CAA de BORDEAUX
N° 16BX00182, 16BX03976, 17BX00788
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. DE MALAFOSSE, président
M. Laurent POUGET L., rapporteur
M. de la TAILLE LOLAINVILLE, rapporteur public
CABINET NICOROSI, avocat
lecture du mardi 10 avril 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d’économie mixte de Peyragudes (SEMAP) a demandé successivement au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations foncières des entreprises qui lui ont été réclamées au titre des années 2012, puis 2013.
Par un premier jugement du 17 novembre 2015, n° 1401678, le tribunal administratif de Pau, s’agissant de l’année 2012, a constaté un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 38 760 euros et a rejeté le surplus de sa demande. Par un second jugement du 11 octobre 2016, n° 1501726, portant sur l’année 2013, le tribunal administratif de Pau a constaté un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 42 330 euros et a accordé à la société une réduction, à concurrence de 12 831 euros, de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie.
Procédure devant la cour :
I) Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2016 sous le n° 16BX00182, et des mémoires enregistrés les 28 juillet 2016, 29 novembre 2017 et 30 janvier 2018, la SEMAP demande à la cour :
1°) d’annuler les articles 1er et 3 du jugement n° 1401678 du 17 novembre 2015 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de faire intégralement droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– le tribunal n’a pas analysé son mémoire produit le 27 octobre 2015 et a omis de statuer sur le moyen qu’elle soulevait en demandant que seul le génie civil des gares amont et aval du télésiège » Privilège « , ainsi que les études et plans y afférents, soient pris en compte pour le calcul de la taxe ;
– le dégrèvement obtenu au titre de la contribution économique territoriale (CET) ne peut s’analyser comme une réduction en droit de la cotisation foncière des entreprises (CFE), s’agissant de deux impositions distinctes ; c’est une modalité de paiement et non une compensation ; l’article L. 203 du livre des procédures fiscales ne trouve pas à s’appliquer, car cela reviendrait à méconnaître la procédure de reprise prévue à l’article 1647 B sexies V du code général des impôts ;
– aussi, la somme versée en excédent au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale à la suite de l’octroi d’un dégrèvement de cotisation foncière des entreprises doit être constatée par un avis de mise en recouvrement avant d’être éventuellement déduite du montant à verser au redevable au titre du dégrèvement ; au cas d’espèce, aucun avis de mise en recouvrement n’a été adressé aux fins de remettre en cause le dégrèvement ; aussi, c’est à tort que le tribunal a constaté un non-lieu à statuer partiel ;
– s’agissant du télésiège » Sérias « , elle a démontré la faible dimension des dés de bétons sur lesquels sont fixés les pylônes et leur coût de réalisation limité, de sorte qu’il convient d’exclure leur coût du prix de revient à retenir pour la détermination de la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière ; le surcoût liés aux moyens mis en oeuvre pour la mise en place des socles ne saurait être pris en compte ;
– il en va de même s’agissant du télésiège » Privilège » ;
– seuls les ouvrages en maçonnerie des gares des deux télésièges présentent le caractère de véritables constructions passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; les frais d’études doivent être retenus pour leur seule part afférente au génie civil taxable ; les prix de revient taxables à prendre en compte s’élèvent donc à 167 112 euros pour le télésiège » Sérias » et à 86 381 euros pour le télésiège » Privilège « .
Par des mémoires enregistrés les 11 juillet 2016, 28 septembre 2017, 3 janvier 2018 et 13 février 2018, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
– l’application des articles 1447-0 et 1647 B sexies du code général des impôts conduit à une compensation entre le dégrèvement au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale et le montant de la cotisation foncière des entreprises ; les dispositions de l’article 1647 sexies B n’imposent pas l’émission d’un avis de mise en recouvrement ; le dégrèvement au titre du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée s’impute directement sur le montant de la CFE, seule imposition émise ; il ne s’agit pas d’un reversement de sommes indûment restituées ; les dispositions des articles L. 203 et R. 203 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à la compensation entre la CFE et un dégrèvement obtenu et restitué au titre du plafonnement de la CET, ces impositions n’étant pas de nature différente ; le mode opératoire suivi par l’administration n’a laissé subsister aucun excédent d’imposition à la charge de la requérante ;
– les socles en béton sur lesquels sont fixés les gares et les pylônes, de grande dimension et dont la réalisation a nécessité un enfouissement profond et la mise en oeuvre de moyens matériels et financiers importants, sont des constructions véritables ; la structure la plus complexe de ces éléments est enterrée et ils sont destinés à rester perpétuellement à demeure.
