Bail emphytéotique sur le domaine skiable/ Intérêt à agir/ Consultation de France Domaine

CAA de LYON

N° 14LY00486
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
Mme COURRET, président
Mme Pascale DECHE, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
SELARL KAMS, avocat
lecture du mardi 7 juillet 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D’une part, la commune de Saint-Bon-Tarentaise a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited, ainsi que la décision du maire de signer ce bail.

D’autre part, le préfet de la Savoie a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited.

Par un jugement n° 1301130-1302443 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération précitée du 4 janvier 2013 ainsi que la décision du maire de Bozel de signer le bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited.
Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 14LY00486, le 20 février 2014, et des mémoires, enregistrés les 18 avril et 26 juin 2014, la société Sun Alpes Limited, représentée par la SELARL Kams, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 1301130-1302443 du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la commune de Saint-Bon-Tarentaise et par le préfet de la Savoie devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Bon-Tarentaise et de l’Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement est irrégulier en ce que le sens des conclusions mis en ligne était trop imprécis pour permettre aux parties d’en discuter le contenu lors de l’audience publique ;
– le jugement est également irrégulier en ce que les premiers juges ont méconnu leur office en omettant d’examiner si les conditions posées par la jurisprudence Danthony étaient remplies ;
– les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision en ce qui concerne l’absence d’intérêt à agir de la commune de Saint-Bon-Tarentaise ;
– les stipulations du bail consenti n’étant manifestement pas de nature à léser la commune de Saint-Bon-Tarentaise dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine, le Tribunal aurait du écarter sa demande comme irrecevable ;
– les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales n’étaient pas applicables au cas présent dés lors que le bail emphytéotique n’emporte pas de cession de droits réels immobiliers ;
– France Domaine a été régulièrement consulté ; en tout état de cause, l’avis de France Domaine n’a privé les intéressés d’aucune garantie puisque le projet de bail a été soumis à l’examen des conseillers municipaux, qui ont pu se prononcer en toute connaissance de cause sur les éléments essentiels du bail emphytéotique ; en outre, le vice invoqué n’a eu aucune influence sur le sens de la décision dans la mesure où l’avis de France Domaine est un avis simple ; enfin, c’est à bon droit que la commune de Bozel n’a pas sollicité un autre avis de France Domaine, compte tenu du fait que le bail avait une durée de vingt ans et donc ne pouvait être assimilé à une cession de droits réels immobiliers ;
– saisie de l’effet dévolutif de l’appel, la Cour pourra confirmer le rejet des conclusions à fin d’injonction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2014, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– le bail emphytéotique litigieux est de droit commun, tel que défini par les dispositions des articles L. 451-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et emporte une véritable cession de droits immobiliers au bénéfice du preneur qui peut lui-même le céder ;
– les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales sont applicables au litige et l’avis du service France Domaine est requis ; en l’espèce, les éléments transmis par la commune à ce service étaient manifestement insuffisants, voire erronés pour certains ; dans ces conditions, les dispositions de cet article, et par suite celles de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2014, la commune de Saint-Bon-Tarentaise, représentée par Me A…conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Sun Alpes Limited en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
– le sens des conclusions du rapporteur public mis en ligne était suffisamment renseigné et les dispositions de l’article R. 711-3 du code de justice administrative n’ont pas été méconnues ;
– le Tribunal n’a pas méconnu son office dès lors qu’en relevant que les différences substantielles existant entre le projet de bail soumis pour avis au directeur départemental des finances publiques et le projet de bail signé, il a exactement recherché si les conditions de saisine de cette autorité ont pu exercer une influence sur le sens de la décision attaquée, au sens de la jurisprudence Danthony ;
– en sa qualité d’autorité organisatrice des remontées mécaniques et dès lors que les projets de construction envisagés par la société Sun Alpes Limited sur les terrains litigieux sont susceptibles d’affecter l’aménagement et l’exploitation du domaine skiable, et qu’elle bénéficie d’une servitude de passage des pistes, elle justifie d’un intérêt à agir propre ;
– les dispositions de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime indiquent clairement que la conclusion du bail emphytéotique emporte cession d’un droit réel immobilier ; ces dispositions ne distinguent pas si le droit réel conféré au preneur résulte d’un bail passé pour une durée courte ou longue ; enfin, la circonstance que le préfet des Hautes-Alpes ne citerait pas le bail emphytéotique dans la liste des opérations immobilières soumises à l’avis du service des domaines aux termes d’une circulaire du 11 mars 2009 est sans influence ; les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales étaient applicables en l’espèce ;
