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Vente de volumes au-dessus d’un garage utilisé pour l’exploitation de remontées mécaniques/ Accessoire du domaine public (non)/ Nécessité d’un déclassement (non

CAA de LYON – 4ème chambre

  • N° 21LY04155
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du jeudi 03 novembre 2022

Président

  1. ARBARETAZ

Rapporteur

Mme Aline EVRARD

Rapporteur public

  1. SAVOURE

Avocat(s)

SELARL COOK-QUENARD

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure

M. C… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, la délibération du 23 juillet 2018 par laquelle le conseil municipal de Val d’Isère (Savoie) a autorisé le maire à procéder à la vente du lot en volume n° 2 défini dans un état descriptif de division des volumes joint à la délibération et aux conditions définies dans la délibération du 19 décembre 2017, ainsi que les décisions implicite et expresse de rejet de son recours gracieux nées respectivement les 24 novembre 2018 et 7 décembre 2018 et, d’autre part, la délibération du 4 février 2019 par laquelle le conseil municipal a approuvé la modification de l’état descriptif de division ainsi que le plan de division en résultant et autorisé le maire à procéder à la vente des lots en volume n° 4 et 6 aux conditions définies dans la délibération du 19 décembre 2017.

Par jugement nos 1900352-1902466 du 19 octobre 2021, le tribunal a annulé les délibérations du 23 juillet 2018 et du 4 février 2019 ainsi que la décision du 7 décembre 2018 rejetant le recours gracieux formé par M. A… et a enjoint au maire de Val d’Isère de procéder à la résolution des contrats de cession ou, à défaut d’accord des parties, de saisir le juge du contrat afin qu’il tire les conséquences de l’annulation des délibérations des 23 juillet 2018 et 4 février 2019, dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement.

Procédures devant la cour

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2021 et le 2 septembre 2022, ce dernier non communiqué, sous n° 21LY04155, la société Holdispan et la société Chalet Izia, venant aux droits de la société Holdispan, représentées par Me Quenard, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de M. A… ;

3°) de mettre à la charge de M. A… la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
– dans la mesure où la délibération du 23 juillet 2018 prévoit la cession à la société Holdispan ou à toute société se substituant à elle, elle a intérêt à contester le jugement ;
– les ventes autorisées par les délibérations du 23 juillet 2018 et du 4 février 2019 n’ont pas été consenties à vil prix, dès lors qu’un prix supplémentaire de 277 730 euros a été versé le 17 décembre 2020 pour tenir compte de la surface supplémentaire créée ;
– la cession par la copropriété Les Turios d’un terrain ne peut être utilisée comme terme de comparaison pour évaluer la valeur vénale des biens en litige, dès lors que ces derniers ont vocation à être utilisés au sein d’un hôtel ;
– les volumes n°4 et 6 sont des volumes techniques créés afin de conforter la construction sur le garage de la société STVI mais ne sont pas à l’origine d’une surface de plancher supplémentaire ;
– le prix a été fixé d’un commun accord, sans que la commune ne leur ait imposé une quelconque charge particulière ;
– l’avis du service des domaines n’était pas requis dès lors que la commune compte moins de 2000 habitants.
Par mémoire enregistré le 8 avril 2022, M. A…, représenté par Me Ledoux, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Val d’Isère au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– la requête de la société Holdispan est irrecevable dès lors que cette société, qui n’est pas la bénéficiaire de la vente, n’a pas intérêt à agir ;
– le maire de Val d’Isère n’est pas habilité pour représenter la commune et la requête qu’il a présentée est irrecevable ;
– les délibérations contestées méconnaissent les articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales dès lors qu’il n’est pas démontré qu’elles ont été prises après envoi d’une convocation écrite au domicile des conseillers municipaux, accompagnée d’une note explicative de synthèse ;
– les convocations ne comportent pas d’information suffisante, dès lors que l’identité de l’acquéreur n’est pas mentionnée et que les motifs justifiant l’ajout d’une nouvelle parcelle ne sont pas précisés ;
– les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues, dès lors que l’avis de l’autorité compétente de l’Etat en vue de l’évaluation des biens immobiliers en cause n’a pas été sollicité ;
– les biens immobiliers ont été cédés à un prix inférieur à leur valeur vénale, dès lors que les lots en volumes n° 2, 4 et 6, issus de la division des parcelles cadastrées section AI n°1 et AH n°288 ont été cédés sans contrepartie financière ;
– la commune de Val d’Isère ne démontre pas l’existence d’un motif d’intérêt général justifiant la cession à un prix inférieur à la valeur vénale, dès lors notamment que cette cession n’est pas rendue nécessaire par la construction des garages de la STVI ;
– en tout état de cause, le prix total de cession, soit en moyenne 4 273,50 euros par m2, est inférieur de plus de 50% au prix auquel une parcelle similaire a été cédée en 2017 ;
– les biens cédés situés sur la parcelle cadastrée AH n°200, qui était exploitée comme gare de téléphérique, et les lots en volume situés au-dessus de la parcelle cadastrée section AI n°1 constituent des dépendances du domaine public qui présentent un caractère inaliénable ;
– la cession n’a pas été effectuée dans des conditions régulières dès lors qu’elle aurait dû être précédée des mesures de publicité ainsi que d’un appel d’offre.
Par mémoire enregistré le 20 septembre 2022, non communiqué, la commune de Val d’Isère, représentée par Me Petit, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de M. A… ;

3°) de mettre à la charge de M. A… la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le maire a été habilité pour représenter la commune à l’instance ;
– la demande tendant à l’annulation de la délibération du 19 décembre 2017 est tardive et, par suite, irrecevable ;
– les ventes autorisées par les délibérations du 23 juillet 2018 et du 4 février 2019 n’ont pas été consenties à vil prix, dès lors qu’un prix supplémentaire de 277 730 euros a été versé le 17 décembre 2020 pour tenir compte de la surface supplémentaire créée ;
– par une délibération du 7 mars 2022 faisant suite au jugement, elle a pris acte de ce complément de prix de 277 730 euros, s’agissant du lot n°2, et d’un prix de 15 400 euros pour les lots n° 4 et 6 ;
– la convocation des conseillers municipaux était régulière et ces derniers ont bénéficié d’une information suffisante ;
– l’avis du service des domaines n’était pas requis dès lors que la commune compte moins de 2000 habitants ;
– les principes de la commande publique ne sont pas applicables aux délibérations attaquées.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 décembre 2021 et le 20 septembre 2022, ce dernier non communiqué, sous le n° 21LY04255, la commune de Val d’Isère, représentée par Me Petit, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement nos 1900352-1902466 du 19 octobre 2021 ;

2°) de rejeter les demandes de M. A… ;

3°) de mettre à la charge de M. A… la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– le maire a été habilité pour représenter la commune à l’instance ;
– dès lors que le principe de la cession des volumes à la société Holdispan et son prix avaient été décidés par une délibération du 19 décembre 2017, devenue définitive, les conclusions de M. A… tendant à l’annulation de ces décisions sont tardives et, par suite, irrecevables ;
– les ventes autorisées par les délibérations du 23 juillet 2018 et du 4 février 2019 n’ont pas été consenties à vil prix, dès lors qu’un prix supplémentaire de 277 730 euros a été versé le 17 décembre 2020 pour tenir compte de la surface supplémentaire créée ;
– par une délibération du 7 mars 2022 faisant suite au jugement, elle a pris acte de ce complément de prix de 277 730 euros, s’agissant du lot n° 2, et d’un prix de 15 400 euros pour les lots n°4 et 6 ;
– la convocation des conseillers municipaux était régulière et ces derniers ont bénéficié d’une information suffisante ;
– l’avis du service des domaines n’était pas requis dès lors que la commune compte moins de 2000 habitants ;
– les principes de la commande publique ne sont pas applicables aux délibérations attaquées.
Par mémoire enregistré le 8 avril 2022, M. A…, représenté par Me Ledoux, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Val d’Isère au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il reprend les moyens soulevés dans la requête n° 21LY04155.

III. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2021 et le 20 septembre 2022, ce dernier non communiqué, sous le n°21LY04256, la commune de Val d’Isère, représentée par Me Petit, demande à la cour :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1900352-1902466 du 19 octobre 2021 ;

2°) de mettre à la charge de M. A… la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le maire a été habilité pour représenter la commune à l’instance ;
– dès lors que le principe de la cession des volumes à la société Holdispan et son prix avaient été décidés par une délibération du 19 décembre 2017, devenue définitive, les conclusions de M. A… tendant à l’annulation de ces décisions sont tardives et, par suite, irrecevables ;
– les ventes autorisées par les délibérations du 23 juillet 2018 et du 4 février 2019 n’ont pas été consenties à vil prix, dès lors qu’un prix supplémentaire de 277 730 euros a été versé le 17 décembre 2020 pour tenir compte de la surface supplémentaire créée ;
– par une délibération du 7 mars 2022 faisant suite au jugement, elle a pris acte de ce complément de prix de 277 730 euros, s’agissant du lot n° 2, et d’un prix de 15 400 euros pour les lots n° 4 et 6 ;
– la convocation des conseillers municipaux était régulière et ces derniers ont bénéficié d’une information suffisante ;
– l’avis du service des domaines n’était pas requis dès lors que la commune compte moins de 2 000 habitants ;
– les principes de la commande publique ne sont pas applicables aux délibérations attaquées.

Par mémoire enregistré le 11 mars 2022, M. A…, représenté par Me Ledoux, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Val d’Isère au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il reprend les moyens soulevés dans la requête n° 21LY04155.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code du tourisme ;
– le décret n° 2012-1479 du 27 décembre 2012 ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure,
– les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
– et les observations de Me Corbalan pour la commune de Val d’Isère.

