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Quad Festival Randos du Cantal/ Interdiction/ Légalité

CAA de LYON

N° 15LY04123
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre – formation à 3
M. POMMIER, président
Mme Emilie BEYTOUT, rapporteur
Mme VIGIER-CARRIERE, rapporteur public
SCP MARTIN -LAISNE, DETHOOR-MARTIN, PORTAL,GALAND, avocats

 

lecture du jeudi 5 juillet 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure

La société Macadam Holding et Globe Trotter a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’annuler l’arrêté du 30 septembre 2014 par lequel le préfet du Cantal a interdit les randonnées dénommées  » Quad Festival Randos  » qu’elle souhaitait organiser du 3 au 5 octobre 2014.

Par un jugement n° 1402102 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

 

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 décembre 2015, la société Macadam Holding et Globe Trotter, représentée par MeA…, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 novembre 2015 ;
2°) d’annuler l’arrêté du préfet du Cantal du 30 septembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la compétence de l’auteur de l’arrêté n’est pas rapportée ;
– le préfet du Cantal a commis une erreur de droit en soumettant sa demande au régime de l’autorisation alors qu’elle relevait du régime de la déclaration ;
– le préfet était tenu de lui délivrer un récépissé dès lors que son dossier de déclaration était complet ;
– l’interdiction litigieuse porte atteinte à la liberté d’aller et venir, à la liberté du commerce et de l’industrie et à l’égalité entre les différents usagers du domaine public, alors qu’aucune menace à l’ordre public ne justifiait une telle mesure.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2017, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code du sport ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,
– et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

 

1. Considérant que, le 2 avril 2014, la société Macadam Holding et Globe Trotter a déposé une déclaration pour organiser du 3 au 5 octobre 2014 un événement dénommé  » Quad Festival Randos « , se composant, d’une part, d’un salon commercial consacré au quad et, d’autre part, de randonnées en quad au départ d’Entraygues-sur-Truyère, entre l’Aveyron et le Cantal ; que le préfet du Cantal a interdit cet événement par un arrêté du 30 septembre 2014 ; que la société Macadam Holding et Globe Trotter relève appel du jugement du 4 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l’arrêté du 30 septembre 2014 :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales :  » La police municipale est assurée par le maire, toutefois (…) : 3° Le représentant de l’Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l’ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d’application excède le territoire d’une commune (…)  » ; que l’arrêté d’interdiction en litige ne constitue ni un refus de délivrance d’un récépissé de déclaration ni un refus d’autorisation pris sur le fondement de l’article R. 331-18 du code du sport mais doit s’analyser comme une mesure de police prise sur le fondement de l’article L. 2215-1 précité du code général des collectivités territoriales, qu’il vise expressément ;
3. Considérant, en premier lieu, qu’en l’absence de situation de compétence liée, le moyen tiré de l’incompétence de son auteur est opérant ; que le signataire de la décision, M. B… D…, sous-préfet de Saint-Flour, disposait d’une délégation de signature en date du 19 août 2014 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs n° 22 d’août 2014 à l’effet notamment de se substituer au maire dans les cas prévus à l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’arrêté doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’ainsi qu’il a été indiqué au point 2, l’arrêté en litige constitue une interdiction prise par le représentant de l’Etat dans le cadre de ses pouvoirs de police générale, comme il pouvait le faire, alors même qu’il était par ailleurs saisi par la société Macadam Holding et Globe Trotter d’une déclaration sur le fondement de l’article R. 331-18 du code du sport ; que, par suite, le moyen tiré de l’erreur de droit à avoir appliqué le régime de l’autorisation alors qu’il s’agissait d’une concentration comportant moins de 400 véhicules et soumise à ce titre au régime de la déclaration en vertu de l’article R. 331-18 du code du sport ne peut qu’être écarté, de même que le moyen tiré de ce que le dossier étant complet, le préfet était en situation de compétence liée pour délivrer le récépissé ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date de l’arrêté en litige subsistait un doute sur le nombre de participants attendus, dès lors que si la société Macadam Holding et Globe Trotter avait indiqué dans sa déclaration la venue de 390 participants, elle n’avait mentionné qu’une centaine de participants dans son évaluation des incidences sur les zones Natura 2000 ; qu’en outre, les mesures prises pour assurer la sécurité des participants et des tiers, à savoir une organisation en groupe de 18 quads avec un ouvreur et un fermeur dotés d’une trousse de secours et de téléphones avec les numéros de secours, la traversée des zones habitées à allure modérée et la mise à disposition de deux secouristes par la fédération française de sauvetage et de secourisme ne disposant pas de véhicules d’intervention, apparaissaient insuffisantes au regard de l’étendue de la zone traversée ; que, de plus, la société Macadam Holding et Globe Trotter n’avait fourni aucune information sur le respect par les participants des règles relatives à la détention du permis de conduire pour les quads lourds, à l’homologation  » route  » des véhicules, à leur immatriculation ou encore au contrôle de leur niveau sonore ; qu’elle n’avait mentionné aucune mesure pour garantir la tranquillité, si ce n’est le passage à faible allure dans les zones habitées, sans garantie au demeurant sur les moyens mis en oeuvre pour assurer l’effectivité d’une telle mesure ; qu’enfin, le nombre annoncé de 390 véhicules participant à ces randonnées ne pouvait être sans conséquences sur la faune et la flore des zones concernées et sur celles des sites d’intérêts communautaires traversés, s’agissant en particulier du risque de détérioration du lit des rivières lors des passages à gué, ainsi que cela ressort de l’avis de la direction départementale des territoires du département du Cantal ; que, par suite, au vu de l’ensemble de ces éléments, le préfet du Cantal n’a pas, en interdisant dans le département les randonnées en quad dénommées  » quad festival randos  » du 3 au 5 octobre 2014, porté une atteinte excessive à la liberté du commerce et d’industrie dont bénéficie la société requérante ni à la liberté d’aller et venir des participants au regard des exigences de l’ordre public et de l’objectif de protection des espèces et des espaces naturels ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que la société Macadam Holding et Globe Trotter ne peut utilement invoquer la méconnaissance du principe d’égalité, eu égard à la différence de situation existant entre la concentration envisagée et les randonnées en quad de particuliers ou d’associations locales ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Macadam Holding et Globe Trotter n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté ;
Sur les frais liés au litige :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Macadam Holding et Globe Trotter au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Macadam Holding et Globe Trotter est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Macadam Holding et Globe Trotter et au ministre de l’intérieur.
Délibéré après l’audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
Mme C…et Mme Beytout, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2018.

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N° 15LY04123

Forêt ouverte au public/ Circuit VTT free-ride illégal/ Accident/ Responsabilité de l’ONF (non)

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 14 juin 2018
N° de pourvoi: 17-14781
Publié au bulletin Rejet

Mme Flise (président), président
SCP Alain Bénabent , SCP Delvolvé et Trichet, avocat(s)

 

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Donne acte à M. C… X…, devenu majeur en cours de procédure, de sa reprise d’instance en son nom personnel ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 2 février 2017) et les productions, que M. Florian X…, alors âgé de 17 ans, a été victime le 15 juin 2010, dans la forêt de […] , d’une grave chute de vélo à la suite de laquelle il est demeuré tétraplégique ; que la victime et ses parents, M. Hervé X… et Mme Isabelle X…, agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants, alors mineurs, B… et C… X…, ont assigné l’Office national des forêts (l’ONF) afin de le voir déclaré responsable de cet accident ; que la RATP, la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP et la Mutuelle du personnel de la RATP ont été appelées en la cause ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Florian X…, M. Hervé X…, Mme Isabelle X…, M. C… X… et Mme B… X… (les consorts X…) font grief à l’arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à voir dire l’ONF responsable de l’accident litigieux et ordonner une expertise, avant dire droit sur les préjudices, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en vertu de l’article L. 380-1, devenu L. 122-10, du code forestier, dans les forêts gérées par l’ONF, l’ouverture des forêts au public implique la mise en oeuvre des mesures nécessaires à la sécurité de ce public ; que l’ouverture au public en l’absence des mesures de sécurité nécessaires constitue par conséquent un manquement générateur de responsabilité, et ce sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que les espaces ouverts au public comportent, ou non, des équipements ou aménagements particuliers ; qu’en retenant pourtant que l’ONF, qui « aménage des sentiers, pistes cavalières, aires de jeux ou de pique-nique, etc. », ne serait « débiteur d’une obligation de sécurité [qu’]en ce qui concerne ces équipements » et «ne saurait répondre des éventuels dangers présents dans les espaces qui ne sont pas spécialement aménagés en vue de l’accueil du public », tâche ne correspondant pas « à sa mission », la cour d’appel, distinguant là où la loi ne distingue pas, a violé l’article L. 380-1 du code forestier dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2009-1369 du 6 novembre 2009 applicable en la cause ;

2°/ qu’en retenant encore que l’ONF « ne saurait répondre des éventuels dangers présents dans les espaces qui ne sont pas spécialement aménagés en vue de l’accueil du public » eu égard « à ses moyens, puisqu’il n’est pas contesté qu’il ne dispose que d’une quinzaine d’agents de terrain », la cour d’appel a statué par un motif inopérant, en violation de l’article L. 380-1 du code forestier dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2009-1369 du 6 novembre 2009 applicable en la cause ;

3°/ que constitue une faute génératrice de responsabilité le manquement à un devoir général de prudence et de diligence ; qu’un tel manquement est caractérisé lorsque l’établissement en charge de l’accueil du public en forêt, bien qu’informé de la pratique courante de sports dangereux au sein d’espaces qu’il laisse ouverts au public, ne met en oeuvre ni mesures de sécurité, ni mesures de prévention et de mise en garde du public qu’il accueille ; qu’en l’espèce, l’ONF reconnaissait lui-même avoir sciemment décidé de ne prendre aucune mesure de prévention des dangers encourus par les cyclistes venant s’adonner, dans des espaces forestiers laissés ouverts au public, à la pratique du ‘’free-ride » ; qu’il exposait ainsi notamment que «l’absence d’apposition de panneaux qui est reprochée à l’ONF par les demandeurs, loin de constituer une faute, s’explique aisément puisque (…) implanter des panneaux pour de tels circuits constituerait une forme d’officialisation d’un circuit non autorisé et d’une pratique sportive illégale » ; que pour écarter pourtant toute faute de l’ONF, la cour d’appel a retenu que sa connaissance du circuit ayant causé l’accident de M. Florian X… n’étant pas suffisamment établie, il ne pouvait « être retenu contre l’ONF une faute pour ne pas avoir détruit un tel aménagement » ; qu’en limitant ainsi les devoirs de l’ONF à la seule destruction des circuits connus de lui, la cour d’appel a violé les articles 1382, devenu 1240, et 1383, devenu 1241, du code civil ;

Mais attendu que les dispositions de l’article L. 380-1 du code forestier dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2009-1369 du 6 novembre 2009, applicable en la cause, n’instituent pas une présomption de responsabilité pour faute de l’ONF pour les dommages survenus au public dans les forêts visées par ce texte ; qu’ayant relevé qu’il est constant que l’accident a eu lieu sur un circuit « sauvage », non signalisé, aménagé illégalement dans la forêt par des tiers pour leur activité dite de « free ride » consistant à franchir avec un VTT des bosses en effectuant des sauts, voire des figures sur un terrain préalablement modelé par leurs soins, et souverainement estimé qu’il n’est pas établi que l’ONF avait connaissance de l’existence de ce circuit qui était situé à l’écart de toute zone aménagée et n’était accessible qu’après plusieurs minutes de marche sur un chemin, la cour d’appel a pu retenir que l’ONF n’était pas responsable de l’accident litigieux sur le fondement de la responsabilité pour faute ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche qui s’attaque à des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen, pris en ses quatre premières branches :

Attendu que les consorts X… font encore grief à l’arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à voir dire l’ONF responsable de l’accident litigieux et ordonner une expertise, avant-dire droit sur les préjudices, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en l’espèce, pour débouter les consorts X… de leurs demandes au titre de la responsabilité de l’ONF fondée sur la garde du circuit, la cour d’appel a retenu que « le circuit, qui n’a ainsi joué qu’un rôle passif dans la survenance du dommage, ne peut donc être considéré comme en ayant été l’instrument » ; qu’en statuant ainsi, sans provoquer les observations des parties dont aucune ne prétendait que le circuit n’aurait pas été l’instrument du dommage, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que la responsabilité du gardien est subordonnée à la condition que la victime ait rapporté la preuve que la chose a été, en quelque manière et ne fût-ce que pour partie, l’instrument du dommage ; que tel est le cas lorsque la chose inerte intervenue dans la réalisation du dommage présente un caractère dangereux ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même constaté que M. Florian X… avait « chuté en franchissant une bosse dans un circuit, et est resté tétraplégique » et qu’ « il est incontestable que le circuit était en lui-même potentiellement dangereux, à raison de l’absence de sécurisation de ses abords et de l’importance des obstacles créés » ; qu’il en résultait que le circuit avait joué un rôle actif dans la survenance du dommage et en avait ainsi été l’instrument ; qu’en retenant pourtant que le circuit n’aurait « joué qu’un rôle passif dans la survenance du dommage » et « ne peut donc être considéré comme en ayant été l’instrument », la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 1384, alinéa 1, devenu 1242, du code civil ;

