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Demande d’autorisation pour l’aménagement d’un domaine skiable/ Incompatibilité avec les orientations d’un SDAGE

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 13MA05167
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre – formation à 3
M. LASCAR, président
M. Vincent L’HÔTE, rapporteur
M. DELIANCOURT, rapporteur public

lecture du mardi 13 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler l’arrêté en date du 11 juillet 2011 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté leur demande d’autorisation présentée au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, en vue de l’aménagement d’un domaine skiable sur le territoire de la commune de Porta.

Par un jugement n° 1104149 du 5 novembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’arrêté du 11 juillet 2011, a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de la demande d’autorisation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 31 décembre 2013, le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour d’annuler le jugement du 5 novembre 2013.
Il soutient que :
– les premiers juges ont commis une erreur de droit en appréciant la gravité des atteintes portées aux zones humides uniquement au regard de la superficie affectée par le projet, sans rechercher si les composantes de cette partie présentaient des caractéristiques telles que la réalisation du projet compromettrait l’objectif de préservation et gestion durable des zones humides ;
– le tribunal a commis une erreur d’appréciation en estimant que le projet n’était pas incompatible avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne ;
– en tout état de cause, le rejet de la demande d’autorisation était justifié au regard des atteintes portées aux objectifs de conservation du site  » Capcir-Carlit-Campcardos « .
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M.A…’hôte, premier conseiller,
– et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.
1. Considérant que, dans le cadre d’un programme d’aménagement d’une station touristique de montagne sur le territoire de la commune de Porta, la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges ont déposé le 29 octobre 2007 une demande d’autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, en vue de l’aménagement d’un domaine skiable ; que le préfet des Pyrénées-Orientales leur a opposé un refus par un arrêté du 3 mars 2009 ; que, par un jugement du 11 mars 2011, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de la demande dans le délai de quatre mois ; que, le 11 juillet 2011, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris un nouvel arrêté rejetant de nouveau la demande d’autorisation ; que ce second refus a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 novembre 2013, dont le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement fait appel ;
2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 214-3 du code de l’environnement :  » I. – Sont soumis à autorisation de l’autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles (…)  » ; que, d’autre part, le III de l’article L. 212-1 du même code prévoit que chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d’un ou de plusieurs schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux fixant, notamment, les orientations permettant de satisfaire aux principes prévus aux articles L. 211-1, au nombre desquels figure la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; que le XI du même article précise que les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l’eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux ;
3. Considérant que, pour rejeter la demande présentée par la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges, le préfet des Pyrénées-Orientales s’est fondé sur le motif que le projet n’était pas compatible avec les orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne ; que le tribunal a estimé ce motif entaché d’une erreur d’appréciation ;
4. Considérant que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne définit la protection et la restauration des zones humides comme un thème prioritaire ; que le C du paragraphe 3.4 indique que  » le bon état des eaux ne pourra pas être atteint si les milieux aquatiques ne retrouvent pas un fonctionnement plus naturel. Pour atteindre les objectifs du SDAGE, il convient de mettre en oeuvre une politique de préservation, de restauration et de gestion adaptée aux territoires (…) des fonctionnalités des milieux aquatiques  » ; que l’orientation C, qui consiste à  » gérer durablement les eaux souterraines, préserver et restaurer les fonctionnalités des milieux aquatiques et humides « , est déclinée en différentes actions ; que celle numérotée C30, intitulée  » préserver les milieux aquatiques à forts enjeux environnementaux  » parmi lesquels sont mentionnées les zones humides, précise que  » pour toute opération soumise à autorisation ou à déclaration sur un milieu aquatique à forts enjeux environnementaux, le document évaluant son impact sur l’environnement doit notamment préciser les incidences sur les paramètres qui ont conduit à l’identification du milieu dans le SDAGE et qui figurent sur les listes du SDAGE. L’opération ne peut être autorisée ou acceptée que si elle ne remet pas en cause de manière significative ces paramètres, ou si les mesures compensatoires ou autres, adaptées à l’enjeu identifié, visent à réduire de manière satisfaisante l’impact sur ces paramètres. Dans ce cas, l’autorité administrative prescrit au maître d’ouvrage des dispositifs de suivi des travaux et d’évaluation de l’efficacité des prescriptions et des mesures compensatoires (article L214-1-I du code de l’environnement), en tenant compte de l’importance des projets et de la sensibilité des milieux  » ; que l’action C46 a pour objet d' » éviter ou, à défaut, compenser l’atteinte grave aux fonctions des zones humides  » ;
5. Considérant que le rapport de présentation du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, en date du 25 novembre 2008, mentionne que la réalisation du projet aurait pour effet direct la destruction de 7,6 hectares de zones humides et entrainerait une dégradation indirecte d’une surface plus importante ; que le rapport d’expertise établi par le conseil général de l’environnement et du développement durable en janvier 2009, indique qu’eu égard au fonctionnement particulier des tourbières, qui doit être apprécié dans une approche globale et qui est impacté par de multiples causes, l’ensemble de cet habitat présent sur le site est susceptible d’être menacé ; qu’il ressort de ces deux documents, sur lesquels le préfet pouvait s’appuyer sans être tenu de les annexer à sa décision, que les mesures compensatoires prévues par le dossier de demande d’autorisation ne sont pas de nature à permettre la reconstitution d’une surface de zones humides équivalente à celle détruite ; que la destruction d’une surface importante de zones humides induite par le projet entrainerait ainsi une perte définitive ; que, dans ces circonstances, le préfet des Pyrénées-Orientales, qui n’avait pas à tenir compte du rapport entre la superficie de zones humides affectée et celle du site, a pu estimer, sans erreur de droit ni erreur d’appréciation, que les incidences du projet n’étaient pas compatibles avec l’objectif de préservation et de restauration des zones humides défini par le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne ; qu’ainsi, le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondé à soutenir que, pour annuler l’arrêté du 11 juillet 2011, le tribunal a estimé à tort que le motif de refus opposé par le préfet des Pyrénées-Orientales était entaché d’une erreur d’appréciation ;
6. Considérant qu’il appartient toutefois à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges, qui n’ont pas produit en appel, devant le tribunal administratif ;
7. Considérant, en premier lieu, que si l’arrêté contesté n’identifie pas les habitats naturels d’intérêts communautaires susceptibles d’être affectés, il énonce avec une précision suffisante l’impact du projet sur les zones humides, après avoir rappelé que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Adour-Garonne visait à préserver et restaurer ces dernières ; que ce motif du refus est suffisamment motivé ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que l’arrêté du 11 juillet 2011 ne méconnaît pas l’autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 mars 2011 dès lors, d’une part, qu’il est fondé sur un autre motif que celui censuré par ce jugement, d’autre part, que ledit jugement a été annulé par un arrêt de la Cour de céans en date du 28 octobre 2014 ;
9. Considérant, en troisième lieu, que, comme il a été dit, le préfet des Pyrénées-Orientales n’avait pas à tenir compte du rapport entre la superficie de zones humides affectée et celle du site ; que, pour refuser l’autorisation sur le fondement du XI de l’article L. 212-1 du code de l’environnement, le préfet n’avait pas à examiner si l’atteinte à la ressource en eau était significative mais seulement à apprécier si l’impact du projet sur le milieu aquatique, et notamment les zones humides, était compatible avec les dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux en vigueur ; que ce schéma prévoit, il est vrai, que seuls peuvent être autorisés les opérations ne portant pas une atteinte significative aux milieux aquatiques à forts enjeux environnementaux ; que le préfet a cependant estimé nécessairement l’impact du projet présenté par la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges comme mettant en cause de manière significative les paramètres ayant justifié l’objectif de préservation des zones humides en relevant que sa réalisation aurait  » un impact fort  » sur les fonctions assurées par ces zones ; que l’erreur de droit alléguée doit dès lors être écartée ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges, l’arrêté du 11 juillet 2011 n’indique pas qu’aucune mesure compensatoire n’a été envisagée mais que celles présentées dans le dossier de demande d’autorisation ne visaient pas à créer de nouvelles zones humides de fonctionnalités équivalentes ;
11. Considérant, en cinquième lieu, que la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l’article L. 414-4 du code de l’environnement dès lors que le refus contesté n’a pas été pris sur ce fondement ;
12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 11 juillet 2011 ;

D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 novembre 2013 est annulé.
Article 2 : La demande d’annulation présentée par la SAS Résidence Porte des Neiges et la SAS Domaine Porte des Neiges est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, à la SAS Résidence Porte des Neiges et à la SAS Domaine Porte des Neiges.