Considérant ce qui suit :

1. La société Holdispan, aux droits de laquelle est venue la société Chalet Izia, a déposé, le 3 novembre 2017, une demande de permis de construire sur une parcelle cadastrée … à Val d’Isère (Savoie) appartenant à la commune de Val d’Isère, en vue de la construction, au-dessus du garage exploité par la société des téléphériques de Val d’Isère (STVI), de bâtiments destinés à être exploités en tant qu’hôtel et à usage d’habitation. Le conseil municipal de Val d’Isère a décidé, par une délibération du 19 décembre 2017, d’autoriser le maire à procéder à la vente de ce bien aux prix et conditions fixés dans le compromis de vente qui y était annexé. Le permis de construire a été délivré à la société Holdispan le 14 février 2018. La construction des bâtiments entraînant un porte-à-faux empiétant sur la parcelle contiguë, cadastrée …, le conseil municipal a, par une délibération du 23 juillet 2018, autorisé le maire à procéder à la vente du lot en volume n° 2 défini dans un état descriptif de division des volumes joint à la délibération et aux conditions définies dans la délibération du 19 décembre 2017. Puis par une délibération du 4 février 2019, le conseil municipal a approuvé la modification de l’état descriptif de divisions ainsi que le plan de division en résultant et autorisé le maire à procéder à la vente des lots en volume n° 4 et 6 aux conditions définies dans la délibération du 19 décembre 2017. Le 15 mars 2019, la commune de Val d’Isère a cédé à la société Chalet Izia les lots en volume n° 2, 4 et 6 situés sur les parcelles cadastrées … issues de l’ancienne parcelle …. Par jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de M. A…, annulé les délibérations du 23 juillet 2018 et du 4 février 2019 ainsi que la décision du 7 décembre 2018 rejetant le recours gracieux formé à l’encontre de ces délibérations, et a enjoint au maire de procéder à la résolution des contrats de cession ou, à défaut d’accord des parties, de saisir le juge du contrat afin qu’il tire les conséquences de l’annulation des délibérations, dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement. La commune de Val d’Isère, d’une part, et les sociétés Holdispan et Chalet Izia, d’autre part, relèvent appel de ce jugement. La commune de Val d’Isère demande en outre qu’il soit sursis à son exécution en application de l’article R. 811-15 du code de justice administrative.
2. Il y a lieu de joindre, pour qu’il y soit statué par un même arrêt, les requêtes nos 21LY04155, 21LY04255 et 21LY04256 qui sont relatives à une même cession et sont dirigées contre le même jugement.
Sur les requêtes nos 21LY04155 et 21LY04255 :
3. Par la délibération du 19 décembre 2017 qui renvoie sur ce point au compromis de vente conclu entre la commune de Val d’Isère et la société Holdispan, le conseil municipal de Val d’Isère a décidé de conserver la propriété des ouvrages techniques situés sur la parcelle cadastrée section AI n° 1 et de céder à la société Holdispan, après division en volumes, les lots en volumes situés en surplomb de la parcelle. Le conseil municipal, qui n’a pas sollicité l’avis des services de l’évaluation domaniale, a décidé de fixer le prix de la cession à 600 euros par m2, s’agissant des surfaces d’hôtel, et à 2500 euros par m2 pour les surfaces à usage d’habitation. Compte tenu des prévisions du projet initial, qui comportait la création de surfaces de plancher de 3 829 m2 à usage d’hôtel et de 1152 m2 à usage d’habitation, le prix de la cession a été fixé à 5 177 400 euros. La délibération précisait que ce montant constituait un prix minimum et que le prix définitif serait déterminé compte tenu de la surface réellement construite. L’ensemble constitué des lots en volumes n° 2, 4 et 6, situés sur les parcelles cadastrées … issues de l’ancienne parcelle …, a été cédé au prix de 5 177 400 euros. Par un acte du 17 décembre 2020 portant constatation de la variabilité à la hausse du prix de vente et quittance, la société Chalet Izia a versé à la commune de Val d’Isère une somme de 277 730 euros à raison de la cession d’une surface de plancher supplémentaire de 197,20 m2. Enfin, par une délibération du 7 mars 2022, le conseil musical de Val d’Isère a pris acte de ce complément de prix de 277 730 euros, s’agissant du lot n° 2, et d’un prix de 15 400 euros pour les lots n° 4 et 6.
4. La circonstance que la vente des volumes n° 4 et 6 puis celle des volumes n° 2, 4 et 6 aient été approuvées au prix inchangé de 5 177 400 euros par les délibérations du 23 juillet 2018 et du 4 février 2019 n’est pas, à elle seule, de nature à démontrer que l’ensemble des biens réels immobiliers cédés par la commune l’a été à un prix inférieur à leur valeur vénale, le lot n° 2 n’ayant qu’une incidence marginale et les droits ouverts par les trois lots devant être appréciés dans leur globalité. En outre, les transactions de 2017 dont se prévaut M. A… portant sur les parcelles AI n°144 et AD n° 90 à Val d’Isère, ainsi que celle approuvée par délibération du 7 octobre 2018 pour un terrain communal, se rapportent à des ventes de terrains constructibles. Elles ne peuvent être regardées comme des termes de comparaison pertinents pour évaluer le prix de vente de lots en volume situés au-dessus d’une construction utilitaire, n’ouvrant aucune possibilité d’aménagement de stationnement et soumis à des sujétions inhérentes à l’usage du volume inférieur. Il en résulte que la société Chalet Izia et la commune de Val d’Isère sont fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations du 23 juillet 2018 et du 4 février 2019 et la décision du 7 décembre 2018 rejetant le recours gracieux de M. A…, au motif que les cessions étaient intervenues à vil prix.

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. A… devant le tribunal administratif et la cour.
6. En premier lieu, aux termes de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales :  » Toute cession d’immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l’avis de l’autorité compétente de l’Etat « . En vertu de l’article R. 2151-2 du même code, le chiffre de la population qui sert de référence pour l’application de l’article L. 2241-1 est celui de la population totale, obtenu par addition au chiffre de la population municipale de celui de la population comptée à part. Aux termes de l’article 2 du décret n° 2012-1479 du 27 décembre 2012 :  » Les chiffres de la population municipale et de la population totale des communes, des cantons et des arrondissements sont arrêtés aux valeurs figurant dans les tableaux consultables sur le site internet de l’Institut national de la statistique et des études économiques (http://www.insee.fr) « .
7. Il est constant que la population de la commune de Val d’Isère, recensée en application des dispositions précitées, est inférieure à 2 000 habitants. L’avis des services spécialisés de l’Etat en matière domaniale n’avait donc pas à être recueilli, sans égard au surclassement démographique de la commune qui en ce qu’il a été prononcé en application de l’article L. 133-19 du code du tourisme, n’a pas d’incidence sur les conditions d’application de l’article L. 2241-1 précité du code général des collectivités territoriales.
8. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, dans sa version alors applicable :  » Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l’ordre du jour (…) Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux (…) « . Aux termes de l’article L. 2121-12 du même code :  » Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal « . Aux termes de l’article L. 2121-13 du même code :  » Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération « .
9. Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d’une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l’ordre du jour. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires, doit permettre aux conseillers municipaux de connaître le contexte et de comprendre les motifs de fait et de droit ainsi que les implications des mesures envisagées. Elle n’impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.
10. Il ressort des pièces du dossier que les conseillers municipaux ont été convoqués le 18 juillet 2018 et le 28 janvier 2019 par le maire de Val d’Isère, par courriers adressés à leur domicile, aux réunions du conseil municipal du 23 juillet 2018 et du 4 février 2019, et que ces convocations indiquaient que figuraient à l’ordre du jour la vente de la parcelle …. La circonstance que les convocations mentionnaient que le cessionnaire était M. B…, alors que les cessions ont été effectuées au bénéfice de la société dont ce dernier est le gérant, la société Holdispan, n’est pas de nature à avoir induit en erreur les conseillers municipaux sur la portée de ce point figurant à l’ordre du jour. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu’un membre du conseil municipal ait, à la réception de ces convocations, fait valoir son droit à être informé plus précisément des sujets qui y figuraient. Si M. A… soutient que ces convocations n’étaient pas accompagnées d’une note explicative de synthèse portant sur les points portés à l’ordre du jour, la commune de Val d’Isère comptant moins de 3500 habitants, les dispositions de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ne lui sont pas applicables pour les motifs exposés au point 7. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 8, pris en toutes ses branches, ne peut qu’être écarté.
11. En troisième lieu, avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l’appartenance d’un bien au domaine public était subordonnée à la condition que de l’affectation ou de l’aménagement spécial du bien pour son affectation au service public ou un usage direct du public, si nécessaire, après aménagement.
12. Il ressort des pièces du dossier que si les lots en volume n° 2, 4 et 6 sont situés au-dessus d’un garage utilisé par la STVI, concessionnaire de l’exploitation des remontées mécaniques, et en surplomb d’un chemin d’accès à la gare de départ du téléphérique de Solaise, ils ne sont pas, par eux-mêmes, affectés à l’usage direct du public ou à une activité de service public. Par ailleurs, si le garage constitue un ouvrage affecté au service public de l’exploitation des pistes de ski et spécialement aménagé à cet effet, il ne ressort pas des pièces du dossier que les lots en volume comprendraient des aménagements présentant une utilité directe pour cet ouvrage, notamment pour sa solidité ou son étanchéité, et qu’ils en constitueraient par suite l’accessoire. Par ailleurs, si la commune de Val d’Isère a été regardée comme possédant la parcelle cadastrée AH n° 200 par un acte de reconnaissance acquisitive du 15 décembre 2018 dès lors qu’elle en avait, depuis au moins trente ans, assuré l’entretien et l’exploitation en y implantant la gare de téléphérique, il ne ressort pas des pièces du dossier que le cheminement piétonnier permettant l’accès à cette gare, et au-dessus duquel se trouvent les lots en volumes n° 4 et 6, aient fait l’objet d’un aménagement spécial. Il en résulte qu’à la date des délibérations contestées, les lots en volumes n° 2, 4 et 6 appartenaient au domaine privé de la commune. Par suite, M. A… n’est pas fondé à soutenir que ces lots en volume ne pouvaient faire l’objet d’une cession en raison de leur appartenance au domaine public communal.
13. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que les délibérations contestées ont pour objet d’autoriser la cession par la commune de droits réels immobiliers, en vue pour le cessionnaire de la construction d’un hôtel et d’une résidence à usage d’habitation. Ainsi qu’il a été dit précédemment, il n’est pas établi que le prix auquel la commune a cédé les droits réels immobiliers en cause ait été inférieur à leur valeur vénale, ni que ces biens seraient constitutifs de dépendances du domaine public communal. Il ne ressort d’aucune des pièces du dossier que la commune deviendrait propriétaire de ces ouvrages à l’issue des travaux, ni qu’elle disposerait d’un titre juridique quelconque lui en assurant la disponibilité, ni encore qu’elle pourrait tirer des avantages de leur utilisation ou de leur cession future ou qu’elle aurait participé financièrement à leur réalisation. En outre, il ressort des pièces du dossier qu’elle n’a exercé aucune influence sur l’architecture du bâtiment et qu’elle s’est bornée à reporter sur l’acquéreur les exigences de l’article L. 342-1 du code du tourisme pour la répartition des superficies hôtelière et résidentielle. De telles contraintes lui étant extérieures et susceptibles de s’appliquer de plein droit, elles ne sont pas de nature à démontrer que la cession en litige aurait été conclue pour répondre aux besoins de la collectivité en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix. Il suit de là que le moyen tiré de l’absence de publicité et de mise en concurrence propre à la commande publique doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations du 23 juillet 2018 et du 4 février 2019 ainsi que la décision du 7 décembre 2018 rejetant le recours gracieux formé par M. A… et a enjoint à la commune de procéder à la résolution des contrats de cession ou, à défaut d’accord des parties, de saisir le juge du contrat afin qu’il tire les conséquences de l’annulation des délibérations des 23 juillet 2018 et 4 février 2019, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement. Les demandes à fins d’annulation et d’injonction présentées au tribunal par M. A… doivent, en conséquence, être rejetées.
Sur la requête 21LY04256 :
15. Dès lors que le présent arrêt statue au fond sur les conclusions de la requête 21LY04255 de la commune de Val d’Isère tendant à l’annulation du jugement en litige, les conclusions de la requête n° 21LY04256 tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Par suite, il n’y a pas lieu d’y statuer.
Sur les frais du litige :
16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la commune de Val d’Isère qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. A… une quelconque somme sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21LY04256.
Article 2 : Le jugement nos 1900352, 1902466 du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 3 : La demande de M. A… et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Val d’Isère, à la société Holdispan, à la société Chalet Izia et à M. A….

Délibéré après l’audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 3 novembre 2022.

La rapporteure,
A. Evrard
Le président,
Ph.Arbarétaz
Le greffier,
J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,

2
Nos 21LY04155, 21LY04255, 21LY04256

 

Articulation UTN/ Directives Habitats et Oiseaux – Conventionnalité

Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 23/11/2022, 452173, Inédit au recueil Lebon

 

Rapporteur

Mme Airelle Niepce

Rapporteur public

  1. Stéphane Hoynck

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 mai 2021 et 5 janvier et 17 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association France nature environnement et l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur leur demande, reçue le 3 mars 2021, tendant à ce que soient prises les mesures utiles nécessaires à assurer l’articulation entre les régimes de protection des espèces protégées et de leurs habitats et celui des planifications et autorisations de travaux propres aux activités touristiques en montagne aux fins d’application des dispositions des articles L. 425-15 du code de l’urbanisme et L. 411-1 du code de l’environnement et de correcte transposition de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, et de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

2°) d’enjoindre à la ministre de prendre, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision à intervenir, lesdites mesures, en assortissant cette injonction d’une astreinte de 30 000 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle portant sur l’interprétation combinée des dispositions des directives 92/43/CEE et 2009/147/CE et l’application du principe de prévention qui les sous-tend pour déterminer si elles imposent une évaluation des incidences et la démonstration d’une raison impérative d’intérêt public majeur préalablement à la décision de l’autorité chargée d’approuver ou d’autoriser un dispositif programmatique lorsque les projets et opérations qu’il décrit sont susceptibles de porter atteinte à l’interdiction de procéder à la perturbation intentionnelle d’espèces animales protégées et à la destruction, l’altération et la dégradation de leurs milieux particuliers ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacune d’elles au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
– la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
– la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 ;
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– le décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre reçue le 3 mars 2021, les associations France nature environnement et France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes ont demandé à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales de prendre toutes mesures utiles pour que l’articulation entre le régime de protection des espèces protégées et de leurs habitats et celui des planifications et autorisations des travaux propres aux activités touristiques en montagne soit effectivement assurée conformément au droit de l’Union européenne. Cette demande doit être interprétée comme tendant à ce que soit prise toute mesure nécessaire à la complète mise en œuvre des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement ainsi que de l’article L. 425-15 du code de l’urbanisme s’agissant, en zone de montagne, d’une part, des projets de remontées mécaniques et d’aménagements de domaine skiable, d’autre part, des projets d’unité touristique nouvelle, en conformité avec les objectifs de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages. Les deux associations demandent l’annulation pour excès de pouvoir du refus implicite qui leur a été opposé, résultant du silence gardé pendant plus de deux mois sur leur demande.

2. L’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande des requérantes de prendre toute mesure utile permettant la complète application de dispositions législatives aux fins de correcte transposition des dispositions d’une directive réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office en vertu des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le pouvoir réglementaire de prendre ces mesures. Il s’ensuit que lorsqu’il est saisi de conclusions aux fins d’annulation d’un tel refus, le juge de l’excès de pouvoir est conduit à apprécier sa légalité au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

3. Les dispositions de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, prises notamment pour la transposition des dispositions de l’article 12 de la directive du 21 mai 1992 précitée, prévoient, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d’espèces animales non domestiques, l’interdiction de  » 1° La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces (…). « . Toutefois, les dispositions du 4° du I de l’article L. 411-2 du même code, pris pour la transposition de l’article 16 de la même directive du 21 mai 1992, permettent de déroger à ces interdictions dans les strictes conditions qu’elles précisent, parmi lesquelles figurent dans tous les cas celles qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Sur les remontées mécaniques et les aménagements de domaine skiable :

4. Aux termes de l’article L. 472-1 du code de l’urbanisme :  » Les travaux de construction ou de modification substantielle des remontées mécaniques définies à l’article L. 342-7 du code du tourisme sont soumis à autorisation, d’une part, avant l’exécution des travaux et, d’autre part, avant la mise en exploitation. / L’autorisation d’exécution des travaux portant sur la réalisation des remontées mécaniques tient lieu du permis de construire prévu à l’article L. 421-1 en ce qui concerne les travaux soumis à ce permis  » et aux termes de l’article L. 473-1 du même code :  » L’aménagement de pistes de ski alpin est soumis à l’autorisation délivrée par l’autorité compétente en matière de permis de construire « .

5. Par ailleurs, aux termes de l’article L. 425-15 du code de l’urbanisme :  » Lorsque le projet porte sur des travaux devant faire l’objet d’une dérogation au titre du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable ne peut pas être mis en œuvre avant la délivrance de cette dérogation  » et aux termes de l’article R. 424-6 du même code :  » Lorsque la réalisation des travaux est différée dans l’attente de formalité prévues par une autre législation, la décision en fait expressément la réserve « .

6. Les associations requérantes soutiennent que les dispositions du code de l’urbanisme applicables aux projets de remontées mécaniques ou d’aménagements de domaine skiable méconnaissent les objectifs et exigences de la directive du 21 mai 1992 précitée, ainsi que les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement, en ce qu’elles ne prévoient ni que ces autorisations de travaux en zone de montagne ne peuvent être délivrées et mises en œuvre avant l’éventuelle délivrance d’une dérogation au titre du 4° du I de cet article L. 411-2, ni que le dossier de demande doit préciser, s’il y a lieu, que les travaux doivent faire l’objet d’une telle dérogation.

7. Toutefois, dès lors, d’une part, qu’il n’est pas contesté que les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement assurent une correcte transposition de la directive du 21 mai 1992 précitée, en particulier de son article 16 qui encadre les modalités selon lesquelles il peut le cas échéant être dérogé au principe général d’interdiction des destructions et perturbations des espèces protégées et de leurs habitats que la directive pose par ailleurs, d’autre part, qu’aucune des dispositions du code de l’urbanisme applicable aux projets de remontées mécaniques ou d’aménagements de domaine skiable n’a pour objet ou pour effet de dispenser un projet relevant de ces dispositions de l’obligation d’obtenir le cas échéant une dérogation au titre du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement en cas d’incidences sur des espèces protégées ou leurs habitats, aucune méconnaissance des exigences de la directive ne saurait être tirée de l’absence d’articulation explicite entre ces deux législations indépendantes. Au demeurant, il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 472-1 et L. 473-1 du code de l’urbanisme, d’une part, et des articles L. 425-15 et R. 424-6 du même code, d’autre part, que les projets de remontées mécaniques ou d’aménagements de domaine skiable ayant fait l’objet d’une autorisation au titre du code de l’urbanisme ne peuvent être mises en œuvre avant la délivrance de la dérogation prévue au 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement et que l’autorisation délivrée doit expressément faire état de cette réserve.

8. Il suit de là que les dispositions réglementaires du code de l’urbanisme applicables aux autorisations de travaux mentionnées aux articles L. 472-1 et L. 473-1 du code de l’urbanisme ne méconnaissent ni les objectifs et exigences de la directive du 21 mai 1992 précitée, ni les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement prises pour leur transposition.

Sur les unités touristiques nouvelles :

9. Aux termes de l’article L. 122-16 du code de l’urbanisme, constitue une unité touristique nouvelle :  » Toute opération de développement touristique effectuée en zone de montagne et contribuant aux performances socio-économiques de l’espace montagnard « . Les articles L. 122-17 et L. 122-18 du même code distinguent les unités touristiques dites  » structurantes  » et  » locales « , dont les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d’Etat. L’article L. 122-19 du même code prévoit que les unités touristiques nouvelles ne sont pas soumises au principe de l’extension de l’urbanisation en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants, prévu aux articles L. 122-5 à L. 122-7 du même code. En vertu des articles L. 122-20 et L. 122-21 du même code, la création et l’extension d’unités touristiques nouvelles structurantes et locales sont prévues, respectivement, par le schéma de cohérence territoriale et par le plan local d’urbanisme dans les communes qui sont couvertes par ces documents, et pour celles qui ne le sont pas, par l’autorité administrative selon des modalités définies par décret en Conseil d’Etat.

10. En premier lieu, en vertu des dispositions de l’article L. 104-1 du code de l’urbanisme, les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme font systématiquement l’objet d’une évaluation environnementale, dans les conditions prévues par la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement ainsi que ses annexes et par les dispositions pertinentes du code de l’urbanisme. Par ailleurs, en vertu des dispositions de l’article L. 104-2 du même code, font également l’objet d’une évaluation environnementale dans les mêmes conditions :  » La création et l’extension d’unités touristiques nouvelles locales soumises à autorisation en application du second alinéa de l’article L. 122-21 qui sont susceptibles d’avoir des effets notables sur l’environnement au sens de l’annexe II à la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001  » et aux termes des dispositions de l’article L. 104-2-1 du même code :  » Un décret en Conseil d’Etat détermine les critères en fonction desquels les unités touristiques nouvelles structurantes soumises à autorisation en application du second alinéa de l’article L. 122-20 font l’objet d’une évaluation environnementale systématique ou après un examen au cas par cas. « .

11. Pour l’application de ces dispositions, en vertu de l’article R. 104-17-1 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 13 octobre 2021 portant modification des dispositions relatives à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme et des unités touristiques nouvelles :  » Les unités touristiques nouvelles soumises à autorisation en application du second alinéa des articles L. 122-20 et L. 122-21 font l’objet d’une évaluation environnementale à l’occasion de leur création et de leur extension lorsqu’elles permettent la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000 « . En dehors de ce cas, en vertu de l’article R. 104-17-2 du même code, dans sa rédaction issue du même décret du 13 octobre 2021, les unités touristiques nouvelles soumises à autorisation en application du second alinéa de l’article L. 122-20 sont soumises à une évaluation environnementale de façon systématique ou à un examen au cas par cas, et les unités touristiques nouvelles soumises à autorisation en application du second alinéa de l’article L. 122-21 sont soumises à un examen au cas par cas.

12. Il résulte de ces dispositions que les UTN structurantes prévues par un schéma de cohérence territoriale et les UTN locales prévues par un plan local d’urbanisme font systématiquement l’objet d’une évaluation de leurs incidences sur l’environnement, notamment, le cas échéant, sur les espèces protégées au titre des directives du 21 mai 1992 et du 30 novembre 2009 précitées et leurs habitats, à travers l’évaluation à laquelle sont soumis ces documents d’urbanisme. Par ailleurs, les UTN soumises à autorisation en vertu du second alinéa de l’article L. 122-20 ou de l’article L. 122-21 font l’objet soit systématiquement d’une telle évaluation environnementale préalable, soit d’un examen au cas par cas destiné à déterminer si elles sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, au regard des critères de l’annexe II de la directive du 27 juin 2001 précitée. A cet égard, le moyen tiré de ce que les dispositions du décret du 13 octobre 2021, qui précisent le champ d’application de l’examen au cas par cas ainsi que ses modalités, seraient illégales n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, l’existence d’incidences éventuelles d’un projet d’UTN sur les espèces protégées ou leurs habitats au titre des directives du 21 mai 1992 et du 30 novembre 2009 précitées est systématiquement appréciée, y compris s’agissant des UTN qui ne seraient pas susceptibles d’affecter une zone Natura 2000.

13. En second lieu, si les UTN constituent un dispositif d’aménagement spécifique aux zones de montagne qui vise à assurer une conciliation entre le développement des activités touristiques et la protection des milieux naturels et sont, à ce titre, susceptibles d’encadrer les conditions de délivrance des autorisations d’urbanisme, elles n’ont ni pour objet, ni pour effet d’autoriser directement la réalisation de projets ou d’équipements susceptibles de porter atteinte à la conservation des espèces protégées au titre des directives du 21 mai 1992 et du 30 novembre 2009 précitées, projets qui devront être ultérieurement autorisés et mis en œuvre conformément aux dispositions des différentes législations potentiellement concernées, parmi lesquelles, le cas échéant, les dispositions du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Par suite, le moyen tiré de ce qu’en ne prévoyant pas que la création d’une UTN soit préalablement soumise à la délivrance d’une dérogation au titre de ces dispositions, le pouvoir réglementaire aurait méconnu les objectifs et exigences des directives du 21 mai 1992 et du 30 novembre 2009 ainsi que les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel, que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de la décision implicite qu’elles attaquent. Par suite, leurs conclusions aux fins d’injonction ne peuvent qu’être rejetées.

15. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :
————–

Article 1er : La requête de l’association France nature environnement et autre est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’association France nature environnement, première requérante dénommée et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Halte-garderie/ Relations privilégiées avec des professionnels qui en retirent un avantage concurrentiel/ Décharge de TVA (non)

Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 17/10/2022, 453019

 

  • Mentionné dans les tables du recueil Lebon

Lecture du lundi 17 octobre 2022

Rapporteur

  1. Cyril Martin de Lagarde

Rapporteur public

Mme Céline Guibé

Avocat(s)

SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

L’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014. Par une ordonnance n° 430232 du 6 avril 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a, sur le fondement de l’article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis sa demande au tribunal administratif de Lyon. Par un jugement n° 1720682 du 26 novembre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20LY00346 du 1er avril 2021, la cour administrative d’appel de Lyon a, sur appel de l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy, annulé ce jugement et déchargé cette association des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mai 2021 et 6 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. A… B… de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l’ association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité dont l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy a fait l’objet, l’administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014. Par un jugement du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 1er avril 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a annulé ce jugement et déchargé l’association des impositions en litige.

2. Aux termes du b du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée  » les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l’autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. (…)  »

3. Une association qui entretient des relations privilégiées avec des organismes à but lucratif ou des professionnels qui en retirent un avantage concurrentiel leur permettant notamment de réaliser, de manière directe, un surcroît de recettes, ne saurait être regardée comme ayant une gestion désintéressée au sens des dispositions de l’article 261 du code général des impôts citées au point 2.

4. Par suite, en se fondant sur la seule circonstance que l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy n’entretenait pas de relations privilégiées avec l’Ecole du ski français (ESF) permettant à cette dernière d’en retirer un avantage concurrentiel, au motif non contesté qu’il s’agit d’un groupement de fait qui ne possède pas de personnalité juridique et qui n’est pas membre de l’association, sans rechercher s’il en allait de même, ainsi que le ministre l’y invitait en défense, à l’égard des moniteurs de ski de l’ESF dont il n’était également pas contesté devant les juges du fond qu’ils exerçaient leur activité à titre commercial et étaient membres de l’association, la cour a commis une erreur de droit. Dès lors, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de l’instruction que l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy exerce une activité de halte-garderie pour les enfants de 18 mois à 3 ans et d’initiation au ski pour les enfants à partir de 3 ans. Pour l’exercice de cette dernière activité, qui représente environ 70 % de ses recettes et constitue donc la principale activité de l’association, celle-ci fait appel à des moniteurs de ski dont il n’est pas contesté qu’ils exercent une activité commerciale pour laquelle ils sont soumis, notamment, à la taxe sur la valeur ajoutée, et qui sont membres de l’association. Dans ces conditions, dès lors qu’ils retirent un avantage concurrentiel des activités de l’association, celle-ci doit être regardée comme entretenant des relations privilégiées avec ses membres, moniteurs de ski exerçant à titre commercial, alors même que les cours de ski dispensés aux enfants dans le cadre de celle-ci seraient moins rémunérateurs en moyenne pour les moniteurs que leurs cours particuliers. C’est dès lors, à bon droit que l’administration a estimé que son activité devait être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy n’est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat lequel n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt du 1er avril 2021 de la cour administrative d’appel de Lyon est annulé.
Article 2 : La requête présentée par l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy devant la cour administrative d’appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à l’association Club des Piou-Piou de Valmorel Doucy.
Délibéré à l’issue de la séance du 3 octobre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Thomas Andrieu, M. Nicolas Polge, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Vincent Mazauric, conseillers d’Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Enneigeurs/ Assiette foncière/ Contentieux de la DUP et de l’arrêté de cessibilité

CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 18/10/2022, 21MA02641, Inédit au recueil Lebon

 

Président

  1. MARCOVICI

Rapporteur

  1. Michaël REVERT

Rapporteur public

  1. ANGENIOL

Avocat(s)

SCP DELPLANCKE – LAGACHE – MARTY – POZZO DI BORGO – ROMETTI & ASSOCIES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Auron Chastellares a demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, d’annuler l’arrêté du 10 juillet 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d’utilité publique le projet de réfection et d’optimisation du réseau de neige de culture de la piste de ski du Riou (Auron), sur le territoire de la commune de Saint-Etienne de Tinée, et cessibles les immeubles nécessaires à l’objet de la déclaration d’utilité publique, à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de redéfinir l’étendue de la parcelle visée par l’expropriation et, en tout état de cause, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803902 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 10 juillet 2018, a mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Auron Chastellares et non compris dans les dépens, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 juillet 2021 et le 19 avril 2022, le syndicat mixte des stations du Mercantour, représenté par Me Pozzo di Borgo, membre de la SCP Delplancke – Pozzo di Borgo – Rometti et associés, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 11 mai 2021 ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Auron Chastellares, y compris ses conclusions subsidiaires aux fins d’injonction de redéfinition du périmètre de l’expropriation ;

3°) de mettre à la charge de la SCI la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le syndicat mixte soutient que :
– la nécessité de l’opération litigieuse résulte de ce que la piste du Riou constitue l’axe de retour vers le centre de la station, de ce que les difficultés d’enneigement participent à son usure et de ce que les installations existantes sont insuffisantes, alors que l’absence de l’opération entraînerait à court terme la fermeture définitive de cet axe, impliquant des conséquences néfastes pour l’environnement et l’économie de la station ;
– c’est à tort que, pour apprécier l’impact environnemental du projet, les premiers juges ont tenu compte de la construction de la piste pourtant sans rapport avec la déclaration d’utilité publique en litige ;
– l’utilité publique du projet en litige est certaine, dès lors qu’il assure le service public, que ses effets sur la ressource en eau ne seront pas délétères, mais moindres que ceux des installations existantes, plus consommatrices d’eau et davantage exigeantes en ce qui concerne les machines dameuses et que la garantie neige sur la piste du Riou, couplée au projet de nouvelle remontée mécanique, permettra de diminuer considérablement l’utilisation des véhicules personnels pour rejoindre le plateau de Chastellares et donc diminuer les émissions de dioxyde de carbone et améliorer la qualité de vie de la population, résidents comme touristes, ainsi que le montrent les nombreuses observations favorables au cours de l’enquête publique ;
– l’utilité publique du projet, lequel est conforme à l’objet social du syndicat et aux normes en vigueur, tient encore à l’atteinte limitée qu’il porte au droit de propriété, permettant de parer aux difficultés de gestion des conventions de servitude désormais bloquantes ;
– les autres moyens présentés en première instance par le demandeur et qui n’ont pas été expressément écartés par le jugement attaqué, ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, le SCI Auron Chastellares représentée par Me Cinelli, membre du cabinet ACMB, conclut au rejet de la requête, subsidiairement, à ce qu’il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de redéfinir la partie de la parcelle expropriée, devant inclure l’intégralité du talus de la piste et à ce que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :
– les moyens d’appel ne sont pas fondés ;
– ses autres moyens de première instance sont fondés :
* au titre de la légalité externe, l’arrêté en litige est illégal faute d’avoir donné lieu, comme le prévoit l’article L. 122-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à une déclaration de projet en application de l’article L. 126-1 du code de l’environnement, alors que la réfection et l’optimisation du réseau de neige de culture auront un impact non négligeable sur l’environnement ;
* au titre de la légalité interne, l’arrêté litigieux est illégal en cela qu’il a pour objet et pour effet de déposséder la société de la surface de la piste, en lui laissant à dessein la propriété du talus sud avec les risques et les responsabilités en découlant, alors qu’il a emporté expropriation du talus nord constitutif de la parcelle K402.

Par ordonnance du 19 août 2022 la clôture d’instruction a été fixée au 5 septembre 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. A…,
– les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 juillet 2018, le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d’utilité publique, au bénéfice du syndicat mixte des stations du Mercantour, le projet de celui-ci consistant en la réfection et l’optimisation du réseau de neige de culture de la piste de ski dite du Riou, à Auron, sur la commune de Saint-Etienne de Tinée, et a déclaré cessible une surface de 4 506 m2 de la parcelle cadastrée section K 93 appartenant à la SCI Auron Chastellares. Par un jugement du 11 mai 2021, dont le syndicat mixte relève appel, le tribunal administratif de Nice, saisi de la demande de la SCI, a annulé cet arrêté pris en ses deux objets.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge, lorsqu’il doit se prononcer sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu’elle répond à une finalité d’intérêt général, que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.

