Arrêtés Plan Loup (2018)/ Prélèvement 10% (+ 2%)/ Viabilité de l’espèce/ Légalité

Conseil d’État

N° 419897
ECLI:FR:Code Inconnu:2019:419897.20191218
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème – 5ème chambres réunies
Mme Airelle Niepce, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public

Lecture du mercredi 18 décembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 419897, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 16 avril 2018 et 26 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 19 février 2018 du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l’agriculture et de l’alimentation fixant le nombre maximum de spécimens de loup (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 420024, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 20 avril 2018 et 5 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association One Voice demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 19 février 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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3° Sous le n° 420098, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 23 avril 2018 et 26 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association France Nature Environnement, la Ligue pour la protection des oiseaux et l’association Humanité et biodiversité demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 19 février 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacune des associations requérantes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule ;
– la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
– le code de l’environnement ;
– l’arrêté du 19 février 2018 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes, formées respectivement par l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), l’association One Voice et l’association France Nature Environnement (FNE) et autres, tendent à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 19 février 2018 fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. D’une part, l’article 12 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite directive  » Habitats  » prévoit que :  » 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : a) toute forme de capture ou de mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ; b) la perturbation intentionnelle de ces espèces, notamment durant la période de reproduction et de dépendance (…) « . Le loup est au nombre des espèces figurant au point a) de l’annexe IV de la directive. L’article 16 de la même directive énonce toutefois que :  » 1. A condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les Etats membres peuvent déroger aux dispositions des article 12, 13, 14 et de l’article 15 points a) et b) : (…) b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété « .

3. D’autre part, aux termes du I de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, pris pour la transposition de la directive  » Habitats  » :  » Lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (…) d’espèces animales non domestiques (…) et de leurs habitats, sont interdits : 1° (…) la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces (…) « . Aux termes de l’article L. 411-2 du même code, pris pour la transposition de l’article 16 de la même directive :  » Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques (…) ainsi protégés ; 2° La durée et les modalités de mise en oeuvre des interdictions prises en application du I de l’article L. 411-1 ; 3° La partie du territoire sur laquelle elles s’appliquent (…) ; 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage (…) et à d’autres formes de propriété « .

4. Enfin, pour l’application de ces dernières dispositions, l’article R. 411-1 du code de l’environnement prévoit que la liste des espèces animales non domestiques faisant l’objet des interdictions définies à l’article L. 411-1 est établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l’agriculture. L’article R. 411-6 du même code précise que  » Les dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. / (…) « . Son article R. 411-13 prévoit que les ministres chargés de la protection de la nature et de l’agriculture fixent par arrêté conjoint pris après avis du Conseil national de la protection de la nature  » (…) / 2° Si nécessaire, pour certaines espèces dont l’aire de répartition excède le territoire d’un département, les conditions et limites dans lesquelles les dérogations sont accordées afin de garantir le respect des dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement « .

5. Dans ce cadre et aux fins de mise en oeuvre du plan national d’action 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage, l’article 2 de l’arrêté du 19 février 2018 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus), pris sur le fondement de l’article R. 411-13 du code de l’environnement, prévoit que le nombre maximum de loups dont la destruction est autorisée, en application de l’ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets, est fixé chaque année selon des modalités prévue par arrêté ministériel. Sur le fondement de ces dispositions, l’article 1er de l’arrêté attaqué fixe à 40 le nombre maximum de loups pouvant être détruits au cours de l’année civile 2018 tout en prévoyant une actualisation ce nombre en cours d’année pour qu’il corresponde à 10 % de l’effectif moyen de l’espèce tel que calculé au printemps 2018. Son article 2 fixe, pour les années civiles suivantes, ce nombre à 10 % de l’effectif moyen de l’espèce tout en prévoyant un dépassement possible de ce plafond correspondant à 2 % de cet effectif moyen pour les tirs de défense simple comme renforcée lorsque le plafond de 10 % est atteint avant la fin de l’année civile. Son article 3 prévoit une possibilité de déroger au double plafond ainsi fixé pour mettre en oeuvre des tirs de défense simple aux fins de protection des troupeaux. Enfin, ses articles 4 et 5 précisent les conditions de détermination de l’effectif moyen de loup ainsi que les conditions de calcul du nombre de loups pouvant être détruits en conséquence.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté attaqué :

6. Aux termes de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement applicable en l’espèce :  » I. – Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. (…) / II. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 123-19-6, le projet d’une décision mentionnée au I, accompagné d’une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique (…). / Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction d’une synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas d’absence d’observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation. / Dans le cas où la consultation d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause est obligatoire et lorsque celle-ci intervient après la consultation du public, la synthèse des observations et propositions du public lui est transmise préalablement à son avis. / Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. / (…) « .

7. En premier lieu, le défaut de publication de la synthèse des observations du public ainsi que des motifs de l’arrêté attaqué est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de celui-ci. Le moyen tiré sur ces points d’une méconnaissance de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement ne peut, dès lors, qu’être écarté.

8. En deuxième lieu, la circonstance que la majorité des observations formulées à l’occasion de la consultation du public organisée aient été défavorables au projet et que celui-ci n’ait pas été modifié en conséquence n’est pas de nature à rendre illégal l’arrêté attaqué.

9. En troisième lieu, d’une part, si les dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, qui précisent les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement est applicable à certains actes réglementaires de l’Etat ayant une incidence directe et significative sur l’environnement, impliquent que ces projets d’acte fassent l’objet d’une publication préalable permettant au public de formuler des observations, elles n’imposent de procéder à une nouvelle publication pour recueillir des observations du public sur les modifications qui sont ultérieurement apportées au projet de décision, au cours de son élaboration, que lorsque celles-ci ont pour effet de dénaturer le projet sur lequel ont été initialement recueillies les observations du public. D’autre part, l’organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l’intervention d’une décision doit être mis à même d’exprimer son avis sur l’ensemble des questions soulevées par cette décision. Par suite, l’administration ne peut valablement se fonder sur l’avis émis par un tel organisme mais doit le consulter de nouveau si les circonstances de fait et de droit au regard desquelles elle prend sa décision se sont modifiées depuis cet avis ou si cette décision soulève une question nouvelle sur laquelle l’organisme n’a pas été mis à même de se prononcer.

10. Il ressort des pièces du dossier que le projet d’arrêté soumis à la consultation du public entre le 8 et le 29 janvier 2018, en application des dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, et à l’avis du Conseil national de la protection de la nature, en application de l’article R. 413-1 du même code, déterminait, d’une part, à ses articles 1er et 2, pour l’année civile 2018 et pour les années suivantes, deux plafonds représentant 10 % puis 2 % supplémentaire de la population estimée de loups (mâles ou femelles, jeunes ou adultes) dont la destruction peut être autorisée et prévoyait, d’autre part, à son article 3, une possibilité de déroger à ces deux plafonds cumulés, pour autoriser des tirs de défense simple, afin d’assurer en permanence la protection des troupeaux domestiques  » en cas de situation exceptionnelle « . Toutefois, l’arrêté publié, bien que ne modifiant pas les dispositions des articles 1er et 2, prévoit, à son article 3 la possibilité d’autoriser des tirs de défense simple, au-delà des deux plafonds cumulés que ces deux articles prévoient afin d’assurer en permanence la protection des troupeaux domestiques  » en cas d’atteinte des plafonds de destruction mentionnés aux articles 1er et 2 « . Or, si cette modification conduit à donner un champ d’application plus large à la possibilité d’autoriser des tirs de défense simple au-delà des plafonds fixés aux articles 1er et 2 afin de permettre la protection des troupeaux tout au long de l’année civile, elle ne conduit pas à modifier la nature du projet soumis à consultation publique, ni à poser une question nouvelle. Par suite, les moyens tirés d’une méconnaissance de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement et de l’article R. 411-13 du même code, faute qu’une nouvelle consultation du public et du Conseil national de la protection de la nature ait été réalisée doivent être écartés.

