CAA de LYON
N° 18LY01003
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme MARGINEAN-FAURE, président
Mme Christine PSILAKIS, rapporteur
M. LAVAL, rapporteur public
LIOCHON DURAZ, avocat
lecture du mardi 19 novembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une première demande, Mme D… N… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 18 mai 2015 par lequel le maire de la commune de Megève ne s’est pas opposé à la déclaration préalable de division de l’indivision M… déposée en mairie le 9 avril 2015 et portant sur un projet de création de deux lots à bâtir sur un tènement situé au lieudit » Lady « , ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette non-opposition à déclaration préalable.
Par une seconde demande, M. L… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler ce même arrêté ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette même non-opposition à déclaration préalable.
Par un jugement n° 1507630-1507879 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces deux demandes et a annulé l’arrêté du 18 mai 2015.
Procédure devant la cour
Par une requête et quatre mémoires enregistrés les 14 mars et 31 octobre et 21 décembre 2018 et 8 janvier 2019, ce dernier n’ayant pas été communiqué, MM. G… et P… ainsi que Mme F… M…, représentés par CLDAA avocats, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 janvier 2018 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme N… et M. A… ;
3°) de mettre à la charge de Mme N… et M. A…, la somme de 3 500 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– les demandes de Mme N… et de M. A… sont tardives ; ni le recours gracieux de Mme N… adressé le 15 août 2015 au maire de Megève, ni le recours gracieux de M. A…, adressé le 31 juillet 2015, n’ont pu conserver les délais de recours et, bien que résidant en Suisse, ils ne peuvent bénéficier de la prorogation de délai au titre de l’article R. 421-7 du code de justice administrative ; l’affichage de la déclaration préalable a été régulièrement effectué ;
– contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, le projet ne méconnaît pas l’article L. 145-3 III du code de l’urbanisme puisque le projet se situe bien en continuité d’un groupe de constructions et s’insère dans un groupe de constructions existantes de part et d’autre de la voie communale dite route de Lady les Grandes ;
– les autres moyens des demandeurs de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense et deux mémoires, enregistrés le 12 juin et le 11 décembre 2018, ainsi que le 8 janvier 2019, ce dernier n’ayant pas été communiqué, M. A…, représenté par la SCP d’Avocats Charles C… – Jean-Paul Gilli et Associés, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la commune de Megève, d’une part et des consorts M…, d’autre part, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– la tardiveté de sa demande n’est pas fondée dès lors que les pétitionnaires ne justifient pas de l’affichage de l’autorisation en litige ;
– le projet méconnaît l’article L. 143-3 III du code de l’urbanisme ;
– les autres moyens qu’il a développés en première instance sont fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2018, Mme N…, représentée par Me B…, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 3 000 euros soit mise solidairement à la charge des consorts M… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– sa demande est recevable, faute de précision quant aux formalités de publicité du permis litigieux ;
– le projet méconnaît l’article L. 143-3 III du code de l’urbanisme ;
– les autres moyens qu’elle a développés en première instance sont fondés.
La clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 21 janvier 2019 par une ordonnance du 27 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme J… I…, première conseillère,
– les conclusions de Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
– et les observations de Me E…, représentant les consorts M… et celles de Me C… représentant M. A… ;
Considérant ce qui suit :
1. Les consorts M… relèvent appel du jugement du 25 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, sur la demande de M. A… et Mme N…, l’arrêté du 18 mai 2015 par lequel le maire de la commune de Megève ne s’est pas opposé à la déclaration préalable de travaux, portant sur la division en deux lots d’une parcelle cadastrée F 5981, d’une superficie de 3966 m², située au lieudit » Lady « .
Sur le bien-fondé du motif d’annulation du permis de construire retenu par les premiers juges :
2. Aux termes du III de l’article L. 145-3 alors en vigueur du code de l’urbanisme : » Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants./ Lorsque la commune est dotée d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale, ce document peut délimiter les hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants en continuité desquels il prévoit une extension de l’urbanisation, en prenant en compte les caractéristiques traditionnelles de l’habitat, les constructions implantées et l’existence de voies et réseaux.. (…) « .
3. Il résulte des dispositions du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat qui les a modifiées, que l’urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d’urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les » groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants » et qu’est ainsi possible l’édification de constructions nouvelles en continuité d’un groupe de constructions traditionnelles ou d’un groupe d’habitations qui, ne s’inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L’existence d’un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l’existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble.
4. Pour annuler la décision du maire de Megève du 18 mai 2015, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que l’urbanisation induite par le projet ne peut être regardée comme se réalisant en continuité avec un hameau ou un groupe de constructions ou d’habitations, eu égard à l’éloignement du centre urbanisé de la commune et à la situation de la parcelle, située dans un vaste espace naturel et à soixante mètres de constructions situées à l’est présentant une faible densité et implantées de manière linéaire au sud de la » Route de Lady les Granges » et que le maire de Megève avait fait une inexacte application des dispositions du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme citées au point 3.
