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Zones de montagne (L. 9 janv. 1985) – Caractère limitatif – Distinction avec les zones agricoles défavorisées en montagne.

Conseil d’État

N° 428023   
ECLI:FR:CECHR:2020:428023.20200722
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème – 5ème chambres réunies
Mme Cécile Vaullerin, rapporteur
M. Olivier Fuchs, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; CABINET MUNIER-APAIRE, avocats

lecture du mercredi 22 juillet 2020

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 428023, l’association Sauvegarde des Boutets a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler l’arrêté du 3 février 2014 par lequel le maire de Muret-le-Château (Aveyron) a délivré à M. D… et Mme E… un permis de construire en vue de l’édification d’une maison d’habitation.

Par un jugement n° 1401635 du 6 avril 2016, le tribunal administratif a annulé ce permis de construire.

Par un arrêt n° 16BX01835 du 14 décembre 2018, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel de la commune de Muret-le-Château, annulé ce jugement et rejeté la demande de l’association Sauvegarde des Boutets devant le tribunal administratif de Toulouse.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 février et 14 mai 2019 et le 24 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Sauvegarde des Boutets demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de la commune de Muret-le-Château ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Muret-le-Château la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 428024, l’association Sauvegarde des Boutets a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler le certificat d’urbanisme du 16 décembre 2013 délivré à Mme A… par lequel le maire de Muret-le-Château a indiqué que la parcelle cadastrée section I n° 73 pouvait être utilisée en vue de la construction de maisons d’habitation.

Par un jugement n° 1400747 du 6 avril 2016, le tribunal administratif a annulé ce certificat d’urbanisme.

Par un arrêt n° 16BX01831 du 14 décembre 2018, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel de la commune de Muret-le-Château, annulé ce jugement et rejeté la demande de l’association Sauvegarde des Boutets devant le tribunal administratif de Toulouse.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 février et 14 mai 2019 et le 24 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Sauvegarde des Boutets demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de la commune de Muret-le-Château ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Muret-le-Château la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
– le décret n°77-566 du 3 juin 1977 ;
– l’arrêté interministériel du 6 septembre 1985 délimitant la zone de montagne en France métropolitaine ;
– l’arrêté du 19 janvier 1990 portant classement de communes en zone défavorisées ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme B… H…, auditrice,

– les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de l’association Sauvegarde des Boutets et au cabinet Munier-Apaire, avocat de la commune de Muret-le-Château ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

En ce qui concerne les moyens communs aux deux pourvois :

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige :  » III. – L’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs et villages existants, sauf si le respect des dispositions prévues aux I et II ci-dessus ou la protection contre les risques naturels imposent la délimitation de hameaux nouveaux intégrés à l’environnement « . Ces dispositions sont applicables, en vertu de l’article L. 145-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige,  » dans les zones de montagne définies aux articles 3 et 4 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 « . L’article 3 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne dispose que  » Les zones de montagne se caractérisent par des handicaps significatifs entraînant des conditions de vie plus difficiles et restreignant l’exercice de certaines activités économiques. […] Chaque zone de montagne est délimitée par arrêté interministériel et rattachée par décret à l’un des massifs visés à l’article 5 « . En application de ces dispositions, l’arrêté interministériel du 6 septembre 1985 délimite la zone de montagne en France métropolitaine en se référant aux huit arrêtés des 20 février 1974, 28 avril 1976, 18 janvier 1977, 13 novembre 1978, 29 janvier 1982, 20 septembre 1983, 14 décembre 1984 et 25 juillet 1985.

3. Par ailleurs, les articles D. 113-13 à D. 113-17 du code rural et de la pêche maritime, issus du décret du 3 juin 1977 sur l’agriculture de montagne et de certaines zones défavorisées, définissent les critères de délimitation des zones agricoles défavorisées en montagne. L’article D. 113-17 de ce code précise que :  » Les délimitations prévues aux articles D. 113-14 à D. 113-16 sont effectuées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’économie et des finances.  »

4. Il résulte de ces différentes dispositions que les arrêtés délimitant les zones de montagne pour l’application des dispositions de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme sont visés, de façon limitative, par l’arrêté interministériel du 6 septembre 1985 et que les arrêtés pris en application des dispositions de l’article D. 113-17 du code rural et de la pêche maritime ou du seul décret du 3 juin 1977 délimitent, à d’autres fins, les zones agricoles défavorisées en montagne.

5. Il ressort des pièces des dossiers que la cour administrative d’appel de Bordeaux, pour juger que les dispositions du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme n’étaient pas applicables aux litiges dont elle était saisie, s’est fondée sur ce que l’arrêté conjoint du ministre de l’agriculture et du ministre du budget du 19 janvier 1990 portant classement de communes en zones agricoles défavorisées inclut seulement pour partie la commune de Muret-le-Château en zone défavorisée de montagne, excluant le secteur dans lequel se trouvent les terrains concernés par les arrêtés litigieux. Toutefois, cet arrêté, pris en application du décret du 3 juin 1977 sur l’agriculture de montagne et de certaines zones défavorisées, à présent codifié aux articles D. 113-13 et suivants du code rural et de la pêche maritime, n’est pas visé par l’arrêté interministériel du 6 septembre 1985 et a pour seul objet de définir des zones agricoles éligibles à des aides compensatoires en raison d’un handicap naturel. En conséquence, il ne définit pas les zones de montagne au sens de la loi du 9 janvier 1985 et n’est pas applicable au litige.

6. Il résulte de ce qui précède que la cour administrative d’appel de Bordeaux, en se fondant sur cet arrêté du 19 janvier 1990 pour écarter les dispositions du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, applicables dans les zones de montagne, a commis une erreur de droit. Toutefois, il résulte des annexes des arrêtés visés par l’arrêté du 6 septembre 1985, délimitant les zones de montagne, que la commune de Muret-le-Château n’est pas au nombre des communes visées par ces arrêtés, relevant des zones de montagne pour l’application du code de l’urbanisme. En conséquence, les dispositions du III de l’article 145-3 du code de l’urbanisme ne sont pas applicables aux litiges. Ce motif, qui est d’ordre public et dont l’examen n’implique l’appréciation d’aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné retenu par les arrêts attaqués, dont il justifie le dispositif.

7. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 122-2 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat :  » Dans les communes qui sont situées à moins de quinze kilomètres de la périphérie d’une agglomération de plus de 50 000 habitants au sens du recensement général de la population, ou à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer, et qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, le plan local d’urbanisme ne peut être modifié ou révisé en vue d’ouvrir à l’urbanisation une zone à urbaniser délimitée après le 1er juillet 2002 ou une zone naturelle « . Aux termes de ce même article, dans sa rédaction issue de l’article 17 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement :  » Dans les conditions précisées au présent article, dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, le plan local d’urbanisme ne peut être modifié ou révisé en vue d’ouvrir à l’urbanisation une zone à urbaniser délimitée après le 1er juillet 2002 ou une zone naturelle. / Jusqu’au 31 décembre 2012, le premier alinéa s’applique dans les communes situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer ou à moins de quinze kilomètres de la périphérie d’une agglomération de plus de 50 000 habitants au sens du recensement général de la population. A compter du 1er janvier 2013 et jusqu’au 31 décembre 2016, il s’applique dans les communes situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer ou à moins de quinze kilomètres de la périphérie d’une agglomération de plus de 15 000 habitants au sens du recensement général de la population. A compter du 1er janvier 2017, il s’applique dans toutes les communes.  » Il résulte de ces dispositions que, jusqu’au 31 décembre 2012, la règle de l’urbanisation limitée posée par ces dispositions était applicable dans les communes situées en tout ou partie à l’intérieur d’une agglomération de plus de 50 000 habitants, au sens du recensement général de la population, et dans une bande de 15 kilomètres par rapport à la périphérie de celle-ci.

8. Sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, et à la condition de faire en outre valoir que ce permis méconnaît les dispositions d’urbanisme pertinentes remises en vigueur par l’effet de la déclaration d’illégalité, il peut être utilement soutenu devant le juge administratif qu’un permis de construire a été délivré sous l’empire d’un document d’urbanisme illégal. Cette règle s’applique que le document ait été illégal dès l’origine ou que son illégalité résulte de circonstances de fait ou de droit postérieures.

9. En l’espèce, il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que les requérants avaient invoqué devant la cour, par la voie de l’exception, un moyen tiré de ce que le plan local d’urbanisme de la commune approuvé le 26 novembre 2004 était dès l’origine illégal en ce qu’il classait en zone UB les parcelles des projets litigieux, auparavant classées en zone NB du plan d’occupation des sols. La cour, pour écarter ce moyen, s’est fondée sur les dispositions de l’article L. 122-2 du code de l’urbanisme qu’elle a citées dans leur rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, alors que, le plan local d’urbanisme ayant été approuvé par une délibération du 26 novembre 2004, il lui incombait de vérifier si, à cette date, l’ouverture à l’urbanisation de ces parcelles ne méconnaissait pas les dispositions alors applicables. Par suite, la cour a méconnu le champ d’application de la loi dans le temps et commis une erreur de droit.

10. Toutefois, il y a lieu de se référer, pour déterminer si une commune est située  » à moins de quinze kilomètres de la périphérie d’une agglomération de plus de 50 000 habitants au sens du recensement général de la population « , à la notion d’unité urbaine retenue par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Or, il est constant que la commune de Muret-le-Château ne se situait pas, à la date de l’approbation du plan local d’urbanisme, à moins de quinze kilomètres de la périphérie d’une agglomération de plus de 50 000 habitants, au sens du recensement général de la population. Ce motif, qui repose sur le constat de faits constants n’appelant aucune appréciation, doit être substitué au motif erroné retenu par l’arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif.

11. En troisième lieu, les conclusions émises par le commissaire-enquêteur à l’issue de l’enquête publique doivent être motivées en vertu de l’article 20 du décret du 23 avril 1985 pris pour l’application de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement, alors applicable. Ces règles imposent au commissaire enquêteur d’indiquer au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis, mais ne l’obligent pas à répondre à chacune des observations présentées lors de l’enquête et ses réponses peuvent revêtir une forme synthétique. La cour a jugé, en l’espèce, que le commissaire-enquêteur avait, en octobre 2004, donné un avis favorable au projet, assorti de deux recommandations et avait suffisamment indiqué les raisons déterminant le sens de son avis. En statuant ainsi, la cour a suffisamment motivé son arrêt et s’est livrée à une appréciation souveraine des faits, exempte de dénaturation.

En ce qui concerne le moyen propre au pourvoi n° 428023 :

12. D’une part, si l’association requérante a soutenu en première instance que le permis de construire contesté était illégal au motif qu’elle avait déposé une demande d’annulation de la déclaration préalable autorisant la division de la parcelle en cause, ce moyen était inopérant et la cour, saisi de celui-ci dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, n’était pas tenue d’y répondre.

13. D’autre part, l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable dispose que :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales.  » L’article UB 11 du règlement du PLU fixe les prescriptions spéciales dans lesquelles doivent s’insérer les constructions nouvelles dans leur environnement naturel et urbain. Ces dispositions ont le même objet que celles de l’article R. 111-21 et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c’est en principe par rapport aux dispositions du règlement du plan local d’urbanisme que doit être apprécié la légalité de la décision. Il s’ensuit que la cour n’était pas tenue, à peine d’irrégularité de son arrêt, de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme.

En ce qui concerne le moyen propre au pourvoi n° 428024 :

14. Les dispositions de l’article R. 410-1 du code de l’urbanisme prévoient, dans leur rédaction applicable au litige, que la demande de certificat d’urbanisme est accompagnée d’une note descriptive succincte de l’opération indiquant, lorsque le projet concerne un ou plusieurs bâtiments, leur destination et leur localisation approximative dans l’unité foncière. Toutefois, la circonstance que les documents produits à l’appui d’un dossier de demande de certificat d’urbanisme seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité le certificat d’urbanisme qui a été accordé que dans le cas où ces omissions, inexactitudes ou insuffisances ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. En l’espèce, s’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la note descriptive succincte du projet n’indiquait pas la localisation approximative des bâtiments qu’il était projeté de construire sur la parcelle concernée, il en ressort également que, si un projet de construction sur la parcelle voisine faisait l’objet d’une demande de permis de construire, aucune construction ne se situait alors à proximité du terrain d’assiette. Dès lors la cour a pu, sans dénaturation ni erreur de droit, juger que cette omission dans la notice descriptive du projet n’avait pas eu d’incidence sur l’appréciation portée par l’autorité administrative et écarter ainsi le moyen tiré du caractère incomplet du dossier joint à la demande de certificat d’urbanisme.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les pourvois de l’association requérante doivent être rejetés.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Muret-le-Château qui n’est pas, pour les présentes instances, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’association Sauvegarde des Boutets, dans chaque affaire, la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Muret-le-Château au titre de ces dispositions.

