1°/ qu’une faute ne peut engager la responsabilité de son auteur que si elle est la cause directe et certaine du dommage subi par la victime ; qu’en relevant, pour engager la responsabilité de la commune que les trois hypothèses jugées seulement « probables » par l’expert, comme étant la cause du traumatisme crânien subi par M. X…, seront toutes les trois retenues, sans trancher le litige et sans déterminer laquelle, parmi ces trois hypothèses, avaient été la cause certaine du dommage, la cour d’appel, qui a statué par des motifs dubitatifs qui ne permettent pas d’imputer de façon certaine la survenance du dommage aux fautes retenues à l’encontre de la commune, a violé l’article a violé l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que l’obligation de sécurité incombant à l’exploitant d’une station de ski n’est qu’une obligation de moyens ; qu’en jugeant que la commune avait manqué à son obligation de sécurité pour ne pas avoir suffisamment et spécifiquement alerté la victime sur l’opportunité de porter un casque, eu égard aux conditions météorologiques, cependant qu’il résultait de ses constatations qu’il était établi que la commune avait mis des casques gratuitement à la disposition des usagers et ce, de façon « ostentatoire », et qu’une affiche indiquait « Casque à votre disposition. Fortement conseillé » de sorte qu’il était établi que la commune, seulement tenue à une obligation de moyens, avait suffisamment alerté les usagers de l’opportunité de mettre un casque, et ce d’autant qu’aucune loi ou règlement n’impose le port du casque pour la pratique du ski, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1147 du code civil dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que la faute de la victime lorsqu’elle a concouru à la réalisation du dommage doit entraîner un partage de responsabilité ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y avait été invitée, si la victime ou son accompagnant majeur, n’avait pas commis une faute ayant concouru à la réalisation du dommage en ne s’équipant pas d’un casque, mis gratuitement à sa disposition par la commune, alors même qu’elle se qualifiait comme un skieur inexpérimenté, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°/ qu’en tout état de cause, le manquement à une obligation d’information ou de mise en garde ne peut être sanctionné que par la réparation d’une perte de chance, et non par l’indemnisation intégrale du dommage ; qu’au cas d’espèce, en condamnant l’exploitant et son assureur à la réparation intégrale des dommages subis par la victime, motif pris de ce que l’exploitant n’avait pas suffisamment alerté la victime sur les risques attachés à la descente de la piste de ski sans casque et aux conditions météorologiques, quand cette faute ne pouvait, en toute hypothèse, qu’aboutir à l’indemnisation d’une perte de chance, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1147 du code civil dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu, d’abord, qu’après avoir constaté que, le jour de l’accident, la piste synthétique était couverte de neige et de quelques plaques de verglas et que de telles conditions de glisse étaient inhabituelles pour les usagers, la cour d’appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que la commune n’avait pas attiré l’attention de ces derniers, au moment de la remise de leur équipement, sur l’existence de risques particuliers liés à l’état de la piste et sur la plus grande opportunité de porter un casque, certes mis gratuitement à leur disposition, mais dont le port n’avait pas été spécifiquement recommandé ; qu’elle a ajouté que le filet de protection, situé à une distance restreinte de la fin de la piste, était dépourvu de boudins matelassés, que le fait qu’il ait été peu tendu et placé à quinze ou vingt centimètres de hauteur par rapport au sol permettait le passage d’un skieur ayant chuté sous la jupe de protection caoutchoutée et que, malgré ce risque, le filet était attaché à l’arrière par des chaînes cadenassées non protégées ; qu’elle a pu en déduire que la commune avait manqué à son obligation de sécurité de moyens ;

Attendu, ensuite, que la cour d’appel a procédé à la recherche visée par la troisième branche du moyen, en retenant que M. X…, qui n’avait pas de connaissance générale de la pratique du ski, n’avait adopté, lors du choc comme dans le moment qui l’a précédé, aucun comportement imprudent ou inadapté au regard des circonstances, susceptible de le considérer comme responsable, même partiellement, de son propre dommage ;

Et attendu, enfin, qu’elle a énoncé, par motifs propres et adoptés, que, quelles que soient les trois hypothèses envisagées par l’expert pour expliquer les circonstances précises de l’accident, l’absence de port de casque avait nécessairement contribué à la survenance du traumatisme crânien dont M. X…a été victime et que son dommage avait été aggravé par le fait d’être passé sous la barrière de protection pour se retrouver gisant en dehors de la piste ; que, sans se fonder sur des motifs dubitatifs, elle en a déduit, à bon droit, que, quelle que soit l’éventualité considérée, la faute de la commune était à l’origine du préjudice subi et que celle-ci devait réparation intégrale à la victime ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n’est pas fondé en ses autres griefs ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi