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PLU (St-Gervais)/ Vices régularisables

CAA de LYON – 1ère chambre

  • N° 21LY02895
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mardi 16 mai 2023

Président

Mme MEHL-SCHOUDER

Rapporteur

Mme Claire BURNICHON

Rapporteur public

  1. LAVAL

Avocat(s)

LIOCHON DURAZ

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association Fédération Rhône-Alpes de la Protection de la Nature section Haute-Savoie, devenue France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74), et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA), ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler la délibération du 9 novembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Gervais a approuvé la révision n° 2 de son plan local d’urbanisme (PLU).

Par un jugement n° 1702614 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a, d’une part, annulé la délibération du conseil municipal de Saint-Gervais-les-Bains du 9 novembre 2016 en tant qu’elle a défini une zone AUD dans le secteur dit des Chosalets/Bétasses, une zone AUB du secteur de l’Essey et les OAP n° 6 et n° 7, et, d’autre part, sursis à statuer sur les conclusions en annulation de la zone AUBb du secteur du Bettex et de l’OAP n° 3, durant un délai de trente jours à compter de la notification du présent jugement dans l’attente des observations des parties.

Par un jugement n°1702614 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur les conclusions en annulation de la zone AUBb du secteur du Bettex et de l’OAP n° 3, durant un délai d’un an à compter de la notification du jugement.

Par une délibération du 10 février 2021, le conseil municipal de Saint-Gervais-les-Bains a approuvé la modification n° 3 du plan local d’urbanisme.
Par un jugement n° 1702614 du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations du conseil municipal de Saint-Gervais-les-Bains du 9 novembre 2016 et du 10 février 2021 en tant qu’elles ont défini une zone AUBb dans le secteur du Bettex et ont prévu l’OAP n° 3.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 août 2021, la commune de Saint-Gervais-Les-Bains, représentée par le cabinet CLDAA, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 juillet 2021 ;

2°) de rejeter les demandes des associations France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) ;

3°) de mettre à la charge de ces associations le versement solidaire de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement attaqué est irrégulier en ce qu’il est insuffisamment motivé ;
– le rapport de présentation est suffisant, il précise l’objet de la modification ; les dispositions du 3° de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme ont été respectées ;
– les dispositions du 5° de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme ont été respectées en ce que le rapport de présentation décrit et analyse le fonctionnement de l’hydrosystème et précise que l’OAP vise en priorité la protection intégrale des zones humides, dans leur périmètre, comme dans leur fonctionnement et leur gestion ;
– l’orientation d’aménagement et de programmation n° 3 est cohérente avec le projet d’aménagement et de développement durables ; le jugement attaqué méconnaît l’article L. 151-6 du code de l’urbanisme ; l’OAP n° 3 a identifié les zones humides et la zone de compensation potentielle le cas échéant et elle a été complétée avec l’objectif de la protection intégrale des zones humides ;
– les autres moyens invoqués en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2022, l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA), représentées par la SELARL Morell Alart et Associés, concluent au rejet de la requête de la commune de Saint-Gervais-Les-Bains et à ce qu’il soit mis à la charge de la commune le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
– le rapport de présentation est insuffisant en ce qu’il présente la modification n° 3 comme une erreur matérielle ; les dispositions du 3° de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme ont été méconnues et les cartes de l’étude environnementale sont insuffisantes ;
– les dispositions du 5° de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme ont été méconnues en ce que le rapport de présentation est insuffisant sur l’analyse et le fonctionnement de l’hydrosystème ainsi que sur l’évitement ; la compensation est inexistante et le rapport de présentation n’analyse pas les incidences de l’évolution du PLU sur les fonctionnalités de la zone humide détruite ;
– le tribunal s’est bien prononcé sur la cohérence, et non sur la compatibilité, de l’OAP n° 3 avec le PADD ; compte tenu des caractéristiques de l’OAP n° 3, les zones humides ne pourront pas être préservées dans leur intégralité ;
– le dossier d’enquête publique était insuffisant en l’absence de réponse de la commune à l’avis de la MRAe et le public a été privé de la connaissance des compléments annoncés par la commune ;
– les conclusions du commissaire enquêteur sont dépourvues d’une motivation suffisante et personnelle, en méconnaissance de l’article R. 123-19 du code de l’urbanisme, et il n’a pas fait preuve d’indépendance ;
– les vices entachant la délibération du 9 novembre 2016 n’ont pas été régularisés.

Par ordonnance du 20 mai 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 7 juin 2022.

Par lettre du 30 mars 2023, les parties ont été informées en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de l’irrecevabilité des moyens invoqués devant le tribunal administratif de Grenoble par l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) contre la légalité de la délibération litigieuse en l’absence d’appel de leur part et dirigé contre les jugements des 31 octobre 2019 et 12 mars 2020.
L’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) ont présenté des observations en réponse à ce moyen d’ordre public, qui ont été enregistrées le 19 avril 2023 et communiquées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,
– les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
– les observations de Me Raffin pour l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA).

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 9 novembre 2016, le conseil municipal de la commune de Saint-Gervais-les-Bains a adopté la révision n° 2 de son plan local d’urbanisme (PLU). Par un jugement n° 1702614 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération du 9 novembre 2016 en tant qu’elle a défini une zone AUD dans le secteur dit des Chosalets/Bétasses, une zone AUB dans le secteur de l’Essey et les OAP nos 6 et 7. Il a également sursis à statuer sur les conclusions en annulation de la zone AUBb du secteur du Bettex et de l’OAP n° 3, pendant trente jours à compter de la notification du jugement, dans l’attente des observations des parties. Par un autre jugement n° 1702614 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur les conclusions en annulation de la zone AUBb du secteur du Bettex et de l’OAP n° 3, pendant un an à compter de la notification du jugement. Suite à ce jugement avant dire droit, par un arrêté du 18 novembre 2019, une procédure de modification n° 3 a été prescrite. La mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) a rendu le 22 avril 2020 une décision après un examen au cas par cas relative à cette modification. Par une délibération du 10 février 2021 le conseil municipal, après une enquête publique qui a eu lieu du 24 décembre 2020 au 25 janvier 2021, a approuvé la modification n° 3 du PLU. La commune de Saint-Gervais-les-Bains relève appel du jugement du 5 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations du 9 novembre 2016 et du 10 février 2021 en tant qu’elles ont défini une zone AUBb dans le secteur du Bettex et ont institué l’OAP n° 3.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En application de l’article L. 9 du code de justice administrative, les jugements doivent être motivés. Le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement en examinant le contenu du rapport de présentation et en l’appréciant au regard notamment de l’avis de la MRAe ainsi que la légalité de l’OAP n° 3 au regard des dispositions de l’article L. 151-6 du code de l’urbanisme. Il est dès lors suffisamment motivé. La circonstance que les premiers juges se soient fondés sur l’avis de la MRAe précité sans qu’une confrontation ne soit effectuée avec le contenu de l’évaluation environnementale reprise dans le rapport de présentation approuvé ne relève pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé, et le moyen tiré de l’irrégularité du jugement ne peut donc qu’être rejeté.
Sur la légalité des délibérations du 9 novembre 2016 et 10 février 2021 :