D E C I D E :
————–
Article 1er : Les pourvois de l’association Sauvegarde des Boutets sont rejetés.
Article 2 : L’association Sauvegarde des Boutets versera à la commune de Muret-le-Château, dans chaque affaire, la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’association Sauvegarde des Boutets et à la commune de Muret-le-Château.

Déneigement – Piste de montagne carrossable

CAA de MARSEILLE

N° 18MA04842   
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. BOCQUET, président
M. Philippe BOCQUET, rapporteur
M. PECCHIOLI, rapporteur public
SCP TOMASI GARCIA & ASSOCIES, avocat

lecture du vendredi 17 juillet 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… F… a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision du 13 janvier 2015 par laquelle le maire du Lauzet-Ubaye a refusé faire procéder au déneigement de la route de Montagnac, ainsi que la décision du 23 novembre 2015 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1600532 du 21 septembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 novembre 2018 et le 30 octobre 2019, M. F…, représenté par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du 21 septembre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d’annuler la décision du 13 janvier 2015 du maire du Lauzet-Ubaye et celle du 23 novembre 2015 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Lauzet-Ubaye la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– l’existence d’un danger grave et imminent justifie l’usage par le maire de ses pouvoirs de police générale ;
– la voie est ouverte à la circulation publique ;
– la commune a accepté de l’entretenir ;
– la route ne présente aucune dangerosité particulière ;
– le refus de déneiger cette voie méconnaît le principe d’égalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2019, la commune du Lauzet-Ubaye, représentée par Me C…, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête présentée par M. F… ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. F… ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus lors de l’audience publique :
– le rapport de M. E…,
– les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
– et les observations de Me D… substituant la SCP Tomas-B… représentant M. F… et de Me C… représentant la commune du Lauzet-Ubaye.

Considérant ce qui suit :
1. M. F… fait appel du jugement du 21 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 13 janvier 2015 par laquelle le maire du Lauzet-Ubaye a refusé de faire procéder au déneigement de la route de Montagnac, ainsi que de la décision du 23 novembre 2015 rejetant son recours gracieux.

2. La route de Montagnac est une piste de montagne carrossable, goudronnée seulement en partie, qui monte sur plus de deux kilomètres dans une zone d’exploitation forestière vers le lieu-dit Montagnac. Elle dessert l’estive où M. F… a élu domicile en 2009. Il est le seul résident permanent en hiver.

3. Il ressort des deux procès verbaux de constat d’huissier produits par le requérant, qui constatent pour l’un les conséquences de rochers, et pour l’autre, la présence d’une plaque de verglas sur plusieurs dizaines de mètres où la chaussée, qui croise un torrent, fait un dévers en direction du ravin, que la piste est sans rail ni protection. Ainsi que l’a déjà jugé le tribunal administratif de Marseille par un jugement du 6 novembre 1984, les dangers pour les usagers sur cette piste forestière ont justifié l’interdiction de circulation des véhicules à moteur par un arrêté du maire de Lauzet-Ubaye du 2 août 1979, toujours en vigueur bien qu’il n’y ait pas de panneaux d’interdiction pour le rappeler.

4. Ainsi, et quand bien même, d’une part la commune a fait régulièrement procéder au déneigement de la route de Montagnac de 2009 à 2014, période dont il n’est par ailleurs pas contesté que le père du requérant était premier adjoint au maire et le demandeur lui-même, agent technique en activité au sein de la commune, ainsi que des travaux de goudronnage et d’édification d’une barrière canadienne destinée à faire obstacle au passage du bétail, et, d’autre part, que le requérant souffre d’une pathologie pouvant justifier l’intervention des services d’urgence, ainsi que cela a été le cas le 19 février 2015, la maire de Lauzet-Ubaye, compte tenu des dangers que comporte la voie, de ses caractéristiques, du très faible nombre de personnes desservies et de leur choix d’isolement, pouvait légalement décider de cesser l’entretien de cette voie, et en particulier de cesser de procéder à son déneigement en hiver.

5. En outre, la situation particulière du requérant du fait de son état de santé ne constitue pas un risque pour la sécurité, la salubrité ou la tranquillité publiques, qui seul peut justifier l’usage par le maire des pouvoirs de police administrative qu’il tient des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales.

6. Enfin, si la commune procède au déneigement d’autres voies, il ne ressort pas des pièces du dossier que celles-ci présenteraient les mêmes caractéristiques que la route de Montagnac. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité doit donc être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. F… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

8. Il y a lieu, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. F… le versement de la somme de 1 500 euros à la commune du Lauzet-Ubaye au titre des frais qu’elle a exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par M. F… sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. F… est rejetée.

Article 2 : M. F… versera la somme de 1 500 euros à la commune du Lauzet-Ubaye en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… F… et à la commune du Lauzet-Ubaye.

Licences de pêche – Grands lacs (Savoie, Haute-Savoie)

CAA de LYON

N° 18LY02726   
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
Mme PAIX, président
Mme Sophie CORVELLEC, rapporteur
M. DELIANCOURT, rapporteur public
DA COSTA – DOS REIS, avocat

lecture du jeudi 9 juillet 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public et M. E… ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la décision du 11 avril 2016 par laquelle le préfet de la Savoie a refusé de renouveler les licences de pêche aux engins et aux filets à compter du 1er janvier 2017 sur les eaux du lac du Bourget, ensemble la décision du 1er août 2016 rejetant le recours gracieux de l’association.

Par un jugement n° 1605523 du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2018 et un mémoire enregistré le 19 décembre 2019, l’association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public, représentée par Me Da Costa (SELAS Da Costa -Dos Reis), avocat, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 mai 2018 ;
2°) d’annuler les décisions du préfet de la Savoie du 11 avril 2016 et du 1er août 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– les décisions litigieuses ont été adoptées au terme d’une procédure irrégulière, à défaut de consultation préalable de la commission technique départementale prévue par l’article R. 435-14 du code de l’environnement ;
– les décisions litigieuses ont été adoptées au terme d’une procédure irrégulière, à défaut pour l’ADAPAEF d’avoir été préalablement invitée à présenter ses observations ;
– les articles 18 et 30 du décret du 10 novembre 1994, depuis codifiés aux articles R. 436-24 et suivants du code de l’environnement, qui ont supprimé la possibilité de déroger à l’interdiction pour les pêcheurs amateurs de pêcher aux engins et filets dans les eaux de première catégorie et dans certains grands lacs intérieurs, sont contraires aux principes constitutionnels de clarté, d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ;
– une telle suppression ne pouvait être décidée par le pouvoir réglementaire, en application de l’article L. 436-5 du code de l’environnement et de l’article 4 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ;
– une telle suppression est disproportionnée ;
– les décisions litigieuses méconnaissent l’article 37 et la section 2 du cahier des charges pour l’exploitation du droit de pêche de l’Etat ;
– les décisions litigieuses sont irrégulières dès lors qu’elles remettent en cause des actes créateurs de droit et ont une portée rétroactive contraire à l’article 2 du code civil ;
– elles méconnaissent la note du 28 janvier 2016 du ministre en charge de l’écologie.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés sont soit inopérants, soit infondés et doivent être écartés.

Par ordonnance du 3 décembre 2019, la clôture de l’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 10 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution ;
– le code de l’environnement ;
– le décret n° 58-873 du 16 septembre 1958 ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme B… D…, première conseillère ;
– et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 11 avril 2016, le préfet de la Savoie a refusé de renouveler les licences de pêche amateur aux engins et aux filets qui étaient jusqu’alors délivrées aux membres de l’association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public dans les eaux du lac du Bourget. L’association relève appel du jugement du 28 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision, ensemble celle du 1er août 2016 rejetant son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 435-1 du code de l’environnement :  » I. – Le droit de pêche appartient à l’Etat et est exercé à son profit : 1° Dans le domaine public de l’Etat défini à l’article 1er du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, sous réserve des cas dans lesquels le droit de pêche appartient à un particulier en vertu d’un droit fondé sur titre ; 2° Dans les parties non salées des cours d’eau et canaux non domaniaux affluant à la mer, qui se trouvaient comprises dans les limites de l’inscription maritime antérieurement aux 8 novembre et 28 décembre 1926. Ces parties sont déterminées par décret (…) « . L’article L. 436-5 du même code dispose que :  » Des décrets en Conseil d’Etat déterminent les conditions dans lesquelles sont fixés, éventuellement par bassin : (…) 4° Les dimensions des filets, engins et instruments de pêche dont l’usage est permis ; (…) 6° Les filets, engins et instruments de pêche qui sont interdits comme étant de nature à nuire au peuplement des eaux visées par le présent titre ; 7° Les procédés et modes de pêche prohibés ; (…)10° Le classement des cours d’eau, canaux et plans d’eau en deux catégories : a) La première catégorie comprend ceux qui sont principalement peuplés de truites ainsi que ceux où il paraît désirable d’assurer une protection spéciale des poissons de cette espèce ; b) La seconde catégorie comprend tous les autres cours d’eau, canaux et plans d’eau soumis aux dispositions du présent titre « . L’article R. 434-25 du code de l’environnement prévoit que :  » Les pêcheurs amateurs aux engins et aux filets exerçant sur les eaux du domaine public doivent adhérer à l’association agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public du département dans lequel ils pratiquent cette pêche (…) « . Aux termes de l’article R. 435-2 du même code :  » Les eaux mentionnées à l’article L. 435-1 sont divisées en lots. Dans chaque lot, sans préjudice des décisions de mise en réserve, le droit de pêche exercé par les pêcheurs amateurs aux lignes, par les pêcheurs amateurs aux engins et aux filets dans les eaux du domaine public et par les pêcheurs professionnels en eau douce fait l’objet d’exploitations distinctes « . L’article R. 435-10 dudit code prévoit que :  » I.- Les locataires de droit de pêche et les titulaires de licences s’engagent à se conformer aux prescriptions du cahier des charges pour l’exploitation du droit de pêche de l’Etat, établi par le préfet, après avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques ou, à Saint-Pierre-et-Miquelon, du directeur des finances publiques (…) « . Son article R. 436-24 prévoit que :  » I.- Dans les eaux de la 2e catégorie mentionnées au 1° de l’article L. 435-1, les membres des associations départementales agréées de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public peuvent pêcher au moyen d’engins, de filets et de lignes dont la nature, les dimensions et le nombre sont définis dans le cadre de la location du droit de pêche de l’Etat. II.- Seuls peuvent être autorisés : 1° Plusieurs filets de type Araignée ou de type Tramail, d’une longueur cumulée maximum de 60 mètres, ou un carrelet de 25 mètres carrés de superficie au maximum, ou un filet de type Coulette dont l’écartement des branches est inférieur ou égal à 3 mètres, ou un filet de type Coul de 1,50 mètre de diamètre maximum ; 2° Un épervier ; 3° Trois nasses ; 4° Des bosselles à anguilles, des nasses de type anguillère, à écrevisses, à lamproie, au nombre total de six au maximum, dont au plus trois bosselles à anguilles ou nasses de type anguillère ; 5° Des balances à écrevisses, des balances à crevettes, au nombre total de six au maximum ; 6° Des lignes de fond munies pour l’ensemble d’un maximum de dix-huit hameçons ; 7° Trois lignes de traînes munies au plus de deux hameçons chacune ; (…) 9° Quatre lignes montées sur canne et munies chacune de deux hameçons au plus ou de trois mouches artificielles au plus « . Enfin, en application de l’article R. 436-36 du même code :  » Le ministre chargé de la pêche en eau douce fixe la liste des grands lacs intérieurs et des lacs de montagne pour lesquels le préfet peut établir par arrêté une réglementation spéciale pouvant porter dérogation aux prescriptions des articles R. 436-6, R. 436-7, R. 436-15, R. 436-16, R. 436-18, R. 436-21, R. 436-23, R. 436-26 et au 5° du I de l’article R. 436-32 (…) « .
3. En premier lieu, il résulte de la combinaison des dispositions des articles R. 436-24 et R. 436-36 du code de l’environnement précédemment rappelées que les membres des associations départementales agréées de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public ne peuvent pêcher au moyen d’engins, de filets et de lignes que dans les eaux de la seconde catégorie sans que le préfet ne puisse y déroger. Contrairement à ce que prétend l’association requérante, en mentionnant notamment la détermination des  » dimensions des filets, engins et instruments de pêche dont l’usage est permis  » et  » le classement (…) des plans d’eau « , l’article L. 436-5 du code de l’environnement habilitait le pouvoir réglementaire à définir les catégories de pêcheurs autorisés à pêcher et les moyens utilisables, le cas échéant à titre dérogatoire, selon les catégories d’eaux en cause. Par suite, elle n’est pas fondée à soutenir que la suppression de la possibilité pour le préfet de déroger à l’interdiction pour les pêcheurs amateurs de pratiquer la pêche aux engins et filets dans les eaux de première catégorie, laquelle résulte d’un décret du 23 décembre 1985, excéderait la compétence du pouvoir réglementaire. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen doit également être écarté.
4. En deuxième lieu, l’association requérante ne saurait utilement invoquer la motivation, selon elle confuse et contradictoire, du jugement attaqué pour soutenir que la suppression de cette faculté pour le préfet de déroger à l’interdiction pour les pêcheurs amateurs de pratiquer la pêche aux engins et filets dans les eaux de première catégorie porterait atteinte à l’objectif constitutionnel de clarté, d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme. En outre, elle définit elle-même clairement la portée de cette suppression, en indiquant que désormais les pêcheurs aux engins et aux filets ne peuvent être autorisés à titre dérogatoire à pêcher dans les plans d’eau de première catégorie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’objectif constitutionnel de clarté, d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme doit être écarté.
5. En troisième lieu, dans la mesure où les pêcheurs amateurs ne pouvaient précédemment être autorisés à pratiquer la pêche aux engins et filets dans les eaux de première catégorie qu’à titre dérogatoire et où les eaux de première catégorie nécessitent, selon l’article L. 436-5 du code de l’environnement, une protection particulière en vue de la préservation des truites qui les peuplent, l’association requérante ne démontre pas que la suppression de cette possibilité pour le préfet d’y déroger serait disproportionnée, en se bornant à invoquer les autorisations dont continuent à disposer les pêcheurs professionnels, lesquels se trouvent dans une situation différente de celle des pêcheurs amateurs, au vu notamment, outre de leur situation de professionnel de la pêche, de l’engagement à participer à la gestion durable des ressources piscicoles qu’ils doivent souscrire et du nombre limité de licences qui leur sont destinées. En outre, cette suppression n’a pas pour effet de mettre fin à la pratique de la pêche amateur aux engins et aux filets, laquelle reste autorisée dans les eaux de deuxième catégorie. Dans ces conditions, le moyen tiré du caractère disproportionné de la suppression par le pouvoir réglementaire de toute possibilité de déroger à l’interdiction de la pêche amateur aux engins et aux filets dans les eaux de première catégorie doit être écarté.
6. En quatrième lieu, les décisions litigieuses n’ayant pas de portée rétroactive et ne procédant pas au retrait de décisions créatrices de droit précédemment délivrées, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique doit, en tout état de cause, être écarté.
7. En cinquième lieu, l’association requérante ne peut utilement se prévaloir de la note du 28 janvier 2016 du ministre en charge de l’écologie, laquelle est dépourvue de portée réglementaire.
8. En sixième lieu, si le cahier des charges pour l’exploitation du droit de pêche de l’Etat, approuvé par arrêté préfectoral du 28 juin 2016 en vertu des articles R. 435-10 et R. 435-11 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2017, mentionne, en introduction de la section 2 de son chapitre V, que  » la pêche aux engins et filets n’est autorisée que sur le lac du Bourget « , son article 37 précise que celle-ci est exercée par les membres de l’association de pêche professionnelle. Ainsi, ce cahier des charges ne prévoit pas l’exercice de la pêche aux engins et filets par des pêcheurs amateurs. Par suite, l’association requérante n’est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les décisions en litige seraient contraires à ces dispositions.
9. Enfin, le lac du Bourget étant classé en première catégorie en vertu de l’article 71 du décret du 16 septembre 1958 déterminant le classement des cours d’eau en deux catégories, le préfet de la Savoie était dès lors tenu de ne pas renouveler les licences jusqu’alors irrégulièrement délivrées aux pêcheurs amateurs aux engins et aux filets. Le préfet de la Savoie s’étant ainsi trouvé en situation de compétence liée, les moyens tirés de vices de procédure tenant au défaut de consultation préalable de la commission technique départementale de la pêche prévue par l’article R. 435-14 du code de l’environnement et de l’absence d’invitation préalable à présenter à ses observations doivent être écartés comme inopérants.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l’association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l’association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l’association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l’association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public et au ministre de la transition écologie et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

