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Environnement montagnard/ Activités assimilées à de l’alpinisme/ Définition/ Compétence du ministre des sports (non)

Conseil d’État

N° 408062
ECLI:FR:CECHS:2018:408062.20181107
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
Mme Céline Roux, rapporteur
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public

lecture du mercredi 7 novembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 408062, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 16 février 2017 et 25 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’union nationale et syndicale des accompagnateurs en montagne (UNAM) demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 6 décembre 2016 du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports portant définition de l’environnement montagnard pour la pratique des activités assimilées à de l’alpinisme.

2° Sous le n° 408241, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 20 février 2017 et 8 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le syndicat national des professionnels de l’accompagnement et de l’éducation à l’environnement (SNPAEE) demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 6 décembre 2016 du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports portant définition de l’environnement montagnard pour la pratique des activités assimilées à de l’alpinisme.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– le code du sport ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Céline Roux, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

1. Considérant que l’union nationale et syndicale des accompagnateurs en montagne et le syndicat national des professionnels de l’accompagnement et de l’éducation à l’environnement demandent l’annulation pour excès de pouvoir du même arrêté du 6 décembre 2016 par lequel le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports a procédé à la définition de l’environnement montagnard pour la pratique des activités assimilées à l’alpinisme ; que, par suite, il y a lieu de joindre leurs requêtes pour y statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 212-1 du code du sport :  » I.- Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d’occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l’article L. 212-2 du présent code, les titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée ; / 2° Et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues au II de l’article L. 335-6 du code de l’éducation  » ; que l’article L. 212-2 du même code prévoit que, lorsque ces activités d’enseignement, d’animation ou d’encadrement s’exercent  » dans un environnement spécifique impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, seule la détention d’un diplôme permet leur exercice  » ; que le même article renvoyant à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer la liste de ces activités, l’article R. 212-7 énumère les activités s’exerçant dans un environnement spécifique impliquant le respect de mesures de sécurité particulières ; qu’à ce titre, il mentionne que sont au nombre de ces activités,  » quelle que soit la zone d’évolution « , celles  » du ski, de l’alpinisme et de leurs activités assimilées  » ; que, par l’arrêté attaqué, le ministre chargé des sports a défini  » les activités assimilées à l’alpinisme  » comme étant « un ensemble de pratiques sportives qui regroupent différentes techniques permettant la progression ou le déplacement à pied, en sécurité, dans un environnement montagnard  » de même que les  » zones relevant de l’environnement montagnard  » ;

3. Considérant que les dispositions citées au point 2 n’habilitent pas le ministre chargé des sports à définir par arrêté les activités assimilées à l’alpinisme et l’environnement dans lequel elles doivent se dérouler ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le ministre chargé des sports ne tirait pas davantage des dispositions du code des sports lui confiant un pouvoir de police spéciale, susceptible d’être délégué aux fédérations sportives habilitées, un titre de compétence pour édicter les dispositions figurant dans l’arrêté du 6 décembre 2016 ; que, par suite, en l’absence de tout texte législatif ou réglementaire lui conférant, en la matière, un pouvoir réglementaire, le ministre chargé des sports n’était pas compétent pour édicter l’arrêté attaqué ; qu’il suit de là que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes, l’union nationale et syndicale des accompagnateurs en montagne et le syndicat national des professionnels de l’accompagnement et de l’éducation à l’environnement sont fondés à demander l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 6 décembre 2016 du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports portant définition de l’environnement montagnard pour la pratique des activités assimilées à de l’alpinisme ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : L’arrêté du 6 décembre 2016 du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’union nationale et syndicale des accompagnateurs en montagne, au syndicat national des professionnels de l’accompagnement et de l’éducation à l’environnement et à la ministre des sports.

Accident de motoneige/ Insuffisance de balisage/ Responsabilité pénale de l’organisateur

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 16 octobre 2018
N° de pourvoi: 17-86459
Non publié au bulletin Rejet

M. Soulard (président), président
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Ortscheidt, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


La société Avoscoot,

contre l’arrêt de la cour d’appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 11 octobre 2017, qui, pour homicide involontaire, l’a condamnée à une amende de 5 000 euros, a mis hors de cause la compagnie Allianz lARD et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 4 septembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. X…, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller X…, les observations de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER ET PINATEL, la société civile professionnelle ORTSCHEIDT et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE ET HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Y… ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-2 et 221-6 du code pénal, 2, 3, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré la société Avoscoot coupable d’homicide involontaire et manquement à une obligation de prudence ou de sécurité ;

« aux motifs que l’appel du parquet ne porte que sur la relaxe prononcée à l’encontre de la personne morale, la société Avoscoot et que le jugement de première instance est définitif en ce qui concerne M. Gaetan Z…, Mme Annie A… et la commune de Morzine ; qu’aux termes de la prévention, il est reproché à la société Avoscoot d’avoir « par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l’espèce en organisant contre rémunération une sortie en motoneige nocturne sur le domaine public en dehors de tout aménagement spécifique, balisage et clôture en violation caractérisée des articles L. 362-1 à L. 362-7 du code de l’environnement interdisant l’usage des motoneiges à des fins de loisirs et de l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme (circulaire du 30 novembre 2000) qui n’autorise cette pratique que sur des terrains privés spécialement aménagés, alors même que le parcours n’était ni adapté, ni balisé et n’était pas clos, s’agissant du domaine public réservé notamment à la pratique du ski de fond, involontairement causé la mort de B… Jean-Paul » ; que l’article L. 362-3 du code de l’environnement dispose que l’ouverture de terrains pour la pratique de sports motorisés est soumise à l’autorisation prévue à l’article L. 421-2 du code de l’urbanisme et que l’utilisation, à des fins de loisirs, d’engins motorisés conçus pour la progression sur neige est interdite, sauf sur les terrains ouverts dans les conditions prévues au premier alinéa ; que la loi du 3 janvier 1991 qui réglemente la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels pose le principe de la protection des espaces naturels dans son article 1 en interdisant la circulation des véhicules à moteur et dans son article 2 impose l’ouverture de terrains soumise aux dispositions de l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme pour la pratique des sports motorisés ; que le législateur a entendu encadrer strictement les conditions dans lesquelles se réalise l’aménagement en zone de montagne de « terrains » pour la pratique de loisirs motorisés et empêcher des itinéraires mêmes balisés ; qu’au cas d’espèce, la société Avoscoot a formulé une demande d’aménagement et que les documents permettent de lire : « 2. Descriptif et superficie du terrain d’évolution : le circuit prend place principalement sur la parcelle n° […]. Le départ du circuit traverse la parcelle n° […] sur environ 50 m. Puis le circuit passe en bordure de la parcelle n° B 293 sur environ 300 m. Les terrains utilisés sont principalement d’anciennes pistes de ski. Le circuit traverse une piste de ski sur environ 300 m (parcelle […] ) en accord avec la SERMMA. L’activité motoneige prend place à partir de 18 h 00, les pistes de ski sont alors fermées. La surface totale de 4ha (7 % des 3 parcelles réunies) comprend l’implantation du chalet d’accueil, la piste d’accès au terrain, le terrain d’évolution ; l’espace réservé aux motoneiges sera signalé par : des jalons et des panneaux signalétiques spécifiques à la motoneige (voir photos en annexe) ; le parcours emprunté sera balisé par : des jalons avec bandes rétro-réfléchissantes à espacement variable suivant la topologie, des panneaux de signalisation, l’aménagement de butte de neige, filets, cordes ; les motoneiges évoluent en file indienne derrière le guide à l’intérieur du circuit, cette procédure constitue de fait un balisage supplémentaire, avec la motoneige du guide en point de mire toute la durée du parcours. Aucune motoneige n’est délivrée hors de ces conditions » ; que les dirigeants de la société Avoscoot ont reconnu que le balisage n’était pas continu tout au long du parcours ; que dans son audition devant les enquêteurs, M. Gaetan Z… explique qu’il essaye de mettre le plus possible de balisage, à des endroits stratégiques et en veillant à ce que ce balisage ne gêne pas le damage et la circulation en journée ; qu’il ajoute que cloisonner complètement le circuit serait préjudiciable par rapport à l’environnement, aurait un impact visuel négatif et gênerait les utilisateurs en journée ; qu’il est certain que la société Avoscoot doit faire face à de nombreuses contraintes pour baliser utilement le terrain accordé dans lequel l’itinéraire suivi par les motoneiges s’inscrivait ; que pour autant, la société Avoscoot a opté pour le parcours qui empruntait partie d’une piste de ski de fond, « la croix des combes » et que c’est sur cette piste que l’accident a eu lieu ; que le passage incriminé comporte nombre d’obstacles naturels, et de nombreux virages en lacets ; qu’à partir du moment où l’itinéraire a été conçu à l’intérieur de cet espace, la société Avoscoot se devait de sécuriser tout passage susceptible d’être dangereux lorsqu’on conduit une motoneige en fin de journée et au printemps, au moment de la fonte des neiges ; que l’absence de signalisation de ces obstacles relève d’une faute qui a entraîné la mort de M. B… ; qu’il est en effet établi qu’en abordant un virage, il a mordu sur la droite, sur une partie en terre avant d’accélérer et de percuter le sapin qui était à proximité ; que C… B… qui était sur la motoneige, à l’arrière de son père qui conduisait, se souvient du sous-bois, de la route en lacets, du virage que son père a abordé en se déportant sur la droite, du patin qui sort de la piste et se souvient de lui avoir crié « tourne » ; qu’à l’évidence, la signalisation n’était pas suffisante pour que ce virage puisse se prendre sans risque alors que la neige se faisait rare, l’accident ayant eu lieu au mois d’avril ; qu’un comportement fautif est ainsi caractérisé à l’encontre de la société Avoscoot ainsi que l’a relevé les premiers juges ; que cette faute a contribué à l’accident qui s’est produit, dès lors, qu’une meilleure signalisation aurait permis au conducteur de visualiser ce virage sans mordre sur la partie terre et de maintenir la trajectoire de la moto ; qu’un lien de causalité existe et que le jugement sera infirmé de ce chef ; qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence mais d’une négligence et d’un manquement à l’obligation de sécurité qui pesait sur la société Avoscoot dans le balisage du terrain dans lequel les motoneiges évoluaient ; qu’elle n’a pas effectué les diligences normales de sécurisation du terrain ce qui caractérise une faute simple à l’encontre de la personne morale et que cette faute a concouru au décès de Jean-Paul B… ; que la cour réforme le jugement et déclare la société Avoscoot coupable d’homicide involontaire au sens des dispositions de l’article 221-6 du code pénal ; que la société Avoscoot existe depuis plusieurs années ; que compte tenu de la nature des faits et de la pérennité de cette société, la cour condamne la personne morale au paiement d’une amende de 5 000 euros en répression ; que la société Avoscoot a conclu un contrat de responsabilité civile le 27 décembre 2007 auprès de la compagnie Allianz ; que la lecture du contrat établit que la société était assurée pour « l’organisation de sorties en scooter des neiges sur circuit fermé et encadrée par deux guides » ; que l’activité de la société ne correspond pas à ce qui était garanti, les motoneiges n’évoluant pas en circuit fermé mais un terrain vaste, empruntant parfois partie des pistes de skis de fond et que le parcours des scooters ne se faisait pas en circuit fermé ; que la compagnie Allianz sera donc mise hors de cause ; que Jean-Paul B… était âgé de 76 ans, père de deux enfants et grand-père ; qu’il maintenait une relation étroite avec sa famille qui louait son énergie et son érudition ; que le lien affectif était réel et qu’il est justifié par les parties civiles ; que le préjudice moral subi par M. C… et Mme Sophie B… sera indemnisé à hauteur de la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts ; que le préjudice subi par chaque petit-enfant sera indemnisé à hauteur de 4 000 euros chacun ; que la société Avoscoot sera condamnée au paiement de ces sommes ; que la personne morale sera également condamnée à payer la somme de 3 925 euros à M. C… et Mme Sophie B… au titre des frais d’obsèques ; que faisant application des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale, la société Avoscoot sera condamnée à payer aux parties civiles la somme de 500 euros ;

« 1°) alors que les personnes morales, à l’exception de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu’en l’espèce, pour infirmer le jugement et déclarer la demanderesse coupable d’homicide involontaire, la cour d’appel a relevé qu’à partir du moment où l’itinéraire a été conçu à l’intérieur d’un espace non fermé, la société Avoscoot se devait de sécuriser tout passage susceptible d’être dangereux lorsqu’on conduit une motoneige en fin de journée et au printemps, au moment de la fonte des neiges, que l’absence de signalisation de ces obstacles relève d’une faute qui a entraîné la mort de M. B…, que la signalisation n’était pas suffisante pour que le virage litigieux puisse se prendre sans risque alors que la neige se faisait rare, l’accident ayant eu lieu au mois d’avril, qu’un comportement fautif est ainsi caractérisé à l’encontre de la société Avoscoot et que cette faute a contribué à l’accident qui s’est produit dès lors qu’une meilleure signalisation aurait permis au conducteur de visualiser ce virage sans mordre sur la partie terre et de maintenir la trajectoire de la moto ; qu’en l’état de ces seules énonciations, dont il ne ressort pas que les manquements relevés résultaient de l’action de l’un des organes ou représentants de la société prévenue, ni qu’ils avaient été commis pour le compte de celle-ci, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 121-2 du code pénal et de l’article 221-6 du même code ;