Droit coutumier provençal/ Rétablissement des « carraires » (servitudes d’utilité publique pour le passage des troupeaux transhumants)

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 14MA01877
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre – formation à 3
M. LASCAR, président
Mme Anne MENASSEYRE, rapporteur
M. DELIANCOURT, rapporteur public
KULBASTIAN, avocat

lecture du mardi 13 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A… Duc a demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Gonfaron a refusé de déposer un panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 et d’annuler la délibération du 19 février 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gonfaron a rejeté sa demande de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de son activité professionnelle.

Par un jugement n° 0703822, 0703460, du 11 juin 2009, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Mme Duc a alors saisi le tribunal d’une demande qui a été regardée comme tendant à l’exécution de ce jugement. Une procédure juridictionnelle a été ouverte par ordonnance du 13 octobre 2010.

Par un jugement n° 1002610 du 4 février 2011 le tribunal administratif de Toulon a enjoint à la commune de Gonfaron de déposer le panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 et de rétablir les carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de Mme Duc dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement en assortissant cette injonction d’une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un nouveau jugement n° 1002610 du 17 février 2012, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon, estimant que le jugement du 11 juin 2009 avait été entièrement exécuté, a refusé de liquider l’astreinte prononcée par le jugement du 4 février 2011.

Sur appel de Mme Duc, la cour administrative d’appel de Marseille a, par un arrêt 12MA01469 du 30 juillet 2013 annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 février 2012 et renvoyé l’affaire devant le tribunal pour qu’il y soit statué.

Par un jugement n° 1002610 du 24 janvier 2014, le tribunal administratif de Toulon, estimant que la commune de Gonfaron s’était acquittée des obligations mises à sa charge, a rejeté la requête de Mme Duc, analysée comme tendant à la liquidation provisoire de l’astreinte décidée par le jugement du 4 février 2011.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 avril 2014, Mme Duc, représentée par Me C…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 janvier 2014 ;
2°) de condamner la commune de Gonfaron au paiement d’une astreinte de 584 000 euros au titre de l’astreinte imposée par le jugement du 4 février 2011 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gonfaron la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son avocat qui renoncera dans cette hypothèse au bénéfice de la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle.

Elle soutient que le jugement du 11 juin 2009 n’a pas été exécuté, les carraires riveraines n’étant pas libres d’accès et le panneau litigieux ayant simplement été remplacé par un panneau où le mot traverse a remplacé le mot chemin.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2015, la commune de Gonfaron a conclu au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme Duc au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme Duc a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d’aide juridictionnelle du 19 mars 2014.

Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– l’arrêt de règlement du parlement de Provence du 21 juillet 1783 concernant les carraires à l’usage des troupeaux ;
– l’arrêté relatif au rétablissement des carraires des communes du préfet du Var du 15 octobre 1807 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de MmeD…, première conseillère,
– les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
– et les observations de Me B…pour la commune de Gonfaron.

1. Considérant que Mme Duc exploite un élevage de chèvres sur le territoire de la commune de Gonfaron ; que, par jugement du 11 juin 2009, le tribunal administratif de Toulon a, sur sa demande, annulé la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Gonfaron a refusé de déposer un panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 ainsi que la délibération du 19 février 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gonfaron a rejeté sa demande de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de son activité professionnelle ; que, s’estimant saisi d’une demande d’exécution de ce jugement, ce tribunal a, par jugement du 4 février 2011, enjoint à la commune de Gonfaron de déposer le panneau signalétique portant la mention  » Chemin de Plan Cavalier  » aux droits de la carraire n° 6 et de rétablir les carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de l’intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement en assortissant cette injonction d’une astreinte de 500 euros par jour de retard ; que Mme Duc a demandé, en août 2011, qu’il soit procédé à la liquidation de l’astreinte ; qu’elle relève appel du jugement du 24 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon, estimant que la commune de Gonfaron s’était acquittée des obligations mises à sa charge, n’a pas fait droit à cette dernière demande ;

Sur l’exécution du jugement en tant qu’il a annulé la décision implicite refusant de déposer un panneau signalétique :

2. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du procès-verbal de gendarmerie établi le 11 mai 2010, que la commune a déposé le panneau  » Chemin de Plan Cavalier  » qui était situé au droit de la carraire n° 6 ; que si Mme Duc fait valoir que ce panneau aurait été remplacé par un autre panneau revêtu de la mention  » traverse des cavaliers « , elle ne l’établit pas ; que le constat d’huissier réalisé le 11 septembre 2013 dont elle se prévaut à cette fin indique en effet simplement :  » nous constatons sur la D 39 la présence d’un panneau indiquant  » traversée de cavaliers  » « , ce qui ne corrobore pas les affirmations de Mme Duc ; que si l’intéressée estimait que la pose d’un tel panneau préjudiciait à ses droits, il s’agirait là d’un litige distinct, sans incidence sur la demande d’astreinte relative à l’exécution de la première décision d’annulation ; qu’il n’y avait dès lors pas lieu de procéder à la liquidation provisoire de l’astreinte prononcée le 4 février 2011, au titre de l’exécution de cette partie du jugement du 11 juin 2009 ;

Sur l’exécution du jugement en tant qu’il a annulé la délibération du 19 février 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gonfaron a rejeté la demande de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de Mme Duc :

3. Considérant qu’il appartient au juge de l’exécution et à la juridiction chargée de procéder à la liquidation d’une astreinte prononcée de tenir compte des circonstances de droit ou de fait existant à la date de sa décision ;

4. Considérant, en premier lieu, que le jugement du 11 juin 2009, en vue de l’exécution duquel la liquidation d’une astreinte a été demandée par Mme Duc, qui annule le rejet d’une demande de rétablissement de carraires utiles à l’activité professionnelle de l’intéressée rappelle que les carraires, initialement consacrées par le droit coutumier de Provence, sont des servitudes d’utilité publique destinées au passage des troupeaux transhumants ; que l’arrêt de règlement du parlement de Provence du 21 juillet 1783 indique qu’il s’agit de chemins  » servant de passage aux troupeaux qui vont, en été, dépaître dans la haute Provence  » ; que l’arrêté relatif au rétablissement des carraires pris par le préfet du Var le 15 octobre 1807, produit par Mme Duc à l’appui de sa demande d’exécution mentionne  » qu’il est de l’intérêt public que les troupeaux transmigrant puissent se rendre dans les montagnes des Hautes et Basses-Alpes  » ; qu’il suit de là que les carraires et leur éventuel rétablissement ne peuvent être envisagées en dehors des nécessités liées à l’exercice effectif de la transhumance ; que, devant les premiers juges, la commune de Gonfaron a fait valoir pour la première fois dans un mémoire du 5 janvier 2011, sans être contestée, que Mme Duc n’exerçait pas, en réalité, d’activité pastorale, se contentant de faire paître ses chèvres sur des propriétés communales ou privées ; qu’il y a lieu de tenir compte de cette circonstance de fait avant de se prononcer sur la liquidation de l’astreinte prononcée ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que pour refuser de donner suite à la demande de liquidation d’astreinte demandée par Mme Duc, le tribunal a relevé qu’il résultait notamment du constat d’huissier établi à la demande de la commune le 17 mai 2010 que les carraires riveraines de la propriété de Mme Duc étaient libres d’accès et de circulation et que la commune de Gonfaron avait ainsi exécuté son obligation de rétablissement des carraires utiles à l’exercice de l’activité professionnelle de la requérante ; que, pour contester cette appréciation, Mme Duc se borne à invoquer deux phrases d’un constat d’huissier, dressé le 11 septembre 2013, qu’elle a versé aux débats ; que la présence d’un grand portail ouvert et l’utilisation d’un chemin comme chemin d’exploitation mentionnée dans la première phrase invoquée par Mme Duc n’est nullement incompatible avec le passage de troupeaux au moment de la transhumance et ne permet pas de considérer que les carraires en cause ne seraient pas libres d’accès ; que, de même, la circonstance relevée dans ce constat que la parcelle cadastrée n° 194 soit clôturée et protège ainsi l’accès des troupeaux à la voie publique, ne permet pas davantage d’infirmer l’appréciation des premiers juges qui ont, à juste titre, relevé qu’une carraire n’était pas un droit de pâturage dans les parcelles qui bordent le chemin, mais un droit de traverser, au moment de la transhumance, certaines zones qui peuvent être des propriétés privées ou publiques ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Gonfaron devant être regardée comme s’étant conformée à son obligation de rétablissement des carraires utiles à l’activité professionnelle de Mme Duc, il n’y avait pas davantage lieu de procéder à la liquidation provisoire de l’astreinte prononcée le 4 février 2011, au titre de l’exécution de cette partie du jugement du 11 juin 2009 ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme Duc n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon n’a pas fait droit à sa demande tendant à la liquidation de l’astreinte prononcée par le jugement du 4 février 2011, qu’il n’y avait pas lieu de liquider ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions tendant au versement de frais irrépétibles ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce et compte tenu de la situation économique de la partie perdante, de rejeter également les conclusions présentées par la commune de Gonfaron au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme Duc est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Gonfaron au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… Duc, à Me C…et à la commune de Gonfaron.