Par une ordonnance en date du 30 janvier 2018, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 15 février 2018 à 12 heures.
Par un courrier en date du 16 février 2018, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d’office un moyen d’ordre public.
Le ministre de l’action et des comptes publics a répondu à ce moyen d’ordre public par un mémoire enregistré le 28 février 2018.
II) Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2016 sous le n° 16BX03976, et des mémoires enregistrés les 21 août et 29 novembre 2017, la SEMAP demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016 du tribunal administratif de Pau en ce qu’il n’a pas fait intégralement droit à sa demande ;
2°) de réduire en conséquence de 51 252 euros le montant de la cotisation de contribution foncière des entreprises qui lui a été assignée au titre de l’année 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
– le dégrèvement obtenu au titre de la contribution économique territoriale ne peut s’analyser comme une réduction en droit de la cotisation foncière des entreprises, s’agissant de deux impositions distinctes ; c’est une modalité de paiement et non une compensation ; l’administration fiscale a pratiqué une compensation implicite ; or, l’article L. 203 du livre des procédures fiscales ne trouve pas à s’appliquer, car cela reviendrait à méconnaître la procédure de reprise prévue à l’article 1647 B sexies V du code général des impôts ;
– aussi, la somme versée en excédent au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale à la suite de l’octroi d’un dégrèvement de cotisation foncière des entreprises doit être constatée par un avis de mise en recouvrement avant d’être éventuellement déduite du montant à verser au redevable au titre du dégrèvement ; au cas d’espèce, aucun avis de mise en recouvrement n’a été adressé aux fins de remettre en cause le dégrèvement ; aussi, c’est à tort que le tribunal a constaté un non-lieu à statuer partiel.
Par des mémoires enregistrés les 31 mai 2017, 28 septembre 2017 et 3 janvier 2018, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
– l’application des articles 1447-0 et 1647 B sexies du code général des impôts conduit à une compensation entre le dégrèvement au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale et le montant de la cotisation foncière des entreprises ; les dispositions de l’article 1647 sexies B n’imposent pas l’émission d’un avis de mise en recouvrement ; le dégrèvement au titre du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée s’impute directement sur le montant de la CFE, seule imposition émise ; il ne s’agit pas d’un reversement de sommes indûment restituées ; les dispositions des articles L. 203 et R. 203 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à la compensation entre la CFE et un dégrèvement obtenu et restitué au titre du plafonnement de la CET, ces impositions n’étant pas de nature différente ; le mode opératoire suivi par l’administration n’a laissé subsister aucun excédent d’imposition à la charge de la requérante.
Par une ordonnance en date du 3 janvier 2018, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 31 janvier 2018 à 12 heures.
III) Par un recours enregistré le 15 mars 2017 sous le n° 17BX00788 et des mémoires complémentaires enregistrés les 28 septembre 2017 et 3 janvier 2018, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour d’annuler les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Pau n° 1501726 du 11 octobre 2016, et de remettre à la charge de la SEMAP la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2013.
