Suspension d’un agent de l’Etat (CTPS) formant des moniteurs de ski/ Trafic de substances dopantes

CAA de LYON

N° 14LY00725
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
Mme Nathalie PEUVREL, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
RAVAZ, avocat
lecture du mardi 1 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :

M. E…F…a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 13 avril 2012 par lequel le ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative a prolongé la mesure de suspension dont il faisait l’objet et réduit de moitié sa rémunération.
Par un jugement n° 1204538 du 19 février 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er juin 2015, M. E…F…, représenté par MeB…, demande à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 février 2014 ;
2°) d’annuler l’arrêté du ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative du 13 avril 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– le tribunal a omis de se prononcer sur les moyens tirés du traitement discriminatoire dont il fait l’objet, de ce que l’arrêté contesté est constitutif d’un détournement de pouvoir, de ce qu’il a été pris sans examen préalable approfondi de sa situation et de ce que la mesure présente un caractère disproportionné ;
– le décret du 27 juillet 2005 de délégation générale de signature des ministres aux directeurs d’administration centrale est illégal ; l’arrêté contesté n’entre pas dans le champ de ce décret, dès lors qu’il constitue une décision individuelle ; il a été signé par une autorité incompétente ;
– l’arrêté contesté prolongeant sans limite la suspension a été pris sans examen préalable de sa situation ;
– cet arrêté est insuffisamment motivé ; au regard du caractère exceptionnellement long de la suspension dont il fait l’objet, il doit être regardé comme constitutif d’une sanction ;
– s’agissant d’une sanction, il aurait dû être précédé d’une procédure contradictoire ; il n’a pas été entendu avant l’adoption de la mesure de suspension illimitée et a été considéré comme coupable sur la foi de soupçons, du seul fait de l’ouverture d’une instruction pénale ;
– l’absence de limitation dans le temps de la suspension a en réalité pour objet de l’évincer, alors qu’il est proche de l’âge de la retraite, et de mettre fin à la procédure pénale sans désaveu des policiers et du Parquet ; contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif, il est dans l’impossibilité de poursuivre ses fonctions ;
– cet acte procède d’un détournement de procédure, en ce que c’est son épouse, Mme C… G…-F…, qui est visée à travers lui ;
– l’acte contesté est discriminatoire, au regard du traitement réservé à des élus qui poursuivent leur mandat alors qu’ils sont mis en examen et à d’autres fonctionnaires visés par l’instruction en cours, qui ne font pas l’objet d’une mesure de suspension ;
– cet arrêté méconnaît le principe de la présomption d’innocence, reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– l’arrêté litigieux a été pris en méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce qu’il l’empêche de subvenir aux besoins de sa famille et qu’il constitue une mesure humiliante et dégradante ;
– cet arrêté procède d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que les fonctions qu’il exerce sont sans rapport avec le cyclisme, milieu dans lequel il s’investit à titre bénévole, et que les faits qui lui sont reprochés sont sans rapport avec ses fonctions ; aucun élément ne justifie qu’il soit écarté du service pour une durée illimitée ; la ministre s’est estimée liée par la décision du juge d’instruction et s’est fondée sur des articles de presse dépourvus de tout fondement alors qu’il a exercé ses fonctions de manière irréprochable pendant vingt-cinq ans ; aucune sanction n’a été prononcée contre lui, ni par son employeur, ni par l’Agence française de lutte contre le dopage, laquelle a l’a relaxé, et aucune décision de renvoi devant le tribunal correctionnel n’a été prononcée ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; la réputation et le prestige du service ne sont en rien menacés, ses fonctions dans l’administration étant ignorées de la presse ; le caractère de vraisemblance des faits qui lui sont reprochés ne saurait suffire à justifier une suspension sans limitation de durée ; les investigations effectuées l’ont mis hors de cause ;
– sa rémunération a été diminuée des trois-quarts et non de moitié, comme l’a indiqué le tribunal ; le déroulement de sa carrière a été interrompu et ses droits à retraite sont également affectés par la décision de réduire sa rémunération ; sa rémunération est inférieure au seuil de pauvreté.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2015, le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
– le tribunal administratif de Grenoble, qui n’était pas tenu de répondre à tous ses arguments, a répondu à l’ensemble des moyens soulevés par M.F… ;
– Mme D…A…, nommée directrice des ressources humaines par décret du 11 juin 2009, était compétente pour signer l’acte contesté, en application de l’article 1er du décret du 27 juillet 2005 ;
– la mesure de prolongation de la suspension constitue une mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service ; elle a été décidée au motif que M. F…était soupçonné de trafic de stupéfiants et poursuivi pénalement à ce titre ; ces éléments permettant de présumer qu’il avait commis une faute grave, une mesure de suspension pouvait légalement être prise ; l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 permet de prolonger la durée de la suspension ; aucun texte n’interdit de prolonger une mesure de suspension sans limitation de durée ; la réduction de moitié de son traitement pouvait légalement être prise ;
