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Autorisation d’abattre des loups/ Arrêtés du 30 juin 2015/ Légalité

Conseil d’État, 18 décembre 2017, ASPAS et autres
Nos 393101, 393129, 393130

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 6ème et 1ère chambres réunies), sur le rapport de la 6ème chambre de la Section du contentieux
Séance du 29 novembre 2017 – Lecture du 18 décembre 2017
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 393101, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 1er septembre 2015 et 3 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), l’association One Voice et l’association Ferus demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 30 juin 2015 du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à leur verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative
2° Sous le n° 393129, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 septembre 2015 et 12 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association France nature environnement, la Ligue française pour la protection des oiseaux et l’association Humanité et biodiversité demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 30 juin 2015 du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2015 2016 ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacune d’elles au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
3° Sous le n° 393130, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 2 septembre 2015 et le 10 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association France nature environnement, la Ligue française pour la protection des oiseaux et l’association Humanité et biodiversité demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 30 juin 2015 du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacune d’elles au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
– la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;
– le code de l’environnement ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,
– les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l’association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS).
Vu la note en délibéré, enregistrée sous le n° 393129 le 1er décembre 2017, présentée par le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire ;
1. Considérant que les requêtes nos 393101 et 393130, introduites respectivement par l’association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) et autres et l’association France nature environnement (FNE) et autres, tendent à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup ; que la requête n° 393129 de l’association FNE et autres tend à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du même jour fixant le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2015-2016, qui est pris pour l’application de l’article 2 du premier arrêté mentionné ci-dessus ; qu’il y a lieu de joindre ces trois requêtes, qui présentent à juger des questions semblables, pour y statuer par une seule décision ;
2. Considérant que, eu égard à la nature et à l’objet des litiges, la Fédération nationale des chasseurs justifie d’un intérêt suffisant au maintien des arrêtés attaqués ; que son intervention en défense dans les trois requêtes mentionnées ci-dessus doit dès lors être admise ;
3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 12 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite directive « Habitats » : « 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : a) toute forme de capture ou de mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ; b) la perturbation intentionnelle de ces espèces, notamment durant la période de reproduction et de dépendance (…) » ; que le loup est au nombre des espèces figurant à l’annexe IV point a) de la directive ; que l’article 16 de la même directive prévoit que : « 1. A condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les Etats membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l’article 15 points a) et b) : (…) b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété » ;
4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, pris pour la transposition de la directive « Habitats » précitée, dans sa rédaction applicable au litige : « Lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (…) d’espèces animales non domestiques (…) sont interdits : 1° (…) la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 411-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : « Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques (…) ainsi protégés ; (…) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) a) Dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, (…) » ; que l’article R. 411-6 du même code prévoit que les dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8 ; qu’en vertu de l’article R. 411-13 du même code, les ministres chargés de la protection de la nature et de l’agriculture fixent par arrêté conjoint pris après avis du Conseil national de la protection de la nature si nécessaire, pour certaines espèces dont l’aire de répartition excède le territoire d’un département, les conditions et limites dans lesquelles les dérogations sont accordées afin de garantir le respect des dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;
Sur l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup :
5. Considérant que l’arrêté attaqué a pour objet de fixer les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction de loups peuvent être accordées par les préfets en vue de la protection des troupeaux domestiques ; qu’il prévoit que le nombre maximum de loups dont la destruction est autorisée, en application de l’ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets, est fixé chaque année par arrêté ministériel ; que l’arrêté attaqué prescrit diverses mesures pour assurer le respect de ce seuil, en particulier l’obligation pour les bénéficiaires de dérogations d’informer les préfets en cas de destruction ou de blessure d’un loup lors des opérations qu’ils mettent en œuvre et, pour les préfets, dans le même cas, d’informer les administrations et établissements publics concernés ainsi que les bénéficiaires de dérogations ; que les dérogations peuvent être suspendues ou révoquées, selon les cas, afin d’éviter que le seuil précité ne soit dépassé ou si les conditions et modalités de l’opération ne sont pas respectées ; que l’arrêté prévoit la définition de territoires d’intervention, comportant notamment des « unités d’action » délimitées par les préfets sur la base de données de suivi communiquées par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et correspondant aux zones où la prédation du loup est probable et charge le préfet de désigner les éleveurs ou leurs groupements bénéficiant de dérogations ; que l’arrêté encadre les conditions dans lesquelles il peut être recouru à des mesures, d’effet gradué, et pouvant être combinées, destinées à mettre les animaux à l’abri de la prédation du loup ; que peuvent être opérées, notamment, des actions passives de protection telles que le recours au gardiennage renforcé, aux chiens de protection ou à l’installation de parcs électrifiés, éventuellement mobiles, des opérations d’effarouchement non létales, des tirs de défense, éventuellement renforcés, contre les attaques de loups et, en ultime recours, des tirs de prélèvement, éventuellement renforcés ; que les tirs de défense des troupeaux contre les attaques et les tirs de prélèvement ne peuvent être opérés que dans des conditions restrictives, dans certains secteurs et selon certaines modalités et si les élevages concernés sont exposés à des risques de dommages importants ; que les tirs de prélèvement sont subordonnés, sauf exceptions dûment encadrées, à la mise en œuvre préalable de tirs de défense et sont limités dans le temps ; qu’il appartient au préfet de prendre des mesures appropriées, progressives et proportionnées, et notamment d’accorder des dérogations, le cas échéant en en limitant la portée, en fonction des situations locales, en veillant à concilier de façon équilibrée les obligations s’attachant à la protection des loups, et en particulier celle de maintenir l’espèce dans un état de conservation favorable, avec l’objectif, garanti par le législateur, de protection des élevages ; que ces diverses mesures ainsi que les personnes habilitées à procéder aux tirs de destruction sont supervisées ou contrôlées notamment par les agents de l’ONCFS, cet établissement étant chargé de préciser les modalités pratiques de mise en œuvre des actions entreprises ; que des bilans des tirs de prélèvement sont établis chaque année par les préfets, permettant ainsi d’adopter dans des délais brefs les mesures correctrices nécessaires pour garantir le maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable ;
En ce qui concerne la requête n° 393101 de l’ASPAS et autres :
S’agissant de la légalité externe :
6. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, ainsi que l’imposaient les dispositions de l’article R. 411-13 du code de l’environnement rappelées au point 4, le Conseil national de la protection de la nature a été consulté le 28 mai 2015 et que les règles de composition et de quorum de cet organisme ont été respectées ; que le moyen tiré de ce qu’il n’est pas établi que cette instance a été régulièrement convoquée n’est pas assorti de précisions de nature à permettre d’en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article R. 411-13 du code de l’environnement et de l’irrégularité de la consultation de ce conseil doivent être écartés ;
7. Considérant, en second lieu, qu’en vertu de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, certaines catégories de documents de planification, de programmes ou projets, de manifestations et interventions dans le milieu naturel ou le paysage doivent faire l’objet d’une évaluation dénommée « Evaluation des incidences Natura 2000 » lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés ; que le III de cet article dispose, en outre, que « Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d’autorisation, d’approbation ou de déclaration au titre d’une législation ou d’une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l’objet d’une évaluation des incidences Natura 2000 que s’ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d’Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l’autorité administrative compétente. » ; que l’article R. 414-19 du code de l’environnement fixe la liste des documents, programmes, projets, manifestations ou interventions entrant dans les prévisions du 1° du III de cet article ;
8. Considérant toutefois, d’une part, que l’arrêté réglementaire attaqué n’est pas au nombre des documents de planification, programmes, projets, manifestations ou interventions devant faire l’objet d’une « Evaluation des incidences Natura 2000 » en application de ces dispositions ; que, d’autre part, en application de ces dispositions, les actes soumis à un régime administratif d’autorisation, d’approbation ou de déclaration au titre d’une législation ou d’une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l’objet d’une telle évaluation que s’ils figurent soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d’Etat, soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l’autorité administrative compétente ; que, par suite, les associations requérantes ne sauraient utilement soutenir que l’arrêté attaqué est illégal faute d’avoir prévu que les autorisations préfectorales portant dérogation à l’obligation de protection du loup devaient faire l’objet d’une « Evaluation des incidences Natura 2000 » ;
S’agissant de la légalité interne :
9. Considérant que les associations requérantes soutiennent que l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 411-2 du code de l’environnement, pris pour la transposition de l’article 16 de la directive « Habitats », dès lors qu’il ne respecte pas les trois conditions auxquelles est subordonné l’octroi de dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces protégées tenant à l’existence de dommages importants causés à l’élevage, à l’absence d’autre solution satisfaisante et au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de l’espèce dans son aire de répartition naturelle ; qu’elles soutiennent, en outre, que l’arrêté est illégal en ce qu’il édicte des mesures non nécessaires et disproportionnées ;
Quant à la condition relative à l’existence de dommages importants à l’élevage :
10. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu de l’article 12 de l’arrêté attaqué, pour l’application des dispositions du chapitre II relatif aux opérations de destruction par la mise en œuvre de tirs de défense des troupeaux, la notion « attaque » signifie toute attaque donnant lieu à au moins une victime indemnisable au titre de la prédation du loup ; que si les associations requérantes soutiennent que cette définition est illégale, faute que le constat des attaques soit réalisé par des agents chargés de cette mission par l’administration, il résulte des dispositions de l’article 12 de l’arrêté que le constat d’une attaque est subordonné au caractère indemnisable du dommage, ce dont il résulte nécessairement qu’une expertise technique doit être réalisée par les personnes compétentes, ainsi d’ailleurs que le relève une circulaire ministérielle du 27 juillet 2011 publiée au bulletin officiel du ministère chargé de l’environnement et du Plan d’action national loup 2013-2017 ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, s’agissant de la condition relative aux dommages importants causés à l’élevage, l’article L. 411-2 du code de l’environnement, qui transpose l’article 16 de la directive « Habitats », ne fait pas obstacle à la prise en compte, pour décider le déclenchement de tirs de destruction, des dommages causés aux troupeaux non protégés ; que, par suite, l’arrêté a pu légalement permettre le recours à des tirs de défense d’élevages non protégés ;
12. Considérant que l’article L. 411-2 du code de l’environnement, qui transpose l’article 16 de la directive « Habitats », énonce que les dérogations ont pour objet de « prévenir des dommages importants notamment (…) à l’élevage » ne subordonne pas les tirs de défense à l’existence d’une attaque préalable directe contre chacun des troupeaux susceptibles de faire l’objet de ces tirs ; que, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions critiquées n’ont pas pour objet et ne sauraient, au demeurant, avoir légalement pour effet d’écarter l’exigence que soit remplie la condition tenant au constat de l’existence de dommages importants aux élevages ; que, par suite, les moyens tirés de ce que l’arrêté serait illégal dès lors qu’il permettrait des tirs de défense sans constat d’une attaque effective de loup et des tirs de prélèvement sans prendre en considération les dommages réellement subis ni les effectifs de loups dans la zone doivent être écartés ;
Quant à la condition relative à l’absence d’autres solutions satisfaisantes :
13. Considérant que l’article L. 411-2 du code de l’environnement subordonne les dérogations à l’interdiction de destruction des espèces protégées à l’absence d’autre solution satisfaisante ; qu’ainsi qu’il a été dit au point 5, l’arrêté précise les conditions dans lesquelles il peut être recouru à des actions, d’effet gradué, consistant en des mesures de protection ou d’effarouchement, des tirs de défense et des tirs de prélèvement des loups ; que les tirs de destruction de loup ne peuvent être autorisés par le préfet, en fonction de l’appréciation des circonstances locales qu’il lui appartient de porter, que si les mesures de protection et d’effarouchement ne permettent pas de préserver efficacement les troupeaux des menaces de prédation ; qu’eu égard à l’objet et à la portée des dispositions de l’article L. 411-2, qui tendent à préserver le cheptel lui-même, et non la valeur patrimoniale qu’il représente, il ne peut être utilement soutenu qu’une indemnisation systématique des animaux victimes de prédation constituerait une solution alternative appropriée de nature à faire obstacle aux tirs de destruction des loups ; que les moyens tirés de la méconnaissance de la condition relative à l’absence d’autres solutions satisfaisantes doivent être écartés ;
Quant à la condition relative au maintien dans un état de conservation favorable des populations de loups dans leur aire de répartition naturelle :
14. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 13 de l’arrêté attaqué : « Dans le cœur des parcs nationaux dont le décret portant création autorise la chasse, le conseil d’administration se prononce sur le principe et les conditions de mise en œuvre des tirs de défense défini aux articles 14 à 17. Si le conseil d’administration s’est prononcé favorablement à cette possibilité, le préfet autorise le tir de défense après avis du directeur du parc. » ; qu’il résulte de l’article L. 411-2 du code de l’environnement que des dérogations à l’interdiction de destruction des espèces protégées sont permises pour prévenir des dommages importants à l’élevage, sans exclure de cette faculté les territoires des parcs nationaux ; qu’il résulte en outre des articles L. 331-1 et suivants du code de l’environnement que les parcs nationaux ont vocation à concilier, même au sein de leur cœur, la protection des espèces protégées avec les activités existantes et notamment l’agropastoralisme, qui participe au maintien de leur diversité faunistique et floristique et de leurs paysages ; qu’en vertu de l’article L. 331 4 1 du code de l’environnement, la chasse est interdite dans un cœur de parc sauf si sa réglementation et la charte du parc le prévoient ; qu’il en résulte que si la destruction des loups est subordonnée à des conditions strictes dans les parcs nationaux et leurs cœurs, elle n’y est pas interdite par principe ; que l’article 13 de l’arrêté attaqué prévoit expressément, en conformité avec les dispositions précitées, que les tirs de défense des troupeaux ne peuvent être réalisés que dans le cœur des parcs nationaux dont le décret portant création autorise la chasse ; que cette faculté est, en outre, strictement encadrée, dès lors que le conseil d’administration du parc doit se prononcer sur le principe et les conditions de mise en œuvre des tirs de défense et que, si le conseil d’administration s’est prononcé favorablement, le préfet doit autoriser le tir de défense après avis du directeur du parc ; que, par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu par les associations requérantes, les dispositions de l’arrêté attaqué n’ont ni pour objet, ni pour effet d’écarter les dispositions du décret du 29 décembre 2009 pris pour l’adaptation de la délimitation et de la réglementation du Parc national des Cévennes aux dispositions du code de l’environnement issues de la loi du 14 avril 2006, prévoyant une autorisation du directeur du parc ; qu’enfin, contrairement à ce qui est soutenu, eu égard aux conditions qu’il pose, l’arrêté attaqué ne méconnaît pas les orientations de la Charte du Parc national des Cévennes, approuvé par décret du 8 novembre 2013 ;
15. Considérant, en deuxième lieu, qu’ainsi qu’il a été dit au point 5, l’arrêté attaqué encadre strictement la possibilité d’autoriser les tirs de défense et de prélèvement, qui demeure subordonnée au respect des conditions prévues par l’article L. 411-2 du code de l’environnement, en particulier celle de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de loups dans leur aire de répartition naturelle ; que si les associations requérantes soutiennent que les dispositions de l’arrêté permettraient de détruire plusieurs loups par zone d’intervention, indépendamment des dommages constatés et des populations de loups dans la zone concernée, il appartient au préfet, en fonction des circonstances locales, d’apprécier, au cas par cas, si l’autorisation de ces tirs est, au regard notamment des conditions rappelées ci dessus, nécessaire et proportionnée ; que, s’agissant des tirs de défense, il résulte des articles 14 et suivants que ceux-ci ne peuvent être réalisés qu’à proximité du troupeau concerné, par des personnes autorisées, selon les modalités fixées par l’arrêté, titulaires du permis de chasse, dès lors que des mesures de protection ont été mises en œuvre ou que le troupeau est reconnu comme ne pouvant être protégé ; qu’un registre détaillé permettant le suivi des tirs doit être tenu à disposition des agents chargés des missions de police par le bénéficiaire de l’autorisation ; que les tirs de prélèvement sont interdits dans les cœurs de parc et les réserves naturelles nationales constituées pour des motifs incluant la conservation de la faune sauvage et durant la période courant du 1er mars au 13 avril afin de ne pas perturber le cycle de reproduction de l’espèce ; que ces tirs sont subordonnés à un arrêté préfectoral précisant la zone où les opérations peuvent être conduites et le nombre de loups pouvant être détruits, les opérations étant réalisées selon les modalités techniques définies par l’ONCFS ; que l’article 31 prévoit que seules les personnes compétentes telles que des agents de l’ONCFS ou des chasseurs formés par l’office et mandatés à cet effet peuvent participer aux tirs de prélèvements ; qu’il résulte de l’article 33 que des chasseurs ne peuvent être désignés comme responsables que s’ils ont suivi une formation spécifique dispensée par l’ONCFS ; qu’il résulte par ailleurs des articles 33 et 34 que les tirs de prélèvement, lors des actions de chasse ordinaire et battues administratives comme à l’occasion de chasses à l’approche ou à l’affût d’espèces de grand gibier, sont étroitement contrôlées, avec notamment des obligations déclaratives et d’information renforcées, sous la surveillance du service départemental de l’office et des agents en charge de la police de la nature ;
16. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la condition relative au maintien dans un état de conservation favorable des populations de loups dans leur aire de répartition naturelle est méconnue ;
Quant aux moyens tirés de ce que les mesures prévues par l’arrêté attaqué ne seraient ni nécessaires ni proportionnées à l’objectif poursuivi de protection des troupeaux :
17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de ce que les mesures prévues par l’arrêté attaqué ne sont ni nécessaires ni proportionnées à l’objectif de protection des troupeaux domestiques ne peuvent être accueillis ;
18. Considérant que, par suite, l’ASPAS et autres ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup ;
En ce qui concerne la requête n° 393130 de l’association FNE et autres :
19. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de ce qui a été dit au point 14 que le moyen tiré de ce qu’en permettant des tirs de destruction des loups dans les cœurs de parc les dispositions de l’article 13 de l’arrêté attaqué méconnaîtraient la réglementation des parcs nationaux et les exigences découlant de l’article L. 411-2 du code de l’environnement doit être écarté ;
20. Considérant, en deuxième lieu, que l’article 8 de l’arrêté attaqué dispose que : « La mise en œuvre d’un effarouchement aux fins d’éviter les tentatives de prédation du loup est possible, sans formalité administrative : / – pour les troupeaux protégés ainsi que pour ceux pour lesquels il est établi qu’ils ne peuvent l’être ; / – pour pallier l’absence de mesures de protection des troupeaux et pour permettre leur mise en place effective. (…) » ; qu’il résulte toutefois des dispositions des articles 8 à 11 de l’arrêté que l’effarouchement, qui peut être mis en œuvre par des moyens visuels ou sonores, la présence de chiens de protection ou des tirs non létaux strictement encadrés notamment quant aux munitions légères utilisables, ont pour seul objet de prévenir les attaques des loups contre les troupeaux à proximité immédiate de ceux-ci ; qu’eu égard à leur finalité, qui est conforme à l’objectif législatif de protection des élevages, et à leurs effets, les actions d’effarouchement ne peuvent être regardées comme constituant une perturbation intentionnelle de l’espèce au sens des dispositions législatives précitées ; que, dès lors, le moyen tiré de qu’en permettant de procéder à des opérations d’effarouchement sans formalité administrative particulière, l’arrêté attaqué aurait méconnu l’obligation découlant des dispositions combinées des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement doit être écarté ;
21. Considérant, en troisième lieu, que l’article 8 définit la notion de « troupeau protégé » comme tout élevage bénéficiant de l’installation effective de mesures de protection au titre de l’opération de protection de l’environnement dans les espaces ruraux portant sur la protection des troupeaux contre la prédation, en application de l’arrêté du 19 juin 2009 relatif à l’opération de protection de l’environnement dans les espaces ruraux portant sur la protection des troupeaux contre la prédation, ou de mesures de protection jugées équivalentes par les services déconcentrés compétents ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions définissent de façon suffisamment précise la notion de « troupeau reconnu comme ne pouvant être protégé » et ne méconnaissent pas l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;
22. Considérant, en quatrième lieu, que l’article 26 permet le déclenchement de tirs de prélèvement, sans mise en œuvre préalable de tirs de défense, en présence d’ « obstacles pratiques ou techniques à la mise en œuvre de ces tirs » ; que le préfet ne peut autoriser ces tirs que dans des conditions strictement encadrées et dans la mesure où les troupeaux demeurent dans les conditions où ils sont exposés à la prédation du loup ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions sont suffisamment précises, sans qu’il soit besoin d’expliciter l’expression « d’obstacles pratiques ou techniques à la mise en œuvre des tirs de défense » ; que les moyens dirigés contre l’article 26 de l’arrêté attaqué doivent être écartés ;
23. Considérant, en cinquième lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en prévoyant que les opérations de tirs de prélèvements sont suspendues du 1er mars au 30 avril, afin de ne pas perturber le cycle de reproduction de l’espèce, l’arrêté attaqué aurait fixé une période trop brève pour permettre le maintien de la population des loups dans un état de conservation favorable dans son aire de répartition ;
24. Considérant, en sixième lieu, que les associations requérantes soutiennent que l’arrêté attaqué édicte des mesures, qui ne sont pas proportionnées, nécessaires et progressives, en méconnaissance de l’article L. 411-2 du code de l’environnement et de l’article 16 de la directive « Habitats » ; qu’il résulte toutefois de ce qui a été dit dans les précédents motifs, compte tenu notamment de ce que l’arrêté se borne à prévoir la possibilité de mesures d’effets graduée et de dérogations, dans des conditions strictement encadrées et qu’il appartient au préfet de se prononcer au cas par cas, en fonction des circonstances locales, en veillant au respect des obligations résultant de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, que ce moyen doit être écarté ;
25. Considérant toutefois, en septième et dernier lieu, que l’article 25 de l’arrêté attaqué dispose que : « Les tirs de prélèvements peuvent intervenir : / – s’il est constaté des dommages importants ou récurrents dans les élevages ayant mis en œuvre les tirs de défense malgré l’installation, quand cela est possible, de mesures de protection des troupeaux ; et/ – dans la mesure où les troupeaux demeurent dans les conditions où ils sont exposés à la prédation du loup. » ; qu’il résulte des dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement que des dérogations à l’interdiction de destruction des espèces protégées ne peuvent être accordées qu’en cas de dommages importants à l’élevage ; que si la récurrence de certains dommages peut conduire à les qualifier d’importants, la seule circonstance que des dommages se soit répétés ne peut à elle seule suffire à les regarder comme importants ; que, par suite, en permettant de prendre en compte également des dommages récurrents, quelle que soit leur importance, l’arrêté attaqué a illégalement élargi les possibilités de dérogation prévues par le législateur ;
26. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont fondées à demander l’annulation de l’arrêté qu’elles attaquent qu’en tant qu’il comporte, au deuxième alinéa de l’article 25, les mots « ou récurrents », qui sont divisibles des autres dispositions de l’arrêté ;
Sur la requête n° 393129 de l’association FNE et autres dirigée contre l’arrêté du 30 juin 2015 fixant le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée :
27. Considérant qu’aux termes de l’article 2 de l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) : « Le nombre maximum de spécimens de loups (mâles ou femelles, jeunes ou adultes) dont la destruction est autorisée, en application de l’ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets, est fixé chaque année par arrêté ministériel. Cet arrêté ne peut couvrir une période excédant le 30 juin de l’année suivante. / Ce maximum annuel sera diminué du nombre des animaux ayant fait l’objet d’actes de destruction volontaire constatés par les agents mentionnés à l’article L. 415-1 du code de l’environnement durant toute la période de validité de l’arrêté visé au premier alinéa du présent article. » ; que, par un arrêté du même jour, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ont fixé à 36 le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2015-2016 ;
28. Considérant que le seuil de 36 loups fixé par l’arrêté attaqué ne constitue qu’un plafond de destructions d’animaux pouvant être autorisées durant une campagne d’un an ; que la portée et ainsi la légalité de cet arrêté doivent être appréciées au regard de l’ensemble du dispositif réglementaire décrit au point 5 ; qu’ainsi qu’il a été dit précédemment, celui-ci tend non pas à faciliter ces destructions mais à les encadrer strictement ; qu’il appartient au préfet d’apprécier, en fonction des circonstances locales, si des dérogations peuvent être autorisées en vérifiant qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que les mesures envisagées, qui doivent être proportionnées à l’objectif de protection des élevages, ne nuisent pas au maintien de la population des loups, au sein de son aire de répartition naturelle, dans un état de conservation favorable ; qu’il incombe également au pouvoir réglementaire d’adapter ce dispositif et, en particulier, d’ajuster chaque année le plafond de destruction des loups en tenant compte des résultats de la précédente campagne, ainsi que des données statistiques pluriannuelles relatives à l’évolution tendancielle de la population des loups et des dommages occasionnés par ces derniers ; que, toutefois, la seule circonstance que les estimations statistiques montrent une baisse du nombre de loups d’une année sur l’autre, dès lors qu’elle est de faible ampleur et que, sur une période plus large, les tendances demeurent favorables à la conservation de l’espèce, ne permet pas de faire regarder la condition relative au maintien de la population des loups dans un état de conservation favorable comme n’étant plus remplie ; qu’il ressort des pièces du dossier que si certaines estimations statistiques indiquent un fléchissement de la population des loups sur la période 2014/2015, de l’ordre de 7 %, leur population estimée, sur la période 2009/2015, a fortement augmenté sur le territoire national, passant d’environ 150 à 300 spécimens, soit un doublement en six ans ; que, d’ailleurs, les estimations les plus récentes disponibles tendent à confirmer la tendance à l’augmentation de l’effectif des loups ; que, si les requérants indiquent que le nombre d’attaques et de victimes des loups a baissé au cours du premier semestre 2015 par rapport au premier semestre 2014, le nombre d’attaques tend à augmenter fortement sur la période 2009/2015 en ayant plus que doublé ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’arrêté a pu légalement fixer à 36 le nombre maximal de loups pouvant être tués au cours de la campagne 2015-2016 ; que le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 411-2 du code de l’environnement doit être écarté ;
29. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêté du 30 juin 2015 fixant le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée :
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Considérant que, s’agissant des requêtes nos 393101 et 393129, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans ces instances ; que s’agissant de la requête n° 393130, les requérantes n’étant pas parties gagnantes au principal, les mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat ;
D E C I D E :
Article 1er : L’intervention de la Fédération nationale des chasseurs est admise.
Article 2 : Au deuxième alinéa de l’article 25 de l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup, les mots « ou récurrents » sont annulés.
Article 3 : Les requêtes nos 393101 et 393129 et le surplus des conclusions de la requête n° 393130 sont rejetés.