Délibéré après l’audience du 22 septembre 2015, où siégeaient :

– M. Lascar, président de chambre,
– M. Guidal, président assesseur,
– MmeD…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2015.

Classement en zone Montagne/ Caractère non réglementaire/Exception d’illégalité sans condition de délai (non)

Conseil d’État

N° 380468
ECLI:FR:CESSR:2015:380468.20151007
Inédit au recueil Lebon
1ère sous-section jugeant seule
M. Yannick Faure, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats

lecture du mercredi 7 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir le permis de construire accordé tacitement le 24 novembre 2008 à la SARL Conilhac Energies par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, en vue de l’édification de locaux techniques, de citernes, de places de stationnement et d’une clôture dans le cadre de l’installation d’un parc photovoltaïque au lieu-dit  » La Brigadel  » sur le territoire de la commune de Puimichel. Par un jugement n° 0900689 du 2 avril 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 12MA02078 du 20 mars 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par la SAS ECRCF, venant aux droits de la SARL Conilhac Energies, contre le jugement du tribunal administratif de Marseille.

Procédure devant le Conseil d’Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mai et 20 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SAS ECRCF demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 20 mars 2014 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole la somme de 5 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
– l’arrêté du 20 février 1974 du ministre de l’agriculture et du développement rural portant délimitation de zones de montagne ;
– l’arrêté interministériel du 6 septembre 1985 délimitant la zone de montagne en France métropolitaine ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,

– les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SAS ECRCF ;

Considérant ce qui suit :

Sur l’intérêt pour agir du comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole :

1. Un requérant n’est pas recevable à former un recours contentieux s’il ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité à agir à la date à laquelle il introduit son recours. En l’espèce, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, d’une part, le comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole avait notamment pour objet, à la date du permis de construire en litige,  » de regrouper et coordonner les actions des personnes et associations voulant assurer la sauvegarde du patrimoine naturel des Alpes-de-Haute-Provence contre toutes interventions qui pourraient mettre en péril son équilibre géologique, hydrogéologique, atmosphérique, écologique, son écosystème et son image de marque  » et que, d’autre part, ces statuts n’ont été modifiés que postérieurement à l’introduction par l’association de sa requête devant le tribunal administratif. En jugeant que cet objet donnait au comité de sauvegarde du site de Clarency Valensole qualité pour demander l’annulation pour excès de pouvoir du permis de construire en litige, destiné à permettre la construction d’une centrale photovoltaïque au sol sur une surface de dix-huit hectares, la cour administrative d’appel de Marseille, qui n’a pas dénaturé les pièces du dossier, a fait une exacte application des règles relatives à la recevabilité du recours pour excès de pouvoir. Elle a pu en déduire sans erreur de droit, en l’absence de modification des statuts de l’association entre la date de l’acte attaqué et celle de l’introduction de sa demande de première instance, que la société requérante n’était pas fondée à soutenir que la requête de l’association, faute pour celle-ci de justifier d’un intérêt à agir, était irrecevable.

Sur l’exception d’illégalité du classement de la commune de Puimichel en zone de montagne :

2. En premier lieu, si la cour a mentionné que l’exception d’illégalité soulevée par la société ECRCF venait  » au soutien de ses conclusions dirigées contre le permis de construire contesté « , alors que celle-ci demandait l’annulation du jugement du tribunal administratif ayant prononcé l’annulation de ce permis, cette erreur purement matérielle est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l’arrêt attaqué.

3. En deuxième lieu, en jugeant que la société ECRCF ne pouvait se prévaloir, par la voie de l’exception, de l’illégalité du classement de la commune de Puimichel en zone de montagne, dès lors que l’arrêté procédant à un tel classement n’est pas un acte réglementaire, la cour s’est bornée à répondre à l’argumentation soulevée devant elle par la société requérante, selon laquelle les arrêtés des 20 février 1974 et 6 septembre 1985 classant la commune de Puimichel en zone de montagne présentant un caractère réglementaire, l’exception d’illégalité de ces actes était recevable sans condition de délai. Par suite, la société requérante n’est fondée à soutenir ni que la cour a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en n’en informant pas préalablement les parties, ni qu’elle a insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en ne recherchant pas si les arrêtés en cause, publiés au Journal officiel, présentaient un caractère définitif. Enfin, l’arrêt ne peut être regardé comme insuffisamment motivé du seul fait qu’il ne précise pas si l’exception d’illégalité est rejetée comme inopérante ou irrecevable.

4. En troisième lieu, si elle ne fait explicitement mention, au point 7 de son arrêt, que de l’arrêté du 20 février 1974 et non de celui du 6 septembre 1985 pris en application de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, la cour a implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité de ces deux arrêtés, dès lors qu’elle se réfère au point 3 de son arrêt où elle relève que l’arrêté du 6 septembre 1985 ne fait que s’approprier la délimitation opérée par de précédents arrêtés, dont celui du 20 février 1974 mentionnant la commune de Puimichel, et qu’elle écarte l’exception d’illégalité du classement de la commune en zone de montagne, comme indiqué précédemment, au motif qu’un tel acte ne revêt pas un caractère réglementaire. Par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêt serait insuffisamment motivé sur ce point.

5. En quatrième lieu, l’arrêté classant une commune en zone de montagne n’a pour objet et pour effet que de lui rendre applicable le régime juridique défini par la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et par les textes réglementaires pris pour son application, sans édicter lui-même aucune règle particulière. Par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’un tel acte ne revêt pas de caractère réglementaire.

6. Enfin, en mentionnant les différents textes dont il résulte que la commune de Puimichel a été classée en zone de montagne, la cour a suffisamment répondu au moyen tiré de  » l’erreur de droit  » que les premiers juges auraient commise en se fondant, pour retenir ce classement, sur le décret du 3 juin 1977 sur l’agriculture de montagne et de certaines zones défavorisées.

Sur l’application de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme :

7. Aux termes du premier alinéa du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme :  » Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants « .

8. En jugeant, après avoir relevé que le projet en cause occupait  » un espace très important « , que, toutefois, le risque électrique allégué n’était pas établi et la gêne visuelle pour le voisinage était limitée, et en en déduisant que ce projet n’était pas incompatible avec le voisinage des zones habitées, au sens du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, la cour, qui n’était pas tenue de répondre à tous les arguments de la société requérante, a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation et a suffisamment motivé son arrêt.

Sur l’application de l’article ND4 du règlement du plan d’occupation des sols :

9. Aux termes de l’article ND4 du règlement du plan d’occupation des sols de la commune de Puimichel :  » Toute construction ou installation nouvelle devra obligatoirement être alimentée en eau potable conformément aux dispositions aux articles R. 110 et R. 111-11 du code de l’urbanisme (…) « .

10. En premier lieu, en jugeant que ces dispositions imposaient à la société requérante de prévoir l’alimentation en eau potable des bâtiments objets de la demande de permis, quand bien même ceux-ci n’avaient pas vocation à accueillir des personnes de façon permanente ou même régulière, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.

11. En second lieu, en relevant que le projet en cause comprenait la construction de six citernes destinées à l’alimentation en eau des sanitaires et d’un abreuvoir pour les animaux sans qu’il ressorte de la demande de permis de construire ni d’aucune autre pièce du dossier que cette eau était potable, la cour n’a pas commis d’erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS ECRCF n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 20 mars 2014. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être également rejetées.