3°/ qu’il suffit à la victime, pour engager la responsabilité du gardien, d’établir que la chose a été, en quelque manière et ne fût-ce que pour partie, l’instrument du dommage ; qu’en l’espèce, pour exclure que le circuit ait été l’instrument du dommage, la cour d’appel a retenu que M. Florian X… et son ami « s’apprêtaient à quitter le circuit, après y avoir évolué », outre « la démarche volontaire de la victime qui s’y est rendue et y a évolué, en parfaite connaissance de sa configuration », son « imprudence fautive », « l’allure inadaptée du cycliste, ou même sa fatigue à la fin de ses évolutions », et qu’« une chute aux conséquences aussi graves aurait parfaitement pu se produire en dehors d’un circuit » ; qu’en statuant par de tels motifs impropres à exclure que le circuit ait été, fût-ce au moins pour partie, l’instrument du dommage de la victime, la cour d’appel a violé l’article 1384, alinéa 1, devenu 1242, du code civil ;

4°/ que la victime d’un dommage peut invoquer la responsabilité du gardien de la chose sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques ; qu’en retenant pourtant que « s’il est incontestable que le circuit était en lui-même potentiellement dangereux (…) c’est bien cette dernière caractéristique qui a été recherchée par la victime, qui s’y est rendue et y a évolué en toute connaissance de son caractère ‘’sauvage », et en y recherchant précisément des sensations liées à l’importance de son relief, et peut-être aussi à la totale liberté avec laquelle elle pouvait l’utiliser », cependant que, même à l’envisager, la victime ne pouvait se voir opposer son acceptation des risques, la cour d’appel a violé l’article 1384, alinéa 1, devenu 1242, du code civil ;

Mais attendu que, tout en considérant que le circuit était en lui-même potentiellement dangereux, la cour d’appel a relevé que l’accident était dû à un manque de vitesse du vélo lorsque la victime avait tenté de franchir l’ultime bosse du parcours et donc à une allure inadaptée du cycliste et non à l’obstacle lui-même ; que, tenue de vérifier les conditions d’application de l’article 1384, alinéa 1, devenu l’article 1242, alinéa 1, du code civil qui était invoqué, elle n’a pas violé le principe de la contradiction en retenant que le circuit n’avait joué qu’un rôle passif dans l’accident pour en déduire, à bon droit, que celui-ci ne pouvait être considéré comme ayant été l’instrument du dommage, l’accident étant exclusivement imputable à l’imprudence fautive de la victime, de sorte que la responsabilité de l’ONF n’était pas engagée ;

D’où il suit que le moyen, qui critique en sa quatrième branche des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, pris en ses trois dernières branches, annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Concessions de remontées mécaniques/ Biens apportés par l’exploitant/ Qualification de biens de retour

Conseil d’État

N° 402251
ECLI:FR:CESEC:2018:402251.20180629
Publié au recueil Lebon
Section
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
M. Olivier Henrard, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP JEAN-PHILIPPE CASTON, avocats

 

lecture du vendredi 29 juin 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler, d’une part, les délibérations des 30 octobre 2013 et 28 juillet 2014 par lesquelles la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye a approuvé le protocole d’accord portant sur la reprise de la station de ski  » Sauze – Super Sauze  » et, d’autre part, la délibération du 9 novembre 2013 par laquelle la commune d’Enchastrayes a approuvé la contribution financière qu’elle s’est engagée à verser dans le cadre du protocole relatif à la reprise de cette station de ski. Par deux jugements rendus respectivement sous les n°s 1403085, 1407888 et 1403073 le 18 août 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté chacune des demandes du préfet.

Par un arrêt n°s 15MA04083, 15MA04084 du 9 juin 2016, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur appel du préfet, annulé l’article 2 du premier jugement ainsi que la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye du 30 octobre 2013 puis a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi, enregistré le 8 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’intérieur demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’article 3 de cet arrêt en tant qu’il rejette les conclusions du préfet des Alpes-de-Haute-Provence tendant à l’annulation des délibérations des 9 novembre 2013 et 28 juillet 2014 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit aux conclusions d’appel du préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code du tourisme ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
– le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye et à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société C…Frères, de M. A…C…, de l’indivision B…C…et de la société d’exploitation des remontées mécaniques du Sauze ;

 

Sur le cadre du litige :

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la station de ski  » Sauze – Super Sauze « , située sur le territoire de la commune d’Enchastrayes, a été créée, aménagée puis exploitée, à partir des années 1930, par différentes personnes privées sur des terrains leur appartenant ou dont elles avaient la jouissance ; que postérieurement à l’intervention de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne désormais codifiée dans le code du tourisme, qui a qualifié de service public le service des remontées mécaniques et a confié aux communes ou à leurs groupements l’organisation et l’exécution de ce service, tout en laissant une période de quatorze ans pour mettre en conformité avec la loi les conventions antérieurement conclues ou les autorisations d’exploiter antérieurement accordées pour l’exécution du service des remontées, a été conclue le 28 décembre 1998, entre la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye (CCVU) et la SARL C…Frères, une convention de délégation de service public pour l’aménagement du domaine skiable et l’exploitation des remontées mécaniques du Sauze – Super Sauze – La Rente sur la commune d’Enchastrayes, d’une durée de quatorze ans ; qu’à l’expiration de cette convention, et après avoir déclaré infructueuse la procédure de mise en concurrence lancée en vue de la conclusion d’une nouvelle délégation de service public, la CCVU a, par une délibération du 13 juin 2013, décidé la reprise en régie de l’exploitation ; que s’agissant des biens affectés à l’exploitation du service public, leur remise à la CCVU a été ordonnée à la SARL C…Frères par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille en date du 29 juillet 2013 ; que les parties, ainsi que la commune d’Enchastrayes et des tiers ayant disposé de droits sur les biens en cause, ont recherché un accord amiable afin d’arrêter l’inventaire et l’évaluation de ces biens ; qu’un protocole a été approuvé par une délibération du conseil communautaire de la CCVU en date du 28 juillet 2014, prévoyant notamment le rachat des biens en cause par la CCVU pour un montant total de 3 700 000 euros hors taxes, dont 1 200 000 euros hors taxes à verser en une seule fois par la commune d’Enchastrayes dont le conseil municipal avait approuvé le principe d’une telle contribution financière par une délibération du 9 novembre 2013 ;

2. Considérant qu’estimant que ces délibérations étaient illégales, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence les a déférées devant le tribunal administratif de Marseille, qui a rejeté ses requêtes par deux jugements du 18 août 2015 ; que par un arrêt du 9 juin 2016, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé une délibération du 30 octobre 2013 du conseil communautaire de la CCVU et rejeté le surplus des conclusions des parties ; que le ministre de l’intérieur se pourvoit contre cet arrêt en tant qu’il rejette les conclusions du préfet tendant à l’annulation des délibérations du conseil municipal d’Enchastrayes du 9 novembre 2013 et de la CCVU du 28 juillet 2014 ;

Sur les règles applicables aux biens de la concession :

3. Considérant, en premier lieu, que, dans le cadre d’une concession de service public mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l’ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique ; que le contrat peut attribuer au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des ouvrages qui, bien que nécessaires au fonctionnement du service public, ne sont pas établis sur la propriété d’une personne publique, ou des droits réels sur ces biens, sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s’opposer à la cession, en cours de concession, de ces ouvrages ou des droits détenus par la personne privée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’à l’expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application de ces principes, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l’exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu’elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public ; que le contrat qui accorde au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des biens nécessaires au service public autres que les ouvrages établis sur la propriété d’une personne publique, ou certains droits réels sur ces biens, ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de concession ;

5. Considérant, en troisième lieu, que lorsque la convention arrive à son terme normal ou que la personne publique la résilie avant ce terme, le concessionnaire est fondé à demander l’indemnisation du préjudice qu’il subit à raison du retour des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, en application des principes énoncés ci-dessus, lorsqu’ils n’ont pu être totalement amortis, soit en raison d’une durée du contrat inférieure à la durée de l’amortissement de ces biens, soit en raison d’une résiliation à une date antérieure à leur complet amortissement ; que lorsque l’amortissement de ces biens a été calculé sur la base d’une durée d’utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan ; que, dans le cas où leur durée d’utilisation était supérieure à la durée du contrat, l’indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l’amortissement de ces biens sur la durée du contrat ; que si, en présence d’une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l’indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus ;

6. Considérant que les règles énoncées ci-dessus, auxquelles la loi du 9 janvier 1985 n’a pas entendu déroger, trouvent également à s’appliquer lorsque le cocontractant de l’administration était, antérieurement à la passation de la concession de service public, propriétaire de biens qu’il a, en acceptant de conclure la convention, affectés au fonctionnement du service public et qui sont nécessaires à celui-ci ; qu’une telle mise à disposition emporte le transfert des biens dans le patrimoine de la personne publique, dans les conditions énoncées au point 3 ; qu’elle a également pour effet, quels que soient les termes du contrat sur ce point, le retour gratuit de ces biens à la personne publique à l’expiration de la convention, dans les conditions énoncées au point 4 ; que les parties peuvent prendre en compte cet apport dans la définition de l’équilibre économique du contrat, à condition que, eu égard notamment au coût que représenterait l’acquisition ou la réalisation de biens de même nature, à la durée pendant laquelle les biens apportés peuvent être encore utilisés pour les besoins du service public et au montant des amortissements déjà réalisés, il n’en résulte aucune libéralité de la part de la personne publique ;

7. Considérant que, dans l’hypothèse où la commune intention des parties a été de prendre en compte l’apport à la concession des biens qui appartenaient au concessionnaire avant la signature du contrat par une indemnité, le versement d’une telle indemnité n’est possible que si l’équilibre économique du contrat ne peut être regardé comme permettant une telle prise en compte par les résultats de l’exploitation ; qu’en outre, le montant de l’indemnité doit, en tout état de cause, être fixé dans le respect des conditions énoncées ci-dessus afin qu’il n’en résulte aucune libéralité de la part de la personne publique ;

Sur l’arrêt en tant qu’il se prononce sur la qualification des biens en cause et sur les conséquences indemnitaires :

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la propriété des biens en cause, alors même qu’ils étaient nécessaires au fonctionnement du service public concédé, n’avait pas été transférée à la communauté de communes dès la conclusion de la convention du seul fait de leur affectation à la concession de service public et que ces biens n’étaient pas régis par les règles applicables aux biens de retour, pour en déduire que le concessionnaire avait droit, du fait de leur retour dans le patrimoine de la CCVU, à une indemnité égale à leur valeur vénale ;

9. Considérant par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que l’arrêt attaqué doit être annulé en tant qu’il rejette les conclusions du préfet tendant à l’annulation des délibérations du 9 novembre 2003 de la commune d’Enchastrayes et du 28 juillet 2014 de la CCVU ;

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

 

D E C I D E :
————–

Article 1er : L’article 3 de l’arrêt du 9 juin 2016 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé en tant qu’il statue sur les conclusions tendant à l’annulation des délibérations du 9 novembre 2003 de la commune d’Enchastrayes et du 28 juillet 2014 de la CCVU.
Article 2 : L’affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, de la société C…Frères, de M. C…, de l’indivision B…C…et de la société d’exploitation des remontées mécaniques du Sauze, présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, à la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye et à la société C…Frères, première dénommée, pour tous ses cosignataires.
Copie en sera adressée à la commune d’Enchastrayes et au ministre de l’économie et des finances.

Compatibilité de la chasse avec la préservation de l’ours/ Contrôle juridictionnel entier

CAA Bordeaux, 5 juillet 2018

Arrêt 16BX01183 – 5ème chambre – Ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer c/ Association Ferus – Ours, loup, lynx conservation et association Le comité écologique ariégeois C+
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L’association Férus – ours, loup, lynx conservation, et l’association Le comité écologique ariégeois ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler l’arrêté du 7 juin 2012 du préfet de l’Ariège visant à assurer la compatibilité de l’activité cynégétique et la préservation de l’ours brun.
Par un jugement n° 1205255 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’article 2 de l’arrêté du préfet de l’Ariège du 7 juin 2012 en tant qu’il ne prévoit pas de mesures de protection suffisantes de l’ours brun dans des zones où sa présence répétée a été signalée au cours de l’année précédente.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 6 avril 2016 et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 mai 2016, le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 février 2016 ;
2°) de rejeter la requête présentée par les associations Férus – ours, loup, lynx conservation, et Le comité écologique ariégeois.
…………………………………………………………………………………………….
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 juin 2012, le préfet de l’Ariège a fixé les dates d’ouverture et de clôture de la chasse pour la campagne 2012-2013 dans ce département. Par un arrêté distinct du même jour, il a édicté des mesures complémentaires en vue d’assurer la compatibilité de l’activité cynégétique avec la préservation de l’ours brun des Pyrénées. Les associations Férus – ours, loup, lynx conservation et Le comité écologique ariégeois ont demandé l’annulation de ce dernier arrêté. Le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer relève appel du jugement du 3 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’article 2 de l’arrêté du préfet de l’Ariège du 7 juin 2012 visant à assurer la compatibilité de l’activité cynégétique et la préservation de l’ours brun en tant qu’il ne prévoit pas de mesures de protection suffisantes de l’ours brun dans des zones où sa présence répétée a été signalée au cours de l’année précédente.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l’article L. 5 du code de justice administrative : « L’instruction des affaires est contradictoire. / (…) ». Le principe du caractère contradictoire de la procédure contentieuse implique que le juge administratif ne puisse statuer qu’au vu des pièces qui ont été régulièrement versées au dossier de l’instance en cause et communiquées aux parties.