 

CAA de LYON

N° 18LY02704   
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
Mme PAIX, président
Mme Sophie CORVELLEC, rapporteur
M. DELIANCOURT, rapporteur public
DA COSTA – DOS REIS, avocat

lecture du jeudi 9 juillet 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association départementale de la Haute-Savoie des pêcheurs amateurs aux engins et filets et M. D… ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la décision du 29 septembre 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé de renouveler leurs licences de pêche à compter du 1er janvier 2016 sur les eaux du lac Léman et du lac d’Annecy, ensemble la décision du 17 décembre 2015 rejetant le recours gracieux de l’association.

Par un jugement n° 1600970 du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2018 et deux mémoires enregistrés le 20 novembre 2019 et le 19 décembre 2019, l’association départementale de la Haute-Savoie des pêcheurs amateurs aux engins et filets, représentée par Me Da Costa (SELARL Da Costa – Dos Reis), avocat, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 mai 2018 ;
2°) d’annuler les décisions du préfet de la Haute-Savoie du 29 septembre 2015 et du 17 décembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
S’agissant du lac Léman :
– les décisions litigieuses ont été adoptées au terme d’une procédure irrégulière, à défaut de consultation préalable de la commission technique départementale prévue par l’article R. 435-14 du code de l’environnement ;
– les décisions litigieuses ont été adoptées au terme d’une procédure irrégulière, à défaut pour l’ADAPAEF d’avoir été préalablement invitée à présenter ses observations ;
– les décisions litigieuses ne pouvaient supprimer la catégorie des  » pêcheurs amateurs aux engins et filets  » sur le lac Léman, catégorie créée par le code de l’environnement et reconnue par ailleurs dans la circulaire du 8 mars 2011 et une note du 28 janvier 2016 ;
– les premiers juges ont, à tort, procédé à une substitution de base dès lors que l’accord franco-suisse et ses règlements d’application ne pouvaient constituer la base légale d’une telle suppression, laquelle relevait de la seule compétence de l’Etat français ;
– la commission prévue à l’article 3 de cet accord n’a pas été préalablement saisie ;
– le préfet de la Haute-Savoie a irrégulièrement créé une troisième catégorie de pêcheurs, en délivrant des  » licences de petite pêche  » en lieu et place des licences qui lui étaient jusqu’alors attribuées et ainsi commis un détournement de pouvoir ;
– les décisions litigieuses sont contraires au principe de sécurité juridique, dès lors qu’elles remettent en cause des actes créateurs de droit et ont une portée rétroactive contraire à l’article 2 du code civil ;
S’agissant du lac d’Annecy :
– les décisions litigieuses ont été adoptées au terme d’une procédure irrégulière, à défaut de consultation préalable de la commission technique départementale prévue par l’article R. 435-14 du code de l’environnement ;
– les articles 18 et 30 du décret du 10 novembre 1994, depuis codifiés aux articles R. 436-24 et suivants du code de l’environnement, qui ont supprimé la possibilité de déroger à l’interdiction pour les pêcheurs amateurs de pêcher aux engins et filets dans les eaux de première catégorie et dans certains grands lacs intérieurs, sont contraires aux principes constitutionnels de clarté, d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ;
– une telle suppression ne pouvait être décidée par le pouvoir réglementaire, en application de l’article L. 436-5 du code de l’environnement.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés qui sont soit inopérants soit infondés, doivent être écartés.

Par ordonnance du 3 décembre 2019, la clôture de l’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 10 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution ;
– l’accord entre le conseil fédéral suisse et le gouvernement de la République française concernant la pêche dans le lac Léman du 20 novembre 1980 et son règlement d’application conclu par échange de notes le 6 décembre 2010 ;
– le code de l’environnement ;
– le décret n° 58-873 du 16 septembre 1958 ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme B… E…, première conseillère,
– et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 29 novembre 2015, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de renouveler les licences de pêche amateur aux engins et aux filets qui étaient jusqu’alors délivrées aux membres de l’association départementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et filets (ADAPAEF) de la Haute-Savoie tant pour le lac Léman que pour le lac d’Annecy. L’ADAPAEF de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 28 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision, ensemble celle du 17 décembre 2015 rejetant son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l’article L. 435-1 du code de l’environnement :  » I. – Le droit de pêche appartient à l’Etat et est exercé à son profit : 1° Dans le domaine public de l’Etat défini à l’article 1er du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, sous réserve des cas dans lesquels le droit de pêche appartient à un particulier en vertu d’un droit fondé sur titre ; 2° Dans les parties non salées des cours d’eau et canaux non domaniaux affluant à la mer, qui se trouvaient comprises dans les limites de l’inscription maritime antérieurement aux 8 novembre et 28 décembre 1926. Ces parties sont déterminées par décret (…) « . L’article L. 436-5 du code de l’environnement dispose que :  » Des décrets en Conseil d’Etat déterminent les conditions dans lesquelles sont fixés, éventuellement par bassin : (…) 4° Les dimensions des filets, engins et instruments de pêche dont l’usage est permis ; (…) 6° Les filets, engins et instruments de pêche qui sont interdits comme étant de nature à nuire au peuplement des eaux visées par le présent titre ; 7° Les procédés et modes de pêche prohibés ; (…) 10° Le classement des cours d’eau, canaux et plans d’eau en deux catégories : a) La première catégorie comprend ceux qui sont principalement peuplés de truites ainsi que ceux où il paraît désirable d’assurer une protection spéciale des poissons de cette espèce ; b) La seconde catégorie comprend tous les autres cours d’eau, canaux et plans d’eau soumis aux dispositions du présent titre « . Aux termes de l’article R. 435-2 du même code :  » Les eaux mentionnées à l’article L. 435-1 sont divisées en lots. Dans chaque lot, sans préjudice des décisions de mise en réserve, le droit de pêche exercé par les pêcheurs amateurs aux lignes, par les pêcheurs amateurs aux engins et aux filets dans les eaux du domaine public et par les pêcheurs professionnels en eau douce fait l’objet d’exploitations distinctes « . L’article R. 434-25 du code de l’environnement prévoit que :  » Les pêcheurs amateurs aux engins et aux filets exerçant sur les eaux du domaine public doivent adhérer à l’association agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public du département dans lequel ils pratiquent cette pêche (…) « . Son article R. 436-24 prévoit que :  » I. – Dans les eaux de la 2e catégorie mentionnées au 1° de l’article L. 435-1, les membres des associations départementales agréées de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public peuvent pêcher au moyen d’engins, de filets et de lignes dont la nature, les dimensions et le nombre sont définis dans le cadre de la location du droit de pêche de l’Etat. II.- Seuls peuvent être autorisés : 1° Plusieurs filets de type Araignée ou de type Tramail, d’une longueur cumulée maximum de 60 mètres, ou un carrelet de 25 mètres carrés de superficie au maximum, ou un filet de type Coulette dont l’écartement des branches est inférieur ou égal à 3 mètres, ou un filet de type Coul de 1,50 mètre de diamètre maximum ; 2° Un épervier ; 3° Trois nasses ; 4° Des bosselles à anguilles, des nasses de type anguillère, à écrevisses, à lamproie, au nombre total de six au maximum, dont au plus trois bosselles à anguilles ou nasses de type anguillère ; 5° Des balances à écrevisses, des balances à crevettes, au nombre total de six au maximum ; 6° Des lignes de fond munies pour l’ensemble d’un maximum de dix-huit hameçons ; 7° Trois lignes de traînes munies au plus de deux hameçons chacune ; (…) 9° Quatre lignes montées sur canne et munies chacune de deux hameçons au plus ou de trois mouches artificielles au plus « . Enfin, en application de l’article R. 436-36 du même code :  » Le ministre chargé de la pêche en eau douce fixe la liste des grands lacs intérieurs et des lacs de montagne pour lesquels le préfet peut établir par arrêté une réglementation spéciale pouvant porter dérogation aux prescriptions des articles R. 436-6, R. 436-7, R. 436-15, R. 436-16, R. 436-18, R. 436-21, R. 436-23, R. 436-26 et au 5° du I de l’article R. 436-32 (…) « .
En ce qui concerne la pêche dans les eaux françaises du lac Léman :
3. S’agissant du lac Léman, l’article R. 436-84 du code de l’environnement prévoit que :  » Les dispositions des articles R. 436-6 à R. 436-79 ne sont pas applicables à la pêche dans les eaux françaises du lac Léman « . L’article R. 436-85 précise que :  » L’exercice de la pêche dans les eaux françaises du lac Léman est soumis aux stipulations de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant la pêche dans le lac Léman du 20 novembre 1980 et de son règlement d’application modifiés « . Selon l’article 3 de l’accord entre le conseil fédéral suisse et le gouvernement de la République française concernant la pêche dans le lac Léman du 20 novembre 1980 :  » 1- les dispositions de caractère technique relatives à la pêche dans le lac Léman font l’objet d’un règlement d’application du présent accord. Ce règlement contient notamment des dispositions concernant : (…) les moyens de pêches que peuvent utiliser les pêcheurs amateurs (…). 2 – Sans qu’il soit porté atteinte aux dispositions du présent accord, les parties du présent accord, les parties contractantes peuvent, par échange de notes, après avis de la commission prévue à l’article 7, apporter au règlement d’application défini au premier paragraphe toutes modifications qui leur paraîtrait nécessaires « . Aux termes de l’article 1er du règlement d’application de l’accord entre le conseil fédéral suisse et le gouvernement de la République française concernant la pêche dans le lac Léman conclu par échange de notes le 6 décembre 2010 et entré en vigueur le 1er janvier 2011 pour une durée de cinq ans :  » Chaque Etat est compétent pour : a) définir les catégories d’autorisations de pêche professionnelle et de pêche de loisir qu’il délivre ; b) définir les engins autorisés pour chacune de ces catégories, parmi ceux qui figurent aux articles 8 à 12 du présent règlement (…). « . Le chapitre V de ce règlement fixe les engins autorisés pour la pêche de loisir et vise les lignes traînantes, les autres lignes, les bouteilles à vairons ou gobe-mouches, les filoches, les carrelets et les balances à écrevisses.
4. Ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, si la décision du préfet de la Haute-Savoie du 29 septembre 2015 vise les articles R. 436-23 et R. 436-24 du code de l’environnement, lesquels ne sont pas applicables aux eaux françaises du lac Léman, cette décision trouve sa base juridique dans les stipulations de l’accord entre le conseil fédéral suisse et le gouvernement de la République française concernant la pêche dans le lac Léman du 20 novembre 1980 et les dispositions du règlement d’application auquel il renvoie. Si, en vertu de l’article 1er du règlement d’application de cet accord alors applicable, les Etats parties sont seuls compétents pour définir les catégories d’autorisations de pêche et les engins auxquels elles donnent accès, celles-ci doivent être définies dans le respect des stipulations de cet accord et de son règlement d’application. Il résulte des dispositions précédemment rappelées que ce règlement n’autorise pas les pêcheurs amateurs à utiliser l’ensemble des engins auxquels donne accès la licence de pêcheur amateur aux engins et aux filets prévue par le code de l’environnement. Par suite, ainsi que le soutient le préfet de la Haute-Savoie, celui-ci était tenu de ne pas renouveler les licences jusqu’alors délivrées irrégulièrement. Sa décision n’entraînant aucune modification du règlement d’application de l’accord franco-suisse, elle n’avait pas à être précédée de la consultation de la commission visée au paragraphe 2 de l’article 3 de cet accord. Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend l’association requérante, cette décision n’a, en tout état de cause, ni pour objet, ni pour effet de supprimer la catégorie des  » pêcheurs amateurs aux engins et aux filets « , telle que reconnue par le code de l’environnement, en mettant fin à cette pratique sur le seul lac Léman. Elle ne saurait par ailleurs utilement se prévaloir d’autres licences, dites de  » petite pêche « , qui seraient selon elle irrégulièrement délivrées à des pêcheurs professionnels, cette circonstance étant, à la supposer même établie, dépourvue d’incidence sur la légalité des décisions en litige. Ainsi, l’association n’est pas fondée à soutenir que la décision du préfet de la Haute-Savoie du 29 septembre 2015, ainsi que celle rejetant son recours gracieux, seraient dépourvues de base légale.
5. En deuxième lieu, le préfet de la Haute-Savoie s’étant trouvé, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, en situation de compétence liée pour refuser le renouvellement des licences de pêcheur amateur aux engins et aux filets jusqu’alors irrégulièrement délivrées dans les eaux du lac Léman, les moyens tirés de vices de procédure tenant au défaut de consultation préalable de la commission technique départementale de la pêche prévue par l’article R. 435-14 du code de l’environnement et de l’absence d’invitation préalable à présenter ses observations, de même que celui tiré d’un détournement de pouvoir, doivent être écartés comme inopérants.
6. Enfin, les décisions litigieuses n’ayant pas de portée rétroactive et ne procédant pas au retrait de décisions créatrices de droit précédemment délivrées, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne la pêche dans les eaux du lac d’Annecy :