Il soutient que :
– conformément aux dispositions du décret n° 2016-1099 du 11 août 2016, le greffe du tribunal administratif de Pau aurait dû notifier le jugement au pôle fiscal juridictionnel départemental ; dès lors, la notification faite à la direction départementale des finances publiques des Hautes-Pyrénées ne lui est pas opposable ; seule la notification faite le 24 novembre 2016 au pôle juridictionnel a pu faire courir le délai d’appel ; le recours n’est donc pas tardif ;
– l’application des articles 1447-0 et 1647 B sexies du code général des impôts conduit à une compensation entre le dégrèvement au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale et le montant de la contribution de la cotisation foncière des entreprises ; les dispositions de l’article 1647 sexies B n’imposent pas l’émission d’un avis de mise en recouvrement ; le dégrèvement au titre du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée s’impute directement sur le montant de la CFE, seule imposition émise ; il ne s’agit pas d’un reversement de sommes indûment restituées ; le mode opératoire suivi par l’administration n’a laissé subsister aucune imposition indue à la charge de la société ;
– les socles en béton sur lesquels sont fixés les gares et les pylônes, de grande dimension et dont la réalisation a nécessité des enfouissements profonds et des moyens matériels et financiers importants, sont des constructions véritables ; la structure la plus complexe de ces éléments est enterrée et ils sont destinés à rester perpétuellement à demeure.
Par des mémoires enregistrés les 30 juin 2017, 19 novembre 2017 et 30 janvier 2018, la SEMAP conclut au rejet du recours et demande que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– le recours du ministre est tardif et donc irrecevable ; les dispositions de l’article R. 200-4 du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables ; c’est à juste titre, en vertu de l’article R. 280-18 du livre des procédures fiscales, que le jugement a été notifié le 14 octobre 2016 à la direction des finances publiques des Hautes-Pyrénées, qui a suivi l’affaire ;
– s’agissant du télésiège » Sérias « , la SEMAP a démontré la faible dimension des dés de bétons sur lesquels sont fixés les pylônes et leur coût de réalisation limité, de sorte qu’il convient d’exclure leur coût du prix de revient à retenir pour la détermination de la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière ; le surcoût liés aux moyens mis en oeuvre pour la mise en place des socles ne saurait être pris en compte ;
– il en va de même s’agissant du télésiège » Privilège » ;
– seuls les ouvrages en maçonnerie des gares des deux télésièges présentent le caractère de véritables constructions passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; les études doivent être retenues pour leur seule part afférente au génie civile taxable ; les prix de revient taxables à prendre en compte s’élèvent donc à 167 112 euros pour le télésiège » Sérias » et à 86 381 euros pour le télésiège » Privilège « .
Un mémoire présenté par le ministre de l’action et des comptes publics le 13 février 2018, qui se borne à confirmer ses précédentes écritures, n’a pas été communiqué.
Par une ordonnance en date du 30 janvier 2018, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 15 février 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Laurent Pouget,
– les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
– et les observations de MeA…, représentant la SEMAP.
Considérant ce qui suit :
1. La société d’économie mixte de Peyragudes (SEMAP), concessionnaire du domaine skiable de Peyresourde-Les-Agudes, a été imposée à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2012 et 2013 à partir des déclarations qu’elle avait déposées. Il en est résulté des impositions d’un montant de 120 585 euros pour 2012 et de 124 125 euros pour 2013. La SEMAP a toutefois obtenu, pour chacune des années considérées, des dégrèvements au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. En revanche, les réclamations de la SEMAP tendant à ce qu’il soit tenu compte d’une moindre valeur locative en ce qui concerne deux télésièges de son domaine ont fait l’objet de décisions de rejet de la part du service, contestées par la société devant le tribunal administratif de Pau. La SEMAP relève appel, sous le n° 16BX00182, du jugement n° 1401678 du 17 novembre 2015 par lequel ce tribunal a, d’une part, constaté un non-lieu à statuer à hauteur d’un dégrèvement prononcé par l’administration et a, d’autre part, rejeté pour le surplus sa demande tendant à la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de 2012. Sous le n° 16BX03976, la société relève appel du jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016 en ce que celui-ci n’a pas fait intégralement droit à ses conclusions à fin de décharge de la cotisation foncière des entreprises établie au titre de l’année 2013. Enfin, sous le n° 17BX00788, le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce même jugement en tant que celui-ci a accordé à la SEMAP une réduction partielle de la cotisation foncière des entreprises qui lui a été assignée au titre de 2013 et a mis à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
2. Les requêtes n° 16BX00182 et 16BX03976 ainsi que le recours n° 17BX00788 présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l’étendue du litige en appel au titre de 2012 :
3. Par décision du 12 novembre 2015, qui n’a pas été produite devant le tribunal avant la clôture de l’instruction, l’administration a dégrevé la SEMAP de ses cotisations foncières pour 2012 à hauteur de 39 484 euros. Par suite, les conclusions de la SEMAP relatives à la cotisation foncière des entreprises au titre de l’année 2012 sont devenues sans objet à concurrence de ce montant. Dans cette mesure, il n’y a pas lieu pour la cour d’y statuer.