Accident de luge/ Violation d’une mesure d’interdiction/ Responsabilité de la commune (non)

CAA de BORDEAUX

N° 15BX02675   
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre – formation à 3
M. LARROUMEC, président
M. Pierre BENTOLILA, rapporteur
Mme MOLINA-ANDREO, rapporteur public
TOURNY AVOCATS, avocat

lecture du lundi 30 octobre 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. N…M…, Mme K…D…, Mlle A…M…, M. E…M…, M. et Mme O…M…et Mme G…D…ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Bagnères-de-Bigorre à leur verser la somme totale de 280 000 euros, en réparation des préjudices causés par l’accident de luge survenu le 22 février 2012 ayant causé la mort, de Mlle C…M…, alors âgée de 12 ans.

Par un jugement n° 1400381 du 26 mai 2015, le tribunal administratif de Pau a condamné la commune de Bagnères-de-Bigorre à verser les sommes de 37 500 euros au titre des préjudices subis par M. N…M…(père), 37 500 euros au titre des préjudices subis par Mme K…D…(mère), 20 000 euros au titre du préjudice subi par Mlle A…M…(soeur) 25 000 euros au titre du préjudice subi par M. E…M…(frère), 8 000 euros au titre du préjudice subi par M. et Mme O…M…(grands-parents) et 4 000 euros au titre du préjudice subi par Mme G…D…(grand-mère), soit la somme totale de 132 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 27 juillet 2015, la commune de Bagnères-de-Bigorre représentée par Me P…, demande à la cour :

1°) à titre principal d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 26 mai 2015 ;

2°) à titre subsidiaire, de dire que la responsabilité de la commune se fixera au quart des conséquences dommageables de l’accident et d’en tirer toutes les conséquences ;

3°) en toute hypothèse de condamner la régie du Tourmalet à garantir la commune des sommes à payer aux consorts M…etD… et de réformer le jugement en ce sens.