7. En premier lieu, il résulte de la combinaison des dispositions des articles R. 436-24 et R. 436-36 du code de l’environnement précédemment rappelées que les membres des associations départementales agréées de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets peuvent pêcher au moyen d’engins, de filets et de lignes dans les eaux de deuxième catégorie, dans les conditions fixées par la location du droit de pêche, sans que le préfet ne puisse déroger à ces dispositions. Contrairement à ce que prétend l’association requérante, en mentionnant notamment la détermination des  » dimensions des filets, engins et instruments de pêche dont l’usage est permis  » et  » le classement (…) des plans d’eau « , l’article L. 436-5 du code de l’environnement habilitait le pouvoir réglementaire à définir les catégories de pêcheurs autorisés à pêcher et les moyens utilisables, le cas échéant à titre dérogatoire, selon les catégories d’eaux en cause. Par suite, elle n’est pas fondée à soutenir que la suppression de la possibilité pour le préfet de déroger à l’interdiction pour les pêcheurs amateurs de pratiquer la pêche aux engins et filets dans les eaux de première catégorie, laquelle résulte d’un décret du 23 décembre 1985, excéderait la compétence du pouvoir réglementaire.
8. En deuxième lieu, l’association requérante ne saurait utilement invoquer la motivation, selon elle confuse, du jugement attaqué pour soutenir que la suppression de cette faculté pour le préfet de déroger à l’interdiction pour les pêcheurs amateurs de pratiquer la pêche aux engins et filets dans les eaux de première catégorie porterait atteinte à l’objectif constitutionnel de clarté, d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme. En outre, elle définit elle-même clairement la portée de cette suppression, en indiquant que désormais les pêcheurs aux engins et aux filets ne peuvent être autorisés à titre dérogatoire à pêcher dans les plans d’eau de première catégorie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’objectif constitutionnel de clarté, d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme doit être écarté.
9. Enfin, le lac d’Annecy étant classé en première catégorie en vertu de l’article 72 du décret du 16 septembre 1958 déterminant le classement des cours d’eau en deux catégories, le préfet de la Haute-Savoie était dès lors tenu de de ne pas renouveler les licences jusqu’alors délivrées irrégulièrement aux pêcheurs amateurs aux engins et aux filets. Le préfet de la Haute-Savoie s’étant ainsi trouvé en situation de compétence liée, le moyen tiré du vice de procédure tenant au défaut de consultation préalable de la commission technique départementale de la pêche prévue par l’article R. 435-14 du code de l’environnement doit être écarté comme inopérant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l’association départementale de la Haute-Savoie des pêcheurs amateurs aux engins et filets n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l’association départementale de la Haute-Savoie des pêcheurs amateurs aux engins et filets.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l’association départementale de la Haute-Savoie des pêcheurs amateurs aux engins et filets est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l’association départementale de la Haute-Savoie des pêcheurs amateurs aux engins et filets et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Remontées mécaniques – Fiscalité (cotisation foncière des entreprises)

CAA de LYON

N° 19LY03809 19LY03812

lecture du mardi 30 juin 2020

1. La SAS Société d’exploitation des remontées mécaniques de Morzine et Avoriaz (SERMMA) a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises dans les rôles de la commune de Morzine pour un montant de 724 438 euros au titre de l’année 2012. Par une première décision du 18 octobre 2013, l’administration lui a accordé, sur le fondement de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, le dégrèvement de cette imposition, à hauteur de 398 864 euros, au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. Par une seconde décision du 3 février 2014, l’administration a fait droit à la demande de la société tendant à réduction de la cotisation foncière des entreprises, à hauteur de 579 398 euros, compte tenu du retrait de ses bases d’imposition de la valeur locative des terrains d’assise des pistes de ski qu’elle exploite. Dès lors que la réduction des bases d’imposition de la société à la cotisation foncière des entreprises au titre de l’année 2012 était de nature à remettre en cause le dégrèvement accordé au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée de la même année, l’administration a déduit ce dernier montant du dégrèvement accordé à raison de la réduction des bases d’imposition de la société à la cotisation foncière des entreprises et a en conséquence limité le dégrèvement à prononcer à 180 534 euros. A la suite de la demande présentée par la société SERMMA devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à la réduction, à hauteur de 398 622 euros, de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d’industrie établies au titre de l’année 2012, l’administration a demandé que la réduction de la cotisation foncière des entreprises résultant de la révision des bases d’imposition de la société soit compensée par le reversement des sommes qui lui ont été indûment restituées au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. Par un arrêt du 3 mai 2018, la cour administrative d’appel a rejeté l’appel que la société a formé contre l’article 3 du jugement du 27 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à la réduction de la cotisation foncière des entreprises établie au titre de l’année 2012. Par une décision n° 421991 du 4 octobre 2019, le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt, a annulé l’arrêt de la cour et lui a renvoyé l’affaire.
Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Aux termes de l’article 1447-0 du code général des impôts :  » Il est institué une contribution économique territoriale composée d’une cotisation foncière des entreprises et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. « . Aux termes de l’article 1647 B sexies du même code :  » I. – Sur demande du redevable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la contribution économique territoriale de chaque entreprise est plafonnée en fonction de sa valeur ajoutée. (…) / II. Le plafonnement prévu au I du présent article s’applique sur la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises diminuées, le cas échéant, de l’ensemble des réductions et dégrèvements dont ces cotisations peuvent faire l’objet (…) / III. – Le dégrèvement s’impute sur la cotisation foncière des entreprises. / (…) V. Le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu’en matière de cotisation foncière des entreprises « .

3. Aux termes de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales :  » Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande « .

4. Il résulte de la combinaison des textes cités aux points 2 et 3 que les sommes accordées à un contribuable au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée s’imputent sur la cotisation foncière des entreprises due par celui-ci. Dès lors, l’administration peut, en application des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, effectuer ou demander, pour une année donnée, la compensation entre la réduction de cette cotisation qu’un contribuable demande et le reversement de celles des sommes précitées qui lui ont été indûment restituées.

5. Les dispositions précitées du III de l’article 1647 B sexies du code général des impôts imposent à l’administration de diminuer le montant de la cotisation foncière des entreprises due par un contribuable, par imputation, du montant du dégrèvement qui lui est accordé au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. En revanche, ces dispositions n’autorisent pas l’administration à diminuer le montant de la réduction de cotisation foncière des entreprises dont peut bénéficier le même contribuable à la suite d’une révision à la baisse de ses bases d’imposition, par une telle imputation, des sommes qui lui ont été restituées au titre du dégrèvement accordé au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale mais qui n’auraient pas dû l’être compte tenu de cette révision de base. En effet, sauf s’il y a compensation en application des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, ces sommes ne peuvent donner lieu qu’à une procédure de reversement dans les conditions fixées par le V de l’article 1647 B sexies du code général des impôts.

6. L’administration a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, la compensation entre l’insuffisance d’imposition consécutive à la remise en cause du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée et l’excès d’imposition résultant de la réduction des bases d’imposition de la société SERMMA à la cotisation foncière des entreprises. Le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

7. L’administration établit que la réduction des bases d’imposition de la société requérante à la cotisation foncière des entreprises a eu pour conséquence de remettre en cause le dégrèvement qui lui avait été accordé à la suite de sa demande de plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. Les droits omis résultant du plafonnement accordé à tort par l’administration sont supérieurs au montant qui résulte de la réduction des bases imposables de la société à la cotisation foncière des entreprises. Il résulte de l’instruction que la compensation sollicitée concerne le même contribuable et porte sur la même période d’imposition. Si la société requérante soutient que la compensation ne pouvait être opérée, s’agissant de deux impositions distinctes, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les sommes accordées à un contribuable au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée s’imputent sur la cotisation foncière des entreprises due par celui-ci et qu’en conséquence, une telle compensation peut être admise. Enfin, l’administration, qui a demandé une compensation entre l’insuffisance d’imposition consécutive à la remise en cause du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée et l’excès d’imposition résultant de la réduction de ses bases d’imposition à la cotisation foncière des entreprises, n’a, contrairement à ce que soutient la société requérante, pas sollicité une compensation entre deux dégrèvements mais entre une surimposition et une insuffisance d’imposition. Il s’ensuit que l’administration a pu à bon droit solliciter la compensation de ces deux éléments.

8. Il résulte de ce qui précède que la société SERMMA n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais liés à l’instance :

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société SERMMA la somme qu’elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société SERMMA est rejetée.

Compétition de freeride et défense de la langue française (!)/ Restitution de subvention

CAA de LYON

N° 18LY01058
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
M. d’HERVE, président
Mme Véronique VACCARO-PLANCHET, rapporteur
Mme GONDOUIN, rapporteur public
MAILLY, avocat

lecture du jeudi 4 juin 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure
L’Association de défense de la langue française en Pays de Savoie a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d’une part, d’annuler la décision du 14 avril 2014 par laquelle le président du conseil général du département de la Haute-Savoie a refusé d’engager une procédure de restitution des subventions versées à différents organismes ne respectant pas les dispositions de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française et d’autre part, d’enjoindre au département de la Haute-Savoie de mettre son site internet en conformité avec les dispositions de cette loi et de contraindre l’association « Savoie Mont-Blanc » à respecter cette loi.

