Schéma départemental de coopération intercommunale/ Seuil de 5000 habitants/ Inapplicabilité en zone de montagne

CAA de MARSEILLE

N° 14MA01275   
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre – formation à 3
M. BOCQUET, président
Mme Marie-Laure HAMELINE, rapporteur
M. REVERT, rapporteur public
ADAMAS – AVOCATS ASSOCIES, avocat

lecture du lundi 2 novembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler l’arrêté interpréfectoral du 7 janvier 2013 par lequel le préfet de Vaucluse et le préfet de la Drôme ont étendu le périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux en y intégrant la commune de Mollans-sur-Ouvèze.

Par un jugement n° 1300613 du 23 janvier 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2014, la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies, représentée par MeA…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 janvier 2014 ;

2°) d’annuler l’arrêté interpréfectoral du 7 janvier 2013 susvisé.

Elle soutient que :

– le schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse a été adopté à l’issue d’une procédure irrégulière, dès lors que le préfet de la Drôme et la commission de coopération intercommunale de la Drôme n’ont pas été consultés sur le retrait de Mollans-sur-Ouvèze de la communauté de communes du pays de Buis-les-Baronnies et son intégration à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux, en violation de l’article L.5210-1-1 IV du code général des collectivités territoriales ;
– la décision de rattacher la commune de Mollans-sur-Ouvèze à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux est entachée d’erreur manifeste d’appréciation car elle méconnaît les orientations fixées par l’article L. 5210-1-1 III du code général des collectivités territoriales ;
– la décision entraîne notamment, au regard de l’objectif de solidarité financière, une perte de ressources de 20 % pour la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies qui devra en revanche maintenir des coûts d’amortissement et de personnel inchangés répartis sur un nombre inférieur de communes.