11. Enfin, ni les dispositions de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit la consultation obligatoire de l’Agence française pour la biodiversité préalablement à l’adoption de l’arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l’irrégularité de sa procédure d’adoption sur ce point ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l’arrêté attaqué :

S’agissant des moyens tirés de la méconnaissance de la Charte de l’environnement, des articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement et de l’article 515-14 du code civil :

12. En premier lieu, d’une part, les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, qui ont notamment pour objet de mettre en oeuvre les objectifs de protection de l’environnement reconnus par la Charte de l’environnement, prévoient expressément la possibilité de déroger, sous certaines conditions, à l’interdiction de destruction de certaines espèces protégées. D’autre part, la possibilité de recourir, dans ce cadre, à des tirs de destruction du loup ne résulte pas des dispositions de l’arrêté attaqué mais de celles de l’arrêté du même jour fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup. Par suite, les moyens tirés de ce que l’arrêté attaqué, en ce qu’il conduit à autoriser la destruction d’animaux sans que le bien fondé et le caractère proportionné des tirs de destruction ne soient établis, méconnaîtrait le principe de conciliation défini à l’article 6 de la Charte de l’environnement et les dispositions de l’article L. 110-2 du code de l’environnement, le troisième considérant de la Charte de l’environnement aux termes duquel  » l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains « , les objectifs de développement durable et du droit des générations futures posés par le II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement et l’article 515-14 du code civil reconnaissant aux animaux la qualité d’  » êtres vivants doués de sensibilité « , ainsi qu’une obligation de vigilance environnementale qui découlerait des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement et le principe de précaution tel que défini au II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement sont sans incidence sur la légalité de l’arrêté attaqué.

13. En deuxième lieu, si l’association One Voice soutient que l’arrêté attaqué méconnaîtrait une obligation de vigilance environnementale qui découlerait des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement ainsi que le principe de précaution tel que défini par le 2° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, les risques invoqués pour la viabilité de l’espèce, qui sont des risques par hypothèse connus, s’agissant d’une règlementation ayant pour objet d’organiser les conditions de mise en oeuvre de dérogation au principe de protection des espèces protégées et de leurs habitats résultant de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 et des articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement pris pour sa transposition, ne sont pas au nombre de ceux, mentionnés au 1° de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, présentant des incertitudes quant à leur réalité et à leur portée en l’état des connaissances scientifiques. Dès lors, le moyen soulevé ne peut en tout état de cause qu’être écarté.

14. Enfin, si l’association One Voice invoque une méconnaissance des principes d’action préventive et de correction, de solidarité écologique, d’utilisation durable et de complémentarité, tels que définis respectivement aux 2°, 6°, 7° et 8° de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, elle n’assortit en tout état de cause pas ces moyens des précisions nécessaires pour permettre d’en apprécier le bien-fondé.

S’agissant des moyens tirés de la méconnaissance de l’article L. 411-2 du code de l’environnement :

15. Les associations requérantes soutiennent que l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 411-2 du code de l’environnement, dès lors qu’il ne respecte pas l’une des trois conditions auxquelles est subordonné l’octroi de dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces protégées, tenant au maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable dans son aire de répartition naturelle.

16. En premier lieu, le premier alinéa de l’article 1er de l’arrêté attaqué dispose que  » Pour l’application de l’article 2 de l’arrêté du 19 février 2018 susvisé, le nombre maximum de spécimens de loups (mâles ou femelles, jeunes ou adultes) dont la destruction est autorisée, en application de l’ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets, est fixé pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018 à 40 loups. / Il est actualisé au printemps de l’année 2018, une fois connu l’effectif moyen de loups estimé annuellement dans les conditions fixées à l’article 5. Il correspond alors à 10 % de cet effectif « .