Par un jugement n° 1403755 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 mars 2018, l’Association de défense de la langue française en Pays de Savoie, représentée par Me A…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 octobre 2017 ;

2°) d’annuler la décision du 14 avril 2014 du président du conseil général de la Haute-Savoie ;
3°) d’enjoindre au département de la Haute-Savoie de mettre son site internet en conformité avec les dispositions de la loi du 4 août 1994, de contraindre l’association Savoie Mont-Blanc à respecter cette loi et d’engager la procédure de restitution des subventions allouées à l’association « Out sports valley » (OSV) et à la société « Caméléon Organisations » ;

4°) de mettre à la charge du département de la Haute-Savoie le versement d’une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la subvention accordée à la société d’économie mixte locale de la Clusaz pour l’organisation de la manifestation « Le Radikal Mountain Junior » doit être restituée dès lors que cette société ne respecte pas la loi du 4 août 1994 ;
– la subvention accordée à l’association « Out sports valley » (OSV), dont le département est membre du comité de pilotage, doit être restituée dès lors que cette association propose des formations entièrement dispensées en anglais, utilise des noms de diplômes et des sites internet rédigés seulement en anglais, en méconnaissance des obligations de la loi du 4 août 1994 et notamment son article 14 ;
– la subvention accordée à la société « Caméléon organisations » pour l’organisation de la manifestation « Les Corporate games » doit être restituée dès lors que cette société n’utilise pas les appellations françaises pour les sports et événements et que l’affiche de présentation des « Corporate games » ne comporte pas de sous-titres en français ;
– le site internet du département de la Haute-Savoie méconnaît les dispositions de la loi du 4 août 1994 ;
– le département doit contraindre l’association « Savoie Mont-Blanc » à mettre fin à ses pratiques illégales au regard de cette même loi.

La requête a été communiquée au département de la Haute-Savoie qui n’a pas produit d’observations.

Le département de la Haute-Savoie a été mis en demeure de produire ses observations dans un délai d’un mois par un courrier du 4 avril 2019.

La clôture de l’instruction a été fixée au 9 juillet 2019 par une ordonnance du 9 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française ;
– le code du tourisme
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme C…,
– et les conclusions de Mme B… ;

Considérant ce qui suit :

1. L’Association de défense de la langue française en Pays de Savoie relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 14 avril 2014 du président du conseil général du département de la Haute-Savoie refusant d’engager une procédure de restitution des subventions versées à divers organismes ne respectant pas les dispositions de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française et à ce qu’il soit enjoint au département de la Haute-Savoie de mettre son site internet en conformité avec les dispositions de cette loi et de contraindre l’association Savoie Mont-Blanc à respecter cette loi.

2. Aux termes de l’article 1 de la loi du 4 août 1994 :  » Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics (…). « . Aux termes de l’article 2 de cette loi :  » Dans la désignation, l’offre, la présentation, le mode d’emploi ou d’utilisation, la description de l’étendue et des conditions de garantie d’un bien, d’un produit ou d’un service, ainsi que dans les factures et quittances, l’emploi de la langue française est obligatoire. Les mêmes dispositions s’appliquent à toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle. (…) « . Aux termes de son article 3 :  » Toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et destinée à l’information du public doit être formulée en langue française. (…) « . Aux termes de son article 4 :  » Lorsque des inscriptions ou annonces visées à l’article précédent, apposées ou faites par des personnes morales de droit public ou des personnes privées exerçant une mission de service public font l’objet de traductions, celles-ci sont au moins au nombre de deux. Dans tous les cas où les mentions, annonces et inscriptions prévues aux articles 2 et 3 de la présente loi sont complétées d’une ou plusieurs traductions, la présentation en français doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langues étrangères. (…) « . Aux termes de son article 14 :  » I. L’emploi d’une marque de fabrique, de commerce ou de service constituée d’une expression ou d’un terme étrangers est interdit aux personnes morales de droit public dès lors qu’il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l’enrichissement de la langue française. Cette interdiction s’applique aux personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public, dans l’exécution de celle-ci. II. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux marques utilisées pour la première fois avant l’entrée en vigueur de la présente loi. « . Enfin aux termes de son article 15 :  » L’octroi, par les collectivités et les établissements publics, de subventions de toute nature est subordonné au respect par les bénéficiaires des dispositions de la présente loi. Tout manquement à ce respect peut, après que l’intéressé a été mis à même de présenter ses observations, entraîner la restitution totale ou partielle de la subvention « .

Sur le refus d’engager une procédure de restitution des subventions accordées par la délibération du 3 février 2014 :

En ce qui concerne la subvention de 20 000 euros accordée à la société d’économie mixte (SEM) locale de La Clusaz pour l’organisation d’une épreuve de ski sous l’appellation de « Radical Mountain Junior » :

3. Il ressort des pièces du dossier que la SEM de La Clusaz, dont l’objet et les missions sont ceux d’un office de tourisme communal, utilise la marque « La Clusaz Radikal Mountain », qu’elle a déposée à l’INPI et la dénomination de la compétition utilise ainsi des termes anglais. Les informations relatives à la manifestation en litige, dont celles reprises sur le site internet créé pour les besoins de son organisation, destiné au public français, faisaient usage de nombreux anglicismes dans leur version française. De même, le règlement, le programme de la manifestation, l’affichage et la présentation de cet évènement étaient exclusivement rédigés en langue anglaise et l’inscription à la compétition devait par ailleurs être réalisée sur un site utilisant uniquement la langue anglaise. Dans ces conditions la SEM de La Clusaz a méconnu à plusieurs reprises les dispositions précitées des articles 2 et 14 de la loi du 4 août 2014. Par suite, le refus du président du conseil général du département de la Haute-Savoie d’engager la procédure, décrite à l’article 15 précité de la même loi, de restitution de la subvention antérieurement allouée à cette SEM par la délibération du 3 février 2014, entaché d’erreur manifeste d’appréciation, devait être censuré.

En ce qui concerne la subvention allouée à l’association « Out Sports Valley » :

4. Il ressort des pièces du dossier que la délibération du 3 février 2014 n’a pas eu pour objet d’accorder une subvention à cette association. Les conclusions de la requête relatives à cette association doivent donc être rejetées.

En ce qui concerne la subvention de 10 000 euros allouée à la société « Caméléon Organisations » pour les « Corporate Games » :

5. L’association requérante fait valoir que l’affiche de présentation de cette manifestation de rencontres sportives inter-entreprises, organisée par une association qui n’assure aucune activité de service public, comporte de nombreux anglicismes notamment pour identifier les sports concernés, alors que des termes français existent pour désigner les mêmes activités, et que la manifestation est désignée par des termes anglais. D’une part, toute utilisation ponctuelle de la langue anglaise n’est cependant pas proscrite par les dispositions précitées de l’article 2 de la loi du 4 août 1994. D’autre part, les sites internet bien qu’accessibles au public, ne peuvent être qualifiés de voie publique, de lieu ouvert au public ou de moyen de transport en commun au sens de l’article 3 précité de la loi du 4 août 1994, qui considère comme tels seulement des lieux physiquement localisés sur le territoire français. Dès lors, l’emploi obligatoire de la langue française pour toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et l’obligation corrélative de double traduction, pesant spécifiquement sur les personnes publiques et les personnes privées chargées d’une mission de service public, ne s’appliquent pas aux sites internet, dont celui créé et animé par l’organisateur de la manifestation en litige. L’association requérante n’est donc pas fondée à soutenir que le refus d’engager la procédure de restitution de la subvention versée pour cette manifestation devait être censuré par le tribunal administratif.

Sur le site internet du département de la Haute-Savoie et celui de l’association Savoie Mont-Blanc :

6. Ainsi qu’il a été dit au point 5 du présent arrêt, l’emploi obligatoire de la langue française pour toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et l’obligation corrélative de double traduction pesant spécifiquement sur les personnes publiques et les personnes privées chargées d’une mission de service public ne s’appliquent pas aux sites internet. L’association requérante ne peut donc utilement se prévaloir des dispositions des articles 3 et 4 de la loi du 4 août 1994 pour demander l’annulation de la décision du 14 avril 2014 en tant que par cette dernière, le département refuse d’une part de modifier son site internet et d’autre part de contraindre l’association Savoie Mont-Blanc à modifier le sien.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l’Association de défense de la langue française en Pays de Savoie est seulement fondée à demander l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il a rejeté sa demande d’annulation de la décision du 14 avril 2014 du président du conseil général du département de la Haute-Savoie en ce qu’elle refuse d’engager une procédure de restitution de la subvention accordée à la SEM de La Clusaz pour l’organisation du « Radical Mountain Junior ».

Sur les conclusions à fin d’injonction :

8. L’annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le président du conseil départemental de la Haute-Savoie engage la procédure prévue par l’article 15 de la loi du 4 août 1994 de restitution de la subvention allouée à la SEM de La Clusaz pour l’organisation du « Radical Mountain Junior » par la délibération du 3 février 2014. Il y a lieu de lui enjoindre d’engager cette procédure et de lui accorder un délai de deux mois pour ce faire.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre une somme de 1 000 euros à la charge du département de la Haute-Savoie à verser à l’association de défense de la langue française en pays de Savoie au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 14 avril 2014 du président du conseil général du département de la Haute-Savoie est annulée en tant qu’elle refuse d’engager une procédure de restitution de la subvention accordée à la SEM de La Clusaz pour l’organisation de la compétition « Le Radical Mountain Junior ».
Article 2 : Le jugement n° 1403755 du tribunal administratif de Grenoble du 5 octobre 2017 est réformé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le département de la Haute-Savoie versera une somme de 1 000 euros à l’association de défense de la langue française en pays de Savoie en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l’association de défense de la langue française en pays de Savoie, au département de la Haute-Savoie, à la SEM de la Clusaz, à l’association « Out sports valley » et à la société Caméléon organisations.

Servitude Montagne/ Conditions d’institution

CAA de LYON

N° 18LY00832
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. POMMIER, président
M. Hervé DROUET, rapporteur
Mme VIGIER-CARRIERE, rapporteur public
LLC ET ASSOCIES – BUREAU DE PARIS, avocat

lecture du jeudi 12 mars 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 6 février 2015 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a, en application des articles L. 342-18 à L. 342-23 du code du tourisme, institué une servitude pour l’aménagement du domaine skiable des Carroz d’Arâches sur le territoire de la commune d’Arâches-la-Frasse et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Haute-Savoie sur son recours gracieux du 17 avril 2015 dirigé contre cet arrêté et de mettre à la charge de l’État les entiers dépens ainsi qu’une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1505043 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 février 2018 et le 18 septembre 2018, M. B… A…, représenté par la SELARL Arnaud Bastid, avocat, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1505043 du 19 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 6 février 2015 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a, en application des articles L. 342-18 à L. 342-23 du code du tourisme, institué une servitude pour l’aménagement du domaine skiable des Carroz d’Arâches sur le territoire de la commune d’Arâches-la-Frasse et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Haute-Savoie sur son recours gracieux du 17 avril 2015 dirigé contre cet arrêté;
3°) de mettre à la charge de l’État les entiers dépens ainsi qu’une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– sa requête n’est pas tardive, dès lors qu’il n’a été destinataire du jugement attaqué que le 22 décembre 2017 ;
– sa requête est suffisamment motivée ;
– l’arrêté en litige méconnaît les articles L. 342-18 et L. 342-19 du code du tourisme, dès lors qu’à la date de son édiction, la commune d’Arâches-la-Frasse n’était pas classée en station de sports d’hiver et d’alpinisme ni en commune touristique ;
– il méconnaît l’article L. 342-22 du même code, dès lors que le plan parcellaire annexé ne fait pas apparaître la longueur à partir de laquelle les largeurs sont mentionnées, que les largeurs indiquées n’ont pas fait l’objet d’un mesurage in situ par un géomètre-expert après l’annulation des premiers arrêtés préfectoraux portant servitude de novembre 2009 par arrêt n° 13LY01213 du 13 février 2014 de la cour et sont particulièrement aléatoires, la simple reprise sur un plan de données anciennes ne pouvant valoir mise en place de servitude de piste de ski au sens des dispositions de cet article, et que les caractéristiques des servitudes ne sont pas précisées ;
– il emporte dépossession de sa propriété et non servitude seulement, dès lors qu’il s’applique tout au long de l’année et qu’il prévoit notamment la mise en place à demeure de matériels – filets, canons à neige et canalisation d’alimentation – disgracieux et contraignants aboutissant concrètement à lui interdire d’utiliser son terrain ;
– est inexact sur le plan parcellaire annexé le tracé de la canalisation du canon à neige sur la parcelle cadastrée section B n° 2440 ;
– l’arrêté contesté méconnaît le principe d’égalité devant les charges publiques, dès lors que d’autres propriétaires ont été invités à conclure, pour l’aménagement du domaine skiable des Carroz d’Arâches, des conventions de servitude moins restrictives et pénalisantes que la servitude instaurée par l’arrêté attaqué et dont les conditions d’indemnisation sont plus favorables, alors qu’il n’a pas été destinataire d’une proposition de convention de même nature et contenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2018, la commune d’Arâches-la-Frasse, représentée par la SELARL LLC et Associés, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
– la requête est irrecevable car tardive ;
– elle est irrecevable car dépourvue de motivation, en l’absence de critique du jugement attaqué ;
– les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2019, le ministre de l’économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’il s’en remet aux observations produites en défense par le préfet de la Haute-Savoie devant le tribunal administratif de Grenoble.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code du tourisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Drouet, président assesseur,
– les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
– et les observations de Me Bracq, avocat (SELARL LLC et Associés), avocat, pour la commune d’Arâches-la-Frasse.