« 2°) alors qu’il ne résulte d’aucune pièce de la procédure que l’accident litigieux ait été provoqué par le fait que, faute d’une signalisation suffisante, la victime ait, aux commandes de la motoneige, mordu sur une partie en terre ; qu’ainsi, outre que la planche photographique établie par les gendarmes (PV n° 722/2015 – pièce n° 3) ne met en évidence, sur le lieu de l’accident, aucune partie de piste non couverte de neige, M. C… B…, qui avait pris place derrière la victime, s’est borné à déclarer que « le patin droit est sorti de la piste, j’ai dit à mon père tourne et après il y a eu une forte accélération [
] Je pense que mon père a été déséquilibré par rapport au terrain » (PV n° 722/2015 – pièce n° 16 – audition du 18 avril 2015), tandis que M. D…, qui participait à la sortie en motoneige, s’est borné à déclarer, sans être catégorique à cet égard, « Je pense qu’ils ont peut-être mordu dans une partie en terre », tout en précisant qu’il n’avait pas eu « de vision très claire » de l’accident (PV n° 722/2015 – pièce n° 15D), et alors que le procès-verbal de synthèse (PV n° 722/2015 – pièce n° 1) énonce que la victime a perdu le contrôle de son engin puis a fini sa course contre un sapin, et que le fils de celle-ci « pense que l’accident est dû plus à une erreur de pilotage » ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance qu’il est établi qu’en abordant un virage, la victime a mordu sur la droite, sur une partie en terre avant d’accélérer et de percuter le sapin qui était à proximité, que la signalisation n’était pas suffisante pour que ce virage puisse se prendre sans risque alors que la neige se faisait rare, l’accident ayant eu lieu au mois d’avril, et qu’une meilleure signalisation aurait permis au conducteur de visualiser ce virage sans mordre sur la partie terre et de la maintenir la trajectoire de la moto, pour en déduire que la société demanderesse doit être déclarée coupable d’homicide involontaire, sans préciser l’origine des constatations de fait d’où elle a pu déduire que l’existence d’une partie de piste en terre et le fait que la victime aurait mordu sur cette partie en terre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 221-6 du code pénal » ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Jean-Paul B… est décédé des suites d’un accident de motoneige survenu le […] en début de soirée alors qu’il participait à une sortie de loisirs organisée par la société Avoscoot (la société), encadrée par deux accompagnateurs, dont M. Z…, gérant de fait de ladite société ; que l’enquête a établi que, malgré l’expérience possédée par la victime dans la conduite de ces engins, l’exposé dont il avait bénéficié sur la sécurité et les modalités de fonctionnement de ces derniers, ainsi que la réalisation de deux tours d’essai ayant précédé la sortie, de même que la remise d’un casque, Jean-Paul B… a été victime d’une collision mortelle au cours de cette sortie ; que la société, sa gérante de droit et M. Z…, de même que la commune sur le territoire de laquelle les faits ont été commis, ont fait l’objet de poursuites devant le tribunal correctionnel du chef d’homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ; que cette juridiction ayant relaxé les prévenus, les parties civiles ont relevé appel de ce jugement, de même que le procureur de la République, ce dernier le limitant en ce que les premiers juges avaient prononcé la relaxe de la société ;

Attendu que, pour infirmer le jugement sur la relaxe de la société, fondée sur l’absence de lien de causalité suffisant entre la négligence résultant de l’absence de balisage continu du parcours emprunté et la perte de contrôle de sa machine par Jean-Paul B…, l’arrêt énonce que, d’une part, la société a opté pour un parcours empruntant, pour partie, celui d’une piste de ski de fond, caractérisé par de nombreux obstacles naturels et virages en lacets et que le choix de cet itinéraire exigeait de sécuriser tout passage dangereux pour la conduite d’une motoneige, en particulier en fin de journée et à la période de la fonte des neiges; que les juges relèvent que l’absence de signalisation suffisante de ces obstacles caractérise une faute qui a contribué à la réalisation de l’accident ayant entraîné le décès de la victime, dès lors qu’en abordant un virage, Jean-Paul B…, ayant déporté son engin sur la droite, l’a fait progresser sur une partie en terre avant d’accélérer et de percuter un arbre situé à proximité ; qu’ils ajoutent que le manquement à l’obligation de sécurité résultant d’un balisage insuffisant de la piste ayant concouru au décès de la victime est imputable à la société dont ils ont relevé qu’elle était gérée, de fait, par M. Z…, lequel avait, de surcroît, élaboré ledit balisage et dirigé la promenade en motoneige au cours de laquelle l’accident s’est produit ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction, déduits de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont il résulte que M. Z…, gérant de fait de la société Avoscoot, et à l’origine directe du défaut de balisage suffisant, a agi en qualité de représentant de la société et pour son compte, la cour d’appel, qui a caractérisé à la charge de la société poursuivie une faute d’imprudence et de négligence, constituée notamment par une absence de signalisation suffisante des obstacles pour la conduite de motoneige au regard de l’horaire retenu et des conditions d’enneigement à cette période de l’année, en lien causal avec le dommage subi par la victime, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société Avoscoot devra payer à Mmes Sophie B…, Frédérique E…, Laetitia F…, MM. Alexandre F… et C… B… tant en son nom personnel qu’en sa qualité de réprésentant légal de Charlotte B…, au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale au profit de la compagnie Allianz IARD ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize octobre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

ECLI:FR:CCASS:2018:CR02100
Analyse
Décision attaquée : Cour d’appel de Chambéry , du 11 octobre 2017

Accident sur piste de ski/ Faute de l’autorité de police municipale

CAA de BORDEAUX

N° 16BX02467, 16BX02468
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
Mme GIRAULT, président
M. Jean-Claude PAUZIÈS, rapporteur
Mme CABANNE, rapporteur public
TOURNY AVOCATS, avocat

lecture du jeudi 11 octobre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et MmeH…, agissant en qualité de représentants légaux de leur filleD…, ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Bagnères-de-Bigorre à réparer les préjudices résultant de l’accident de ski dont a été victime leur fille le 2 janvier 2007 sur le domaine de La Mongie.

Par un jugement avant dire droit n° 0800291 du 6 mai 2010, le tribunal administratif de Pau a déclaré la commune de Bagnères-de-Bigorre responsable de l’ensemble des préjudices subis par D…H…à la suite de l’accident de ski dont elle a été victime, et a ordonné une expertise afin d’évaluer les préjudices consécutifs à cet accident. Par un nouveau jugement avant dire droit n° 0800291 du 1er octobre 2013, le tribunal administratif de Pau a ordonné un complément d’expertise. Par jugement n° 0800291 du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Pau a notamment condamné la commune de Bagnères-de-Bigorre à verser à Mlle D…H…une somme de 36 500 euros, et d’autre part, mis à la charge de la commune de Bagnères-de-Bigorre une somme de 221 431, 93 euros à verser à la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête enregistrée le 21 juillet 2016 sous le n° 16BX02467, la commune de Bagnères-de-Bigorre, prise en la personne de son maire, représentée par MeI…, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800291 du tribunal administratif de Pau du 24 mai 2016 en limitant le montant des indemnités dues à Mlle D…H…à la somme de 23 000 euros et en n’accordant pas les intérêts sur la somme due à la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing ;

2°) de condamner l’Ecole du Ski Français et la SCI de Cabadour à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) de confirmer le surplus du dispositif du jugement et de rejeter toutes demandes supplémentaires des intimés ;

4°) de rejeter les demandes formulées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– elle ne saurait être tenue responsable des préjudices subis par la victime car, d’une part, elle a accompli toutes les mesures de réglementation, de prévention nécessaires et de précautions convenables, d’autre part, la position de l’immeuble hors du domaine skiable et le comportement de la victime excluent également toute responsabilité de la commune ;
– le syndicat local de l’Ecole de ski français, locataire, et la société civile immobilière de Cabadour, propriétaire et bailleur de l’immeuble, devront la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
– le déficit fonctionnel permanent a été évalué à 10%, le jugement devra être réformé et le montant de la somme allouée au titre de ce chef de préjudice devra être fixé à 10 000 euros ;
– le montant de la somme allouée au titre des souffrances endurées devra être fixé à 4 500 euros ;
– il n’y pas lieu d’accorder à la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing les intérêts sur la somme accordée au titre des débours exposés ;
– l’Ecole de ski français en tant que locataire de l’immeuble n’a pas mis en place les protections nécessaires alors qu’elle avait été avertie de la dangerosité des lieux ;
– la SCI de Cabadour en tant que propriétaire de l’immeuble dont la protection n’était pas assurée la garantira également des condamnations prononcées à son encontre en réparation des préjudices de D…H….

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2016, la SCI de Cabadour II, représentée par MeE…, conclut au rejet des conclusions en garantie présentées à son encontre et à ce que la cour mette à la charge de la commune de Bagnères-de-Bigorre une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– les conclusions en garantie présentées par la commune de Bagnères-de-Bigorre sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
– le jugement du 8 avril 2010 est définitif ;
– elle n’a commis aucune faute ; à la date de la délivrance du permis de construire, la commune de Bagnères-de-Bigorre ne lui a pas demandé de prendre des mesures particulières de protection ou de signalisation du site alors que la piste de ski existait déjà ; au moment de l’accident, elle n’avait pas la garde l’immeuble qui était loué à l’Ecole de ski français ;
– l’immeuble ne constituait pas un obstacle d’une importance particulière justifiant la mise en place de mesure de protection ou de signalisation ; aucun accident semblable n’a été répertorié alors que le bâtiment est implanté à cet endroit depuis 1976 ;
– la victime, qui ne possédait pas les capacités techniques adaptées à la piste, a échappé à la surveillance de son père et n’a pas maîtrisé sa vitesse ;
– seule la responsabilité de la commune peut être recherchée sur le fondement des dispositions de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;
– à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que l’emplacement de l’immeuble a joué un rôle dans l’accident, seule la responsabilité de l’Ecole de ski français peut être engagée en qualité d’exploitant de l’immeuble.

Par des mémoires, enregistrés le 8 novembre 2016 et le 2 février 2017, la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing, représentée par MeA…, conclut :

1°) à titre principal au rejet de la requête ;

2°) à ce que la cour condamne la commune de Bagnères-de-Bigorre à lui verser la somme totale de 221 431,93 euros au titre de ses débours, dont la somme de 86 426, 72 euros avec les intérêts à compter du 2 mai 2012, la somme de 14 801, 05 euros avec les intérêts à compter du 22 juin 2012, à ce que la somme de 62 987, 77 euros porte intérêts à compter du 16 août 2012 et à ce que la somme de 57 216, 39 euros porte intérêts à compter du 22 janvier 2016 ;

3°) à la capitalisation des intérêts dus pour une année entière;

4°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Bagnères-de-Bigorre une somme de 1 055 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

5°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Bagnères-de-Bigorre une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire de la commune de Bagnères-de-Bigorre, de l’Ecole de ski français et de la SCI de Cabadour à lui rembourser les sommes précédemment citées.

Elle soutient que :
– la responsabilité de la commune de Bagnères-de-Bigorre est engagée dès lors que les dispositions de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ont pour objet notamment de permettre à l’autorité municipale de prendre les mesures nécessaires pour prévenir le risque d’accidents ;
– deux accidents étaient survenus au même endroit et le maire de la commune devait prendre les mesures nécessaires pour éviter des accidents, y compris dans les cas où le skieur perdrait le contrôle de ses skis ou de sa vitesse ; au demeurant, une telle perte de contrôle ne constitue pas une situation imprévisible ou irrésistible dans le cas de la pratique du ski ;
– aucune faute ne peut être reprochée à la victime compte tenu de son jeune âge et le père de la victime n’a pas non plus manqué à son devoir de surveillance, sa fille était équipée et il l’a avertie de sa vitesse excessive ;
– la faute d’un tiers n’est pas opposable à la victime et seule l’inaction fautive de la commune est à l’origine de l’accident, que la pose de filets de protection aurait pu éviter ;
– les débours dont elle demande le remboursement sont en lien avec l’accident, ce que la commune ne conteste pas ;
– elle a droit aux intérêts sur ces sommes et à la capitalisation des intérêts en application des articles 1153 et 1154 du code civil.

Par un mémoire enregistré le 12 janvier 2017, le syndicat local des moniteurs de l’Ecole de ski français, représenté par MeB…, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Bagnères-de-Bigorre à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– l’appel en garantie de la commune de Bagnères-de-Bigorre n’est pas recevable dès lors que  » l’Ecole de ski français « , simple dénomination, n’est pas dotée de la personnalité juridique ;
– le syndicat local des moniteurs de l’Ecole de ski français n’était pas partie en première instance et les conclusions en garantie de la commune de Bagnères-de-Bigorre à l’encontre de l’Ecole de ski français sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
– le juge administratif n’est pas compétent pour statuer sur l’action en garantie exercée par la commune de Bagnères-de-Bigorre à son encontre ; le syndicat local est une personne morale de droit privé et il n’existe aucun lien de droit public entre lui et la commune de Bagnères-de-Bigorre ;
– la commune de Bagnères-de-Bigorre ne démontre pas que le syndicat local aurait commis une faute susceptible de lui être imputée ; seul le maire est compétent en matière de police administrative ; il n’était pas chargé de la sécurisation du domaine skiable ; si des protections particulières sont mises en oeuvre lors de l’organisation de compétitions, c’est parce que le syndicat se voit alors confier l’organisation de ces compétitions ainsi que la sécurisation des compétiteurs.

Par ordonnance du 23 mai 2018, la clôture d’instruction a été fixée au 25 juin 2018 à 12 heures.

II/ Par une requête enregistrée le 21 juillet 2016 sous le n° 16BX02468, la commune de Bagnères-de-Bigorre, prise en la personne de son maire, représentée par MeI…, demande à la cour :

1°) à titre principal d’annuler le jugement avant dire droit n° 0800291 du tribunal administratif de Pau du 6 mai 2010 ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter sa responsabilité au quart des conséquences dommageables de l’accident dont a été victime Mlle D…H…et de condamner l’Ecole du Ski Français et la SCI de Cabadour à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) de rejeter les prétentions des intimés et intervenants.

Elle soutient que :
– la jurisprudence reconnaît que l’autorité de police administrative dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour mettre en oeuvre les prérogatives qu’elle détient à ce titre et le contrôle du juge en cas de carence dans l’exercice de ces pouvoirs de police est un contrôle restreint ;
– aucun danger grave et imminent ne lui a jamais été signalé dans le secteur où s’est produit l’accident ; les témoignages faisant état du signalement du caractère dangereux du site ne sont pas précis et le service de sécurité des pistes n’était pas compétent pour assurer la protection d’un immeuble privé ;
– l’accident n’a pas pour origine une situation de danger prévisible contre lequel une réglementation particulière aurait été nécessaire ;
– l’accident est survenu  » aux abords  » de la piste des Fusées, après que MlleH…, alors âgée de 8 ans, en soit sortie du fait de son propre défaut de maîtrise, d’ailleurs stigmatisé par les cris de son père l’appelant à freiner ;
– l’Ecole de ski français devait prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de l’immeuble dont elle était locataire et elle avait été avertie des risques liés à la présence de cet immeuble par le médecin de la station ;
– l’imprudence de la victime, qui n’a pas su garder le contrôle de ses skis et de sa trajectoire, est caractérisée ; elle est sortie de la piste et du domaine skiable avant de traverser le cheminement séparant deux remontées mécaniques ; compte tenu de son âge, cette imprudence ne peut être imputée qu’au défaut de surveillance de son père ; la victime doit supporter le quart des conséquences de cet accident ;
– l’occupante de l’immeuble, l’Ecole de ski français, avertie d’un risque par le médecin de la station lors de précédents accidents, devait prendre les mesures nécessaires pour éviter un tel accident ; sa part de responsabilité doit être fixée à un quart ; le bailleur, également conscient du risque et du faible enneigement, doit également être déclaré responsable.

