Conseil d’État
N° 411663
ECLI:FR:CECHR:2018:411663.20180613
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème et 8ème chambres réunies
M. Laurent Cytermann, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET, avocats
Lecture du mercredi 13 juin 2018
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association des éleveurs de brebis laitières demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêté du 11 avril 2017 relatif à la modification du cahier des charges de l’indication géographique protégée « Tomme des Pyrénées » ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Laurent Cytermann, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de l’institut national de l’origine et de la qualité ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 mai 2018, présentée par l’Association des éleveurs de brebis laitières ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 11 avril 2017, les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture ont homologué la modification du cahier des charges de l’indication géographique (IGP) protégée « Tomme des Pyrénées « . L’Association des éleveurs de brebis laitières demande au Conseil d’Etat l’annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, si l’association soutient qu’aucune proposition du comité national compétent de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) n’a été rendue publique, il ressort du résumé des décisions produit par l’INAO que, lors de sa séance des 1er et 2 février 2017, le Comité national des indications géographiques protégées, labels rouges et spécialités traditionnelles a adopté une proposition de cahier de charges de cette IGP. Aucune disposition n’impose la publication des propositions de l’INAO. Ce moyen doit, en conséquence, être écarté.
3. En second lieu, l’article 5.2 du règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires dispose : » 2. Aux fins du présent règlement, on entend par « indication géographique » une dénomination qui identifie un produit : a) comme étant originaire d’un lieu déterminé, d’une région ou d’un pays ; b) dont une qualité déterminée, la réputation ou une autre propriété peut être attribuée essentiellement à son origine géographique ; et c) dont au moins une des étapes de production a lieu dans l’aire géographique délimitée « .
4. Le cahier des charges homologué par l’arrêté attaqué prévoit en son point 5.1 : » Le lait de brebis provient des races basco-béarnaise, castillonnaise, manech tête noire ou manech tête rousse « . L’association requérante soutient que le cahier des charges aurait dû inclure également la race Lacaune. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la race Lacaune, à la différence des quatre races locales mentionnées ci-dessus, n’est pas adaptée à la transhumance en milieu pyrénéen, alors que l’utilisation de lait issu de races de brebis aptes à la transhumance dans ce milieu constitue un des éléments permettant d’établir le lien à l’origine géographique de la tomme des Pyrénées. De plus, l’INAO soutient sans être contredit que les quatre races retenues par le cahier des charges ont un rendement laitier inférieur à celui de la race Lacaune, ce qui permet de produire un lait plus gras nécessaire à la qualité d’un fromage à pâte semi-dure non cuite. Enfin, l’association requérante ne peut utilement soutenir que le cahier des charges ne comporte aucune restriction de race pour le lait de vache ou de chèvre et que le label rouge LA 11-08, qui est un label de viande d’agneau, n’autoriserait que la race Lacaune. Par suite, l’association n’est pas fondée à soutenir que les auteurs de l’arrêté auraient commis une erreur d’appréciation en n’autorisant pas le lait de brebis provenant de la race Lacaune pour la fabrication de la tomme des Pyrénées.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l’association doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l’Association des éleveurs de brebis laitières est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’Association des éleveurs de brebis laitières, au
ministre de l’économie et des finances, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation et à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO).