CAA de MARSEILLE
N° 13MA03559
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre – formation à 3
M. VANHULLEBUS, président
M. Jean-Michel LASO, rapporteur
Mme CHAMOT, rapporteur public
SCP TOMASI GARCIA & ASSOCIES, avocat
lecture du lundi 21 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SNC Bonnabel a demandé au tribunal administratif de Marseille la condamnation de la société Orcières La Belle Montagne à lui verser la somme de 16 378 euros à titre de réparation des conséquences dommageables du sinistre du 17 novembre 2008 et la condamnation de la société Orcières La Belle Montagne et de la commune d’Orcières à lui verser la somme de 27 211,12 euros à titre de réparation des conséquences dommageables du sinistre du 30 juin 2009.
Par un jugement n° 1007687 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières à verser à la SNC Bonnabel la somme de 615,64 euros chacune au titre du sinistre du 30 juin 2009.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 août 2013, et deux mémoires, enregistrés le 3 décembre 2013 et le 24 juin 2014, la SNC Bonnabel, représentée par MeD…, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1007687 du 4 juillet 2013 en tant qu’il a rejeté ses conclusions indemnitaires sauf en ce qui concerne la somme de 1 231,28 euros ;
2°) de condamner la société Orcières La Belle Montagne à lui payer la somme de 16 318,30 euros à titre de réparation des conséquences dommageables du sinistre du 17 novembre 2008 ;
3°) de condamner, conjointement et solidairement, la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières à lui verser, à titre principal, la somme de 29 387,82 euros, à titre subsidiaire, la somme de 22 173,06 euros à titre de réparation des conséquences dommageables du sinistre du 30 juin 2009 ;
4°) de condamner, conjointement et solidairement, la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens comprenant les constats d’huissier du 18 juin 2008, 17 novembre 2008 et 1er juillet 2009.
Elle soutient que :
– elle n’a reçu aucune indemnisation de son assureur en réparation des préjudices subis au titre des deux sinistres ;
– l’évaluation des préjudices du sinistre du 17 novembre 2008 d’un montant de 13 378 euros résulte de l’évaluation faite par sa compagnie d’assurance et celle de la société Orcières La Belle Montagne ; l’expert judiciaire a repris cette évaluation ; il convient d’y ajouter les sommes de 1 440,30 euros correspondant à des chaînes de véhicules rendues inutilisables et 1 500 euros correspondant aux congélateurs dont les moteurs ont grillé ;
– l’évaluation des préjudices du sinistre du 30 juin 2009 d’un montant de 11 960 euros résulte de l’expertise judiciaire ; il convient d’y ajouter les sommes de 376,75 euros et 854,54 euros correspondant à des opérations de nettoyage, 3 976,70 euros correspondant au temps passé par les exploitants à remettre en état les locaux et 12 219,84 euros correspondant à la perte d’exploitation calculée à partir du chiffre d’affaire annuel, à titre subsidiaire, la somme de 5 005,08 euros au titre de la perte d’exploitation calculée à partir de la marge d’exploitation ;
– les frais des constats d’huissier du 18 juin 2008, 17 novembre 2008 et 1er juillet 2009 sont justifiés par les factures correspondantes.
Par un mémoire, enregistré le 4 novembre 2013, la société Orcières La Belle Montagne, représentée par MeE…, conclut à la réformation du jugement attaqué en ce qu’il retenu sa responsabilité et l’a condamnée à verser à la SNC Bonnabel la somme de 3 053,23 euros et au rejet de la requête ; à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés Gaudy et SAUR à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre au titre du sinistre du 17 novembre 2008 ; en toute hypothèse, condamner la SNC Bonnabel ou tout autre succombant à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– il n’est pas établi que les travaux de terrassement dont elle est maître d’ouvrage sont à l’origine des sinistres ; le sinistre du 30 juin 2009 a pour origine les travaux liés à la maison du tourisme dont la commune d’Orcières est maître d’ouvrage ; à titre subsidiaire, si une responsabilité partagée était retenue, la responsabilité de la commune devra être supérieure à celle de la société Orcières La Belle Montagne ;
– les préjudices invoqués ne sont pas démontrés ;
– la société Gaudy réalisait les travaux de terrassement et a rompu une canalisation d’eau ; cette entreprise a été mal informée par la société SAUR gestionnaire du réseau d’eau potable de la commune.
