Autorisation d’abattre des loups/ Arrêtés du 30 juin 2015/ Légalité

Conseil d’État, 18 décembre 2017, ASPAS et autres
Nos 393101, 393129, 393130

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 6ème et 1ère chambres réunies), sur le rapport de la 6ème chambre de la Section du contentieux
Séance du 29 novembre 2017 – Lecture du 18 décembre 2017
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 393101, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 1er septembre 2015 et 3 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), l’association One Voice et l’association Ferus demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 30 juin 2015 du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à leur verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative
2° Sous le n° 393129, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 septembre 2015 et 12 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association France nature environnement, la Ligue française pour la protection des oiseaux et l’association Humanité et biodiversité demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 30 juin 2015 du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2015 2016 ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacune d’elles au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
3° Sous le n° 393130, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 2 septembre 2015 et le 10 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association France nature environnement, la Ligue française pour la protection des oiseaux et l’association Humanité et biodiversité demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 30 juin 2015 du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacune d’elles au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
– la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;
– le code de l’environnement ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,
– les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l’association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS).
Vu la note en délibéré, enregistrée sous le n° 393129 le 1er décembre 2017, présentée par le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire ;
1. Considérant que les requêtes nos 393101 et 393130, introduites respectivement par l’association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) et autres et l’association France nature environnement (FNE) et autres, tendent à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup ; que la requête n° 393129 de l’association FNE et autres tend à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du même jour fixant le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2015-2016, qui est pris pour l’application de l’article 2 du premier arrêté mentionné ci-dessus ; qu’il y a lieu de joindre ces trois requêtes, qui présentent à juger des questions semblables, pour y statuer par une seule décision ;
2. Considérant que, eu égard à la nature et à l’objet des litiges, la Fédération nationale des chasseurs justifie d’un intérêt suffisant au maintien des arrêtés attaqués ; que son intervention en défense dans les trois requêtes mentionnées ci-dessus doit dès lors être admise ;
3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 12 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite directive « Habitats » : « 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : a) toute forme de capture ou de mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ; b) la perturbation intentionnelle de ces espèces, notamment durant la période de reproduction et de dépendance (…) » ; que le loup est au nombre des espèces figurant à l’annexe IV point a) de la directive ; que l’article 16 de la même directive prévoit que : « 1. A condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les Etats membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l’article 15 points a) et b) : (…) b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété » ;
4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, pris pour la transposition de la directive « Habitats » précitée, dans sa rédaction applicable au litige : « Lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (…) d’espèces animales non domestiques (…) sont interdits : 1° (…) la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 411-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : « Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques (…) ainsi protégés ; (…) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) a) Dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, (…) » ; que l’article R. 411-6 du même code prévoit que les dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8 ; qu’en vertu de l’article R. 411-13 du même code, les ministres chargés de la protection de la nature et de l’agriculture fixent par arrêté conjoint pris après avis du Conseil national de la protection de la nature si nécessaire, pour certaines espèces dont l’aire de répartition excède le territoire d’un département, les conditions et limites dans lesquelles les dérogations sont accordées afin de garantir le respect des dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;