Par des mémoires enregistrés le 26 septembre 2016, le 26 décembre 2016, le 7 février 2017 et le 18 janvier 2018, la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing, représentée par MeA…, conclut :

1°) à titre principal au rejet de la requête ;

2°) à ce que la cour condamne la commune de Bagnères-de-Bigorre à lui verser la somme de 86 426, 72 euros avec les intérêts à compter du 2 mai 2012, la somme de 14 801, 05 euros avec les intérêts à compter du 22 juin 2012, à ce que la somme de 62 987, 77 euros porte intérêts à compter du 16 août 2012 et à ce que la somme de 57 216, 39 euros porte intérêts à compter du 22 janvier 2016 ;

3°) à la capitalisation des intérêts ;

4°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Bagnères-de-Bigorre une somme de 1 055 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

5°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Bagnères-de-Bigorre une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

6°) à titre subsidiaire à la condamnation solidaire de la commune de Bagnères-de-Bigorre, du syndicat local des moniteurs de l’Ecole de ski français et de la SCI de Cabadour à lui verser les sommes précédemment citées.

Elle soutient que :
– la responsabilité de la commune de Bagnères-de-Bigorre est engagée dès lors que les dispositions de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ont pour objet notamment de permettre à l’autorité municipale de prendre les mesures nécessaires pour prévenir le risque d’accidents ;
– deux accidents étaient survenus au même endroit et le maire de la commune devait prendre les mesures nécessaires pour éviter des accidents, y compris dans les cas où le skieur perdrait le contrôle de ses skis ou de sa vitesse ; au demeurant, une telle perte de contrôle ne constitue pas une situation imprévisible ou irrésistible dans le cas de la pratique du ski ;
– aucune faute ne peut être reprochée à la victime compte tenu de son jeune âge, et le père de la victime n’a pas non plus manqué à son devoir de surveillance, sa fille était équipée et il l’a avertie de sa vitesse excessive ;
– la faute d’un tiers n’est pas opposable à la victime et seule l’inaction fautive de la commune est à l’origine de l’accident ;
– les débours dont elle demande le remboursement sont en lien avec l’accident, ce que la commune ne conteste pas ;
– elle a droit aux intérêts sur ces sommes et à la capitalisation des intérêts en application des articles 1153 et 1154 du code civil.

Par un mémoire enregistré le 13 janvier 2017, le syndicat local des moniteurs de l’Ecole de ski français, représenté par MeB…, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Bagnères-de-Bigorre à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– l’appel en garantie de la commune de Bagnères-de-Bigorre n’est pas recevable dès lors que  » l’Ecole de ski français  » n’est pas dotée de la personnalité juridique ;
– le syndicat local des moniteurs de l’Ecole de ski français n’était pas partie en première instance et les conclusions en garantie de la commune de Bagnères-de-Bigorre à son encontre sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
– le juge administratif n’est pas compétent pour statuer sur l’action en garantie exercée par la commune de Bagnères-de-Bigorre à son encontre ; le syndicat local des moniteurs de l’Ecole de ski français est une personne morale de droit privé et il n’existe aucun lien de droit public entre lui et la commune de Bagnères-de-Bigorre ;
– la commune de Bagnères-de-Bigorre ne démontre pas qu’il aurait commis une faute susceptible de lui être imputée ; seul le maire est compétent en matière de police administrative ; il n’était pas chargé de la sécurisation du domaine skiable ; si des protections particulières sont mises en oeuvre lors de l’organisation de compétition, c’est parce que le syndicat local des moniteurs de l’Ecole de ski français se voit confier l’organisation de ces compétitions ainsi que la sécurisation des compétiteurs.

Par un mémoire enregistré le 16 janvier 2018, Mlle D…H…, représentée par MeC…, conclut :

1°) à titre principal au rejet de la requête comme irrecevable ;

2°) à titre subsidiaire à la confirmation du jugement et au rejet des conclusions et prétentions de la commune ;

3°) à titre infiniment subsidiaire à ce que la somme à laquelle la commune de Bagnères-de-Bigorre a été condamnée en première instance soit portée à 45 937 euros et à ce que ses droits relatifs à l’incidence professionnelle et à la perte des gains professionnels futurs soient réservés ;

4°) à ce que la commune de Bagnères-de-Bigorre soit condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– La requête dirigée contre le jugement du 6 mai 2010 est tardive et irrecevable, ce jugement étant devenu définitif ;
– la commune a bien commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne prenant pas les mesures nécessaires pour prévenir l’accident dont elle a été victime, alors que le site présentait un caractère dangereux ;
– le bâtiment, qui se trouvait sur le domaine skiable, constituait un obstacle qui devait être protégé ou signalé ;
– la commune était informée de la dangerosité du site et la mise en place d’une protection était d’autant plus nécessaire compte tenu de la configuration des lieux, du type de piste mais aussi des conditions d’enneigement ;
– en skiant sur une piste verte adaptée à son niveau, elle n’a commis aucune faute ; les protections sont placées sur les pistes pour prévenir les conséquences d’un défaut de maîtrise des débutants ; aucun défaut de surveillance ne peut être reproché à son père qui l’a accompagnée sur une piste adaptée, et elle était équipée pour pallier les conséquences d’une chute sans gravité ;
– l’indemnisation de ses préjudices doit être fixée à la somme de 45 937 euros et non pas à 36 000 euros comme retenu par le tribunal ;
– l’incidence professionnelle n’a pas été prise en compte alors que compte tenu de son âge et de ses difficultés de concentration et de comportement, il convient de réserver ses droits au titre de l’incidence professionnelle et des pertes de gains professionnels futurs.

Par ordonnance du 23 mai 2018, la clôture d’instruction a été fixée au 25 juin 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code civil ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de la sécurité sociale ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,
– les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;
– et les observations de MeG…, représentant la commune de Bagnères-de-Bigorre et de MeF…, représentant le syndicat des moniteurs de l »école de ski français de La Mongie.

Considérant ce qui suit :

1. La jeune D…H…, alors âgée de 8 ans, a été victime le 2 janvier 2007 en début d’après-midi, d’un accident de ski alors qu’elle achevait de descendre la piste verte  » Les Fusées  » de la station de ski de La Mongie. Par un jugement avant dire droit n° 0800291 du 6 mai 2010, le tribunal administratif de Pau a déclaré la commune de Bagnères-de-Bigorre responsable de l’ensemble des préjudices subis par Mlle H…à la suite de l’accident et a ordonné une expertise afin d’évaluer les préjudices consécutifs à cet accident. Par un nouveau jugement avant dire droit du 1er octobre 2013, le tribunal administratif de Pau a ordonné un complément d’expertise. Par jugement du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Pau a notamment condamné la commune de Bagnères-de-Bigorre à verser à Mlle D…H…une somme de 36 500 euros, et d’autre part, mis à la charge de la commune de Bagnères-de-Bigorre une somme de 221 431, 93 euros à verser à la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing. Par une requête enregistrée sous le n° 16BX02467, la commune de Bagnères-de-Bigorre demande à la cour, d’une part, de réformer le jugement n° 0800291 du tribunal administratif de Pau du 24 mai 2016 en limitant le montant des indemnités dues à Mlle H…à la somme de 23 000 euros et en n’accordant pas les intérêts sur la somme due à la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing et d’autre part, de condamner l’Ecole du ski français et la SCI de Cabadour à la garantir des condamnations prononcées à son encontre. Par une requête enregistrée sous le n° 16BX02468, la commune de Bagnères-de-Bigorre demande à la cour, à titre principal d’annuler le jugement avant dire droit n° 0800291 du tribunal administratif de Pau du 6 mai 2010 et à titre subsidiaire, de limiter sa responsabilité au quart des conséquences dommageables de l’accident et de condamner l’Ecole du ski français et la SCI de Cabadour à la garantir des condamnations prononcées à son encontre. Par la voie de l’appel incident, Mlle D…H…demande que la somme à laquelle la commune de Bagnères-de-Bigorre a été condamnée en première instance soit portée à 45 937 euros et à ce que ses droits relatifs à l’incidence professionnelle et à la perte de gains professionnels futurs soient réservés. La caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing demande à la cour de modifier les dates à compter desquelles les intérêts lui sont dus.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 16BX02467 et n° 16BX02468 de la commune de Bagnères-de-Bigorre présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la fin de non recevoir opposée par Mlle H…à la requête n° 16BX02468 :

3. Aux termes de l’article R. 811-6 du code de justice administrative :  » Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l’article R. 811-2, le délai d’appel contre un jugement avant dire droit, qu’il tranche ou non une question au principal, court jusqu’à l’expiration du délai d’appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige.  » En application de ces dispositions, le délai d’appel contre le jugement du 6 mai 2010, lequel, même s’il tranche la question de la responsabilité, a le caractère d’un jugement avant dire droit dès lors que les indemnités ne sont pas fixées, courait jusqu’à l’expiration du délai d’appel contre le jugement du 24 mai 2016 réglant définitivement le fond du litige. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du 24 mai 2016 a été notifié à la commune de Bagnères-de-Bigorre le 26 mai 2016. Par suite, l’appel interjeté contre le jugement avant dire droit en date du 6 mai 2010, enregistré au greffe de la cour le 21 juillet 2016 n’était pas tardif et la fin de non recevoir opposée par Mlle H… à la requête n° 16BX02468 ne peut qu’être rejetée.

Sur les conclusions en garantie de la commune de Bagnères-de-Bigorre dirigées contre l’Ecole de ski français et la SCI de Cabadour :

4. L’appel en garantie présenté par la commune, au demeurant pour la première fois en appel, tend à faire condamner le syndicat local des moniteurs de l’Ecole de ski français et la SCI de Cabadour à réparer les conséquences dommageables de l’accident dont a été victime MlleH…. En l’absence de liens de droit public entre la commune et les personnes privées mises en cause, de telles conclusions relèvent de la compétence de l’autorité judiciaire et il appartiendra à la commune, si elle estimait que le manquement de ces personnes privées à des obligations leur incombant a contribué à la création de la situation de risque, d’exercer à leur encontre une action tendant à mettre en cause leur responsabilité civile. Ainsi lesdites conclusions doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les appels principaux de la commune de Bagnères-de-Bigorre :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité de la commune :

5. Aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales :  » La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, (…) ».

6. La responsabilité d’une autorité détenant des pouvoirs de police, en particulier sur le fondement des dispositions de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, ne peut être engagée pour faute que dans le cas où, à raison de la gravité du péril résultant d’une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publique, elle n’a pas ordonné les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave et a ainsi méconnu ses obligations légales. A cet égard, il appartient notamment au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement, par leur prudence, se prémunir.

7. Il résulte de l’instruction que Mlle H…a percuté un bâtiment situé à l’extrémité de la piste verte  » Les Fusées  » de la station de ski de La Mongie. Les photographies jointes au dossier d’enquête de gendarmerie montrent que cet immeuble, qui abrite les locaux de l’Ecole de ski français, ne faisait l’objet d’aucune protection particulière ni d’aucune signalisation en amont au moment de l’accident alors que, situé à la fin d’une piste verte sur laquelle peuvent évoluer des débutants qui ne possèdent pas nécessairement l’ensemble des connaissances techniques pour maîtriser leur vitesse, il présentait un risque grave pour les usagers du domaine skiable, notamment au regard du faible enneigement alors constaté dans la station. En outre, il n’est pas sérieusement contesté par la commune que deux accidents se sont déjà produits à cet endroit dans des circonstances similaires, et le médecin de la station a attesté avoir alerté non seulement l’Ecole de ski français, mais aussi les services de la sécurité des pistes. Par suite, la commune de Bagnères-de-Bigorre n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont estimé qu’elle avait commis une faute, eu égard au danger créé par la situation de cet immeuble à l’extrémité d’une piste verte destinée aux débutants, en s’abstenant de prendre les dispositions convenables pour assurer la sécurité des skieurs, notamment par la mise en place de filets de sécurité, qui au demeurant ont été installés après l’accident dont a été victime MlleH….

8. Si la commune fait valoir pour s’exonérer partiellement de sa responsabilité que Mlle H…a perdu le contrôle de sa vitesse et de ses skis, celle-ci évoluait sur une piste verte destinée à des skieurs potentiellement peu confirmés, piste dont le profil était modifié du fait d’un défaut d’enneigement, et il ne résulte pas de l’instruction qu’elle se serait livrée à des manoeuvres dangereuses avant l’accident. Par ailleurs, elle était accompagnée par son père et aucun défaut de surveillance ne peut être reproché à ce dernier, qui suivait la descente de sa fille et l’a incitée en vain à freiner et s’arrêter. Enfin, si la commune de Bagnères-de-Bigorre invoque le fait du tiers, en se prévalant d’une faute de l’Ecole de ski français et de la SCI de Cabadour, la mise en oeuvre de mesures de protection des skieurs sur le domaine skiable relève de la seule responsabilité de la commune. Par suite, la commune de Bagnères-de-Bigorre doit être déclarée entièrement responsable de l’accident survenu, comme l’a jugé à bon droit le tribunal.

En ce qui concerne l’évaluation des préjudices de Mlle H…:

9. Il ne résulte pas de l’instruction que les premiers juges auraient fait une appréciation excessive du déficit fonctionnel permanent évalué à 10 % et des souffrances endurées qualifiées de moyennes (4/7) par l’expert, en accordant respectivement des sommes de 20 000 euros et 8 000 euros à ces titres. Ainsi, la commune, qui se borne à soutenir que l’indemnisation accordée au titre de ces deux chefs de préjudice est excessive, n’est pas fondée à contester le montant de la condamnation prononcée par le tribunal.