3. Pour prononcer l’annulation totale de l’arrêté en litige, le tribunal, statuant sur la légalité de la déclaration d’utilité publique, a considéré que tant les atteintes à la propriété privée que les inconvénients d’ordre environnemental du projet litigieux sont excessifs eu égard à l’intérêt général qui y est attaché, et qu’il ne présente donc pas d’utilité publique.

4. Toutefois, et en premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice explicative jointe au dossier d’enquête publique, que les auteurs du projet déclaré d’utilité publique ont poursuivi l’objectif général d’améliorer le réseau de neige de la piste du Riou, à la fois en rénovant la partie haute du réseau et en étendant celui-ci à la partie basse de la piste. Cet objectif général se décline en quatre finalités, précisément énoncées dans la notice explicative, qui sont, premièrement, d’assurer l’enneigement de la piste de ski du Riou, y compris en cas de faibles chutes de neige, deuxièmement, de limiter le travail de damage et de régalage de la neige de culture par une production de neige ciblée et régulièrement répartie sur la piste, troisièmement, de garantir aux skieurs un retour enneigé vers la station, avec un enneigement suffisant pour skier en toute sécurité, et quatrièmement, de pérenniser le bon fonctionnement et la fréquentation touristique de la station d’Auron, et ainsi, l’économie qui y est liée. S’il est en effet constant que le domaine skiable d’Auron est accessible depuis la station par deux types de téléskis et par la piste de ski du Riou, compte tenu de l’existence d’une entaille rocheuse où coule le cours d’eau du Riou d’Auron, il ressort des pièces du dossier que la piste de ski du Riou constitue la seule communication entre le domaine skiable et la station, susceptible d’être empruntée par les skieurs pour retourner à la station, skis aux pieds, sans faire usage de leurs véhicules automobiles. Compte tenu aussi bien de la faiblesse des chutes de neige naturelles, qui n’est pas sérieusement mise en doute par la SCI en se bornant à évoquer l’altitude de la piste à plus de 1 600 mètres, que du travail important de damage induit par l’état existant du réseau de neige de culture de la piste et de l’usure importante de cette voie du fait de sa haute fréquentation, les finalités poursuivies par le projet du syndicat mixte, qui s’inscrivent dans la mission de service public d’exploitation du domaine skiable, et qui visent à rénover le réseau de neige de culture de la piste de ski du Riou et qui, au demeurant, sont cohérentes avec l’un des objectifs du projet d’aménagement et de développement durable de la commune de Saint-Etienne du Tinée dans sa formulation alors en vigueur, présentent un caractère d’intérêt général.

5. Contrairement à ce que soutient la SCI, il ne ressort ni des éléments du dossier soumis à enquête, ni des motifs de la déclaration d’utilité publique, qu’en obtenant cette autorisation d’acquérir les parcelles nécessaires à l’opération, le syndicat mixte des stations du Mercantour ait entendu, en réalité et exclusivement, mener à bien un autre projet consistant en la création d’une remontée mécanique de dernière génération en remplacement du téléski du Riou, devenu obsolète, même si un tel projet est mentionné dans les écritures d’appel du syndicat. Dans la mesure où la déclaration d’utilité publique en litige ne porte pas sur les infrastructures des téléskis, la circonstance, à la supposer exacte, que ces installations auraient été implantées irrégulièrement sur des parcelles privées est sans incidence sur le caractère d’intérêt général de l’opération déclarée d’utilité publique par l’arrêté en litige.

6. Cette opération répondant donc à des finalités d’intérêt général, il n’y a pas lieu d’examiner l’argumentation de l’appelant relative à l’objectif, que servirait également le projet litigieux, de mettre fin aux difficultés de gestion des conventions de servitudes de passage consenties par les propriétaires des parcelles supportant la piste de ski du Riou.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’enneigement de la piste du Riou est réalisé, à la date de l’arrêté en litige, au moyen d’un réseau de neige de culture constitué par l’implantation, en partie haute de la piste, de trois machines de type perche et, dans la partie basse de la voie, d’un enneigeur mobile. Une telle configuration du réseau de production implique, en début de saison hivernale, de produire une quantité de neige importante sur la partie haute de la piste, puis de procéder au régalage de cette neige par des engins de damage sur toute la largeur de la piste (19 800 m²). L’ensemble des éléments du dossier soumis à enquête, qui comportent des évaluations chiffrées de la consommation d’eau du domaine skiable et de la piste du Riou en particulier, et contre lesquelles la SCI ne livre aucun élément ni aucune étude mais se borne à s’étonner de l’insuffisance d’installations antérieures de quelques trois années à l’arrêté en litige, montrent que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, la disposition actuelle des systèmes de production n’assure pas un enneigement correct de la piste et se traduit par une surconsommation d’eau due à un régalage important de la neige. Il ressort en outre des mentions de la notice explicative, et notamment des comparaisons des deux variantes envisagées, dont le maintien en l’état du réseau, que le projet, qui consiste techniquement en la réalisation d’une tranchée, la pose de tuyaux, de regards et de fourreaux, recevant des canalisations d’air et d’eau, enfouies à 1 mètre 20 de profondeur, et l’installation de dix unités de production de neige de culture, doit améliorer le maillage du réseau d’enneigement de la piste en le densifiant sur la totalité de la piste. La simple production par la SCI, au soutien d’ailleurs d’un autre moyen de ses écritures, d’un procès-verbal de constat d’huissier établi le 11 janvier 2022, soit postérieurement à l’arrêté en litige, et faisant apparaître des clichés photographiques de la piste du Riou enneigée, mais sans être assorti d’indications descriptives utiles, n’est pas de nature à remettre en cause la nécessité de l’opération au regard des besoins d’enneigement. Ainsi, contrairement à ce qu’ont considéré les premiers juges, ni le maintien du réseau de production de neige existant, ni son aménagement marginal, en lieu et place du projet en litige, ne permettraient d’obtenir des résultats comparables à celui-ci sans nécessiter des expropriations aussi importantes que celles qu’autorise la déclaration d’utilité publique.

8. Enfin, et d’une part, ainsi qu’il a été dit aux points précédents, le projet autorisé par la déclaration d’utilité publique contestée ne porte que sur l’amélioration et la rénovation du réseau de production de neige de culture sur la piste de ski du Riou. La SCI ne peut donc utilement invoquer, pour affirmer que l’opération porte une atteinte excessive à son droit de propriété et aux ressources en eau de la commune, les conséquences attachées aux travaux de réalisation de la piste, engagés dès 1973, ni les effets qualifiés de délétères sur la ressource en eau du réseau de production tel qu’il est mis en œuvre à la date de l’arrêté en litige. C’est ainsi à tort que pour retenir l’existence d’une telle atteinte, les premiers juges se sont fondés sur de telles considérations. Pour les mêmes motifs, l’intimée ne peut davantage utilement se plaindre de l’absence d’autorisation obtenue par le syndicat pour enfouir les canalisations existantes, ou du caractère impraticable du sol de sa propriété et inaccessible aux pâturages. Si, par ailleurs, la SCI soutient que l’une des deux retenues d’eau desquelles le syndicat assure les prélèvements d’eau pour alimenter le réseau de neige de culture du domaine skiable et de la piste du Riou est susceptible de ne plus être exploitable compte tenu de la procédure judiciaire d’expulsion engagée par les propriétaires des parcelles concernées contre le syndicat et ses installations, ainsi que de son assèchement, elle ne livre à l’appui de son affirmation, en tout état de cause, aucune pièce de nature à justifier de l’impossibilité juridique d’opérer de tels prélèvements d’eau, et l’alimentation insuffisante du réseau de production de neige de culture à créer. Si la réalisation des travaux d’amélioration du réseau de neige de la piste du Riou nécessite l’expropriation de 4 206 m2 de la parcelle K 93 que possède la SCI, soit environ une bande de terre représentant un cinquième de sa propriété, déjà grevée de servitudes de passage pour l’exploitation de la piste, l’intimée n’allègue pas être empêchée, par cette expropriation, de faire un usage normal du reste de sa parcelle.

9. D’autre part, les indications et évaluations chiffrées mentionnées dans la notice explicative du dossier soumis à enquête, selon lesquelles le projet de rénovation du réseau de culture de neige sur la piste du Riou tendra à limiter la surconsommation d’eau liée au fonctionnement du réseau actuel, du fait d’une répartition régulière des enneigeurs sur la piste, assurant une production de la neige plus rapide, réduisant le travail de damage et ciblant la production de neige en fonction de l’usure de la piste, ne sont pas utilement contredites par la SCI qui, en première instance comme en appel, se borne à se référer à la documentation générale sur la production de neige artificielle, au demeurant à l’appui d’un moyen de légalité externe.

10. Dans ces conditions, les inconvénients de l’opération en litige, qui présente un caractère d’intérêt général et qui ne peut être réalisée dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, n’apparaissent pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente et ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique.

11. Le syndicat mixte est par conséquent fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l’arrêté du 10 juillet 2018 pour le motif énoncé au point 3.

12. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la SCI devant le tribunal et dans ses conclusions d’appel.

Sur les autres moyens de la SCI Auron Chastellares :

S’agissant de la légalité de la déclaration d’utilité publique :

13. En premier lieu, aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique :  » La déclaration d’utilité publique des opérations susceptibles d’affecter l’environnement relevant de l’article L. 123-2 du code de l’environnement est soumise à l’obligation d’effectuer la déclaration de projet prévue à l’article L. 126-1 du code de l’environnement. / Si l’expropriation est poursuivie au profit d’une collectivité territoriale, d’un de ses établissements publics ou de tout autre établissement public, l’autorité compétente de l’Etat demande, au terme de l’enquête publique, à la collectivité ou à l’établissement intéressé de se prononcer, dans un délai qui ne peut excéder six mois, sur l’intérêt général du projet dans les conditions prévues à l’article L. 126-1 du code de l’environnement. Après transmission de la déclaration de projet ou à l’expiration du délai imparti à la collectivité ou à l’établissement intéressé pour se prononcer, l’autorité compétente de l’Etat décide de la déclaration d’utilité publique. « . Aux termes de l’article L. 123-2 du code de l’environnement :  » I. – Font l’objet d’une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : 1° Les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale en application de l’article L. 122-1 (…) ; 2° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification faisant l’objet d’une évaluation environnementale en application des articles L. 122-4 à L. 122-11 du présent code, ou L. 104-1 à L. 104-3 du code de l’urbanisme, pour lesquels une enquête publique est requise en application des législations en vigueur ; 3° Les projets de création d’un parc national, d’un parc naturel marin, les projets de charte d’un parc national ou d’un parc naturel régional, les projets d’inscription ou de classement de sites et les projets de classement en réserve naturelle et de détermination de leur périmètre de protection mentionnés au livre III du présent code ; 4° Les autres documents d’urbanisme et les décisions portant sur des travaux, ouvrages, aménagements, plans, schémas et programmes soumises par les dispositions particulières qui leur sont applicables à une enquête publique dans les conditions du présent chapitre « . Il résulte de la combinaison de ces dispositions que seules sont soumises à l’obligation de déclaration de projet les opérations déclarées d’utilité publique qui donnent lieu à une enquête publique organisée dans les conditions posées au chapitre III du code de l’environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement.

14. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’arrêté préfectoral du 23 janvier 2018 prescrivant l’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique en litige, que cette enquête a été organisée dans les conditions posées par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, et non dans les conditions du chapitre III du code de l’environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement. Il en résulte que, en application des dispositions combinées, citées au point 13, et dans la mesure où il n’est pas excipé de l’irrégularité de l’enquête publique préalable à l’arrêté en litige, au regard des dispositions de l’article L. 123-2 du code de l’environnement, ni du reste de l’illégalité de l’arrêté du préfet de région du 21 juin 2017 dispensant l’opération d’une étude d’impact, le moyen tiré de l’absence de la déclaration de projet prévue à l’article L. 122-1 du code de l’environnement ne peut qu’être écarté.

15. En deuxième lieu, doivent être écartés comme non assortis des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 111-1, R. 112-4, R. 112-8 et R. 112-18 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

16. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’avis d’ouverture de l’enquête publique a été publié dans le journal l’Avenir Côte d’Azur les 9 février et 2 mars 2018, et dans le journal Nice Matin les 12 et 26 février 2018, soit dans les huit jours avant et après le début de l’enquête, conformément aux dispositions de l’article R. 112-14 du même code. Le moyen tiré de la violation de ces dispositions manque donc en fait et doit être écarté comme tel.

17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SCI tendant à l’annulation de l’arrêté du 10 juillet 2018 en tant qu’il porte déclaration d’utilité publique doivent être rejetées.

S’agissant de la déclaration de cessibilité de la parcelle de la SCI :

18. D’une part, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R.131-4 et R. 131-5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ne sont pas suffisamment précis pour que le juge en apprécie le bien-fondé. Ils doivent être écartés comme tels. Si la SCI soutient avec davantage de précision qu’  » il n’est pas démontré que… le commissaire enquêteur désigné figure sur les listes d’aptitude prévues à l’article L.123-4 du code de l’environnement « , il ressort des pièces du dossier de première instance que ce dernier figure sur la liste départementale des commissaires enquêteurs des Alpes-Maritimes établie le 6 décembre 2017 pour l’année 2018 par le président du tribunal administratif de Nice, et publiée au recueil des actes administratifs
n° 211-2107 du 11 décembre 2017.

19. D’autre part, la circonstance que l’arrêté en litige n’aurait pas été complètement notifié à la SCI est par elle-même sans incidence sur sa légalité.

20. Enfin, en se bornant à reprocher à la déclaration de cessibilité de ne pas porter sur la totalité des talus de soutien de la piste du Riou, mais seulement sur le talus nord, lui laissant ainsi la responsabilité foncière de la partie sud du talus de l’ouvrage, la SCI n’établit ni même n’allègue que l’acquisition de cette portion restante de la piste serait nécessaire à la réalisation de l’opération. Il en résulte que l’allégation selon laquelle cette partie de la parcelle aurait été sciemment exclue du périmètre de cessibilité par l’administration n’est en tout état de cause pas fondée.

21. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SCI tendant à l’annulation de l’arrêté du 10 juillet 2018 en tant qu’il porte déclaration de cessibilité doivent également être rejetées. Il doit en aller de même, par voie de conséquence, de ses conclusions subsidiaires aux fins d’injonction.

Sur les frais liés au litige :

22. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d’instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803902 du tribunal administratif de Nice en date du 11 mai 2021 est annulé.
Article 2 : La demande de la SCI Auron Chastellares, ainsi que ses conclusions aux fins d’injonction et d’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du syndicat mixte des stations du Mercantour présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte des stations du Mercantour, à la SCI Auron Chastellares, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et à la commune de Saint-Etienne de Tinée.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l’audience du 4 octobre 2022, où siégeaient :

– M. Marcovici, président,
– M. Revert, président assesseur,
– M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.
N° 21MA026412

UTN Sixt-Fer-à-Cheval/ Plan ou programme (dir. 27 juin 2001)/ Evaluation environnementale systématique

CAA de LYON, 3ème chambre, 26/10/2022, 20LY00888, Inédit au recueil Lebon

Président

  1. TALLEC

Rapporteur

  1. Gilles FEDI

Rapporteur public

  1. DELIANCOURT

Avocat(s)

CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature (FRAPNA région) a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d’annuler l’arrêté du 20 juillet 2017 par lequel le préfet coordonnateur du massif des Alpes a autorisé l’aménagement d’une unité touristique nouvelle présentée par les communes de Sixt-Fer-à-Cheval et de Samoëns ;
2°) à défaut, et avant dire droit, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle relative au champ d’application de la directive n° 2001/42/CE afin de déterminer si une unité touristique nouvelle constitue  » un plan ou programme  » susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de cette directive ;
3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1707080 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du préfet coordonnateur du massif des Alpes du 20 juillet 2017.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 février 2020, la commune de Sixt-Fer-à-Cheval, représentée par Me Poncin, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 décembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande de la fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature reprise par l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes présentée devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Sixt-Fer-à-Cheval soutient que :
– la requête de la Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature (FRAPNA région) est irrecevable ;
– le tribunal administratif a annulé l’arrêté d’autorisation UTN en considérant, à tort, que celui-ci devait faire l’objet d’une évaluation environnementale et que le projet ne respectait pas la qualité des sites et les grands équilibres naturels dès lors qu’il se développait dans un site d’une qualité remarquable avec des équilibres d’une grande sensibilité dont l’atteinte était avérée sans que les compensations prévues soient suffisantes ;
-la cour administrative d’appel ne pourra qu’écarter les autres moyens du recours de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2020, l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes, représentée par Me Wormser :
1°) conclut au rejet de la requête ;
2°) demande qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Sixt-Fer-à-Cheval sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 juin 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 11 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– La directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement,
– le code de l’environnement,
– le code de l’urbanisme,
– le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
– les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
– et les observations de Me Poncin, représentant la commune de Sixt-Fer-à-Cheval , et celles de Me Wormser, représentant l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 20 juillet 2017, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet coordonnateur du massif des Alpes, a autorisé une unité touristique nouvelle sur le territoire des communes de Sixt-Fer-à-Cheval et de Samoëns, dans le département de la Haute-Savoie. La Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature (FRAPNA région) a demandé l’annulation de cet arrêté, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux en date du 24 octobre 2017. La commune de Sixt-Fer-à-Cheval relève appel du jugement rendu le 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision d’autorisation.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne la capacité à agir de l’association requérante :

2. Il ressort des pièces du dossier que la requête a été introduite devant le tribunal administratif de Grenoble par l’association  » Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature (FRAPNA région) « . S’il est vrai que les statuts de l’association arrêtés le 25 juillet 1995 et l’arrêté préfectoral du 25 août 2017 renouvelant l’agrément au titre de la protection de l’environnement indiquent  » Union Régionale FRAPNA « , cette dénomination courante mais distincte de celle mentionnée par l’association requérante en première instance ne permet pas d’établir que cette dernière n’aurait aucune existence juridique et serait dans l’incapacité d’ester en justice, contrairement à ce qui est soutenu.

En ce qui concerne la qualité pour agir du président de l’association requérante :

3. L’article 10 des statuts de l’association indique que  » l’initiative de toute action en justice appartient au Bureau ou au Conseil d’administration qui statue par décision spéciale « . En l’espèce, le président de l’association a été habilité par le bureau, le 13 septembre 2017, à déposer des recours tant gracieux que contentieux contre l’arrêté en cause. En outre, si le juge doit s’assurer de la réalité de l’habilitation du représentant de l’association qui l’a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles cette habilitation a été adoptée. Par suite, la commune de Sixt-Fer-à-Cheval ne peut utilement invoquer la double circonstance qu’il n’est pas établi, d’une part, que la décision du bureau décidant d’engager l’action contentieuse ait été prise en application d’une décision du conseil d’administration, seul compétent pour décider des actions à mener en justice, d’autre part, que l’urgence particulière justifiait qu’il soit statué sur l’habilitation du président à poursuivre l’action en justice au contentieux, alors qu’à cette date aucun recours gracieux n’avait été présenté.

En ce qui concerne le respect des délais de recours :

4. Alors même qu’il ressort des pièces du dossier que le recours gracieux a été reçu en préfecture le 21 septembre 2017 et non le 22 septembre 2017, contrairement à ce que soutient la commune de Sixt-Fer-à-Cheval, aucune pièce du dossier ne permet de démontrer que les formalités auraient été accomplies pour procéder à la publicité de l’arrêté litigieux. Par suite, en tout état de cause, et en l’absence de preuve d’une publicité régulière de l’acte contesté, le délai de recours contentieux ouvert pour contester l’arrêté n’a pas couru à l’encontre des tiers. Dans ces conditions, la commune de Sixt-Fer-à-Cheval ne peut utilement soutenir que la requête serait tardive, faute pour l’association d’apporter la preuve de la date de réception de son recours gracieux.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’intervention et des demandes de FNE AURA :

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l’arrêté ministériel du 13 mars 2020, que les dénominations Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature (FRAPNA région), Union Régionale FRAPNA, association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes et FNE-AURA désignent la même personne morale. Par suite, la circonstance que des mémoires postérieurs aient été produits par la FNE-AURA devant le tribunal administratif de Grenoble est sans incidence sur la recevabilité du recours contentieux.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la nécessité d’une évaluation environnementale :

6. Aux termes de l’article L. 122-16 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne :  » Toute opération de développement touristique effectuée en zone de montagne et contribuant aux performances socio-économiques de l’espace montagnard constitue une « unité touristique nouvelle », au sens de la présente sous-section « . Les articles L. 122-17 et L. 122-18 du même code distinguent les unités touristiques dites  » structurantes  » et  » locales « , dont les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d’Etat. L’article L. 122-19 du même code prévoit que les unités touristiques nouvelles ne sont pas soumises au principe de l’extension de l’urbanisation en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants, prévu aux articles L. 122-5 à L. 122-7 du même code. En vertu des articles L. 122-20 et L. 122-21 du même code, la création et l’extension d’unités touristiques nouvelles structurantes et locales sont prévues, respectivement, par le schéma de cohérence territoriale et par le plan local d’urbanisme dans les communes qui sont couvertes par ces documents, et pour celles qui ne le sont pas, par l’autorité administrative selon des modalités définies par décret en Conseil d’Etat. Pour ces dernières, l’article R. 122-6 de ce code, tel que modifié par décret du 11 août 2016, dispose que  » Sont soumises à autorisation du préfet coordonnateur de massif, après avis de la commission spécialisée du comité de massif, les unités touristiques nouvelles ayant pour objet : / 1° La création, l’extension ou le remplacement de remontées mécaniques, lorsque ces travaux ont pour effet : (…) / b) L’augmentation de la superficie totale d’un domaine skiable alpin existant, dès lors que cette augmentation est supérieure ou égale à 100 hectares ; / 2° Des opérations de construction ou d’extension d’hébergements et d’équipements touristiques d’une surface de plancher totale supérieure à 12 000 mètres carrés, à l’exclusion des logements à destination des personnels saisonniers ou permanents des équipements et hébergements touristiques « .