3. Il ressort des énonciations mêmes du jugement attaqué que, pour annuler l’arrêté du préfet de l’Ariège du 7 juin 2012, le tribunal administratif de Toulouse s’est fondé sur les données d’une cartographie des indices de présence de l’ours en période de chasse entre 1996 et 2008, réalisée en 2009 par les services de l’État. Il ressort cependant des pièces du dossier qui lui était soumis que ce document n’avait pas été versé dans la procédure ni, par conséquent, communiqué au préfet de l’Ariège dans le cadre de l’instruction contradictoire de l’affaire. Dans ces conditions, le tribunal administratif a méconnu le principe, rappelé ci dessus, selon lequel le juge administratif ne peut statuer qu’au vu des pièces qui ont été versées à son dossier et communiquées aux parties. Par suite, le préfet de l’Ariège est fondé à soutenir que le jugement qu’il attaque a été rendu sur une procédure irrégulière et à en demander l’annulation. Dès lors et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen d’irrégularité soulevé, le ministre de l’environnement est fondé, pour ce motif, à demander l’annulation de ce jugement.
4. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les associations Férus – ours, loup, lynx conservation et Le comité écologique ariégeois devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur l’intervention de la fédération départementale des chasseurs de l’Ariège :
5. La fédération départementale des chasseurs de l’Ariège a intérêt au maintien de la décision attaquée. Ainsi, son intervention est recevable.
Sur la légalité de l’arrêté attaqué :
6. Aux termes de l’article 1er de la directive du 21 mai 1992 : « Aux fins de la présente directive, on entend par : / (…) / i) état de conservation d’une espèce : l’effet de l’ensemble des influences qui, agissant sur l’espèce, peuvent affecter à long terme la répartition et l’importance de ses populations sur le territoire visé à l’article 2. / « L’état de conservation » sera considéré comme « favorable », lorsque : / – les données relatives à la dynamique de la population de l’espèce en question indiquent que cette espèce continue et est susceptible de continuer à long terme à constituer un élément viable des habitats naturels auxquels elle appartient et / – l’aire de répartition naturelle de l’espèce ne diminue ni ne risque de diminuer dans un avenir prévisible et / – il existe et il continuera probablement d’exister un habitat suffisamment étendu pour que ses populations se maintiennent à long terme ; / (…) ». Aux termes de l’article 2 de la même directive : « 1. La présente directive a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité s’applique. / 2. Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire. / 3. Les mesures prises en vertu de la présente directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales. ». Aux termes de l’article 12 de la directive du Conseil 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite « habitats » : « 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant :/ (…) b) la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration ; / (…) 4. Les États membres instaurent un système de contrôle des captures et mises à mort accidentelles des espèces animales énumérées à l’annexe IV point a). Sur la base des informations recueillies, les États membres entreprennent les nouvelles recherches ou prennent les mesures de conservation nécessaires pour faire en sorte que les captures ou mises à mort involontaires n’aient pas une incidence négative importante sur les espèces en question. ». L’annexe IV de ladite directive classe notamment l’espèce « ursus arctos » parmi les espèces animales et végétales d’intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte au sens de l’article 12 paragraphe 1 de ladite directive. Toutefois, les mesures prises à cette fin ne doivent pas porter aux autres intérêts en présence, publics et privés, une atteinte disproportionnée.
7. Aux termes de l’article L. 411-1 du code de l’environnement résultant de la transposition des dispositions de l’article 12 précité de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 :  » I. Lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (…), d’espèces animales non domestiques (…) et de leurs habitats, sont interdits : / 1° (…) la mutilation, (…) la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces (…) ». Aux termes de l’arrêté interministériel du 23 avril 2007 qui a abrogé et remplacé l’arrêté du 17 avril 1981, fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection, l’ours brun fait partie des espèces de mammifères pour lesquels « I. – Sont interdits sur tout le territoire métropolitain et en tout temps la destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle des animaux dans le milieu naturel. / II. – Sont interdites sur les parties du territoire métropolitain où l’espèce est présente, ainsi que dans l’aire de déplacement naturel des noyaux de populations existants, la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. Ces interdictions s’appliquent aux éléments physiques ou biologiques réputés nécessaires à la reproduction ou au repos de l’espèce considérée, aussi longtemps qu’ils sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction ou de repos de cette espèce et pour autant que la destruction, l’altération ou la dégradation remette en cause le bon accomplissement de ces cycles biologiques. / (…) ».
8. L’article 1er de l’arrêté contesté du 7 juin 2012 prévoit, au titre des mesures d’information et de formation, que « la fédération départementale des chasseurs est chargée d’organiser des réunions spécifiques d’information avec le concours de l’ONCFS à l’intention des chasseurs pratiquant dans les zones de présence potentielle de l’ours. Ces réunions ouvertes publiques, cibleront tout particulièrement les détenteurs du droit de chasse, leur délégataire les responsables d’équipes de chasses en battue. /Elles viendront en complément de la formation initiale délivrée par la fédération départementale des chasseurs au candidat d’examen du permis de chasser en matière de gestion des espèces protégées et de l’ours en particulier. ( …) ».
9. L’article 2 de cet arrêté prévoit, au titre des mesures de prévention et de protection, que : « 1) L’ONCFS signale au détenteur du droit de chasse ou à son délégataire le cas échéant, toute présence ou indices de présence de moins de 24 heures portés à sa connaissance par les moyens habituels (…) et validés par elle. Par ailleurs, en cas de détection de la présence d’un ours par un chasseur (…) celle-ci devra être immédiatement signalée au détenteur du droit de chasse ou à son délégataire le cas échéant (…). Sur la base de ces informations, le détenteur du droit de chasse devra : – suspendre immédiatement toute action de chasse en battue éventuellement en cours, 1 prendre les mesures appropriées pour éviter tout accident vis-à-vis de l’ours, dont la suspension immédiate de la chasse en battue avec des chiens, dans un secteur arrêté par ses soins pour une durée de 48 heures à compter de la détection validée par l’ONCFS (…). Une attention particulière sera apportée aux cas des femelles accompagnées d’oursons. D’une façon générale, les équipes de 1’ONCFS pourront apporter aux détenteurs du droit de chasse ou à leurs délégataires en tant que de besoin, leur connaissance du terrain et leur appui technique (…). 2) En cas de détection d’un ours en tanière confirmée par l’ONCFS, une zone de sensibilité majeure sera définie par décision préfectorale en concertation avec l’ONCFS et les responsables cynégétiques (fédération départementale des chasseurs, détenteur et le cas échéant délégataire du droit de chasse). (…) Aucune action de chasse ne pourra être pratiquée dans cette zone jusqu’à la fermeture générale de la chasse. ».
10. L’article 3 de cet arrêté prévoit, au titre de l’évaluation du dispositif, qu’un bilan des actions de formation, de communication et des meures de protection mises en œuvre durant la campagne de chasse sera adressé au préfet et fera 1’objet d’une communication spécifique en commission départementale de la chasse et de la faune sauvage.
11. Il est constant, d’une part, qu’un faible nombre d’ours pyrénéens subsiste dans le département de l’Ariège où cette population se répartit en deux zones, l’une dans le Couserans où douze individus ont été détectés en 2010 et neuf en 2011, et l’autre dans le secteur de Vicdessos et de la Haute-Ariège comprenant des individus en nombre beaucoup plus réduit, d’autre part, que la battue collective est un mode de chasse très perturbant pour l’ours, dérangé dans sa période de pré-hibernation ou pendant son hibernation elle-même et exposé par ailleurs à cette occasion à une mort accidentelle.
12. Il résulte des points 8 et 9 que l’arrêté litigieux impose sur la base d’un signalement effectué par l’Office national de chasse et de la faune sauvage (ONCFS), établissement public administratif chargé de la connaissance de la faune sauvage et de ses habitats, de la police de chasse et de l’environnement, ou sur la base d’un signalement par le chasseur au détenteur de droit de chasse, de tout indice ou présence de l’animal de moins de 24 heures, la prise d’une mesure de suspension immédiate du droit de chasse en battue, éventuellement en cours, ainsi que l’obligation de prendre des mesures appropriées pour éviter les accidents pour une durée de 48 heures, mesures qui peuvent être le cas échéant complétées par arrêté préfectoral. Dans le cas de détection d’un ours en tanière hivernale, l’arrêté prévoit des zones de sensibilité définies par le préfet en concertation avec les acteurs concernés d’une superficie de 50 hectares, où aucune chasse ne pourra être pratiquée. Par ailleurs, le dispositif de protection mis en place confère un rôle important à l’ONCFS dans les mesures de préservation de l’ours brun dès lors que les signalements ne sont pas laissés à la seule initiative des chasseurs et des associations de chasse, l’ONCFS étant chargé de valider la présence ou les signes de présence de l’ours, de délimiter les zones de suspension du droit de chasse en battue et de participer à la délimitation des zones de sensibilité. Enfin, les mesures de formation et d’information des chasseurs sous la responsabilité de la Fédération départementale de chasseurs avec le concours de l’ONCFS qui sont également prévues, et en particulier les formations complémentaires aux candidats à l’examen du permis de chasser en matière de gestion des espèces protégées et de l’ours en particulier constitue un axe important de la protection de l’espèce, et si elles ne sont pas à elles seules des mesures suffisantes de protection, elles constituent des mesures d’accompagnement des mesures décrites à l’article 2 de l’arrêté litigieux qui en renforcent l’effectivité.
13. Il résulte de ce qui précède que contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, les mesures prévues ne reposent pas sur la seule responsabilité des chasseurs et ne leur délèguent pas l’application des mesures préventives. S’il est vrai que l’arrêté tend à responsabiliser les chasseurs, il repose aussi en grande partie sur la supervision et le contrôle de l’ONCFS. Par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les mesures prévues par 1’arrêté seraient essentiellement initiées par les chasseurs et que la compétence du préfet serait déléguée au détenteur du droit de chasse.
14. Les associations requérantes soutiennent que l’arrêté attaqué serait inefficace au motif que la détection de la présence de l’animal ne serait presque jamais possible. Il ressort néanmoins des études de dénombrement et de suivi produites par le préfet en première instance que l’analyse des présences de l’ours repose sur une analyse génétique, des mesures d’empreintes, un dispositif de photographies automatiques, un maillage du territoire par 1’installation de stations de suivi, des opérations ponctuelles de recherche de présences, et un suivi (à partir des témoignages ou des dégâts). Il ne ressort pas du dossier que ces mesures de détection de l’ours seraient inefficaces.
15. Alors même que l’arrêté litigieux ne mentionne pas de sanction particulière, comme tout arrêté de police, le non-respect de ses dispositions est susceptible de sanction pénale par application de l’article R. 610-5 du code pénal et en l’espèce, l’article R. 415-1 du code de l’environnement punit de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe le fait de perturber de manière intentionnelle des espèces animales non domestiques protégées au titre de L. 411-l du code de l’environnement et, s’agissant de l’« endommagement » des « aires de vie », constitutif d’un délit, l’article L. 415-3 du code de l’environnement punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Par suite, le moyen tiré de l’absence d’aspect contraignant de l’arrêté doit être écarté.
16. Les associations requérantes soutiennent également que l’interdiction des battues serait la mesure la plus adaptée pour assurer la protection de l’ours brun. Il ressort toutefois du dossier que la chasse en battue permet de remédier à la prolifération des sangliers, lesquels provoquent des dégâts aux cultures et peuvent, en cas de sur-représentation, être à l’origine de problèmes sanitaires, tels que l’émergence de zoonoses alors que l’équivalence des autres modes de chasse n’est pas démontrée en particulier de la chasse à l’affût qui ne permet de viser que les mâles et les jeunes sangliers ce qui empêche une véritable régulation du gibier. Les battues constituent donc un mode de chasse important pour la régulation des sangliers sur le territoire fréquenté par l’ours en Ariège, qui s’étend sur quatre-vingt-sept communes et couvre une superficie 1 358 kilomètres carrés.
17. Les associations requérantes soutiennent que l’arrêté ne comporte pas suffisamment de mesures protectrices s’agissant des femelles suitées, qui sont moins mobiles que les ours solitaires et critiquent le délai de vingt-quatre heures prévu à l’article 2 de l’arrêté contesté, selon elles trop court, s’agissant des femelles avec oursons. En l’absence d’éléments permettant d’estimer que le délai général de vingt-quatre heures serait suffisamment protecteur dans le cas de signalement d’une femelle suitée eu égard à sa moindre mobilité, l’arrêté en litige, qui se borne à indiquer qu’ « une attention particulière sera accordée aux cas de femelles accompagnées d’oursons », doit être regardé comme comportant des mesures insuffisantes sur ce point.
18. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes sont seulement fondées à demander l’annulation de l’arrêté attaqué en tant qu’il ne prévoit pas de mesure particulière aux cas de présence avérée de femelles accompagnées d’oursons.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1205255 du 3 février 2016 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : L’arrêté du 7 juin 2012 du préfet de l’Ariège visant à assurer la compatibilité de l’activité cynégétique et la préservation de l’ours brun est annulé en tant qu’il ne prévoit pas de mesure particulière aux cas de présence avérée de femelles accompagnées d’oursons.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande des associations Férus – ours, loup, lynx conservation et Le comité écologique ariégeois ainsi que le surplus des conclusions du recours du ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer sont rejetés.

