Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 avril 2015, 13-28.207
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte à M. et Mme X…du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mme Y…, ès qualités de liquidateur judiciaire de l’EURL Alpages de Val Cenis ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 22 octobre 2013), que la société PM3C a créé la société civile immobilière Les Arcellins (la SCI) pour la construction et la commercialisation d’une résidence de tourisme en montagne ; que, désireux de réaliser un placement immobilier défiscalisé, M. et Mme X…y ont acquis, sur présentation par la société Selexia et par acte reçu par M. Z…, notaire, un appartement qu’ils ont donné à bail commercial au gestionnaire de cette résidence, la société Compagnie de développement touristique (CDT), filiale de la société PM3C ; qu’après liquidation judiciaire de la société Les Alpages de Val Cenis à laquelle le bail commercial avait été cédé, M. et Mme X…ont assigné la société PM3C, la SCI, la société Selexia et la société civile professionnelle Z…-A…, Z…, B…-Z…et C… (la SCP) en annulation de la vente, restitution du prix et paiement de dommages et intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X…font grief à l’arrêt de rejeter leur demande d’annulation de la vente pour dol de la société PM3C, promoteur, et de la SCI, vendeur, alors, selon le moyen :
1°/ que le dol est constitué en cas d’informations erronées ou de réticence dans la délivrance d’une information ; qu’en écartant le dol du promoteur et du vendeur du chef de la solvabilité de l’exploitant de la résidence, quand la rentabilité de l’opération annoncée dans la plaquette publicitaire, faisant état de « revenus locatifs garantis » et de ce que « le gestionnaire n’avait aucun souci à se faire sur le remplissage de la résidence, les locations lui assur (ant) les recettes nécessaires pour faire face à ses charges et à ses obligations », impliquait la solvabilité du preneur, tout en constatant qu’au chapitre « défaillance du gestionnaire », l’attribution au promoteur d’un capital social de 1 000 000 euros, au lieu de 300 000 euros, était objectivement inexacte, et tout en relevant que les acquéreurs n’avaient pas été informés que la rentabilité de l’exploitation ne pourrait être obtenue sans le règlement de fonds de concours à l’exploitant substitué de la résidence, lequel disposait d’un capital de seulement 10 000 euros, ce dont il résultait que ces informations erronées et ces réticences, prises ensemble, étaient précisément destinées à dissimuler la solvabilité réelle du gestionnaire et à convaincre les investisseurs de s’engager dans un projet financier sur la rentabilité duquel leur appréciation ne pouvait qu’être faussée, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article 1116 du code civil ;
2°/ que le dol est constitué en cas d’informations erronées ou de réticence dans la délivrance d’une information ; qu’en affirmant que la présentation flatteuse de la plaquette publicitaire, en ce qu’elle annonçait, au chapitre « défaillance du gestionnaire », qu’une telle éventualité était limitée et que l’exploitant n’avait aucun souci à se faire sur le remplissage de la résidence, ne pouvait être qualifiée de dolosive dès lors qu’elle était en accord avec les données économiques du moment et que l’obligation de mise en gestion locative pendant neuf ans sanctionnée par la perte des avantages fiscaux avait été mentionnée en cas de revente du bien avant terme, quand aucune information n’avait été délivrée aux acquéreurs sur la perte des avantages fiscaux en cas de défaillance du gestionnaire et de résiliation du bail, la cour d’appel n’a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l’article 1116 du code civil ;
3°/ qu’en déclarant que l’acte authentique de vente portait mention des spécificités de la défiscalisation en zones de revitalisation rurale, quand ledit acte faisait uniquement référence à l’article 42 de la loi Montagne, la cour d’appel l’a dénaturé en violation de l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que la société PM3C disposait, selon le bilan 2005, de fonds propres d’un montant de 1 246 233 euros et retenu que la mention, par la plaquette publicitaire, de revenus locatifs garantis en l’absence de difficulté pour assurer le remplissage de la résidence était en accord avec les données économiques du moment et retenu que cette plaquette indiquait les éléments essentiels de la défiscalisation liée à l’acquisition et à la location de l’appartement, notamment l’obligation de remboursement de l’avantage fiscal en cas de revente avant neuf ans et évoquait la possibilité d’une défaillance du gestionnaire et la nécessité de trouver rapidement un nouveau gestionnaire, la cour d’appel, qui a pu en déduire, abstraction faite d’un motif surabondant relatif aux mentions de l’acte authentique de vente, que les époux X…n’avaient pas été trompés sur la solvabilité du promoteur et du gestionnaire locatif ni sur les conséquences fiscales liées à la perte du gestionnaire, a légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. et Mme X…font grief à l’arrêt de rejeter leur demande indemnitaire formée contre la société