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet s’implante dans la continuité de l’urbanisation qui s’est développée de part et d’autre de la route de Lady Les Granges à la jonction de celle-ci avec le chemin du Perray, dans un secteur desservi par les différents réseaux et à proximité immédiate d’une vingtaine de constructions type chalets de montagne, dont certaines très récentes, qui constituent un groupe d’habitations existant au sens des dispositions citées au point 3. Dans ces conditions, les consorts M… sont fondés à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont annulé l’arrêt en litige au motif qu’il a été délivré en méconnaissance du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme.
6. Il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens de M. A… et Mme N….
Sur les autres moyens :
7. En premier lieu, aux termes de l’article R. 441-10 du code de l’urbanisme : » Le dossier joint à la déclaration comprend : a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune ; / b) Un plan sommaire des lieux indiquant les bâtiments de toute nature existant sur le terrain ; / c) Un croquis et un plan coté dans les trois dimensions de l’aménagement faisant apparaître, s’il y a lieu, la ou les divisions projetées. « . Il ressort des pièces du dossier qu’à l’appui de leur déclaration préalable de travaux, les consorts M… ont joint un plan topographique décrivant le projet de division. Dans ces conditions, alors que les informations fournies permettaient au maire de Megève de statuer sur leur demande, les intimés ne sont pas fondés à soutenir que les plans ne mentionnaient ni côtes ni indications sur l’aménagement envisagé.
8. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 111-1 du code de l’urbanisme : » Le règlement national d’urbanisme est applicable aux constructions et aménagements faisant l’objet d’un permis de construire, d’un permis d’aménager ou d’une déclaration préalable ainsi qu’aux autres utilisations du sol régies par le présent code. / Toutefois les dispositions des articles R. 111-3, (…) ne sont pas applicables dans les territoires dotés d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu. « . Aux termes de l’article R. 111-2 du même code : » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. « . Il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain d’assiette serait impropre à recevoir des constructions ou serait exposé aux risques d’inondation alors même qu’il serait situé à proximité d’une zone humide.
9. Par ailleurs, en application des dispositions précitées de l’article R. 111-1 du code de l’urbanisme, les intimés ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-3 ou de celles de l’article R. 111-15 du même code, la commune de Megève étant dotée d’un plan d’occupation des sols à la date de la décision en litige.
10. En troisième lieu, aux termes de l’article NB3 du règlement du POS de Megève : » Les accès doivent être adaptés à l’opération envisagée et aménagés de façon à apporter moindre gêne à la circulation publique. « . Au soutien de leur moyen, les intimés font valoir que le terrain d’assiette du projet est desservi par une route qui n’est pas suffisamment large, la commune ne pouvant indiquer les délais dans lesquels elle pourra réaliser l’agrandissement de la route pour lequel un emplacement réservé a été créé sur une partie de la parcelle où s’implante le projet. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les accès au projet ne présentent pas de risque pour la circulation sur la route de Lady Les Granges. La circonstance que la commune n’a pas encore fait procéder à l’élargissement de cette route au droit de la parcelle d’assiette du projet n’emporte aucune conséquence sur la légalité de l’autorisation en litige, laquelle exclut d’ailleurs toute construction sur l’emplacement réservé.
11. En quatrième lieu, les intimés invoquent l’illégalité du zonage NB dans le POS modifié et révisé, approuvé le 19 décembre 1989 au profit d’un zonage NC, résultant du POS antérieur aux modifications intervenues les 28 janvier et 29 avril 2013. Il ressort des pièces du dossier que les terrains d’assiette du projet sont implantés dans une zone d’urbanisation future répondant à la définition donnée par le règlement comme » zone naturelle ordinaire et partiellement équipée où les constructions sont possibles en fonction des viabilités existantes, sans que la commune s’engage à fournir les équipements nécessaires à une urbanisation « . Les parcelles d’assiette du projet sont situées en continuité de l’urbanisation aérée répartie de chaque côté de la route Lady Les Granges. Dans ces conditions, alors même que ces parcelles présentent les caractéristiques d’une prairie permanente et qu’elles sont utilisées comme pâturages, leur classement en zone NB n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation. Il résulte de ce qui précède que les moyens selon lesquels le classement du terrain d’assiette du projet en zone NB méconnaitrait les dispositions du III de l’article L. 145-3 ainsi que les dispositions de l’article R. 123-7 du code de l’urbanisme et serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, doivent être écartés.
12. En cinquième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’au moment de l’autorisation en litige, le PLU était suffisamment avancé s’agissant du classement des parcelles d’assiette du projet en zone agricole et que le projet aurait compromis l’exécution du futur plan de la commune. Dans ces conditions, les intimés ne se pas fondés à soutenir qu’en n’opposant pas un sursis à statuer sur le fondement de l’article L.424-1 du code de l’urbanisme, l’autorisation à la déclaration préalable de travaux des consorts M…, le maire de Megève aurait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.
13. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune et les consorts M…, que les consorts M… sont fondés à demander, outre l’annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions de la demande présentée par M. A… et Mme N… devant le tribunal administratif de Grenoble.
Sur les frais liés au litige :
14. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1507630-1507879 du 25 janvier 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 18 mai 2015 présentées par Mme N… et M. A… sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MM. G… et P… ainsi que Mme F… M…, à la commune de Megève, à Mme D… N… et à M. L… A….
Délibéré après l’audience du 22 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme K… O…, présidente de chambre ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme J… I…, première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2019.