Elle soutient que :
– la responsabilité de la commune ne saurait être engagée au titre de la carence du maire dans l’exercice des pouvoirs de police sur le fondement du 5° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu’il a pris les mesures de prévention convenables au contraire des victimes qui ont commis de nombreuses et graves imprudences ;
– l’acte de police dans un espace naturel ouvert et dont il est impossible de maitriser l’accès est particulièrement difficile, pouvant seulement être exigés du maire l’édiction d’une réglementation et le respect de cette signalisation ;
– la commune a pris une réglementation précise pour régir les activités de glisse sur le domaine skiable ;
– à cet égard, l’arrêté municipal du 23 janvier 2015 indique que la pratique de la luge est strictement interdite en dehors des deux pistes prévues à cet effet, Pain de sucre et Puria ;
– la signalétique rappelant la réglementation et l’interdiction de la luge, figure sur  » plusieurs panneaux disposés à plusieurs endroits bien visibles du public et non cachés  » comme l’a relevé le PV d’investigation n° 31 du 24 février 2012 de la gendarmerie, soit sur le pont de neige en amont du lieu de l’accident, devant le poste provisoire de gendarmerie, devant l’église proche des pistes, et devant l’école de ski français de la Mongie, au niveau du  » Montana  » ;
– les consorts M…n’ont fait état devant le tribunal administratif que des éléments du dossier pénal qui leur étaient le plus favorables ;
– c’est à tort que le tribunal a considéré que  » (…) cet arrêté n’avait été affiché qu’à un endroit de la station, d’ailleurs non déterminé ; que cet affichage était donc insuffisant pour permettre aux enfants, ou du moins à leurs parents, d’en connaître l’existence (…)  » ;
– la commune avait par arrêté défini les zones dans lesquelles la pratique de la luge était admise et dès lors en dehors de cet espace, la pratique de la luge était interdite ; la réglementation délimitant et interdisant la pratique de la luge était affichée, diffusée et faisait l’objet d’une signalisation claire à différents endroits publics de la station ;
– l’article 13 de l’arrêté du 23 janvier 2012 prescrit que le public doit  » respecter la signalisation et les horaires de fermeture « , l’article 5 du même arrêté prévenant que  » les pistes ne sont pas contrôlées ni protégées ni surveillées dès lors qu’elles sont déclarées fermées  » ;
– en dehors des heures d’ouverture et de surveillance de la station, la configuration des lieux dans un espace naturel ouvert et dont il est impossible de maitriser l’accès ne justifiait pas d’autres mesures particulières ;
– en dehors des heures d’ouverture et en dehors de toute animation organisée, l’emprunt du domaine skiable de la Mongie est placé sous la responsabilité des personnes qui l’utilisent ;

– les enquêteurs ont également considéré que dès lors que le domaine skiable est déclaré fermé, les utilisateurs en assument l’entière responsabilité ;
– la commune avait pris les précautions nécessaires et aucun accident n’avait été précédemment déploré ;
– en l’espèce, les fautes des victimes ont été d’une particulière gravité à plusieurs occasions, et ce malgré la réglementation, les interdictions et la signalisation mises en place par la commune ;
– en effet, le père de la victime venait pour la première fois à la Mongie et ne connaissait pas le domaine et s’est abstenu de s’informer sur la réglementation de la station et n’a pas fait attention à l’activité des dameuses ni le jour de l’accident ni la veille ; il n’a pas non plus fait preuve de vigilance normale envers ses enfants de douze ans restés seuls en montagne à la tombée de la nuit et n’a pas fait preuve de la prudence qui s’imposait à lui dans l’appréhension d’un milieu naturel dans lequel il était néophyte ; sa fille n’était pas équipée de casque ni d’équipement de sécurité et la luge n’était pas équipée de freins ;
– Emma M…a choisi de descendre avec une luge dépourvue de freins une piste interdite, avec une pente forte, et a donc mal évalué ses capacités ;
– elle a donc commis une faute, de même que son père, dans son obligation de surveillance ;
– l’emprunt des pistes en dehors des heures d’ouverture et de surveillance du domaine skiable, est sous la seule responsabilité des usagers ;
– à titre subsidiaire, compte tenu des fautes commises par Emma, son frère Jules et par son père, la responsabilité de la commune pourrait être fixée au quart des préjudices subis ;
– par ailleurs, la régie propriétaire de la dameuse doit être considérée comme se trouvant responsable du dommage dès lors qu’elle est la seule à pouvoir donner des ordres aux chauffeurs de dameuses quant aux horaires de passage de ces dameuses ;
– la régie est délégataire de service public et l’obligation de sécurité et d’organisation des pistes lui est donc déléguée, les mesures de police prises par le maire ne pouvant s’adapter aux itinéraires changeants des engins de damage ;
– par ailleurs, il ne ressort pas clairement de l’enquête, que l’engin aurait eu ses avertisseurs en état de fonctionnement alors qu’au surplus le conducteur de l’engin a été contrôlé positif au cannabis ;
– la régie n’a pas pris les mesures nécessaires pour avertir les usagers quant à la présence des dameuses, alors que par ailleurs, en sa qualité d’employeur, elle devait veiller à la parfaite conduite des engins par ses salariés ;
– la régie a donc une part dans la responsabilité de l’accident, et cette part de responsabilité doit être fixée à un quart et dans ces conditions, la commune ne peut être tenue à plus du quart du montant de la réparation ;
– la commune appelle en garantie la Régie du Tourmalet pour la garantir des condamnations de la commune à l’égard des consorts M…-D….

Par un mémoire enregistré le 13 mai 2016, la régie intercommunale du Tourmalet, représentée par Me J…conclut au rejet de la requête de la commune de Bagnères-de-Bigorre, à la confirmation du jugement du 26 mai 2015 du tribunal administratif de Pau et à ce que soit mise à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
– l’appel en garantie présenté en appel par la commune est irrecevable faute d’avoir été présenté en première instance, ainsi que l’estime une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, la circonstance que la commune n’ait pas produit de mémoire devant le tribunal administratif se trouvant à cet égard sans incidence ;
– en tout état de cause, l’appel en garantie présenté par la commune à l’encontre de la Régie ne peut être que rejeté faute de lien contractuel entre la Régie et la commune ;
– à titre subsidiaire, en ce qui concerne le conducteur de l’engin, M.H…, s’il a été contrôlé positif au cannabis, c’était pour une consommation remontant à plusieurs jours avant l’accident et d’ailleurs, ni l’infraction d’homicide involontaire sous emprise de produits stupéfiants, ni celle d’homicide involontaire simple n’ont été retenues contre lui ; à cet égard aucune faute ne peut donc être reprochée à la Régie ;
– par ailleurs, il ne ressort pas de l’enquête que la dameuse n’aurait pas eu ses avertisseurs lumineux allumés le jour de l’accident, alors que de toute façon, rien ne permet d’affirmer que si les enfants avaient vu la dameuse, ils ne seraient pas quand même élancés dans la descente ;
– en revanche une faute doit être mise à la charge de la commune dès lors qu’il était habituel que les enfants fassent de la luge au pied des pistes après leur fermeture alors que dans le même temps, des dameuses remettent les pistes en état, et dès lors comme l’a relevé le tribunal, cette concomitance des usages des lieux était de nature à créer pour les enfants un risque d’accident grave au détriment des enfants ;
– la commune n’a pas pris la mesure du risque dès lors que si un arrêté a été adopté pour interdire la pratique de la luge sur les pistes de ski, il n’était affiché qu’à un seul endroit de la station et cette interdiction ne pouvait donc être connue des usagers ;
– la commune, qui ne pouvait ignorer la présence habituelle d’enfants à des moments où passait la dameuse, devait prendre des mesures adéquates face à un risque d’accident identifiable, et la jurisprudence du Conseil d’Etat, sanctionne une insuffisance de signalisation du risque.

Par un mémoire enregistré le 16 juin 2016, les consorts M…et D…représentés par MeI…, demandent :

1°) à titre principal la confirmation du jugement en tant qu’il emporte condamnation de la commune ;

2°) sa réformation en tant qu’il n’emporte pas condamnation de la commune de Bagnères-de-Bigorre à leur verser la somme totale de 280 000 euros ;

3°) de condamner la commune à leur verser cette somme totale de 280 000 euros ;

4°) à titre subsidiaire, de réduire l’indemnisation à leur profit, compte tenu de la faute commise par M. N…M…, dans une proportion n’excédant pas un quart ;

5°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– l’interdiction de la luge aurait pu être matérialisée par un balisage ou des barrières amovibles ;
– il n’existait pas de panneaux d’information concernant le passage des dameuses, ni de dispositif de sécurité, sur le lieu sur lequel s’est produit l’accident ;
– le maire en vertu de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités, doit procéder à une signalisation des dangers, y compris dans des lieux dont l’accès est interdit dès lors qu’il est constant que le public a l’habitude de s’y aventurer, comme le retient la jurisprudence, notamment celle du Conseil d’Etat dans l’arrêt Lesigne, du 12 mai 1978 ;
– l’information doit être complète, suffisante et revêtir plusieurs formes, sous forme de mises en garde réelles ;
– l’enquête pénale a mis en évidence une insuffisance d’information par les arrêtés municipaux ;
– l’interdiction de la luge sans précisions particulières par les panneaux peut laisser à penser que cette interdiction n’est de mise qu’en présence des skieurs compte tenu des risques de collision et n’a plus lieu d’être lorsque les pistes sont fermées ;
– aucune information n’a été donnée par les panneaux sur les risques afférents au passage des dameuses, alors que le lieu où s’est produit l’accident était de fait très fréquenté par les enfants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Pierre Bentolila,
– les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
– et les observations de MeL…, représentant la commune de Bagnères-de-Bigorre, MeB…, représentant les consorts M…et D…et MeJ…, représentant la régie intercommunale du Tourmalet ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 22 février 2012 à 17 h 30 s’est produit, dans la station de la Mongie se trouvant sur la commune de Bagnères-de-Bigorre, un accident de luge ayant entrainé la mort d’EmmaM…,âgée de douze ans. Les consorts M…et D…ont demandé au tribunal administratif de Pau la condamnation de la commune de Bagnères-de-Bigorre, à leur verser la somme totale de 280 000 euros en réparation des préjudices subis. La commune de Bagnères-de-Bigorre relève appel du jugement du 26 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Pau l’a condamnée à verser les sommes de 37 500 euros au titre des préjudices subis par M. N… M… (père), 37 500 euros au titre des préjudices subis par Mme K…D…(mère), 20 000 euros au titre du préjudice subi par Mlle A…M…(soeur), 25 000 euros au titre du préjudice subi par M. E…M…(frère) et 8 000 euros au titre du préjudice subi par M. et Mme O…M…(grands-parents) pris ensemble et 4 000 euros au titre du préjudice subi par Mme G…D…(grand-mère), soit la somme totale de 132 000 euros. La commune demande en toute hypothèse de condamner la régie du Tourmalet à garantir la commune des sommes à payer aux consorts M…etD…. Les consorts M…et D…par la voie de l’appel incident, demandent la réformation du jugement en tant qu’il n’a fait droit que partiellement à leurs demandes, et demandent comme en première instance, la condamnation de la commune à leur verser la somme totale de 280 000 euros.

