Urbanisation en continuité – Hameau

CAA de MARSEILLE – 1ère chambre

  • N° 22MA00351
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du jeudi 28 septembre 2023

Président

  1. PORTAIL

Rapporteur

  1. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL

Rapporteur public

  1. QUENETTE

Avocat(s)

SCP PLANTARD ROCHAS & VIRY

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C… épouse B… a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler le certificat d’urbanisme du 28 février 2019 par lequel le maire de la commune de Saint-Jacques-en-Valgodemard a, au nom de l’Etat, considéré non-réalisable la construction d’une maison individuelle sur son terrain situé au lieu-dit D… et cadastré section OC n° 299.

Par un jugement n° 1903188 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé ce certificat d’urbanisme et a enjoint au maire de Saint-Jacques-en-Valgodemard, au nom de l’Etat, de procéder au réexamen de la demande de Mme C….

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2022, la ministre de la transition écologique demande à la Cour d’annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 novembre 2021.

Elle soutient que :
– le jugement attaqué est insuffisamment motivé et méconnaît les dispositions de l’article L. 9 du code de justice administrative ;
– le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le maire ne pouvait se fonder pour opposer le certificat d’urbanisme négatif contesté à la fois sur les dispositions de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme et celles de l’article L. 122-5 du même code ;
– le tribunal administratif a commis une erreur d’appréciation en estimant que la parcelle était en continuité avec un groupe de constructions au sens de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2022, Mme C… épouse B…, représentée par Me Plantard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge l’Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Claudé-Mougel,
– les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ;
– et les observations de Me Tramier, représentant Mme C… épouse B….

Considérant ce qui suit :

1. Mme C… épouse B…, propriétaire d’un terrain cadastré section OC n° 299 sur le territoire de la commune de Saint-Jacques-en-Valgodemard dans le département des Hautes-Alpes (05800), a demandé au maire de cette commune un certificat d’urbanisme opérationnel en vue d’y édifier une maison individuelle. Le 28 février 2019, le maire de la commune de Saint-Jacques-en-Valgodemard a délivré, au nom de l’Etat, à Mme C… épouse B… un certificat d’urbanisme indiquant que cette opération n’était pas réalisable. La ministre de la transition écologique demande à la Cour d’annuler le jugement du 23 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé ce certificat d’urbanisme et enjoint au maire de Saint-Jacques-en-Valgodemard de réexaminer la demande de Mme C… épouse B….

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Les articles L. 111-3 et L. 111-4 du code de l’urbanisme, qui ont repris les dispositions de l’article L. 111-1-2 du code désormais abrogées, interdisent en principe, en l’absence de plan local d’urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d’urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées  » en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune « , c’est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Cependant, il résulte des dispositions de l’article L. 122-5 du même code de l’urbanisme, qui reprend celles du III de l’article L. 145-3 du code désormais abrogées, que l’urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d’urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les  » groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants  » et qu’est ainsi possible l’édification de constructions nouvelles en continuité d’un groupe de constructions traditionnelles ou d’un groupe d’habitations qui, ne s’inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L’existence d’un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l’existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble.

3. En premier lieu, les dispositions de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme fixent un régime d’urbanisation limitée pour les communes classées en zone de montagne, qu’elles soient ou non dotées de plan d’urbanisme, qui diffère de celui fixé par l’article L. 111-3 du code applicable aux communes qui ne sont pas dotées d’un tel plan, et régissent dès lors entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l’application de la règle de constructibilité limitée. Par suite, contrairement à ce que soutient la ministre de la transition écologique, le maire de la commune de Saint-Jacques-en-Valgodemard, classée en zone de montagne, ne pouvait se fonder sur cet article pour délivrer le certificat litigieux.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section OC n° 299 appartenant à Mme C… épouse B… est séparée des constructions composant le lieudit  » D… « , situé à un kilomètre du centre de la commune, par la route départementale D 16 A qui permet d’y accéder. Ce lieudit comprend un bâtiment communal, une église et quatre maisons d’habitations distantes les unes des autres de quelques mètres, qui peuvent être perçus comme appartenant à un même ensemble et ainsi être regardés, eu égard aux critères rappelés au point 2, comme un groupe d’habitations existant au sens des dispositions de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme. Toutefois, le terrain de la requérante s’ouvre sur des parcelles non bâties, et s’inscrit dans un compartiment de terrain à dominante agricole différent des bâtiments composant ce groupe d’habitation. Dès lors, la parcelle appartenant à Mme C… épouse B… ne peut être regardée comme se trouvant en continuité de ce groupe d’habitations au sens de ces mêmes dispositions, eu égard à la coupure d’urbanisation créée par la route départementale, nonobstant le lavoir et le calvaire se trouvant du même côté de cette route que cette parcelle.

5. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition écologique est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé le certificat d’urbanisme délivré 28 février 2019 à Mme C… épouse B… en raison de la méconnaissance de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme.

6. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés en première instance par Mme C… épouse B… ainsi qu’en appel.

7. En examinant si le terrain objet de la demande de certificat d’urbanisme entrait dans le champ des exceptions au principe de construction en continuité prévues par l’article L. 122-7 3ème alinéa du code de l’urbanisme, le maire de Saint-Jacques en Valgodemard n’a pas commis d’erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner la régularité du jugement, que la ministre est fondée à demander l’annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par Mme C… épouse B… devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur les frais de l’instance :

9. L’Etat n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme C… épouse B… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.

D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 novembre 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C… épouse B… devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme C… épouse B… fondées sur les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à Mme A… C… épouse B….
Copie en sera adressée à la commune de Saint-Jacques en Valgodemard.