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi de la SAS ECRCF est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS ECRCF et au comité de sauvegarde du site Clarency Valensole.
Copie en sera adressée à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Création d’une UTN/ Absence d’obligation de notification du recours

Conseil d’État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 09 octobre 2015, 384804

Vu la procédure suivante :

L’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 22 juin 2009 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence a autorisé la création d’une unité touristique nouvelle au lieu dit  » Le Bouas  » sur le territoire de la commune de Lauzet-sur-Ubaye. Par un jugement n° 0909228 du 7 novembre 2011, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 12MA00010 du 25 juillet 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par la commune de Lauzet-sur-Ubaye contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre et 26 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Lauzet-sur-Ubaye demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement une somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d’Etat,

– les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la commune de Lauzet-sur-Ubaye, et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 145-9 du code de l’urbanisme :  » Est considérée comme unité touristique nouvelle toute opération de développement touristique, en zone de montagne, ayant pour objet ou pour effet, en une ou plusieurs tranches (…) de construire des surfaces destinées à l’hébergement touristique ou de créer un équipement touristique comprenant des surfaces de plancher (…)  » ; qu’en vertu de l’article L. 145-11, la création d’unités touristiques nouvelles est soumise à autorisation, après que le projet a été mis à disposition du public ; que les conditions de délivrance d’une telle autorisation sont précisées par les dispositions des articles R. 145-1 et suivants du code de l’urbanisme ;

2. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que le préfet des Alpes de Haute-Provence a, par arrêté du 22 juin 2009, autorisé la création d’une unité touristique nouvelle au lieu-dit  » Le Bouas « , sur le territoire de la commune de Lauzet-sur-Ubaye ; que, saisi par l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement, le tribunal administratif de Marseille a prononcé l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté par un jugement du 7 novembre 2011 ; que la commune de Lauzet-sur-Ubaye se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 25 juillet 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre ce jugement ;

3. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, l’arrêt attaqué comporte l’analyse des conclusions et des mémoires produits devant la cour administrative d’appel, conformément à ce que prévoient les dispositions de l’article R. 741-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable en l’espèce résultant du décret du 5 janvier 2007 :  » En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d’aménager ou de démolir. L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif (…)  » ;

5. Considérant que ces dispositions de l’article R. 600-1, dans leur rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, n’imposent la notification d’un recours administratif ou contentieux, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux, que lorsque le recours est dirigé contre un certificat d’urbanisme, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis de construire, d’aménager ou de démolir ; que les décisions qui sont ainsi limitativement visées par l’article R. 600-1 sont celles qui sont régies par les dispositions du livre IV du code de l’urbanisme ; que la décision autorisant la création d’une unité touristique nouvelle, prise sur le fondement de l’article L. 145-11 du code de l’urbanisme, n’est pas au nombre de ces décisions ; que, par suite, en jugeant que l’obligation de notification du recours édictée par l’article R. 600-1 n’était pas opposable à la demande à fin d’annulation présentée devant le tribunal administratif de Marseille par l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme, relatif à la composition du dossier de demande de création d’une unité touristique nouvelle :  » La demande est accompagnée d’un dossier comportant un rapport et des documents graphiques précisant : / 1° L’état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l’historique de l’enneigement local, l’état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale ; / 2° Les caractéristiques principales du projet et, notamment, de la demande à satisfaire, des modes d’exploitation et de promotion des hébergements et des équipements, ainsi que, lorsque le projet porte sur la création ou l’extension de remontées mécaniques, les caractéristiques du domaine skiable, faisant apparaître les pistes nouvelles susceptibles d’être créées ; / 3° Les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour les prévenir ; / 4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l’économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l’environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir, et l’estimation de leur coût ; / 5° Les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet  » ;

7. Considérant que, pour juger que le dossier accompagnant la demande d’autorisation d’unité touristique nouvelle ne satisfaisait pas, en l’espèce, aux prescriptions de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme, la cour administrative d’appel a relevé que le dossier ne donnait que des indications sommaires sur le bâti existant et sur la taille des chalets à construire et la superficie constructible totale, qu’il n’apportait pas de justifications sur l’état antérieur du site, que le plan d’aménagement ne permettait pas d’apprécier l’importance du projet par rapport à son environnement, que le dossier ne comportait pas d’analyse des risques naturels et qu’il n’examinait pas la possibilité de mesures compensatoires à l’augmentation du trafic routier susceptible d’être causé par la réalisation du projet ; qu’en statuant ainsi, la cour administrative d’appel s’est livrée, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits de l’espèce, qui est exempte de dénaturation ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que la cour administrative d’appel a jugé qu’en dépit de l’état du terrain initialement destiné à l’installation d’un camping et à l’existence d’une construction inachevée, le site d’implantation du projet s’inscrivait dans un milieu montagnard naturel et préservé et relevait des espaces caractéristiques du patrimoine naturel montagnard protégés par les dispositions du II de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme ; qu’en statuant ainsi, la cour a souverainement apprécié les faits de l’espèce sans les dénaturer et sans se méprendre sur l’état du site tel qu’il résultait du projet antérieur d’installation d’un camping qui n’avait pas été mené à terme, et n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’en jugeant, de même, que le terrain en cause avait conservé un caractère naturel au sens de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, la cour s’est livrée, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Lauzet-sur-Ubaye n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ;

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Lauzet-sur-Ubaye la somme de 3 000 euros à verser à l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Lauzet-sur-Ubaye est rejeté.

Article 2 : La commune de Lauzet-sur-Ubaye versera à l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Lauzet-sur-Ubaye et à l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement.

Copie en sera adressée à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Secours en montagne/ Médecin du SMUR/ Insuffisance professionnelle/ Légalité du changement d’affectation

CAA de LYON

N° 14LY00108
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. MARTIN, président
Mme Pascale DECHE, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
ALDEGUER, avocat

lecture du mardi 23 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B…C…a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

– d’annuler la décision par laquelle le chef de service du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne l’a suspendu de toute participation à la structure mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) héliportée de Modane ;
– d’enjoindre audit centre hospitalier de le rétablir dans la plénitude de ses fonctions au sein du SMUR héliporté de Modane ;
– de condamner ledit centre hospitalier à lui verser la somme de 11 914 euros et l’indemnité mensuelle globale de 611 euros à liquider en fonction de la date de lecture du jugement, outre intérêts légaux et capitalisation.

Par un jugement n° 1202700 du 26 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir annulé la décision du 13 septembre 2010, confirmée le 20 octobre 2010 portant exclusion de M. C…des permanences de l’unité de secours en montagne du SMUR héliporté de Modane, a condamné le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne à payer à M. C… la somme de 17 719 euros.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 14LY00108, les 16 janvier, 30 juillet 2014, et 10 février 2015, le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, représenté par MeD…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1202700 du 26 novembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C…devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de mettre à la charge de M. C…une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– la décision de ne pas intégrer M. C…au planning des interventions du SMUR héliporté ne concerne que l’une des attributions de l’intéressé ; ce dernier pouvant être affecté aux fonctions que nécessitait l’intérêt du service, elle n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;
– les insuffisances techniques et physiques qui ont conduit le docteur Albasini, chef du service, à ne plus intégrer M. C…dans le planning d’intervention du SMUR héliporté sont matériellement établies ; la seule possession du diplôme de médecine en montagne n’est pas suffisante et en l’espèce, l’inaptitude de M. C…aux activités de secours en montagne a été confirmée à plusieurs reprises ;
– l’intéressé a lui-même choisi d’effectuer moins de périodes de travail sur les plages de permanence de soins et moins de travail additionnel ; il est, lui-même, à l’origine de sa perte de rémunération ; de plus, il ne peut prétendre à une quelconque rémunération des astreintes alors qu’il était placé en position d’arrêt de travail sans interruption du 28 février 2012 au 27 février 2013 et ensuite en congés annuels et compte épargne-temps jusqu’au mois de juin 2013, date de son départ au centre hospitalier de Privas.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 avril et 25 juin 2014 et les 12 janvier et 26 mai 2015, M.C…, représenté par MeE…, conclut :
– au rejet de la requête ;
– à ce que le montant de la condamnation prononcée par le Tribunal à l’encontre du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne soit porté à la somme de 48 057 euros ;
– à ce qu’une somme de 3 600 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– la décision de le radier des plannings de l’unité fonctionnelle du SMUR routier et héliporté de Modane a nécessairement réduit ses attributions : lui faisant grief, elle est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;
– elle a été prise par une autorité incompétente ;
– elle n’a pas été précédée de la communication préalable de son dossier ;
– elle repose sur des faits matériellement inexacts ;

– elle n’est pas justifiée par l’intérêt du service ;
– cette décision peut également s’analyser comme une sanction déguisée qui n’a pas respecté la procédure disciplinaire et qui est entachée de détournement de pouvoir ;
– cette éviction illégale lui a causé un préjudice financier lié à la baisse du nombre des permanences effectuées et qui s’élève, à la date du 2 février 2014, à la somme de 48 057 euros.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 14LY00109, les 28 janvier, 14 mai et 30 juillet 2014 et 10 février 2015, le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, représenté par MeD…, demande à la Cour d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution du jugement n° 1202700 du 26 novembre 2013, par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir annulé la décision du 13 septembre 2010, confirmée le 20 octobre 2010, portant exclusion de M. C…des permanences de l’unité de secours en montagne du SMUR héliporté de Modane, a condamné le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne à payer à M. C… la somme de 17 719 euros.