IGP Tomme des Pyrénées – Cahier des charges – Contrôle normal

Conseil d’État

N° 411663
ECLI:FR:CECHR:2018:411663.20180613
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème et 8ème chambres réunies
M. Laurent Cytermann, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET, avocats

Lecture du mercredi 13 juin 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association des éleveurs de brebis laitières demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêté du 11 avril 2017 relatif à la modification du cahier des charges de l’indication géographique protégée « Tomme des Pyrénées » ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Laurent Cytermann, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de l’institut national de l’origine et de la qualité ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 mai 2018, présentée par l’Association des éleveurs de brebis laitières ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 avril 2017, les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture ont homologué la modification du cahier des charges de l’indication géographique (IGP) protégée « Tomme des Pyrénées « . L’Association des éleveurs de brebis laitières demande au Conseil d’Etat l’annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, si l’association soutient qu’aucune proposition du comité national compétent de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) n’a été rendue publique, il ressort du résumé des décisions produit par l’INAO que, lors de sa séance des 1er et 2 février 2017, le Comité national des indications géographiques protégées, labels rouges et spécialités traditionnelles a adopté une proposition de cahier de charges de cette IGP. Aucune disposition n’impose la publication des propositions de l’INAO. Ce moyen doit, en conséquence, être écarté.

3. En second lieu, l’article 5.2 du règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires dispose :  » 2. Aux fins du présent règlement, on entend par « indication géographique » une dénomination qui identifie un produit : a) comme étant originaire d’un lieu déterminé, d’une région ou d’un pays ; b) dont une qualité déterminée, la réputation ou une autre propriété peut être attribuée essentiellement à son origine géographique ; et c) dont au moins une des étapes de production a lieu dans l’aire géographique délimitée « .

4. Le cahier des charges homologué par l’arrêté attaqué prévoit en son point 5.1 :  » Le lait de brebis provient des races basco-béarnaise, castillonnaise, manech tête noire ou manech tête rousse « . L’association requérante soutient que le cahier des charges aurait dû inclure également la race Lacaune. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la race Lacaune, à la différence des quatre races locales mentionnées ci-dessus, n’est pas adaptée à la transhumance en milieu pyrénéen, alors que l’utilisation de lait issu de races de brebis aptes à la transhumance dans ce milieu constitue un des éléments permettant d’établir le lien à l’origine géographique de la tomme des Pyrénées. De plus, l’INAO soutient sans être contredit que les quatre races retenues par le cahier des charges ont un rendement laitier inférieur à celui de la race Lacaune, ce qui permet de produire un lait plus gras nécessaire à la qualité d’un fromage à pâte semi-dure non cuite. Enfin, l’association requérante ne peut utilement soutenir que le cahier des charges ne comporte aucune restriction de race pour le lait de vache ou de chèvre et que le label rouge LA 11-08, qui est un label de viande d’agneau, n’autoriserait que la race Lacaune. Par suite, l’association n’est pas fondée à soutenir que les auteurs de l’arrêté auraient commis une erreur d’appréciation en n’autorisant pas le lait de brebis provenant de la race Lacaune pour la fabrication de la tomme des Pyrénées.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l’association doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–

Article 1er : La requête de l’Association des éleveurs de brebis laitières est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’Association des éleveurs de brebis laitières, au
ministre de l’économie et des finances, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation et à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO).

Randonnée pédestre/ Obligations de l’autorité de police municipale/ Faute (absence de signalisation)

CAA de BORDEAUX

N° 16BX02289   
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre – formation à 3
M. LARROUMEC, président
M. Gil CORNEVAUX, rapporteur
Mme MOLINA-ANDREO, rapporteur public
CABINET JEAN-JACQUES MOREL, avocat

lecture du lundi 28 mai 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… D…a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Cilaos à lui verser une somme totale de 110 000 euros assortie des intérêts légaux, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés, en réparation des préjudices moraux subis du fait de l’accident du 3 avril 2002 dans le canyon de Bras Rouge sur le territoire de la commune de Cilaos, au cours duquel son épouse a trouvé la mort et sa fille, a été grièvement blessée.

Par un jugement n° 1300223 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la commune de Cilaos au versement, à M.D…, d’une somme de 22 500 euros portant intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2012, qui eux-mêmes porteront intérêts à chaque échéance annuelle à compter du 17 décembre 2013.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2016, la commune de Cilaos, représentée par MeA…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 mai 2016 ;

2°) de rejeter la demande indemnitaire présentée par M.D… ;

3°) de mettre à la charge de M. D…une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la demande préalable de M. D…présentée le 17 décembre 2012 est prescrite car l’accident, date de réalisation du dommage, qui est le fondement de sa demande est advenu le 3 avril 2002, la prescription étant acquise le 31 décembre 2006 ; la procédure pénale engagée en 2002 par M. D…n’a pas permis d’interrompre ce délai ;
– le sentier ne présentait aucun danger particulier et anormal qui aurait nécessité la mise en place d’une signalisation par la commune, alors que d’une part aucun accident ne s’était produit avant la date du 3 avril 2002 et que d’autre part le lieu de l’accident relève du domaine public fluvial relevant de la responsabilité de l’Etat, le maire ne possédant pas la compétence pour réglementer l’accès des sentiers en litiges ;
– les consortsD…, installés à La Réunion depuis l’année 2001 ne pouvait ignorer les risques afférents au passage d’un cyclone tropical quelques jours auparavant accompagnés de pluies très abondante de nature à déstabiliser les reliefs rocheux ;
– le dommage subit par les consorts D…trouve son origine par l’imprudence dont ils ont fait preuve en s’engageant sur ce sentier alors même que l’agent d’accueil du parc leur avait déconseillé d’y aller.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2016, M. B…D…, représenté par MeF…, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de la commune de Cilaos une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 84-36 du 16 janvier 1984 ;
– loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
– le décret n° 86-473 du 14 mars 1986 ;
– le décret n° 2010-716 du 29 juin 2010 ;
– le décret n° 2011-444 du 21 avril 2011 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Gil Cornevaux ;
– et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les époux D…et leur fille ont emprunté, le 3 avril 2002, le sentier de grande randonnée GR.R2 menant à la cascade de Bras Rouge à Cilaos. Mme C…D…et Mme E…D…, en cours de randonnée, ont volontairement quitté, le parcours balisé pour rejoindre le site pittoresque des sources d’eau chaude, situé à l’écart du sentier et signalé par un fléchage au sol non officiel. Les randonneuses alors qu’elles empruntaient le lit de la rivière du  » Bras Rouge « , vers 13 heures 15, les rives abruptes de ce cours d’eau, fragilisées par le passage le 10 mars 2002 du cyclone tropical  » Harry « , se sont éboulées à deux reprises. Ces éboulements ont provoqué la mort de Mme D…et gravement blessé Mme E…D…à la jambe. M. B…D…après avoir adressé une demande préalable adressée au maire de la commune de Cilaos le 17 décembre 2012, demeurée sans réponse, a saisi le tribunal administratif de La Réunion pour solliciter la réparation du préjudice moral résultant du décès de son épouse et du traumatisme subi par sa fille. La commune de Cilaos fait appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de La Réunion l’a déclarée responsable des trois quarts des conséquences dommageables de l’accident et l’a condamné au versement d’une somme de 22 500 euros assortis des intérêts aux taux légal.

Sur l’exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Cilaos :

2. Aux termes de l’article 2 de la même loi :  » La prescription est interrompue par (…) / Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance./ Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l’interruption. Toutefois, si l’interruption résulte d’un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée « . En vertu de ces dispositions, une plainte contre X avec constitution de partie civile, de même qu’une constitution de partie civile tendant à l’obtention de dommages et intérêts effectuée dans le cadre d’une instruction pénale déjà ouverte, interrompt le cours de la prescription quadriennale dès lors qu’elle porte sur le fait générateur, l’existence, le montant ou le paiement d’une créance sur une collectivité publique.

3. Il résulte de l’instruction qu’à la suite du décès de Mme D… et des blessures de Mme E…D…, survenu le 3 avril 2002, M. D…a déposé, le 6 décembre 2002, une plainte contre X avec constitution de partie civile, qui tendait à la recherche de responsabilité du fait de cet accident survenu le 3 avril 2002, est relative à la créance de l’intéressé, susceptible d’être mise à la charge d’une collectivité. Cette action qui a été introduite avant l’expiration du délai de la prescription quadriennale qui courait à compter du 1er janvier 2003, a eu pour effet, en vertu des dispositions de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968, d’interrompre ce délai jusqu’à la date à laquelle l’arrêt du 31 octobre 2006 par lequel la chambre d’instruction de la cour d’appel de Saint Denis de La Réunion rejetant l’appel à l’encontre d’une ordonnance de non lieu, est devenu définitif faisant ainsi partir un nouveau délai de prescription quadriennale à compter du 1er janvier 2007. Ce dernier, interrompu à nouveau par le recours indemnitaire déposé par M. D… à l’encontre de l’Etat le 9 août 2007, a recommencé de courir à compter du premier jour de l’année suivant l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 23 décembre 2010, le Conseil d’Etat ayant rejeté le 31 mai 2013, le pourvoi formé sur ce point précis de la responsabilité de l’Etat, soit à compter le 1er janvier 2014. Ainsi, le 17 décembre 2012 date à laquelle M. D…a présenté sa réclamation indemnitaire à la commune de Cilaos, ladite créance ne pouvait donc pas être regardée comme prescrite. Par suite, la commune de Cilaos n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont rejeté l’exception quadriennale de prescription de la créance de M. D…qu’elle opposait.

Sur la responsabilité de la commune :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune de Cilaos :

4. Les dispositions du 5° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, qui imposent au maire de prévenir, par des précautions convenables, les accidents et fléaux calamiteux tels que les éboulements de terre ou de rochers, ne s’appliquent que dans le cas où existe un danger excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement, par leur prudence, se prémunir.

5. Il résulte de l’instruction que l’accident qui a provoqué le décès de Mme C…D…et grièvement blessé Mme E…D…s’est produit en un lieu, le site des vasques d’eau chaude de la rivière Bras-Rouge, dont le caractère dangereux était avéré, alors même qu’il était fréquenté par de nombreux randonneurs, qui au demeurant devaient quitter le GR R2 pour l’atteindre. Cet itinéraire, dont la dangerosité avait été accentuée par le passage du cyclone Harry quelque peu de temps auparavant, était indiqué par un balisage non officiel, dont la commune de Cilaos ne pouvait ignorer l’existence. Ainsi, il incombait au maire de Cilaos, alors qu’un arrêté préfectoral du 13 mars 2002, en vigueur à la date de l’accident, avait par mesure de précaution, à la suite du passage du cyclone Harry, ordonné la fermeture des sentiers de randonnée de l’île, nonobstant les obligations incombant à d’autres personnes morales participant à la gestion dudit site, de prendre les mesures adéquates pour informer les randonneurs de la dangerosité particulière de cet itinéraire et du site, où s’est déroulé l’accident, situé sur le territoire de la commune de Cilaos. Or le maire de la commune de Cilaos, s’est contenté d’afficher, en mairie, l’arrêté préfectoral du 13 mars 2013, qui préconisait l’interdiction d’emprunt du sentier GR R2 sur son territoire, sans pour autant procéder à un affichage ou à une information spécifiant le danger particulier de l’itinéraire menant au site  » les vasques d’eau chaudes « . Ainsi, le maire de la commune de Cilaos, en n’ayant pas respecté les obligations qui pesait sur lui au regard des exigences sus rappelées de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que la circonstance qu’aucun accident n’ait été a déploré auparavant ne puisse l’exonérer de cette obligation.

