Piste de ski « indoor »/ Obligation de sécurité de moyens/ Faute de la commune

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 5 juillet 2017
N° de pourvoi: 16-20363
Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Haas, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 12 mai 2016), que, le 11 janvier 2009, Donacien X…, alors âgé de quinze ans, a été victime d’un accident de ski sur une piste artificielle implantée dans un complexe de loisirs exploité par la commune de Noeux-les-Mines (la commune) ; que Mme Y…, agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, a assigné en réparation la commune et la caisse primaire d’assurance maladie de Roubaix-Tourcoing (la CPAM) ; que la société SMACL assurances, assureur de la commune (l’assureur), et M. X…, devenu majeur, sont intervenus volontairement à l’instance ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que la commune et l’assureur font grief à l’arrêt de retenir la responsabilité de la commune dans la survenance de l’accident, de dire que celle-ci doit réparation de son entier préjudice corporel à la victime, de la condamner à payer à M. X…une somme de 10 000 euros à titre de provision et de les condamner solidairement à verser à la CPAM une provision d’un montant de 67 753 euros, alors, selon le moyen :

1°/ qu’une faute ne peut engager la responsabilité de son auteur que si elle est la cause directe et certaine du dommage subi par la victime ; qu’en relevant, pour engager la responsabilité de la commune que les trois hypothèses jugées seulement « probables » par l’expert, comme étant la cause du traumatisme crânien subi par M. X…, seront toutes les trois retenues, sans trancher le litige et sans déterminer laquelle, parmi ces trois hypothèses, avaient été la cause certaine du dommage, la cour d’appel, qui a statué par des motifs dubitatifs qui ne permettent pas d’imputer de façon certaine la survenance du dommage aux fautes retenues à l’encontre de la commune, a violé l’article a violé l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que l’obligation de sécurité incombant à l’exploitant d’une station de ski n’est qu’une obligation de moyens ; qu’en jugeant que la commune avait manqué à son obligation de sécurité pour ne pas avoir suffisamment et spécifiquement alerté la victime sur l’opportunité de porter un casque, eu égard aux conditions météorologiques, cependant qu’il résultait de ses constatations qu’il était établi que la commune avait mis des casques gratuitement à la disposition des usagers et ce, de façon « ostentatoire », et qu’une affiche indiquait « Casque à votre disposition. Fortement conseillé » de sorte qu’il était établi que la commune, seulement tenue à une obligation de moyens, avait suffisamment alerté les usagers de l’opportunité de mettre un casque, et ce d’autant qu’aucune loi ou règlement n’impose le port du casque pour la pratique du ski, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1147 du code civil dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ que la faute de la victime lorsqu’elle a concouru à la réalisation du dommage doit entraîner un partage de responsabilité ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y avait été invitée, si la victime ou son accompagnant majeur, n’avait pas commis une faute ayant concouru à la réalisation du dommage en ne s’équipant pas d’un casque, mis gratuitement à sa disposition par la commune, alors même qu’elle se qualifiait comme un skieur inexpérimenté, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°/ qu’en tout état de cause, le manquement à une obligation d’information ou de mise en garde ne peut être sanctionné que par la réparation d’une perte de chance, et non par l’indemnisation intégrale du dommage ; qu’au cas d’espèce, en condamnant l’exploitant et son assureur à la réparation intégrale des dommages subis par la victime, motif pris de ce que l’exploitant n’avait pas suffisamment alerté la victime sur les risques attachés à la descente de la piste de ski sans casque et aux conditions météorologiques, quand cette faute ne pouvait, en toute hypothèse, qu’aboutir à l’indemnisation d’une perte de chance, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1147 du code civil dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu, d’abord, qu’après avoir constaté que, le jour de l’accident, la piste synthétique était couverte de neige et de quelques plaques de verglas et que de telles conditions de glisse étaient inhabituelles pour les usagers, la cour d’appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que la commune n’avait pas attiré l’attention de ces derniers, au moment de la remise de leur équipement, sur l’existence de risques particuliers liés à l’état de la piste et sur la plus grande opportunité de porter un casque, certes mis gratuitement à leur disposition, mais dont le port n’avait pas été spécifiquement recommandé ; qu’elle a ajouté que le filet de protection, situé à une distance restreinte de la fin de la piste, était dépourvu de boudins matelassés, que le fait qu’il ait été peu tendu et placé à quinze ou vingt centimètres de hauteur par rapport au sol permettait le passage d’un skieur ayant chuté sous la jupe de protection caoutchoutée et que, malgré ce risque, le filet était attaché à l’arrière par des chaînes cadenassées non protégées ; qu’elle a pu en déduire que la commune avait manqué à son obligation de sécurité de moyens ;

Attendu, ensuite, que la cour d’appel a procédé à la recherche visée par la troisième branche du moyen, en retenant que M. X…, qui n’avait pas de connaissance générale de la pratique du ski, n’avait adopté, lors du choc comme dans le moment qui l’a précédé, aucun comportement imprudent ou inadapté au regard des circonstances, susceptible de le considérer comme responsable, même partiellement, de son propre dommage ;

Et attendu, enfin, qu’elle a énoncé, par motifs propres et adoptés, que, quelles que soient les trois hypothèses envisagées par l’expert pour expliquer les circonstances précises de l’accident, l’absence de port de casque avait nécessairement contribué à la survenance du traumatisme crânien dont M. X…a été victime et que son dommage avait été aggravé par le fait d’être passé sous la barrière de protection pour se retrouver gisant en dehors de la piste ; que, sans se fonder sur des motifs dubitatifs, elle en a déduit, à bon droit, que, quelle que soit l’éventualité considérée, la faute de la commune était à l’origine du préjudice subi et que celle-ci devait réparation intégrale à la victime ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n’est pas fondé en ses autres griefs ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi