Projet de station de ski (Porta, Pyrénées)/ Atteinte à des sites Natura 2000

CAA de MARSEILLE

N° 16MA03194   
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre – formation à 3
M. BOCQUET, président
Mme Marie-Laure HAMELINE, rapporteur
M. REVERT, rapporteur public
SCP DELAPORTE BRIARD TRICHET, avocat

lecture du mardi 20 juin 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés par actions simplifiées Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler l’arrêté du 3 mars 2009 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté leur demande d’autorisation en vue de la réalisation des équipements hydrauliques relatifs à l’aménagement d’une station de ski sur le territoire de la commune de Porta ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 5 mai 2009 contre cet arrêté, et d’enjoindre au préfet de réexaminer leur demande. Par un jugement n° 0903855 du 11 mars 2011, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à ces conclusions.

Par un arrêt n° 11MA02182 du 28 octobre 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur le recours du ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par les sociétés Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges devant le tribunal administratif de Montpellier.

Par une décision n° 386789 du 27 juillet 2016, le Conseil d’Etat a, sur pourvoi formé par ces deux sociétés, annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré initialement le 1er juin 2011 sous le n° 11MA02182 puis, après renvoi par le Conseil d’Etat, sous le n° 16MA03194, le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour d’annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 mars 2011.

Il soutient que :
– le tribunal a estimé, à tort, que l’atteinte portée par le projet aux zones humides ne justifiait pas un refus d’autorisation ;
– les premiers juges ont apprécié de manière erronée la gravité des atteintes portées aux zones humides uniquement au regard de la superficie affectée par le projet, sans rechercher si les composantes de cette partie présentaient des caractéristiques telles que sa réalisation compromettrait l’objectif de préservation et de gestion durable des zones humides ;
– les effets des mesures compensatoires prévues dans le dossier de demande d’autorisation avaient été pris en compte par le préfet ;
– le critère de la superficie concernée par le projet ne pouvait être seul retenu pour apprécier l’atteinte portée au site Natura 2000 de Capcir-Carlit-Campcardos en application de l’article L. 414-4 du code de l’environnement interprété conformément à l’article 6§3 de la directive Habitats ;
– les effets du projet en cause doivent être pris en compte de manière cumulée avec ceux du projet de station de ski de la commune voisine Porté-Puymorens comme l’impose l’article R. 414-23 du même code ;
– en appréciant les effets des mesures d’atténuation envisagées sur la conservation des espèces, sans vérifier l’absence de solution alternative ni l’intérêt public majeur qui s’attachait au projet, le tribunal a fait une application erronée de l’article 6§4 de la directive Habitats ;
– les tourbières actives hautes sont quasi inexistantes en Europe et doivent être protégées au-delà de la seule préservation du site de Capcir-Carlit-Campcardos ;
– le préfet a considéré à juste titre que la destruction d’une partie, quelle que soit son importance, d’un habitat d’intérêt communautaire prioritaire, et nonobstant les mesures d’atténuation envisagées, était contraire à l’engagement de préservation de ces habitats dans les sites Natura 2000.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 février 2013, annulé et remplacé par un mémoire enregistré le 27 février 2013, puis complété par un mémoire enregistré le 17 juin 2013, la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges, représentées par la SCP Delaporte Briard et Trichet, concluent au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :
– aucun des moyens invoqués contre le jugement contesté n’est fondé ;
– la décision du préfet est entachée d’insuffisance de motivation, d’erreurs de droit et d’erreur manifeste d’appréciation.

La Cour a informé les parties les 3 et 4 juillet 2014, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d’être fondée sur des moyens relevés d’office tirés, d’une part, de la tardiveté de la demande de première instance et, d’autre part, de la méconnaissance du champ d’application de la loi par le préfet des Pyrénées-Orientales dans l’application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement.

Les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges ont présenté le 15 juillet 2014 leurs observations en réponse aux moyens relevés d’office par la Cour.

Elles soutiennent que leur recours contentieux n’était pas tardif dès lors que l’arrêté préfectoral comportait des mentions inexactes sur les voies et délais de recours ;

Le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, a présenté le 29 juillet 2014 ses observations en réponse aux moyens relevés d’office par la Cour.