7. D’après l’article 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement :  » Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement « . Aux termes de l’article L. 122-4 du code de l’environnement, dans sa version applicable au jour de la décision attaquée, transposant l’article 3 de la directive 2001/42/CE :  » II. – Font l’objet d’une évaluation environnementale systématique : / 1° Les plans et programmes qui sont élaborés dans les domaines de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme ou de l’aménagement du territoire et qui définissent le cadre dans lequel les projets mentionnés à l’article L. 122-1 pourront être autorisés ; (…) / III. – Font l’objet d’une évaluation environnementale systématique ou après examen au cas par cas par l’autorité environnementale : / 1° Les plans et programmes mentionnés au II qui portent sur des territoires de faible superficie s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement « .

8. Si la création d’unités touristiques nouvelles, par leur inscription dans le schéma de cohérence territoriale, est prise en compte par l’évaluation environnementale réalisée dans le cadre de l’élaboration de ce document d’urbanisme, tel n’est pas le cas pour celles qui sont autorisées par l’autorité administrative dans les communes non couvertes par un tel document. Eu égard à sa nature et à sa portée, la décision préfectorale créant une telle unité touristique nouvelle constitue, non un projet, mais un plan ou programme au sens de la directive du 27 juin 2001 et de l’article L. 122-4 du code de l’environnement cités au point précédent.

9. Si la commune de Sixt-Fer-à-Cheval soutient que le dossier d’autorisation d’UTN contesté n’a pas été déposé, ni instruit dans le cadre juridique résultant de la loi Montagne II du 28 décembre 2016 et de son décret d’application du 10 mai 2017, mais avant l’entrée en vigueur des dispositions de la loi et donc sous le régime juridique antérieur toutefois la décision en litige, en tant que plan ou programme au sens de la directive du 27 juin 2001, devait faire l’objet d’une évaluation environnementale systématique.

10. En l’espèce, l’unité touristique nouvelle en cause, portant notamment sur la construction de 20 000 m² de surfaces habitables et la restructuration profonde du domaine skiable de la combe de Gers, est susceptible, de par son objet et son importance, d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Il est, par ailleurs, constant que cette opération, présentée par les communes de Sixt-Fer-à-Cheval et de Samoëns, lesquelles ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale, n’a fait l’objet d’aucune évaluation environnementale. Cette carence, au regard de l’importance des opérations autorisées, est nécessairement susceptible d’avoir eu une influence sur le sens de la décision contestée et d’avoir eu pour effet de nuire à l’information complète de la population. Par suite, c’est à bon droit, que les premiers juges ont considéré que la décision était entachée d’un vice de procédure tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 122-4 du code de l’environnement.

En ce qui concerne l’erreur d’appréciation quant au respect de la qualité des sites et des grands équilibres naturels :

11. Aux termes de l’article L. 122-15 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable :  » Le développement touristique et, en particulier, la création d’une unité touristique nouvelle doivent prendre en compte les communautés d’intérêt des collectivités territoriales concernées et contribuer à l’équilibre des activités économiques et de loisirs, notamment en favorisant l’utilisation rationnelle du patrimoine bâti existant et des formules de gestion locative pour les constructions nouvelles. / La localisation, la conception et la réalisation d’une unité touristique nouvelle doivent respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels « .
12. Le projet litigieux, qui autorise une unité touristique nouvelle comprenant la création d’une nouvelle offre d’hébergement et la réalisation de la liaison Sixt-Flaine (combe de Gers) prévoit, d’une part, la réalisation de 20 000 m² de surface de plancher d’hébergements et de services touristiques correspondant à environ 1 700 lits, d’autre part, la restructuration des domaines skiables de ces stations par le démontage de la partie haute du domaine skiable des Vagnys, la réalisation de deux remontées mécaniques entre le domaine skiable de Sixt-Fer-à-Cheval et le secteur de la côte 2050, dans la combe de Gers, avec une gare de départ et d’arrivée, le remplacement du téléski du Gers par un télésiège à pinces fixes et la création d’une surface de 12,6 hectares de pistes de ski.
13. Il ressort des pièces du dossier que la combe de Gers, fait l’objet de plusieurs classements illustrant la qualité remarquable du site et la sensibilité des grands équilibres en place. Le secteur envisagé pour la création de pistes de ski, et l’installation de deux remontées mécaniques et d’un télésiège, est localisé dans une zone inscrite en réservoir de biodiversité au schéma régional de cohérence écologique. Ce territoire fait l’objet de deux classements en zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF). Celui-ci est ainsi couvert, dans sa quasi intégralité, par la ZNIEFF II du  » Haut Faucigny  » et, pour une large partie, par la ZNIEFF I de la  » Combe de Sales « . Treize zones humides sont, par ailleurs, recensées à l’intérieur du périmètre des opérations. Il s’agit d’habitats abritant, sur le site, des espèces protégées, considérées pour un nombre important d’entre elles comme patrimoniales ou d’intérêt communautaire, certaines étant qualifiées de  » vulnérable  » tels l’aigle royal ou la chouette chevêchette, voire  » en danger  » ou  » en danger grave  » à l’instar du lynx d’Europe, de la caille des bois ou du gypaète barbu. Ce secteur est encore caractérisé par ses espaces de  » perméabilité  » assurant un rôle de corridor entre les réservoirs de biodiversité. Aux alentours immédiats des opérations se trouve une zone Natura 2000 et la zone d’importance pour la conservation des oiseaux (ZICO) du Haut-Giffre ainsi qu’une importante réserve naturelle. Le quatrième volet du dossier de demande relatif aux effets du projet précise que l’UTN engendre une perte importante de surfaces forestières dont l’effet est permanent et élevé du fait de l’implantation des gares de départ ainsi que du passage des câbles de remontée mécanique. Les effets de cette restructuration du domaine skiable sont qualifiés de permanents et d’élevés, d’une part, pour les mammifères terrestres en raison du déboisement et de l’exploitation du secteur, d’autre part, pour les oiseaux, comme l’aigle royal, le tétras-lyre et le lagopède. Ces dangers résultent non seulement, en phase de travaux, de la destruction de nichées, mais encore, pendant l’exploitation du site, des déclenchements d’avalanches et d’éventuelles collisions avec les câbles, qualifiés de sources de  » dérangement voire de mortalité « .
14. En outre, l’appelante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que le projet ne porte que sur une partie limitée du Grand Massif, dès lors que la restructuration du domaine skiable vise à équiper la combe de Gers, qui est la dernière zone du Grand Massif à avoir préservé son caractère naturel et sa vocation de refuge pour la faune sur un secteur de plus de 12 hectares. En se bornant essentiellement à soutenir, en cause d’appel, sans critiquer le jugement attaqué, s’agissant des espèces patrimoniales, des oiseaux hivernants, des rapaces nocturnes, des chiroptères, des odonates, que les inventaires ont bien été effectués, la commune de Sixt-Fer-à-Cheval ne démontre pas que le projet respecterait la qualité du site et les grands équilibres naturels.
15. Enfin, l’arrêté retient, au titre des prescriptions conditionnant la réalisation des opérations, en premier lieu, qu’un  » comité de suivi soit particulièrement attentif  » sur la prise en charge du démontage du téléski existant et son remplacement par un télésiège à pinces fixes, en deuxième lieu, que le conventionnement  » Loi Montagne  » soit bien suivi dans le temps pour assurer la pérennité des  » lits chauds « , en troisième lieu, qu’un suivi des logements saisonniers soit mis en place , en quatrième lieu, que soient uniquement créées les trois pistes nécessaires au fonctionnement de la liaison entre les domaines skiables de Sixt-Fer-à-Cheval et Samoëns, associé à  » un travail poussé d’intégration paysagère des remontées mécaniques  » et enfin  » que les compensations agricoles et forestières soient mises en place « . Ces mesures, qui ne sont définies ni dans leur portée, ni dans leur calendrier d’application, ne sont pas de nature à compenser l’atteinte à la qualité du site résultant du projet. De même, la collectivité ne peut utilement invoquer le bénéfice de l’article 3 de l’arrêté litigieux qui prévoit qu’un comité de suivi sera mis en place pour accompagner la mise en œuvre du projet avec un  » suivi précis  » dans le temps des différentes phases du projet, dès lors que cet article 3 ne prévoit aucune prescription précise de nature à limiter l’impact du projet sur la qualité du site. Par suite, le préfet de la région Provence-Alpes Côte d’Azur n’a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, estimer que le projet soumis à son autorisation respectait la qualité du site dans lequel il s’inscrit et les grands équilibres naturels.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sixt-Fer-à-Cheval n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté du 20 juillet 2017, par lequel le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet coordonnateur du massif des Alpes, a autorisé une unité touristique nouvelle sur les communes de Sixt-Fer-à-Cheval et de Samoëns.
Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Sixt-Fer-à-Cheval. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Sixt-Fer-à-Cheval une somme de 2 000 euros à verser à l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes, au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Sixt-Fer-à-Cheval est rejetée.
Article 2 : La commune de Sixt-Fer-à-Cheval versera à l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sixt-Fer-à-Cheval, à l’association France nature Environnement Auvergne Rhône Alpes et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la commune de Samoens.
Délibéré après l’audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2022.
Le rapporteur,
Gilles FédiLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY00888

Fabricants de matériel de montagne/ Rupture brutale d’une relation commerciale (C. commerce, art. L. 442-6, I, 5°)

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 28 septembre 2022, 21-16.209, Inédit

La société Melrose studio, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-16.209 contre l’arrêt rendu le 10 février 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant à la société Millet Mountain group, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Melrose studio, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Millet Mountain group, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 21 juin 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 février 2021), la société Eider, devenue la société Millet Mountain group (la société Millet), qui est un concepteur et fabricant de vêtements de sport et de loisirs en montagne, a chargé, depuis 1996, la société Melrose studio (la société Melrose), bureau de style, qui propose à ses clients des croquis de mode, logos et autres dessins pour le marché de la mode, de l’assister dans la recherche de tendances en vue de la création de ses produits, cette collaboration ayant pris la forme de contrats de prestation de services. La relation entre les parties a pris fin à l’issue d’un contrat signé en 2015, portant sur les saisons été 2017 et hiver 2017/2018.