En ce qui concerne les intérêts des sommes accordées à la caisse primaire d’assurance maladie :

10. En vertu de l’article 1153 du code civil, dont les dispositions ont été reprises à l’article 1231-6 du même code, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une somme d’argent consistent dans la condamnation aux intérêts au taux légal. Par suite, la commune de Bagnères-de-Bigorre qui n’allègue au demeurant pas avoir remboursé les débours exposés par la caisse primaire d’assurance maladie avant l’intervention du jugement du 24 mai 2016 réglant définitivement le fond du litige, n’est pas fondée à demander à la cour de ne pas assortir des intérêts moratoires les sommes qu’elle doit rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie au titre des débours en lien avec l’accident.

Sur les appels incidents :

En ce qui concerne les conclusions incidentes de MlleH… :

11. En premier lieu, il ne résulte pas de l’instruction que le tribunal ait fait une inexacte appréciation des préjudices dont Mlle H…a été victime, au regard de l’âge de l’intéressée à la date de l’accident et compte tenu des caractéristiques de ses préjudices telles qu’elles résultent notamment du rapport de l’expert judiciaire, en lui allouant respectivement deux sommes de 8 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées et une somme de 500 euros au titre du préjudice esthétique.

12. En deuxième lieu, Mlle H…demande que ses droits relatifs à l’incidence professionnelle et à la perte des gains professionnels futurs soient réservés. Toutefois, il résulte de l’instruction et notamment du rapport d’expertise que son état de santé a été déclaré consolidé le 22 août 2014. Par ailleurs, si l’intimée soutient qu’  » il n’est pas possible de préjuger de son avenir et des difficultés qu’elle pourrait rencontrer dans la poursuite de ses études et dans la recherche d’un emploi  » en se prévalant d’un certificat médical établi le 28 janvier 2016, elle ne fait pas état de difficultés particulières rencontrées au cours des années de scolarité accomplies depuis la date de consolidation. En l’état du dossier, les pertes de gains professionnels futurs invoquées ne présentent qu’un caractère éventuel et ne peuvent donc ouvrir droit à indemnisation.

En ce qui concerne l’appel incident de la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing :

13. Les premiers juges ont assorti les sommes au paiement desquelles la commune de Bagnères-de-Bigorre a été condamnée au titre du remboursement des débours exposés par la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing des intérêts, en relevant que la somme de 86 426, 72 euros portera intérêt à compter du 10 mai 2012, la somme de 14 801,65 euros à compter du 25 juin 2012, la somme de 62 987, 17 euros à compter du 17 août 2012 et la somme de 57 216, 39 euros à compter du 8 février 2016.

14. Lorsqu’ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l’article 1153 du code civil, dont les dispositions ont été reprises à l’article 1231-6 du même code, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l’absence d’une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. Par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont pris en compte la date d’enregistrement des mémoires de la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing, valant notification de la première demande de paiement, pour fixer la date à partir de laquelle les intérêts étaient dus.

15. Il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance que la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing a demandé le remboursement de la somme de 86 426, 72 euros dans un mémoire enregistré au greffe le 2 mai 2012 et non pas le 10 mai 2012 et que la somme de 14 801, 05 euros a été demandée dans un mémoire enregistré le 26 juin 2012 et non pas le 25 juin 2012. Par suite, le jugement attaqué doit être réformé en tant qu’il a fixé le point de départ des intérêts afférents à ces deux sommes et en tant qu’il comporte une erreur matérielle en mentionnant une somme de 14 801,65 euros.

Sur la capitalisation des intérêts :

16. Aux termes de l’article 1154 du code civil dont les dispositions ont été reprises à l’article 1343-2 du même code :  » Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière  » Pour l’application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d’une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu’à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s’accomplit à nouveau à l’expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu’il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

17. Il résulte de ce qui a été dit au point 15 que les sommes de 86 426, 72 euros, de 14 801, 05 euros et de 62 987,17 euros que la commune de Bagnères-de-Bigorre a été condamnée à verser à la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing porteront respectivement intérêts à compter du 2 mai 2012, du 26 juin 2012 et du 17 août 2012. Les intérêts échus respectivement à la date du 2 mai 2013, du 26 juin 2013 et du 17 août 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de ces dates seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

18. La somme de 57 216,39 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2016. La capitalisation des intérêts a été demandée en première instance par un mémoire enregistré le 8 février 2016, date à laquelle il n’était pas dû plus d’une année d’intérêts. Conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil dont les dispositions ont été reprises à l’article 1343-2 du même code, il y a lieu de faire droit à la demande de la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing à compter du 8 février 2017, puis d’accorder la capitalisation à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur l’indemnité forfaitaire de gestion :

19. Aux termes de l’article R. 611-8-2 du code de justice administrative :  » (…) Lorsque les parties et mandataires inscrits dans l’application transmettent, à l’appui de leur mémoire, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d’entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l’inventaire qui en est dressé. S’ils transmettent un fichier par pièce, l’intitulé de chacun d’entre eux doit être conforme à cet inventaire. Ces obligations sont prescrites aux parties et mandataires inscrits dans l’application sous peine de voir leurs écritures écartées des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction.(…) « . Il ressort des pièces du dossier que le mémoire présenté par télécopie par la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing le 2 février 2017 dans la requête portant sur le montant des condamnations, sollicitant une indemnité forfaitaire de gestion de 1 055 euros, annonçait diverses pièces et n’a pas été régularisé par télérecours avec production des pièces répertoriées par des signets. Par suite, ces écritures doivent être écartées des débats, et seul le premier mémoire réclamant à ce titre une somme de 1 047 euros doit être pris en compte.

20. Aux termes de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :  » En contrepartie des frais qu’elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d’assurance maladie à laquelle est affilié l’assuré social victime de l’accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l’organisme national d’assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d’un montant maximum de 910 euros et d’un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l’indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l’année considérée  »

21. A l’appui de ses conclusions tendant au paiement d’une indemnité forfaitaire de gestion, la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing invoque à nouveau dans ses écritures les dispositions de l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale qui concernent les victimes d’accident professionnel. Or, ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, l’accident dont a été victime Mlle H…n’est pas un accident professionnel. Toutefois, l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est également visé en tête des conclusions récapitulatives, comme il l’était déjà devant le tribunal, et doit alors être regardé comme le véritable fondement de la demande. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la commune une somme de 1 047 euros sur ce fondement, et de réformer sur ce point le jugement du tribunal administratif.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion du litige :

22. En application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bagnères-de-Bigorre des sommes de 1 500 euros au titre des frais exposés par MlleH…, la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing, la SCI Cabadour et le syndicat des moniteurs de l’Ecole de ski français.

DECIDE :

Article 1er : Les sommes de 86 426,72 euros, de 14 801,05 euros et de 62 987,17 euros que la commune de Bagnères-de-Bigorre a été condamnée à verser à la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing porteront respectivement intérêts à compter du 2 mai 2012, du 26 juin 2012 et du 17 août 2012. Les intérêts échus respectivement à la date du 2 mai 2013, du 26 juin 2013 et du 17 août 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de ces dates seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : La somme de 57 216,39 euros que la commune de Bagnères-de-Bigorre a été condamnée à verser à la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2016. Les intérêts échus à la date du 8 février 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La commune versera à la Caisse primaire d’assurance-maladie de Roubaix-Tourcoing une somme de 1 047 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.
Article 4 : Le jugement n° 0800291 du tribunal administratif de Pau du 24 mai 2016 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : La commune de Bagnères-de-Bigorre versera à Mlle D…H…, à la Caisse primaire d’assurance-maladie de Roubaix-Tourcoing, à la SCI Cabadour et au syndicat local des moniteurs de l’Ecole du ski français de La Mongie la somme de 1 500 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bagnères-de-Bigorre, à Mlle D…H…, à la Caisse primaire d’assurance-maladie de Roubaix-Tourcoing, à la mutuelle Verspieren, à la SCI Cabadour II venant aux droits de la SCI Cabadour et au syndicat local des moniteurs de l’Ecole du ski français de La Mongie.

Etablissement sportif/ Fermeture administrative/ Entraîneurs étrangers/ Contrôle des qualifications

CAA de LYON

N° 16LY04458
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre – formation à 3
M. POMMIER, président
Mme Rozenn CARAËS, rapporteur
Mme VIGIER-CARRIERE, rapporteur public
PLANES, avocat

 

lecture du jeudi 18 octobre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’entreprise à but non lucratif de droit britannique British ski academy (BSA) a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la décision du 2 mars 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a suspendu ses activités d’encadrement, d’animation, d’enseignement et d’accompagnement contre rémunération de l’activité de ski alpin.

Par un jugement n° 1601503 du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 décembre 2016, l’entreprise à but non lucratif de droit britannique British ski academy, représentée par MeC…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 27 octobre 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d’annuler la décision du 2 mars 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie l’a suspendue de ses activités d’encadrement, d’animation, d’enseignement et d’accompagnement contre rémunération de l’activité de ski alpin et de l’entraînement de ses pratiquants ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– la décision du 2 mars 2016 méconnaît l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que la mise en demeure n’avait pas pour objet d’engager une procédure contradictoire et qu’il n’est pas fait état de sa réponse dans l’arrêté critiqué ni d’une vérification auprès de la préfecture de l’Isère ;
– l’arrêté est entaché d’une erreur de droit dès lors qu’il est fondé sur l’article R. 212-88 du code du sport, issu de la transposition de la directive 2005/36/CE sur la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union européenne, mais ne prend pas en compte les modifications substantielles apportées par la directive 2013/55/UE ; depuis le 18 janvier 2016, date limite de transposition dans la législation des Etats membres, cette directive 2013/55/UE s’applique de plein droit dans la législation française et se substitue directement aux textes en vigueur dans le code du sport en l’absence de transposition dans les délais ; les articles R. 212-92 et suivants du code du sport n’étaient plus applicables à la date où l’arrêté a été pris ;
– l’article 5 de la directive interdit la restriction au niveau national et l’expérience professionnelle est reconnue comme une qualification ; si la formation est réglementée, il suffit de démontrer que l’entraîneur est légalement établi dans son pays ; la notion de sécurité ne peut plus être opposée ; Mme D…a produit à l’appui de sa déclaration les pièces visées dans la directive et notamment son immatriculation d’activité en Pologne, la copie de son diplôme de formation et la copie de son casier judiciaire et, par suite, il devait être fait application de l’article 5 de la directive et non des articles du code du sport devenus inapplicables depuis le 18 janvier 2016 ;
– en application de l’article 7 de la directive, l’exigence d’une déclaration par un Etat membre est possible lors de la première prestation et sans formalisme particulier et la déclaration autorise le prestataire à exercer son activité ; Mme D…et Mme E…étaient déclarées ; Mme D…bénéficiait d’une présomption de qualification qui l’autorisait à travailler en France, la demande de pièces complémentaires est irrégulière dès lors qu’elle ne respecte pas les dispositions de la directive 2013/55/UE ; la combinaison des articles 5 et 7 de la directive la dispense de produire tout justificatif personnel supplémentaire pour pouvoir exercer en France son activité professionnelle ;
– à titre subsidiaire, l’établissement était parfaitement en règle au regard des dispositions applicables antérieurement au 18 janvier 2016 dès lors qu’une réponse motivée a été adressée à la préfecture de l’Isère le 22 février et que l’arrêté critiqué ne fait pas état de cette réponse et est, par suite, entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; l’arrêté ne fait pas état des deux déclarations de Mme E…et MmeD… ; la détention d’un récépissé, dont la preuve de l’absence d’une telle détention appartient au préfet, n’est qu’une formalité non substantielle dès lors que l’article R. 212-93 prévoit que l’absence de réponse de la préfecture vaut autorisation ; la motivation de l’arrêté ne constate pas un exercice irrégulier en France ; l’arrêté a été pris sur la base d’informations partielles, juridiquement et factuellement incomplètes ; les prétendues lettres du 22 décembre 2015 à l’appui desquelles il n’est produit qu’un accusé de réception postal unique ne peuvent produire aucun effet et ne sont pas opposables aux tiers et ne constituent pas une réponse régulière à la déclaration de libre prestation de services des personnes ; les entraîneurs de la BSA ayant régulièrement déclaré une activité de libre prestation de services en 2015 et aucune réponse ne leur étant parvenue dans le délai d’un mois, ils sont réputés exercer légalement leur activité en France, les services de l’Etat ne peuvent plus leur demander d’informations complémentaires et doivent leur délivrer un récépissé ;

Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2017, le ministre des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
– en prononçant la fermeture de l’établissement en application de l’article L. 322-5 du code du sport, le préfet de la Haute-Savoie a pris une mesure de police qui a été motivée en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; la procédure contradictoire prévue par l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 a été respectée dès lors que par lettre du 27 janvier 2016 le préfet de la Haute-Savoie a mis en demeure BSA de fournir la liste des entraîneurs intervenant pour son compte, de régulariser dans un délai de 15 jours leur situation et de cesser immédiatement l’emploi des éducateurs non déclarés et qu’à défaut de respect de ces obligations, il envisageait de proposer la fermeture administrative de l’établissement ;
– Mme E…etD…, de nationalité polonaise, exerçaient les fonctions d’entraîneurs pour le compte de BSA sans posséder les qualifications requises ; BSA employait d’autres entraîneurs non titulaires d’un récépissé de déclaration de prestations de services ou d’une carte professionnelle d’éducateur sportif en violation des articles L. 212-1 et suivants du code du sport ;
– en ce qui concerne MmeD…, celle-ci n’a pas fourni au pôle national les justificatifs exigés par l’article A. 212-182-2 du code du sport ; les courriers adressés à Mme D… sont précis et personnalisés ; les circonstances que ces courriers ne mentionnent ni leur envoi sous forme de lettre recommandée avec avis de réception ni la date de réception des dossiers de déclaration sont sans incidence sur leur régularité dès lors que les pièces du dossier prouvent la date de réception par Mme D…et l’administration n’a pas opposé à l’intéressée un délai mais le caractère incomplet des dossiers de demande de déclaration ;
– le préfet n’avait pas l’obligation de mentionner dans son arrêté les demandes de déclaration préalable d’activités et il n’a commis aucune erreur fait ou d’appréciation en estimant que Mme D…exerçait son activité en France illégalement ;
– les modifications apportées par la directive 2013/55/UE ne permettent pas d’écarter l’obligation faite à BSA de régulariser la situation des entraîneurs ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;
– le code du sport ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de justice administrative.