Il justifie de moyens sérieux de nature à entraîner, outre l’annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d’annulation et celui des conclusions indemnitaires.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 avril et 25 juin 2014 et les 12 janvier et 26 mai 2015, M. B…C…, représenté par MeE…, conclut :
– au rejet de la requête ;
– à ce que le montant de la condamnation prononcée par le Tribunal à l’encontre du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne soit porté à la somme de 48 057 euros ;
– à ce qu’une somme de 3 600 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant doivent être écartés pour les mêmes raisons que celles exposées sous le n°14LY00108.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
– les conclusions de M. Clément, rapporteur public,
– et les observations de MeA…, représentant le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, et de MeE…, représentant M.C….

1. Considérant que le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne relève appel du jugement en date du 26 novembre 2013, par lequel le tribunal administratif de Grenoble après avoir annulé la décision du 20 octobre 2010 portant exclusion du M. B…C…, praticien hospitalier, des permanences de l’unité de secours en montagne du SMUR héliporté de Modane, l’a condamné à verser à l’intéressé, la somme de 17 719 euros en réparation des préjudices subis ; que le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne demande également qu’il soit sursis à l’exécution dudit jugement ;
Sur la requête n° 14LY00108 :

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision litigieuse en date du 20 octobre 2010 que la suspension de la participation de M. C…aux permanences de l’unité de secours en montagne du SMUR héliporté de Modane est motivée par les insuffisances physique et techniques de l’intéressé aux activités de secours en montagne ; que ces insuffisances ressortent notamment d’une attestation en date du 10 janvier 2014, produite en appel, établie par un gendarme du peloton de gendarmerie de haute montagne de Modane qui a été chargé de l’instruction en montagne des médecins du SMUR héliporté de Modane, à compter de 2008 ; que cette attestation indique que lors de l’encadrement de ces formations en montagne, il a été constaté  » le faible niveau physique et technique du docteur Hubert C…entre 2008 et 2010 (…), puis en 2011 « , qu’aucune progression physique n’a pu être notée au cours de ces quatre années, qu' » il était toujours le dernier, en montée comme en descente « , qu’il a été vu en situation de panique lors des manoeuvres de treuillage en hélicoptère et que  » son matériel n’était pas adapté, pas préparé, ou pas réglé, voire absent  » ; que M. C…produit de nombreuses attestations de proches et de sportifs professionnels concernant sa pratique régulière du ski, de la course à pied, du vélo et de la natation, la copie d’un livret de suivi de formation pour le ski de randonnée et les techniques de survie en conditions hivernales mentionnant son autonomie physique et technique, plusieurs attestations relatives aux bonnes relations entretenues avec les sapeurs-pompiers intervenant régulièrement avec le SMUR, ainsi que plusieurs factures attestant qu’il achète régulièrement des vêtements et du matériel adaptés aux activités de montagne ; que toutefois, ces documents ne permettent pas d’établir qu’il justifierait du niveau physique et technique qu’exigent les opérations spécifiques de secours en montagne ; que, par suite, c’est à tort que, pour annuler la décision en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce qu’elle reposerait sur des faits qui ne seraient pas matériellement établis ;

3. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. C…tant devant le tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;

4. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que par une décision en date du 1er septembre 2010, le docteur Perrot, chef de pôle Urgences et Plateaux techniques du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne a délégué au docteur Albasini, responsable de l’unité médicale Urgences/SMUR,  » l’élaboration des tableaux de service et permanence de soins à transmettre chaque mois avant le 20 du mois à la Direction pour validation  » ; qu’il ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire qu’une telle délégation devait faire l’objet d’une publication ou d’un affichage particulier ; que, par suite, M. C…n’est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse aurait été prise par une autorité incompétente ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les insuffisances physiques et techniques qui ont justifié, ainsi qu’il a été dit précédemment, l’exclusion de M. C…de la participation aux opérations de secours en montagne étaient de nature à créer une situation préjudiciable à la sécurité de l’intéressé et au bon fonctionnement du service ; que dans ces conditions, l’administration n’a pas, contrairement à ce qui est soutenu, fait une inexacte appréciation des circonstances de l’espèce en estimant que l’intérêt du service exigeait son changement d’affectation ; qu’ainsi, la mesure dont M. C…a été l’objet ne présentait pas, dans les conditions où elle est intervenue le caractère d’une sanction disciplinaire, mais constituait une mesure prononcée dans l’intérêt du service ; que les moyens dirigés contre cette décision en tant qu’elle constituerait une sanction disciplinaire déguisée, et tirés de l’irrégularité de la procédure, et du détournement de pouvoir sont, par suite, inopérants ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 qu’un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier ; que la décision attaquée fondée notamment sur les insuffisances physiques et techniques de M. C…pour participer aux opérations de secours en montagne doit être regardée comme ayant été prise en considération de la personne de l’intéressé et ce dernier devait être mis à même de demander la communication de son dossier en temps utile ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. C…a été informé verbalement, le 13 septembre 2010 de l’intention de l’administration de l’exclure des opérations de secours en montagne ; qu’avant l’intervention de la décision litigieuse en date du 20 octobre 2010, il a disposé d’un délai suffisant pour demander la communication de son dossier ; qu’ainsi, et alors même qu’il n’aurait pas été informé de la possibilité d’une telle communication, M. C…a été mis à même de présenter une demande en ce sens ; que ce moyen doit donc être écarté ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées en défense, que M. C…n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 20 octobre 2010 l’excluant des permanences de l’unité de secours en montagne du SMUR héliporté de Modane ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu’il soit indemnisé des dommages qui résulteraient pour lui de la prétendue illégalité de cette décision ne peuvent qu’être rejetées ; que le présent arrêt qui rejette les conclusions du requérant n’appelle aucune mesure d’exécution ; que ses conclusions à fin d’injonction doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur la requête n° 14LY00109 :

8. Considérant que, dès lors qu’il est statué au fond sur les conclusions à fin d’annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce que la Cour prononce le sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. C…la somme que le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. C…soient mises à la charge du centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne, qui n’est pas la partie perdante ;
DECIDE
Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur la requête n° 14LY00109.
Article 2 : Le jugement n° 1202700 rendu le 26 novembre 2013 par le tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. C…devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne et par M. C…sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne et à M. B… C….
Délibéré après l’audience du 2 juin 2015 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2015.

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Nos 14LY00108, 14LY00109

Bail emphytéotique sur le domaine skiable/ Intérêt à agir/ Consultation de France Domaine

CAA de LYON

N° 14LY00486
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
Mme COURRET, président
Mme Pascale DECHE, rapporteur
M. CLEMENT, rapporteur public
SELARL KAMS, avocat
lecture du mardi 7 juillet 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D’une part, la commune de Saint-Bon-Tarentaise a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited, ainsi que la décision du maire de signer ce bail.

D’autre part, le préfet de la Savoie a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited.