– les conditions et les caractéristiques essentielles du projet de bail ont été considérablement modifiées entre l’avis rendu par France Domaine et la délibération litigieuse ; en outre, le loyer fixé à 10 000 euros constitue une libéralité consentie à une société commerciale, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales ; les conseillers municipaux ont été clairement privés de la garantie de disposer d’une information suffisante pour délibérer et l’avis rendu a exercé une influence sur le sens de leur vote.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 14LY00487 le 20 février 2014, la commune de Bozel, représentée par MeB…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 13001130-13002443 du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la commune de Saint-Bon-Tarentaise et par le préfet de la Savoie devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Bon-Tarentaise et de l’Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la conclusion du bail litigieux ne modifie en rien la situation juridique des terrains et les possibilités de la commune de Saint-Bon-Tarentaise d’aménager et d’exploiter le domaine skiable ; la commune de Saint-Bon-Tarentaise ne justifie d’aucun intérêt à agir à l’encontre des décisions litigieuses ;
– un bail emphytéotique ne conduit pas à la cession de droits réels ; l’acte litigieux ne comportant pas cession de droits réels, ne rentrait pas dans la compétence du service des domaines ; les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales n’ont pas été méconnues ; de même, une telle circonstance ne saurait démontrer de facto, la méconnaissance des dispositions de l’article L. 2231-31 du même code ;
– le conseil municipal disposait d’une information complète concernant le contrat envisagé ; en outre l’accomplissement de la formalité de consultation de France Domaine qui n’était pas requise n’a pas pu modifier le sens du vote.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2014, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
– le bail emphytéotique litigieux est de droit commun, tel que défini par les dispositions des articles L. 451-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et emporte une véritable cession de droits immobiliers au bénéfice du preneur qui peut lui-même le céder ;
– les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales sont applicables au litige et l’avis du service France Domaine est requis ; en l’espèce, les éléments transmis par la commune à ce service étaient manifestement insuffisants, voire erronés pour certains ; dans ces conditions, les dispositions de cet article, et par suite celles de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2014, la commune de Saint-Bon-Tarentaise, représentée par Me A…conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Bozel en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement attaqué est suffisamment motivé;
– le sens des conclusions du rapporteur public mis en ligne était suffisamment renseigné et les dispositions de l’article R. 711-3 du code de justice administrative n’ont pas été méconnues ;
– le Tribunal n’a pas méconnu son office dès lors qu’en relevant que les différences substantielles existant entre le projet de bail soumis pour avis au directeur départemental des finances publiques et le projet de bail signé, il a exactement recherché si les conditions de saisine de cette autorité ont pu exercé une influence sur le sens de la décision attaquée, au sens de la jurisprudence Danthony ;
– en sa qualité d’autorité organisatrice des remontées mécaniques et dès lors que les projets de construction envisagés par la société Sun Alpes Limited sur les terrains litigieux sont susceptibles d’affecter l’aménagement et l’exploitation du domaine skiable, elle justifie d’un intérêt à agir propre ;
– les dispositions de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime indiquent clairement que la conclusion du bail emphytéotique emporte cession d’un droit réel immobilier ; ces dispositions ne distinguent pas si le droit réel conféré au preneur résulte d’un bail passé pour une durée courte ou longue ; enfin, la circonstance que le préfet des Hautes-Alpes ne citerait pas le bail emphytéotique dans la liste des opérations immobilières soumises à l’avis du service des domaines aux termes d’une circulaire du 11 mars 2009 est sans influence ; les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales étaient applicables en l’espèce ;
– les conditions et les caractéristiques essentielles du projet de bail ont été considérablement modifiées entre l’avis rendu par France Domaine et la délibération litigieuse ; en outre, le loyer fixé à 10 000 euros constitue une libéralité consentie à une société commerciale, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales ; les conseillers municipaux ont été clairement privés de la garantie de disposer d’une information suffisante pour délibérer et l’avis rendu a exercé une influence sur le sens de leur vote.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
– les conclusions de M. Clément, rapporteur public,
– et les observations de MeC…, représentant la société Sun Alpes Limited.