En ce qui concerne la régularisation des vices :
3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme, alors en vigueur et désormais codifié à l’article R. 151-3 du même code :  » Lorsque le plan local d’urbanisme doit faire l’objet d’une évaluation environnementale conformément aux articles L. 121-10 et suivants, le rapport de présentation : (…) / 3° Analyse les incidences notables prévisibles de la mise en œuvre du plan sur l’environnement et expose les conséquences éventuelles de l’adoption du plan sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l’environnement telles que celles désignées conformément aux articles R. 214-18 à R. 214-22 du code de l’environnement ainsi qu’à l’article 2 du décret n° 2001-1031 du 8 novembre 2001 relatif à la procédure de désignation des sites Natura 2000 ; /(…) /5° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser s’il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l’environnement et rappelle que le plan fera l’objet d’une analyse des résultats de son application, notamment en ce qui concerne l’environnement, au plus tard à l’expiration d’un délai de dix ans à compter de son approbation ; « .
4. D’une part, le rapport de présentation portant sur l’évaluation environnementale, dans sa version approuvée par le PLU en février 2021 (RP2) et réalisée dans le cadre de la modification n° 3 du PLU de Saint-Gervais-les-Bains, examine la nature des sols et les modalités d’alimentation de la zone humide en précisant notamment que la zone portant l’OAP du Bettex est alimentée par un bassin versant relativement restreint de douze hectares au sein du vaste versant Nord-Nord-Est du Mont d’Arbois, et étudie les pentes et directions d’écoulement, en indiquant ensuite que les deux autres  » patchs  » de zones humides à proximité du terrain de tennis résultent probablement de microfailles localement plus profondes ou de fuites latérales du milieu principal. Ce rapport comprend un plan schématique du bassin versant topographique actif dominant le terrain étudié localisant ce bassin et les écoulements des eaux superficielles, une vue globale de la topographie du site ainsi qu’une vue aérienne retraçant l’emprise de l’OAP n° 3, celle de l’étude pour l’expertise  » zone humide  » et celle des zones humides présentes sur le terrain. Il indique enfin, en conclusion, que l’expertise relative à la zone humide confirme la présence d’une zone humide sur une surface totale de 1 798 m² et qu’il n’existe pas de lien hydraulique entre la zone humide située sur l’emprise de l’OAP du Bettex et le milieu recensé plus au nord-ouest par l’inventaire départemental des zones humides, les sous-bassins versants alimentant chacune des zones étant très différents.

5. Ce RP2 comprend également une analyse de la modification sur le paysage, un examen du réseau écologique, de la ressource en eau, de la gestion de l’eau potable en matière d’assainissement et d’eaux pluviales, de la gestion des déchets, des sols et sous-sols, des ressources énergétiques, gaz à effets de serre et facteurs climatiques, de la qualité de l’air et du climat, du bruit et des risques naturels et technologiques. Ce RP2, dans le cadre de l’analyse de l’incidence de la modification du PLU sur la biodiversité et la dynamique écologique, comprend aussi une carte retraçant l’emprise de l’OAP n° 3, avec les zones anthropisées, les prairies de transition à hautes herbes et les points de relevés floristiques, entre-autres. En conséquence, ce rapport de présentation, qui a tenu compte des observations de la MRAe, analyse les incidences notables prévisibles de la mise en œuvre du plan sur les zones humides du secteur et les conséquences éventuelles de l’adoption du plan sur la protection de ces zones conformément aux dispositions précitées du 3° de l’article R. 123-2-1 du code de l’urbanisme.

6. D’autre part, ce même RP2 du PLU approuvé précise que  » l’OAP vise en priorité la protection intégrale des zones humides, dans leur périmètre, comme dans leur fonctionnement et leur gestion. Les aménagements veilleront à éviter les zones humides le long des courts de tennis et dans la bande inconstructible sous la remontée mécanique, ce qui correspond à une surface évitée d’environ 760m²  » et ajoute que, pour la zone humide qui ne pourra être évitée, celle-ci fera l’objet d’une compensation in situ et que, selon les sondages des sols réalisés sur la zone et les données hydrogéologiques, la seule dérivation des venues d’eaux des circulations superficielles permettront de restaurer un habitat similaire à celui observé sur la zone humide actuelle, dans des sols et un substratum de même nature et une situation topographique propice à cette solution. Il y est par ailleurs aussi mentionné que l’OAP intègre  » des espaces verts libres de constructions à conserver dans les secteurs d’exutoire des écoulements afin de recréer la végétation spontanée des milieux humides, de caractéristiques phytosociologiques similaires à la zone qui serait détruite et en connexion avec les zones humides conservées  » afin de garantir l’objectif d’équivalence fonctionnelle de la zone compensée avec la zone potentiellement impactée, et que la superficie maximum impactée de 1 038m² imposera le cas échéant une compensation sur 2 100 m² environ et l’absence totale de possibilité d’usage récréatif de la zone de compensation, compte tenu de la nature même des sols restaurés. L’ensemble de ces éléments permet de constater que le rapport de présentation de la modification n° 3 présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et compenser s’il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l’environnement.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les vices entachant le rapport de présentation concernant les zones humides du secteur du Bettex ont été régularisés par la délibération du 10 février 2021.
8. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 151-6 du code de l’urbanisme :  » Les orientations d’aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables [PADD], des dispositions portant sur l’aménagement, l’habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles « .
9. L’OAP n° 3  » Zone AUB du Bettex cœur de station « , telle que complétée par la modification n° 3 du PLU de Saint-Gervais-les-Bains, indique que l’objectif visé est la protection intégrale des zones humides, dans leur périmètre comme dans leurs fonctionnement et gestion, en précisant que tout aménagement ou construction devra veiller en premier lieu à éviter les zones humides. Elle précise également que si une telle mesure d’évitement n’est pas possible, l’impact potentiel sur ces zones devra être réduit et, qu’en dernier lieu, toute destruction d’une zone humide ou partie de zone humide devra être compensée en reprenant la mise en place des mesures de compensation in situ précisées par le RP2 mais en précisant que des espaces verts libres de construction devront être conservés dans les secteurs d’exutoire des écoulements afin de recréer la végétation spontanée des milieux humides de caractéristiques phytosociologiques similaires à la zone qui serait détruite et en connexion avec les zones humides conservées. L’OAP n° 3 comporte par ailleurs une carte localisant les zones humides, précise la structuration du projet autour d’un cœur de quartier ainsi que les espaces dédiés à la gestion des eaux pluviales, d’évitement et de compensation possible des zones humides. Compte tenu de ces éléments et alors que le PLU en tant que document de planification n’avait pas à préciser davantage la mise en œuvre de mesures de compensation en l’absence de projet défini sur le secteur, l’OAP n° 3 précitée comporte des objectifs et principes d’aménagement qui sont en cohérence avec l’objectif du PADD tendant à  » protéger la trame verte et bleue : espaces forestiers, espaces naturels de coupure d’urbanisation, les zones humides « .
10. Il résulte de ce qui précède que le vice entachant l’OAP n° 3 a été régularisé par la délibération du 10 février 2021.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Gervais-les-Bains est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a considéré que les vices entachant la délibération du 9 novembre 2016 en tant qu’elle a défini une zone AUBb dans le secteur du Bettex et prévu l’OAP n° 3, n’avaient pas été régularisés par la délibération du 10 février 2021. Par ailleurs, en l’absence d’appel dirigé contre les jugements des 31 octobre 2019 et 12 mars 2020, l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) ne sont pas recevables à reprendre à leur compte l’argumentation développée devant le TA de Grenoble contre la légalité des délibérations litigieuses.
En ce qui concerne les vices propres de la procédure de régularisation :
12. Il résulte de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme que les parties à l’instance ayant donné lieu à la décision de sursis à statuer en vue de permettre la régularisation de l’acte attaqué ne peuvent contester la légalité de l’acte pris par l’autorité administrative en vue de cette régularisation que dans le cadre de cette instance et qu’elles ne sont, en revanche, pas recevables à présenter devant le tribunal administratif une requête tendant à l’annulation de cet acte. Elles peuvent, à l’appui de la contestation de l’acte de régularisation, invoquer des vices affectant sa légalité externe et soutenir qu’il n’a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant-dire droit. Elles ne peuvent soulever aucun autre moyen, qu’il s’agisse d’un moyen déjà écarté par la décision avant-dire droit ou de moyens nouveaux, à l’exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
13. En premier lieu, aux termes de l’article L. 153-19 du code de l’urbanisme :  » Le projet de plan local d’urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement par le président de l’établissement public de coopération intercommunale ou le maire « . L’article R. 153-8 du même code prévoit que :  » Le dossier soumis à l’enquête publique est composé des pièces mentionnées à l’article R. 123-8 du code de l’environnement et comprend, en annexe, les différents avis recueillis dans le cadre de la procédure. / Il peut, en outre, comprendre tout ou partie des pièces portées à la connaissance de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune par le préfet (…) « .
14. Contrairement à ce que soutiennent les fédérations en défense, le rapport du commissaire-enquêteur énumère et synthétise les avis des personnes publiques associées et notamment l’avis de la MRAe et il cite également le mémoire de la commune de Saint-Gervais-les-Bains fait en réponse à cet avis, lesquels étaient joints au dossier d’enquête. Par ailleurs, ce mémoire en réponse indique clairement que le rapport de présentation RP2 sera complété et reprend les compléments qui ont été ajoutés en février 2021, permettant ainsi au public d’avoir connaissance des modifications apportées au rapport de présentation après l’enquête.
15. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 123-19 du code de l’environnement : « Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l’enquête et examine les observations recueillies./Le rapport comporte le rappel de l’objet du projet, plan ou programme, la liste de l’ensemble des pièces figurant dans le dossier d’enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l’enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public./ Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet./(…) « .

