Convention de pâturage/ Candidat évincé/ Domaine privé/ Compétence judiciaire

 

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 13LY01991
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. MARTIN, président
Mme Catherine COURRET, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
SCP BODECHER-CORDEL-BETEMPS, avocat

lecture du mardi 21 octobre 2014

1. Considérant que la commune de Champagny-en-Vanoise relève appel du jugement du 28 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, à la demande du groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G…A…, a annulé la délibération du 15 mai 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune a autorisé le maire à signer, d’une part, avec le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais, représenté par Mme B…C…, une convention de pâturage limitée en durée à la saison d’été 2009 et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » dont les associés sont M. et MmeE…, une convention pluriannuelle de pâturage à partir du 1er janvier 2010 ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant que la contestation par une personne privée de l’acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu’en soit la forme, dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n’affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu’en revanche, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la contestation par l’intéressé de l’acte administratif par lequel une personne morale de droit public refuse d’engager avec lui une relation contractuelle ayant un tel objet ;

3. Considérant que la commune de Champagny-en-Vanoise est propriétaire de l’alpage de la Plagne d’une superficie totale de 779 ha 27 a sur lequel est implanté un chalet destiné à la fabrication du beaufort et au logement ; que la commune a lancé, en décembre 2008, une procédure d’adjudication afin de procéder au renouvellement de la convention pluriannuelle de location de l’alpage précédemment exploité par MmeC… ; qu’à la suite de cette procédure d’appel d’offres, du classement des candidats à l’adjudication et de leur demande d’autorisation d’exploiter l’alpage précité, le préfet de la Savoie, par deux arrêtés du 22 avril 2009 a accordé l’autorisation d’exploiter, d’une part, à MmeC…, M. D…et M. A…ayant vocation à créer le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais pour la prochaine période d’estive et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » à compter du 1er janvier 2010 ; que par une délibération du 15 mai 2009, le conseil municipal de la commune de Champagny-en-Vanoise, a autorisé le maire, conformément aux arrêtés préfectoraux précités, à signer, d’une part, avec le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme C… une convention de pâturage limitée à la durée de la saison d’été 2000 et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » une convention pluriannuelle de pâturage à partir du 1er janvier 2010 ; que, pour annuler ladite délibération, les premiers juges se sont prononcés sur la régularité de la convention de pâturage accordée au groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par MmeC…, autorisation temporaire pour la période d’estive 2009 ; que ces conventions, dont l’objet est la valorisation du domaine privé de la commune, qui n’affectent ni son périmètre ni sa consistance, ne mettent en cause que des rapports de droit privé ; que le présent litige relève à ce titre de la compétence du juge judiciaire ; qu’il y a lieu en conséquence d’annuler le jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant, toutefois, que le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par MmeC…, peut être regardé comme contestant, en sa qualité de concurrent évincé, le refus de la commune de lui attribuer une convention pluriannuelle sur des terres agricoles dont elle est propriétaire ;

5. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Dijon par le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G…A…et de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur leurs conclusions présentées en qualité de concurrent évincé ;

Sur la légalité de la délibération attaquée :

6. Considérant qu’eu égard à ce qui vient d’être dit, il y a lieu de rejeter les conclusions de cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur le refus de conclure une convention pluriannuelle de pâturage :

7. Considérant, en premier lieu, que la délibération litigieuse, en tant qu’elle a rejeté sa candidature, ne constitue pas le refus d’une autorisation ; que, par suite, le groupement pastoral ne peut utilement faire valoir qu’elle devait être motivée ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que la délibération attaquée qui autorise le maire à signer deux conventions relatives à l’exploitation de l’alpage communal ne respecterait pas la durée minimale des conventions pluriannuelles prévue par un arrêté préfectoral du 30 novembre 2007 est sans incidence sur le refus de conclure qui leur est opposé ;

9. Considérant, en troisième lieu, que le groupement pastoral, qui se borne à invoquer sa situation financière, n’apporte aucun élément de nature à établir que la commune aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en attribuant la convention pluriannuelle de pâturage à l’EARL  » Ferme aux Abondances  » ;

10. Considérant, enfin, que le moyen tiré de la rupture d’égalité de traitement des candidats n’est assorti d’aucun élément permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la collectivité, que la commune de Champagny-en-Vanoise est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a annulé sa délibération du 15 mai 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune a autorisé le maire à signer, d’une part, avec le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais, représenté par Mme B…C…, une convention de pâturage limitée en durée à la saison d’été 2009 et, d’autre part, avec l’EARL  » Ferme aux Abondances  » dont les associés sont M. et Mme E… une convention pluriannuelle de pâturage à partir du 1er janvier 2010 ;

12. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Champagny-en-Vanoise présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0903322 du tribunal administratif de Grenoble du 28 mai 2013 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G…A…en première instance et celles présentées en appel par commune de Champagny-en-Vanoise sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : La demande présentée en première instance par le groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais représenté par Mme B…C…, M. H…D…et M. G… A…est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Champagny-en-Vanoise présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Champagny-en-Vanoise, au groupement pastoral de la Grande Plagne des Champagnolais, à Mme B…C…, à M. H… D…et à M. G… A….