Selexia, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation à intervenir du chef du dol du promoteur et du vendeur entraînera l’annulation par voie de conséquence de la disposition par laquelle l’arrêt attaqué a débouté les acquéreurs de leurs demandes indemnitaires contre le courtier en placements immobiliers pour complicité de ce dol en ayant manqué à son obligation d’information et de conseil, en application de l’article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°/ que le conseiller en placements immobiliers défiscalisés est tenu de renseigner les investisseurs éventuels sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du placement qui leur est proposé, ainsi que sur les risques qui lui sont associés et peuvent être le corollaire des avantages annoncés ; qu’en énonçant qu’il ne pouvait être reproché au conseiller aucun manquement relatif aux caractéristiques essentielles de l’opération de défiscalisation, qui avaient été mentionnées dans la plaquette publicitaire établie par le promoteur et dans le contrat de vente, quand il était personnellement tenu d’une obligation d’information à l’égard de ses clients, et sans vérifier, comme elle y était invitée, que l’étude personnalisée élaborée par le prestataire, qui ne comportait qu’une simulation de l’effort d’épargne en cas de perception des loyers, était de nature à renseigner complètement les candidats acquéreurs sur les aléas financiers de l’opération en cas de déconfiture du gestionnaire, ainsi qu’à les informer concrètement de leur impact sur leur patrimoine que les documents publicitaires et de vente ne permettaient pas de mesurer précisément, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d’une part, que le premier moyen étant rejeté, la première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant constaté que la société Selexia avait établi une étude personnalisée détaillée, prenant en considération les avis d’imposition des acquéreurs et rappelant de manière précise les dispositions de la loi Demessine, et retenu qu’elle avait rempli sa mission, aucune critique ne pouvant être formulée sur les simulations établies à partir des données de l’époque sur la base de loyers qui n’étaient pas surévalués ni aucun autre manquement ne pouvant lui être reproché, la cour d’appel, qui a pu en déduire que la demande indemnitaire des acquéreurs ne pouvait être accueillie, a légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. et Mme X…font grief à l’arrêt de rejeter leur demande indemnitaire formée contre la SCP, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation à intervenir du chef du dol du promoteur et du vendeur entraînera l’annulation par voie de conséquence de la disposition par laquelle l’arrêt attaqué a débouté les acquéreurs de leurs demandes indemnitaires contre le notaire pour complicité de ce dol en ayant manqué à son obligation d’information et de conseil, en application de l’article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
2°/ que les notaires sont tenus d’informer et d’éclairer les parties sur la portée et les effets de l’acte auquel ils prêtent leur concours, notamment quant à ses incidences fiscales, ainsi que sur ses risques, et, le cas échéant, de le leur déconseiller, sans que leurs compétences personnelles et la présence d’un conseiller à leur côté ne les dispensent de leur devoir de conseil ; que cette obligation doit prendre en considération les mobiles des parties, extérieurs à l’acte, lorsque le notaire en a eu précisément connaissance ; qu’en affirmant que le notaire chargé de l’établissement d’actes de vente de biens immobiliers n’avait pas vocation à s’exprimer sur l’opportunité économique d’une opération de défiscalisation comportant comme toute opération financière ou économique des aléas que ne pouvaient ignorer les investisseurs, sans vérifier que l’officier public, qui avait participé à l’ensemble de l’opération immobilière et ne pouvait ignorer la motivation fiscale des acquéreurs, avait alerté ces derniers sur les aléas de la défiscalisation attendue, la cour d’appel n’a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l’article 1382 du code civil ;
3°/ qu’en affirmant que l’acte authentique de vente portait mention des spécificités de la défiscalisation en zones de revitalisation rurale, quand ledit acte faisait uniquement référence à l’article 42 de la loi Montagne, la cour d’appel l’a dénaturé en violation de l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu, d’une part, que le premier moyen étant rejeté, la première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant retenu que le notaire chargé de l’établissement d’actes de vente de biens immobiliers n’avait pas vocation à s’exprimer sur l’opportunité économique d’une opération de défiscalisation comportant des aléas que ne pouvaient ignorer les investisseurs, que l’efficacité juridique de l’acte de vente instrumenté par M. Z…n’encourait aucune critique et qu’il n’était pas le rédacteur du bail commercial, la cour d’appel, qui a pu déduire de ces seuls motifs que la demande indemnitaire des acquéreurs ne pouvait être accueillie, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X…aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quinze.