Sur l’appel principal de la commune de Bagnères-de-Bigorre :

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité pour carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police :

2. Aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales :  » La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (…) les autres accidents naturels, (…) « .

3. En premier lieu, compte tenu de l’étendue du domaine skiable, ni une délimitation physique des endroits permis et de ceux interdits, ni une surveillance de l’ensemble du domaine skiable ne pouvaient être exigées de la commune.

4. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction que par arrêté du 23 janvier 2012 le maire de Bagnères-de-Bigorre a répertorié les différentes pistes de la station de ski de la Mongie. L’article 2 point E de cet arrêté indique que les seules pistes à luge sont le  » Pain de sucre  » et le  » Puria « , soient des lieux autres que celui situé au niveau de la piste des Turons et de celle dénommée  » Baby « sur lequel s’est produit l’accident, et qui était donc interdit à la luge. Par un autre arrêté du même jour, le maire a réglementé l’usage des pistes, indiqué les différentes signalisations devant être mises en place, l’article 4 disposant que  » sont notamment interdits : piétons, raquettes, luges (…)  » et le même article ainsi que l’article 9 indiquent que les engins peuvent se déplacer sur les pistes ouvertes avec des  » feux à éclat ou gyrophare en fonctionnement « . L’article 5 de cet arrêté indique que  » les pistes sont fermées en fin d’exploitation journalière  » et que  » dès lors qu’elles sont déclarées fermées, elles ne sont plus contrôlées ni protégées ni surveillées « . Il apparait donc que la réglementation concernant la pratique autorisée de la luge et ses interdictions, ainsi que les règles devant être respectées par les utilisateurs du domaine skiable, étaient suffisamment claires et précises. En ce qui concerne la signalisation qui a été mise en place dans la station, il ressort du procès-verbal d’investigation n° 31 établi le 24 février 2012 par la gendarmerie, qu’un panneau de signalisation à l’entrée du lieu où s’est produit l’accident, dont une photographie est produite au dossier, mentionne expressément l’interdiction de la pratique de la luge sous forme d’un pictogramme d’une luge barrée, et donne des conseils de prudence aux utilisateurs des pistes. Si les premiers juges ont considéré que cet arrêté n’avait été affiché qu’à un seul endroit d’ailleurs non déterminé de la station, et que cet affichage était donc insuffisant pour permettre aux enfants, ou du moins à leurs parents, d’en connaître l’existence, il résulte de l’instruction et notamment du procès-verbal d’investigation n° 31 du 24 février 2012 de la gendarmerie ( annexé à la requête de la commune) que  » plusieurs panneaux (étaient) disposés à des endroits bien visibles du public et non cachés « , soit sur le pont de neige en amont de l’accident, devant le poste provisoire de gendarmerie, devant l’église proche des pistes, devant l’école de ski français de la Mongie, au niveau du  » Montana  » et au niveau de  » tous les accès piétons vers le domaine skiable « . Ces panneaux dans leur nombre et dans leur localisation satisfaisaient à l’obligation d’information, qui était impartie au maire, quant à l’interdiction de la pratique de la luge. Par ailleurs, si les premiers juges ont considéré que compte tenu de ce que de nombreux enfants, de fait, en dépit de l’interdiction de la luge, et même après la fermeture de la station, pratiquaient cette activité, de surcroît pour la plupart avec du matériel sommaire ne disposant pas de frein,  » (…) l’interdiction était en pratique inopérante (…) « , ces circonstances sont sans incidence sur le fait que l’exercice d’une activité sportive ou de loisirs, dans un lieu et à une heure interdits, se pratique aux risques et périls de ceux qui ne respectent pas ces interdictions. Dans ces conditions, compte tenu du comportement fautif de la victime qui a emprunté une piste dont l’accès était interdit, et de surcroit après la fermeture de la station, et du manquement de son père à son devoir de vigilance et de surveillance, la responsabilité, même partielle, de la commune de Bagnères-de-Bigorre, ne saurait être engagée.

5. La commune est donc fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a retenu la responsabilité fautive de la commune de Bagnères-de-Bigorre pour la condamner à indemniser les consorts M…et D…des préjudices subis.

6. Si la cour est saisie, de par l’effet dévolutif des autres moyens invoqués par les consorts M…et D…tant en première instance qu’en appel, ces derniers n’invoquent pas d’autres moyens autres que ceux tirés de l’insuffisance de signalisation déjà écartés aux points 3 et 4 du présent arrêt.

Sur l’appel en garantie dirigé contre la Régie du Tourmalet :

7. Compte tenu de l’annulation du jugement et du rejet des conclusions présentées par les consorts M…et D…les conclusions d’appel en garantie présentées par la commune à l’encontre de la régie du Tourmalet, sont en tout état de cause devenues sans objet.

Sur l’appel incident des consorts M…etD… :

8. Compte tenu de ce que, comme il est indiqué aux points 3 et 4 du présent arrêt, aucune responsabilité de la commune ne peut être retenue, l’appel incident des consorts M…D…ne peut être que rejeté.

Sur les conclusions au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

9. La commune de Bagnères-de-Bigorre n’étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions présentées par les consorts M…et D…sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Bagnères-de-Bigorre et par la Régie du Tourmalet sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400381 du 26 mai 2015 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : La demande et le surplus de la requête des consorts M…et D…sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions en appel en garantie présentées par la commune de Bagnères-de-Bigorre dirigé contre la régie du Tourmalet sont devenues sans objet.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Bagnères- Bigorre est rejeté.
Article 5 : L’appel incident des consorts M…et D…est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bagnères- Bigorre, à M. N…M…, à Mme K…D…, à Mme F…M…, à Mme A…M…, à M. O…M…, à Mme G…D…et à la régie du Tourmalet.
Délibéré après l’audience du 2 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 octobre 2017.
Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
2
N° 15BX02675

Route des gorges de l’Arly/ Ouvrage public exceptionnellement dangereux (non)…

CAA de LYON

N° 15LY02135   
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre – formation à 3
M. POMMIER, président
Mme Cécile COTTIER, rapporteur
Mme VIGIER-CARRIERE, rapporteur public
LALA-BOUALI, avocat

lecture du jeudi 28 septembre 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B…C…a demandé, le 9 octobre 2012, au tribunal administratif de Grenoble :
– de retenir la responsabilité du département de la Savoie pour l’accident dont il a été victime le 25 janvier 2012 sur la route départementale 1212 ;
– de condamner le département de la Savoie à réparer l’entier préjudice subi du fait de cet accident ;
– d’ordonner une expertise médicale afin d’évaluer son préjudice ;
– de condamner le département de la Savoie à lui verser une somme de 150 000 euros à titre de provision ;
– de condamner le département de la Savoie à lui verser une somme de 2 500 euros au titre l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche, représentant la CPAM de la Savoie, par mémoires des 26 août 2014 et 2 décembre 2014, a conclu à la condamnation du département de la Savoie à lui verser les sommes de 225 857,90 euros au titre des prestations versées et de 1 028 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1205313 du 23 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. C…et les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 juin 2015, M. C…représenté par Me D…demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 avril 2015 ;

2°) de condamner le département de la Savoie à réparer l’entier préjudice subi du fait de l’accident dont il a été victime le 25 janvier 2012 ;

3°) d’ordonner, avant de dire droit, une expertise médicale pour décrire les séquelles qu’il a subies suite à accident ;

4°) de condamner le département de la Savoie à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 150 000 euros à valoir sur l’indemnisation des conséquences dommageables de son préjudice ;

5°) de mettre à la charge du département de la Savoie une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le 25 janvier 2012, aux environs de 19H00, alors qu’il circulait sur la route départementale1212 en direction d’Albertville, le long des gorges de l’Arly, un rocher de 20 tonnes s’est décroché de la paroi et s’est écrasé sur son véhicule ; il a subi un traumatisme crânien et présente différentes séquelles ;
– la responsabilité sans faute du département de la Savoie est engagée dès lors qu’en l’espèce s’applique le régime de responsabilité au titre des risques créés par les ouvrages  » exceptionnellement dangereux  » ; lui est applicable la jurisprudence issue de la décision du Conseil d’Etat Sieur A…du 6 juillet 1973 sur les éboulements de falaise ; le risque pour les usagers doit apparaitre comme continu et atteindre un niveau de gravité apprécié par la fréquence des accidents ; la survenance de nombreux accidents et la récurrence des éboulements en quelques années sont des indices sérieux du caractère exceptionnellement dangereux de l’ouvrage ; ce caractère exceptionnellement dangereux au cas d’espèce est démontré par les nombreuses précautions prises par le département en matière de signalisation, de protection, et de sécurisation des lieux ; le secteur de l’accident constitue une zone à haut risque ; l’importance des investissements financiers consentis pour sécuriser la RD 1212 témoigne de la dangerosité de cette route et du caractère exceptionnel de cette dangerosité ; des éboulements récurrents se sont produits avant et après son accident ; en octobre 2013, la route a été fermée à raison d’un éboulement de 10m3 de pierres et un nouveau dispositif de sécurisation a été mis en place ; en janvier 2014, des roches sont tombées sur la route au  » Cliet  » ; la route a été fermée pendant plusieurs semaines en 2013 et 2014 ; il a subi un préjudice anormal et spécial ;
– à titre subsidiaire, la responsabilité du département est engagée pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage ; cet ouvrage est une zone à risque selon les documents internes de l’administration ; les mesures de sécurité prises postérieurement à son accident montrent que le département disposait des moyens pour sécuriser la voie ; la signalisation du risque de chute de pierres ne prévient pas les éboulements ; la prétendue surveillance des lieux n’a pas permis de prévenir les risques de chute de pierres sur cet axe routier fréquemment emprunté ; l’administration ne rapporte pas la preuve d’un entretien normal de l’ouvrage ; il ne s’agit pas d’un cas de force majeure, cet éboulement n’étant ni imprévisible ni irrésistible ; malgré sa prudence ; il ne pouvait éviter cet accident ;
– une expertise médicale doit être ordonnée pour évaluer ses séquelles et préjudices ;
– une provision de 150 000 euros est demandée sur l’indemnisation de ses préjudices ;