 

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Caraës,
– et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

 

1. Considérant que l’entreprise à but non lucratif de droit britannique, British ski academy (BSA), a pour objet d’entraîner et d’encadrer les jeunes skieurs anglais afin de les préparer à participer aux compétitions internationales de ski et de snowboard organisées par la fédération internationale de ski (FIS) ; qu’elle dispose depuis 1996 d’un établissement dans la commune des Houches qui dispense des entraînements pour les courses ; qu’après une mise en demeure, le préfet de la Haute-Savoie a, par arrêté du 2 mars 2016, décidé, sur le fondement du 2ème alinéa de l’article L. 322-5 du code du sport, de suspendre l’exercice par cet établissement des activités d’encadrement, d’animation, d’enseignement, d’accompagnement contre rémunération de l’activité de ski alpin et de l’entrainement de ses pratiquants, au motif que la BSA a employé plusieurs entraineurs non titulaires d’un récépissé de déclaration de prestation de services ou d’une carte professionnelle d’éducateur sportif ; que la BSA relève appel du jugement du 27 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 2 mars 2016 ;

Sur la légalité de l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2016,  » Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable.  » ; qu’aux termes de l’article L. 121-2 de ce code,  » Les dispositions de l’article L. 121-1 ne sont pas applicables : (…)3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 122-1 du même code,  » Les décisions mentionnées à l’article L. 211-2 n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L’administration n’est pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique.  » ;

3. Considérant, ainsi que l’ont retenu à bon droit les premiers juges, que la suspension des activités, exercées par la BSA dans son établissement des Houches, d’encadrement, d’animation, d’enseignement, d’accompagnement contre rémunération de l’activité de ski alpin et de l’entraînement de ses pratiquants, qui est fondée sur  » des éléments de constatations, d’audition et de vérification administrative « , constitue une mesure de police devant être motivée ; que, par suite, les dispositions du code du sport n’ayant pas organisé de procédure contradictoire particulière, le préfet de la Haute-Savoie était tenu, avant de prendre la décision critiquée, de permettre à l’établissement BSA de présenter ses observations ; qu’il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 27 janvier 2016, le préfet de la Haute-Savoie a mis en demeure la BSA de se mettre en conformité avec la réglementation et lui a précisé qu’à défaut de cette mise en conformité, l’établissement pourrait faire l’objet d’une fermeture administrative ; que, par courrier du 22 février 2016, l’établissement a accusé réception de la mise en demeure du préfet de la Haute-Savoie et a fait part de ses observations quant à la régularité de la situation des entraîneurs ; que la circonstance que l’arrêté ne fait pas état précisément de sa réponse est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie alors, au surplus, que l’arrêté critiqué précise  » qu’il y a eu divers échanges de courriers depuis 2014  » ; que, par suite, l’arrêté du 2 mars 2016 ne méconnaît pas les dispositions précitées du code des relations entre le public et l’administration ;

4. Considérant que si l’arrêté attaqué ne fait pas état des deux déclarations de Mme E… et MmeD…, il indique qu’à la suite du contrôle exercé le 1er mars 2016 et ayant donné lieu à un procès-verbal de constatation, ces deux personnes n’ont pas été en mesure de présenter un récépissé de prestation de services ou une carte professionnelle d’éducateur sportif en méconnaissance des articles L. 212-1 et L. 212-11 du code du sport ; que l’arrêté précise encore, en se fondant sur les dispositions de l’article L. 322-5 du même code, que  » les prestations ainsi rendues ne garantissent pas, dans l’environnement spécifique enneigé où elles se déroulent la sécurité des usagers notamment en raison, d’une part, de qualification professionnelle reconnue et, d’autre part, de déclarations conformes aux règlements et procédures en vigueur à l’autorité administrative  » ; que, par suite, la décision du 2 mars 2016 satisfait aux exigences de motivation en fait et en droit ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 322-5 du code du sport,  » L’autorité administrative peut s’opposer à l’ouverture ou prononcer la fermeture temporaire ou définitive d’un établissement qui ne présenterait pas les garanties prévues aux articles L. 322-1 et L. 322-2 et ne remplirait pas les obligations d’assurance mentionnées à l’article L. 321-7./ L’autorité administrative peut également prononcer la fermeture temporaire ou définitive d’un établissement employant une personne qui enseigne, anime ou encadre une ou plusieurs activités physiques ou sportives mentionnées à l’article L. 212-1 sans posséder les qualifications requises.  » ;

6. Considérant que si la BSA soutient, en s’appuyant sur les courriers adressés à l’administration par MmeE…, M.B…, Mme D…et M.F…, directeur sportif, que les entraîneurs ont effectué des déclarations de libre prestation de services dans les conditions prévues par le code du sport, il ressort des mentions de l’arrêté litigieux que « d’autres entraîneurs exercent au cours de l’année 2016 pour le compte de British ski academy sans y être autorisées, à savoir Kip Carrington, RoryG…, Conrad Pridy , Jenny Stielow, Lynn Mill, Duane Baird » ; que si, dans son mémoire de première instance, le préfet indique que Mme E…était en situation régulière, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autres entraîneurs mentionnés dans l’arrêté ont été régulièrement déclarés ; qu’à ce titre, le pôle national des métiers de l’encadrement du ski et de l’alpinisme a informé Mme A…G…que sa déclaration du 2 mars 2016 était irrecevable dès lors que la procédure de libre établissement était réservée aux ressortissants des Etats membres de la communauté européenne ou des Etats partie à l’accord sur l’espace économique européen; que, par ailleurs, Mme D…a procédé à sa déclaration par courrier du 7 décembre 2015, réceptionné le 9 décembre 2015, sans répondre au courrier du pôle du 22 décembre 2015, reçu à l’adresse communiquée par le conseil des requérants le 24 décembre, demandant des pièces complémentaires ; qu’ainsi, si l’arrêté critiqué est entaché d’une erreur d’appréciation quant à la situation de MmeE…, la BSA n’établit pas que les autres entraîneurs cités dans l’arrêté litigieux étaient en situation régulière ; que, par suite, le préfet aurait pris en l’espèce la même décision s’il s’était uniquement fondé sur l’exercice irrégulier de l’activité d’entraîneur de Mme D…et M. G…ainsi que sur la situation des autres entraîneurs dont il n’est pas établi qu’elle serait régulière ;

7. Considérant que la BSA soutient, à l’appui de sa requête, que le préfet de la Haute-Savoie aurait commis une erreur de droit en décidant la fermeture temporaire de son établissement situé aux Houches au motif qu’elle emploie plusieurs entraîneurs non titulaires d’un récépissé de déclaration de prestation de services ou d’une carte professionnelle d’éducateur sportif et ce alors que les entraîneurs qu’elle avait recrutés avaient régulièrement déclaré une activité de libre prestation de services en 2015 ; qu’elle invoque le bénéfice des articles 5 et 7 de la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 dont le délai de transposition expirait le 18 janvier 2016, soit antérieurement à la date de la décision attaquée ; que ces dispositions n’ont été transposées en droit interne que par l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées ;

8. Considérant que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt, en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit communautaire, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques ; que tout justiciable peut en conséquence demander l’annulation des dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d’action ou par voie d’exception, qu’après l’expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives ; qu’en outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article 5 de la directive du 20 novembre 2013 :  » Sans préjudice de dispositions spécifiques du droit communautaire ni des articles 6 et 7 de la présente directive, les États membres ne peuvent restreindre, pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles, la libre prestation de services dans un autre État membre: a) si le prestataire est légalement établi dans un État membre pour y exercer la même profession (ci-après dénommé « État membre d’établissement »), et b) en cas de déplacement du prestataire, s’il a exercé cette profession dans un ou plusieurs États membres pendant au moins une année au cours des dix années qui précèdent la prestation lorsque la profession n’est pas réglementée dans l’État membre d’établissement. La condition exigeant l’exercice de la profession pendant une année n’est pas d’application si la profession ou la formation conduisant à la profession est réglementée  » ; qu’aux termes de l’article 7 de cette même directive,  » 1. Les États membres peuvent exiger que, lorsque le prestataire se déplace d’un État membre à l’autre pour la première fois pour fournir des services, il en informe préalablement l’autorité compétente de l’État membre d’accueil par une déclaration écrite comprenant les informations relatives aux couvertures d’assurance ou autres moyens de protection personnelle ou collective concernant la responsabilité professionnelle. Une telle déclaration est renouvelée une fois par an si le prestataire compte fournir des services d’une manière temporaire ou occasionnelle dans cet État membre au cours de l’année concernée. Le prestataire peut fournir cette déclaration par tout moyen. 2. En outre, lors de la première prestation de service ou en cas de changement matériel relatif à la situation établie par les documents, les États membres peuvent exiger que la déclaration soit accompagnée des documents suivants: a) une preuve de la nationalité du prestataire; b) une attestation certifiant que le détenteur est légalement établi dans un État membre pour y exercer les activités en question, et qu’il n’encourt, lorsque l’attestation est délivrée, aucune interdiction même temporaire d’exercer; c) une preuve des qualifications professionnelles; d) pour les cas visés à l’article 5, paragraphe 1, point b), la preuve par tout moyen que le prestataire a exercé les activités en question pendant au moins une année au cours des dix années précédentes (…). / 2 bis. La présentation par le prestataire d’une déclaration requise conformément au paragraphe 1 autorise ce prestataire à accéder à l’activité de services ou à exercer cette activité sur l’ensemble du territoire de l’État membre concerné. Un État membre peut demander les informations supplémentaires énumérées au paragraphe 2, concernant les qualifications professionnelles du prestataire si: a) la profession est réglementée de manière différente sur certaines parties du territoire de cet État membre; b) une telle réglementation est également applicable à tous les ressortissants de cet État membre; c) les différences que présente cette réglementation se justifient par des raisons impérieuses d’intérêt général liées à la santé publique ou à la sécurité des bénéficiaires des services; et d) l’État membre n’a pas d’autre moyen d’obtenir ces informations. (…) / 4. Lors de la première prestation de services, dans le cas de professions réglementées qui ont des implications en matière de santé ou de sécurité publiques et qui ne bénéficient pas d’une reconnaissance automatique en vertu du titre III, chapitre II, III ou III bis, l’autorité compétente de l’État membre d’accueil peut procéder à une vérification des qualifications professionnelles du prestataire avant la première prestation de services. Une telle vérification préalable n’est possible que si son objectif est d’éviter des dommages graves pour la santé ou la sécurité du destinataire du service, du fait du manque de qualification professionnelle du prestataire, et dans la mesure où elle n’excède pas ce qui est nécessaire à cette fin. Au plus tard un mois à compter de la réception de la déclaration et des documents joints, visés aux paragraphes 1 et 2, l’autorité compétente informe le prestataire de sa décision :a) de permettre la prestation de services sans vérifier ses qualifications professionnelles ; b) ayant vérifié ses qualifications professionnelles :i) d’imposer au prestataire de services une épreuve d’aptitude; ou ii) de permettre la prestation des services.  » ;

10. Considérant qu’il résulte de ces dispositions de la directive du 20 novembre 2013 que l’autorité administrative est en droit de procéder à des investigations supplémentaires quant aux qualifications professionnelles du prestataire avant la première prestation de services en vue de s’assurer de la sécurité des clients de l’établissement ; que l’article R. 212-93 du code du sport, dans sa rédaction telle qu’issue du décret n° 2009-1116 du 15 septembre 2009 et antérieure à la transposition de la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013, est conforme à cet objectif ; que, par suite, l’entreprise BSA ne peut soutenir qu’en procédant à un contrôle de la qualification professionnelle de Mme D…et en sollicitant des informations complémentaires à la suite du dépôt de sa déclaration de libre prestation de services sur le fondement des dispositions de l’article R. 212-93 du code du sport avant transposition de la directive 2013/55/UE du 20 septembre 2013, le préfet de la Haute-Savoie aurait commis une erreur de droit ;

11. Considérant que l’entreprise requérante soutient que si trois lettres datées du 22 décembre 2015 concernant M.F…, Mme E…et Mme D…auraient été adressées par l’administration, celle-ci n’a versé au débat qu’un accusé de réception postal unique, et par conséquent ces lettres et notamment celle concernant Mme D…ne peuvent produire aucun effet et ne sont pas opposables ; que, toutefois, les trois courriers datés du 22 décembre 2015 sont précis, personnalisés et font mention du nom de leur destinataire et de leur domiciliation chez leur conseil ; qu’il ressort ainsi suffisamment des pièces du dossier que ces lettres par laquelle le pôle national des métiers de l’encadrement du ski et de l’alpinisme dépendant de la préfecture de l’Isère a demandé des pièces complémentaires pour instruire leur demande, notamment celle présentée par Mme D…le 7 décembre 2015, reçue le 9 décembre dans les services du pôle, ont été notifiées, de façon régulière, par lettre recommandée avec accusé de réception à l’adresse indiquée dans le courrier de demande ; que la circonstance que ce pli n’a pas été réclamé est sans incidence sur la régularité de cette notification ;

12. Considérant qu’aux termes de l’article R. 212-93 du code du sport, dont les dispositions sont compatibles avec la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013,  » Dans le mois qui suit la réception du dossier de déclaration, le préfet notifie au prestataire, selon le cas : 1° Le cas échéant, une demande motivée d’informations complémentaires ainsi que le délai supplémentaire rendu nécessaire avant l’expiration duquel il l’informera de sa décision, en tout état de cause avant la fin du deuxième mois qui suit la réception du complément d’informations ; / En l’absence de réponse dans les délais ci-dessus mentionnés, le prestataire est réputé exercer légalement son activité sur le territoire national.  » ;

13. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme D…n’a pas répondu à la demande de pièces complémentaires adressée par le pôle national des métiers de l’encadrement du ski et de l’alpinisme le 22 décembre 2015 ; que si l’intéressée a déposé une nouvelle demande le 29 février 2016, cette demande ne contenait pas les pièces sollicitées par le pôle ; que, par suite, en l’absence de transmission des éléments d’information nécessaires à l’instruction de la demande, la BSA ne peut se prévaloir de ce que la préfecture aurait dû délivrer un récépissé en l’absence de respect du délai d’un mois suivant la réception du dossier de Mme D… prévu par les dispositions de l’article R. 212-93 du code du sport ;

14. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’entreprise à but non lucratif BSA n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les frais liés au litige :

15. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la BSA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :

 

Article 1er : La requête de la British ski academy est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la British ski academy et au ministre des sports.

Délibéré après l’audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller,

 

Lu en audience publique le 18 octobre 2018.