Par deux mémoires, enregistrés les 8 et 15 novembre 2013, la société SAUR, représentée par MeK…, conclut à sa mise hors de cause, à ce que la société Gaudy soit condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et à la condamnation de la société Orcières La Belle Montagne ou tout succombant à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le rapport de l’expert judiciaire ne lui est pas opposable ; il n’est pas établi qu’elle a délivré des renseignements erronés à la société Gaudy.
Par un mémoire, enregistré le 24 janvier 2014, la société Gaudy, représentée par Me A…F…, conclut au rejet de l’appel en garantie de la société Orcières La Belle Montagne et au rejet de celui de la société SAUR, à ce que la société SAUR soit condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et à la condamnation de la société Orcières La Belle Montagne ou tout succombant à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le rapport de l’expert judiciaire ne lui est pas opposable ; il n’est pas établi que les travaux de terrassement qu’elle réalisait sont à l’origine des sinistres ; elle a été mal informée sur l’emplacement du réseau d’eau potable.
Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2014, la commune d’Orcières, représentée par MeI…, conclut à la réformation du jugement attaqué en ce qu’il a retenu sa responsabilité sur le sinistre du 30 juin 2009, à titre subsidiaire, à ce que son assureur, la compagnie AXA, le maître d’oeuvre des travaux, la Selarl Blay Coulet, et l’entrepreneur, la société Festa et la société Orcières La Belle Montagne soient condamnés à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ; à la condamnation de la SNC Bonnabel, la compagnie AXA, la Selarl Blay Coulet, la société Festa et la société Orcières La Belle Montagne ou tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu’il n’est pas établi que les travaux de terrassement qu’elle réalisait sont à l’origine du sinistre du 30 juin 2009 ; les préjudices ne sont pas justifiés ; l’entreprise qui réalisait les travaux de construction de la maison du tourisme, la société Festa, et le maître d’oeuvre des travaux, la Selarl Blay Coulet, ont commis des fautes contractuelles.
Par un mémoire, enregistré le 6 mai 2014, la selarl Blay Coulet, représentée par Me C…, conclut au rejet de l’appel en garantie de la commune d’Orcières, subsidiairement, à ce que le préjudice subi par la SNC Bonnabel consécutivement au sinistre du 30 juin 2009 ne saurait excéder la somme de 1 231,28 euros et, en toute hypothèse, à la condamnation de la commune d’Orcières à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le rapport de l’expert judiciaire ne lui est pas opposable ; il n’est pas établi que les travaux de construction de la maison du tourisme dont elle assurait la maîtrise d’oeuvre sont à l’origine du sinistre ; les préjudices ne sont pas justifiés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur les moyens relevés d’office, tirés de l’incompétence de la juridiction administrative pour connaître, d’une part, des appels en garantie des sociétés Orcières La Belle Montagne et Gaudy dirigés contre la société SAUR dès lors qu’aucun contrat administratif n’a été conclu entre elles et, d’autre part, de l’appel en garantie de la société Orcières La Belle Montagne dirigé contre la société Gaudy dès lors que le contrat conclu entre elles est un contrat de droit privé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Laso, rapporteur ;
– les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
– et les observations de Me D…pour la SNC Bonnabel, de Me B…de la Selarl Abeille pour la société Orcières La Belle Montagne, de Me G…substituant Me I… pour la commune d’Orcières, de Me J…de la SCP De Angelis pour la société SAUR et de Me H…de la Selarl Job F…pour la société Gaudy.