16. Le commissaire-enquêteur, après avoir rappelé l’objet et le déroulement de la procédure de modification n° 3 et précisé ses apports, notamment dans le rapport de présentation, liste et analyse les avis des personnes publiques associées et notamment celui de la MRAe, ainsi que le mémoire en réponse de la commune produit avant enquête, puis analyse les observations formulées par le public et donne son avis sur ces dernières. Il ressort de ce rapport et des conclusions qu’il comporte que le commissaire a donné, en toute impartialité, un avis, qui est personnel, sur le projet de modification n° 3, en relevant également la possibilité d’inscrire le projet d’urbanisation du Bettex en évitant les deux zones humides et en recommandant à la commune d’étudier avec le concepteur du projet cette possibilité, qui permettrait de valoriser ces zones humides et de les intégrer dans les aménagements paysagers et peut-être même de les signaler à titre pédagogique avec une signalétique appropriée. Par suite, les dispositions de l’article R. 123-19 du code de l’environnement n’ont pas été méconnues.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Gervais-les-Bains est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué du 5 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations du conseil municipal de Saint-Gervais-les-Bains du 9 novembre 2016 et du 10 février 2021 en tant qu’elles ont défini une zone AUBb dans le secteur du Bettex et prévu l’OAP n° 3.

Sur les frais d’instance :

18. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Gervais-les-Bains, qui n’est pas la partie perdante, verse à l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et à l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) la somme qu’elles demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-Gervais-les-Bains au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1702614 du 5 juillet 2021 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Gervais-les-Bains, à l’association France Nature Environnement Haute-Savoie (FNE 74) et à l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA).
Délibéré après l’audience du 25 avril 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Aides agricoles/ ZSCN/ ZSCS

CAA de LYON – 3ème chambre

  • N° 21LY03732
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 17 mai 2023

Président

  1. TALLEC

Rapporteur

Mme Sophie CORVELLEC

Rapporteur public

  1. DELIANCOURT

Avocat(s)

SELARL GC AVOCAT

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

I. Par une requête enregistrée sous le numéro 1901530, la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or, l’exploitation agricole à responsabilité limitée Cédric Bazin, le groupement agricole d’exploitation en commun Reconnu des Pralets, le groupement agricole d’exploitation en commun Jacotot, M. C… B…, le groupement agricole d’exploitation en commun de Bessey-en-Chaume, M. H… D…, M. F… A…, la société civile d’exploitation agricole de Flagny et la société à responsabilité limitée Domaine Guy Fouquerand ont demandé au tribunal administratif de Dijon :
1°) d’annuler l’arrêté du 27 mars 2019 du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et du ministre de l’économie et des finances portant délimitation des zones agricoles défavorisées ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Par une requête enregistrée sous le numéro 1903320, la Confédération paysanne de Côte-d’Or et M. E… G… ont demandé au tribunal administratif de Dijon :
1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a refusé de procéder à la publication au Journal officiel de l’annexe de l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées ;
2°) d’annuler l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées, en tant qu’il ne classe pas en zones soumises à des contraintes naturelles les communes d’Antheuil, Aubaine, Bessey-en-Chaume, Bévy, Bouhey, Bouilland, La Bussière-sur-Ouche, Clémencey, Collonges-lès-Bévy, Crugey, Curley, L’Etang-Vergy, Flavignerot, Fussey, Mavilly-Mandelot, Meloisey, Messanges, Quemigny-Poisot, Reulle-Vergy, Saint-Jean-de-Bœuf, Saint-Victor-sur-Ouche, Semezanges, Ternant, Thorey-sur-Ouche, Urcy et Cormot-Vauchignon, ensemble la décision portant rejet de leur recours gracieux ;
3°) d’annuler l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées, en tant qu’il ne classe pas en zones agricoles défavorisées les communes de Chamboeuf, Corcelles-les-Monts, Détain-et-Bruant et Veuvey-sur-Ouche, ensemble la décision portant rejet de leur recours gracieux ;
4°) d’enjoindre au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de procéder à la publication au Journal officiel de la République française de l’annexe de l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées ;
5°) d’enjoindre au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de modifier l’annexe de l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées en classant les communes d’Antheuil, Aubaine, Bessey-en-Chaume, Bévy, Bouhey, Bouilland, La Bussière-sur-Ouche, Clémencey, Collonges-lès-Bévy, Crugey, Curiey, L’Etang-Vergy, Flavignerot, Fussey, Mavilly-Mandelot, Meloisey, Messanges, Quemigny-Poisot, Reulle-Vergy, Saint-Jean-de-Bœuf, Saint-Victor-sur-Ouche, Semezanges, Ternant, Thorey-sur-Ouche, Urcy et Cormot-Vauchignon en zones soumises à des contraintes naturelles ;
6°) d’enjoindre au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de modifier l’annexe de l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées en classant les communes de Chamboeuf, Corcelles-les-Monts, Détain-et-Bruant et Veuvey-sur-Ouche en zones agricoles défavorisées.