Il soutient que :
– l’arrêté en litige se fonde à bon droit sur le IV de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, le dossier des sociétés pétitionnaires comportant plusieurs demandes d’autorisation connexes relatives à un même projet ;
– il ressort des visas, des motifs et du dispositif de l’arrêté que celui-ci statue sur une demande d’autorisation et non sur une déclaration, en dépit d’une erreur de plume.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
– le code de l’environnement ;
– la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
– le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Hameline,
– et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que, par un arrêté du 3 mars 2009, le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté la demande présentée par les sociétés Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, tendant à l’autorisation de travaux et ouvrages hydrauliques pour l’aménagement du domaine skiable et de l’ensemble immobilier d’une nouvelle station touristique sur le territoire de la commune de Porta ; que les deux sociétés, après avoir formé en vain auprès du préfet un recours gracieux contre ce refus le 5 mai 2009, ont introduit un recours contentieux devant le tribunal administratif de Montpellier ; que celui-ci, par un jugement du 11 mars 2011, a annulé l’arrêté préfectoral du 3 mars 2009 ainsi que la décision implicite du préfet rejetant le recours gracieux des sociétés pétitionnaires, et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de leur demande dans un délai de quatre mois ; que par un arrêt du 28 octobre 2014, la cour administrative d’appel de Marseille saisie par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée devant le tribunal administratif par les sociétés Domaine Porte des Neiges et Résidence Porte des Neiges au motif relevé d’office que celle-ci était irrecevable ; que, sur pourvoi en cassation des deux sociétés, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt du 28 octobre 2014 par une décision n° 386789 du 27 juillet 2016, en relevant que la demande de première instance ne pouvait être regardée comme tardive eu égard aux mentions de l’arrêté préfectoral du 3 mars 2009 de nature à induire ses destinataires en erreur sur l’interruption du délai de recours contentieux par l’exercice d’un recours gracieux, et a renvoyé l’affaire à la Cour pour qu’il y soit statué ;

Sur les moyens d’annulation retenus par le tribunal administratif :

2. Considérant que, pour refuser la demande d’autorisation présentée par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges au titre de la loi sur l’eau, le préfet des Pyrénées-Orientales s’est fondé sur le double motif que le projet méconnaissait l’objectif de préservation des zones humides prévu par les articles L. 211-1 et L. 211-1-1 du code de l’environnement et qu’il portait atteinte à la conservation du site d’intérêt communautaire de Capcir-Carlit-Campcardos en méconnaissance de l’article L. 414-4 du même code ; que le tribunal administratif de Montpellier a estimé que l’un et l’autre de ces motifs étaient entachés d’erreur d’appréciation ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l’objectif de préservation des zones humides :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’environnement :  » I. Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 211-1-1 du même code :  » La préservation et la gestion durable des zones humides définies à l’article L. 211-1 sont d’intérêt général (…)  » ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le secteur géographique de Porta-Porté-Puymorens où doit être implanté le projet comporte 96,53 hectares de zones humides, et se caractérise en particulier par la présence de tourbières hautes constituant un habitat rare en Europe méridionale ; que les ouvrages projetés ont un impact sur le fonctionnement hydraulique de ces zones humides tant en ce qui concerne l’urbanisation prévue dans le cadre de la zone d’aménagement concerté que l’aménagement du domaine skiable ; qu’il ressort ainsi du rapport présenté au conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques du 25 novembre 2008 que la réalisation du projet global aurait pour effet direct la destruction de 7,6 hectares de zones humides, et entraînerait une dégradation indirecte d’une surface plus importante ; que le rapport d’expertise établi par le conseil général de l’environnement et du développement durable en janvier 2009 indique qu’eu égard au fonctionnement particulier des tourbières, qui doit être apprécié dans une approche globale et est influencé par de multiples causes, l’ensemble de cet habitat présent sur le site est susceptible d’être menacé ; qu’il n’est pas valablement contredit que l’aire de convergence du domaine skiable est située sur certaines des plus belles zones humides du site, en bon état de conservation, abritant des espèces d’intérêt communautaire prioritaires et une espèce végétale protégée ; qu’il ressort par ailleurs des différents documents sur lesquels s’est appuyé le préfet que les mesures compensatoires prévues par le dossier de demande d’autorisation concernent essentiellement la préservation de zones humides en bon état situées de part et d’autre de l’emprise du projet mais ne sont pas de nature à permettre la reconstitution d’une surface de zones humides équivalente à celle détruite sur l’emprise elle-même ; que la destruction d’une surface importante de zones humides induite par le projet entraînerait ainsi une perte définitive ; que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, le préfet n’avait ni à tenir compte du seul rapport entre la superficie de zones humides affectée et la superficie totale du site, ni à limiter son analyse à l’existence d’une atteinte significative portée à ces zones humides, alors qu’un tel critère d’appréciation n’est pas prévu par les dispositions précitées ; qu’enfin, il ne ressort pas des termes de l’arrêté ou des autres éléments soumis à l’instruction que le préfet aurait omis de tenir compte de l’ensemble des mesures de compensation envisagées, alors que la décision en litige indique précisément qu’en dépit de celles-ci, 7,6 ha de zones humides doivent être détruits  » sans remplacement « , ce qui n’est pas efficacement contesté par les sociétés pétitionnaires ; que, dans ces conditions, le préfet a pu estimer sans erreur de droit ni erreur d’appréciation que les incidences du projet présenté méconnaissaient l’objectif de préservation des zones humides prévu par les articles L. 211-1 et L. 211-1-1 du code de l’environnement ;