17. Si les associations requérantes soutiennent que l’effet combiné de ces dispositions avec celles de l’article 1er de l’arrêté du 18 juillet 2017 fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2017-2018, qui avaient fixé à quarante le nombre maximum de loups dont la destruction pouvait être autorisée entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2018 est susceptible de conduire à la destruction d’une proportion de l’effectif moyen de loups très nettement supérieure à 10 % pour l’année 2018 et de mettre, ce faisant, en péril l’état de conservation favorable de l’espèce, il résulte des termes mêmes du second alinéa de l’article 1er de l’arrêté attaqué que le nombre initial de quarante loups dont la destruction peut être autorisée au cours de l’année civile 2018 doit être actualisé en fonction de l’effectif moyen de loups estimé au printemps de cette année afin de correspondre à 10 % de cet effectif moyen. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, sur ce point, doit donc être écarté.

18. En deuxième lieu, il est soutenu que le plafond de 10 % de la population moyenne estimée de loups dont la destruction est autorisée en application de l’arrêté attaqué permet uniquement de garantir une stagnation des effectifs de l’espèce et non sa viabilité à long terme conformément aux objectifs de la directive du 21 mai 1992. Cependant, il ressort des pièces du dossier et en particulier de l’expertise collective réalisée par le Muséum national d’histoire naturelle et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, rendue publique le 7 mars 2017, que si, en l’état des données concernant la population de loups et des connaissances scientifiques relatives à son évolution probable, le seuil de prélèvements permettant de garantir une stabilité des effectifs de l’espèce se situerait autour de 10 % de ceux-ci, les incertitudes entourant ces conditions d’évolution de la population de loups conduisent cette expertise à admettre également un taux de mortalité de 12% supplémentaire par rapport au taux de mortalité  » naturel  » de l’espèce. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les effectifs de loups ont sensiblement augmenté au cours des dernières années malgré un taux de prélèvement, dans le cadre des dérogations accordées sur le fondement de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, égal ou légèrement supérieur à 10 % en corrélation avec une augmentation continue du nombre de zones de présences permanentes et du nombre de meutes. Ainsi, la population de loups sur le territoire national, estimée entre 206 et 358 spécimens au début de la saison 2015-2016, était estimée entre 387 et 477 spécimens en début d’année 2018. Sur la même période, le nombre de zones de présence permanente est passé de 49 à 74 et le nombre de meutes de 30 à 57. Au demeurant, la portée comme la légalité du seuil de 10 % retenu par l’arrêté attaqué doivent être appréciées au regard de l’ensemble du dispositif réglementaire mis en place, et en particulier de l’arrêté de l’arrêté du 19 février 2018 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup. Ces seuils ne constituent ainsi que des plafonds dans le cadre desquels il appartient au préfet d’apprécier, en fonction des circonstances locales, si des dérogations peuvent être autorisées aux regard des conditions posées à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, en vérifiant qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que les mesures envisagées, qui doivent être proportionnées à l’objectif de protection des élevages, ne nuisent pas au maintien de la population des loups, au sein de son aire de répartition naturelle, dans un état de conservation favorable. Par suite, la fixation du nombre de spécimens de loups pouvant être détruits chaque année par référence à un plafond correspondant à 10 % de l’effectif moyen de la population de l’espèce, calculé selon une méthodologie scientifique précisée aux articles 4 et 5 de l’arrêté attaqué, ne méconnaît pas, par elle-même, les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

19. En troisième lieu, le I de l’article 2 de l’arrêté prévoit qu’à compter du 1er janvier 2019, le nombre maximum de loups dont la destruction pourra être autorisée au cours d’une année civile correspond à 10 % de l’effectif moyen de loups estimé annuellement dans les conditions fixées à l’article 5. Le II de cet article précise que le nombre d’animaux résultant de l’application de ce pourcentage doit être actualisé en fonction de l’effectif moyen de loups estimé au printemps. Enfin, le III de cet article dispose que :  » La mise en oeuvre de tirs de défense (simple ou renforcée) pouvant conduire à l’abattage de spécimens de loups peut être autorisée dans la limite de 2 % de l’effectif moyen de loups estimé annuellement, lorsqu’est atteint, avant la fin de l’année civile, le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction est autorisée en application du I et du II « .