Sur l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup :
5. Considérant que l’arrêté attaqué a pour objet de fixer les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction de loups peuvent être accordées par les préfets en vue de la protection des troupeaux domestiques ; qu’il prévoit que le nombre maximum de loups dont la destruction est autorisée, en application de l’ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets, est fixé chaque année par arrêté ministériel ; que l’arrêté attaqué prescrit diverses mesures pour assurer le respect de ce seuil, en particulier l’obligation pour les bénéficiaires de dérogations d’informer les préfets en cas de destruction ou de blessure d’un loup lors des opérations qu’ils mettent en œuvre et, pour les préfets, dans le même cas, d’informer les administrations et établissements publics concernés ainsi que les bénéficiaires de dérogations ; que les dérogations peuvent être suspendues ou révoquées, selon les cas, afin d’éviter que le seuil précité ne soit dépassé ou si les conditions et modalités de l’opération ne sont pas respectées ; que l’arrêté prévoit la définition de territoires d’intervention, comportant notamment des « unités d’action » délimitées par les préfets sur la base de données de suivi communiquées par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et correspondant aux zones où la prédation du loup est probable et charge le préfet de désigner les éleveurs ou leurs groupements bénéficiant de dérogations ; que l’arrêté encadre les conditions dans lesquelles il peut être recouru à des mesures, d’effet gradué, et pouvant être combinées, destinées à mettre les animaux à l’abri de la prédation du loup ; que peuvent être opérées, notamment, des actions passives de protection telles que le recours au gardiennage renforcé, aux chiens de protection ou à l’installation de parcs électrifiés, éventuellement mobiles, des opérations d’effarouchement non létales, des tirs de défense, éventuellement renforcés, contre les attaques de loups et, en ultime recours, des tirs de prélèvement, éventuellement renforcés ; que les tirs de défense des troupeaux contre les attaques et les tirs de prélèvement ne peuvent être opérés que dans des conditions restrictives, dans certains secteurs et selon certaines modalités et si les élevages concernés sont exposés à des risques de dommages importants ; que les tirs de prélèvement sont subordonnés, sauf exceptions dûment encadrées, à la mise en œuvre préalable de tirs de défense et sont limités dans le temps ; qu’il appartient au préfet de prendre des mesures appropriées, progressives et proportionnées, et notamment d’accorder des dérogations, le cas échéant en en limitant la portée, en fonction des situations locales, en veillant à concilier de façon équilibrée les obligations s’attachant à la protection des loups, et en particulier celle de maintenir l’espèce dans un état de conservation favorable, avec l’objectif, garanti par le législateur, de protection des élevages ; que ces diverses mesures ainsi que les personnes habilitées à procéder aux tirs de destruction sont supervisées ou contrôlées notamment par les agents de l’ONCFS, cet établissement étant chargé de préciser les modalités pratiques de mise en œuvre des actions entreprises ; que des bilans des tirs de prélèvement sont établis chaque année par les préfets, permettant ainsi d’adopter dans des délais brefs les mesures correctrices nécessaires pour garantir le maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable ;
En ce qui concerne la requête n° 393101 de l’ASPAS et autres :
S’agissant de la légalité externe :
6. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, ainsi que l’imposaient les dispositions de l’article R. 411-13 du code de l’environnement rappelées au point 4, le Conseil national de la protection de la nature a été consulté le 28 mai 2015 et que les règles de composition et de quorum de cet organisme ont été respectées ; que le moyen tiré de ce qu’il n’est pas établi que cette instance a été régulièrement convoquée n’est pas assorti de précisions de nature à permettre d’en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article R. 411-13 du code de l’environnement et de l’irrégularité de la consultation de ce conseil doivent être écartés ;