Par un jugement n° 1301130-1302443 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération précitée du 4 janvier 2013 ainsi que la décision du maire de Bozel de signer le bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited.
Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 14LY00486, le 20 février 2014, et des mémoires, enregistrés les 18 avril et 26 juin 2014, la société Sun Alpes Limited, représentée par la SELARL Kams, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 1301130-1302443 du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la commune de Saint-Bon-Tarentaise et par le préfet de la Savoie devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Bon-Tarentaise et de l’Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement est irrégulier en ce que le sens des conclusions mis en ligne était trop imprécis pour permettre aux parties d’en discuter le contenu lors de l’audience publique ;
– le jugement est également irrégulier en ce que les premiers juges ont méconnu leur office en omettant d’examiner si les conditions posées par la jurisprudence Danthony étaient remplies ;
– les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision en ce qui concerne l’absence d’intérêt à agir de la commune de Saint-Bon-Tarentaise ;
– les stipulations du bail consenti n’étant manifestement pas de nature à léser la commune de Saint-Bon-Tarentaise dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine, le Tribunal aurait du écarter sa demande comme irrecevable ;
– les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales n’étaient pas applicables au cas présent dés lors que le bail emphytéotique n’emporte pas de cession de droits réels immobiliers ;
– France Domaine a été régulièrement consulté ; en tout état de cause, l’avis de France Domaine n’a privé les intéressés d’aucune garantie puisque le projet de bail a été soumis à l’examen des conseillers municipaux, qui ont pu se prononcer en toute connaissance de cause sur les éléments essentiels du bail emphytéotique ; en outre, le vice invoqué n’a eu aucune influence sur le sens de la décision dans la mesure où l’avis de France Domaine est un avis simple ; enfin, c’est à bon droit que la commune de Bozel n’a pas sollicité un autre avis de France Domaine, compte tenu du fait que le bail avait une durée de vingt ans et donc ne pouvait être assimilé à une cession de droits réels immobiliers ;
– saisie de l’effet dévolutif de l’appel, la Cour pourra confirmer le rejet des conclusions à fin d’injonction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2014, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– le bail emphytéotique litigieux est de droit commun, tel que défini par les dispositions des articles L. 451-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et emporte une véritable cession de droits immobiliers au bénéfice du preneur qui peut lui-même le céder ;
– les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales sont applicables au litige et l’avis du service France Domaine est requis ; en l’espèce, les éléments transmis par la commune à ce service étaient manifestement insuffisants, voire erronés pour certains ; dans ces conditions, les dispositions de cet article, et par suite celles de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2014, la commune de Saint-Bon-Tarentaise, représentée par Me A…conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Sun Alpes Limited en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
– le sens des conclusions du rapporteur public mis en ligne était suffisamment renseigné et les dispositions de l’article R. 711-3 du code de justice administrative n’ont pas été méconnues ;
– le Tribunal n’a pas méconnu son office dès lors qu’en relevant que les différences substantielles existant entre le projet de bail soumis pour avis au directeur départemental des finances publiques et le projet de bail signé, il a exactement recherché si les conditions de saisine de cette autorité ont pu exercer une influence sur le sens de la décision attaquée, au sens de la jurisprudence Danthony ;
– en sa qualité d’autorité organisatrice des remontées mécaniques et dès lors que les projets de construction envisagés par la société Sun Alpes Limited sur les terrains litigieux sont susceptibles d’affecter l’aménagement et l’exploitation du domaine skiable, et qu’elle bénéficie d’une servitude de passage des pistes, elle justifie d’un intérêt à agir propre ;
– les dispositions de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime indiquent clairement que la conclusion du bail emphytéotique emporte cession d’un droit réel immobilier ; ces dispositions ne distinguent pas si le droit réel conféré au preneur résulte d’un bail passé pour une durée courte ou longue ; enfin, la circonstance que le préfet des Hautes-Alpes ne citerait pas le bail emphytéotique dans la liste des opérations immobilières soumises à l’avis du service des domaines aux termes d’une circulaire du 11 mars 2009 est sans influence ; les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales étaient applicables en l’espèce ;
– les conditions et les caractéristiques essentielles du projet de bail ont été considérablement modifiées entre l’avis rendu par France Domaine et la délibération litigieuse ; en outre, le loyer fixé à 10 000 euros constitue une libéralité consentie à une société commerciale, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales ; les conseillers municipaux ont été clairement privés de la garantie de disposer d’une information suffisante pour délibérer et l’avis rendu a exercé une influence sur le sens de leur vote.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 14LY00487 le 20 février 2014, la commune de Bozel, représentée par MeB…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 13001130-13002443 du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la commune de Saint-Bon-Tarentaise et par le préfet de la Savoie devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Bon-Tarentaise et de l’Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la conclusion du bail litigieux ne modifie en rien la situation juridique des terrains et les possibilités de la commune de Saint-Bon-Tarentaise d’aménager et d’exploiter le domaine skiable ; la commune de Saint-Bon-Tarentaise ne justifie d’aucun intérêt à agir à l’encontre des décisions litigieuses ;
– un bail emphytéotique ne conduit pas à la cession de droits réels ; l’acte litigieux ne comportant pas cession de droits réels, ne rentrait pas dans la compétence du service des domaines ; les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales n’ont pas été méconnues ; de même, une telle circonstance ne saurait démontrer de facto, la méconnaissance des dispositions de l’article L. 2231-31 du même code ;
– le conseil municipal disposait d’une information complète concernant le contrat envisagé ; en outre l’accomplissement de la formalité de consultation de France Domaine qui n’était pas requise n’a pas pu modifier le sens du vote.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2014, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
– le bail emphytéotique litigieux est de droit commun, tel que défini par les dispositions des articles L. 451-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et emporte une véritable cession de droits immobiliers au bénéfice du preneur qui peut lui-même le céder ;
– les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales sont applicables au litige et l’avis du service France Domaine est requis ; en l’espèce, les éléments transmis par la commune à ce service étaient manifestement insuffisants, voire erronés pour certains ; dans ces conditions, les dispositions de cet article, et par suite celles de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2014, la commune de Saint-Bon-Tarentaise, représentée par Me A…conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Bozel en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement attaqué est suffisamment motivé;
– le sens des conclusions du rapporteur public mis en ligne était suffisamment renseigné et les dispositions de l’article R. 711-3 du code de justice administrative n’ont pas été méconnues ;
– le Tribunal n’a pas méconnu son office dès lors qu’en relevant que les différences substantielles existant entre le projet de bail soumis pour avis au directeur départemental des finances publiques et le projet de bail signé, il a exactement recherché si les conditions de saisine de cette autorité ont pu exercé une influence sur le sens de la décision attaquée, au sens de la jurisprudence Danthony ;
– en sa qualité d’autorité organisatrice des remontées mécaniques et dès lors que les projets de construction envisagés par la société Sun Alpes Limited sur les terrains litigieux sont susceptibles d’affecter l’aménagement et l’exploitation du domaine skiable, elle justifie d’un intérêt à agir propre ;
– les dispositions de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime indiquent clairement que la conclusion du bail emphytéotique emporte cession d’un droit réel immobilier ; ces dispositions ne distinguent pas si le droit réel conféré au preneur résulte d’un bail passé pour une durée courte ou longue ; enfin, la circonstance que le préfet des Hautes-Alpes ne citerait pas le bail emphytéotique dans la liste des opérations immobilières soumises à l’avis du service des domaines aux termes d’une circulaire du 11 mars 2009 est sans influence ; les dispositions de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales étaient applicables en l’espèce ;
– les conditions et les caractéristiques essentielles du projet de bail ont été considérablement modifiées entre l’avis rendu par France Domaine et la délibération litigieuse ; en outre, le loyer fixé à 10 000 euros constitue une libéralité consentie à une société commerciale, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales ; les conseillers municipaux ont été clairement privés de la garantie de disposer d’une information suffisante pour délibérer et l’avis rendu a exercé une influence sur le sens de leur vote.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
– les conclusions de M. Clément, rapporteur public,
– et les observations de MeC…, représentant la société Sun Alpes Limited.