Considérant ce qui suit :

1. M. A…, propriétaire des parcelles cadastrées section B n°s 2351, 2432, 2440, 2851, 2852, 2854 et 5376 situées sur le domaine skiable des Carroz d’Arâches de la commune d’Arâches-la-Frasse, relève appel du jugement n° 1505043 du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 6 février 2015 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a, en application des articles L. 342-18 à L. 342-23 du code du tourisme, institué sur les parcelles précitées une servitude pour l’aménagement dudit domaine skiable et de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Haute-Savoie sur son recours gracieux du 17 avril 2015 dirigé contre cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 342-18 du code du tourisme dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté en litige :  » La servitude prévue aux articles L. 342-20 à L. 342-23 ne peut être établie qu’à l’intérieur des zones et des secteurs délimités dans les plans locaux d’urbanisme ou dans les plans d’occupation des sols en application du 1° du III de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme. Cette disposition n’est pas applicable aux servitudes instituées en vue de faciliter la pratique du ski de fond ou l’accès aux sites d’alpinisme, d’escalade en zone de montagne et de sports de nature au sens de l’article 50-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ainsi que l’accès aux refuges de montagne. « . Selon l’article L. 342-19 du même code :  » Dans les communes classées comme stations de sports d’hiver et d’alpinisme et pourvues d’un plan d’occupation des sols opposable au 10 janvier 1985 ou d’un plan local d’urbanisme, les dispositions de l’article L. 342-18 s’appliquent à partir de l’approbation de la modification ou de la révision de ce plan. « .

3. Il est constant qu’à la date de l’arrêté contesté, le plan local d’urbanisme de la commune d’Arâches-la-Frasse comportait notamment une zone Nt intitulée  » secteur à vocation sportive et de loisir  » dans laquelle est situé le domaine skiable des Carroz d’Arâches. Dans ces conditions et en application des dispositions précitées de l’article L. 342-18 du code du tourisme, le préfet de la Haute-Savoie a pu légalement, par son arrêté en litige, instituer une servitude pour l’aménagement du domaine skiable des Carroz d’Arâches, alors même que ladite commune, à la date de cette décision, n’était pas classée en station de sports d’hiver et d’alpinisme ni en commune touristique.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 342-22 du code du tourisme :  » Cette décision définit le tracé, la largeur et les caractéristiques de la servitude, ainsi que les conditions auxquelles la réalisation des travaux est subordonnée. Elle définit, le cas échéant, les conditions et, éventuellement, les aménagements de protection auxquels la création de la servitude est subordonnée et les obligations auxquelles le bénéficiaire est tenu du fait de l’établissement de la servitude. Elle définit également les périodes de l’année pendant lesquelles, compte tenu de l’enneigement et du cours des travaux agricoles, la servitude s’applique partiellement ou totalement. « .

5. Si M. A… soutient que le géomètre-expert aurait fixé les largeurs de la servitude dans les documents annexés à l’arrêté litigieux du 6 février 2015 en travaillant uniquement sur plans issus d’archives, les dispositions précitées de l’article L. 342-22 du code du tourisme n’imposent pas de se déplacer sur le terrain au géomètre-expert chargé de la fixation des largeurs de la servitude. Le requérant ne saurait utilement faire valoir que les largeurs de la servitude de pistes de ski n’ont pas fait l’objet d’un mesurage sur le terrain après l’annulation des premiers arrêtés préfectoraux portant servitude de novembre 2009 par arrêt n° 13LY01213 du 13 février 2014 de la cour, dès lors qu’il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d’appel que les caractéristiques topographiques du terrain concerné aient été modifiées par rapport aux données utilisées par le géomètre-expert pour fixer les largeurs de la servitude. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que la fixation des largeurs de la servitude dans les documents annexés à l’arrêté litigieux du 6 février 2015 serait entachée d’erreur de droit.

6. En troisième lieu, doit être écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que le plan parcellaire annexé à l’arrêté contesté ne fait pas apparaître la longueur à partir de laquelle les largeurs sont mentionnées, dès lors que les dispositions précitées de l’article L. 342-22 du code du tourisme ne prescrivent pas de mentionner la longueur de la servitude.

7. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient M. A…, l’arrêté en litige comporte, en son article 4, la définition des caractéristiques de la servitude qu’il instaure.

8. En cinquième lieu, le requérant soutient que l’arrêté litigieux emporte dépossession de son terrain en ce qu’il lui impose les mêmes contraintes tout au long de l’année. Toutefois, si le B de l’article 4 de cet arrêté dispose que les obligations des propriétaires en dehors de la période d’enneigement sont les mêmes qu’en période d’enneigement, le A de ce même article, relatif à la période d’enneigement ne contient que des interdictions ou obligations liées à la pratique du ski, sauf une seule obligation de portée générale tenant au respect de l’emprise par les propriétaires en limite d’assiette de la servitude. Le B de cet article 4 précise, en outre, que le propriétaire peut clore sa parcelle pour les nécessités de la pâture à la condition qu’il y ait une partie mobile d’une largeur minimale de 5 mètres pour le passage des engins. Ainsi, les dispositions contestées, qui se bornent à permettre l’institution de servitudes sur le domaine skiable, n’ont ni pour objet ni pour effet d’autoriser une quelconque dépossession du terrain de l’intéressé, contrairement à ce que celui-ci fait valoir.

9. En sixième lieu, M. A… n’établit pas, par les pièces qu’il produit tant en première instance qu’en appel, que serait inexact sur le plan parcellaire annexé à l’arrêté en litige le tracé de la canalisation du canon à neige sur la parcelle cadastrée section B n° 2440.

10. En dernier lieu, le requérant soutient que l’arrêté contesté méconnaît le principe d’égalité devant les charges publiques, dès lors que d’autres propriétaires ont été invités à conclure, pour l’aménagement du domaine skiable des Carroz d’Arâches, des conventions de servitude moins restrictives et pénalisantes que la servitude instaurée par l’arrêté attaqué et dont les conditions d’indemnisation sont plus favorables, alors qu’il n’a pas été destinataire d’une proposition de convention de même nature et contenu. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit ne prévoit l’obligation de proposer aux propriétaires concernés la signature de conventions instituant une servitude de piste de ski avant d’édicter cette servitude par acte unilatéral. En outre, M. A… n’établit pas que les conventions de servitude pour l’aménagement du domaine skiable des Carroz d’Arâches, conclues par d’autres propriétaires que l’appelant, seraient moins restrictives et pénalisantes que la servitude instaurée par l’arrêté contesté et comporteraient des conditions d’indemnisation plus favorables. Par suite, le moyen susmentionné doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune d’Arâches-la-Frasse à la requête de M. A…, que ce dernier n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A… une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d’Arâches-la-Frasse et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.

Article 2 : M. A… versera à la commune d’Arâches-la-Frasse une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… A…, au ministre de l’économie et des finances et à la commune d’Arâches-la-Frasse.

PLU Megève/ Parcelles agricoles/ Intégration au domaine skiable/ Erreur manifeste (non)

CAA de LYON

N° 19LY01426
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme MARGINEAN-FAURE, président
Mme Bénédicte LORDONNE, rapporteur
M. LAVAL, rapporteur public
DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat

lecture du mardi 25 février 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A… C… et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 21 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Megève a approuvé le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1705389 du 14 février 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, M. et Mme C… et autres, représentés par la SELARL Cabinet Debeaurain et Associés, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 février 2019 ;
2°) d’annuler la délibération du 21 mars 2017 approuvant le PLU de Megève et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Megève au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– le classement du bas des parcelles cadastrées section BC n° 299 à 304 situées au lieu-dit  » Plaine de Glaise  » en zone N d’intérêt écologique, en dehors des limites de la zone rouge du PPR, est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation et procède d’un détournement de pouvoir ;
– le classement en zone A des parcelles cadastrées section B n° 691 et 620 situées au lieu-dit  » Le Purgatoire  » est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– l’intégration au domaine skiable des parcelles cadastrées section A n° 90 et 92, situées au lieu-dit  » Fontaine Froide  » est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et porte atteinte aux paysages et aux espaces naturels et aux activités agricoles ;
– le tribunal, qui n’a pas répondu à ce moyen de première instance, a entaché son jugement d’une irrégularité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2019, la commune de Megève, représentée par la SELARL Affaires Droit Public-Immobilier, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– les moyens soulevés sont infondés ;
– subsidiairement, la demande de première instance était irrecevable faute pour les demandeurs de justifier de leur intérêt pour agir, cause d’irrecevabilité insusceptible de régularisation en cause d’appel.

La clôture de l’instruction a été fixée au 23 décembre 2019 par une ordonnance du 6 décembre 2019 prise en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme E… D…, première conseillère ;
– les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
– les observations de Me B… représentant la commune de Megève ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C… et autres relèvent appel du jugement du 14 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil municipal de Megève du 21 mars 2017 approuvant le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Grenoble a expressément répondu à l’ensemble des moyens soulevés par les demandeurs, en particulier au point 5 de ce jugement, à celui mettant en cause la légalité du classement de leurs parcelles dans le domaine skiable de la commune. Si les requérants reprochent aux premiers juges d’avoir écarté, à tort, un tel moyen comme dépourvu de précision sans en examiner le bien-fondé, une telle circonstance n’est pas de nature à affecter la régularité du jugement mais peut seulement en affecter le bien-fondé.

Sur la légalité de la délibération du 21 mars 2017 :

3. Il appartient aux auteurs d’un PLU de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce PLU, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu’au cas où elle serait entachée d’une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
En ce qui concerne le classement des parcelles situées lieu-dit  » Plaine de Glaise  » :

4. Aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’urbanisme, applicable aux PLU dont l’élaboration a été engagée avant le 1er janvier 2016 :  » Les zones naturelles et forestières sont dites  » zones N « . Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / (…) c) Soit de leur caractère d’espaces naturels. « .
5. Pour contester le classement en zone N d’une partie des parcelles n° 299 et 304 situées au lieu-dit  » Plaine de Glaise  » et leur inclusion dans un secteur d’intérêt écologique identifié au titre de l’article L. 151-23 du code de l’urbanisme, M. et Mme C… et autres soutiennent que ces parcelles ne présentent pas d’intérêt écologique et ne se situent pas dans la zone rouge du plan de prévention des risques (PPR). Si les requérants font valoir à cet égard que les contours du tracé de la zone N et du secteur d’intérêt écologique n’épouseraient pas exactement le périmètre de protection du PPR, portant sur une largeur d’environ dix mètres depuis le cours d’eau dénommé Le Glapet, cette circonstance à la supposer établie est en elle-même sans incidence sur le classement en litige qui se justifie par la situation des parcelles en litige le long du Glapet et leur caractère boisé dans leur partie basse classée en zone N et répond ainsi à leurs caractéristiques propres. Dans ces conditions, et sans que les requérants puissent utilement invoquer le classement d’autres parcelles situées à proximité ou l’engagement d’une procédure de mise en compatibilité du PLU dans le cadre de la déclaration de projet relative à la mise en oeuvre de l’OAP dénommée les  » abords du Palais des Sports « , les moyens selon lesquels le classement en litige procède d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir doivent être écartés.
En ce qui concerne le classement des parcelles situées lieu-dit  » Le Purgatoire  » :

6. Aux termes du 1er alinéa de l’article R. 123-7 du code de l’urbanisme, applicable aux PLU dont l’élaboration a été engagée avant le 1er janvier 2016 :  » Les zones agricoles sont dites « zones A ». Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles « .
7. Les parcelles en litige, situées au lieu-dit  » Le Purgatoire « , se situent en dehors de l’enveloppe urbaine de la commune et se rattachent à un vaste ensemble de parcelles à vocation agricole. D’une superficie d’environ 4 000 m², elles sont vierges de construction et les pièces du dossier révèlent qu’elles ne sont pas dépourvues de potentiel agronomique. Leur classement en zone agricole répond ainsi à leurs caractéristiques propres et concourt à la satisfaction des objectifs que se sont donnés les auteurs du PLU et que rappelle le PADD d’opter pour un développement moins consommateur d’espace. La circonstance tirée de leur desserte par les réseaux ne fait pas par elle-même obstacle au classement contesté qui n’apparait ainsi entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation.
En ce qui concerne le classement des parcelles situées lieu-dit  » Fontaine Froide  » :