7. Considérant, en second lieu, qu’en vertu de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, certaines catégories de documents de planification, de programmes ou projets, de manifestations et interventions dans le milieu naturel ou le paysage doivent faire l’objet d’une évaluation dénommée « Evaluation des incidences Natura 2000 » lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés ; que le III de cet article dispose, en outre, que « Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d’autorisation, d’approbation ou de déclaration au titre d’une législation ou d’une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l’objet d’une évaluation des incidences Natura 2000 que s’ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d’Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l’autorité administrative compétente. » ; que l’article R. 414-19 du code de l’environnement fixe la liste des documents, programmes, projets, manifestations ou interventions entrant dans les prévisions du 1° du III de cet article ;
8. Considérant toutefois, d’une part, que l’arrêté réglementaire attaqué n’est pas au nombre des documents de planification, programmes, projets, manifestations ou interventions devant faire l’objet d’une « Evaluation des incidences Natura 2000 » en application de ces dispositions ; que, d’autre part, en application de ces dispositions, les actes soumis à un régime administratif d’autorisation, d’approbation ou de déclaration au titre d’une législation ou d’une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l’objet d’une telle évaluation que s’ils figurent soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d’Etat, soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l’autorité administrative compétente ; que, par suite, les associations requérantes ne sauraient utilement soutenir que l’arrêté attaqué est illégal faute d’avoir prévu que les autorisations préfectorales portant dérogation à l’obligation de protection du loup devaient faire l’objet d’une « Evaluation des incidences Natura 2000 » ;
S’agissant de la légalité interne :
9. Considérant que les associations requérantes soutiennent que l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 411-2 du code de l’environnement, pris pour la transposition de l’article 16 de la directive « Habitats », dès lors qu’il ne respecte pas les trois conditions auxquelles est subordonné l’octroi de dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces protégées tenant à l’existence de dommages importants causés à l’élevage, à l’absence d’autre solution satisfaisante et au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de l’espèce dans son aire de répartition naturelle ; qu’elles soutiennent, en outre, que l’arrêté est illégal en ce qu’il édicte des mesures non nécessaires et disproportionnées ;
Quant à la condition relative à l’existence de dommages importants à l’élevage :
10. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu de l’article 12 de l’arrêté attaqué, pour l’application des dispositions du chapitre II relatif aux opérations de destruction par la mise en œuvre de tirs de défense des troupeaux, la notion « attaque » signifie toute attaque donnant lieu à au moins une victime indemnisable au titre de la prédation du loup ; que si les associations requérantes soutiennent que cette définition est illégale, faute que le constat des attaques soit réalisé par des agents chargés de cette mission par l’administration, il résulte des dispositions de l’article 12 de l’arrêté que le constat d’une attaque est subordonné au caractère indemnisable du dommage, ce dont il résulte nécessairement qu’une expertise technique doit être réalisée par les personnes compétentes, ainsi d’ailleurs que le relève une circulaire ministérielle du 27 juillet 2011 publiée au bulletin officiel du ministère chargé de l’environnement et du Plan d’action national loup 2013-2017 ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, s’agissant de la condition relative aux dommages importants causés à l’élevage, l’article L. 411-2 du code de l’environnement, qui transpose l’article 16 de la directive « Habitats », ne fait pas obstacle à la prise en compte, pour décider le déclenchement de tirs de destruction, des dommages causés aux troupeaux non protégés ; que, par suite, l’arrêté a pu légalement permettre le recours à des tirs de défense d’élevages non protégés ;