Sur la recevabilité du recours du ministre au titre de 2013 :
4. Selon l’article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : » A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques (…) qui a suivi l’affaire, celui-ci dispose d’un délai de deux mois pour transmettre, s’il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d’appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l’alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre « . Aux termes de l’article R. 200-4 du même livre, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1099 du 11 août 2016, applicable à compter du 1er septembre 2016 : » Les notifications et communications faites à l’administration sont adressées par le tribunal administratif au directeur compétent en application du 1° bis du I de l’article 408 de l’annexe II au code général des impôts (…) « . Aux termes de l’article 408 de l’annexe II au code général des impôts, dans sa version applicable à la même date : » (…) 1° bis. Le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel est situé le siège du tribunal administratif (…) a seul pouvoir de soumettre d’office au tribunal administratif les réclamations contentieuses mentionnées à l’article L. 190 du livre des procédures fiscales, de représenter l’Etat devant le tribunal administratif dans les instances engagées à la suite de ces réclamations (…) « .
5. Il résulte de ces dispositions que doit être regardé comme le service qui a suivi l’affaire au sens des dispositions précitées de l’article R. 200-18 du livre des procédures fiscales la direction départementale ou, le cas échéant, régionale des finances publiques du département dans lequel est situé le siège du tribunal administratif, qui avait qualité pour représenter l’Etat devant le tribunal administratif. Seule la notification du jugement à cette direction est de nature à faire courir le délai de transmission du jugement et du dossier au ministre puis le délai d’appel imparti au ministre.
6. Le siège du tribunal administratif de Pau étant situé dans le département des Pyrénées-Atlantiques, la notification initiale du jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016, statuant sur la contribution foncière des entreprises due par la SEMAP au titre de l’année 2013, au directeur départemental des finances publiques des Hautes-Pyrénées ne peut être regardée comme ayant été régulière. Elle n’est donc de nature à avoir fait courir ni le délai de transmission du jugement et du dossier au ministre ni le délai d’appel imparti au ministre. Ce n’est que le 24 novembre 2016 que le jugement a été régulièrement notifié au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques, déclenchant ainsi le délai de recours. Par suite, le délai fixé par l’article R. 200-18 du livre des procédures fiscales n’était pas venu à expiration à la date à laquelle le recours du ministre a été enregistré au greffe de la cour administrative d’appel de Bordeaux, le 15 mars 2017.
7. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par la SEMAP sur le fondement de l’article R. 200-18 du livre des procédures fiscales au recours du ministre présenté au titre de 2013 ne peut être accueillie.
Sur la régularité des jugements attaqués :
En ce qui concerne l’étendue des litiges en première instance :
8. Si, s’agissant de l’année 2012, le tribunal a prononcé, par le jugement n° 1401678 du 17 novembre 2015, un non-lieu à statuer partiel, l’administration n’avait pourtant justifié devant lui, avant la clôture de l’instruction, d’aucune décision de dégrèvement qui serait intervenue en cours d’instance. Par suite le tribunal n’a pu, sans commettre d’irrégularité, regarder les conclusions de première instance de la SEMAP comme étant partiellement devenues sans objet. Dès lors, l’article 1er du jugement attaqué prononçant ce non-lieu partiel doit être annulé. Il y a lieu d’évoquer les conclusions correspondantes.