– les garanties relatives à la procédure disciplinaire ne s’appliquent pas en cas de suspension, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une sanction ; ainsi, elle n’a pas à être motivée ;
– s’agissant d’une mesure conservatoire, qui ne se prononce pas sur la culpabilité de M. F… ou sur l’issue de la procédure disciplinaire, elle ne peut avoir été prise en méconnaissance du principe de présomption d’innocence ; elle ne fait pas obstacle à ce que M. F… exerce une activité privée pour compenser sa perte de revenus ; elle ne méconnaît ni l’article 3, ni l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– la mesure a été prise en considération de griefs suffisamment vraisemblables pour laisser présumer que M. F…a commis une faute grave ; les faits qui lui sont reprochés sont pénalement répréhensibles ; la circonstance que les faits auraient été commis en-dehors du service ne fait pas obstacle à la mesure de suspension dès lors qu’ils relèvent d’une qualification criminelle ; l’administration a procédé à un examen préalable approfondi de la situation de M. F… ;
– les faits dont M. F…est soupçonné sont en lien avec la pratique du sport et de nature à compromettre la dignité de sa fonction et à porter atteinte à l’administration dont il relève ;
Par ordonnance du 4 juin 2015, la clôture de l’instruction a été fixée au 26 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
– la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
– le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
– le décret du 11 juin 2009 portant nomination d’une directrice d’administration centrale ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Peuvrel ;
– les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
– et les observations de MeB…, pour M.F….
1. Considérant que M.F…, agent titulaire de la fonction publique d’Etat au sein du corps des conseillers techniques et pédagogiques supérieurs, a pour mission de former des moniteurs de ski ; que, le 10 février 2012, il a été placé en garde à vue puis mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour faits de contrebande de marchandises dangereuses pour la santé, infractions aux règlements sur le commerce, l’emploi de substances vénéneuses, l’importation de substances ou de produits interdits aux fins d’usage par un sportif, sans raison médicale dûment justifiée, de produits dopants ; qu’il a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois par un arrêté du ministre chargé des sports en date du 14 février 2012 ; que, par un arrêté ministériel du 13 avril 2012, sa suspension a été prolongée et sa rémunération diminuée de moitié ; que son recours gracieux contre cet arrêté ayant été rejeté, M. F…a saisi le tribunal administratif de Grenoble d’une demande tendant à son annulation, demande qui a été rejetée par un jugement du 19 février 2014 dont il relève appel ;
Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, contrairement à ce qu’allègue M.F…, les premiers juges ont dûment examiné les moyens tirés de ce que l’arrêté contesté serait constitutif d’un détournement de pouvoir, aurait été pris sans examen préalable approfondi de sa situation et présenterait, en prolongeant de manière illimitée la suspension, un caractère disproportionné ; que, s’il ressort de sa demande de première instance qu’elle mentionne le fait que d’autres fonctionnaires, pourtant visés par l’information judiciaire, n’ont pas été suspendus, cette indication ne se présente comme un moyen à part entière, mais seulement comme un argument au soutien du moyen tiré du non-respect de la présomption d’innocence ; que, par suite, M. F…n’est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient omis de se prononcer sur des moyens soulevés devant eux ;
Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement :  » A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l’acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d’Etat et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (…) les directeurs d’administration centrale (…).  » ; que, contrairement à ce qu’allègue M.F…, qui ne précise pas quelle loi serait méconnue par ces dispositions, celles-ci n’ont ni pour objet, ni pour effet de priver les ministres de leur compétence, qu’il leur est toujours loisible d’exercer en lieu et place du délégataire ; que si le texte vise, s’agissant des délégataires, des fonctions et non des personnes, la délégation n’est possible que lorsque ces personnes ont été régulièrement nommées et qu’enfin, les matières pour lesquelles la délégation est donnée sont circonscrites au champ de compétence spécifique de chaque délégataire ; que les affaires des services placés sous l’autorité des délégataires incluent les mesures individuelles prises à l’encontre des agents de ces services, comme les mesures de suspension à titre conservatoire, de prolongation de suspension et de réduction de rémunération ; qu’en l’espèce, Mme D…A…était, du fait de sa nomination en qualité de directrice des ressources humaines par décret du 11 juin 2009, compétente pour signer l’arrêté contesté, lequel entre dans le champ des affaires des services placés, au ministère chargé des sports, sous son autorité, par délégation du ministre ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :  » En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire, l’intéressé, sauf s’il est l’objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n’est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l’alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille.  » ;