Par un jugement nos 1901530, 1903320 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a joint ces demandes et a :
1°) annulé l’arrêté du 27 mars 2019 du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et du ministre de l’économie et des finances portant délimitation des zones agricoles défavorisées en tant qu’il ne classe pas les communes d’Antheuil, Bessey-en-Chaume, Bouhey, Bouilland, Clémencey, Curley, Flavignerot, La Bussière-sur-Ouche, Quemigny-Poisot, Saint-Jean-de-Bœuf, Saint-Victor-sur-Ouche, Semezanges, Thorey-sur-Ouche, Urcy, Cormot-Vauchignon, Ternant, Aubaine et Mavilly-Mandelot en zone soumise à des contraintes naturelles importantes ;
2°) annulé la décision implicite de rejet du recours gracieux de la Confédération paysanne de Côte d’Or et de M. G… en tant qu’elle ne classe pas les communes d’Antheuil, Bessey-en-Chaume, Bouhey, Bouilland, Clémencey, Curley, Flavignerot, La Bussière-sur-Ouche, Quemigny-Poisot, Saint-Jean-de-Bœuf, Saint-Victor-sur-Ouche, Semezanges, Thorey-sur-Ouche, Urcy, Cormot-Vauchignon, Ternant, Aubaine et Mavilly-Mandelot en zone soumise à des contraintes naturelles importantes ;
3°) mis à la charge de l’Etat les sommes de 300 euros à verser à la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or, à l’exploitation agricole à responsabilité limitée Cédric Bazin, au groupement agricole d’exploitation en commun Reconnu des Pralets, au groupement agricole d’exploitation en commun Jacotot, à M. C… B…, au groupement agricole d’exploitation en commun de Bessey-en-Chaume, à M. H… D…, à M. F… A…, à la société civile d’exploitation agricole de Flagny et à la société à responsabilité limitée Domaine Guy Fouquerand, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2021 et un mémoire enregistré le 28 octobre 2022, la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or, désignée représentante unique, l’exploitation agricole à responsabilité limitée Cédric Bazin, M. C… B…, M. H… D…, la société civile d’exploitation agricole de Flagny et la société à responsabilité limitée Domaine Guy Fouquerand, représentés par Me Chareyre (SELARL GC Avocat), avocat, demandent à la cour :
1°) d’annuler l’article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 septembre 2021 rejetant le surplus de leurs conclusions ;
2°) d’annuler l’arrêté du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées, en tant qu’il ne classe pas en zones agricoles défavorisées les communes de Corcelles-les-Monts, Détain-et-Bruant, Flavignerot, Chamboeuf, Veuvey-sur-Ouche, Messanges, L’Etang-Vergy, Reulle-Vergy, La Rochepot, Fussey, Chaux, Nolay, Segrois, Nantoux, Collonges-lès-Bévy, Saint-Romain, Baubigny et Crugey ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser à la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et les sommes de 300 euros à verser à chacun des autres appelants, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
S’agissant des communes de Messanges, L’Etang-Vergy, Reulle-Vergy, La Rochepot, Fussey, Chaux, Segrois, Nantoux, Collonges-lès-Bévy, Saint-Romain, Baubigny et Crugey :
– leur inclusion au sein de la  » petite région agricole  » (PRA)  » côte viticole et arrière-côte de Bourgogne « , laquelle est fortement hétérogène, est injustifiée ;
– leur classement en ZSCN est justifié par application du critère de la PBS  » restreinte « , en raisonnant en moyenne par hectare de surface agricole utile dans ces communes ;
S’agissant des communes de Corcelles-les-Monts, Détain-et-Bruant, Chamboeuf, Veuvey-sur-Ouche et Nolay :
– elles répondent aux critères biophysiques requis pour être classées, les nouveaux chiffres publiés n’étant pas justifiés ;
– leur inclusion au sein de la  » petite région agricole  » (PRA)  » côte viticole et arrière-côte de Bourgogne « , laquelle est fortement hétérogène, est injustifiée ;
– leur classement en ZSCS, qui est indépendant des critères biophysiques, est justifié, en application du critère de l’autonomie fourragère, apprécié à l’échelle des communes concernées.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2022, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l’appel incident, d’annuler l’article 1er du jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 septembre 2021 annulant partiellement l’arrêté du 27 mars 2019.

Il expose que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le respect des critères de classement doit être apprécié par référence aux PRA en vertu du décret du 27 mars 2019 dont la légalité, notamment en ce qui concerne cette méthode, a été validée par le Conseil d’Etat.

Par ordonnance du 28 octobre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 28 novembre 2022.
Par courrier du 4 avril 2023, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d’office l’irrecevabilité des conclusions présentées, par la voie de l’appel incident, par le ministre en charge de l’agriculture et tendant à l’annulation du jugement attaqué en ce qu’il a partiellement annulé l’arrêté du 27 mars 2019, celles-ci soulevant un litige distinct de l’appel principal formé par la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et autres.
Par deux mémoires enregistrés les 5 et 13 avril 2023, la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et autres ont présenté des observations en réponse à ce moyen d’ordre public.
Ils exposent que les conclusions du ministre soulevant un litige distinct de l’appel principal, elles sont irrecevables.
Par un mémoire enregistré le 12 avril 2023, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a présenté des observations en réponse à ce moyen d’ordre public.
Il expose que son appel incident, qui ne soulève pas de litige distinct de l’appel principal, est recevable.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
– le règlement (UE) n° 808/2014 de la Commission du 17 juillet 2014 ;
– la décision d’exécution C (2019) 1769 de la Commission européenne du 27 février 2019 ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
– le décret n° 2015-445 du 16 avril 2015 ;
– le décret n° 2019-243 du 27 mars 2019 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
– les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
– et les observations de Me Chareyre, avocat, représentant la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 27 mars 2019, les ministres en charge de l’économie et de l’agriculture ont énuméré les communes classées comme  » zones soumises à des contraintes naturelles  » (ZSCN) et comme  » zones soumises à des contraintes spécifiques  » (ZSCS), en application de l’article 32 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 et de l’article D. 113-15 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version issue du décret du 27 mars 2019, afin de permettre le versement de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) aux exploitants agricoles installés dans ces zones. Saisi par la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or (FDSEA 21), par la confédération paysanne de Côte-d’Or et par différents exploitants agricoles, le tribunal administratif de Dijon a, par un jugement du 21 septembre 2021, annulé cet arrêté en ce qu’il ne classait pas les communes d’Antheuil, de Bessey-en-Chaume, de Bouhey, de Bouilland, de Clémencey, de Curley, de Flavignerot, de La Bussière-sur-Ouche, de Quemigny-Poisot, de Saint-Jean-de-Bœuf, de Saint-Victor-sur-Ouche, de Semezanges, de Thorey-sur-Ouche, d’Urcy, de Cormot-Vauchignon, de Ternant, d’Aubaine et de Mavilly-Mandelot en ZSCN et rejeté le surplus de leurs demandes. La FDSEA de Côte-d’Or et cinq exploitants agricoles relèvent appel de ce jugement en ce qu’il a ainsi rejeté le surplus de leurs demandes, en son article 4, concernant dix-sept autres communes du département. Par la voie de l’appel incident, le ministre en charge de l’agriculture demande l’annulation de ce même jugement en ce qu’il a partiellement annulé l’arrêté du 27 mars 2019.