Par un mémoire enregistré le 4 novembre 2015, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche, représentant la CPAM de la Savoie, demande la condamnation du département de la Savoie à lui verser la somme de 308 636,36 euros au titre des débours engagés pour M. C…, la somme de 1 037 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, et à ce qu’il soit mis à sa charge la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :
– la responsabilité du département de la Savoie est engagée même en l’absence de faute dans la mesure où le tronçon de la route départementale 1212 sur lequel a eu lieu l’accident présentait à la date du fait dommageable un caractère exceptionnel dangereux ; les risques d’éboulement présentaient un degré de gravité élevé ; plusieurs éboulements ont eu lieu et le département a mis en place des travaux de renforcement de la falaise considérables ; la chute d’un rocher de 20 tonnes constitue un risque qui excède manifestement ce à quoi doit s’attendre tout automobiliste circulant sur une route de montagne ;
– la responsabilité du département de la Savoie est également engagée pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage public ; la route est une zone à risque à raison d’éboulements ; les travaux de renforcement postérieurs démontrent l’absence d’entretien préexistant à l’accident ;
– ont été servies à M. C…des prestations pour un montant de 308 636,36 euros ; ces prestations devront s’imputer sur les postes de dépenses de santé actuelles et pertes de gains professionnels ;
– elle a droit à l’indemnité forfaitaire de gestion ;

Par un mémoire enregistré le 23 décembre 2015, le département de la Savoie, représenté par Phelip et Associés, conclut au rejet de la requête de M.C…, à la confirmation du jugement du tribunal administratif et à titre subsidiaire à ce que l’indemnité provisionnelle doit être limitée à 2 000 euros. Il formule également des conclusions tendant à ce qu’il soit mis à la charge de M. C…la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de la sécurité sociale ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
– les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
– et les observations de Me Demesy, avocat, représentant le département de la Savoie.

1. Considérant que, le 25 janvier 2012, alors qu’il circulait, à hauteur du Pont de Flons, sur la route départementale 1212 en direction d’Albertville, M. C… a été victime d’un accident provoqué par la chute d’un rocher de vingt tonnes qui s’est détaché, à l’instant de son passage, de la paroi rocheuse surplombant la route et s’est écrasé sur son véhicule ; que M. C… a été gravement blessé ; qu’il a recherché devant le tribunal administratif de Grenoble la responsabilité du département de la Savoie en raison du caractère exceptionnellement dangereux de la voie dont ce département est maître d’ouvrage ; que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ainsi que les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche tendant au remboursement des débours exposés pour le compte de son assuré ; que M. C…interjette appel de ce jugement ; que, par la voie de l’appel incident, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche, représentant la CPAM de la Savoie, demande la condamnation du département de la Savoie à lui verser les sommes de 308 636,36 euros au titre de ses débours actuels et de 1 037 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue à l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur la responsabilité du département :

En ce qui concerne l’appel principal de M.C… :

2. Considérant, en premier lieu, qu’une collectivité publique peut en principe s’exonérer de la responsabilité qu’elle encourt à l’égard des usagers d’un ouvrage public victimes d’un dommage causé par l’ouvrage si elle apporte la preuve que ledit ouvrage a été normalement aménagé et entretenu ; que sa responsabilité ne peut être engagée à l’égard des usagers, même en l’absence de tout défaut d’aménagement ou d’entretien normal, que lorsque l’ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d’un ouvrage exceptionnellement dangereux ;

3. Considérant que pour démontrer la forte dangerosité de la RD 1112 et la gravité exceptionnelle des risques encourus par les usagers, M C… se prévaut en appel d’articles de presse relatant plusieurs éboulements survenus après son accident ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que les éboulements qui se sont produits en octobre 2013 ont eu lieu à proximité du tunnel des Cliets ; qu’il en va de même des risques d’éboulement observés en janvier 2014 ; qu’en l’absence de toute démonstration de la similitude de circonstances et de configuration des lieux pouvant exister entre ces éboulements et celui ayant causé l’accident dont il s’agit, le détachement de morceaux de roches au niveau du tunnel des Cliets ne saurait suffire à attester du caractère exceptionnellement dangereux de la portion de route où s’est produit l’accident dont a été victime M. C…à hauteur du pont de Flons ; qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’à la date du fait dommageable, le tronçon sur lequel est survenu l’accident subi par le requérant présentait les caractéristiques d’un ouvrage particulièrement dangereux dès lors qu’il n’est pas allégué que de tels éboulements à l’endroit de l’accident étaient constants et auraient provoqué d’autres accidents ; que les circonstances que le risque d’éboulement sur certaines portions de la RD 1112 était connu des services départementaux qui avaient entrepris depuis des années de sécuriser les lieux en confortant les roches, en installant des filets de protection et en signalant les zones les plus susceptibles d’éboulement et que le département de la Savoie a accru ses investissements consacrés aux travaux de protection après cet accident ne permettent pas non plus de faire regarder le tronçon routier en cause comme un ouvrage exceptionnellement dangereux de nature à engager la responsabilité de la personne publique envers M. C… ;

4. Considérant, en second lieu, que M. C…soutient désormais en appel que la responsabilité du département de la Savoie est également engagée, en sa qualité de maitre d’ouvrage, pour défaut d’entretien normal de cette route ; que le département fait valoir que cet accident s’est produit dans un secteur non classé parmi ceux présentant les risques d’éboulement les plus élevés ; qu’il précise que le secteur de l’accident a fait l’objet de travaux de sécurisation en 2007, antérieurement à l’accident, avec notamment la mise en place de filets de protection et d’ancrages de confortement ; qu’il indique également que des visites régulières sont effectuées par le personnel du territoire de développement local sur la zone des gorges de l’Arly, laquelle comprend le lieu de l’accident, et qu’une évaluation annuelle des dangers liés aux rochers présents sur cette zone est réalisée sous la forme d’une visite héliportée ; que le département précise encore que, le 25 janvier 2012, jour de l’accident, a eu lieu la tournée quotidienne de surveillance et que lors de ce contrôle et notamment suite au relevé de température ayant été réalisé 100 mètres en amont de la zone de l’accident, aucun phénomène anormal n’a été relevé ; que l’ensemble de ces éléments n’est pas contesté par M.C… ; qu’il est constant que des panneaux de signalisation de risques d’éboulis étaient présents sur cette route départementale et notamment à proximité de la zone de l’accident ; que même si, comme le fait valoir M. C…, ces panneaux ne sont pas de nature à empêcher les éboulis, ils signalaient correctement les dangers potentiels de chute de roches ; qu’ainsi, l’existence d’une surveillance régulière du tronçon de la route en cause et d’une signalisation appropriée avertissant les usagers du risque encouru d’éboulis et de chute de roches est suffisamment établie ; que, dans ces conditions, le département de la Savoie doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l’entretien normal de cette portion de la voie publique ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions relatives au défaut d’entretien normal, la responsabilité du département de la Savoie ne peut être engagée du fait de l’accident survenu à M. C… ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C…n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la responsabilité du département de la Savoie ainsi que par voie de conséquence ses conclusions présentées aux fins d’expertise et de versement d’une provision ;

En ce qui concerne les conclusions présentées pour la CPAM de la Savoie :

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en l’absence de responsabilité du département de la Savoie, les conclusions présentées pour la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie tendant à la condamnation dudit département au remboursement des frais engagés à la suite de l’accident subi par M. C… et au paiement de l’indemnité forfaitaire de l’article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du département de la Savoie qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que le requérant et la CPAM de la Savoie demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département de la Savoie sur le même fondement ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C…et les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Savoie au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B…C…, à la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie et au département de la Savoie.

Route de montagne/Entretien/ Police municipale/ Responsabilité administrative (fondement)

CAA de LYON

N° 16LY01297   
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre – formation à 3
M. d’HERVE, président
Mme Genevieve GONDOUIN, rapporteur
M. DURSAPT, rapporteur public
SCP DEYGAS-PERRACHON & ASSOCIES, avocat

lecture du jeudi 5 octobre 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association Jeunesse et Loisirs a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d’Arâches-la-Frasse à lui verser la somme de 244 783 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 août 2011, date de réception de sa demande préalable, avec capitalisation des intérêts.

Par le jugement n° 1201578 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise et réservé jusqu’à la fin de l’instance tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n’est pas statué.