En ce qui concerne la faute des victimes :

6. Cependant, il résulte de l’instruction, que les victimes qui ne connaissait pas les lieux, se sont, avant l’excursion, renseignées auprès d’un agent d’accueil de la maison de la montagne qui leur a indiqué que les sentiers étaient rouverts. Ce même agent a précisé lors de la procédure pénale liée aux circonstances de l’accident qu’il déconseillait de façon générale cet itinéraire aux randonneurs. Néanmoins, MmesD…, en empruntant cet itinéraire menant aux vasques d’eau chaude, dont la dangerosité et l’absence de balisage officiel était indiqué dans le guide dont les victimes disposaient, au demeurant peu de temps après le passage du cyclone Harry, bien qu’aucun panneau n’interdisait l’accès des lieux ou n’en signalait le danger, savaient qu’elles allaient emprunter un cheminement dangereux, commettant ainsi une grave imprudence, de nature à atténuer la responsabilité de la commune. En laissant à la charge de la commune de Cilaos les trois quart des conséquences dommageables de l’accident litigieux, les premiers juges ont fait une juste appréciation de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cilaos n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement contesté du 12 mai 2016, le tribunal administratif de La Réunion a déclaré la commune de Cilaos responsable des conséquences dommageables de l’accident à hauteur des trois quarts et l’a condamné au versement, à M.D…, d’une somme de 22 500 euros portant intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2012.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D…la somme que demande la commune de Cilaos au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire droit aux conclusions de M. D…sur le même fondement et de condamner la commune de Cilaos à lui verser la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Cilaos est rejetée.
Article 2 : La commune de Cilaos versera à M. D…une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. B…D…et à la commune de Cilaos.
Délibéré après l’audience du 27 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 mai 2018.

Le rapporteur,
Gil CornevauxLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,
Cindy Virin

2
No16BX02289

Accident sur névé/ Faute du guide (non)

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 20 mars 2018
N° de pourvoi: 17-81228
Non publié au bulletin Rejet

M. Soulard (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


M. Dominique X…, partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 11 janvier 2017, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 15 décembre 2015, n° 14-86.591), dans la procédure suivie contre M. Jean-Pierre Y… du chef de la contravention de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 30 janvier 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller Bellenger, les observations de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que M. Dominique X… a été blessé au cours d’une course en montagne encadrée par M. Jean-Pierre Y…, guide de haute montagne, après avoir glissé lors du franchissement d’un névé et dévissé ; que, poursuivi pour la contravention de blessures involontaires, M. Y… a été renvoyé des fins de la poursuite; que la partie civile a relevé appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 2, 418, 459, 460, 464, 536, 546, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a débouté M. X… de toutes ses demandes ;

« aux motifs propres que « la recevabilité de la constitution de partie civile de M. Dominique X… n’est pas contestée ; qu’au fond, sur l’appel des seules dispositions civiles d’un jugement de relaxe, la juridiction du second degré ne peut en l’état de la jurisprudence de la Cour de cassation rechercher si les faits qui lui sont déférés constituent une infraction pénale, sous peine de méconnaître le principe de la présomption d’innocence garanti par l’article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme ; que toutefois, l’autorité de chose jugée au pénal ne s’attachant à aucune des dispositions civiles du jugement entrepris, l’appel de la partie civile a pour effet de lui déférer l’action en réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile du prévenu définitivement relaxé, qui doit être démontrée à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite ; qu’en l’espèce, il convient de rechercher, sur la base des articles 1382 et 1383 du code civil, si M. Jean-Pierre Y… est de par son fait, sa négligence ou son imprudence responsable du dommage causé à M. Dominique X…, sachant qu’en sa qualité de guide de haute montagne, il était tenu à une obligation de moyens de sécurité consistant à assurer la progression de ses clients dans les meilleures conditions en anticipant les obstacles prévisibles et après s’être assuré de leur niveau et de la qualité de leur équipement ; qu’il est établi en procédure que l’accident est survenu à 2220 mètres d’altitude dans la première partie de la marche entreprise par le groupe, progressant en direction du refuge Albert 1er ; que les conditions météorologiques, la période de l’année, la topographie des lieux ne rendaient pas impératif l’usage de chaussures de montagne autres que les chaussures de trail portées par M. Dominique X…, ni l’ajout de crampon ou un encordement, ce d’autant que M. Dominique X… était un alpiniste chevronné ; que le chemin, à l’exception des portions recouvertes par des névés était dégagé ; qu’un premier névé avait été traversé peu de temps auparavant sans difficulté et les caractéristiques du névé suivant à franchir, telles que décrites par MM. Jean-Pierre Y… et Gilles Z… qui l’a inspecté à son arrivée sur les lieux ultérieurement mais aussi par M. Claude B… qui l’avait emprunté plusieurs heures auparavant ne justifiaient pas la prise de précautions autres que celles mises en oeuvre par M. Jean-Pierre Y…, soit un appel à la vigilance et son positionnement particulier lors du franchissement de sa partie pentue par M. Dominique X… ; que les causes de la perte d’équilibre de M. Dominique X… demeurent en réalité indéterminées ; qu’il ne ressort en effet que de ses déclarations recueillies à l’hôpital le 10 juillet 2012 et erronées sur d’autres points factuels qu’une plaque de glace vive se trouvait sous la surface du névé ; que de même, aucun lien ne peut être formellement établi entre sa glissade et les chaussures de trail qu’il avait choisies de porter sur cette première portion du parcours moins ardue que sa poursuite après le refuge Albert 1er ; que dans ce contexte, il apparaît qu’aucune faute, imprudence ou négligence en lien avec l’accident survenu ne peuvent être retenues à l’encontre de M. Jean-Pierre Y… ;

« 1°) alors que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans la limite des conclusions dont ils sont saisis ; que la partie civile a formé appel, le 2 octobre 2013, à l’encontre des dispositions civiles du jugement de relaxe et qu’elle a seulement sollicité que la cour d’appel constate l’existence de l’infraction ; qu’en recherchant néanmoins l’existence d’une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, tandis qu’elle n’était saisie d’aucune action en réparation des conséquences dommageables pouvant résulter de la faute civile du prévenu définitivement relaxé, la cour d’appel a violé les dispositions susvisées ;

« 2°) alors que, en toute hypothèse, la procédure pénale doit être contradictoire ; qu’en relevant d’office le moyen de droit selon lequel, en raison du revirement opéré par la Cour de cassation le 5 février 2014, la juridiction répressive du second degré saisie du seul appel de la partie civile à l’encontre d’un jugement de relaxe ne pouvait plus rechercher si les faits lui étant déférés sont constitutifs d’une infraction pénale et que l’appel de la partie civile avait pour effet de lui déférer l’action en réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile du prévenu définitivement relaxé, sans recueillir préalablement les observations du prévenu et de la partie civile, la cour d’appel a violé les dispositions susvisées » ;

Attendu que pour débouter la partie civile de ses demandes, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que, saisie du seul appel de la partie civile contre une décision de relaxe, elle devait rechercher l’existence d’une faute civile à partir et dans les limites des fait objet de la poursuite, peu important qu’aucune demande en réparation du préjudice n’ait été formée devant elle, la cour d’appel, qui n’a pas changé le fondement juridique de la demande ni méconnu le principe du contradictoire, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382, 1383, 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, 2, 418, 497, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a débouté M. X… de toutes ses demandes ;

« aux motifs propres que sur l’appel des seules dispositions civiles d’un jugement de relaxe, la juridiction du second degré ne peut en l’état de la jurisprudence de la Cour de cassation rechercher si les faits qui lui sont déférés constituent une infraction pénale, sous peine de méconnaître le principe de la présomption d’innocence garanti par l’article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme ; que toutefois, l’autorité de chose jugée au pénal ne s’attachant à aucune des dispositions civiles du jugement entrepris, l’appel de la partie civile a pour effet de lui déférer l’action en réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile du prévenu définitivement relaxé, qui doit être démontrée à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite ; qu’en l’espèce, il convient de rechercher, sur la base des articles 1382 et 1383 du code civil, si M. Jean-Pierre Y… est de par son fait, sa négligence ou son imprudence responsable du dommage causé à M. Dominique X…, sachant qu’en sa qualité de guide de haute montagne, il était tenu à une obligation de moyens de sécurité consistant à assurer la progression de ses clients dans les meilleures conditions en anticipant les obstacles prévisibles et après s’être assuré de leur niveau et de la qualité de leur équipement ; qu’il est établi en procédure que l’accident est survenu à 2 220 mètres d’altitude dans la première partie de la marche entreprise par le groupe, progressant en direction du refuge Albert 1er ; que les conditions météorologiques, la période de l’année, la topographie des lieux ne rendaient pas impératif l’usage de chaussures de montagne autres que les chaussures de trail portées par M. Dominique X…, ni l’ajout de crampon ou un encordement, ce d’autant que M. Dominique X… était un alpiniste chevronné ; que le chemin, à l’exception des portions recouvertes par des névés était dégagé ; qu’un premier névé avait été traversé peu de temps auparavant sans difficulté et les caractéristiques du névé suivant à franchir, telles que décrites par MM. Jean-Pierre Y… et Gilles Z… qui l’a inspecté à son arrivée sur les lieux ultérieurement mais aussi par M. Claude B… qui l’avait emprunté plusieurs heures auparavant ne justifiaient pas la prise de précautions autres que celles mises en oeuvre par M. Jean-Pierre Y…, soit un appel à la vigilance et son positionnement particulier lors du franchissement de sa partie pentue par M. Dominique X… ; que les causes de la perte d’équilibre de M. Dominique X… demeurent en réalité indéterminées ; qu’il ne ressort en effet que de ses déclarations recueillies à l’hôpital le 10 juillet 2012 et erronées sur d’autres points factuels qu’une plaque de glace vive se trouvait sous la surface du névé ; que de même, aucun lien ne peut être formellement établi entre sa glissade et les chaussures de trail qu’il avait choisies de porter sur cette première portion du parcours moins ardue que sa poursuite après le refuge Albert 1er ; que dans ce contexte, il apparaît qu’aucune faute, imprudence ou négligence en lien avec l’accident survenu ne peuvent être retenues à l’encontre de M. Jean-Pierre Y… ;

« 1°) alors que les règles de fond de la responsabilité civile s’imposent au juge pénal qui en est saisi par la victime ; qu’ayant constaté que M. X… était le client de M. Y…, ce dont il se déduisait l’existence d’un contrat, l’arrêt attaqué retient néanmoins que la responsabilité de ce dernier doit être recherchée « sur la base des articles 1382 et 1383 du code civil » ; qu’en statuant ainsi sur un fondement délictuel, et non contractuel, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

« 2°) alors que, en toute hypothèse, manque à son obligation de sécurité le guide de haute montagne qui invite son client, chaussé de simples chaussures de trail, dépourvu de crampons et non encordé, à s’engager sur un névé qu’il n’a pas personnellement reconnu sans se placer directement derrière lui de façon à pouvoir parer une glissade ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les textes susvisés » ;

Attendu que pour débouter la partie civile de ses demandes, l’arrêt énonce que les conditions météorologiques, la période de l’année, la topographie des lieux ne rendaient pas impératif l’usage de chaussures de montagne autres que les chaussures de trail portées par M. Dominique X…, ni l’ajout de crampon ou un encordement, ce d’autant que M. X… était un alpiniste chevronné, que le chemin, à l’exception des portions recouvertes par des névés, était dégagé, qu’un premier névé avait été traversé peu de temps auparavant sans difficulté, que les caractéristiques du névé suivant à franchir ne justifiaient pas la prise de précautions autres que celles mises en oeuvre par M. Y…, soit un appel à la vigilance et son positionnement particulier lors du franchissement de sa partie pentue par M. X… ; que les juges ajoutent que les causes de la perte d’équilibre de M. X… demeurent en réalité indéterminées, qu’aucun lien ne peut être formellement établi entre sa glissade et les chaussures de trail qu’il avait choisi de porter sur cette première portion du parcours moins ardue que sa poursuite après le refuge Albert 1er et que, dans ce contexte, il apparaît qu’aucune faute, imprudence ou négligence en lien avec l’accident survenu ne peut être retenue à l’encontre de M. Y… ;
Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que l’application des dispositions de l’article 470-1 n’a pas été sollicitée avant la clôture des débats et qu’elle a souverainement apprécié qu’en raison des circonstances, aucune faute civile constituée à partir et dans les limites des faits objet de la poursuite ne pouvait être reprochée au prévenu, la cour d’appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales invoquées ;

D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. X… devra payer à M. Y… au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt mars deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Fiscalité des remontées mécaniques (CFE): « La base (imposable) et le socle (en béton) »…

CAA de BORDEAUX

N° 16BX00182, 16BX03976, 17BX00788   
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. DE MALAFOSSE, président
M. Laurent POUGET L., rapporteur
M. de la TAILLE LOLAINVILLE, rapporteur public
CABINET NICOROSI, avocat

lecture du mardi 10 avril 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d’économie mixte de Peyragudes (SEMAP) a demandé successivement au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations foncières des entreprises qui lui ont été réclamées au titre des années 2012, puis 2013.