1. Considérant que les requêtes susvisées concernent un même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un même arrêt ;

2. Considérant que la société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel relèvent appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited, ainsi que la décision du maire de signer ce bail ;

Sur la régularité du jugement :
3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 711-3 du code de justice administrative :  » Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne.  » ; que la communication aux parties du sens des conclusions a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré ; qu’en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;

4. Considérant, par ailleurs, que, pour l’application de l’article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu’appelle, selon lui, le litige, et notamment d’indiquer, lorsqu’il propose le rejet de la requête, s’il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu’il conclut à l’annulation d’une décision, les moyens qu’il propose d’accueillir ; que la communication de ces informations n’est toutefois pas prescrite à peine d’irrégularité de la décision ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le rapporteur public a fait connaître plus de deux jours avant l’audience qu’il entendait conclure à l' » annulation de la décision attaquée pour méconnaissance de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales  » et au  » rejet du surplus « ; que ces mentions qui précisent notamment le moyen retenu pour annuler la décision litigieuse ne méconnaissent pas, les exigences résultant de l’article R. 711-3 du code de justice administrative précité ;

6. Considérant, en second lieu, que le tribunal administratif de Grenoble, qui a jugé que les projets de construction que la société Sun Alpes Limited envisageait de réaliser sur les terrains faisant l’objet du bail emphytéotique sont susceptibles d’affecter l’aménagement et l’exploitation du domaine skiable de la commune de Saint-Bon-Tarentaise et que, compte tenu de la nature de cette opération, de la superficie et de la localisation des terrains en cause, la commune de Saint-Bon-Tarentaise avait intérêt à agir du fait de sa qualité d’autorité organisatrice du service public des remontées mécaniques, indépendamment des compétences qui lui sont dévolues pour l’édiction et l’application de la réglementation d’urbanisme a clairement précisé les motifs pour lesquels il considérait que la commune de Saint-Bon-Tarentaise justifiait d’un intérêt à agir à l’encontre des décisions litigieuses ; qu’ainsi, le tribunal administratif, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments exposés devant lui, a suffisamment motivé son jugement ;

Sur la recevabilité de la demande de la commune de Saint-Bon-Tarentaise :

7. Considérant que le bail dont la signature a été autorisée par la délibération du 4 janvier 2013 a notamment pour objet de permettre à la société Sun Alpes Limited de réaliser des constructions sur des terrains appartenant à la commune de Bozel, mais situés sur le territoire de la commune Saint-Bon-Tarentaise et à l’intérieur du périmètre de la concession d’aménagement des pistes et des remontées mécaniques de Courchevel 1650, conclue entre cette commune et la société des Trois vallées ; qu’il est constant que la commune de Saint-Bon-Tarentaise dispose de la qualité d’autorité organisatrice des remontées mécaniques situées sur les terrains litigieux ; que cette dernière fait valoir, sans être contredite, que la réalisation de constructions sur ces terrains risque de contrevenir gravement à la réalisation des projets d’aménagement de pistes et de réalisation de deux nouvelles remontées mécaniques qu’elle a confiée à la société des Trois vallées ; que, dans ces conditions, la commune de Saint-Bon-Tarentaise justifie d’un intérêt à agir à l’encontre de la délibération du 4 janvier 2013, qui a des conséquences suffisamment directes sur son activité ; que la circonstance qu’elle serait compétente pour l’édiction et l’application de la règlementation d’urbanisme sur cette zone, est sans incidence sur son intérêt à agir, dès lors que, pour autant, elle ne saurait se désintéresser de sa compétence d’autorité organisatrice des remontées mécaniques ; qu’enfin, il ressort des pièces du dossier que la commune de Saint-Bon-Tarentaise dispose de servitudes de passage sur les parcelles litigieuses données à bail ; qu’elle justifie également, à ce titre, d’un intérêt à agir à l’encontre de la délibération du 4 janvier 2013 ;
Sur la légalité des décisions attaquées :