Par le jugement n° 1201578 du 9 février 2016, le tribunal administratif a rejeté la requête de l’association Jeunesse et Loisirs et mis à sa charge les frais d’expertise liquidés et taxés à la somme de 4 594,61 euros.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement les 8 avril et 30 août 2016, et le 5 avril 2017, l’association Jeunesse et Loisirs représentée par Me A… demande à la cour :

1°) d’annuler ces jugements du tribunal administratif de Grenoble des 12 mai 2015 et 9 février 2016 ;
2°) de condamner la commune d’Arâches-la-Frasse à lui verser les sommes de 90 000 euros au titre de son préjudice financier et de 50 000 euros au titre du préjudice subi dans ses conditions d’exploitation, soit la somme globale de 140 000 euros à parfaire, outre les intérêts de droit à compter de la demande préalable du 27 juin 2011 dont il a été accusé réception le 4 août 2011 ;

3°) de condamner la commune d’Arâches-la-Frasse à lui verser la somme correspondant aux frais de l’expertise taxés et liquidés à 4 594,61 euros au titre de l’article R. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de la commune d’Arâches-la-Frasse la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

L’association soutient que :
– c’est à tort que le tribunal administratif a jugé que la commune n’avait pas été défaillante dans l’entretien de la route du Pontet qui dessert son centre de loisirs ; les travaux réalisés par la commune sont de trop faible ampleur par rapport à ce qui est nécessaire à l’usage normal de la voie ;
– l’arrêté du 28 juin 2005 interdisant de façon permanente aux véhicules de plus de 10 tonnes l’accès à la route à partir du km 300 est illégal en ce que la mesure d’interdiction est disproportionnée ; la commune aurait pu limiter l’interdiction aux seuls véhicules de plus de 15 tonnes ;
– le jugement avant-dire droit rendu le 12 mai 2015 a retenu que cette situation lui avait causé un préjudice revêtant un caractère spécial ; elle a, en effet, été la seule à devoir s’adapter aux interdictions édictées ;
– son préjudice est caractérisé, puisqu’elle a dû s’organiser pour acheminer les groupes ;
– elle a informé la commune, bien avant le 27 juin 2011, de l’existence d’un préjudice causé par l’arrêté litigieux du 28 juin 2005 ; ce n’est qu’à l’issue de nombreux échanges infructueux et de coûts supportés, qu’elle a engagé une action en réparation.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 26 juillet et le 7 novembre 2016, la commune d’Arâches-la-Frasse représentée par Me B…, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de l’association Jeunesse et Loisirs ;

2°) de mettre à la charge de l’association requérante la somme de 4 000 euros à lui verser en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :
– l’obligation d’entretien de la voirie ne correspond en aucun cas à la rénovation intégrale d’une route ; des travaux de plusieurs milliers d’euros ont été effectués sur la route du Pontet jusqu’en 2015 ; l’association requérante ne peut discuter des choix budgétaires de la commune, surtout lorsque ses demandes sont injustifiées ;
– un défaut d’entretien normal ne peut engager la responsabilité de la commune que s’il existe un lien direct entre l’ouvrage et le dommage ; l’association requérante ne peut rechercher sa responsabilité pour le dommage subi en fondant celle-ci sur le défaut d’entretien normal de l’ouvrage puisqu’il n’y a qu’un lien de causalité indirect entre l’ouvrage et le dommage ;

– si le refus d’exécuter des travaux sur une voie communale peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, le présent contentieux porte sur la responsabilité de la commune du fait d’une carence supposée dans l’entretien de la voie ; en l’espèce, le maire pouvait prendre une mesure de police pour limiter les risques liés à l’état de la voie, sans que puisse lui être reprochée l’absence de travaux permettant la levée de cette mesure ;
– c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l’arrêté municipal du 28 juin 2005, qui répond aux exigences de la sécurité publique, n’était ni disproportionné, ni injustifié ; en particulier les seuls véhicules de plus de 10 tonnes empruntant la voie sont ceux qui transportent des enfants, leur sécurité doit être assurée ;
– le préjudice subi par l’association requérante n’est ni grave, ni anormal ;
– d’ailleurs l’association n’établit pas sérieusement le préjudice qu’elle allègue ;
– si la cour décidait toutefois de retenir certaines des sommes demandées par l’association requérante, il conviendrait de faire application de la prescription quadriennale ; le recours a été introduit devant le tribunal administratif le 16 mars 2012, sont donc prescrits l’ensemble des frais allégués générés jusqu’au 31 décembre 2007.

La commune a également produit deux mémoires qui ont été enregistrés le 18 juillet et le 8 septembre 2017 et n’ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
– le code de la voirie routière ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Gondouin,
– les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
– et les observations de Me A… représentant l’association Jeunesse et Loisirs et de Me B… représentant la commune d’Arâches-la-Frasse ;

1. Considérant que, par un arrêté du 28 juin 2005, le maire d’Arâches-la-Frasse a interdit de façon permanente aux véhicules de plus de 10 tonnes de circuler sur la route du Pontet, à compter du point kilométrique 300 ; que cette interdiction ne s’applique ni aux véhicules transportant des denrées alimentaires, du carburant, du gaz, du sel de déneigement, ni aux véhicules assurant une mission de service public ; que l’association Jeunesse et Loisirs qui exploite toute l’année le centre  » Les Chamois « , où elle accueille des groupes d’enfants et des stages de formation à l’encadrement, a été affectée par cet arrêté en ce qu’il interdit aux cars de circuler sur la portion de la route menant au centre ; qu’après avoir, en vain, demandé réparation à la commune d’Arâches-la-Frasse pour le préjudice subi, elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble ; que, par un jugement du 12 mai 2015, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de l’association tendant à ce que soit retenue la responsabilité pour faute de la commune, a jugé, sur le fondement de la rupture de l’égalité devant les charges publiques, que l’interdiction de circulation aux véhicules de plus de 10 tonnes avait causé à l’association un préjudice spécial et ordonné une mesure d’expertise pour déterminer la gravité de celui-ci ; qu’après le dépôt du rapport d’expertise le 27 novembre 2015, le tribunal administratif a rejeté la demande de l’association requérante par un jugement du 9 février 2016 ; que l’association Jeunesse et Loisirs relève appel de ces deux jugements ;
Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune :

2. Considérant, en premier lieu, que l’obligation d’entretien des voies communales imposée aux communes par le 20° de l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales et l’article L. 141-8 du code de la voirie routière ne s’étend pas aux travaux d’amélioration et d’élargissement de ces voies ;
3. Considérant que l’association requérante soutient que la route du Pontet qui dessert le centre  » Les Chamois « , lui appartenant et ouvert à l’année, est soumise à des problèmes de drainage et d’évacuation des eaux de ruissellement et qu’elle n’est pas entretenue correctement, ce qui la rend difficilement praticable par endroits, voire dangereuse ; qu’il résulte de l’instruction que cette voie communale située à plus de 1 000 mètres d’altitude, d’une longueur de 2,6 kilomètres et très sinueuse, a fait l’objet au moins depuis 1989 de plusieurs arrêtés municipaux limitant la circulation des véhicules les plus lourds, notamment en raison des risques d’instabilité de la voie ; que la commune d’Arâches-la-Frasse justifie de la réalisation de travaux sur cette route, avant comme après l’arrêté litigieux du 28 juin 2005, pour plusieurs centaines de milliers d’euros ; que les dégradations relevées par l’association requérante, qui n’engage pas la responsabilité de la commune du fait d’un accident dû au défaut d’entretien normal de la route du Pontet, ne sont pas suffisantes pour établir en l’espèce que la commune a manqué à son obligation d’entretien de cette voie ; que, dès lors, l’association Jeunesse et Loisirs n’est pas fondée à demander réparation pour la faute que la commune d’Arâches-la-Frasse aurait commise du fait de sa carence dans l’entretien de la voie communale du Pontet ;
4. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales :  » La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (…)  » ; que l’article R. 141-3 du code de la voirie routière prévoit que :  » Le maire peut interdire d’une manière temporaire ou permanente l’usage de tout ou partie du réseau des voies communales aux catégories de véhicules dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces voies, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d’art  » ;
5. Considérant qu’à la suite du rapport du bureau d’études géologiques Géo Arve concluant  » qu’il est souhaitable de limiter l’accès de la route du Pontet aux véhicules de moins de 15 tonnes  » (2002), le maire de la commune d’Arâches-la-Frasse a pris le 25 février 2003 un arrêté interdisant sur la route du Pontet menant au centre  » Les Chamois « , et lors des périodes de dégel, la circulation des véhicules, dont les autobus, d’un poids total autorisé en charge de plus de 10 tonnes ; qu’il n’est pas contesté que l’étude de stabilité de la route du Pontet réalisée par le bureau Géo Arve et les études postérieures ont confirmé une instabilité potentielle générale de la route au regard du contexte géologique et géotechnique, notamment en cas de fortes pluies ou de dégel prolongé sur la dernière partie de la route communale menant jusqu’au centre des Chamois ; que, par l’arrêté contesté du 28 juin 2005, le maire a interdit la circulation à partir du point kilométrique 300 durant toute l’année des véhicules d’un tonnage supérieur à 10 tonnes ; que l’étude réalisée en 2015 par le bureau Géolithe préconise le maintien de l’interdiction pour les véhicules de plus de 10 tonnes, compte tenu du risque de glissement et d’effondrement du bord de chaussée ; que, comme l’ont relevé à bon droit les premiers juges, une telle restriction de circulation sur une route de montagne afin de garantir la préservation de l’ouvrage et la sécurité des usagers n’apparaît pas disproportionnée ; que la circonstance que des véhicules de plus de 10 tonnes, en particulier des engins de chantier, aient pu emprunter la route du Pontet ou que d’autres voies équivalentes à celle du Pontet ne soient pas frappées de telles interdictions de circulation reste sans incidence sur la légalité de l’arrêté litigieux ; que, par suite, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté du 28 juin 2005 est entaché d’une illégalité fautive de nature à lui ouvrir droit à indemnité ;
En ce qui concerne la responsabilité de la commune sur le fondement du principe d’égalité devant les charges publiques :
6. Considérant que les mesures légalement prises, dans l’intérêt général, par les autorités de police peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement du principe de l’égalité devant les charges publiques au profit des personnes qui, du fait de leur application, subissent un préjudice anormal, grave et spécial ;