Par un premier jugement du 17 novembre 2015, n° 1401678, le tribunal administratif de Pau, s’agissant de l’année 2012, a constaté un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 38 760 euros et a rejeté le surplus de sa demande. Par un second jugement du 11 octobre 2016, n° 1501726, portant sur l’année 2013, le tribunal administratif de Pau a constaté un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 42 330 euros et a accordé à la société une réduction, à concurrence de 12 831 euros, de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2016 sous le n° 16BX00182, et des mémoires enregistrés les 28 juillet 2016, 29 novembre 2017 et 30 janvier 2018, la SEMAP demande à la cour :

1°) d’annuler les articles 1er et 3 du jugement n° 1401678 du 17 novembre 2015 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de faire intégralement droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le tribunal n’a pas analysé son mémoire produit le 27 octobre 2015 et a omis de statuer sur le moyen qu’elle soulevait en demandant que seul le génie civil des gares amont et aval du télésiège  » Privilège « , ainsi que les études et plans y afférents, soient pris en compte pour le calcul de la taxe ;
– le dégrèvement obtenu au titre de la contribution économique territoriale (CET) ne peut s’analyser comme une réduction en droit de la cotisation foncière des entreprises (CFE), s’agissant de deux impositions distinctes ; c’est une modalité de paiement et non une compensation ; l’article L. 203 du livre des procédures fiscales ne trouve pas à s’appliquer, car cela reviendrait à méconnaître la procédure de reprise prévue à l’article 1647 B sexies V du code général des impôts ;
– aussi, la somme versée en excédent au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale à la suite de l’octroi d’un dégrèvement de cotisation foncière des entreprises doit être constatée par un avis de mise en recouvrement avant d’être éventuellement déduite du montant à verser au redevable au titre du dégrèvement ; au cas d’espèce, aucun avis de mise en recouvrement n’a été adressé aux fins de remettre en cause le dégrèvement ; aussi, c’est à tort que le tribunal a constaté un non-lieu à statuer partiel ;
– s’agissant du télésiège  » Sérias « , elle a démontré la faible dimension des dés de bétons sur lesquels sont fixés les pylônes et leur coût de réalisation limité, de sorte qu’il convient d’exclure leur coût du prix de revient à retenir pour la détermination de la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière ; le surcoût liés aux moyens mis en oeuvre pour la mise en place des socles ne saurait être pris en compte ;
– il en va de même s’agissant du télésiège  » Privilège  » ;
– seuls les ouvrages en maçonnerie des gares des deux télésièges présentent le caractère de véritables constructions passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; les frais d’études doivent être retenus pour leur seule part afférente au génie civil taxable ; les prix de revient taxables à prendre en compte s’élèvent donc à 167 112 euros pour le télésiège  » Sérias  » et à 86 381 euros pour le télésiège  » Privilège « .

Par des mémoires enregistrés les 11 juillet 2016, 28 septembre 2017, 3 janvier 2018 et 13 février 2018, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
– l’application des articles 1447-0 et 1647 B sexies du code général des impôts conduit à une compensation entre le dégrèvement au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale et le montant de la cotisation foncière des entreprises ; les dispositions de l’article 1647 sexies B n’imposent pas l’émission d’un avis de mise en recouvrement ; le dégrèvement au titre du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée s’impute directement sur le montant de la CFE, seule imposition émise ; il ne s’agit pas d’un reversement de sommes indûment restituées ; les dispositions des articles L. 203 et R. 203 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à la compensation entre la CFE et un dégrèvement obtenu et restitué au titre du plafonnement de la CET, ces impositions n’étant pas de nature différente ; le mode opératoire suivi par l’administration n’a laissé subsister aucun excédent d’imposition à la charge de la requérante ;
– les socles en béton sur lesquels sont fixés les gares et les pylônes, de grande dimension et dont la réalisation a nécessité un enfouissement profond et la mise en oeuvre de moyens matériels et financiers importants, sont des constructions véritables ; la structure la plus complexe de ces éléments est enterrée et ils sont destinés à rester perpétuellement à demeure.

Par une ordonnance en date du 30 janvier 2018, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 15 février 2018 à 12 heures.

Par un courrier en date du 16 février 2018, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d’office un moyen d’ordre public.

Le ministre de l’action et des comptes publics a répondu à ce moyen d’ordre public par un mémoire enregistré le 28 février 2018.

II) Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2016 sous le n° 16BX03976, et des mémoires enregistrés les 21 août et 29 novembre 2017, la SEMAP demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016 du tribunal administratif de Pau en ce qu’il n’a pas fait intégralement droit à sa demande ;

2°) de réduire en conséquence de 51 252 euros le montant de la cotisation de contribution foncière des entreprises qui lui a été assignée au titre de l’année 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :
– le dégrèvement obtenu au titre de la contribution économique territoriale ne peut s’analyser comme une réduction en droit de la cotisation foncière des entreprises, s’agissant de deux impositions distinctes ; c’est une modalité de paiement et non une compensation ; l’administration fiscale a pratiqué une compensation implicite ; or, l’article L. 203 du livre des procédures fiscales ne trouve pas à s’appliquer, car cela reviendrait à méconnaître la procédure de reprise prévue à l’article 1647 B sexies V du code général des impôts ;
– aussi, la somme versée en excédent au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale à la suite de l’octroi d’un dégrèvement de cotisation foncière des entreprises doit être constatée par un avis de mise en recouvrement avant d’être éventuellement déduite du montant à verser au redevable au titre du dégrèvement ; au cas d’espèce, aucun avis de mise en recouvrement n’a été adressé aux fins de remettre en cause le dégrèvement ; aussi, c’est à tort que le tribunal a constaté un non-lieu à statuer partiel.

Par des mémoires enregistrés les 31 mai 2017, 28 septembre 2017 et 3 janvier 2018, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
– l’application des articles 1447-0 et 1647 B sexies du code général des impôts conduit à une compensation entre le dégrèvement au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale et le montant de la cotisation foncière des entreprises ; les dispositions de l’article 1647 sexies B n’imposent pas l’émission d’un avis de mise en recouvrement ; le dégrèvement au titre du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée s’impute directement sur le montant de la CFE, seule imposition émise ; il ne s’agit pas d’un reversement de sommes indûment restituées ; les dispositions des articles L. 203 et R. 203 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à la compensation entre la CFE et un dégrèvement obtenu et restitué au titre du plafonnement de la CET, ces impositions n’étant pas de nature différente ; le mode opératoire suivi par l’administration n’a laissé subsister aucun excédent d’imposition à la charge de la requérante.

Par une ordonnance en date du 3 janvier 2018, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 31 janvier 2018 à 12 heures.

III) Par un recours enregistré le 15 mars 2017 sous le n° 17BX00788 et des mémoires complémentaires enregistrés les 28 septembre 2017 et 3 janvier 2018, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour d’annuler les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Pau n° 1501726 du 11 octobre 2016, et de remettre à la charge de la SEMAP la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2013.

Il soutient que :
– conformément aux dispositions du décret n° 2016-1099 du 11 août 2016, le greffe du tribunal administratif de Pau aurait dû notifier le jugement au pôle fiscal juridictionnel départemental ; dès lors, la notification faite à la direction départementale des finances publiques des Hautes-Pyrénées ne lui est pas opposable ; seule la notification faite le 24 novembre 2016 au pôle juridictionnel a pu faire courir le délai d’appel ; le recours n’est donc pas tardif ;
– l’application des articles 1447-0 et 1647 B sexies du code général des impôts conduit à une compensation entre le dégrèvement au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale et le montant de la contribution de la cotisation foncière des entreprises ; les dispositions de l’article 1647 sexies B n’imposent pas l’émission d’un avis de mise en recouvrement ; le dégrèvement au titre du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée s’impute directement sur le montant de la CFE, seule imposition émise ; il ne s’agit pas d’un reversement de sommes indûment restituées ; le mode opératoire suivi par l’administration n’a laissé subsister aucune imposition indue à la charge de la société ;
– les socles en béton sur lesquels sont fixés les gares et les pylônes, de grande dimension et dont la réalisation a nécessité des enfouissements profonds et des moyens matériels et financiers importants, sont des constructions véritables ; la structure la plus complexe de ces éléments est enterrée et ils sont destinés à rester perpétuellement à demeure.

Par des mémoires enregistrés les 30 juin 2017, 19 novembre 2017 et 30 janvier 2018, la SEMAP conclut au rejet du recours et demande que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le recours du ministre est tardif et donc irrecevable ; les dispositions de l’article R. 200-4 du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables ; c’est à juste titre, en vertu de l’article R. 280-18 du livre des procédures fiscales, que le jugement a été notifié le 14 octobre 2016 à la direction des finances publiques des Hautes-Pyrénées, qui a suivi l’affaire ;
– s’agissant du télésiège  » Sérias « , la SEMAP a démontré la faible dimension des dés de bétons sur lesquels sont fixés les pylônes et leur coût de réalisation limité, de sorte qu’il convient d’exclure leur coût du prix de revient à retenir pour la détermination de la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière ; le surcoût liés aux moyens mis en oeuvre pour la mise en place des socles ne saurait être pris en compte ;
– il en va de même s’agissant du télésiège  » Privilège  » ;
– seuls les ouvrages en maçonnerie des gares des deux télésièges présentent le caractère de véritables constructions passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; les études doivent être retenues pour leur seule part afférente au génie civile taxable ; les prix de revient taxables à prendre en compte s’élèvent donc à 167 112 euros pour le télésiège  » Sérias  » et à 86 381 euros pour le télésiège  » Privilège « .

Un mémoire présenté par le ministre de l’action et des comptes publics le 13 février 2018, qui se borne à confirmer ses précédentes écritures, n’a pas été communiqué.

Par une ordonnance en date du 30 janvier 2018, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 15 février 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Laurent Pouget,
– les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
– et les observations de MeA…, représentant la SEMAP.

Considérant ce qui suit :

1. La société d’économie mixte de Peyragudes (SEMAP), concessionnaire du domaine skiable de Peyresourde-Les-Agudes, a été imposée à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2012 et 2013 à partir des déclarations qu’elle avait déposées. Il en est résulté des impositions d’un montant de 120 585 euros pour 2012 et de 124 125 euros pour 2013. La SEMAP a toutefois obtenu, pour chacune des années considérées, des dégrèvements au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. En revanche, les réclamations de la SEMAP tendant à ce qu’il soit tenu compte d’une moindre valeur locative en ce qui concerne deux télésièges de son domaine ont fait l’objet de décisions de rejet de la part du service, contestées par la société devant le tribunal administratif de Pau. La SEMAP relève appel, sous le n° 16BX00182, du jugement n° 1401678 du 17 novembre 2015 par lequel ce tribunal a, d’une part, constaté un non-lieu à statuer à hauteur d’un dégrèvement prononcé par l’administration et a, d’autre part, rejeté pour le surplus sa demande tendant à la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de 2012. Sous le n° 16BX03976, la société relève appel du jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016 en ce que celui-ci n’a pas fait intégralement droit à ses conclusions à fin de décharge de la cotisation foncière des entreprises établie au titre de l’année 2013. Enfin, sous le n° 17BX00788, le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce même jugement en tant que celui-ci a accordé à la SEMAP une réduction partielle de la cotisation foncière des entreprises qui lui a été assignée au titre de 2013 et a mis à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Les requêtes n° 16BX00182 et 16BX03976 ainsi que le recours n° 17BX00788 présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l’étendue du litige en appel au titre de 2012 :

3. Par décision du 12 novembre 2015, qui n’a pas été produite devant le tribunal avant la clôture de l’instruction, l’administration a dégrevé la SEMAP de ses cotisations foncières pour 2012 à hauteur de 39 484 euros. Par suite, les conclusions de la SEMAP relatives à la cotisation foncière des entreprises au titre de l’année 2012 sont devenues sans objet à concurrence de ce montant. Dans cette mesure, il n’y a pas lieu pour la cour d’y statuer.

Sur la recevabilité du recours du ministre au titre de 2013 :

4. Selon l’article R. 200-18 du livre des procédures fiscales :  » A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques (…) qui a suivi l’affaire, celui-ci dispose d’un délai de deux mois pour transmettre, s’il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d’appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l’alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre « . Aux termes de l’article R. 200-4 du même livre, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1099 du 11 août 2016, applicable à compter du 1er septembre 2016 :  » Les notifications et communications faites à l’administration sont adressées par le tribunal administratif au directeur compétent en application du 1° bis du I de l’article 408 de l’annexe II au code général des impôts (…) « . Aux termes de l’article 408 de l’annexe II au code général des impôts, dans sa version applicable à la même date :  » (…) 1° bis. Le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel est situé le siège du tribunal administratif (…) a seul pouvoir de soumettre d’office au tribunal administratif les réclamations contentieuses mentionnées à l’article L. 190 du livre des procédures fiscales, de représenter l’Etat devant le tribunal administratif dans les instances engagées à la suite de ces réclamations (…) « .

5. Il résulte de ces dispositions que doit être regardé comme le service qui a suivi l’affaire au sens des dispositions précitées de l’article R. 200-18 du livre des procédures fiscales la direction départementale ou, le cas échéant, régionale des finances publiques du département dans lequel est situé le siège du tribunal administratif, qui avait qualité pour représenter l’Etat devant le tribunal administratif. Seule la notification du jugement à cette direction est de nature à faire courir le délai de transmission du jugement et du dossier au ministre puis le délai d’appel imparti au ministre.