1. Considérant que le local commercial de la SNC Bonnabel situé à Orcières, au bas des pistes du front de neige de la station, a subi des dommages consécutifs à deux sinistres survenus le 17 novembre 2008 et le 30 juin 2009 ; que, le 17 novembre 2008, des infiltrations d’eau ont inondé le sous-sol sur une hauteur de soixante centimètres ; que, le 30 juin 2009, une coulée de boue provenant du front de neige s’est engouffrée dans le magasin ; que la SNC Bonnabel a recherché devant le tribunal administratif de Marseille la responsabilité de la société Orcières La Belle Montagne, titulaire d’une convention de délégation de service public conclue le 31 octobre 2003 en vue notamment de l’exploitation des remontées mécaniques et du domaine skiable de la station, dans la survenance des dommages résultant du sinistre du 17 novembre 2008 et la responsabilité conjointe et solidaire de cette société et de la commune d’Orcières dans la survenance des dommages résultant du sinistre du 30 juin 2009 ; que, par jugement du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Marseille a, d’une part, déclaré la société Orcières La Belle Montagne responsable des conséquences dommageables subies par la SNC Bonnabel lors du sinistre du 17 novembre 2008, d’autre part, déclaré la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières responsables pour moitié chacune des conséquences dommageables subies par la SNC Bonnabel lors du sinistre du 30 juin 2009 et, enfin, condamné la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières à verser à la SNC Bonnabel la somme de 615,64 euros chacune ; que la SNC Bonnabel, estimant cette indemnisation insuffisante, relève appel de ce jugement ; que tant la société Orcières La Belle Montagne que la commune d’Orcières ont présenté des conclusions incidentes tendant à la remise en cause des condamnations prononcées ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que la responsabilité du maître d’un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l’égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage et aux travaux publics ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir la preuve que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être utilement invoqué le fait d’un tiers ; que la victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu’elle allègue avoir subis et de l’existence d’un lien de causalité entre l’ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;
En ce qui concerne le sinistre du 17 novembre 2008 :
3. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du rapport de l’expert désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 25 mars 2010 et des rapports d’expertise des assureurs de la SNC Bonnabel du 11 août 2009 et de la société Orcières La Belle Montagne du 27 mai 2009 que les infiltrations d’eau constatées au niveau du sous-sol du local de la requérante sont imputables aux » travaux d’aménagement et de terrassement réalisés par la société Orcières La Belle Montagne (qui) ont entraîné des mouvements de terre importants avec des modifications (au moins provisoire) de l’écoulement des eaux de pluie. Très vraisemblablement, cette eau a imbibé les remblais récents placés au dessus de l’immeuble Bonnabel saturant le sous-sol et pouvant venir inonder en partie la cave du magasin Bonnabel » ; que les experts ont également indiqué que, le 12 novembre 2008, la rupture d’une canalisation d’eau potable, située sur le chantier des travaux d’aménagement et de terrassement, à quelques dizaines de mètres du bâtiment, a provoqué un écoulement important d’eau et entraîné l’imprégnation totale des terres au dessus de l’immeuble Bonnabel ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient la société Orcières La Belle Montagne, le lien de causalité entre ces travaux publics à l’égard desquels la requérante a la qualité de tiers et les dommages subis par elle lors du sinistre du 17 novembre 2008 est établi ; que, dès lors, la responsabilité sans faute de la société Orcières La Belle Montagne, maître d’ouvrage des travaux en cause, est engagée à l’égard de la SNC Bonnabel ; qu’il n’y a pas lieu de rechercher, à ce stade, si la rupture de la canalisation résulterait de la faute de la société Gaudy en charge des travaux et de la société SAUR gestionnaire du réseau d’eau potable de la commune ; que la société Orcières La Belle Montagne n’est ainsi pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l’a déclarée responsable des conséquences dommageables subies par la SNC Bonnabel lors du sinistre du 17 novembre 2008 ;
En ce qui concerne le sinistre du 30 juin 2009 :
4. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du rapport de l’expert désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 25 mars 2010 que la coulée de boue qui s’est engouffrée dans le magasin est imputable, d’une part, aux mêmes travaux d’aménagement des pistes réalisés par la société Orcières La Belle Montagne au dessus de l’immeuble Bonnabel qui ont eu pour effet de modifier la collecte des eaux de pluie alors que l’engazonnement des terres et les travaux de drainage n’étaient ni réalisés ni terminés et, d’autre part, aux travaux de construction de la maison du tourisme réalisés également au dessus de l’immeuble Bonnabel qui se sont traduits par la mise en dépôt provisoire des terres au dessus de l’emprise de ce chantier créant » une zone de rétention d’eau (ou poche) qui, lorsqu’elle a atteint un certain niveau, a rompu le merlon de terres et s’est déversée vers le bas » des pistes ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutiennent la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières, le lien de causalité entre leurs travaux publics respectifs à l’égard desquels la requérante a la qualité de tiers et les dommages subis lors du sinistre du 30 juin 2009 est établi ; que, dès lors, la responsabilité sans faute de la société Orcières La Belle Montagne et de la commune d’Orcières, maîtres d’ouvrage des travaux publics en cause, est engagée à l’égard de la SNC Bonnabel ; que les dommages résultant pour partie des travaux de construction de la maison du tourisme, la commune ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l’article 23 de la convention de délégation de service public pour soutenir que seule la responsabilité de la société Orcières La Belle Montagne devrait être engagée ; qu’eu égard aux conclusions de l’expert qui déclare que le sinistre est » la superposition de deux faits « , le tribunal administratif de Marseille n’a pas retenu une appréciation excessive de la part de responsabilité incombant à la société Orcières La Belle Montagne et à la commune d’Orcières en fixant pour moitié pour chacune d’elles la réparation des conséquences dommageables résultant de ce sinistre ; que ni la société Orcières La Belle Montagne ni la commune d’Orcières ne sont ainsi fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille les a déclarées responsables pour moitié chacune des conséquences dommageables subies par la SNC Bonnabel lors du sinistre du 30 juin 2009 ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne le sinistre du 17 novembre 2008 :
5. Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de réparation du préjudice matériel lié à ce sinistre au motif que la SNC Bonnabel n’en établissait pas la réalité et, qu’au surplus, elle n’établissait pas non plus ne pas avoir reçu une quelconque indemnité de la part de son assureur en réparation des dommages subis ; que, d’une part, la requérante justifie, en appel, par la production d’une attestation de son assureur qu’elle n’a reçu aucune somme au titre de ce sinistre ; que, d’autre part, il résulte de l’instruction notamment du rapport d’expertise de l’assureur de la SNC Bonnabel du 11 août 2009, du rapport de l’assureur de la société La Belle Montagne du 27 mai 2009 et du rapport de l’expert désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 25 mars 2010 que le préjudice matériel subi par la SNC Bonnabel lié à ce sinistre a été précisément chiffré par les experts privés et détaillé poste par poste dans un procès verbal d’évaluation des dommages signés par ces assureurs ; qu’ainsi, le préjudice matériel subi par la SNC Bonnabel comprend le pompage de l’eau, le nettoyage et l’assèchement pour un montant de 2 181 euros, le total des marchandises perdues pour un montant de 10 897 euros et le tri et l’évacuation de ces marchandises pour un montant de 300 euros ; que la SNC Bonnabel est dès lors fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a écarté ce chef de préjudice s’élevant à la somme de 13 378 euros ;
6. Considérant que si la SNC Bonnabel sollicite une indemnisation, à hauteur de 1 440,30 euros, au titre des chaînes pour véhicules rendues totalement inutilisables, ce préjudice ne résulte pas de l’instruction et ne saurait être démontré par la seule production d’une attestation d’achat du 7 janvier 2009 ; que si la requérante sollicite également l’indemnisation, à hauteur de la somme » forfaitaire » de 1 500 euros, au titre des congélateurs dont les moteurs ont grillé, elle n’établit pas le montant de ce préjudice en l’absence de toute pièce justificative ; que, par suite, c’est à juste titre que le tribunal administratif de Marseille a refusé d’indemniser ces chefs de préjudice ;