En ce qui concerne l’atteinte aux habitats naturels reconnus d’intérêt communautaire :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, adopté pour la transposition de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 :  » I. – Les programmes ou projets de travaux, d’ouvrage ou d’aménagement soumis à un régime d’autorisation ou d’approbation administrative, et dont la réalisation est de nature à affecter de façon notable un site Natura 2000, font l’objet d’une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site.(…)/ II. – L’autorité compétente ne peut autoriser ou approuver un programme ou projet mentionné au premier alinéa du I s’il résulte de l’évaluation que sa réalisation porte atteinte à l’état de conservation du site. / III. – Toutefois, lorsqu’il n’existe pas d’autre solution que la réalisation d’un programme ou projet qui est de nature à porter atteinte à l’état de conservation du site, l’autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d’intérêt public. Dans ce cas, elle s’assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge du bénéficiaire des travaux, de l’ouvrage ou de l’aménagement. La Commission européenne en est tenue informée. / IV. – Lorsque le site abrite un type d’habitat naturel ou une espèce prioritaires qui figurent, au titre de la protection renforcée dont ils bénéficient, sur des listes arrêtées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, l’accord mentionné au III ne peut être donné que pour des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique ou tirés des avantages importants procurés à l’environnement ou, après avis de la Commission européenne, pour d’autres raisons impératives d’intérêt public  » ;

6. Considérant qu’il ressort de ces dispositions que l’évaluation des incidences d’un projet doit être réalisée au regard des différents objectifs de conservation du site d’intérêt communautaire concerné ; qu’une telle évaluation ne saurait se fonder sur le seul rapport entre la superficie d’habitats naturels affectée et la superficie du site lui-même ; que, par ailleurs, il doit être tenu compte, pour évaluer les incidences d’un projet sur l’état de conservation d’un site d’importance communautaire, des mesures prévues par le projet de nature à supprimer ou réduire les effets dommageables de celui-ci sur le site ;