12. Considérant que l’article L. 411-2 du code de l’environnement, qui transpose l’article 16 de la directive « Habitats », énonce que les dérogations ont pour objet de « prévenir des dommages importants notamment (…) à l’élevage » ne subordonne pas les tirs de défense à l’existence d’une attaque préalable directe contre chacun des troupeaux susceptibles de faire l’objet de ces tirs ; que, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions critiquées n’ont pas pour objet et ne sauraient, au demeurant, avoir légalement pour effet d’écarter l’exigence que soit remplie la condition tenant au constat de l’existence de dommages importants aux élevages ; que, par suite, les moyens tirés de ce que l’arrêté serait illégal dès lors qu’il permettrait des tirs de défense sans constat d’une attaque effective de loup et des tirs de prélèvement sans prendre en considération les dommages réellement subis ni les effectifs de loups dans la zone doivent être écartés ;
Quant à la condition relative à l’absence d’autres solutions satisfaisantes :
13. Considérant que l’article L. 411-2 du code de l’environnement subordonne les dérogations à l’interdiction de destruction des espèces protégées à l’absence d’autre solution satisfaisante ; qu’ainsi qu’il a été dit au point 5, l’arrêté précise les conditions dans lesquelles il peut être recouru à des actions, d’effet gradué, consistant en des mesures de protection ou d’effarouchement, des tirs de défense et des tirs de prélèvement des loups ; que les tirs de destruction de loup ne peuvent être autorisés par le préfet, en fonction de l’appréciation des circonstances locales qu’il lui appartient de porter, que si les mesures de protection et d’effarouchement ne permettent pas de préserver efficacement les troupeaux des menaces de prédation ; qu’eu égard à l’objet et à la portée des dispositions de l’article L. 411-2, qui tendent à préserver le cheptel lui-même, et non la valeur patrimoniale qu’il représente, il ne peut être utilement soutenu qu’une indemnisation systématique des animaux victimes de prédation constituerait une solution alternative appropriée de nature à faire obstacle aux tirs de destruction des loups ; que les moyens tirés de la méconnaissance de la condition relative à l’absence d’autres solutions satisfaisantes doivent être écartés ;
Quant à la condition relative au maintien dans un état de conservation favorable des populations de loups dans leur aire de répartition naturelle :
14. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 13 de l’arrêté attaqué : « Dans le cœur des parcs nationaux dont le décret portant création autorise la chasse, le conseil d’administration se prononce sur le principe et les conditions de mise en œuvre des tirs de défense défini aux articles 14 à 17. Si le conseil d’administration s’est prononcé favorablement à cette possibilité, le préfet autorise le tir de défense après avis du directeur du parc. » ; qu’il résulte de l’article L. 411-2 du code de l’environnement que des dérogations à l’interdiction de destruction des espèces protégées sont permises pour prévenir des dommages importants à l’élevage, sans exclure de cette faculté les territoires des parcs nationaux ; qu’il résulte en outre des articles L. 331-1 et suivants du code de l’environnement que les parcs nationaux ont vocation à concilier, même au sein de leur cœur, la protection des espèces protégées avec les activités existantes et notamment l’agropastoralisme, qui participe au maintien de leur diversité faunistique et floristique et de leurs paysages ; qu’en vertu de l’article L. 331 4 1 du code de l’environnement, la chasse est interdite dans un cœur de parc sauf si sa réglementation et la charte du parc le prévoient ; qu’il en résulte que si la destruction des loups est subordonnée à des conditions strictes dans les parcs nationaux et leurs cœurs, elle n’y est pas interdite par principe ; que l’article 13 de l’arrêté attaqué prévoit expressément, en conformité avec les dispositions précitées, que les tirs de défense des troupeaux ne peuvent être réalisés que dans le cœur des parcs nationaux dont le décret portant création autorise la chasse ; que cette faculté est, en outre, strictement encadrée, dès lors que le conseil d’administration du parc doit se prononcer sur le principe et les conditions de mise en œuvre des tirs de défense et que, si le conseil d’administration s’est prononcé favorablement, le préfet doit autoriser le tir de défense après avis du directeur du parc ; que, par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu par les associations requérantes, les dispositions de l’arrêté attaqué n’ont ni pour objet, ni pour effet d’écarter les dispositions du décret du 29 décembre 2009 pris pour l’adaptation de la délimitation et de la réglementation du Parc national des Cévennes aux dispositions du code de l’environnement issues de la loi du 14 avril 2006, prévoyant une autorisation du directeur du parc ; qu’enfin, contrairement à ce qui est soutenu, eu égard aux conditions qu’il pose, l’arrêté attaqué ne méconnaît pas les orientations de la Charte du Parc national des Cévennes, approuvé par décret du 8 novembre 2013 ;