9. S’agissant de l’année 2013, c’est à juste titre et sans commettre d’irrégularité, contrairement à ce que prétend la SEMAP, que le tribunal, par le jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016, a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de 42 330 euros compte tenu du dégrèvement intervenu en cours de procédure et dûment justifié.
En ce qui concerne l’omission à statuer invoquée :
10. La société requérante soutient que le tribunal n’a pas analysé son mémoire produit le 27 octobre 2015 dans l’instance n° 1401678 et a omis de statuer sur son argumentation tendant à ce que seuls entrent dans le calcul pour la détermination de la base d’imposition à la cotisation foncière des entreprises les coûts des prestations de génie civil et d’études afférentes aux gares d’arrivée et de départ des télésièges. Toutefois, le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à chacun des arguments des parties, a visé et analysé le mémoire du 27 octobre 2015 et a détaillé, aux points 9 à 13 du jugement, les motifs pour lesquels il a décidé de valider les éléments de calcul invoqués par l’administration. Le moyen doit, par conséquent, être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le calcul de l’impôt :
11. Aux termes de l’article 2 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, repris à l’article 1447-0 du code général des impôts : » Il est institué une contribution économique territoriale composée d’une cotisation foncière des entreprises et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises « . Aux termes l’article 1647 B sexies du même code : » I.- Sur demande du redevable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la contribution économique territoriale de chaque entreprise est plafonnée en fonction de sa valeur ajoutée (…) II. Le plafonnement prévu au I s’applique sur la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises diminuées, le cas échéant, de l’ensemble des réductions et dégrèvements dont ces cotisations peuvent faire l’objet (…) III. Le dégrèvement s’impute sur la cotisation foncière des entreprises. « .
12. En premier lieu, c’est, contrairement à ce que soutient la SEMAP, par une exacte application de ces dispositions, et sans qu’y fassent obstacle les dispositions des articles L. 203 et R. 203 du livre des procédures fiscales, lesquelles n’ont pas été mises en oeuvre en l’espèce, que l’administration, ayant fait droit à la demande de plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée présentée au titre de l’année 2012 par la société sur le fondement des dispositions précitées du I de l’article 1647 sexies B du code général des impôts, a imputé le dégrèvement de 53 270 euros en résultant sur la cotisation foncière des entreprises, qui constitue l’une des composantes de la contribution économique territoriale ainsi que l’énonce l’article 1447-0 du code général des impôts, à laquelle la société avait été assujettie au titre de la même année, ramenant le montant total de cette cotisation à 67 315 euros. De la même manière, s’agissant de l’année 2013, l’administration, qui a prononcé le 23 juin 2014 un dégrèvement d’un montant de 51 252 euros au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, a pu régulièrement imputer ce dégrèvement sur la cotisation foncière des entreprises établie au titre de la même année, ramenant la somme due par la SEMAP à 72 873 euros.
13. En second lieu, l’administration a admis d’abandonner, pour le calcul de la valeur locative des biens de la SEMAP passibles de la taxe foncière, la prise en compte des éléments non maçonnés des installations de télésièges. En conséquence de la valeur locative ainsi révisée, les cotisations dues par la société au titre des années 2012 et 2013 ont été finalement réévaluées par le service aux montants de 27 831 euros au titre de 2012, et de 28 591 euros au titre de 2013. Par suite, compte tenu des dégrèvements déjà prononcés au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, l’administration a accordé à la SEMAP, par des décisions en date du 12 novembre 2015, de nouveaux dégrèvements d’un montant de 39 484 euros pour 2012 et de 42 330 euros pour 2013. La SEMAP n’est pas fondée à soutenir que, ce faisant, l’administration aurait commis la moindre erreur dans le calcul de l’impôt.