7. Considérant que les frais de constat d’huissier du 17 novembre 2008 d’un montant de 196,17 euros sont justifiés, en appel, par la production d’une attestation ; qu’ils doivent être mis à la charge de la société Orcières La Belle Montagne dès lors que ce constat a été utile à la solution du litige ; que la SNC Bonnabel est ainsi fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a écarté ce chef de préjudice ; qu’en revanche, la requérante n’est pas fondée à demander à être indemnisée, à hauteur de 255,79 euros, des frais de constat d’huissier du 18 juin 2008 antérieur au sinistre ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SNC Bonnabel a droit à ce que son préjudice matériel lié au sinistre du 17 novembre 2008 soit réparé à hauteur de 13 574,17 euros par la société Orcières La Belle Montagne ;
En ce qui concerne le sinistre du 30 juin 2009 :
9. Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de réparation du préjudice matériel d’un montant de 11 960 euros lié à ce sinistre au motif que la SNC Bonnabel n’en établissait pas la réalité ; que si la requérante justifie, en appel, par la production d’une attestation de son assureur qu’elle n’a reçu aucune somme au titre de ce sinistre, il n’y a pas lieu de retenir les sommes admises par l’expert judiciaire pour la réhabilitation des locaux, la révision du monte-charge, l’achat de pièces de rechange, le contrôle des appareils de froid, la révision des pompes de relevage, le contrôle et les essais des pompes et le contrôle du consuel, frais de pompiers, services municipaux et assurances, ces travaux étant » à prévoir » selon l’expert et les montants retenus par l’expert n’étant établis par aucune facture où pièce justificative ; que, dès lors, c’est à juste titre que le tribunal administratif de Marseille a refusé d’indemniser ces chefs de préjudice ; qu’en revanche, l’expert judiciaire a repris la liste détaillée établie par la requérante s’agissant des marchandises dégradées ou avariées, évaluées à 1 813,93 euros ; que, même en l’absence de facture ou de pièce justificative, cette circonstance ne saurait, par elle-même, faire obstacle à la réparation de ce chef de préjudice ; que la SNC Bonnabel est dès lors fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a écarté ce chef de préjudice s’élevant à la somme de 1 813,93 euros ;
10. Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de réparation du préjudice lié au temps passé par les exploitants pour la remise en état ; que si la SNC Bonnabel sollicite à ce titre une indemnisation à hauteur de 3 976,70 euros, ce chef de préjudice ne saurait être démontré par la production d’un devis de nettoyage établi le 21 octobre 2009 concernant le sinistre du 17 novembre 2008 et alors que le tribunal administratif de Marseille a retenu les factures de 376,74 euros et 854,54 euros correspondant à des opérations de nettoyage ; que, par suite, c’est à juste titre que le tribunal administratif de Marseille a refusé d’indemniser ces chefs de préjudice ;
11. Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de réparation du préjudice lié à la perte d’exploitation qu’elle aurait subie pour un montant de 12 219,84 euros au titre du chiffre d’affaire annuel ou d’un montant de 5 005,08 euros au titre de la marge d’exploitation ; que, toutefois, en raison notamment de ce que la SNC Bonnabel ne démontre pas que le magasin a été fermé pendant une durée de six jours comme elle le prétend, l’existence de préjudices de cette nature ne saurait, en l’espèce, être retenue ; que, par suite, c’est à juste titre que le tribunal administratif de Marseille a refusé d’indemniser ces chefs de préjudice ;
12. Considérant que les frais de constat d’huissier du 1er juillet 2009 d’un montant de 483,39 euros sont justifiés, en appel, par la production d’une facture ; qu’ils doivent être mis à la charge de la société Orcières La Belle Montagne et de la commune d’Orcières dès lors que ce constat a été utile à la solution du litige ; que la SNC Bonnabel est ainsi fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a écarté ce chef de préjudice ;
13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SNC Bonnabel est fondée à demander que son préjudice lié au sinistre du 30 juin 2009 soit porté à la somme de 3 528,60 euros ; qu’eu égard au partage de responsabilité, il y a lieu de condamner la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières à verser à la SNC Bonnabel la somme de 1 764,30 euros chacune au titre du sinistre du 30 juin 2009 ;