7. Considérant que, comme l’ont relevé à bon droit les premiers juges, l’arrêté du maire de la commune d’Arâches-la-Frasse du 28 juin 2005 qui a interdit durant toute l’année la circulation aux véhicules de plus de 10 tonnes sur la route du Pontet, à partir du point kilométrique 300, qui constitue la seule voie de desserte de l’ensemble immobilier appartenant à l’association Jeunesse et Loisirs, a causé à cette dernière un préjudice spécial ; que, pour contester le jugement qui a retenu que son préjudice ne revêtait pas un caractère anormal, l’association requérante soutient essentiellement que c’est à tort que l’expert puis le tribunal administratif, n’ont pas retenu, dans l’évaluation de son préjudice, une quote-part du salaire du directeur qui a fait fonction de conducteur dès l’année 2005 ; que, toutefois, l’association Jeunesse et Loisirs n’a justifié d’aucune charge supplémentaire de personnel pour la conduite du bus jusqu’en 2007, ni d’ailleurs pour toute autre tâche que le directeur n’aurait pu accomplir du fait de la contrainte d’assurer lui-même des trajets du bus ; que ce n’est qu’à compter du 1er janvier 2008 qu’un conducteur à temps partiel a été embauché, ce dont l’expert et le tribunal ont tenu compte ; que si l’association évoque des problèmes de réorganisation du fait de l’arrêté litigieux, elle n’établit pas que l’expert et le tribunal n’auraient pas pris en compte ces différents aspects pour l’évaluation de son préjudice ; que, par suite, elle n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le jugement attaqué du 9 février 2016 a rejeté sa demande au motif que le préjudice subi, évalué à un montant annuel de 705 euros, ne revêtait pas un caractère anormal, excédant une charge de fonctionnement lui incombant normalement ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’exception de prescription quadriennale opposée par la commune, que l’association Jeunesse et Loisirs n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative :  » Les dépens comprennent les frais d’expertise, d’enquête et de toute autre mesure d’instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l’Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties./ L’Etat peut être condamné aux dépens  » ; que l’association Jeunesse et Loisirs étant en l’espèce partie perdante, ses conclusions tendant à ce que la commune d’Arâches-la-Frasse soit condamnée à lui verser la somme des frais de l’expertise taxés et liquidés à 4 594,61 euros au titre de ces dispositions du code de justice administrative doivent être rejetées ;
10. Considérant, en second lieu, que la commune n’étant pas partie perdante, les conclusions présentées par l’association Jeunesse et Loisirs sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’association requérante une somme à verser à la commune d’Arâches-la-Frasse au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l’association Jeunesse et Loisirs est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Jeunesse et Loisirs et à la commune d’Arâches-la-Frasse.
Délibéré après l’audience du 14 septembre 2017 où siégeaient :
M. d’Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 octobre 2017.
3
N° 16LY01297

Accident sur site d’escalade (Vingrau)/ « Conventionnement FFME »/ Responsabilité de la commune (non)

CAA de MARSEILLE

 

N° 17MA00606

Inédit au recueil Lebon

6ème chambre – formation à 3

Mme CARTHE-MAZERES, président

Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, rapporteur

  1. THIELÉ, rapporteur public

SCP HENRY-CHICHET-PAILLES-GARIDOU, avocat

 

 

lecture du lundi 9 octobre 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

 

Procédure contentieuse antérieure :

 

La Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME) et la société anonyme Allianz Iard ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Vingrau à prendre à sa charge et de les relever de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit de M. B… et de Mme F….

 

Par un jugement n° 1502147 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

 

 

Procédure devant la Cour :

 

Par une requête, enregistrée le 13 février 2017, la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard, représentées par Me C…, demandent à la Cour :

 

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

 

 

 

 

 

2°) de condamner la commune de Vingrau à prendre à sa charge toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, dont la somme de 1 181 767,06 euros ;

 

3°) de mettre à la charge de la commune de Vingrau une somme de 2 000 euros à leur verser au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Elles soutiennent que :

– la commune de Vingrau est responsable des préjudices subis par M. B… et Mme F… ;

– la commune a méconnu les articles 12 et 13 de la convention d’usage du 7 juillet 1990 en intervenant sur le site et en procédant à des travaux publics portant sur la purge des sites du fait de risques d’éboulement.

 

 

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2017, la commune de Vingrau, représentée par Me E…, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de chacune de la FFME et de la compagnie d’assurances Allianz Iard au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

 

Elle soutient que :

– aucune faute en relation directe avec l’accident n’est rapportée ;

– elle n’a jamais participé à l’entretien du site objet de la convention signée avec la FFME ;

– une convention de gestion et d’entretien du site a été conclue, postérieurement à l’accident, le 17 octobre 2011 avec la communauté de communes Agly-Fenouillèdes.

Une ordonnance du 16 mai 2017 a fixé la clôture de l’instruction au 6 juin 2017.

 

 

Un mémoire, présenté pour la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard, enregistré le 1er juin 2017, n’a pas été communiqué.

 

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

 

Vu :

– le code civil ;

– le code de justice administrative.

 

 

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

 

 

 

 

 

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme G… Steinmetz-Schies, président-assesseur ;

– les conclusions de M.D… Thiele, rapporteur public ;

– les observations de Me C… représentant la Fédération française de la montagne et de l’escalade et la compagnie d’assurances Allianz Iard, et de Me A… représentant la commune de Vingrau.

 

 

 

 

  1. Considérant que par une convention d’usage signée le 7 juillet 1990, la commune de Vingrau a confié à la Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME) l’exploitation d’un site d’escalade sur son territoire ; que le 3 avril 2010, M. B…, guide de haute montagne et sa compagne, Mme F…, qui évoluaient sur ce site ont été victimes d’un grave accident résultant de la chute soudaine d’un bloc rocheux sur lequel M. B… avait effectué une prise ; que M. B… a été victime de plusieurs fractures, et sa compagne, sur laquelle le rocher était retombé, a subi un traumatisme crânien et de graves blessures au niveau du bras droit nécessitant son amputation ; qu’ils ont assigné la FFME et son assureur, la compagnie d’assurances Allianz Iard, devant le tribunal de grande instance de Toulouse pour avoir réparation des préjudices subis ; que par jugement du 14 avril 2016 cette juridiction a condamné la FFME et la compagnie Allianz Iard à payer à M. B… et Mme F… la somme de 1 181 767,06 euros ; que la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard relèvent appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à ce que la commune de Vingrau soit déclarée responsable et prenne à sa charge toutes les conséquences dommageables de l’accident dont ont été victimes M. B… et Mme F… ;

 

 

 

 

  1. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’une convention portant  » autorisation d’usage de terrains en vue de la pratique de l’escalade  » a été conclue entre la commune de Vingrau et la FFME le 7 juillet 1990 ; que son article 4 dispose que  » (…) La FFME sera, au cours de la durée de la convention, responsable de l’entretien et du maintien en l’état du site et des biens mis à la disposition des personnes pratiquant l’escalade.  » ; que l’article 12 de cette même convention dispose que :  » le propriétaire confie par les présentes à la FFME, qui accepte, la garde du site et des biens visés par la présente convention. La FFME s’engage à entretenir le site visé par la présente convention en bon état et à veiller à la sécurité des usagers et des tiers « , et enfin que l’article 13 relatif aux responsabilités du propriétaire prévoit que  » le propriétaire et son personnel s’abstiendront de toute intervention susceptible de modifier les conditions de sécurité sur le site visé par la présente convention sans avoir au préalable recherché et obtenu l’accord de la FFME  » ;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. Considérant que la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard, pour établir un manquement aux obligations contractuelles de la commune de Vingrau, font valoir que celle-ci est intervenue sur le site d’escalade  » route de la Grimpe  » afin d’y effectuer certains travaux, en méconnaissance des articles précités ; qu’elles produisent, d’une part, le compte rendu de pilotage n° 3 du pôle d’excellence rurale du 3 juillet 2009 établi par la communauté de communes Agli-Fenouillèdes indiquant que des travaux ont commencé en mars 2007 sur les sites d’escalade, dont la route de la Grimpe avec l’aménagement de voies d’escalade, l’aménagement d’une via ferrata, la signalisation sur sites et la réalisation de topoguides d’escalade, et d’autre part, un dossier de récolement pour la route de la Grimpe portant création et entretien de sites d’escalade (lot 1) ; que toutefois, ces documents émanent de la communauté de communes et ne font état que des activités de cet établissement public intercommunal ; qu’en outre une convention de gestion et d’entretien du site signée le 17 octobre 2011 par la communauté de communes et la commune de Vingrau n’est intervenue que postérieurement à l’accident ; que par suite, ces documents n’établissent pas une intervention de la commune de Vingrau sur le site d’escalade ; qu’en tout état de cause, les appelantes n’établissent pas, ni même n’allèguent, que ces activités, qui avaient précisément pour objet d’améliorer la sécurité des voies d’escalade, notamment en purgeant ces dernières des blocs rocheux instables, auraient pu contribuer, à l’inverse, au détachement du bloc ayant causé l’accident ;

 

 

  1. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Vingrau, les conclusions de la FFME et de la compagnie d’assurances Allianz Iard à l’encontre de cette commune, qui sont mal dirigées et n’établissent pas, en tout état de cause, un lien de causalité entre les activités dénoncées et les dommages doivent être rejetées ; que, par suite, la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité de la commune de Vingrau dans l’accident dont ont été victimes M. B… et Mme F… ;

 

 

  1. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes ;

 

 

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

 

  1. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle que soit mise à la charge de la commune de Vingrau, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la FFME et la compagnie d’assurances Allianz Iard ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la FFME et de la compagnie d’assurances Allianz Iard, le versement chacune d’une somme de 1 000 euros à la commune de Vingrau ;

 

 

 

 

 

 

 

D É C I D E :

 

 

 

Article 1er : La requête de la Fédération française de la montagne et de l’escalade et de la compagnie d’assurances Allianz Iard est rejetée.

 

Article 2 : La Fédération française de la montagne et de l’escalade et la compagnie d’assurances Allianz Iard verseront chacune une somme de 1 000 euros à la commune de Vingrau au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération française de la montagne et de l’escalade, à la compagnie d’assurances Allianz Iard et à la commune de Vingrau.