Des pièces complémentaires ont été produites le 20 novembre 2014 pour la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies.
Une mise en demeure de conclure, assortie de l’indication de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et indiquant que l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par les articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative, a été adressée le 27 juillet 2015 au ministre de l’intérieur et les autres parties en ont été informées en application de l’article R. 612-3 du même code.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience par un avis d’audience adressé le 18 septembre 2015 portant clôture d’instruction immédiate en application de l’article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Hameline,
– et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que par arrêté du 27 février 2012, le préfet de Vaucluse a, en application du II de l’article 60 de la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010, adopté un projet de périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux incluant notamment la commune de Mollans-sur-Ouvèze, située dans le département de la Drôme et alors membre dans ce département de la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies ; qu’après avis des communes et établissements intéressés sur ce projet de périmètre, le préfet de Vaucluse et le préfet de la Drôme ont, par arrêté conjoint du 7 janvier 2013, procédé à l’extension du périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux en y intégrant la commune de Mollans-sur-Ouvèze, et ont constaté par voie de conséquence le retrait de cette même commune de la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies ; que cette dernière a successivement demandé au tribunal administratif de Nîmes l’annulation de ces deux arrêtés ; qu’elle interjette appel, sous le n° 14MA01275, du jugement en date du 23 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté conjoint des préfets de Vaucluse et de la Drôme du 7 janvier 2013 modifiant le périmètre de la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux ;
Sur la légalité de l’arrêté interpréfectoral du 7 janvier 2013 portant extension du périmètre de la communauté de communes Pays Vaison Ventoux :
En ce qui concerne l’exception d’illégalité tirée de la procédure d’adoption du schéma départemental de la coopération intercommunale de Vaucluse :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable :  » IV.-Un projet de schéma est élaboré par le représentant de l’Etat dans le département. Il est présenté à la commission départementale de la coopération intercommunale. / Il est adressé pour avis aux conseils municipaux des communes et aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes concernés par les propositions de modification de la situation existante en matière de coopération intercommunale. Ils se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la notification. A défaut de délibération dans ce délai, celle-ci est réputée favorable. / Lorsqu’une proposition intéresse des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes appartenant à des départements différents, le représentant de l’Etat dans le département saisit pour avis le représentant de l’Etat dans le ou les autres départements concernés, qui se prononce dans un délai de trois mois après consultation de la commission départementale de la coopération intercommunale. A défaut d’avis rendu dans ce délai, l’avis est réputé favorable. / Le projet de schéma, ainsi que l’ensemble des avis mentionnés aux deux alinéas précédents, sont ensuite transmis pour avis à la commission départementale de la coopération intercommunale qui, à compter de cette transmission, dispose d’un délai de quatre mois pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, celle-ci est réputée favorable. Les propositions de modification du projet de schéma conformes aux I à III adoptées par la commission départementale de la coopération intercommunale à la majorité des deux tiers de ses membres sont intégrées dans le projet de schéma. / Le schéma est arrêté par décision du représentant de l’Etat dans le département et fait l’objet d’une insertion dans au moins une publication locale diffusée dans le département. (…)  » ;
3. Considérant que les dispositions précitées impliquent, dans le cas où le projet de schéma élaboré par le représentant de l’Etat dans le département contient des propositions intéressant des communes ou établissements de coopération intercommunale d’un département voisin, que celui-ci saisisse pour avis le préfet de ce département dans les conditions prévues au troisième alinéa, avant de transmettre son projet ainsi que les avis recueillis sur celui-ci à la commission départementale de coopération intercommunale ; qu’elles ne créent, en revanche, pas d’obligation de consultation du préfet ni de la commission départementale de coopération intercommunale d’un département voisin sur les modifications que la commission apporte elle-même par amendement au projet de schéma voté à la majorité des deux tiers dans le cadre de son examen ultérieur et que le représentant de l’Etat est tenu ensuite d’intégrer au projet de schéma, quel que soit le contenu des propositions ainsi adoptées ;
4. Considérant qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse a consulté le préfet de la Drôme le 9 mai 2011 sur le projet de schéma départemental de coopération intercommunale du Vaucluse qu’il avait élaboré, en application des dispositions précitées du troisième alinéa de l’article L. 5210-1-1 IV ; qu’ainsi que l’ont relevé à bon droit les premiers juges, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui faisait obligation de saisir à nouveau le préfet de la Drôme du schéma départemental une fois celui-ci amendé par la commission intercommunale de coopération intercommunale de Vaucluse, laquelle a proposé le 29 juillet 2011 le principe de l’intégration de la commune de Mollans-sur-Ouvèze à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux ; que, dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse aurait été adopté dans des conditions irrégulières, alors d’ailleurs que le préfet de Vaucluse a dans les faits informé le préfet de la Drôme par courrier de l’introduction de cette modification, et qu’une réunion commune des représentants des commissions de coopération intercommunale des deux départements a eu lieu le 25 novembre 2011 afin d’évoquer les questions d’intérêt commun ; que, dès lors, le moyen invoqué à l’encontre de l’arrêté interpréfectoral en litige et tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité du schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse, doit en tout état de cause être écarté ;
En ce qui concerne l’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales :
5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales :  » I.-Dans chaque département, il est établi, au vu d’une évaluation de la cohérence des périmètres et de l’exercice des compétences des groupements existants, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales.(…) III.-Le schéma prend en compte les orientations suivantes :1 La constitution d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 5 000 habitants ; toutefois, ce seuil de population n’est pas applicable aux établissements publics dont le territoire comprend des zones de montagne délimitées conformément à l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ; par ailleurs, ce seuil peut être abaissé par le représentant de l’Etat dans le département pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces 2° Une amélioration de la cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ; 3° L’accroissement de la solidarité financière (…).  » ; qu’aux termes de l’article L. 5214-1 du même code dans ses dispositions en vigueur à la date de l’arrêté litigieux :  » La communauté de communes est un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave. /Elle a pour objet d’associer des communes au sein d’un espace de solidarité, en vue de l’élaboration d’un projet commun de développement et d’aménagement de l’espace. (…)  » ;
6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’intégration de la commune de Mollans-sur-Ouvèze à la communauté de communes vauclusienne Pays Vaison Ventoux, avec l’accord de la commune concernée et conformément aux propositions du schéma départemental de coopération intercommunale de Vaucluse, a eu pour objectif premier de mettre fin à la situation de discontinuité territoriale de cet établissement public résultant, depuis 2009, de l’enclavement des communes membres de Saint-Léger du Ventoux, Brantes et Savoillans ; qu’il est constant que la solution ainsi apportée à la discontinuité du périmètre existant ne présentait pas d’alternative aisément réalisable en raison notamment des contraintes géographiques, et permettait, ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal administratif, de respecter l’objectif de suppression des enclaves fixé par le I de l’article L. 5210-1-1 précité du code général des collectivités territoriales ;
7. Considérant que, si la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies fait valoir que sa taille va diminuer de manière préjudiciable en la faisant passer sous le seuil de 5 000 habitants préconisé par le III de l’article L. 5210-1-1, elle ne conteste pas que son territoire comprend plusieurs zones de montagne au sens de ces dispositions, ayant pour effet d’écarter l’application de ce seuil en l’espèce ; que, par ailleurs, la communauté de communes requérante n’établit pas, en se limitant à faire valoir les projections de ses pertes fiscales et financières estimées du fait du retrait de la commune de Mollans-sur-Ouvèze, sans au demeurant démontrer l’ampleur alléguée de la part des investissements réalisés au bénéfice des habitants de cette commune, que ce départ la placerait dans une situation de déséquilibre financier de nature à caractériser une erreur manifeste d’appréciation des auteurs de l’arrêté litigieux au regard de l’orientation de solidarité financière prévue par le III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales et de la vocation d’une communauté de communes prévue par l’article L. 5214-1 du même code ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement n° 1300613, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté interpréfectoral du préfet de Vaucluse et du préfet de la Drôme du 7 janvier 2013.
D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 14MA01275 de la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Pays de Buis-les-Baronnies, au ministre de l’intérieur, à la communauté de communes du Pays Vaison Ventoux, à la commune de Vaison la Romaine et à la commune de Mollans-sur-Ouvèze.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse et au préfet de la Drôme.
Délibéré après l’audience du 12 octobre 2015, où siégeaient :

– M. Bocquet, président,
– M. Pocheron, président assesseur,
– Mme Hameline, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 novembre 2015.

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N° 14MA01275