Sur l’appel incident du ministre en charge de l’agriculture :

2. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s’il ne soumet pas au juge d’appel un litige distinct de celui qui a été soulevé par l’appel principal.
3. Par son mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2022, le ministre en charge de l’agriculture demande, par la voie de l’appel incident, l’annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 septembre 2021 en tant qu’il a partiellement annulé l’arrêté du 27 mars 2019. L’annulation ainsi prononcée par le tribunal administratif portant sur le défaut de classement de dix-huit communes de la Côte-d’Or, distinctes de celles visées par l’appel principal présenté par la FDSEA 21 et autres, ces conclusions incidentes soulèvent un litige distinct de l’appel principal. Ayant été introduites au-delà du délai d’appel, ces conclusions sont, par suite, irrecevables.
Sur l’appel principal de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et autres :

4. En premier lieu, aux termes, d’une part, de l’article 31 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) :  » 1. Les paiements destinés aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques sont accordés annuellement par hectare de surface agricole, afin d’indemniser les agriculteurs pour tout ou partie des coûts supplémentaires et de la perte de revenu résultant de ces contraintes pour la production agricole dans la zone concernée (…) « . Le paragraphe 3 de l’article 32 de ce même règlement, relatif aux ZSCN, dispose que :  » Afin de pouvoir bénéficier des paiements prévus à l’article 31, les zones autres que les zones de montagne sont considérées comme soumises à des contraintes naturelles importantes lorsqu’au moins 60 % de la surface agricole remplit au moins l’un des critères énumérés à l’annexe III, à la valeur seuil indiquée. / Le respect de ces conditions est assuré au niveau des unités administratives locales (niveau « UAL 2 ») ou au niveau d’une unité locale nettement délimitée qui couvre une zone géographique clairement d’un seul tenant et dotée d’une identité économique et administrative définissable. / Lorsqu’ils délimitent les zones concernées par le présent paragraphe, les États membres procèdent à un exercice d’affinement basé sur des critères objectifs, afin d’exclure les zones dans lesquelles des contraintes naturelles importantes, visées au premier alinéa, ont été démontrées, mais ont été surmontées par des investissements ou par l’activité économique, ou par une productivité normale des terres dûment attestée, ou dans lesquelles les méthodes de production ou les systèmes agricoles ont compensé la perte de revenus ou les coûts supplémentaires visés à l’article 31, paragraphe 1 « . Enfin, le paragraphe 4 de ce même article, relatif aux ZSCS, dispose que :  » Les zones autres que celles visées aux paragraphes 2 et 3 peuvent bénéficier des paiements prévus à l’article 31 si elles sont soumises à des contraintes spécifiques et lorsque la poursuite de la gestion des terres est nécessaire pour assurer la conservation ou l’amélioration de l’environnement, l’entretien du paysage rural et la préservation du potentiel touristique de la zone ou pour protéger le littoral. / Les zones soumises à des contraintes spécifiques comprennent les surfaces agricoles dans lesquelles les conditions naturelles de production sont similaires et dont la superficie totale ne dépasse pas 10 % du territoire de l’État membre concerné. / En outre, des zones peuvent également bénéficier des paiements au titre du présent paragraphe si: / – 60 % au moins de la surface agricole remplit au moins deux des critères énumérés à l’annexe III, avec une marge ne dépassant pas 20 % de la valeur seuil indiquée, ou / – 60 % au moins de la surface agricole est composée de zones qui remplissent au moins l’un des critères énumérés à l’annexe III à la valeur seuil indiquée et de zones remplissant au moins deux des critères énumérés à l’annexe III, avec pour chacune d’elles une marge ne dépassant pas 20 % de la valeur seuil indiquée. / Le respect de ces conditions est assuré au niveau des UAL de niveau 2 ou au niveau d’une unité locale clairement définie qui couvre une seule zone géographique précise d’un seul tenant ayant une identité économique et administrative définissable. Lorsqu’ils délimitent les zones concernées par le présent alinéa, les États membres procèdent à un exercice d’affinement, comme prévu à l’article 32, paragraphe 3. Les zones considérées admissibles au titre du présent alinéa sont prises en considération pour le calcul de la limite de 10 % visée au deuxième alinéa « .