2. Invoquant une rupture brutale de la relation commerciale établie, la société Melrose a assigné la société Millet en réparation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. La société Melrose fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie et, en conséquence, ses demandes de réparation des préjudices subis, alors :

« 1°/ que constitue une relation commerciale établie celle qui revêt un caractère régulier, significatif et stable ; qu’elle peut résulter d’une succession de contrats à durée déterminée et ponctuels, quoique non régis par un accord-cadre ; qu’en affirmant, pour débouter la société Melrose, que les parties avaient été liées par une succession de contrats de collaboration artistique à durée déterminée pour une ou deux saisons particulières, ou pour une collaboration particulière, lesquels n’avaient été régis par aucun accord-cadre, la cour d’appel, qui s’est déterminée par des motifs impropres à exclure l’existence d’une relation commerciale établie, a violé l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable à la cause ;

2°/ qu’au surplus, le caractère établi d’une la relation commerciale se mesure au regard de la régularité, de la significativité et de la stabilité des échanges commerciaux ; que la variabilité du laps du temps écoulé entre la conclusion de chacun des contrats successifs ayant lié les parties et les modifications des modalités de leur exécution ne suffisent pas à exclure le caractère établi de la relation, si les échanges commerciaux entre les parties ont présenté un caractère récurrent ; que pour exclure l’existence d’une relation commerciale établie entre les parties au travers des contrats de collaboration successivement conclus sur une durée de 20 ans, la cour d’appel a affirmé que « le rythme des contrats » avait été « altéré » et que « le processus de collaboration artistique » avait été « profondément modifié » ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l’existence d’une relation commerciale établie, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :

4. Selon ce texte, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale, sauf en cas d’inexécution, par l’autre partie, de ses obligations ou en cas de force majeure.

5. Pour retenir le caractère précaire de la relation commerciale, l’arrêt retient d’abord que les contrats ayant lié les parties depuis 1996 étaient des contrats de collaboration artistique, conclus à durée déterminée pour une ou deux saisons particulières ou pour une collection spécifique, sans possibilité de reconduction à l’issue de la réalisation des travaux commandés. Il relève ensuite qu’à l’initiative de la société Millet, la collaboration entre les deux partenaires a évolué et que le rythme des contrats a été altéré.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure le caractère établi de la relation commerciale entre les sociétés Millet et Melrose, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

7. La société Melrose fait le même grief à l’arrêt, alors :

« 3°/ que la rupture d’une relation commerciale établie doit être notifiée de manière non équivoque et être précédée d’un préavis suffisant, tenant compte de la durée de la relation ; qu’en relevant, pour exclure le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie avec la société Melrose, que la société Millet lui avait « expressément » indiqué, dans une lettre du 23 juin 2015, qu’elle « souhaitait pouvoir mettre un terme au partenariat, à l’issue de l’achèvement des prestations définies par [le] contrat, si le nouveau fonctionnement testé ne lui donnait pas satisfaction », cependant que cette lettre, qui envisageait une simple « possibilité » de rompre, ne faisait nullement état d’une intention claire et non équivoque de la société Millet de mettre un terme définitif à la relation commerciale établie avec la société Melrose depuis 20 ans, ni d’un délai de préavis défini, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable à la cause ;

4°/ que le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie n’exclut pas son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis ; qu’en retenant, pour écarter l’existence d’une rupture brutale des relations commerciales établies, que la société Millet avait, par lettre du 23 juin 2015, « formellement averti celui-ci du caractère précaire de la relation commerciale », quand un tel courrier, à supposer même qu’il ait pu rendre la rupture prévisible, ne faisait nullement état d’une volonté claire et non équivoque de la société Millet de rompre la relation commerciale et d’accorder à son partenaire commercial un délai de préavis suffisant, la cour d’appel s’est déterminée par des motifs impropres à justifier sa décision et a violé l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :

8. Il résulte de ce texte que le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis.

9. Pour rejeter les demandes de la société Melrose, l’arrêt retient que la cessation des commandes avait été explicitement évoquée entre les parties avant la conclusion du dernier contrat et que par lettre du 23 juin 2015, communiquée avec le dernier contrat par la société Millet à la société Melrose, la première a indiqué expressément à la seconde qu’elle souhaitait pouvoir mettre un terme au partenariat, à l’issue de l’achèvement des prestations définies par ce contrat, si le nouveau fonctionnement testé ne lui donnait pas satisfaction.

10. En se déterminant ainsi, sans avoir constaté que la société Millet avait manifesté une intention non équivoque de rompre la relation commerciale et accordé un délai de préavis, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 février 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Millet Mountain group aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Millet Mountain group à payer à la société Melrose studio la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux

ZAC en zone de montagne/ C. urb., art. L. 122-5/ Respect

CAA de TOULOUSE

N° 19TL01591

1ère chambre
M. BARTHEZ, président
Mme Mathilde FABIEN, rapporteur
Mme CHERRIER, rapporteur public
SCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER & ASSOCIES, avocats

Lecture du jeudi 13 octobre 2022

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association Nouvelle Dynamique Mendoise a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes Coeur de Lozère du 16 décembre 2016 en tant qu’elle approuve le programme des équipements publics de la zone d’aménagement concerté du Causse d’Auge.

Par jugement n° 1700535 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 avril 2019 sous le n° 19MA01591 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille puis sous le n° 19TL01591 au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse, l’association Nouvelle Dynamique Mendoise, représentée par Me Gras, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’annuler la délibération du 16 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Coeur de Lozère une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la délibération contestée méconnaît les articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, la notice explicative communiquée ayant été insuffisamment précise ;
– elle méconnaît l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme, soit directement, soit par l’intermédiaire de l’exception d’illégalité de la délibération approuvant la création de la zone d’aménagement concerté ;
– elle méconnaît l’article L. 311-4 du code de l’urbanisme ;
– elle méconnaît les articles L. 311-1, R. 311-2 et R. 311-7 du code de l’urbanisme en prévoyant l’intégration d’une parcelle non aménagée et non équipée réservée à la constitution d’une réserve foncière pour les besoins de développement futur de la zone.

Par un mémoire enregistré le 27 janvier 2021, la communauté de communes Coeur de Lozère, représentée par Me Bézard, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’association requérante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu’aucun des moyens n’est fondé.

Par ordonnance du 11 mars 2021 la clôture de l’instruction a été fixée au 16 avril 2021.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a attribué à la cour administrative d’appel de Toulouse le jugement de la requête de l’association Nouvelle Dynamique Mendoise.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Fabien, présidente assesseure ;
– les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique ;
– et les observations de Me Becquevort pour l’association requérante et de Me Bézard pour la communauté de communes Coeur de Lozère.

Une note en délibéré, présentée pour la communauté de communes Coeur de Lozère par Me Bézard, a été enregistrée le 30 septembre 2022.

Une note en délibéré, présentée pour l’association Nouvelle Dynamique Mendoise par Mes Gras et Senanedsch, a été enregistrée le 4 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. L’association Nouvelle Dynamique Mendoise fait appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 février 2019 rejetant sa demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes Coeur de Lozère du 16 décembre 2016 en tant qu’elle approuve le programme des équipements publics de la zone d’aménagement concerté du Causse d’Auge.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. A termes de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme, applicable au présent litige et relatif à l’urbanisation des zones de montagne :  » L’urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants, sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. « .

3. D’une part, les dispositions citées au point 2 sont applicables sur le territoire de la commune de Mende classée en zone de montagne par arrêté ministériel du 20 février 1974. D’autre part et contrairement à ce que soutient la communauté de communes en défense, elles sont opposables à la délibération approuvant le programme d’équipements publics d’une zone d’aménagement concerté alors notamment que l’article R. 311-6 du code de l’urbanisme prévoit que l’aménagement et l’équipement des zones d’aménagement concerté sont réalisés dans le respect des règles d’urbanisme applicables.

4. Il ressort des pièces du dossier que la zone d’aménagement concerté du Causse d’Auge, destinée à l’accueil d’activités commerciales, doit se situer dans le prolongement immédiat des constructions déjà existantes à usage industriel et artisanal de la zone d’activités économiques du Causse d’Auge dont elle doit constituer une extension. Il ressort cependant également des pièces du dossier qu’à la date de la délibération du 16 décembre 2016, la zone d’activités économiques déjà existante, qui n’est pas constitutive d’un bourg ou d’un autre type de construction mentionné à l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme, ne se situait pas elle-même en continuité de la partie déjà urbanisée de la ville de Mende mais qu’elle en était séparée par une bande importante de terrain sans construction. Par suite, le projet de zone d’aménagement concerté ne peut être regardé comme s’inscrivant en continuité d’un bourg, d’un village, d’un hameau ou d’un groupe de constructions traditionnelles ou d’habitations de Mende. L’association requérante est en conséquence fondée à soutenir que la délibération du 16 décembre 2016 méconnaît l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme et que c’est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette délibération.

5. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’est, en l’état du dossier, de nature à entraîner l’annulation de la délibération du 16 décembre 2016.

6. Il résulte de ce qui précède que l’association requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement du 5 février 2019 le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil de la communauté de communes Coeur de Lozère du 16 décembre 2016 approuvant le plan d’aménagement de zone d’aménagement concerté du Causse d’Auge.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la communauté de communes Coeur de Lozère le versement à l’association Nouvelle Dynamique Mendoise d’une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés à l’occasion du litige. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association Nouvelle Dynamique Mendoise, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la communauté de communes Coeur de Lozère au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 février 2019 et la délibération du conseil de la communauté de communes Coeur de Lozère du 16 décembre 2016 approuvant le plan d’aménagement de zone de la zone d’aménagement concerté du Causse d’Auge sont annulés.
Article 2 : La communauté de communes Coeur de Lozère versera une somme de 2 000 euros à l’association Nouvelle Dynamique Mendoise au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la communauté de communes Coeur de Lozère tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Nouvelle Dynamique Mendoise et à la communauté de communes Coeur de Lozère.