6. Le siège du tribunal administratif de Pau étant situé dans le département des Pyrénées-Atlantiques, la notification initiale du jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016, statuant sur la contribution foncière des entreprises due par la SEMAP au titre de l’année 2013, au directeur départemental des finances publiques des Hautes-Pyrénées ne peut être regardée comme ayant été régulière. Elle n’est donc de nature à avoir fait courir ni le délai de transmission du jugement et du dossier au ministre ni le délai d’appel imparti au ministre. Ce n’est que le 24 novembre 2016 que le jugement a été régulièrement notifié au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques, déclenchant ainsi le délai de recours. Par suite, le délai fixé par l’article R. 200-18 du livre des procédures fiscales n’était pas venu à expiration à la date à laquelle le recours du ministre a été enregistré au greffe de la cour administrative d’appel de Bordeaux, le 15 mars 2017.

7. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par la SEMAP sur le fondement de l’article R. 200-18 du livre des procédures fiscales au recours du ministre présenté au titre de 2013 ne peut être accueillie.

Sur la régularité des jugements attaqués :

En ce qui concerne l’étendue des litiges en première instance :

8. Si, s’agissant de l’année 2012, le tribunal a prononcé, par le jugement n° 1401678 du 17 novembre 2015, un non-lieu à statuer partiel, l’administration n’avait pourtant justifié devant lui, avant la clôture de l’instruction, d’aucune décision de dégrèvement qui serait intervenue en cours d’instance. Par suite le tribunal n’a pu, sans commettre d’irrégularité, regarder les conclusions de première instance de la SEMAP comme étant partiellement devenues sans objet. Dès lors, l’article 1er du jugement attaqué prononçant ce non-lieu partiel doit être annulé. Il y a lieu d’évoquer les conclusions correspondantes.

9. S’agissant de l’année 2013, c’est à juste titre et sans commettre d’irrégularité, contrairement à ce que prétend la SEMAP, que le tribunal, par le jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016, a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de 42 330 euros compte tenu du dégrèvement intervenu en cours de procédure et dûment justifié.

En ce qui concerne l’omission à statuer invoquée :

10. La société requérante soutient que le tribunal n’a pas analysé son mémoire produit le 27 octobre 2015 dans l’instance n° 1401678 et a omis de statuer sur son argumentation tendant à ce que seuls entrent dans le calcul pour la détermination de la base d’imposition à la cotisation foncière des entreprises les coûts des prestations de génie civil et d’études afférentes aux gares d’arrivée et de départ des télésièges. Toutefois, le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à chacun des arguments des parties, a visé et analysé le mémoire du 27 octobre 2015 et a détaillé, aux points 9 à 13 du jugement, les motifs pour lesquels il a décidé de valider les éléments de calcul invoqués par l’administration. Le moyen doit, par conséquent, être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le calcul de l’impôt :

11. Aux termes de l’article 2 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, repris à l’article 1447-0 du code général des impôts :  » Il est institué une contribution économique territoriale composée d’une cotisation foncière des entreprises et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises « . Aux termes l’article 1647 B sexies du même code :  » I.- Sur demande du redevable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la contribution économique territoriale de chaque entreprise est plafonnée en fonction de sa valeur ajoutée (…) II. Le plafonnement prévu au I s’applique sur la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises diminuées, le cas échéant, de l’ensemble des réductions et dégrèvements dont ces cotisations peuvent faire l’objet (…) III. Le dégrèvement s’impute sur la cotisation foncière des entreprises. « .

12. En premier lieu, c’est, contrairement à ce que soutient la SEMAP, par une exacte application de ces dispositions, et sans qu’y fassent obstacle les dispositions des articles L. 203 et R. 203 du livre des procédures fiscales, lesquelles n’ont pas été mises en oeuvre en l’espèce, que l’administration, ayant fait droit à la demande de plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée présentée au titre de l’année 2012 par la société sur le fondement des dispositions précitées du I de l’article 1647 sexies B du code général des impôts, a imputé le dégrèvement de 53 270 euros en résultant sur la cotisation foncière des entreprises, qui constitue l’une des composantes de la contribution économique territoriale ainsi que l’énonce l’article 1447-0 du code général des impôts, à laquelle la société avait été assujettie au titre de la même année, ramenant le montant total de cette cotisation à 67 315 euros. De la même manière, s’agissant de l’année 2013, l’administration, qui a prononcé le 23 juin 2014 un dégrèvement d’un montant de 51 252 euros au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, a pu régulièrement imputer ce dégrèvement sur la cotisation foncière des entreprises établie au titre de la même année, ramenant la somme due par la SEMAP à 72 873 euros.

13. En second lieu, l’administration a admis d’abandonner, pour le calcul de la valeur locative des biens de la SEMAP passibles de la taxe foncière, la prise en compte des éléments non maçonnés des installations de télésièges. En conséquence de la valeur locative ainsi révisée, les cotisations dues par la société au titre des années 2012 et 2013 ont été finalement réévaluées par le service aux montants de 27 831 euros au titre de 2012, et de 28 591 euros au titre de 2013. Par suite, compte tenu des dégrèvements déjà prononcés au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, l’administration a accordé à la SEMAP, par des décisions en date du 12 novembre 2015, de nouveaux dégrèvements d’un montant de 39 484 euros pour 2012 et de 42 330 euros pour 2013. La SEMAP n’est pas fondée à soutenir que, ce faisant, l’administration aurait commis la moindre erreur dans le calcul de l’impôt.

En ce qui concerne la détermination de la base imposable :

14. D’une part, aux termes de l’article 1467 du code général des impôts :  » La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière situés en France (…) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence (…), à l’exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (…) « .

15. D’autre part, aux termes de l’article 1380 du code général des impôts :  » La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l’exception de celles qui sont expressément exonérées par les dispositions du présent code « . Selon l’article 1381 du même code :  » Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties: / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d’usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d’exploitation ; (…) « .

16. L’administration a pris en compte, pour la détermination du prix de revient des télésièges  » Sérias  » et  » Privilège « , notamment le coût de réalisation des socles de fondation bétonnés sur lesquels sont fixés tant les gares amont et aval que les pylônes supportant les câbles de transport des nacelles, ainsi que la fraction correspondante des dépenses d’études de génie civil. La SEMAP admet la prise en compte du coût des fondations des gares et de la fraction correspondante des études, mais conteste en revanche que puisse être inclus dans la base imposable le coût de revient des socles des pylônes. Elle fait valoir à cet égard que ces derniers, pris isolément, sont de simples blocs de béton au volume et au prix de revient peu significatifs, qui ne sauraient dès lors constituer des constructions susceptibles d’entrer dans le champ d’application de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

17. Il résulte de l’instruction que les socles des pylônes sont des éléments maçonnés qui, profondément enfouis tout au long de la ligne de remontée séparant les gares, sont fixés au sol à perpétuelle demeure. Ils ont nécessité, par l’engagement de moyens matériels et financiers importants, la réalisation d’un coffrage, l’installation de fers à béton et la mise en oeuvre d’un volume moyen de béton par unité de 10,88 m3 pour le télésiège  » Privilège  » et de 13,52 m3 pour le télésiège  » Sérias « , soit, globalement, davantage que les volumes de bétons utilisés pour les gares de départ et d’arrivée. Ils doivent, dans ces conditions, être considérés comme présentant le caractère de véritables constructions au sens des dispositions précitées du 1° de l’article 1381 du code général des impôts. Ainsi, c’est à juste titre que leur valeur locative a été incluse dans les bases d’imposition de la SEMAP à la cotisation foncière des entreprises au titre des années litigieuses.

18. Il résulte des points 11 et suivants, d’une part, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir partielle opposée par le ministre, que, dans les instances n° 16BX00182 et 16BX03976, les conclusions en décharge de première instance et d’appel de la SEMAP sur lesquelles il y a encore lieu de statuer doivent être rejetées, d’autre part, que dans l’instance n° 17BX00788, le ministre est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’article 2 du jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Pau a accordé à la SEMAP une décharge partielle de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle avait été assujettie au titre de l’année 2013.

Sur les frais de procès mis à la charge de l’Etat par le jugement n° 1501726 :

19. Compte tenu du dégrèvement d’une fraction conséquente de la cotisation foncière des entreprises établie au titre de 2013, prononcée par l’administration en cours de procédure devant le tribunal, dans l’instance n° 1501726, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions du ministre des finances et des comptes publics tendant à l’annulation de l’article 3 du jugement attaqué du 11 octobre 2016 mettant à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, quand bien même la décharge accordée par l’article 2 du même jugement est infirmée par le présent arrêt.

Sur les conclusions présentées par la société requérante au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

20. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre une somme quelconque à la charge de l’Etat en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SEMAP, dans l’instance n° 16BX00182, dans la mesure où elles tendent à la décharge d’une somme de 39 484 euros.
Article 2 : L’article 1er du jugement n° 1401678 du 17 novembre 2015 et l’article 2 du jugement n° 1501726 du 11 octobre 2016 du tribunal administratif de Pau sont annulés.
Article 3 : La SEMAP est rétablie au rôle de la cotisation foncière des entreprises au titre de l’année 2013 pour la part de cette cotisation ayant donné lieu à la décharge prononcée par l’article 2 du jugement n° 1501726.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’action et des comptes publics et à la société d’économie mixte de Peyragudes.
Délibéré après l’audience publique du 15 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 avril 2018.

Le rapporteur,
Laurent POUGET
Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

PLU de Valloire (Savoie)/ Légalité

CAA de LYON

N° 16LY00559   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
M. Thierry BESSE, rapporteur
Mme VACCARO-PLANCHET, rapporteur public
DEFAUX, avocat

lecture du mardi 27 mars 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association Valloire nature et avenir a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 9 avril 2013 par laquelle le conseil municipal de Valloire a adopté le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune.

Par un jugement n° 1304519 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 février 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 14 décembre 2017 qui n’a pas été communiqué, la commune de Valloire, représentée par Me B…, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de l’association Valloire nature et avenir ou, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme afin de permettre la régularisation de la délibération ;
3°) de mettre à la charge de l’association Valloire nature et avenir la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– c’est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de l’absence de consultation de l’association Valloire nature et avenir sur le projet de PLU, alors que celle-ci a participé à plusieurs réunions, a présenté des observations pendant la phase de concertation puis lors de l’enquête publique ;
– l’absence au dossier d’enquête publique de la note de présentation prévue à l’article R. 123-8 du code de l’environnement n’a pu influer sur le sens de la décision ou priver le public de garanties dès lors que le projet de développement et d’aménagement durables était joint au dossier ;
– c’est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré d’une insuffisance du rapport de présentation en ce qui concerne l’évolution de la population, les travailleurs saisonniers et l’évolution de la population touristique ;
– c’est à tort que le tribunal a estimé que le classement en AU de la partie centrale de la zone des Verneys était entaché d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation, dès lors que cette délimitation n’exclut pas que certains des terrains qui y sont situés accueillent une piste de ski ;
– les dispositions de l’article R. 123-11 du code de l’urbanisme précisant que les documents graphiques indiquent les espaces aménagés en vue de la pratique du ski ne présentent pas un caractère impératif ;
– les autres moyens de la demande de première instance étaient infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 novembre 2017, l’association Valloire nature et avenir, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la commune ne conteste pas qu’en méconnaissance des dispositions des articles L. 121-5 et R. 123-16 du code de l’urbanisme, elle n’a pas donné suite aux demandes qu’elle avait présentées par courrier en vue d’être consultée et d’obtenir la communication du projet, sans que la commune puisse opposer des réunions publiques tenues dans le cadre de la concertation ;
– l’absence au dossier d’enquête publique de la note de présentation a été de nature à rendre plus difficile l’accès au dossier soumis à l’enquête publique et à priver le public de la possibilité de présenter utilement ses observations ;
– le rapport de présentation, qui tend à surestimer les besoins de construction de la commune, est insuffisant ;
– la partie centrale du secteur des Verneys, qui doit accueillir une piste de ski, n’est pas destinée à l’urbanisation et ne pouvait être classée en zone AU ;
– les documents graphiques méconnaissent l’article R. 123-11 du code de l’urbanisme.

La clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 18 décembre 2017 par ordonnance du 16 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de l’environnement ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
– les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
– et les observations de Me B… pour la commune de Valloire, ainsi que celles de M. A… représentant l’association Valloire nature et avenir ;

1. Considérant que, par une délibération du 19 janvier 2010, le conseil municipal de la commune de Valloire a prescrit l’élaboration d’un plan local d’urbanisme (PLU) ; que le projet de plan a été arrêté le 19 juin 2012 ; que l’enquête publique s’est déroulée du 12 décembre 2012 au 14 janvier 2013 ; que le PLU a été approuvé par une délibération du 9 avril 2013 ; que, par jugement du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération à la demande de l’association Valloire nature et avenir ; que la commune de Valloire relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé des moyens d’annulation retenus par le tribunal :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 121-5 du code de l’urbanisme, alors en vigueur :  » Les associations locales d’usagers agréées dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat, ainsi que les associations agréées mentionnées à l’article L. 141-1 du code de l’environnement sont consultées, à leur demande, pour l’élaboration des schémas de cohérence territoriale, des schémas de secteur et des plans locaux d’urbanisme. Elles ont accès au projet de schéma ou de plan dans les conditions prévues à l’article 4 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.  » ; qu’aux termes de l’article R. 123-16 du même code, alors en vigueur :  » Les présidents des organes délibérants des collectivités publiques, des établissements publics des organismes associés et des associations agréées ainsi que les maires mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article L. 123-8, ou leurs représentants, sont consultés par le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou par le maire à chaque fois qu’ils le demandent pendant la durée de l’élaboration ou de la révision du plan. (…)  » ; que ces dispositions, qui visent à permettre que les associations agréées puissent être informées du contenu du projet de PLU afin, le cas échéant, de formuler un avis sur des points les intéressant, n’imposent pas que le maire ou ses représentants reçoivent individuellement les représentants des associations agréées à chaque demande de leur part ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’association Valloire nature et avenir, titulaire d’un agrément délivré en application de l’article L. 141-1 du code de l’environnement valable pendant la procédure d’élaboration du PLU, a demandé au maire de Valloire à être consultée sur l’élaboration du plan par des courriers en date des 1er mai 2010 et 9 février 2011 ; qu’elle a été conviée, avec les autres associations de la commune, à des réunions présentant l’avancement du projet qui se sont déroulées peu après ses demandes, les 7 juin 2010 et 23 août 2011, ainsi que le 27 mars 2012, réunions au cours de laquelle ses représentants ont pu faire valoir des observations ; qu’ainsi, l’association intimée a été consultée sur l’élaboration du PLU ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des courriers envoyés par l’association Valloire nature et avenir, que celle-ci a pu disposer, pendant la phase de concertation, du projet d’aménagement et de développement durables (PADD), auquel elle avait demandé à avoir accès ; que, si elle a demandé en vain, par courrier du 6 mai 2012, à consulter le projet de règlement et l’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) portant sur le secteur des Verneys, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle n’aurait pu avoir accès à des documents non préparatoires communicables, ni, en tout état de cause, que l’absence de mise à disposition de ces documents aurait pu la priver d’une garantie ou influer sur le sens de la décision de l’autorité administrative ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, selon l’article R. 123-19 du code de l’urbanisme alors en vigueur, le projet de PLU est soumis à l’enquête publique dans les formes prévues par les articles R. 123-7 à R. 123-23 du code de l’environnement ; qu’aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors applicable :  » Le dossier soumis à l’enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / (…) 2° En l’absence d’étude d’impact ou d’évaluation environnementale, une note de présentation précisant les coordonnées du maître d’ouvrage ou du responsable du projet, plan ou programme, l’objet de l’enquête, les caractéristiques les plus importantes du projet, plan ou programme et présentant un résumé des principales raisons pour lesquelles, notamment d point de vue de l’environnement, le projet, plan ou programme soumis à enquête a été retenu ; (…)  » ;

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le dossier soumis à enquête publique comportait le rapport de présentation et le PADD, qui exposent les objectifs des auteurs du plan et ses caractéristiques essentielles, notamment du point de vue de l’environnement ; que ces documents doivent être regardés comme tenant lieu de la note de présentation requise par les dispositions précitées ; qu’ainsi, c’est à tort que le tribunal a retenu ce moyen ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 123-1-2 du code de l’urbanisme, alors en vigueur :  » Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durables, les orientations d’aménagement et de programmation et le règlement. / Il s’appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces agricoles, de développement forestier, d’aménagement de l’espace, d’environnement, d’équilibre social de l’habitat, de transports, de commerce, d’équipements et de services. (…)  » ; qu’aux termes de l’article R. 123-2 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » Le rapport de présentation : / 1° Expose le diagnostic prévu au deuxième alinéa de l’article L. 123-1-2 ; (…)  » ;

8. Considérant que le rapport de présentation expose de manière détaillée l’évolution démographique de la commune de Valloire sur les dernières décennies ; que, pour déterminer les besoins en logement, il prévoit un taux d’évolution annuelle de 1,4%, soit un taux moyen entre le taux constaté pour la période 1990-1999 (2,4%) et celui de la période 1999-2008 (0,4%), cette perspective s’inscrivant dans une politique visant à développer l’offre de logement pour permettre l’accueil sur la commune des familles avec enfants ; que, si le rapport de présentation ne comporte pas les données pour les années 2009-2012 au cours desquelles l’évolution fut proche de la période précédente, il justifie ainsi de manière suffisante les prévisions d’évolution démographique qu’il retient, alors même que celles-ci peuvent apparaître élevées ; que le rapport de présentation, qui indique le nombre de logements occupés par des travailleurs saisonniers et relève que leur taux d’occupation est de 100 % en période hivernale, présente sur ce point un caractère suffisant ; qu’enfin, ce rapport comporte une analyse de l’évolution du nombre de touristes par périodes et par types d’hébergements ; que l’association Valloire nature et avenir n’établit pas que les chiffres mentionnés pour les lits marchands seraient erronés ; que le rapport de présentation justifie les perspectives de création de lits marchands qu’il évalue à 2159 entre 2013 et 2020, par la nécessité d’attirer de nouveaux clients afin de répondre aux besoins financiers de la société d’économie mixte gérant le domaine skiable et de permettre de nouveaux investissements ; qu’ainsi, et sans que l’association Valloire nature et avenir puisse utilement critiquer la pertinence de cet objectif à l’appui d’un moyen relatif au contenu du rapport de présentation, ce rapport répondait, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, aux exigences des dispositions citées au point 7 ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 123-6 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » Les zones à urbaniser sont dites « zones AU ». Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l’urbanisation.  » ; qu’il ressort des pièces du dossier que la partie centrale du secteur des Verneys est classée en zones AUc ou AUcz, définies dans le rapport de présentation comme concernant des terrains dont les équipements sont présents en périphérie et dont l’urbanisation doit être organisée, dans le cadre d’un schéma d’organisation d’ensemble de la zone, pour garantir la réalisation des objectifs communaux en termes de logements permanents ou d’aménagements touristiques ; que si le rapport de présentation précise que la commune entend conserver l’espace ski débutant constituant la partie centrale de ce secteur, une telle limitation n’est pas incohérente avec l’objet de la zone, qui ne peut être ouverte à l’urbanisation que dans le cadre d’un schéma d’ensemble ; que, par ailleurs, le classement en zone à urbaniser des parcelles centrales de la zone des Verneys, qui sont englobées dans un secteur nécessitant un aménagement d’ensemble, n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;

10. Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article R. 123-11 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » Les documents graphiques font, en outre, apparaître s’il y a lieu : / (…) j) Les zones qui peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques en indiquant, le cas échéant, les équipements et aménagements susceptibles d’y être prévus. (…)  » ; que les documents graphiques font apparaître le téléski pour débutants du secteur des Verneys ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette piste comporterait d’autres aménagements qui auraient dû figurer sur les documents graphiques ; que, par suite, le PLU ne méconnaît pas les dispositions précitées ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Valloire est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a retenu les moyens analysés aux points 2 à 10 pour annuler la délibération du 9 avril 2013 ; qu’il appartient dès lors à la cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par les intimés en première instance et en appel ;

En ce qui concerne les autres moyens d’annulation :

12. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales :  » Les délibérations sont inscrites par ordre de date. / Elles sont signées par tous les membres présents à la séance, ou mention est faite de la cause qui les a empêchés de signer.  » ; que la délibération en litige a été signée par tous les membres présents à la séance ; que par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées manque en fait ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes du dernier alinéa de l’article L. 123-16 du code de l’environnement :  » Tout projet d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ayant donné lieu à des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête doit faire l’objet d’une délibération motivée réitérant la demande d’autorisation ou de déclaration d’utilité publique de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement de coopération concerné.  » ; que ces dispositions, applicables à la procédure d’adoption d’un PLU soumise à enquête publique, n’imposent pas que l’examen des conclusions défavorables du commissaire enquêteur fasse l’objet d’une réunion distincte de celle au cours de laquelle le conseil municipal approuve la modification du plan ni d’une délibération matériellement distincte de celle approuvant le projet ; qu’elles n’exigent pas davantage que l’organe délibérant débatte spécifiquement des conclusions du commissaire enquêteur, mais lui imposent seulement de délibérer sur le projet, y compris lorsqu’il relève de la compétence de l’exécutif de la collectivité, en ayant eu connaissance du sens et du contenu des conclusions du commissaire enquêteur ; qu’il ressort des pièces du dossier que les conseillers municipaux ont été informés des conclusions du commissaire enquêteur avant l’adoption de la délibération par laquelle ils ont adopté le PLU ; que, dans ces conditions, et à supposer même que les conclusions du commissaire enquêteur puissent être regardées comme défavorables, la procédure d’adoption de la délibération en litige n’est entachée d’aucune irrégularité au regard des dispositions précitées ;

14. Considérant, en troisième lieu, que le rapport de présentation expose de manière suffisante les risques naturels auxquels est exposé le secteur des Verneys ; que, par ailleurs, il analyse les ressources en eau de la commune et les besoins qui pourraient résulter de l’évolution de la population, sans que l’association Valloire nature et avenir n’établisse le caractère manifestement erroné de ces données ;

15. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d’assurer, dans le respect des objectifs du développement durable : / 1° L’équilibre entre : / a) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; / b) L’utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ; (…)  » ;

16. Considérant que l’association Valloire nature et avenir soutient que le projet porte atteinte de manière excessive aux espaces agricoles, en prévoyant une urbanisation de surfaces constituant actuellement des prairies de fauche et des pâtures nécessaires à l’activité agricole, en zone de production AOC Beaufort ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que si les perspectives démographiques et, par suite, les besoins en constructions pris en considération ont pu être surestimés, les auteurs du PLU ont entendu, d’une part, privilégier l’urbanisation à l’intérieur ou dans le prolongement des espaces urbanisés qu’ils souhaitent par ailleurs densifier, et, d’autre part, conserver les grandes unités agricoles d’un seul tenant plus aisément exploitables ; que, par ailleurs, les surfaces classées en U et AU dans le nouveau plan représentent une superficie de 104,62 ha contre 108,34 ha dans le plan d’occupation des sols précédent, alors que les surfaces agricoles représentent plus de 7600 ha ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles urbanisables dans le nouveau plan auraient un potentiel agricole supérieur ; que, dans ces conditions, et au regard de l’ensemble des objectifs poursuivis par la commune, le moyen tiré de ce que le PLU ne serait pas compatible avec les dispositions citées au point 15 doit être écarté ;

17. Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le plan local d’urbanisme (…) comprend un rapport de présentation, un projet d’aménagement et de développement durables, des orientations d’aménagement et de programmation, un règlement et des annexes. Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques.  » ; qu’aux termes de l’article L. 123-1-4 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur :  » Dans le respect des orientations définies par le projet d’aménagement et de développement durables, les orientations d’aménagement et de programmation comprennent des dispositions portant sur l’aménagement, l’habitat, les transports et les déplacements. / 1. En ce qui concerne l’aménagement, les orientations peuvent définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l’environnement, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l’insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune. (…). / Elles peuvent porter sur des quartiers ou des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager. / Elles peuvent prendre la forme de schémas d’aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics. (…)  » ; qu’aux termes de l’article 14 du règlement relatif à la zone Uc, applicables aux secteurs AUc en vertu de l’article AUc/AUd 14 :  » Le coefficient d’occupation des sols est fixé à 0,50. / Il est fixé à 1,6 pour les hôtels. / Il n’est pas fixé de COS pour ce qui concerne les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif. (…)  » ;

18. Considérant que le PLU de Valloire comporte une OAP n° 8 portant sur le secteur des Verneys, dans lequel la commune entend développer l’implantation de logements touristiques autour d’une zone centrale dédiée, en saison hivernale, à la pratique du ski pour les débutants ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette orientation porterait sur un secteur concerné par des risques moyens ou forts d’inondation ; qu’en tout état de cause, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que, compte tenu des règles particulières fixées notamment pour les hôtels à l’article Uc 14 du règlement en matière de coefficient d’occupation des sols, l’indication selon laquelle la surface de plancher touristique serait comprise entre 9000 et 11000 m2 serait nécessairement contradictoire avec le règlement devant s’appliquer au secteur en litige ; qu’enfin, en envisagent une urbanisation en continuité du hameau existant, lequel ne présente pas d’unité architecturale contrairement à ce que soutient l’intimée, l’OAP n° 8 n’est pas incompatible avec les orientations définies par le PADD en matière de protection de l’activité agricole et du patrimoine bâti ; qu’enfin, le classement en secteur AUc ou AUcz de l’ensemble des parcelles de ce secteur n’est, pour les mêmes motifs, entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation ;

19. Considérant, enfin, que le moyen selon lequel l’OAP n° 1 au hameau du Col serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation et incompatible avec les orientations du PADD n’est pas assorti de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

20. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Valloire est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 9 avril 2013 portant approbation du PLU ;

Sur les frais liés au litige :

21. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Valloire, qui n’est pas partie perdante, verse à l’association Valloire nature et avenir la somme que celle-ci demande au titre des frais qu’elle a exposés ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’association Valloire nature et avenir la somme que la commune de Valloire demande au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 décembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande de l’association Valloire nature et avenir devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Valloire et à l’association Valloire nature et avenir.