7. Considérant que les travaux et ouvrages projetés sont entièrement inclus tant dans une zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique de type II  » Massif du Campcardos  » que dans le site d’intérêt communautaire et la zone de protection spéciale  » Campcir-Carlit-Campcardos  » relevant du réseau Natura 2000 ; qu’il ressort des documents soumis à l’instruction, et notamment du document d’évaluation des incidences du projet au regard des objectifs de conservation des sites Natura 2000, que deux habitats naturels recensés comme prioritaires, les formations herbeuses à nard riches en espèces sur substrats siliceux des zones montagnardes et les tourbières hautes actives, sont présentes sur l’emprise du projet en litige ; que ce dernier conduit à une destruction permanente de 14,28 hectares des premières, et de 0,07 hectare des secondes, cependant que la modification de l’écoulement des eaux de surface assècherait aussi ces tourbières hautes actives sur une superficie non précisée ; que le document d’évaluation des incidences montre, en outre, que le projet aurait un impact sur cinq autres types d’habitats naturels d’intérêt communautaire, altérant définitivement plus de 10 autres hectares ; que l’expertise réalisée à la demande du préfet des Pyrénées-Orientales en janvier 2009 a confirmé l’importance de l’atteinte portée par le projet aux formation à nard et aux tourbières, se cumulant avec les impacts résultant de la création de la station de ski de Porté-Puymorens dans la commune voisine, et sans mesure d’atténuation effective des effets négatifs prévisibles du projet ; que, par suite, la réalisation du projet, qui conduirait notamment à une détérioration d’habitats prioritaires, porterait atteinte à l’état de conservation des habitats qui ont justifié la délimitation du site, alors même qu’ils ne représentent qu’un faible pourcentage de la superficie totale de celui-ci ; que dans ces conditions, et contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, c’est par une exacte application de l’article L. 414-4 du code de l’environnement que le préfet des Pyrénées-Orientales a estimé que la demande présentée par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges en vue de réaliser les aménagements hydrauliques du projet de station touristique était de nature à porter atteinte à l’état de conservation du site d’intérêt communautaire concerné, et devait être refusée pour ce motif ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur les deux motifs indiqués ci-dessus pour prononcer l’annulation de l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 3 mars 2009 portant refus d’autorisation et de la décision implicite de rejet du recours gracieux des sociétés pétitionnaires ;

9. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges tant en première instance qu’en appel ;

Sur les autres moyens invoqués à l’encontre de l’arrêté du 3 mars 2009 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux du 5 mai 2009 :

10. Considérant, en premier lieu, que l’arrêté en litige indique les dispositions sur lesquelles le préfet a fondé sa décision de refus ; qu’il relève de manière circonstanciée que le projet doit avoir pour conséquence la destruction de plusieurs habitats naturels d’intérêt communautaire ainsi que la dégradation et la destruction d’habitats d’oiseaux ; que, s’il n’identifie pas les zones humides susceptibles d’être affectées par le projet, il énonce avec une précision suffisante son impact sur ces zones en relevant la destruction de 7,6 hectares de celles-ci et la dégradation indirecte d’une surface plus importante ; que le préfet n’était pas tenu de mentionner plus en détail dans l’arrêté son analyse de l’insuffisance des mesures compensatrices, alors notamment qu’il relève la destruction d’une surface précise  » sans remplacement  » ; qu’il n’avait pas davantage à y examiner la compatibilité alléguée du projet présenté avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne, point qui ne fondait pas sa décision en l’espèce ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus du 3 mars 2009 serait insuffisamment motivée en violation des article 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 et de l’article L. 212-4 III du code de l’environnement doit être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ne ressort ni des termes de l’arrêté en litige ni d’aucun des éléments soumis à l’instruction que le préfet des Pyrénées-Orientales, qui a lui-même demandé la réalisation d’une expertise complémentaire sur les effets du projet sur les sites d’intérêt communautaire concernés, se serait estimé à tort lié par les conclusions du commissaire enquêteur ou par l’avis du conseil départemental pour opposer un refus à la demande dont il était saisi ; que le moyen tiré par les intimées de l’incompétence négative du préfet doit, dès lors, être également écarté ;

