CAA de BORDEAUX
N° 13BX02196
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre (formation à 3)
Mme RICHER, président
M. Olivier MAUNY, rapporteur
M. NORMAND, rapporteur public
LAGIER, avocat
lecture du jeudi 4 juin 2015
Texte intégral
Vu le recours enregistré le 31 juillet 2013 et régularisé par courrier le 5 août 2013, présenté par le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1102546 du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l’arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 30 septembre 2011 autorisant la chasse du grand tétras pour la campagne 2011-2012 ;
2°) de rejeter la demande des associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées, Nature Midi-Pyrénées, et France Nature Environnement 65 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 mai 2015 :
– le rapport de M. Olivier Mauny, premier conseiller ;
– les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
1. Considérant que le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie fait appel du jugement du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l’arrêté du 30 septembre 2011 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a autorisé et fixé les conditions de la chasse du grand tétras pour la campagne 2011-2012, en déterminant les quotas maximums de prélèvement par unité naturelle, et en fixant à 20 oiseaux le prélèvement départemental autorisé ;
Sur l’intervention de la fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées :
2. Considérant que la fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées, eu égard à son objet, a intérêt à l’annulation du jugement attaqué ; qu’elle a produit, par un mémoire enregistré le 17 février 2014, une copie de ses statuts ainsi qu’un extrait d’une délibération de son conseil d’administration du 3 juillet 2013 donnant mandat à son président jusqu’au 30 juin 2016 pour agir en justice » dans toutes actions utiles et devant toutes juridictions compétentes » ; que son intervention est donc recevable, et la fin de non-recevoir opposée par les associations France Nature Environnement 65 et France Nature Environnement Midi-Pyrénées ne peut qu’être écartée ;
Sur la légalité de l’arrêté du 30 septembre 2011 :
3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 1er de la directive 2009/147/CE du parlement européen et du conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages : » 1. La présente directive concerne la conservation de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité est applicable. Elle a pour objet la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et en réglemente l’exploitation. / 2. La présente directive s’applique aux oiseaux ainsi qu’à leurs oeufs, à leurs nids et à leurs habitats. » ; qu’aux termes de l’article 2 de la même directive: » Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles. » ; que selon l’article 7 de cette directive : » 1. En raison de leur niveau de population, de leur distribution géographique et de leur taux de reproductivité dans l’ensemble de la Communauté, les espèces énumérées à l’annexe II peuvent faire l’objet d’actes de chasse dans le cadre de la législation nationale. Les États membres veillent à ce que la chasse de ces espèces ne compromette pas les efforts de conservation entrepris dans leur aire de distribution. / (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que si la chasse au grand tétras, qui figure dans la deuxième partie de l’annexe II de la directive, n’est pas interdite de manière générale et absolue sur l’ensemble du territoire national, elle doit être réglementée de manière à assurer la conservation de cette espèce protégée dans son aire naturelle de distribution et de reproduction ;
4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 425-14 du code de l’environnement : » Dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat, le ministre peut, après avis de la Fédération nationale des chasseurs et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, fixer le nombre maximal d’animaux qu’un chasseur est autorisé à prélever dans une période déterminée sur un territoire donné. Dans les mêmes conditions, le préfet peut, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, fixer le nombre maximal d’animaux qu’un chasseur ou un groupe de chasseurs est autorisé à prélever dans une période déterminée sur un territoire donné. Ces dispositions prennent en compte les orientations du schéma départemental de gestion cynégétique. » ;
5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées que le préfet des Hautes-Pyrénées pouvait, pendant la campagne de chasse 2011-2012, autoriser les chasseurs à chasser des grands tétras, dans la mesure seulement où le nombre maximal des individus chassés permettait de ne pas compromettre les efforts de conservation entrepris dans l’aire de distribution de cette espèce, c’est-à-dire en l’occurrence dans les Pyrénées ; que tel n’est pas le cas, en revanche, lorsque ces efforts de conservation ne suffisent pas à empêcher une diminution sensible des effectifs de grands tétras, dès lors qu’une telle diminution est susceptible de conduire, à terme, à la disparition de l’espèce ;
6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la population globale de grands tétras, a connu, au plan national et sur l’ensemble de la chaîne des Pyrénées, qui accueille la population la plus importante de grands tétras vivant en France, une réduction importante de ses effectifs, de l’ordre de 60 % entre 1960 et 1994 et de 25 % entre 1995 et 2005 s’agissant des Pyrénées ; que le document intitulé » stratégie nationale d’actions en faveur du grand tétras 2012-2021 « , édité par le ministère de l’ écologie, du développement durable, des transports et du logement, relève que si les effectifs de coqs de grands tétras ont stagné de 2003 à 2006, la tendance à la baisse des effectifs de cette espèce est de nouveau observée, de manière continue, à partir de 2007 ; qu’il ressort, également, des indicateurs établis par l’observatoire des galliformes de montagne pour 2011 que les effectifs de coqs, lesquels servent à déterminer la population totale de grands tétras, ont enregistré pour la zone du piémont central une baisse comprise entre 58 et 25 % pour la période 2000-2011, et entre 45 et 6 % pour la période 2005-2011 ; que sur la même zone, l’indice de reproduction de 1,3 correspond à une reproduction moyenne ; que sur la zone de la haute chaîne centrale, les indicateurs de tendance font état d’une baisse comprise entre 38 et 13 % pour la période 2000-2011, et entre 33 et 8 % pour la période 2005-2011, avec un indice de reproduction de 1 représentant la limite basse d’une reproduction moyenne ; qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que la population des grands tétras aurait connu une inversion de cette tendance à la baisse pour l’année 2011/2012, dans le département des Hautes-Pyrénées et dans les zones du Piémont et de la haute chaîne centrale ; que si le ministre fait valoir que la régression serait maîtrisée, les chiffres dont il se prévaut, relatifs à l’année 2010, font état d’une diminution de la population à l’échelle des Pyrénées, mais aussi d’une diminution, ou d’une stagnation des effectifs après une diminution marquée en 2007, selon les unités naturelles du département ; qu’il en résulte que, nonobstant les efforts de préservation de la population et de l’habitat du grands tétras et les conditions restrictives imposées dans l’arrêté pour sa chasse, les actions de conservation entreprises risquent d’être compromises par des prélèvements supplémentaires ; que, par suite, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l’autorisation donnée par le préfet de prélèvement d’un nombre même limité de grand tétras était de nature à compromettre l’objectif de conservation de cette espèce dans son aire de distribution ;
7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l’arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 30 septembre 2011 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par les associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées et France Nature Environnement 65, et non compris dans les dépens ;
9. Considérant en revanche que les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par la fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées, qui n’est pas une partie à l’instance, ne peuvent qu’être rejetées ;
DECIDE
Article 1er : L’intervention de la fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées est admise.
Article 2 : La requête du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie est rejetée.
Article 3 : L’Etat versera aux associations France Nature Environnement Midi-Pyrénées et France Nature Environnement 65 la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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