5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la suspension, de même que sa prolongation, y compris lorsqu’elle ne fixe pas de durée, constitue une mesure conservatoire ne présentant pas, par elle-même, le caractère d’une sanction disciplinaire ; que, par suite, elle n’est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées par application du premier alinéa de l’article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

6. Considérant que, pour le même motif, ni la suspension, ni sa prorogation ne sont subordonnées à la mise en oeuvre préalable d’une procédure contradictoire ;
En ce qui concerne la légalité interne :

7. Considérant, en premier lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le maintien de la mesure de suspension, motivé par le fait que M. F…faisait l’objet de poursuites pénales, ait été décidé sans examen préalable de sa situation et, en particulier, que le ministre chargé des sports se serait estimé tenu de prendre cette mesure par la décision de mise en examen prise par le juge d’instruction ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que, si M. F…soutient qu’il fait l’objet d’un traitement discriminatoire au motif que d’autres fonctionnaires également visés par l’instruction en cours auraient été maintenus en fonction, il ne produit, en tout état de cause, aucun élément de nature à établir que ces agents se trouveraient dans une situation similaire à la sienne ; que, par ailleurs, il ne saurait utilement, à l’appui de ce moyen, se prévaloir du fait que des élus poursuivraient leur mandat alors qu’ils ont été mis en examen ;