5. Aux termes, d’autre part, de l’article D. 113-15 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret du 27 mars 2019 relatif à la révision des critères de délimitation des zones agricoles défavorisées autres que les zones de montagne :  » Les autres zones agricoles défavorisées sont constituées : – des zones autres que les zones de montagne qui sont soumises à des contraintes naturelles importantes, dites ZSCN, telles que définies au 3 de l’article 32 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013 ; / – des autres zones soumises à des contraintes spécifiques, dites ZSCS, telles que définies au 4 de l’article 32 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013. / Leurs éléments de définition sont ceux précisés dans le cadre national, pris en application du 3 de l’article 6 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013, approuvé par la décision d’exécution C (2019) 1769 de la Commission du 27 février 2019 « .
6. Dans le cadre de la révision des zones défavorisées rendue nécessaire par l’entrée en vigueur des dispositions des articles 31 et 32 du règlement n° 1305/2013 relatifs aux paiements en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles et des zones soumises à des contraintes spécifiques et à leur désignation, la France a présenté à la Commission européenne une demande de modification du cadre national selon la procédure prévue au b) de l’article 11 de ce règlement. Les points 5.2.7.3.2 et 5.2.7.3.3 de ce document précisent, en application des dispositions combinées du 3 de l’article 6 du règlement et de l’annexe I du décret du 16 avril 2015, les conditions d’admissibilité, les montants et les taux d’aide applicables ainsi que les critères d’affinement visés à l’article 32 de ce même règlement. Les annexes intitulées  » Définitions et méthodologie dans l’Hexagone pour les ZSCN (sous-mesure 13.2) et pour les ZSCS (sous-mesure 13.3)  » et  » Définition des ZSCN et ZSCS en Corse, Guyane, Guadeloupe, Martinique, La Réunion et Mayotte  » décrivent la méthode et les données utilisées afin de délimiter les zones dans lesquelles les exploitants agricoles peuvent bénéficier de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), conformément aux critères fixés par le règlement du 17 décembre 2013 et les points précités du cadre national. Par une décision d’exécution du 27 février 2019, la Commission européenne a approuvé le cadre national ainsi modifié. Par les dispositions précédemment rappelées du décret du 27 mars 2019 relatif à la révision des critères de délimitation des zones agricoles défavorisées autres que les zones de montagne, le Premier ministre a donné effet aux éléments de définition des zones soumises à des contraintes naturelles et des zones soumises à des contraintes spécifiques contenus dans le cadre national. Sur le fondement de ce décret, l’arrêté litigieux du 27 mars 2019 portant délimitation des zones agricoles défavorisées a fixé la liste des communes et parties de communes classées au titre de ces deux types de zones.
7. Il résulte de ces dispositions, et notamment de celles du cadre national, que le classement d’une commune en ZSCN, comme en ZSCS, que ce soit, dans ce dernier cas, par application combinée des critères biophysiques ou par la méthode dite  » hors critères combinés « , est subordonné à un  » exercice d’affinement « , destiné à exclure de ces classements les zones considérées comme ayant surmonté les contraintes naturelles ou spécifiques auxquelles elles sont soumises. En vertu du cadre national, plus particulièrement de ses annexes, le respect des critères mis en œuvre pour cet exercice d’affinement, à l’exception de celui tiré des investissements réalisés, est apprécié à l’échelle des  » petites régions agricoles  » (PRA) ou, pour les 10 % de PRA les plus grandes, à l’échelle cantonale. Parmi les critères ainsi appréciés à l’échelle de la PRA, figure celui subordonnant le classement à un niveau de production brute standard par hectare (PBS/ha) inférieur ou égal à 80 ou 85 % de la moyenne nationale. Subsidiairement, est substitué à cet indicateur celui dit de la  » PBS restreinte « , si les productions à forte valeur ajoutée représentent plus de 50 % de la valeur de la PBS et que la valeur des productions résiduelles reste significative, en représentant plus de 10 % de la PBS, au sein de la PRA en cause.
8. Il est constant que le classement des communes concernées par l’appel de la FDSEA 21 et autres a été notamment refusé au stade de l’exercice d’affinement.
9. Pour contester l’appréciation du respect de ces critères d’affinement, notamment celui dit de la  » PBS restreinte « , à l’échelle de la PRA  » côte viticole et arrière-côte de Bourgogne « , dont les communes en cause relèvent, la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or et autres soutiennent que l’hétérogénéité de cette PRA fait obstacle à ce qu’elle soit retenue. Toutefois, ils ne peuvent utilement se prévaloir, pour contester la pertinence de cette échelle, du deuxième alinéa du 3. de l’article 32 du règlement, qui exige la délimitation d’  » unités administratives locales  » ou  » d’une unité locale nettement délimitée qui couvre une zone géographique clairement d’un seul tenant et dotée d’une identité économique et administrative définissable « , celui-ci n’étant applicable qu’à la première étape de la définition des zones, et non à la seconde que constitue l’exercice d’affinement. Par ailleurs, ils ne sauraient utilement se plaindre des disparités, tenant plus particulièrement à la part de cultures à forte valeur ajoutée telles que la viticulture, existant entre les communes de cette PRA, le critère subsidiaire dit de la  » PBS restreinte  » ayant précisément pour objet de neutraliser la PBS liée à ces cultures au stade de l’exercice d’affinement. Dans ces conditions, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l’exercice d’affinement aurait été, à tort, opéré à l’échelle de la PRA  » côte viticole et arrière-côte de Bourgogne « .
10. En conséquence, la FDSEA 21 et autres ne pouvant se prévaloir d’une échelle autre que la PRA  » côte viticole et arrière-côte de Bourgogne  » pour la mise en œuvre de l’exercice d’affinement et ne contestant pas que cette PRA ne satisfait pas à cet exercice, ils ne sont pas fondés à soutenir que les communes de Messanges, de L’Etang-Vergy, de Reulle-Vergy, de La Rochepot, de Fussey, de Chaux, de Segrois, de Nantoux, de Collonges-lès-Bévy, de Saint-Romain, de Baubigny et de Crugey devaient être classées comme ZSCN, ni davantage que celles de Corcelles-les-Monts, de Détain-et-Bruant, de Chamboeuf, de Veuvey-sur-Ouche et de Nolay, devaient être classées en ZSCS.
11. En second lieu, si la FDSEA 21 et autres soutiennent par ailleurs que les communes de Corcelles-les-Monts, de Détain-et-Bruant, de Chamboeuf, de Veuvey-sur-Ouche et de Nolay respectent les critères biophysiques nécessaires au classement en ZSCN, ils n’apportent aucun élément tendant à remettre en cause l’exactitude des données publiées dans le  » tableau des valeurs des critères ZSCN et ZSCS pour les communes de l’hexagone  » sur le site internet du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la FDSEA 21 et autres ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus de leur demande concernant les communes de Messanges, de L’Etang-Vergy, de Reulle-Vergy, de La Rochepot, de Fussey, de Chaux, de Segrois, de Nantoux, de Collonges-lès-Bévy, de Saint-Romain, de Baubigny, de Crugey, de Corcelles-les-Monts, de Détain-et-Bruant, de Chamboeuf, de Veuvey-sur-Ouche et de Nolay.
Sur les frais liés au litige :

13. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le paiement des frais exposés par la FDSEA 21 et autres en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la FDSEA 21 et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire par la voie de l’appel incident sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Côte-d’Or, au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Servitude montagne (Allos)/ Légalité/ Proportionnalité

CAA de MARSEILLE – 5ème chambre

  • N° 21MA04519
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 03 mai 2023

Président

Mme VINCENT

Rapporteur

  1. Sylvain MERENNE

Rapporteur public

  1. PECCHIOLI

Avocat(s)

BOURREL

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… C… a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté du 5 juillet 2019 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence en tant qu’il institue une servitude de survol sur la parcelle cadastrée section E235 au lieu-dit les Guinands, à Allos.

Par un jugement n° 1907732 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 25 novembre 2021, 4 juillet et 6 septembre 2022, M. C…, représenté par Me Bourrel, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 30 septembre 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d’ordonner une expertise portant sur la distance entre l’entraxe du téléporté des Guinands 2 et son habitation ;

3°) d’annuler l’arrêté du 5 juillet 2019 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence en tant qu’il institue une servitude de survol sur la parcelle cadastrée section E235 au lieu-dit les Guinands ;

4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l’État en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés tant en première instance et en appel.

Il soutient que :
– le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif a écarté un moyen comme inopérant sans en informer préalablement les parties conformément à l’article R. 611-7 du code de justice administrative ;
– l’article L. 342-20 du code de tourisme ne permet pas de régulariser les installations existantes ;
– il méconnaît le code de l’expropriation ;
– une étude technique portant sur la probabilité de glissements de terrain aurait dû être réalisée ;
– la remontée mécanique ne respecte pas les conditions posées par le plan de prévention des risques naturels prévisibles ;
– elle ne respecte pas non plus les valeurs limites relatives aux bruits de voisinage ;
– les nuisances sonores de l’installation méconnaissent le règlement 2016/424 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016, l’article L. 342-8 du code tourisme, et les articles L. 572-3 et L. 572-6 du code de l’environnement ;
– le plan joint à l’arrêté contesté ne représente pas fidèlement le tracé de la télécabine actuelle, et méconnaît ainsi l’article L. 342-22 du code de tourisme ;
– la surface survolée n’est pas de 208 mètres carrés, mais de 270 mètres carrés ;
– l’interdiction de clôturer la parcelle est injustifiée.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 8 juin et 25 août 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C… ne sont pas fondés.