8. Aux termes de l’article L. 174-3 du code de l’urbanisme :  » Lorsqu’une procédure de révision du plan d’occupation des sols a été engagée avant le 31 décembre 2015, cette procédure peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, sous réserve d’être achevée au plus tard le 26 mars 2017 « . Aux termes du IV de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable :  » Le règlement peut, en matière d’équipement des zones : 1° (…) délimiter les zones qui sont ou peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques en indiquant, le cas échéant, les équipements et aménagements susceptibles d’y être prévus (…) « . Aux termes de l’article R. 123-11 de ce code, applicable aux PLU dont l’élaboration a été engagée avant le 1er janvier 2016 : :  » Les zones U, AU, A et N sont délimitées sur un ou plusieurs documents graphiques. / Les documents graphiques du règlement font, en outre, apparaître s’il y a lieu : (…) j) Les zones qui sont ou peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques en indiquant, le cas échéant, les équipements et aménagements susceptibles d’y être prévus « .
9. Aux termes de l’article L. 122-10 du code de l’urbanisme, applicable depuis le 1er janvier 2016, et reprenant les dispositions du I de l’article L. 145-3 du code :  » Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s’apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d’exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l’exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. Les constructions nécessaires à ces activités ainsi que les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée peuvent y être autorisés (…).
10. Les parcelles en litige, cadastrées section A n° 90 et 92, situées au lieu-dit  » Fontaine Froide « , ont été classées en secteur Aa, à vocation de gestion des sites d’alpages et intégrées au domaine skiable de la commune. En se bornant à soutenir que ces parcelles sont impropres aux équipements liés au domaine skiable, les requérants ne mettent pas la cour à même d’apprécier si ce classement serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Leur intégration au domaine skiable de la commune, qui ne fait nullement obstacle à l’activité d’alpage en période estivale, n’est pas de nature à compromettre le maintien ou le développement des activités agricoles. La circonstance que le règlement du PLU autorise, dans les secteurs de domaine skiable,  » les ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics ou d’intérêt collectif « , comme d’ailleurs et pour l’ensemble des secteurs Aa  » les travaux, constructions, et installations  » qui leur sont nécessaires, ainsi que l’y autorise le deuxième alinéa de l’article R. 123-7 du code de l’urbanisme, ne suffit pas à établir que la délibération attaquée ne serait pas compatible avec les principes énoncés par les dispositions citées au point 9.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que M. et Mme C… et autres ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les requérants demandent au titre des frais qu’ils ont exposés soit mise à la charge de la commune de Megève, qui n’est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des requérants le versement d’une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Megève.

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C… et autres est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C… et autres verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Megève au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A… C… et à la commune de Megève.
Délibéré après l’audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :
Mme F… G…, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme E… D…, première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 février 2020.

Fonctionnaire GHM/ Accident par avalanche/ Faute personnelle (non)/ Sanction disciplinaire et refus de la protection fonctionnelle (illégalité)

CAA de LYON

N° 18LY03502
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. ARBARETAZ, président
Mme Vanessa REMY-NERIS, rapporteur
M. CHASSAGNE, rapporteur public
COMPOINT, avocat

lecture du jeudi 30 janvier 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure

M. C… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la décision du 27 avril 2016 par laquelle le recteur de l’académie de Grenoble a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle alors qu’il faisait l’objet de poursuites pénales, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique.

Par jugement n° 1605894 lu le 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté du 27 avril 2016 portant rejet de protection fonctionnelle et le rejet implicite de son recours gracieux.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 septembre 2018 et le 3 juillet 2019, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 5 juillet 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A… devant le tribunal administratif de Grenoble.

Il soutient que les manquements aux règles de sécurité commis par M. A… lors de la sortie du 28 janvier 2015, tels que présentés dans l’instance n° 18LY03501 pendante devant la cour, présentent le caractère d’une faute personnelle justifiant le refus de protection fonctionnelle opposé à l’intéressé.

Par un mémoire enregistré le 24 mai 2019, M. A…, représenté par Me B…, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l’État la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– les griefs qui lui sont reprochés ne constituent pas des fautes professionnelles ni des fautes personnelles détachables du service ;
– subsidiairement, par voie d’examen sur effet dévolutif, la décision du 27 avril 2016 prise par le recteur de l’académie est entachée d’incompétence par application de l’article 2 du décret n° 80-627 du 4 août 1980, et est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration.

La clôture de l’instruction a été fixée au 14 octobre 2019 par une ordonnance du 18 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’éducation ;
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,
– les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
– les observations de Me B… pour M. A… ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 janvier 2015, M. A…, professeur d’éducation physique et sportive, breveté guide de haute montagne et affecté depuis 1995 au lycée de Die, a emmené un groupe de seize élèves de terminale de la section  » sport et nature  » pour une sortie en ski de randonnée dans le nord du massif du Vercors, assisté d’un aspirant guide. Au cours de cette sortie, un des élèves est décédé après avoir été emporté par une avalanche et M. A… a été mis en examen pour homicide involontaire et poursuivi de ce chef devant le tribunal correctionnel de Grenoble, qui l’a relaxé par un jugement lu le 7 décembre 2016. Le ministre de l’éducation nationale relève appel du jugement n° 1605894 lu le 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 27 avril 2016 du recteur de l’académie de Grenoble ayant refusé à M. A… le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux.

2. Aux termes du 4ème alinéa de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version applicable en l’espèce,  » La collectivité publique est tenue d’accorder sa protection au fonctionnaire (…) dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle « . N’est constitutif d’une faute personnelle, au sens de ces dispositions, qu’un comportement ou agissement qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles il a été commis, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées par celui-ci, est d’une particulière gravité justifiant que la protection fonctionnelle soit refusée, alors même qu’il aurait été commis à l’occasion de l’exercice des fonctions.

3. Pour caractériser une faute personnelle détachable du service, les décisions annulées par le tribunal faisaient grief à M. A… d’avoir entièrement délégué à l’un des élèves la vérification du port individuel du DVA, dont n’était finalement pas équipée la victime, et d’avoir entraîné son groupe dans un itinéraire non recensé par l’établissement dans la liste des courses habituellement pratiquées, de surcroît non reconnu à l’avance. Toutefois, par un arrêt lu ce jour sous le n° 18LY03501, la cour a rejeté l’appel présenté par le ministre de l’éducation nationale contre le jugement ayant annulé la sanction disciplinaire infligée à M. A… au motif pris de ce que le comportement qui lui est imputé ne constituait pas des manquements à l’obligation de sécurité pesant sur lui en tant qu’enseignant. Ces griefs ne sauraient a fortiori revêtir le caractère d’une faute personnelle au sens de la définition du point 2. Dans ces conditions, en refusant d’accorder à M. A… la protection fonctionnelle à laquelle il avait droit, le recteur de l’académie de Grenoble a méconnu les dispositions précitées de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983.

4. Par suite, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le refus de protection fonctionnelle opposé par le recteur de l’académie de Grenoble ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux. Son appel doit, dès lors, être rejeté.

Sur les frais liés au litige

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État la somme de 1 000 euros que M. A… sollicite au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse est rejetée.

Article 2 : L’État versera à M. A… la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et à M. C… A….

Délibéré après l’audience du 9 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.
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N° 18LY03502
cm

Références
CAA de LYON

N° 18LY03501
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. ARBARETAZ, président
Mme Vanessa REMY-NERIS, rapporteur
M. CHASSAGNE, rapporteur public
COMPOINT, avocat

lecture du jeudi 30 janvier 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure

M. C… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 31 décembre 2015 par lequel le ministre de l’éducation nationale lui a infligé la sanction d’un an d’exclusion temporaire de fonction assortie d’un sursis de six mois, ensemble la décision du 18 mars 2016 rejetant son recours gracieux, les arrêtés du 6 juillet 2016 et du 15 novembre 2016 par lesquels le recteur de l’académie de Grenoble l’a successivement affecté, à compter du 5 juillet 2016, au collège Seignobos de Chabeuil et promu sans report d’ancienneté au 7ème échelon de la hors classe.

Par jugement n° 1602855 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté du 31 décembre 2015 par lequel le ministre de l’éducation nationale l’a exclu temporairement du service et le rejet de son recours gracieux.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 septembre 2018 et 3 juillet 2019, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour :
1°) d’annuler du jugement du 5 juillet 2018 en ce qu’il fait droit à la demande dirigée contre la sanction ;
2°) de rejeter la demande à fin d’annulation de l’arrêté du 31 décembre 2015 et du rejet de recours gracieux.
Il soutient que :
– les faits commis par M A…, s’ils n’ont pas reçu de qualification pénale, constituent un manquement à l’obligation professionnelle de garantir la sécurité des élèves et sont de nature à justifier la sanction édictée ;
– il appartenait à M. A… de procéder lui-même au contrôle de l’activation effective du dispositif de détection des victimes d’avalanche (DVA) ;
– M. A… a, en outre, en méconnaissance des règles de sécurité et de prudence, conduit un groupe de dix-huit personnes dont seize adolescents dans un itinéraire non déclaré et qu’il n’avait jamais emprunté lui-même ;
– l’organisation de la sécurité et la prévention des risques fait partie de la mission pédagogique des professeurs d’éducation physique et sportive comme le rappelle la note de service ministérielle du 9 mars 1994 relative à la sécurité des élèves et à la pratique des activités physiques scolaires et la circulaire ministérielle du 13 juillet 2004 relative à l’enseignement de l’éducation physique et sportive.

Par un mémoire enregistré le 26 novembre 2018, M. A…, représenté par Me B…, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l’État la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l’instruction a été fixée au 14 octobre 2019 par une ordonnance du 18 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’éducation ;
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
– la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l’État ;
– le décret n° 80-627 du 4 août 1980 relatif au statut particulier des professeurs d’éducation physique et sportive ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,
– les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,
– les observations de Me B… pour M. A… ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 janvier 2015, M. A…, professeur d’éducation physique et sportive, breveté guide de haute montagne et affecté depuis 1995 au lycée de Die, a emmené un groupe de seize élèves de terminale de la section  » sport et nature  » en ski de randonnée dans le nord du massif du Vercors, assisté d’un aspirant guide. Vers midi, M. A… et deux élèves ont été pris dans une avalanche. Si lui-même et l’un des élèves ont été dégagés indemnes, l’autre élève, âgé de dix-sept ans, qui n’était pas porteur d’un DVA, a été découvert mort par le chien des secours. Alors que par jugement lu le 7 décembre 2016, le tribunal correctionnel de Grenoble a relaxé M. A… du chef de maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité ayant involontairement causé la mort, le ministre de l’éducation nationale a, par arrêté du 31 décembre 2015, infligé à l’intéressé la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée d’un an assortie d’un sursis de six mois pour manquement à l’obligation professionnelle de prendre toutes dispositions utiles à la sécurité des élèves. Le ministre de l’éducation nationale relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté ainsi que le rejet du recours gracieux formé par M. A….

Sur les conclusions de la requête :

2. Aux termes de l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée :  » Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale « .

3. Si, en vertu de cette disposition, pèse sur tout enseignant l’obligation d’assurer la sécurité des élèves qui lui sont confiés, la manière dont il s’en acquitte s’apprécie en fonction de la nature de son enseignement, de l’objectif pédagogique qui lui est assigné et du niveau du public concerné. A cet égard, la note de service n° 94-116 du 9 mars 1994 concernant la sécurité des élèves dans le cadre des activités physiques scolaires et la circulaire n° 2004-138 du 13 juillet 2004 portant sur les risques particuliers liés à l’enseignement de l’éducation physique et sportive et au sport scolaire, invoquées par le ministre, ne contiennent que des recommandations et ne visent d’ailleurs pas les activités sportives pratiquées en pleine nature par des élèves sélectionnés en fonction de leur niveau sportif, de leur connaissance du milieu et de leurs aptitudes physiques.

4. La sanction annulée par le tribunal faisait grief à M. A… d’avoir entièrement délégué à l’un des élèves la vérification du port individuel du DVA, dont n’était finalement pas équipée la victime, et d’avoir entraîné son groupe dans un itinéraire non recensé par l’établissement dans la liste des courses habituellement pratiquées, de surcroît non reconnu à l’avance.