En ce qui concerne la détermination de la base imposable :
14. D’une part, aux termes de l’article 1467 du code général des impôts : » La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière situés en France (…) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence (…), à l’exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (…) « .
15. D’autre part, aux termes de l’article 1380 du code général des impôts : » La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l’exception de celles qui sont expressément exonérées par les dispositions du présent code « . Selon l’article 1381 du même code : » Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties: / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d’usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d’exploitation ; (…) « .
16. L’administration a pris en compte, pour la détermination du prix de revient des télésièges » Sérias » et » Privilège « , notamment le coût de réalisation des socles de fondation bétonnés sur lesquels sont fixés tant les gares amont et aval que les pylônes supportant les câbles de transport des nacelles, ainsi que la fraction correspondante des dépenses d’études de génie civil. La SEMAP admet la prise en compte du coût des fondations des gares et de la fraction correspondante des études, mais conteste en revanche que puisse être inclus dans la base imposable le coût de revient des socles des pylônes. Elle fait valoir à cet égard que ces derniers, pris isolément, sont de simples blocs de béton au volume et au prix de revient peu significatifs, qui ne sauraient dès lors constituer des constructions susceptibles d’entrer dans le champ d’application de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
17. Il résulte de l’instruction que les socles des pylônes sont des éléments maçonnés qui, profondément enfouis tout au long de la ligne de remontée séparant les gares, sont fixés au sol à perpétuelle demeure. Ils ont nécessité, par l’engagement de moyens matériels et financiers importants, la réalisation d’un coffrage, l’installation de fers à béton et la mise en oeuvre d’un volume moyen de béton par unité de 10,88 m3 pour le télésiège » Privilège » et de 13,52 m3 pour le télésiège » Sérias « , soit, globalement, davantage que les volumes de bétons utilisés pour les gares de départ et d’arrivée. Ils doivent, dans ces conditions, être considérés comme présentant le caractère de véritables constructions au sens des dispositions précitées du 1° de l’article 1381 du code général des impôts. Ainsi, c’est à juste titre que leur valeur locative a été incluse dans les bases d’imposition de la SEMAP à la cotisation foncière des entreprises au titre des années litigieuses.
18. Il résulte des points 11 et suivants, d’une part, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir partielle opposée par le ministre, que, dans les instances n° 16BX00182 et 16BX03976, les conclusions en décharge de première instance et d’appel de la SEMAP sur lesquelles il y a encore lieu de statuer doivent être rejetées, d’autre part, que dans l’instance n° 17BX00788, le ministre est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’article 2 du jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Pau a accordé à la SEMAP une décharge partielle de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle avait été assujettie au titre de l’année 2013.
Sur les frais de procès mis à la charge de l’Etat par le jugement n° 1501726 :
19. Compte tenu du dégrèvement d’une fraction conséquente de la cotisation foncière des entreprises établie au titre de 2013, prononcée par l’administration en cours de procédure devant le tribunal, dans l’instance n° 1501726, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions du ministre des finances et des comptes publics tendant à l’annulation de l’article 3 du jugement attaqué du 11 octobre 2016 mettant à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, quand bien même la décharge accordée par l’article 2 du même jugement est infirmée par le présent arrêt.
Sur les conclusions présentées par la société requérante au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
20. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre une somme quelconque à la charge de l’Etat en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SEMAP, dans l’instance n° 16BX00182, dans la mesure où elles tendent à la décharge d’une somme de 39 484 euros.
Article 2 : L’article 1er du jugement n° 1401678 du 17 novembre 2015 et l’article 2 du jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016 du tribunal administratif de Pau sont annulés.
Article 3 : La SEMAP est rétablie au rôle de la cotisation foncière des entreprises au titre de l’année 2013 pour la part de cette cotisation ayant donné lieu à la décharge prononcée par l’article 2 du jugement n° 1501726.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’action et des comptes publics et à la société d’économie mixte de Peyragudes.
Délibéré après l’audience publique du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 avril 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET
Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.