15. Considérant, en deuxième lieu, qu’ainsi qu’il a été dit au point 5, l’arrêté attaqué encadre strictement la possibilité d’autoriser les tirs de défense et de prélèvement, qui demeure subordonnée au respect des conditions prévues par l’article L. 411-2 du code de l’environnement, en particulier celle de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de loups dans leur aire de répartition naturelle ; que si les associations requérantes soutiennent que les dispositions de l’arrêté permettraient de détruire plusieurs loups par zone d’intervention, indépendamment des dommages constatés et des populations de loups dans la zone concernée, il appartient au préfet, en fonction des circonstances locales, d’apprécier, au cas par cas, si l’autorisation de ces tirs est, au regard notamment des conditions rappelées ci dessus, nécessaire et proportionnée ; que, s’agissant des tirs de défense, il résulte des articles 14 et suivants que ceux-ci ne peuvent être réalisés qu’à proximité du troupeau concerné, par des personnes autorisées, selon les modalités fixées par l’arrêté, titulaires du permis de chasse, dès lors que des mesures de protection ont été mises en œuvre ou que le troupeau est reconnu comme ne pouvant être protégé ; qu’un registre détaillé permettant le suivi des tirs doit être tenu à disposition des agents chargés des missions de police par le bénéficiaire de l’autorisation ; que les tirs de prélèvement sont interdits dans les cœurs de parc et les réserves naturelles nationales constituées pour des motifs incluant la conservation de la faune sauvage et durant la période courant du 1er mars au 13 avril afin de ne pas perturber le cycle de reproduction de l’espèce ; que ces tirs sont subordonnés à un arrêté préfectoral précisant la zone où les opérations peuvent être conduites et le nombre de loups pouvant être détruits, les opérations étant réalisées selon les modalités techniques définies par l’ONCFS ; que l’article 31 prévoit que seules les personnes compétentes telles que des agents de l’ONCFS ou des chasseurs formés par l’office et mandatés à cet effet peuvent participer aux tirs de prélèvements ; qu’il résulte de l’article 33 que des chasseurs ne peuvent être désignés comme responsables que s’ils ont suivi une formation spécifique dispensée par l’ONCFS ; qu’il résulte par ailleurs des articles 33 et 34 que les tirs de prélèvement, lors des actions de chasse ordinaire et battues administratives comme à l’occasion de chasses à l’approche ou à l’affût d’espèces de grand gibier, sont étroitement contrôlées, avec notamment des obligations déclaratives et d’information renforcées, sous la surveillance du service départemental de l’office et des agents en charge de la police de la nature ;
16. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la condition relative au maintien dans un état de conservation favorable des populations de loups dans leur aire de répartition naturelle est méconnue ;
Quant aux moyens tirés de ce que les mesures prévues par l’arrêté attaqué ne seraient ni nécessaires ni proportionnées à l’objectif poursuivi de protection des troupeaux :
17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de ce que les mesures prévues par l’arrêté attaqué ne sont ni nécessaires ni proportionnées à l’objectif de protection des troupeaux domestiques ne peuvent être accueillis ;
18. Considérant que, par suite, l’ASPAS et autres ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup ;
En ce qui concerne la requête n° 393130 de l’association FNE et autres :
19. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de ce qui a été dit au point 14 que le moyen tiré de ce qu’en permettant des tirs de destruction des loups dans les cœurs de parc les dispositions de l’article 13 de l’arrêté attaqué méconnaîtraient la réglementation des parcs nationaux et les exigences découlant de l’article L. 411-2 du code de l’environnement doit être écarté ;
20. Considérant, en deuxième lieu, que l’article 8 de l’arrêté attaqué dispose que : « La mise en œuvre d’un effarouchement aux fins d’éviter les tentatives de prédation du loup est possible, sans formalité administrative : / – pour les troupeaux protégés ainsi que pour ceux pour lesquels il est établi qu’ils ne peuvent l’être ; / – pour pallier l’absence de mesures de protection des troupeaux et pour permettre leur mise en place effective. (…) » ; qu’il résulte toutefois des dispositions des articles 8 à 11 de l’arrêté que l’effarouchement, qui peut être mis en œuvre par des moyens visuels ou sonores, la présence de chiens de protection ou des tirs non létaux strictement encadrés notamment quant aux munitions légères