Forêts de montagne/ Accident/ Compétence juridictionnelle/ Faute de police (non)

CAA de MARSEILLE

N° 17MA00828
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre – formation à 3
M. VANHULLEBUS, président
Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK, rapporteur
M. ARGOUD, rapporteur public
LUDOT, avocat

 

lecture du jeudi 18 octobre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B…C…a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Vernet-les-Bains et l’Office national des forêts (ONF) à lui payer la somme de 95 000 euros en réparation des préjudices résultant d’un accident subi sur un chemin de randonnée.
Par un jugement n° 1503782 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 février 2017, le 8 août 2017, le 5 octobre 2017 et le 17 novembre 2017, M.C…, représenté par MeA…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 janvier 2017 ;

2°) de condamner in solidum la commune de Vernet-les-Bains et l’ONF à lui payer la somme de 124 000 euros ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune et de l’ONF les dépens et la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– le juge administratif est compétent pour connaître des conclusions dirigées contre l’ONF chargé de la gestion et de la prévention des risques naturels et de la conservation, de la protection et de la surveillance des forêts ;
– il est également compétent dès lors que le massif du Canigou fait partie du domaine public de l’Etat ;
– l’ONF n’a pas assuré correctement ces missions ;
– le maire de la commune de Vernet-les-Bains a failli dans l’exercice de ses pouvoirs de police ;
– la responsabilité de la commune est également engagée pour défaut d’entretien normal et pour caractère exceptionnellement dangereux de l’ouvrage public ;
– le lieu de l’accident est établi ;
– l’information donnée aux promeneurs n’était pas suffisante ;
– les préjudices qu’il a subis doivent être réparés.

 

Par un mémoire, enregistré le 22 mars 2017, la Caisse nationale de santé demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 janvier 2017 ;

2°) de condamner in solidum la commune de Vernet-les-Bains, Groupama Méditerranée et l’ONF à lui payer la somme de 62 675,33 euros, ainsi que les intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune, de Groupama Méditerranée et de l’ONF les dépens et la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu’elle est fondée à demander la condamnation du tiers responsable à lui rembourser le montant des débours qu’elle a exposés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 août 2017 et le 22 septembre 2017, l’ONF conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C…la somme de
3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
– le juge administratif est incompétent pour connaître de sa responsabilité dans le cadre de sa gestion du domaine privé forestier ;
– à titre subsidiaire, le lieu exact de l’accident n’est pas précisé ;
– l’article L. 221-6 du code forestier est inapplicable au litige en l’absence de convention ;
– il ne lui appartient pas de prendre des mesures de sécurité du public contre les risques naturels ;
– le rocher ne s’est pas détaché d’un couloir d’éboulis dont il serait chargé de
l’entretien ;
– il convient de ramener les prétentions indemnitaires de M. C…à de plus justes proportions ;

– l’indemnisation qui peut être allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire comprend celle demandée au titre d’un arrêt de travail ;
– l’existence d’un préjudice d’agrément n’est pas établie.

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2017, la commune de Vernet-les-Bains conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C…la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
– la forêt n’est pas un ouvrage public ;
– elle n’est pas propriétaire de cette forêt ;
– l’information donnée aux randonneurs est suffisante ;
– il convient de ramener les prétentions indemnitaires de M. C…à de plus justes proportions ;
– l’indemnisation qui peut être allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire comprend celle demandée au titre d’un arrêt de travail ;
– l’existence d’un préjudice d’agrément n’est pas établie.

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2017, la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Méditerranée – Groupama Méditerranée conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C…la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
– la réalité des faits n’est pas établie ;
– la commune a balisé le chemin et signalé les risques d’éboulement ;
– le site n’a pas le caractère d’un ouvrage exceptionnellement dangereux ;
– il convient de ramener les prétentions indemnitaires de M. C…à de plus justes proportions ;
– l’indemnisation qui peut être allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire comprend celle demandée au titre d’un arrêt de travail ;
– l’existence d’un préjudice d’agrément n’est pas établie.

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :
– le code forestier ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative.

 

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

 

 

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
– les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
– et les observations de MeE…, représentant Groupama Méditerranée et de
Me D…substituant la SCP Henry-Chichet-Pailles, représentant la commune de Vernet-les-Bains.
Considérant ce qui suit :

1. M. C…a été blessé le 26 juillet 2013 par la chute d’un rocher alors qu’il se promenait sur le chemin de randonnée n° 7 dénommé  » Cascades des Anglais et Gorges du Saint Vincent  » situé sur la commune de Vernet-les-Bains, dans le massif forestier du Canigou, géré par l’Office National des Forêts (ONF). Il relève appel du jugement du 19 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de condamnation solidaire de la commune de Vernet-les-Bains et de l’ONF à réparer les préjudices qu’il a subis.
Sur la régularité du jugement :

2. Lorsqu’un établissement public tient de la loi la qualité d’établissement public industriel et commercial (EPIC), les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l’exception de ceux relatifs à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique. Aux termes de l’article L. 221-1 du code forestier :  » L’Office national des forêts est un établissement public national à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l’Etat.  » Aux termes de l’article L. 221-2 du même code :  » L’Office national des forêts est chargé de la mise en oeuvre du régime forestier et exerce cette mission dans le cadre des arrêtés d’aménagement prévus à l’article L. 212-1. Il est également chargé de la gestion et de l’équipement des bois et forêts mentionnés au 1° du I de l’article L. 211-1.  » Selon l’article L. 221-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur :  » L’Office national des forêts peut être chargé, en vertu de conventions passées avec des personnes publiques ou privées, de la réalisation, en France ou à l’étranger, d’opérations de gestion, d’études, d’enquêtes et de travaux en vue de (…) 3° La prévention des risques naturels « .

 

3. M. C…recherche la responsabilité de l’ONF en raison d’une part, de ses missions de gestion et prévention des risques naturels et d’autre part, d’entretien de la forêt dans le massif du Canigou lequel, contrairement à ce qu’il soutient, appartient au domaine privé de l’Etat, quand bien même le lieu appartiendrait à un site classé, serait inscrit en zone  » Natura 2000 « , en zone spéciale de conservation et en tant que  » Grand site de France « . Il ne résulte toutefois pas de l’instruction que l’ONF aurait conclu avec l’Etat une convention lui permettant d’exercer sur les lieux de l’accident une mission au titre de la prévention des risques naturels. Le défaut d’entretien reproché par ailleurs à l’ONF par le requérant ne met pas en cause l’exercice, par cet établissement public, de prérogatives de puissance publique. C’est par suite à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les conclusions dirigées contre l’ONF comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

 

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité fondée sur le défaut d’entretien normal et le caractère exceptionnellement dangereux de l’ouvrage public :

4. Le chemin de randonnée emprunté par M. C…n’étant pas affecté à la circulation générale, il ne peut être qualifié d’ouvrage public. Dans ces conditions, le requérant ne peut utilement invoquer le défaut d’entretien normal de cet ouvrage, ni son caractère exceptionnellement dangereux.
En ce qui concerne la responsabilité du maire au titre de ses pouvoirs de police
générale :

5. Aux termes de L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales :  » La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, (…) les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels (…).  » Selon l’article L. 2212-4 du même code :  » En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’article L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances « . En vertu de ces dispositions, il incombe au maire de la commune d’assurer la sécurité des promeneurs et notamment de signaler les dangers qui excèdent ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir.

6. Un panneau de danger est apposé sur le sentier de la cascade des Anglais avertissant les randonneurs du caractère très accidenté du terrain, leur demandant de rester vigilants et de ne pas utiliser les passerelles de franchissement de la cascade pour jouer ou se balancer. Il ne résulte par ailleurs pas de l’instruction que le risque qui s’est réalisé excèderait les risques ordinaires contre lesquels les randonneurs doivent se prémunir lorsqu’ils circulent sur des sentiers de montagne. Cette signalisation suffisante n’appelait aucune mesure complémentaire d’information. Dans ces conditions, et comme l’a jugé à bon droit le tribunal administratif, le maire n’a pas fait preuve de carence dans l’exercice de ses pouvoirs de police.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C…et la Caisse nationale de santé ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.

 

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Vernet-les-Bains, de la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Méditerranée – Groupama Méditerranée et de l’ONF, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que M. C…et la Caisse nationale de santé demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. C…les sommes demandées au même titre par la commune de Vernet-les-Bains, la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Méditerranée – Groupama Méditerranée et l’ONF.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C…et les conclusions de la Caisse nationale de santé sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de l’ONF, de la commune de Vernet-les-Bains et de la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Méditerranée – Groupama Méditerranée présentées en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B…C…, à la Caisse nationale de santé, à l’Office National des Forêts, à la commune de Vernet-les-Bains et à la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Méditerranée – Groupama Méditerranée.

Falaises d’escalade/ Domanialité privée

CAA Marseille, 14 sept. 2018, E. c./ Cne de Saint-Léger-de-Peyre : n° 17MA01609)

 

M. A… E…a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Saint-Léger-de-Peyre (Lozère) à lui verser la somme de 45 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation du préjudice résultant de la remise en cause de l’autorisation dont il bénéficiait pour organiser des activités d’escalade sur des terrains appartenant à la commune.

Par un jugement n° 1501659 du 28 février 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 avril 2017, le 15 juin 2017, le 22 août 2017, le 27 septembre 2017 et le 3 mai 2018, M. E…, représenté par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 28 février 2017 ;

2°) de condamner la commune de Saint-Léger-de-Peyre à lui verser la somme de 45 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation de son préjudice ;

3°) d’ordonner, si nécessaire, une mesure d’expertise afin de procéder à la description et au chiffrage des travaux qu’il a réalisés ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Léger-de-Peyre la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Léger-de-Peyre le versement à son avocat d’une somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– il justifie de sa qualité et de son intérêt à agir ;
– il a présenté une demande préalable d’indemnisation ;
– les parcelles en litige appartiennent au domaine public communal ;
– il était titulaire d’une convention d’occupation du domaine public sur les parcelles en litige ;
– la commune ne justifie d’aucun motif d’intérêt général pour procéder à la résiliation de cette convention ;
– celle-ci était illégale faute de comporter un terme ;
– il justifie des compétences techniques nécessaires pour assurer la conformité du site aux normes ;
– à défaut de mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle de la commune, il est fondé à demander à être indemnisé sur le terrain de l’enrichissement sans cause ;
– son préjudice doit être calculé en fonction du montant des dépenses qu’il a exposées pour la réalisation des installations autorisées par la commune ainsi que du manque à gagner résultant de l’annulation de réservations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2017, la commune de Saint-Léger-de-Peyre, représentée par Me D…, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. E… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la demande de première instance est irrecevable en tant qu’elle émane d’une personne physique et non de la personne morale ayant bénéficié de l’autorisation en litige ;
– les moyens soulevés par M. E… ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de ce que le litige qui oppose M. E… à la commune de Saint-Léger-de-Peyre, qui tend à la recherche de la responsabilité extra contractuelle de cette dernière encourue à l’occasion de la gestion de son domaine privé, relève de la compétence de la juridiction de l’ordre judiciaire.

Par ordonnance du 3 mai 2018, la clôture d’instruction a été fixée au 25 mai 2018.

Un mémoire présenté pour M. E… en réponse au moyen relevé d’office a été enregistré le 14 juin 2018.

M. E… a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Guidal,
– et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

1. Considérant que la commune de Saint-Léger-de-Peyre est propriétaire de parcelles cadastrées D 471 et D 1153 au lieu dit  » les gorges de l’enfer  » ; que par une première délibération du 18 février 2007, le conseil municipal a autorisé M. E…, qui exploite à titre individuel une entreprise commerciale sous la dénomination  » le club nautique du Gévaudan « , à organiser une activité d’escalade sur ces parcelles et à équiper le site en vue de l’exercice de cette activité ; que, par une seconde délibération du 25 janvier 2015, le conseil municipal de Saint-Léger-de-Peyre a chargé le comité départemental de la fédération française des clubs alpins et de montagnes d’élaborer un projet de convention et de règlement d’utilisation de ce site ; que si cette délibération mentionnait que son ouverture au public ne remettait pas en cause l’accès du Club nautique du Gévaudan, M. E… a estimé qu’il ne pouvait plus, à compter de cette date, y exercer de fait son activité ; que M. E… a alors saisi la commune de Saint-Léger-de-Peyre d’une demande tendant à la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi en raison des frais engagés pour l’aménagement du site et l’annulation de différentes prestations qu’il y avait organisées ; que la commune a laissé cette demande sans réponse ; que M. E… relève appel du jugement du 28 février 2017 par laquelle le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d’indemnisation ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique (…) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public  » ;

3. Considérant que si de 2007 à 2015 les parcelles en litige étaient accessibles au public et non seulement aux clients de M. E…, et notamment si des randonneurs et des pêcheurs pouvaient de manière occasionnelle les traverser, il ne résulte pas de l’instruction que la commune avait décidé d’affecter ces parcelles à l’usage direct du public ; qu’elles n’ont pas davantage été affectées à un service public ni fait l’objet d’un quelconque aménagement à cette fin ; qu’elles n’entraient pas, dès lors, dans les prévisions de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; que, de même, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elles auraient constitué un accessoire indissociable d’un bien appartenant au domaine public de la commune, au sens des dispositions de l’article L. 2111-2 du code ; qu’il suit de là que les parcelles en cause ne constituaient pas des dépendances du domaine public de la commune mais des dépendances de son domaine privé ;

4. Considérant que la délibération du 18 février 2007 du conseil municipal de Saint-Léger-de-Peyre qui autorise à titre purement gracieux M. E… à pratiquer l’activité d’escalade sur ces parcelles de son domaine privé, sous sa responsabilité, a le caractère d’une autorisation unilatérale ; qu’ainsi, à supposer que le conseil municipal ait entendu par sa délibération du 25 janvier 2015 mettre fin à l’autorisation délivrée précédemment à M. E…, il n’a ce faisant nullement rompu un contrat, qui ne pouvait au demeurant être regardé comme un contrat d’occupation du domaine public compte tenu de ce qui a été dit au point 3 ; qu’en remettant en cause les conditions d’utilisation des parcelles en litige par M. E…, la commune de Saint-Léger-de-Peyre s’est seulement bornée à accomplir un acte de gestion de son domaine privé sans en affecter ni le périmètre ni la consistance ; que, dès lors, le litige qui oppose M. E… à la commune, qui tend à la recherche de la responsabilité extra contractuelle de cette dernière encourue à l’occasion de la gestion de son domaine privé, relève de la compétence de la juridiction de l’ordre judiciaire ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler le jugement en date du 28 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes s’est reconnu compétent pour connaître de la demande du requérant et, statuant par voie d’évocation, de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur les frais liés au litige :

6. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Saint-Léger-de-Peyre, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de cette dernière présentées au titre des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 28 février 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E… devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Léger-de-Peyre et de M. E… présentées en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… E…et à la commune de Saint-Léger-de-Peyre.
Copie en sera adressé au préfet de Lozère.