5. Or, il ressort des pièces du dossier, d’une part, que le contrôle du port de DVA confié à tour de rôle à l’un des membres du groupe – à charge de rendre compte à l’enseignant de la bonne exécution de la mission – figurait parmi les objectifs pédagogiques de la section  » sport nature  » afin de développer chez ces élèves de classe terminale ayant atteint un niveau technique confirmé et proches de l’âge adulte le sens de l’autonomie et de la sécurité. Une contre-vérification par l’enseignant n’aurait d’ailleurs pas été à même de dissuader la victime ou tout autre élève résolu à s’affranchir des consignes de désactiver ultérieurement son équipement ou de s’en séparer. Eu égard à la formation déjà dispensée aux jeunes concernés, cette pratique ne peut être qualifiée de manquement à l’obligation de sécurité qui pesait sur M. A….

6. D’autre part, le choix de la course était tributaire du manque de neige dans le Diois. Les conditions météorologiques et nivologiques, vérifiées par M. A…, étaient satisfaisantes. L’itinéraire, coté peu difficile, était à la portée d’élèves entraînés. Connu de l’aspirant guide qui assistait M. A…, il était emprunté régulièrement par les élèves de la section ski étude du lycée de Villard-de-Lans et moins éloigné d’un centre de secours que ne le sont les courses du Diois. Enfin, M. A… a observé toutes les mesures de prudence et de vigilance sur le parcours. Le choix de la course ne saurait, dans ces circonstances, constituer un manquement de la part de M. A… à son obligation de sécurité.
7. Il s’ensuit que le ministre de l’éducation nationale n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la sanction disciplinaire qu’il a infligée à M. A… ainsi que le rejet du recours gracieux. Sa requête doit, en conséquence, être rejetée.

Sur les frais liés au litige

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse est rejetée.

Article 2 : L’État versera à M. A… la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et à M. C… A….
Copie en sera adressée au recteur de l’académie de Grenoble.

Délibéré après l’audience du 9 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.
2
N° 18LY03501
cm

________________________________________

Analyse
Abstrats : 36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.

Recyclage des GHM et AMM/ Arrêté du 29 mars 2018/ Illégalité partielle

CE 27 janv 2020 SIM – AMM

Conseil d’État

N° 421332
ECLI:FR:CECHR:2020:421332.20200127
Inédit au recueil Lebon
4ème – 1ère chambres réunies
M. Olivier Fuchs, rapporteur

lecture du lundi 27 janvier 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Syndicat interprofessionnel de la montagne demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 29 mars 2018 de la ministre des sports modifiant l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code du sport ;
– l’arrêté du 10 mai 1993 relatif au brevet d’Etat d’alpinisme ;
– l’arrêté du 16 juin 2014 relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne ;
– l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 212-1 du code du sport :  » I. – Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants (…) les titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée (…) « . L’article L. 212-2 du même code prévoit que, lorsque ces activités d’enseignement, d’animation ou d’encadrement s’exercent dans un environnement impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, le diplôme permettant son exercice  » est délivré par l’autorité administrative dans le cadre d’une formation coordonnée par les services du ministre chargé des sports et assurée par des établissements relevant de son contrôle pour les activités considérées « . A ce titre, l’article R. 212-7 du même code mentionne, au nombre des activités impliquant le respect de mesures de sécurité particulières,  » le ski, l’alpinisme et leurs activités assimilées « . Enfin, l’article R. 212-1 dispose qu’afin d’assurer le maintien des compétences professionnelles en matière de sécurité des pratiquants et des tiers, le règlement du diplôme mentionné à l’article L. 212-2 peut prévoir des formations de mise à niveau, dont les contenus et les modalités d’organisation sont fixés par arrêté du ministre chargé des sports. L’article 1er de l’arrêté du 16 juin 2014 de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne et l’article 2 de l’arrêté du ministre des sports et de la jeunesse du 10 mai 1993 relatif au brevet d’Etat d’alpinisme soumettent les titulaires du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne et du diplôme de guide de haute montagne du brevet d’Etat d’alpinisme à un stage de formation continue, dit de  » recyclage « , tous les six ans.

2. Pour l’application des dispositions de l’article R. 212-1 mentionnées au point 1, l’arrêté de la ministre des sports du 11 mars 2015, tel que modifié par l’arrêté attaqué du 29 mars 2018, détermine les modalités d’organisation de la formation de mise à niveau dite de  » recyclage  » et précise que cette formation conditionne l’exercice de la profession. L’article 2 de cet arrêté, dans sa rédaction issue de l’arrêté attaqué, dispose que le  » recyclage  » est organisé par l’Ecole nationale des sports de montagne. Ce même article prévoit que l’organisation de cette formation de mise à niveau  » peut faire l’objet, en tout ou partie, d’un marché passé avec un ou plusieurs organismes de formation, conformément à un cahier des charges établi par l’Ecole nationale des sports de montagne « . L’article 3 de cet arrêté, dans sa rédaction issue de l’arrêté attaqué, prévoit notamment que les formateurs sont titulaires du diplôme de guide de haute montagne relevant du brevet d’Etat d’alpinisme ou du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne depuis au moins six ans et en possession d’une carte professionnelle d’éducateur sportif en cours de validité , et que, dans le cas où l’organisation du  » recyclage  » fait l’objet d’un marché, les formateurs sont désignés par le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne, sur proposition de l’organisme ou des organismes de formation.

Sur le moyen tiré de l’incompétence :

3. Il résulte des dispositions de l’article R. 212-1 du code du sport mentionné au point 1 que la ministre des sports est seule compétente pour fixer par arrêté les contenus et les modalités d’organisation de la formation de mise à niveau prévue par l’article 1er de l’arrêté du 11 mars 2015 et l’article 2 de l’arrêté du 10 mai 1993. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué est entaché d’incompétence ne peut qu’être écarté.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance du principe de liberté du commerce et de l’industrie, des règles de la concurrence et des principes généraux du droit de la commande publique :
En ce qu’ils concernent l’organisation de la formation par l’Ecole nationale des sports de montagne :

4. Il ressort des termes de l’article L. 212-2 du code du sport cité au point 1 que, lorsque les activités d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité physique ou sportive contre rémunération s’exercent dans un environnement impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, le diplôme permettant son exercice  » est délivré par l’autorité administrative dans le cadre d’une formation coordonnée par les services du ministre chargé des sports et assurée par des établissements relevant de son contrôle pour les activités considérées « . Aux termes de l’article D. 211-53-1 du même code, l’Ecole nationale des sports de montagne a notamment pour mission  » 3° La formation, le contrôle de la formation et le perfectionnement des professionnels des métiers sportifs de la montagne et la préparation aux diplômes conduisant à ces professions ainsi qu’aux activités professionnelles en relation avec son domaine de compétence « . En vertu de l’article 4 de l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne, le  » recyclage  » des guides de haute montagne a pour objet d' » actualiser leurs compétences professionnelles, en particulier dans les domaines de la gestion de la sécurité, de l’obligation de moyens et de la réglementation « .

5. Il résulte de ces dispositions que, eu égard à l’objet du  » recyclage « , qui vise à maintenir et développer les compétences des guides de haute montagne afin de leur permettre d’assurer la sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée, et au fait que le suivi de cette formation conditionne l’exercice de la profession, ce  » recyclage  » doit être regardé comme relevant, au même titre que la délivrance du diplôme, du champ d’application de l’article L. 212-2 du code des sports. Il en résulte que cette formation ne peut être assurée que par des établissements relevant du contrôle du ministre chargé des sports. Il s’ensuit qu’en confiant à l’Ecole nationale des sports de montagne, établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé des sports, la mission d’assurer cette formation dite de  » recyclage « , le ministre n’a fait que mettre en oeuvre les dispositions de l’article L. 212-2 du code du sport. Dès lors, les moyens tirés de ce que l’arrêté attaqué, en ce qu’il confie à l’Ecole nationale des sports de montagne l’organisation de la formation continue des guides de haute montagne, porterait atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie et aux règles de la concurrence ne peuvent qu’être écartés.

En ce qu’ils concernent le recours à un marché passé avec un organisme ou plusieurs organismes de formation :

6. En premier lieu, compte tenu de l’objet même de la formation en cause, tel qu’il a été rappelé au point 5, l’arrêté attaqué a pu légalement prévoir, d’une part, un contenu identique, validé par l’Ecole nationale des sports de montagne, pour la formation délivrée à l’ensemble des professionnels soumis à l’obligation de  » recyclage « , et, d’autre part, que ne pouvaient être désignés formateurs, y compris pour les organismes de formation co-contractants, que les titulaires du diplôme de guide de haute montagne relevant du brevet d’Etat d’alpinisme ou du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne depuis au moins six ans en possession d’une carte professionnelle d’éducateur sportif en cours de validité. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, ces conditions, qui sont proportionnées à l’objectif de sécurité poursuivi, n’ont ni pour objet ni pour effet d’empêcher l’Ecole nationale des sports de montagne de recourir, comme le prévoit d’ailleurs l’arrêté attaqué, à un ou des prestataires extérieurs.

7. En deuxième lieu, eu égard aux dispositions législatives et réglementaires et à l’objet de la formation cités au point 5, l’arrêté contesté a pu légalement confier à l’Ecole nationale des sports de montagne la compétence pour établir un cahier des charges, dans le cas où l’organisation du  » recyclage  » fait l’objet d’un marché, lui-même soumis, par principe, aux règles de la commande publique. Par suite, le Syndicat interprofessionnel de la montagne n’est pas fondé à soutenir que l’absence de fixation par l’arrêté attaqué du prix des formations en cause et de critères présidant au choix, le cas échéant, d’un organisme de formation méconnaîtrait les principes du droit de la commande publique.

8. En troisième lieu, lorsque l’organisation du  » recyclage  » fait l’objet d’un marché, les dispositions de l’article 5 de l’arrêté attaqué prévoient que les formateurs sont désignés par le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne sur proposition de l’organisme ou des organismes de formation co-contractants. Ces dispositions, qui doivent être regardées comme ayant pour objet de permettre à l’Ecole nationale des sports de montagne, dans l’exercice de ses missions rappelées aux points 4 et 5, de vérifier que les formateurs disposent des compétences nécessaires pour garantir la qualité de cette formation, sont nécessaires et proportionnées à l’objectif de sécurité poursuivi et ne méconnaissent pas, contrairement à ce qui est soutenu, le principe de liberté du commerce et de l’industrie et les règles de la concurrence.

9. En revanche, ces mêmes dispositions, en ce qu’elles prévoient que le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs sans encadrer cette possibilité, notamment en précisant les motifs et conditions dans lesquelles le directeur général peut y recourir, alors même que, comme indiqué au point 5, en vertu de l’arrêté attaqué, ces formateurs doivent être titulaires du diplôme de guide de haute montagne relevant du brevet d’Etat d’alpinisme ou du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne depuis au moins six ans et en possession d’une carte professionnelle d’éducateur sportif en cours de validité, ne sont pas proportionnées à l’objectif poursuivi. Par suite, les syndicats requérants sont fondés à soutenir que les dispositions de l’article 5 de l’arrêté contesté, en tant qu’il prévoit que le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs intervenant pour le compte des organismes de formation co-contractants, sont illégales et doivent, dans cette mesure, être annulées.

Sur les autres moyens de la requête :

10. En premier lieu, l’harmonisation des pratiques de sécurité recherchée par l’uniformisation de la formation de mise à niveau des professionnels des métiers sportifs de la montagne ne saurait avoir pour effet de nuire à leur sécurité. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté contesté méconnaîtrait le  » droit à la sécurité  » des pratiquants ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté.

11. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté fondamentale que constituerait le  » droit individuel à la formation  » n’est, en tout état de cause, pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.

12. En troisième lieu, compte tenu des risques inhérents à la pratique de l’alpinisme et activités assimilés, les guides de haute montagne sont placés dans une situation différente de celle des membres des professions réglementées citées par le requérant et des moniteurs de ski. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité, faute pour l’arrêté de permettre aux professionnels concernés de choisir librement un prestataire de formation ainsi que le contenu de ladite formation, ne peut qu’être écarté.

13. En quatrième lieu, l’arrêté contesté n’est relatif ni à l’enseignement ni à la scolarité. Ainsi, les moyens tirés de ce qu’il porterait atteinte aux principes de gratuité et de neutralité de l’enseignement ne sauraient être utilement invoqués.

14. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat interprofessionnel de la montagne n’est fondé qu’à demander l’annulation des dispositions de l’article 5 de l’arrêté contesté en tant qu’il prévoit que, lorsque l’organisation du recyclage fait l’objet d’un marché, le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs intervenant pour le compte des organismes de formation co-contractants. En revanche, le surplus des conclusions de sa requête ne peut qu’être rejeté.

D E C I D E :
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Article 1er : L’article 5 de l’arrêté du 29 mars 2018 de la ministre des sports modifiant l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne est annulé en tant qu’il prévoit que, lorsque l’organisation du recyclage fait l’objet d’un marché, le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs intervenant pour le compte des organismes de formation co-contractants.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du Syndicat interprofessionnel de la montagne est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat interprofessionnel de la montagne et à la ministre des sports.