utilisables, ont pour seul objet de prévenir les attaques des loups contre les troupeaux à proximité immédiate de ceux-ci ; qu’eu égard à leur finalité, qui est conforme à l’objectif législatif de protection des élevages, et à leurs effets, les actions d’effarouchement ne peuvent être regardées comme constituant une perturbation intentionnelle de l’espèce au sens des dispositions législatives précitées ; que, dès lors, le moyen tiré de qu’en permettant de procéder à des opérations d’effarouchement sans formalité administrative particulière, l’arrêté attaqué aurait méconnu l’obligation découlant des dispositions combinées des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement doit être écarté ;
21. Considérant, en troisième lieu, que l’article 8 définit la notion de « troupeau protégé » comme tout élevage bénéficiant de l’installation effective de mesures de protection au titre de l’opération de protection de l’environnement dans les espaces ruraux portant sur la protection des troupeaux contre la prédation, en application de l’arrêté du 19 juin 2009 relatif à l’opération de protection de l’environnement dans les espaces ruraux portant sur la protection des troupeaux contre la prédation, ou de mesures de protection jugées équivalentes par les services déconcentrés compétents ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions définissent de façon suffisamment précise la notion de « troupeau reconnu comme ne pouvant être protégé » et ne méconnaissent pas l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;
22. Considérant, en quatrième lieu, que l’article 26 permet le déclenchement de tirs de prélèvement, sans mise en œuvre préalable de tirs de défense, en présence d’ « obstacles pratiques ou techniques à la mise en œuvre de ces tirs » ; que le préfet ne peut autoriser ces tirs que dans des conditions strictement encadrées et dans la mesure où les troupeaux demeurent dans les conditions où ils sont exposés à la prédation du loup ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions sont suffisamment précises, sans qu’il soit besoin d’expliciter l’expression « d’obstacles pratiques ou techniques à la mise en œuvre des tirs de défense » ; que les moyens dirigés contre l’article 26 de l’arrêté attaqué doivent être écartés ;
23. Considérant, en cinquième lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en prévoyant que les opérations de tirs de prélèvements sont suspendues du 1er mars au 30 avril, afin de ne pas perturber le cycle de reproduction de l’espèce, l’arrêté attaqué aurait fixé une période trop brève pour permettre le maintien de la population des loups dans un état de conservation favorable dans son aire de répartition ;
24. Considérant, en sixième lieu, que les associations requérantes soutiennent que l’arrêté attaqué édicte des mesures, qui ne sont pas proportionnées, nécessaires et progressives, en méconnaissance de l’article L. 411-2 du code de l’environnement et de l’article 16 de la directive « Habitats » ; qu’il résulte toutefois de ce qui a été dit dans les précédents motifs, compte tenu notamment de ce que l’arrêté se borne à prévoir la possibilité de mesures d’effets graduée et de dérogations, dans des conditions strictement encadrées et qu’il appartient au préfet de se prononcer au cas par cas, en fonction des circonstances locales, en veillant au respect des obligations résultant de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, que ce moyen doit être écarté ;
25. Considérant toutefois, en septième et dernier lieu, que l’article 25 de l’arrêté attaqué dispose que : « Les tirs de prélèvements peuvent intervenir : / – s’il est constaté des dommages importants ou récurrents dans les élevages ayant mis en œuvre les tirs de défense malgré l’installation, quand cela est possible, de mesures de protection des troupeaux ; et/ – dans la mesure où les troupeaux demeurent dans les conditions où ils sont exposés à la prédation du loup. » ; qu’il résulte des dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement que des dérogations à l’interdiction de destruction des espèces protégées ne peuvent être accordées qu’en cas de dommages importants à l’élevage ; que si la récurrence de certains dommages peut conduire à les qualifier d’importants, la seule circonstance que des dommages se soit répétés ne peut à elle seule suffire à les regarder comme importants ; que, par suite, en permettant de prendre en compte également des dommages récurrents, quelle que soit leur importance, l’arrêté attaqué a illégalement élargi les possibilités de dérogation prévues par le législateur ;
26. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont fondées à demander l’annulation de l’arrêté qu’elles attaquent qu’en tant qu’il comporte, au deuxième alinéa de l’article 25, les mots « ou récurrents », qui sont divisibles des autres dispositions de l’arrêté ;