Délibéré après l’audience du 31 août 2018 où siégeaient :

– M. Pocheron, président,
– M. Guidal, président-assesseur,
– Mme C…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 14 septembre 2018.
2
N° 17MA01609
ia

Analyse
Abstrats : 17-03-02-02-01-02 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Domaine. Domaine privé. Autorisation d’occupation.
24-02-03-02-03 Domaine. Domaine privé. Contentieux. Compétence de la juridiction judiciaire. Contentieux de la responsabilité.

Moniteur stagiaire/ Accident sur stade de slalom/ ESF et exploitant/ Obligation de sécurité?

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 27 juin 2018
N° de pourvoi: 17-17796
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)
________________________________________

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Donne acte à M. X… du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société SEM des remontées mécaniques de Megève ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 9 mars 2017), que M. X…, moniteur stagiaire adhérent du syndicat des moniteurs de l’ESF de Megève (le syndicat), a été victime d’un accident de ski survenu le 22 mars 2012 lors d’un entraînement sur une piste de slalom du domaine skiable de Megève, le laissant paraplégique ; qu’il a assigné la société SEM des remontées mécaniques de Megève (la société), l’Ecole du ski français (l’ESF), le Régime social des indépendants (le RSI) et la société A… aux fins d’obtenir réparation de son préjudice ; que le syndicat est intervenu volontairement à l’instance ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes formées contre le syndicat, alors, selon le moyen, qu’un organisme sportif est tenu d’une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité dans les locaux ou terrains dont il a l’usage et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquent librement cette activité ; qu’au cas d’espèce, les juges du fond ont relevé que la piste sur laquelle s’était produit l’accident subi par M. X…, moniteur stagiaire de ski en lien contractuel avec le syndicat, était de manière permanente fermée au public et mise à la disposition dudit syndicat, qui s’en servait pour les entraînements et les passages de tests ; qu’aussi, le syndicat était tenu d’une obligation contractuelle de sécurité à l’égard de M. X… à raison de l’utilisation de la piste, peu important que l’accident fût survenu alors que la victime effectuait un entraînement « libre » non organisé officiellement par le syndicat et en compagnie d’un moniteur traceur assumant lui-même la responsabilité de ses actes ; qu’en décidant, au contraire, que le syndicat n’était tenu d’aucune obligation de sécurité à l’égard de M. X…, la cour d’appel a violé l’article 1147 ancien du code civil ;

Mais attendu qu’après avoir constaté que la piste sur laquelle a eu lieu l’accident dépend du domaine skiable accessible par gravité à partir du sommet des remontées mécaniques, et que, si aucune partie ne s’est expliquée sur les conditions juridiques de la mise à disposition de cette piste à l’ESF de Megève, il est toutefois admis par tous que la société, concessionnaire de la mission de service public d’exploitation des remontées mécaniques, en assure l’entretien et le damage, l’arrêt retient qu’il n’incombe pas au syndicat une obligation générale de sécurité, à défaut de preuve d’un engagement contractuel de sa part, qui seul pourrait être à la source d’une telle obligation ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a déduit, à bon droit, que le syndicat n’était pas tenu d’une obligation de sécurité permanente sur cette piste, en-dehors des entraînements et compétitions organisés par lui ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.

SAE/ Accident/ Responsabilité de l’association gestionnaire

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 7 mars 2018
N° de pourvoi: 16-28310
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

 

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Donne acte à l’association club La Cordée perrosienne (l’association) et la société Zurich Insurance Public Limited (la société Zurich) du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) et contre la Mutuelle des étudiants de Bretagne Atlantique ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 6 octobre 2016), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 15 décembre 2011, pourvois n° 10-23.528, 10-24.545, Bull. 2011, I, n° 219), que M. X… est devenu paraplégique à la suite d’une chute dont il a été victime, le 15 octobre 2001, alors qu’il descendait une voie d’escalade sur un mur artificiel appartenant à l’association et qu’il était assuré au sol par M. Y… ; qu’il a assigné en réparation de son préjudice corporel l’association, la société Zurich et la société Generali assurances IARD (la société Generali), assureurs de cette dernière, ainsi que la MAIF, assureur de l’Association sportive universitaire de Lannion dont lui-même et M. Y… étaient adhérents, et la Mutuelle des étudiants de Bretagne Atlantique ; que la société Generali a assigné en garantie M. Y… et la Fédération française de sport universitaire ; que la caisse primaire d’assurance maladie des Côtes-d’Armor est intervenue volontairement à l’instance ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, pris en leurs première, deuxième, troisième et cinquième branches, rédigés en termes identiques et réunis :

Attendu que les sociétés Zurich et Generali font grief à l’arrêt de déclarer l’association entièrement responsable du dommage et, en conséquence, de condamner in solidum les deux assureurs de celle-ci à réparer l’intégralité du préjudice subi par M. X…, alors, selon le moyen :

1°/ que l’association sportive exploitante d’une salle d’escalade communale, qui met à la disposition des participants du matériel afin de leur permettre d’exercer librement cette activité en dehors de tout enseignement, n’est pas tenue de vérifier in situ leurs compétences et satisfait à son obligation de sécurité, de prudence et de diligence dès lors que les participants lui ont indiqué être compétents et qu’ils ont refusé la formation qui leur était proposée ; que, dès lors, en retenant, pour considérer que l’association avait engagé sa responsabilité à l’égard de M. X…, que ce dernier et son compagnon M. Y… avaient pu utiliser le mur d’escalade sans que leur aptitude à le faire en toute sécurité ait été vérifiée in situ par M. A…, le président du club, après avoir pourtant constaté que MM. X… et Y… s’étaient vu proposer une formation et l’avaient expressément refusée, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

2°/ que la détermination de l’étendue de l’obligation de sécurité de moyen pesant sur l’association sportive mettant à la disposition du public des installations en libre accès doit dépendre du degré d’autonomie et de la liberté d’action laissée aux participants, de sorte que l’on ne saurait lui imposer de vérifier in situ l’aptitude de ces derniers à pratiquer l’activité lorsqu’en raison de la liberté d’action qu’ils conservent, cette mesure ne serait pas de nature à exclure une imprudence ou une négligence de leur part ; que, dès lors, en retenant, pour considérer que l’association était seule responsable de l’accident dont M. X… a été victime, que ce dernier et son camarade, M. Y…, avaient pu utiliser le mur d’escalade sans que leur aptitude à le faire en toute sécurité ait été vérifiée in situ par M. A…, le président du club, qui s’était satisfait de ce qu’ils n’avaient pas donné suite à sa proposition de formation, et qu’une telle vérification aurait permis de constater l’inexpérience de M. Y… et le défaut de coordination des deux hommes, après avoir constaté que l’accident était la conséquence de l’imprudence de M. X… et de l’inattention momentanée de M. Y…, circonstances à l’égard desquelles la vérification des compétences des deux hommes aurait été sans incidence, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

3°/ que la pratique libre d’un sport, même surveillée, exclut tout encadrement, lequel excède la simple surveillance en ce qu’il suppose des interventions de l’encadrant afin de fournir des explications ou des conseils ; que, dès lors, en retenant, par motifs adoptés, pour considérer que l’association avait manqué à son obligation de sécurité, qu’elle aurait dû fournir un encadrement adapté puisque la convention avec l’ASUL précisait que la séance libre était surveillée, la cour d’appel, qui a imposé une obligation excédant celle contractée par l’association, a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;

4°/ que la faute de la victime qui a contribué à la réalisation du dommage est de nature à exonérer le tiers dont la faute a contribué au dommage de tout ou partie de sa responsabilité ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la chute de M. X… résultait, d’une part, d’un défaut d’expérience de M. Y…, d’autre part, d’un manque total de coordination entre les deux jeunes gens et, de troisième part, de l’imprudence personnelle de M. X… ; qu’en retenant, néanmoins, pour considérer que l’association était seule responsable de l’accident dont M. X… avait été victime, qu’il était constant que le club n’avait pas vérifié l’aptitude des jeunes gens à utiliser le mur d’escalade en toute sécurité et que la chute de M. X… était imputable à ce manquement dès lors que l’examen de leurs connaissances réelles in situ aurait permis de constater l’inexpérience de M. Y… et le défaut de coordination des deux hommes, sans tenir compte du rôle causal de l’imprudence personnelle de M. X… qui était pourtant de nature à réduire la part de responsabilité de l’association, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant retenu que MM. X… et Y… avaient pu utiliser le mur d’escalade sans que leur aptitude à le faire en toute sécurité ait été vérifiée, le moniteur s’étant satisfait de ce qu’ils n’avaient pas donné suite à sa proposition de formation, et que la chute de M. X… était imputable à ce seul manquement, en ce que l’examen de leur connaissance réelle in situ par le moniteur lui aurait en effet incontestablement permis de constater l’inexpérience de M. Y… et le défaut de coordination des deux hommes, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que l’association était responsable de l’accident dont M. X… avait été victime ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait, partant, irrecevable en sa quatrième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

Et sur la quatrième branche du moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que ce grief n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne l’association club La Cordée perrosienne et la société Zurich Insurance Public Limited aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne l’association club La Cordée perrosienne et la société Zurich Insurance Public Limited à payer à M. X… la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Convention d’aménagement/ Résiliation/ Mesures d’exécution

Conseil d’État

N° 407865
ECLI:FR:CECHR:2018:407865.20180711
Publié au recueil Lebon
7ème – 2ème chambres réunies
M. François Lelièvre, rapporteur
M. Olivier Henrard, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL, avocats

 

lecture du mercredi 11 juillet 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

La commune d’Isola et le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 ont demandé à la cour administrative d’appel de Marseille d’enjoindre à la société d’aménagement d’Isola (SAI) 2000 d’exécuter son arrêt n° 12MA01668 du 7 juillet 2014 et la décision n° 384280 du 14 mars 2016 du Conseil d’Etat statuant au contentieux annulant partiellement cet arrêt, de porter le taux de l’astreinte à 10 000 euros par jour de retard et de procéder à la liquidation de l’astreinte provisoire.

Par un arrêt n° 16MA02502 du 12 décembre 2016, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté cette requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 février, 15 mai 2017 et 25 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune d’Isola et le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur requête ;

3°) de mettre à la charge de la SAI 2000 la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;
– la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune d’Isola et du syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société d’aménagement d’Isola 2000.

 

Sur le cadre juridique applicable :

1. Considérant que si, en principe, il n’appartient pas au juge administratif d’intervenir dans l’exécution d’un contrat administratif en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l’administration lorsque celle-ci dispose à l’égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l’exécution du contrat, il en va autrement quand l’administration ne peut user de moyens de contrainte à l’encontre de son cocontractant qu’en vertu d’une décision juridictionnelle, notamment après l’expiration des relations contractuelles ; qu’en pareille hypothèse, le juge du contrat est en droit de prononcer, à l’encontre du cocontractant de l’administration, une condamnation, éventuellement sous astreinte à une obligation de faire ; que la demande adressée en 2007 par la commune d’Isola et par le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 au tribunal administratif de Nice tendait précisément à obtenir, à la suite de la résiliation pour un motif d’intérêt général, le 6 mars 2001, de la convention d’aménagement conclue en 1992 par le syndicat mixte avec la société d’aménagement et de promotion de la station d’Isola (SAPSI), aux droits de laquelle est venue la société d’aménagement d’Isola 2000 (SAI 2000), la restitution, en application de l’article 20 de cette convention, des parcelles qui lui avaient été cédées par la commune ;

2. Considérant que le tribunal administratif de Nice, par un jugement du 9 mars 2012, et la cour administrative d’appel de Marseille, par un arrêt du 7 juillet 2014, confirmé sur ce point par la décision du 14 mars 2016 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, ont prononcé à l’encontre de la SAI 2000 une injonction de restituer lesdits terrains assortie d’une astreinte, en leur qualité de juge du contrat ; que la commune d’Isola et le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 ont, par la suite, saisi la cour administrative d’appel de Marseille pour lui demander d’assurer l’exécution de ces décisions ; que leurs conclusions doivent être regardées comme tendant à ce que le juge de l’exécution assure l’exécution effective des obligations de faire assorties d’une astreinte que le juge du contrat avait prescrites ;

3. Considérant que les dispositions du livre IX du code de justice administrative ne s’appliquent qu’aux injonctions et astreintes que, depuis la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 et la loi n° 95-125 du 8 février 1995, les juridictions administratives peuvent prononcer à l’encontre d’une personne morale de droit public ou d’un organisme privé chargé de la gestion d’un service public ; qu’elles ne sont, en revanche, pas applicables lorsque le juge du contrat, saisi par l’administration en vue de prononcer une obligation de faire à l’encontre de l’ancien cocontractant de l’administration, fait application du principe général selon lequel les juges ont la faculté de prononcer une injonction assortie d’une astreinte en vue de l’exécution de leurs décisions ;

Sur la juridiction compétente pour prononcer des mesures d’exécution :

4. Considérant que la juridiction compétente pour connaître d’une demande d’exécution du jugement d’un tribunal administratif est le tribunal qui a rendu cette décision ou, en cas d’appel, la juridiction d’appel, alors même que cette dernière aurait rejeté l’appel formé devant elle ; que la seule circonstance qu’un jugement ou un arrêt ait fait l’objet d’un pourvoi en cassation est sans incidence sur la compétence du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel pour prononcer les mesures qu’implique l’exécution de ce jugement ou de cet arrêt ; que, toutefois, il en va différemment dans l’hypothèse où un jugement ou un arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation et où le Conseil d’Etat règle l’affaire au fond, y compris lorsque le jugement ou l’arrêt n’a fait l’objet que d’une annulation partielle ;