9. Considérant, en troisième lieu, que, comme il a été dit précédemment, la prolongation d’une mesure de suspension constitue une simple mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service, destinée à écarter temporairement l’agent du service en attendant la décision du juge pénal ; qu’elle n’implique aucune appréciation sur la culpabilité de la personne qui en fait l’objet par rapport aux agissements qui lui sont reprochés et ne porte donc pas atteinte au principe de la présomption d’innocence ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu’il n’est pas contesté qu’à la date à laquelle a été pris l’arrêté litigieux, M. F…faisait l’objet de poursuites pénales ; que les dispositions de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 citées au point 4 permettent à l’autorité administrative de ne pas rétablir un fonctionnaire dans ses fonctions tant qu’il est l’objet de poursuites pénales ; que, par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le ministre chargé des sports ne pouvait légalement prolonger la mesure de suspension à titre conservatoire sans l’assortir d’une limitation de durée ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que les faits d’achats d’érythropoïétine (EPO) pour lesquels est poursuivi M. F…étaient de nature à compromettre la dignité de sa fonction et à porter atteinte à la réputation de l’administration à laquelle il appartient ; que si ces fait ont été commis en dehors du service et si l’intéressé se prévaut du fait qu’il aurait toujours été exemplaire dans l’accomplissement de ses fonctions, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de la prolongation de la mesure de suspension, dès lors qu’à la date à laquelle elle a été prononcée, les présomptions de fautes graves à la charge de M. F…présentaient un caractère suffisant de vraisemblance pour qu’elle puisse être légalement décidée dans l’intérêt du service ; que, par ailleurs, M.F…, qui faisait l’objet de poursuites pénales à la date de l’arrêté en litige, ne peut utilement se prévaloir de ce qu’aucune sanction n’a été prononcée contre lui par son employeur, de ce que l’Agence française de lutte contre le dopage a, le 26 mars 2014, postérieurement à l’arrêté contesté, pris une décision de relaxe, et de ce qu’aucune décision de renvoi devant le tribunal correctionnel n’a été prononcée à ce jour ; qu’il suit de là que M. F…, auquel il est loisible, s’il s’y croit fondé, de demander qu’il soit mis fin à la mesure de suspension au cas où il estimerait que des modifications survenues dans sa situation depuis l’arrêté du 13 avril 2012 en litige le justifient et de contester un éventuel refus, n’est pas fondé à soutenir qu’en prenant cet arrêté qui prolonge sa suspension et réduit de moitié le montant de son traitement, le ministre aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ;

12. Considérant, en sixième lieu, que les allégations de M. F…selon lesquelles la mesure de suspension, sans limitation de durée, vise en réalité à l’évincer alors qu’il est proche de l’âge de la retraite, à ne pas désavouer les policiers ou le ministère public et à sanctionner son épouse à travers lui, ne sont pas de nature à établir que l’acte contesté qui, ainsi qu’il a été dit, pouvait être légalement pris dans l’intérêt du service, procèderait d’un détournement de pouvoir ;

13. Considérant, en septième lieu, que, contrairement à ce qu’allègue M.F…, le tribunal administratif de Grenoble n’a pas considéré qu’il pouvait poursuivre ses fonctions mais a jugé qu’il lui était possible d’exercer une activité professionnelle dans le secteur privé ;

14. Considérant, en huitième lieu, qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales susvisée :  » 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui.  » ; qu’aux termes de l’article 3 de la même convention :  » Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants  » ;

15. Considérant que M.F…, qui fait l’objet de poursuites pénales et dont le droit au respect de sa vie privée et familiale n’est pas affecté par l’arrêté litigieux, lequel n’a ni pour objet, ni pour effet de le priver du droit d’exercer une activité professionnelle et d’en tirer des ressources, n’est pas fondé à se prévaloir des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’il n’est pas davantage fondé à invoquer la méconnaissance des stipulations de l’article 3 de la même convention, dès lors qu’une mesure conservatoire assortie d’une réduction de rémunération prise en application de la loi ne saurait s’assimiler à un acte de torture ou à un traitement inhumain ou dégradant ;

16. Considérant, en neuvième et dernier lieu, qu’il est constant que, ainsi que le permet le dernier alinéa de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 cité au point 4, l’arrêté contesté réduit de moitié la rémunération de M.F… ; qu’il appartient au requérant, s’il estime que sa rémunération a fait l’objet d’une diminution plus importante, de saisir l’administration d’une réclamation ; que si M. F…fait également valoir que sa rémunération serait désormais inférieure au seuil de pauvreté, que le déroulement de sa carrière aurait été interrompu et que ses droits à retraite seraient affectés par la réduction de sa rémunération, de telles circonstances sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la légalité d’une mesure de suspension justifiée par les poursuites pénales engagées contre lui ;

17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. F…n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les frais non compris dans les dépens :

18. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. F…demande au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, partie perdante ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E…F…est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E…F…et au ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Délibéré après l’audience du 3 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2015