Sur les appels en garantie :
En ce qui concerne le sinistre du 17 novembre 2008 :
S’agissant des appels en garantie formés par la société Orcières La Belle Montagne :
14. Considérant, en premier lieu, que, pour demander que la société Gaudy soit condamnée à la garantir de toute condamnation, la société Orcières La Belle Montagne soutient que la rupture de la canalisation d’eau potable est imputable à cette société en charge des travaux de terrassement ;
15. Considérant que le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant les participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties sont unies par un contrat de droit privé ; que, dans ce dernier cas, la compétence demeure administrative si l’une des parties au contrat agit pour le compte d’une personne publique ;
16. Considérant que, par une convention de délégation de service public conclue le 31 octobre 2003 la commune d’Orcières a confié à la société Orcières La Belle Montagne l’exploitation et la gestion d’un ensemble de services et d’équipements touristiques de la station d’Orcières Merlette ; qu’aux termes de l’article 1er de cette convention » les biens, constructions, installations, bâtiments et équipements futurs à réaliser et/ou exploiter » sont soumis au régime de la concession ; que l’article 34 de la convention stipule que les biens que le délégataire va acquérir ou édifier ou faire édifier tout au long du contrat, s’agissant de biens exclusivement affectés aux services publics objet de la convention, seront remis à la collectivité à la fin normale du contrat ; qu’ainsi, la commune d’Orcières n’a pas confié à la société Orcières La Belle Montagne la réalisation, pour son compte, d’ouvrages qui devaient lui être remis dès l’achèvement des travaux, ceux-ci n’étant remis à la commune qu’au terme des dix-huit ans de la convention, le 31 octobre 2021 ; qu’il découle des stipulations de cette convention que, s’agissant des biens affectés exclusivement au service appartenant au délégataire financés et acquis par ce dernier, la société Orcières La Belle Montagne ne peut être regardée comme un contrat de mandat ; que, dès lors, le délégataire, la société Orcières La Belle Montagne, agit pour son compte et non pour celui de la commune d’Orcières en concluant des marchés avec les tiers pour la réalisation de ces ouvrages ; que, par suite, le marché de travaux de terrassements conclu le 10 juin 2008 par la société Orcières La Belle Montagne, personne morale de droit privé agissant pour son compte, avec la société Gaudy est un contrat de droit privé ; que les litiges relevant de son exécution ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative ; que l’appel en garantie de la société Orcières La Belle Montagne doit donc être rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
17. Considérant, en second lieu, qu’aucun contrat administratif n’a été conclu entre la société Orcières La Belle Montagne et la société SAUR laquelle n’a pas participé à l’exécution des travaux publics en cause ; que, par suite, il n’appartient qu’aux seules juridictions de l’ordre judiciaire de connaître des conclusions présentées par la société Orcières La Belle Montagne dirigées contre la société SAUR ;
S’agissant des appels en garantie croisés formés par les sociétés Gaudy et SAUR :
18. Considérant qu’aucun contrat administratif n’a été conclu entre la société Gaudy et la société SAUR laquelle n’a pas participé à l’exécution des travaux publics en cause ; que, par suite, il n’appartient qu’aux seules juridictions de l’ordre judiciaire de connaître des conclusions en appel en garantie réciproques présentées par ces sociétés ;
En ce qui concerne le sinistre du 30 juin 2009 :
19. Considérant que si la commune d’Orcières appelle en garantie la société Orcières La Belle Montagne, il résulte de ce qui a été au point 4 que les désordres dont la responsabilité est imputable à la commune d’Orcières sont ceux causés par les travaux de construction de la maison du tourisme dont elle était maître d’ouvrage ; que ces travaux sont sans lien avec les travaux d’aménagement des pistes dont la société Orcières La Belle Montagne était maître d’ouvrage ; que, dès lors, les conclusions en appel en garantie de la commune dirigées contre la société Orcières La Belle Montagne doivent être rejetées ;
20. Considérant que si la commune d’Orcières appelle en garantie son assureur, la compagnie Axa, elle ne précise pas plus en appel qu’en première instance le fondement de sa demande et les stipulations contractuelles sur lesquelles elle entend voir engager la responsabilité de son assureur ; que ces conclusions doivent donc être rejetées ;