5. Considérant que l’arrêt du 7 juillet 2014 de la cour administrative d’appel de Marseille a été annulé partiellement par la décision du 14 mars 2016 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux ; que le Conseil d’Etat ayant, par cette même décision, réglé l’affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée, il est seul compétent pour prononcer les mesures qu’implique l’exécution de sa décision et de la partie du dispositif de l’arrêt de la cour qui est devenue définitive ; qu’il suit de là que la commune d’Isola et le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 sont fondés, sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen de leur pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt attaqué par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a statué sur leurs conclusions à fin d’exécution de son arrêt du 7 juillet 2014 ;

6. Considérant qu’il appartient au Conseil d’Etat de statuer, comme juge de l’exécution, sur les conclusions présentées par la commune d’Isola et le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 devant la cour administrative d’appel de Marseille ;

 

 

Sur la portée de la chose jugée par le tribunal administratif de Nice, la cour administrative d’appel de Marseille et le Conseil d’Etat :

7. Considérant que la chose jugée résulte, en l’espèce, de la combinaison de l’article 1er du jugement du 9 mars 2012 du tribunal administratif de Nice, de la partie, devenue définitive, de l’arrêt du 7 juillet 2014 de la cour administrative d’appel de Marseille et de la décision du 14 mars 2016 du Conseil d’Etat statuant au contentieux ; qu’il résulte des dispositifs de ces décisions successives, d’une part, qu’il est enjoint à la SAI 2000 de procéder à la restitution à la commune d’Isola des parcelles lui appartenant, sous réserve du paiement à cette dernière société d’une somme de 2 196 617 euros actualisée selon l’indice du coût de la construction de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) à la date du transfert de propriété ; que, d’autre part, cette injonction est assortie, à l’encontre de la SAI 2000, d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter d’un délai de trois mois suivant la notification du jugement dans l’hypothèse où cette société s’opposerait à la restitution des parcelles ; que, par ailleurs, la SAI 2000 a droit, en exécution de l’arrêt de la cour, au versement de la plus-value apportée aux terrains sur lesquels un golf d’altitude de 18 trous et un circuit de glace ont été construits par l’aménageur, injonction étant faite au syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 de saisir le service des Domaines pour qu’il évalue cette plus-value et, à défaut d’accord amiable sur cette base, à la partie la plus diligente de saisir le juge de l’expropriation ; qu’enfin, la SAI 2000 doit verser à la commune d’Isola et au syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 la somme de 2 250 000 euros dont sera déduite une indemnité correspondant au prix de la cession de la parcelle AC n° 86 intervenue le 15 septembre 1970, augmenté pour tenir compte de l’évolution de l’indice du coût de la construction de l’INSEE entre cette date et le 28 novembre 2006 ;

8. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par la SAI 2000, la restitution à la commune des parcelles restant la propriété de l’aménageur, ordonnée par l’article 1er du jugement du 9 mars 2012 du tribunal administratif de Nice, est subordonnée uniquement au paiement simultané de la somme de 2 196 617 euros actualisée ; qu’il résulte, en effet, de l’article 2 de l’arrêt du 7 juillet 2014 de la cour administrative d’appel de Marseille, qui n’a pas affecté l’article 1er du jugement frappé d’appel, que la détermination du montant de la plus-value apportée à certains terrains par l’aménageur, qui n’est pas enserrée dans le délai de trois mois fixé pour les restitutions et est assortie de modalités qui ne pourront être effectives que dans un délai excédant cette durée de trois mois, n’est pas une condition préalable pour que cette restitution intervienne ; que la restitution ainsi visée concerne également les parcelles ayant fait l’objet de la plus-value ;

Sur les conclusions tendant à la liquidation de l’astreinte :

9. Considérant que, dans les circonstances particulières rappelées au point 5, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, est compétent pour statuer sur les conclusions tendant à la liquidation de l’astreinte prononcée par le jugement du 9 mars 2012 du tribunal administratif de Nice tel qu’il a été réformé par l’arrêt de la cour ;

10. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit au point 7, une astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard a été prononcée à l’encontre de la SAI 2000, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement du tribunal administratif, dans l’hypothèse où la restitution des parcelles ne serait pas intervenue du seul fait de cette société ; que le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 et la commune d’Isola demandent la liquidation de l’astreinte sur la période comprise entre le 22 janvier 2015 et la date de la décision du Conseil d’Etat à intervenir ;

11. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le 22 janvier 2015, le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 et la commune d’Isola ont demandé à la SAI 2000 de comparaître devant un notaire afin de procéder au transfert de propriété des parcelles litigieuses moyennant le paiement des sommes dues en application de l’arrêt du 7 juillet 2014 de la cour administrative d’appel de Marseille ; que la SAI 2000 a refusé d’accéder à cette demande tant que ne lui serait pas versé le montant de la plus-value apportée aux terrains sur lesquels le golf d’altitude de 18 trous et le circuit de glace ont été construits par l’aménageur ; que, par un mémoire enregistré le 4 septembre 2015, la SAI 2000 a, conformément à l’article 2 de l’arrêt de la cour administrative d’appel, saisi le juge de l’expropriation aux fins de fixer l’indemnité au titre de la plus-value apportée par les travaux qu’elle avait réalisés sur certaines parcelles ; que par un jugement du 22 juin 2017, le juge de l’expropriation du tribunal de grande instance de Nice s’est déclaré incompétent au motif du caractère d’ordre public des règles relatives à la compétence du juge de l’expropriation, auxquelles l’article 20 de la convention de 1992 n’a pu déroger ; que, par un arrêt avant-dire droit du 5 juillet 2018, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, saisie d’un appel contre ce jugement, a estimé que le litige ressortissait à la compétence des juridictions administratives et a renvoyé au tribunal des conflits le soin de décider de la question de compétence ainsi soulevée ;

12. Considérant qu’ainsi qu’il a été indiqué au point 8, la restitution des parcelles n’était pas subordonnée à la fixation et au versement du montant de la plus-value apportée à certains terrains par l’aménageur ; que, toutefois, eu égard à la difficulté de déterminer la portée exacte de la chose jugée sur ce point par les différentes décisions juridictionnelles, laquelle est précisée par les points 7 et 8 de la présente décision, l’inexécution de l’injonction ne peut être regardée, dans les circonstances particulière de l’espèce, comme intervenue du seul fait de la SAI 2000 ; que, dans ces conditions, il n’y a pas lieu de procéder à la liquidation de l’astreinte prononcée à l’encontre de la SAI 2000 par le tribunal administratif de Nice ;

Sur l’édiction de nouvelles mesures d’exécution :

13. Considérant que, pour assurer l’exécution des mesures prescrites par le juge du contrat, telles qu’explicitées au point 8, il y a lieu d’enjoindre à la SAI 2000 de signer l’acte procédant au transfert de propriété des parcelles lui appartenant au bénéfice de la commune d’Isola, sous réserve du paiement simultané à cette dernière société d’une somme de 2 196 617 euros actualisée selon l’indice du coût de la construction de l’INSEE à la date du transfert de propriété ; que la restitution devra intervenir dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ;

14. Considérant que la commune d’Isola et le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 demandent que le taux de l’astreinte prononcée par le tribunal administratif dans son jugement du 9 mars 2012 soit, à l’avenir, porté à 10 000 euros par jour de retard ; que ces conclusions doivent être regardées comme tendant à ce que la mesure d’injonction édictée au point précédent soit assortie d’une astreinte d’un tel montant ; que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de prononcer contre la SAI 2000, à défaut pour elle de justifier de l’exécution de la présente décision dans le délai fixé au point précédent, une astreinte de 1 000 euros par jour de retard jusqu’à la date à laquelle cette décision aura reçu exécution ;

Sur les frais liés au litige :

15. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt du 12 décembre 2016 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la SAI 2000 de signer l’acte procédant au transfert de propriété des parcelles lui appartenant au bénéfice de la commune d’Isola, sous réserve du paiement simultané à cette dernière société d’une somme de 2 196 617 euros actualisée selon l’indice du coût de la construction de l’INSEE à la date du transfert de propriété, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : Une astreinte de 1 000 euros par jour est prononcée à l’encontre de la SAI 2000 s’il n’est pas justifié de l’exécution de la présente décision dans le délai mentionné à l’article 2 ci-dessus. La SAI 2000 communiquera à la section du rapport et des études copies des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la SAI 2000 au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune d’Isola, au syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 et à la société d’aménagement d’Isola 2000.

RM/ Autorisation modificative

CAA de LYON

N° 16LY03856
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
M. Antoine GILLE, rapporteur
Mme VACCARO-PLANCHET, rapporteur public
COGNAT, avocat

 

lecture du mardi 10 juillet 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

 

Procédure contentieuse antérieure

 

M. et Mme B… ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 17 décembre 2013 par lequel le maire de la commune de Lanslevillard a autorisé la société d’économie mixte du Mont-Cenis à exécuter des travaux modificatifs pour le téléski de Terre Grasse.

 

Par un jugement n° 1403508 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

 

Procédure devant la cour

 

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2016, M. et Mme B…, représentés par Me A…, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 septembre 2016 ;
2°) d’annuler pour excès de pouvoir l’autorisation du 17 décembre 2013 et la décision du 1er avril 2014 rejetant le recours gracieux formé à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lanslevillard la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– l’implantation de l’ouvrage en face de leur résidence principale leur donne intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation du 20 septembre 2016 ;
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif, le projet devait faire l’objet d’un nouveau permis, et non d’une simple autorisation modificative, et le dossier de demande ne fait état d’aucun dispositif approprié pour permettre l’évacuation des eaux pluviales ;
– le projet méconnaît les dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-21 du code de l’urbanisme, ainsi que celles des articles UL. 11 et UL. 4 du règlement du plan local d’urbanisme.

 

Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2017, la société d’économie mixte du Mont-Cenis, représentée par la société d’avocats Droit public consultants, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la demande des requérants devant le tribunal administratif n’était pas recevable, faute de recours dans le délai de deux mois suivant l’affichage de l’autorisation en litige et faute de notification par les requérants de leur recours administratif au titre de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ;
– les moyens de la requête ne sont pas fondés.

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

 

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
– les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
– et les observations de Me C… pour la société d’économie mixte du Mont-Cenis ;

 

1. Considérant que, par un arrêté du 9 juillet 2013, le maire de la commune de Lanslevillard a délivré à la société d’économie mixte du Mont-Cenis (SEMMC) l’autorisation mentionnée à l’article L. 472-1 du code de l’urbanisme en vue de l’exécution de travaux portant sur la réalisation d’un téléski à enrouleurs au lieu-dit « Au Vas du Bas / Terre Grasse » ; que, par arrêté du 17 décembre 2013, le maire de Lanslevillard à délivré à la SEMMC une autorisation portant sur la modification de cet ouvrage ; que M. et Mme B… relèvent appel du jugement du 20 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l’annulation de cette autorisation modificative ;

 

Sur la légalité de l’autorisation modificative du 17 décembre 2013 :

 

En ce qui concerne la nécessité d’une nouvelle autorisation :

 

2. Considérant que l’autorisation délivrée à la SEMMC le 17 décembre 2013 tend à modifier celle du 9 juillet 2013 lui permettant de construire la remontée mécanique dite de Terre Grasse ; que les modifications autorisées, qui se limitent au déplacement de quelques mètres vers l’amont des deux pylônes support de cet ouvrage et à l’élévation de 6 à 9 mètres de la hauteur de l’un de ces deux pylônes, sont sans incidence sur la conception générale du projet initial ; que ces travaux ne nécessitaient donc pas une autorisation distincte mais une simple modification de l’autorisation initiale ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu’une nouvelle autorisation aurait du être sollicitée doit être écarté ;

 

En ce qui concerne les risques liés à l’ouvrage :

3. Considérant qu’aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations.  » ; que si les requérants font état du risque de chute d’un des pylônes support du téléski de Terre Grasse sur les propriétés voisines, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de la probabilité d’une telle chute ou de la gravité de ses conséquences, que le maire de Lanslevillard a, en autorisant la modification des caractéristiques de cette remontée mécanique, entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de ces dispositions ;

 

En ce qui concerne l’atteinte au caractère des lieux :

4. Considérant qu’aux termes de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales.  » ; qu’aux termes de l’article UL. 11 du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) de Lanslevillard :  » Par le traitement de leur aspect extérieur, les constructions doivent s’intégrer au paysage environnant en prenant en compte : / – les caractéristiques du contexte bâti dans lequel elles s’insèrent, / – les spécificités architecturales des constructions avoisinantes, sans pour toutefois exclure la création architecturale, / – les contraintes fonctionnelles et techniques propres à l’équipement  » ;

5. Considérant que la décision en litige, ainsi qu’il a été dit, se borne à autoriser le déplacement de quelques mètres de deux pylônes supports du téléski autorisé le 9 juillet 2013 et le rehaussement de l’un d’eux ; que ces modifications ne sont pas en elles-mêmes de nature à affecter l’aspect général et l’intégration dans le paysage du téléski de Terre Grasse ; que, par suite, M. et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que le maire de Lanslevillard a, en délivrant cette autorisation modificative, fait une inexacte application des dispositions précitées de l’article UL. 11 du règlement du PLU de la commune, dont les exigences ne sont pas moindres que celles de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme dont la violation est également invoquée ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces articles UL. 11 et R. 111-21 doit dès lors être écarté ;

 

En ce qui concerne l’écoulement des eaux pluviales :

6. Considérant qu’aux termes du paragraphe 3 de l’article UL. 4 du règlement du PLU de Lanslevillard :  » Les aménagements réalisés sur tout terrain devront être tels qu’ils garantissent l’écoulement direct des eaux pluviales, sans aggraver la situation antérieure. Le constructeur réalisera les dispositifs appropriés pour une évacuation vers un exutoire. Ces aménagements sont à la charge exclusive du propriétaire qui doit réaliser les dispositifs adaptés à l’opération et au terrain  » ; que si les requérants font valoir que, contrairement aux exigences de ces dispositions, le dossier de demande de l’autorisation en litige ne fait pas apparaître de dispositif d’évacuation des eaux pluviales vers un exutoire, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n’est d’ailleurs pas même allégué, que le déplacement des pylônes en cause et la modification de la hauteur de l’un d’eux soit, non plus d’ailleurs que la présence même de ces pylônes, de nature à affecter les conditions d’écoulement des eaux pluviales sur la piste de ski que longe cet équipement ; que le moyen doit être écarté ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;

 

Sur les frais liés au litige :

 

8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions des requérants formées au titre des frais exposés et dirigées contre la SEMMC, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge des requérants le versement à la SEMMC de la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés ;

 

 

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B… est rejetée.