20. Ainsi qu’il a été dit au point 18, il ressort en particulier de l’expertise collective réalisée par le Muséum national d’histoire naturelle et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, qu’en l’état des données concernant la population de loups et des connaissances scientifiques relatives à son évolution probable un taux de prélèvement de l’ordre de 12 % des effectifs de la population peut être admis pour garantir une stabilité des effectifs de l’espèce. Par suite, si l’arrêté attaqué permet le cas échéant, et pour la seule mise en oeuvre de tirs de défense, simple comme renforcée, d’atteindre un taux de prélèvement correspondant à 12 % de l’effectif moyen de loups estimé annuellement, cette seule circonstance, alors que, ainsi qu’il a été dit au point 18, il appartient toujours au préfet, avant d’autoriser la mise en oeuvre de tels tirs, de vérifier si les conditions d’octroi de dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces protégées prévues à l’article L. 411-2 du code de l’environnement sont respectées, ne peut être regardée comme conduisant, par elle-même, à une méconnaissance de ces dernières dispositions.

21. En quatrième lieu, l’article 3 de l’arrêté attaqué dispose que :  » En cas d’atteinte des plafonds de destruction mentionnés aux articles 1er et 2, les tirs de défense simple peuvent être autorisés afin d’assurer en permanence la protection des troupeaux domestiques. / Si des loups sont détruits en application de cette disposition et si l’évolution de la dynamique de la population de loups le nécessite, il en est tenu compte l’année suivante pour la mise en oeuvre du présent arrêté ainsi que pour la mise en oeuvre du II de l’article 20 de l’arrêté du 19 février 2018 susvisé « .

22. Ces dispositions permettent au préfet d’autoriser des tirs de défense simple au-delà des plafonds cumulés de 10 et 2% supplémentaires, fixés par les articles 1er et 2 de l’arrêté attaqué. Si cette faculté d’autoriser des tirs supplémentaires se présente comme destinée à assurer la protection des troupeaux, cette condition est par hypothèse remplie au regard des conditions de mise en oeuvre des tirs de défense simple résultant en particulier de l’article 13 de l’arrêté du 19 février 2018 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup. L’article 3 de l’arrêté attaqué permet d’autoriser des tirs de défense au-delà des plafonds résultant des articles 1er et 2 sans qu’aucune limite quantitative ne soit fixée, non plus qu’aucune autre condition de nature à encadrer cette possibilité. Faute d’un tel encadrement, les dispositions de l’article 3 de l’arrêté attaqué ne permettent pas de s’assurer que les dérogations susceptibles d’être accordées sur le fondement de cet article par le préfet ne portent pas atteinte, en l’état des connaissances prévalant à la date de l’arrêté attaqué, à l’état de conservation favorable du loup dans son aire de répartition naturelle. Les associations requérantes sont, par suite, fondées à soutenir que ces dispositions méconnaissent les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

23. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes dirigés contre cet article, ne sont fondées à demander l’annulation pour excès de pouvoir que de l’article 3 de l’arrêté qu’elles attaquent.

Sur les conclusions relatives aux frais d’instance :

24. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l’ASPAS, qui n’a pas eu recours au ministère d’un avocat et n’a pas justifié des frais qu’elle aurait exposés, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros à verser à l’association One Voice et à l’association France Nature Environnement et autres au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :
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Article 1er : L’article 3 de l’arrêté du 19 février 2018 fixant le nombre maximum de spécimens de loup (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année est annulé.
Article 2 : L’Etat versera à l’association One Voice et à l’association France Nature Environnement et autres une somme de 2 000 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’Association pour la protection des animaux sauvages, à l’association One Voice, et à l’association France Nature Environnement, désignée représente unique pour la requête n° 420098, à la ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.