8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime applicable au litige :  » Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction.  » ; qu’aux termes de l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors en vigueur :  » Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l’objet d’un bail emphytéotique prévu à l’article L. 451-1 du code rural, en vue de l’accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d’une mission de service public ou en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence (…).  » ; qu’aux termes de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales :  » (…) Toute cession d’immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vue de l’avis de l’autorité compétente de l’Etat. Cet avis est réputé donné à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la saisine de cette autorité.  » ;
9. Considérant, en premier lieu, qu’il est constant que la délibération litigieuse a pour objet d’autoriser la signature avec la société Sun Alpes Limited, d’un bail emphytéotique au sens des dispositions précitées de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime ; qu’en application de ces dispositions, la conclusion d’un tel bail a pour effet de créer un droit réel au profit de l’emphytéote, dès sa signature ; que, dans ces conditions, le bail litigieux doit être regardé comme tendant à la cession d’un droit réel immobilier ; que par suite, et en application des dispositions précitées de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales, la délibération litigieuse ayant pour objet d’autoriser une telle cession ne pouvait être prise qu’après l’avis de l’autorité compétente de l’Etat, soit en l’espèce, France Domaine ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, que par un courrier en date du 14 septembre 2012, le maire de la commune avait saisi France Domaine d’une demande d’avis concernant un projet de bail emphytéotique, d’une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans concernant seize parcelles dont elle était propriétaire, mais situées sur la commune de Sain-Bon-Tarentaise, pour une surface proche de deux cents hectares ; que toutefois, il est constant que le projet de bail litigieux finalement soumis à l’approbation du conseil municipal portait sur une durée réduite à vingt ans et ne concernait qu’une surface de soixante-huit hectares comprenant quatre parcelles dont deux seulement avaient été soumises à l’avis de Domaine France ; qu’eu égard aux modifications substantielles du projet en cause qui justifiaient que France Domaine fut de nouveau saisi pour avis, et en l’absence d’une telle saisine, cette autorité ne peut être regardée comme ayant été régulièrement consultée ; que par suite, la délibération litigieuse a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ;
11. Considérant, en dernier lieu, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s’il a privé les intéressés d’une garantie ;

12. Considérant que la consultation du service des domaines préalablement à la cession par une commune de plus de 2 000 habitants d’immeubles ou de droits immobiliers constitue une garantie tant pour cette dernière que pour le preneur ; que le défaut de saisine de France Domaine concernant le projet de bail litigieux, devant être regardé comme ayant privé les intéressés d’une garantie, cette irrégularité est de nature à entacher la légalité de la délibération du 4 janvier 2013 ; que, dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que pour ce motif, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ladite délibération et par suite, la décision du maire de la commune de Bozel de signer ledit bail ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges, qui n’ont pas méconnu leur office, ont annulé la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited, ainsi que la décision du maire de signer ce bail ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant, en premier lieu, que la commune de Saint-Bon-Tarentaise et l’Etat n’étant pas parties perdantes dans les présentes instances, il ne peut être fait droit aux conclusions présentées par la société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

15. Considérant, en second lieu, qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Sun Alpes Limited et de la commune de Bozel une somme de 1 500 euros, pour chacune, au titre des frais exposés par la commune de Saint-Bon-Tarentaise et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de la société Sun Alpes Limited et de la commune de Bozel sont rejetées.
Article 2 : La société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel verseront, chacune, la somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Bon-Tarentaise au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sun Alpes Limited, à la commune de Bozel, à la commune de Saint-Bon-Tarentaise et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l’audience du 16 juin 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Courret, présidente de la formation de jugement,
Mme Dèche, premier conseiller,
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juillet 2015.