12. Considérant, en troisième lieu, que comme il a été dit plus haut, la décision en litige n’est pas fondée sur l’incompatibilité des travaux et ouvrages envisagés avec les dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux localement applicable, mais sur la méconnaissance par le projet des dispositions du code de l’environnement relatives respectivement à la protection des zones humides et à la conservation des sites d’intérêt communautaire ; que ces motifs suffisaient par eux-mêmes à justifier le refus de l’autorisation demandée en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ; que le préfet des Pyrénées-Orientales n’a donc, en toute hypothèse, commis aucune erreur de droit en ne fondant pas en outre son refus sur une analyse de la compatibilité du projet avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne ; que les sociétés pétitionnaires ne peuvent, dès lors, utilement invoquer à l’encontre de l’arrêté du 3 mars 2009 la circonstance que le préfet n’aurait pas démontré l’incompatibilité du projet avec le contenu de ce schéma ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu’ainsi qu’il a été dit aux points 5 à 7, le préfet a fondé en droit le motif de refus tiré de l’atteinte portée par le projet aux sites d’intérêt communautaire relevant du réseau Natura 2000 sur la méconnaissance de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, et non sur la violation directe des directives communautaires et notamment la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 dont ces dispositions assurent la transposition en droit interne ; que le moyen tiré de l’erreur de droit du préfet sur le fondement juridique de l’arrêté en litige doit par suite être écarté ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que le b) du 4° du II de l’article R. 214-6 du code de l’environnement prévoit que la demande d’autorisation présentée au titre de la loi sur l’eau doit comporter l’évaluation des incidences du projet sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; que, par ailleurs le I de l’article R. 414-19 du même code inclut  » les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou déclaration au titre des articles L. 214-1 à L. 214-11  » dans la liste nationale des documents de planification, programmes ou projets qui doivent faire l’objet d’une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 en application l’article L. 414-4 de ce code ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions de ce dernier article relatives à la protection des site Natura 2000 seraient inapplicables à un projet d’aménagements hydrauliques soumis à autorisation en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement ne peut qu’être écarté comme manquant en droit ;

15. Considérant, en sixième lieu, que le site de Capcir-Carlit-Campcardos à l’intérieur duquel se trouve le projet a été inscrit sur la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique alpine par une décision de la Commission du 22 décembre 2003, entrée en vigueur le vingtième jour après sa publication au Journal officiel de l’Union Européenne intervenue le 21 janvier 2004 ; que les mesures de protection édictées par l’article L. 414-4 du code de l’environnement s’y appliquaient dès cette date ; que le site a ensuite été désigné comme zone de protection spéciale par arrêté ministériel du 25 avril 2006 dans le cadre du réseau Natura 2000 ; que la seule circonstance que le document d’objectifs propre au site de Capcir-Carlit-Campcardos n’avait pas encore été adopté à la date de la décision en litige demeurait sans influence sur la nécessité pour l’autorité administrative d’apprécier l’atteinte portée à ce site reconnu d’importance communautaire au vu de l’ensemble des éléments recueillis lors de l’instruction de la demande, et conformément aux objectifs indiqués dans la décision de désignation ; que le moyen tiré de l’erreur de droit du préfet sur ce point doit donc être écarté ;

16. Considérant, en septième et dernier lieu, que le préfet des Pyrénées-Orientales a pu à bon droit apprécier l’atteinte portée aux sites d’intérêt communautaire concernés par le projet sans se prononcer sur le caractère significatif ou non d’une telle atteinte, dès lors que le II de l’article L. 414-4 précité du code de l’environnement impose à l’autorité administrative de s’opposer à un projet dès lors que sa réalisation  » porte atteinte aux objectifs de conservation  » d’un site Natura 2000, sans limiter l’interdiction qu’il prévoit aux seules atteintes notables ou significatives, une telle notion ne s’appliquant qu’à l’exigence procédurale d’évaluation environnementale instituée par le I du même article ; que le préfet n’avait pas non plus à prendre en compte, dans son appréciation de l’atteinte portée à l’état de conservation des sites, les mesures de compensation qui ne doivent être intégrées à l’analyse que dans les situations dérogatoires prévues par le III du même article ; que les moyens tirés d’erreurs de droit du préfet dans l’application de ces dispositions doivent, dès lors, être écartés ;

17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 3 mars 2009 refusant l’autorisation demandée par les sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaines porte des Neiges en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, ainsi que sa décision implicite rejetant le recours gracieux de ces dernières ;

Sur les conclusions présentées en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle en toute hypothèse à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser aux sociétés Résidence Porte des Neiges et Domaine Porte des Neiges la somme que celles-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n°0903855 du 11 mars 2011 est annulé.