1. Considérant que les requêtes susvisées concernent un même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un même arrêt ;

2. Considérant que la société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel relèvent appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited, ainsi que la décision du maire de signer ce bail ;

Sur la régularité du jugement :
3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 711-3 du code de justice administrative :  » Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne.  » ; que la communication aux parties du sens des conclusions a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré ; qu’en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;

4. Considérant, par ailleurs, que, pour l’application de l’article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu’appelle, selon lui, le litige, et notamment d’indiquer, lorsqu’il propose le rejet de la requête, s’il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu’il conclut à l’annulation d’une décision, les moyens qu’il propose d’accueillir ; que la communication de ces informations n’est toutefois pas prescrite à peine d’irrégularité de la décision ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le rapporteur public a fait connaître plus de deux jours avant l’audience qu’il entendait conclure à l' » annulation de la décision attaquée pour méconnaissance de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales  » et au  » rejet du surplus « ; que ces mentions qui précisent notamment le moyen retenu pour annuler la décision litigieuse ne méconnaissent pas, les exigences résultant de l’article R. 711-3 du code de justice administrative précité ;

6. Considérant, en second lieu, que le tribunal administratif de Grenoble, qui a jugé que les projets de construction que la société Sun Alpes Limited envisageait de réaliser sur les terrains faisant l’objet du bail emphytéotique sont susceptibles d’affecter l’aménagement et l’exploitation du domaine skiable de la commune de Saint-Bon-Tarentaise et que, compte tenu de la nature de cette opération, de la superficie et de la localisation des terrains en cause, la commune de Saint-Bon-Tarentaise avait intérêt à agir du fait de sa qualité d’autorité organisatrice du service public des remontées mécaniques, indépendamment des compétences qui lui sont dévolues pour l’édiction et l’application de la réglementation d’urbanisme a clairement précisé les motifs pour lesquels il considérait que la commune de Saint-Bon-Tarentaise justifiait d’un intérêt à agir à l’encontre des décisions litigieuses ; qu’ainsi, le tribunal administratif, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments exposés devant lui, a suffisamment motivé son jugement ;

Sur la recevabilité de la demande de la commune de Saint-Bon-Tarentaise :

7. Considérant que le bail dont la signature a été autorisée par la délibération du 4 janvier 2013 a notamment pour objet de permettre à la société Sun Alpes Limited de réaliser des constructions sur des terrains appartenant à la commune de Bozel, mais situés sur le territoire de la commune Saint-Bon-Tarentaise et à l’intérieur du périmètre de la concession d’aménagement des pistes et des remontées mécaniques de Courchevel 1650, conclue entre cette commune et la société des Trois vallées ; qu’il est constant que la commune de Saint-Bon-Tarentaise dispose de la qualité d’autorité organisatrice des remontées mécaniques situées sur les terrains litigieux ; que cette dernière fait valoir, sans être contredite, que la réalisation de constructions sur ces terrains risque de contrevenir gravement à la réalisation des projets d’aménagement de pistes et de réalisation de deux nouvelles remontées mécaniques qu’elle a confiée à la société des Trois vallées ; que, dans ces conditions, la commune de Saint-Bon-Tarentaise justifie d’un intérêt à agir à l’encontre de la délibération du 4 janvier 2013, qui a des conséquences suffisamment directes sur son activité ; que la circonstance qu’elle serait compétente pour l’édiction et l’application de la règlementation d’urbanisme sur cette zone, est sans incidence sur son intérêt à agir, dès lors que, pour autant, elle ne saurait se désintéresser de sa compétence d’autorité organisatrice des remontées mécaniques ; qu’enfin, il ressort des pièces du dossier que la commune de Saint-Bon-Tarentaise dispose de servitudes de passage sur les parcelles litigieuses données à bail ; qu’elle justifie également, à ce titre, d’un intérêt à agir à l’encontre de la délibération du 4 janvier 2013 ;
Sur la légalité des décisions attaquées :

8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime applicable au litige :  » Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction.  » ; qu’aux termes de l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors en vigueur :  » Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l’objet d’un bail emphytéotique prévu à l’article L. 451-1 du code rural, en vue de l’accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d’une mission de service public ou en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence (…).  » ; qu’aux termes de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales :  » (…) Toute cession d’immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vue de l’avis de l’autorité compétente de l’Etat. Cet avis est réputé donné à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la saisine de cette autorité.  » ;
9. Considérant, en premier lieu, qu’il est constant que la délibération litigieuse a pour objet d’autoriser la signature avec la société Sun Alpes Limited, d’un bail emphytéotique au sens des dispositions précitées de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime ; qu’en application de ces dispositions, la conclusion d’un tel bail a pour effet de créer un droit réel au profit de l’emphytéote, dès sa signature ; que, dans ces conditions, le bail litigieux doit être regardé comme tendant à la cession d’un droit réel immobilier ; que par suite, et en application des dispositions précitées de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales, la délibération litigieuse ayant pour objet d’autoriser une telle cession ne pouvait être prise qu’après l’avis de l’autorité compétente de l’Etat, soit en l’espèce, France Domaine ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, que par un courrier en date du 14 septembre 2012, le maire de la commune avait saisi France Domaine d’une demande d’avis concernant un projet de bail emphytéotique, d’une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans concernant seize parcelles dont elle était propriétaire, mais situées sur la commune de Sain-Bon-Tarentaise, pour une surface proche de deux cents hectares ; que toutefois, il est constant que le projet de bail litigieux finalement soumis à l’approbation du conseil municipal portait sur une durée réduite à vingt ans et ne concernait qu’une surface de soixante-huit hectares comprenant quatre parcelles dont deux seulement avaient été soumises à l’avis de Domaine France ; qu’eu égard aux modifications substantielles du projet en cause qui justifiaient que France Domaine fut de nouveau saisi pour avis, et en l’absence d’une telle saisine, cette autorité ne peut être regardée comme ayant été régulièrement consultée ; que par suite, la délibération litigieuse a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ;
11. Considérant, en dernier lieu, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s’il a privé les intéressés d’une garantie ;

12. Considérant que la consultation du service des domaines préalablement à la cession par une commune de plus de 2 000 habitants d’immeubles ou de droits immobiliers constitue une garantie tant pour cette dernière que pour le preneur ; que le défaut de saisine de France Domaine concernant le projet de bail litigieux, devant être regardé comme ayant privé les intéressés d’une garantie, cette irrégularité est de nature à entacher la légalité de la délibération du 4 janvier 2013 ; que, dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que pour ce motif, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ladite délibération et par suite, la décision du maire de la commune de Bozel de signer ledit bail ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges, qui n’ont pas méconnu leur office, ont annulé la délibération du 4 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Bozel a autorisé le maire de cette commune à signer un bail emphytéotique avec la société Sun Alpes Limited, ainsi que la décision du maire de signer ce bail ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant, en premier lieu, que la commune de Saint-Bon-Tarentaise et l’Etat n’étant pas parties perdantes dans les présentes instances, il ne peut être fait droit aux conclusions présentées par la société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

15. Considérant, en second lieu, qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Sun Alpes Limited et de la commune de Bozel une somme de 1 500 euros, pour chacune, au titre des frais exposés par la commune de Saint-Bon-Tarentaise et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de la société Sun Alpes Limited et de la commune de Bozel sont rejetées.
Article 2 : La société Sun Alpes Limited et la commune de Bozel verseront, chacune, la somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Bon-Tarentaise au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sun Alpes Limited, à la commune de Bozel, à la commune de Saint-Bon-Tarentaise et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l’audience du 16 juin 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Courret, présidente de la formation de jugement,
Mme Dèche, premier conseiller,
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juillet 2015.

Loi « Macron »/ Impacts sur le droit de la montagne

LOI n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques
Article 106

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi, sans porter atteinte aux principes fondamentaux et aux objectifs généraux du code de l’environnement, visant à :
1° Accélérer l’instruction et la prise des décisions relatives aux projets de construction et d’aménagement, notamment ceux favorisant la transition écologique, et favoriser leur réalisation :
(…)
c) En supprimant la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles prévue à l’article L. 145-11 du même code et en prévoyant les modalités suivant lesquelles ces unités nouvelles sont créées et contrôlées dans le cadre des documents d’urbanisme ou des autorisations mentionnées au livre IV dudit code ;
(…)
II. – La commission permanente du Conseil national de la montagne mentionné à l’article 6 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne est consultée pour avis sur le projet d’ordonnance relatif aux unités touristiques nouvelles prévue au c du 1° du I du présent article.
III. – Ces ordonnances sont publiées dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi. Ce délai est porté à dix-huit mois pour les ordonnances prévues au d du 2° du I.