21. Considérant que la commune d’Orcières appelle en garantie la Selarl Blay Coulet en qualité de maître d’oeuvre des travaux de construction de la maison du tourisme et la société Festa, en qualité d’entrepreneur en charge de ces travaux, en raison du dépôt provisoire de terre au dessus de l’emprise de ce chantier ; qu’il résulte de l’instruction notamment de l’expertise, rappelée au point 4, que » ce dépôt a créé une zone de rétention d’eau (ou poche) qui ayant atteint un certain niveau a rompu le merlon de terres et s’est déversée vers le bas » ; qu’eu égard notamment à la configuration des lieux et alors même qu’il n’est pas établi que l’entrepreneur et le maître d’oeuvre avaient eu connaissance de la modification de la collecte des eaux de pluie par les travaux d’aménagement et de terrassement des pistes de ski, les sociétés Festa et Blay-Coulet ont méconnu les règles de l’art en déposant même provisoirement de la terre au dessus de l’emprise du chantier sans mettre en place une évacuation des eaux pluviales ; que la commune d’Orcières est ainsi fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a rejeté ses conclusions d’appel en garantie dirigées contre la Selarl Blay-Coulet et la société Festa ; que les désordres résultent tant d’une mauvaise exécution des travaux par l’entreprise Festa que d’un manquement au devoir de conseil de la Selarl Blay-Coulet, maître d’oeuvre ; qu’eu égard à l’importance de ces fautes dans la survenance des désordres, il y a lieu de condamner la société Festa à hauteur de 70 % et la Selarl Blay-Coulet à hauteur de 30 % à garantir la commune d’Orcières de la somme de 1 764,30 euros mise à sa charge ;
Sur les frais d’expertise :
22. Considérant que les frais de l’expertise liquidés et taxés à la somme de 4 875,18 euros ont été mis à la charge pour moitié chacune de la commune d’Orcières et de la société Orcières La Belle Montagne ; que la responsabilité de la société Orcières la Belle Montagne étant confirmée par le présent arrêt, les conclusions de cette société tendant à la réformation sur ce point du jugement du tribunal administratif de Marseille doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge conjointe et solidaire de la société Orcières la Belle Montagne et de la commune d’Orcières la somme de 2 000 euros à verser à la SNC Bonnabel sur le fondement des dispositions de cet article ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SNC Bonnabel, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Orcières la Belle Montagne et à la commune d’Orcières, une quelque somme à ce titre ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux autres conclusions que la société Orcières la Belle Montagne, la commune d’Orcières, la société Gaudy, la société SAUR et la Selarl Blay-Coulet ont présentées au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L’article 5 du jugement du 4 juillet 2013 du tribunal administratif de Marseille en tant qu’il indique qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions en appel en garantie présentées par la société Orcières La Belle Montagne et par la société SAUR est annulé.
Article 2 : Les conclusions en appel en garantie présentées par la société Orcières La Belle Montagne dirigées contre les sociétés Gaudy et SAUR ainsi que les conclusions en appel en garantie réciproques présentées par les sociétés Gaudy et SAUR sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : La société Orcières La Belle Montagne est condamnée à verser à la SNC Bonnabel la somme de 13 574,17 euros.
Article 4 : La somme de 615,64 euros que la société Orcières La Belle Montagne et la commune d’Orcières ont été condamnées à verser à la SNC Bonnabel chacune est portée à 1 764,30 euros.
Article 5 : La commune d’Orcières sera relevée et garantie de la somme qu’elle a été condamnée à payer en application de l’article 4 du présent arrêt par la société Festa à hauteur de 70 % (1 235,01 euros) et par la société Blay-Coulet à hauteur de 30 % (529,29 euros).
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : La société Orcières la Belle Montagne et la commune d’Orcières verseront conjointement et solidairement à la SNC Bonnabel la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le surplus des conclusions de l’ensemble des parties est rejeté.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Bonnabel, à la société Orcières La Belle Montagne, à la commune d’Orcières, à la société SAUR, à la société Gaudy, à la société Axa, à la société Blay Coulet et à la société Festa.