Sur la requête n° 393129 de l’association FNE et autres dirigée contre l’arrêté du 30 juin 2015 fixant le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée :
27. Considérant qu’aux termes de l’article 2 de l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) : « Le nombre maximum de spécimens de loups (mâles ou femelles, jeunes ou adultes) dont la destruction est autorisée, en application de l’ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets, est fixé chaque année par arrêté ministériel. Cet arrêté ne peut couvrir une période excédant le 30 juin de l’année suivante. / Ce maximum annuel sera diminué du nombre des animaux ayant fait l’objet d’actes de destruction volontaire constatés par les agents mentionnés à l’article L. 415-1 du code de l’environnement durant toute la période de validité de l’arrêté visé au premier alinéa du présent article. » ; que, par un arrêté du même jour, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ont fixé à 36 le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2015-2016 ;
28. Considérant que le seuil de 36 loups fixé par l’arrêté attaqué ne constitue qu’un plafond de destructions d’animaux pouvant être autorisées durant une campagne d’un an ; que la portée et ainsi la légalité de cet arrêté doivent être appréciées au regard de l’ensemble du dispositif réglementaire décrit au point 5 ; qu’ainsi qu’il a été dit précédemment, celui-ci tend non pas à faciliter ces destructions mais à les encadrer strictement ; qu’il appartient au préfet d’apprécier, en fonction des circonstances locales, si des dérogations peuvent être autorisées en vérifiant qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que les mesures envisagées, qui doivent être proportionnées à l’objectif de protection des élevages, ne nuisent pas au maintien de la population des loups, au sein de son aire de répartition naturelle, dans un état de conservation favorable ; qu’il incombe également au pouvoir réglementaire d’adapter ce dispositif et, en particulier, d’ajuster chaque année le plafond de destruction des loups en tenant compte des résultats de la précédente campagne, ainsi que des données statistiques pluriannuelles relatives à l’évolution tendancielle de la population des loups et des dommages occasionnés par ces derniers ; que, toutefois, la seule circonstance que les estimations statistiques montrent une baisse du nombre de loups d’une année sur l’autre, dès lors qu’elle est de faible ampleur et que, sur une période plus large, les tendances demeurent favorables à la conservation de l’espèce, ne permet pas de faire regarder la condition relative au maintien de la population des loups dans un état de conservation favorable comme n’étant plus remplie ; qu’il ressort des pièces du dossier que si certaines estimations statistiques indiquent un fléchissement de la population des loups sur la période 2014/2015, de l’ordre de 7 %, leur population estimée, sur la période 2009/2015, a fortement augmenté sur le territoire national, passant d’environ 150 à 300 spécimens, soit un doublement en six ans ; que, d’ailleurs, les estimations les plus récentes disponibles tendent à confirmer la tendance à l’augmentation de l’effectif des loups ; que, si les requérants indiquent que le nombre d’attaques et de victimes des loups a baissé au cours du premier semestre 2015 par rapport au premier semestre 2014, le nombre d’attaques tend à augmenter fortement sur la période 2009/2015 en ayant plus que doublé ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’arrêté a pu légalement fixer à 36 le nombre maximal de loups pouvant être tués au cours de la campagne 2015-2016 ; que le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 411-2 du code de l’environnement doit être écarté ;
29. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêté du 30 juin 2015 fixant le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée :
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Considérant que, s’agissant des requêtes nos 393101 et 393129, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans ces instances ; que s’agissant de la requête n° 393130, les requérantes n’étant pas parties gagnantes au principal, les mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat ;
D E C I D E :
Article 1er : L’intervention de la Fédération nationale des chasseurs est admise.
Article 2 : Au deuxième alinéa de l’article 25 de l’arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup, les mots « ou récurrents » sont annulés.
Article 3 : Les requêtes nos 393101 et 393129 et le surplus des conclusions de la requête n° 393130 sont rejetés.