Article 111

I. – L’article L. 480-13 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le a devient un 1° et est ainsi modifié :
a) La seconde phrase est remplacée par les mots : « et si la construction est située dans l’une des zones suivantes : » ;
b) Sont ajoutés seize alinéas ainsi rédigés :
« a) Les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard mentionnés au II de l’article L. 145-3, lorsqu’ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l’occupation et à l’utilisation des sols ; (…)

Exploitants de domaines skiables/ Aides publiques/ Remboursement/ Prescription

CAA de MARSEILLE

N° 13MA05111
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre – formation à 3
M. GUERRIVE, président
Mme Florence HERY, rapporteur
Mme FELMY, rapporteur public
CABINET CHRISTIAN BOITEL, avocat

lecture du lundi 18 mai 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2013 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille, sous le n° 13MA05111 présentée pour la société d’aménagement du Cheiron, dont le siège est route de Draguignan au Tignet (06530), par MeB… ;

La société d’aménagement du Cheiron demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n°s 1102983 et 1102984 du 25 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l’annulation des titres exécutoires du 17 juin 2011 par lesquels le département des Alpes-Maritimes a mis à sa charge les sommes respectives de 198 183,72 euros et 9 914,62 euros ;

2°) d’annuler les titres exécutoires du 17 juin 2011 ;

3°) de condamner le département des Alpes-Maritimes à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

– le titre exécutoire n° 8490 est insuffisamment motivé en tant qu’il ne précise pas le mode de calcul des intérêts ;

– la créance présente un caractère contestable, dès lors que la commune de Gréolières est substituée à la société d’aménagement du Cheiron dans les contrats conclus par celle-ci du fait de la résiliation de la convention de concession le 8 novembre 2002 ; aux termes de ces statuts, le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l’Audibergue est lui-même substitué aux obligations de la commune ;

– la créance est prescrite ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2014 présenté par le payeur départemental des Alpes-Maritimes qui conclut à sa mise hors de cause ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2015, présenté pour le département des Alpes-Maritimes par MeC… ;

Le département des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner la société d’aménagement du Cheiron à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

– le titre exécutoire comporte l’indication précise de la nature de la créance et des bases de sa liquidation ;

– la société d’aménagement du Cheiron, qui a été bénéficiaire de l’aide versée par le département, s’est engagée par convention à rembourser cette aide ; elle ne peut exciper de l’existence d’autres contentieux administratifs pour contester le caractère exigible de cette créance ; la commune de Gréolières et le SMGA ne sauraient être redevables de cette créance ;

– aucun comportement fautif ou déloyal ne peut lui être reproché ;

– la créance n’est pas prescrite ;

Vu, enregistré le 19 avril 2015, le mémoire en réplique présenté pour la société d’aménagement du Cheiron qui persiste dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 23 avril 2015 :

– le rapport de Mme Héry, rapporteur,

– les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

– et les observations de Me A…pour la société d’aménagement du Cheiron et de Me C…pour le département des Alpes-Maritimes ;

Après avoir pris connaissance des notes en délibéré produites le 24 avril 2015 pour le département des Alpes-Maritimes par Me C…et le 29 avril 2015 pour la société d’aménagement du Cheiron par Me A…;

1. Considérant que par une convention de délégation de service public conclue le 30 mai 1986, la commune de Gréolières a concédé à la société d’aménagement du Cheiron la réalisation et l’exploitation d’équipements de sports d’hiver ; que, suite au manque d’enneigement dans le massif des Alpes du Sud, la société d’aménagement du Cheiron a bénéficié en 2001 d’une aide exceptionnelle de 2 600 000 francs versée pour moitié par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et pour l’autre moitié par le département des Alpes-Maritimes ; que la convention tripartite signée à cette fin le 5 janvier 2001 prévoit que cette aide est remboursable moyennant un taux d’intérêt annuel de 1 %, la société d’aménagement du Cheiron s’engageant à effectuer ce remboursement dans un délai de cinq ans à compter de son versement ; que la société d’aménagement du Cheiron relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l’annulation des titres exécutoires du 17 juin 2011 émis par le département des Alpes-Maritimes pour paiement des sommes respectives de 198 183,72 euros et 9 914,62 euros correspondant, pour le premier, au remboursement de l’aide ainsi versée et, pour le second, aux intérêts ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que la société d’aménagement du Cheiron soutient que le titre exécutoire n° 8490 est insuffisamment motivé, comme ne comportant pas le mode de calcul des intérêts ; que ce titre exécutoire mentionne  » remboursement intérêts avance 1 300 000 F – convention du 05/01/2001 art.4  » ; que la convention précitée dispose que la somme remboursable sera assortie d’intérêts au taux annuel de 1 % ; que le mode de calcul de ces intérêts ne pose pas de difficultés d’appréciation sur la date de départ desdits intérêts et sur le taux applicable ; que, par suite, ce titre exécutoire est suffisamment motivé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que la société d’aménagement du Cheiron soutient qu’elle ne saurait être tenue pour débitrice de la créance du département des Alpes-Maritimes du fait de la résiliation le 8 novembre 2002 de la convention la liant avec la commune de Gréolières ;

4. Considérant, sans préjudice des dispositions législatives applicables notamment en matière de transfert de contrat de travail, qu’en cas de résiliation d’un contrat portant exécution d’un service public, quel qu’en soit le motif, la personne publique, à laquelle il appartient de garantir la continuité du service public et son bon fonctionnement, se substitue de plein droit à son ancien cocontractant pour l’exécution des contrats conclus avec les usagers ou avec d’autres tiers pour l’exécution même du service ; qu’il n’en va toutefois ainsi que si les contrats en cause ne comportent pas d’engagements anormalement pris, c’est-à-dire des engagements qu’une interprétation raisonnable du contrat relatif à l’exécution d’un service public ne permettait pas de prendre au regard notamment de leur objet, de leurs conditions d’exécution ou de leur durée, à moins que, dans ce cas, la personne publique n’ait donné, dans le respect de la réglementation applicable, son accord à leur conclusion ; que, pour l’application de ces règles, la substitution de la personne publique n’emporte pas le transfert des dettes et créances nées de l’exécution antérieure des contrats conclus par l’ancien cocontractant de la personne publique, qu’il s’agisse des contrats conclus avec les usagers du service public ou de ceux conclus avec les autres tiers ;

5. Considérant qu’il ressort des termes de la convention précitée du 5 janvier 2001 que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le département des Alpes-Maritimes ont décidé, par délibérations respectives des 27 mars et 30 mai 2000 pour ce qui concerne la région et des 13 avril et 30 juin 2000 pour le département, d’instituer un dispositif d’aide financière aux entreprises en difficulté et aux exploitants des remontées mécaniques des stations de ski des Alpes du Sud en raison d’un manque d’enneigement exceptionnel durant la saison hivernale 1999-2000 préjudiciable à l’activité des stations de ski ; qu’ainsi, cette aide visait à assurer l’équilibre financier du délégataire et ne relevait pas de l’exécution du service ; que, par suite, ni la commune de Gréolières ni a fortiori le syndicat mixte des stations de Gréolières et de l’Audibergue ne sauraient être regardés comme s’étant substitués à la société d’aménagement du Cheiron dans l’engagement contracté par ce dernier le 5 janvier 2001 ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile :  » Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer  » ; que l’article 4 de la convention du 5 janvier 2001 dispose que la société d’aménagement du Cheiron s’engage à rembourser l’avance majorée des intérêts  » au plus tard dans un délai de 5 ans à partir de son versement  » ; que cette avance ayant été versée le 28 mars 2001, son remboursement était exigible le 29 mars 2006 ; qu’à cette date, qui constitue le fait générateur, la loi du 17 juin 2008 n’était pas applicable ; que, par conséquent, la prescription quinquennale ne doit être calculée qu’à compter du 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; qu’il en résulte que les titres exécutoires, émis le 17 juin 2011, n’étant pas prescrits, la société requérante n’est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a écarté l’exception de prescription en se fondant sur les recours formés antérieurement par cette dernière contre de précédents titres exécutoires ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu’aux termes de l’article 2277 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige :  » Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : Des salaires ;/ Des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ;/ Des loyers, des fermages et des charges locatives ;/ Des intérêts des sommes prêtées / et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts (…)  » ; que la société d’aménagement du Cheiron soutient sur le fondement de ces dispositions que l’action du département des Alpes-Maritimes est prescrite, pour ce qui concerne le titre exécutoire n° 8490, qui porte sur les intérêts ; que, toutefois, les intérêts dont il s’agit ne sont pas payables périodiquement mais uniquement au bout d’un délai de cinq ans ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société d’aménagement du Cheiron n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la société d’aménagement du Cheiron, partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département des Alpes-Maritimes ;

D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société d’aménagement du Cheiron est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département des Alpes-Maritimes tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d’aménagement du Cheiron, au département des Alpes-Maritimes et au payeur départemental des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l’audience du 23 avril 2015, où siégeaient :

– M. Guerrive, président,
– M. Marcovici, président assesseur,
– Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 mai 2015.