Par des observations en défense, enregistrées le 18 mai 2022, le syndicat mixte du Val d’Allos, représenté par Me Fages, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. C… ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C… ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Vu :
– le code du tourisme ;
– le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. A…,
– les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
– et les observations de Me Bourrel, représentant M. C…, et de Me Seisson, substituant Me Fages, avocat du syndicat mixte du Val d’Allos.

Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 5 juillet 2019, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a institué plusieurs servitudes en application des articles L. 342-20 et L. 342-26-1 du code de tourisme en vue de l’exploitation des stations de ski du Seignus et de la Foux d’Allos sur le territoire de la commune d’Allos.

2. M. C… fait appel du jugement du 30 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté en tant qu’il institue une servitude de survol sur la parcelle cadastrée section E235 dont il est propriétaire au lieu-dit les Guinands.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En écartant l’un des moyens de M. C… comme inopérant, le tribunal administratif de Marseille s’est borné à exercer son office en répondant aux moyens invoqués devant lui, sans relever lui-même un moyen dont il aurait été tenu d’informer les parties sur le fondement de l’article R. 611-7 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :
4. Le premier alinéa de l’article L. 342-20 du code du tourisme prévoit que :  » Les propriétés privées ou faisant partie du domaine privé d’une collectivité publique peuvent être grevées, au profit de la commune, du groupement de communes, du département ou du syndicat mixte concerné, d’une servitude destinée à assurer le passage, l’aménagement et l’équipement des pistes de ski alpin et des sites nordiques destinés à accueillir des loisirs de neige non motorisés organisés, le survol des terrains où doivent être implantées des remontées mécaniques, l’implantation des supports de lignes dont l’emprise au sol est inférieure à quatre mètres carrés, le passage des pistes de montée, les accès nécessaires à l’implantation, l’entretien et la protection des pistes et des installations de remontée mécanique.  »

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. C…, les dispositions de l’article L. 342-20 du code de tourisme citées au point 4 n’excluent pas la régularisation d’une infrastructure existante. En outre, la servitude de survol destinée à régulariser une infrastructure existante n’est pas illégale du fait de l’irrégularité de cette dernière, à laquelle elle vise à remédier.

6. En deuxième lieu, M. C… invoque à plusieurs reprises le code de l’expropriation sans indiquer les dispositions auxquelles il se réfère ni les raisons pour lesquelles il estime qu’elles ont été méconnues. Ce moyen n’est pas assorti de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé.

7. En troisième lieu, la parcelle voisine cadastrée E233 supporte un des pylônes de la télécabine, dont il est constant qu’il a été édifié en 1986. La légalité de cette construction, au demeurant antérieure à l’adoption du plan de prévention des risques naturels de la commune d’Allos en 1998, est étrangère au litige dont M. C… a saisi le tribunal administratif, qui porte uniquement sur la légalité de la servitude de survol grevant la parcelle cadastrée E235.

8. En quatrième lieu, les nuisances de toutes natures susceptibles d’être générées par le projet sont susceptibles d’être prises en compte pour apprécier son utilité publique. En revanche, les servitudes édictées sur le fondement de l’article L. 342-20 du code du tourisme ne portent pas sur le respect des normes relatives aux émissions de bruit, qui relèvent d’une législation distincte et indépendante. Le moyen de légalité tiré de la méconnaissance de cette législation est donc inopérant et doit être écarté.

9. En cinquième lieu, M. C… fait valoir que la distance entre son chalet et la localisation réelle de l’entraxe de la télécabine est de 6,40 mètres alors qu’elle serait de 8 mètres sur le plan à l’échelle 1/2000e joint à l’arrêté contesté. La différence sur ce plan représenterait 0,8 millimètre. Cette distance a été mesurée par l’huissier mandaté par M. C… à partir de la limite de la terrasse du chalet, alors que le plan cadastral représente ses murs pignons. A supposer même que la distance par rapport à une installation antérieure ait une incidence sur la légalité de la servitude, il n’en ressort en tout état de cause aucune erreur.

10. En sixième lieu, dans l’état parcellaire n° 26 joint à l’arrêté contesté, le préfet a prévu une servitude de survol de 18 mètres de large pour une longueur de 15 mètres, ainsi qu’une surface survolée de 208 mètres carrés pour la parcelle E235. M. C… fait valoir que cette surface survolée aurait dû correspondre au produit entre la longueur et la largeur de la servitude, soit 270 mètres carrés. Toutefois, la surface de la servitude ainsi instituée par l’arrêté ne couvre pas uniquement la parcelle E235 compte tenu des divisions cadastrales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la détermination d’une surface survolée de 208 mètres carrés pour la parcelle E235 soit erronée.

11. En septième lieu, M. C… fait valoir que la télécabine est installée dans une zone rouge du plan de prévention des risques naturels de la commune d’Allos du fait d’un risque de glissement de terrain. Toutefois, ce plan prévoit une exception à l’interdiction d’occupation et d’utilisation des sols pour l’aménagement et l’entretien des remontées mécaniques et des installations liées à la pratique du ski. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la télécabine en question, qui a fonctionné pendant près de quarante ans sans subir d’incident rapporté par les parties, soit à l’origine de risques particuliers pour la sécurité des usagers et les riverains. Par ailleurs, le fonctionnement de la télécabine provoque, selon l’étude acoustique produite par le requérant, des émergences sonores de 13,8 dB(A) en extérieur et de 17,2 dB(A) à l’intérieur fenêtres fermées. La fréquence du passage des cabines varie entre 10 et 30 minutes selon l’affluence. Il est constant que le chalet de M. C… n’est occupé que pendant les vacances scolaires. Si ce dernier soutient que le bruit provoquerait de graves troubles de santé pour lui-même et sa famille, il ne l’établit pas. La télécabine des Guinands, qui permet, en deux tronçons, de relier le village d’Allos au bas des pistes de la station de ski de Seignus, joue un rôle essentiel dans le développement touristique et économique de la station. Il suit de là que les inconvénients de toute nature présentés par le projet ne sont pas excessifs par rapport aux avantages qu’il comporte.
12. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient M. C…, l’arrêté du préfet des Alpes-de-Haute-Provence ne comporte pas d’interdiction de clôturer pour la servitude de survol le concernant. L’article 4 de cet arrêté prévoit la possibilité pour le bénéficiaire de la servitude, en dehors de la saison d’hiver, d’accéder aux terrains de servitudes pour effectuer des travaux d’entretien, de modification ou d’adaptation des remontées mécaniques ou pistes. M. C… fait valoir que la configuration du terrain ne permet pas d’accéder au pylône situé sur la parcelle E233 depuis la parcelle E235. Les interventions effectives du bénéficiaire sur la parcelle E235 sont donc susceptibles d’être peu fréquentes, ce qui minore les inconvénients résultant de cette obligation pour M. C…. Dans le cas exceptionnel où les opérations de maintenance le requerraient, il incombera à M. C… de permettre l’accès à la parcelle au bénéficiaire et à ses préposés, que celle-ci soit clôturée ou non. Une telle obligation, qui trouve son fondement légal à l’article L. 342-22 du code de tourisme, est destinée à permettre des travaux garantissant la sécurité des ouvrages et la continuité de leur fonctionnement. Compte tenu de sa faible fréquence attendue, selon les déclarations de M. C… lui-même, elle n’est pas disproportionnée.

13. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, que M. C… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. C… le versement de la somme de 1 500 euros au syndicat mixte du Val d’Allos au titre des frais qu’il a exposés et non compris dans les dépens.

15. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par M. C… sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C… est rejetée.

Article 2 : M. C… versera la somme de 1 500 euros au syndicat mixte du Val d’Allos en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… C…, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au syndicat mixte du Val d’Allos.

ICHN – Motifs de refus

CAA de MARSEILLE – 5ème chambre

  • N° 22MA00715
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 03 mai 2023

Président

Mme VINCENT

Rapporteur

Mme Claire BALARESQUE

Rapporteur public

  1. PECCHIOLI

Avocat(s)

COLMANT

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B… a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision du 19 décembre 2019 par laquelle la cheffe du service agriculture et espaces ruraux au sein de la Direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes a rejeté sa demande d’octroi de l’indemnité compensatrice des handicaps naturels (ICHN) au titre de l’année 2019.

Par un jugement n°2001536 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 février 2022, Mme A… B…, représentée par Me Colmant, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du 6 janvier 2022 ;

2°) d’annuler la décision du 19 décembre 2019 ;

3°) de la rétablir dans ses droits ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, la décision contestée a été prise en application d’une instruction technique du 10 juillet 2019 ;
– elle est fondée à exciper de l’illégalité de cette instruction, qui fixe une condition nouvelle à l’octroi de l’ICHN, en prévoyant que la date de référence pour apprécier l’âge des animaux déclarés est celle du 15 mai 2019 et qui ne pouvait légalement s’appliquer de façon rétroactive à la campagne 2019 ;
– l’arrêté du 1er août 2016, seul applicable à la demande d’aide présentée au titre de la campagne 2019, ne prévoit pas pour date de référence celle du 15 mai 2019 mais celle du 31 mars de l’année considérée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2022, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, représentée par l’AARPI Baron, D…, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B… la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête n’est pas fondée par les moyens qu’elle soulève.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2023, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête n’est pas fondée par les moyens qu’elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le règlement délégué (UE) n°640/2014 de la Commission du 11 mars 2014 complétant le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, au soutien au développement rural et à la conditionnalité ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 ;
– l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 ;
– l’arrêté du 1er août 2016 pris en application du décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 et modifiant l’arrêté du 9 octobre 2015 ;
– le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de Mme C…,
– et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :
1. Mme A… B…, éleveuse de chèvres et d’équidés sur le territoire de la commune de Lazer (Hautes-Alpes) est bénéficiaire, depuis 2008, des aides directes de la politique agricole commune (PAC) et en particulier de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). En l’absence de paiement intervenu à la suite de sa demande déposée le 15 mai 2019, l’intéressée s’est rapprochée des services de la direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes qui l’ont informée qu’elle n’était pas éligible à l’ICHN  » animale « , faute de disposer de trois unités de gros bétail (UGB) au 15 mai 2019. Par un courrier du 8 décembre 2019, Mme B… a sollicité la modification de sa déclaration, par la substitution de l’équidé non éligible par un autre équin de son exploitation. Par une décision du 19 décembre 2019, la cheffe du service agriculture et espaces ruraux au sein de la Direction départementale des territoires (DDT) des Hautes-Alpes a rejeté sa demande d’octroi de l’ICHN, au motif que la demande de modification de sa déclaration était tardive et que le nombre d’animaux éligibles était, en conséquence, insuffisant pour prétendre au bénéfice de l’ICHN au titre de l’année 2019. Mme B… relève appel du jugement du 6 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 19 décembre 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la date limite de dépôt de la demande de modification :

2. Aux termes de l’article 13 du règlement délégué (UE) n°640/2014 :  » (…) le dépôt d’une demande d’aide ou d’une demande de paiement au titre du présent règlement après la date limite pour ledit dépôt (…) entraîne une réduction de 1 % par jour ouvrable des montants auxquels le bénéficiaire aurait eu droit si la demande d’aide ou de paiement avait été déposée dans le délai imparti. (…) Si ce retard équivaut à plus de 25 jours civils, la demande d’aide ou de paiement est considérée comme non admissible et aucune aide ou soutien n’est accordé au bénéficiaire. (…) / Les modifications relatives à la demande unique ou à la demande de paiement ne sont recevables que jusqu’à la dernière date possible pour le dépôt tardif de la demande unique ou de la demande de paiement (…).  » Aux termes de l’article 12 de ce règlement :  » (…) lorsque la date limite pour le dépôt d’une demande d’aide, d’une demande de soutien, d’une demande de paiement ou d’autres déclarations, ou de tout document justificatif ou contrat, ou lorsque la date limite fixée pour l’introduction de modifications de la demande unique ou de la demande de paiement correspond à un jour férié, un samedi ou un dimanche, celle-ci est reportée au premier jour ouvrable suivant. (…) « . Aux termes de l’article 4 de l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 :  » La date limite de dépôt à laquelle la demande d’attribution de droits au paiement ou d’augmentation de la valeur des droits au paiement au titre du régime de paiement de base doit être parvenue à la direction départementale chargée de l’agriculture du département dans lequel se situe le siège de l’exploitation est fixée (…) au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures. (…) « .

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la date limite pour modifier une demande d’aide au titre de la campagne 2019 était fixée au mardi 11 juin 2019, ainsi que le rappelle l’instruction technique DGPE/SDPAC/2019-570 du 22 juillet 2019, citée par la décision contestée du 19 décembre 2019. La base légale de cette décision n’est toutefois pas cette instruction technique mais bien les dispositions précitées du règlement délégué (UE) n°640/2014 et de l’arrêté du 9 octobre 2015. Il est constant que Mme B… a sollicité le 8 décembre 2019 une modification de sa demande d’aide au titre de la campagne 2019, tendant à la substitution d’un des équidés initialement déclarés par un autre. Cette demande de modification de sa demande d’aide présentée au-delà du délai limite fixé par les dispositions précitées ne pouvait toutefois qu’être rejetée pour tardiveté.

En ce qui concerne le refus d’octroi de l’ICHN :

4. D’une part, aux termes de l’article D. 113-18 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’article 1er du décret du 1er août 2016 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées :  » Peuvent bénéficier des aides compensatoires de handicaps naturels et spécifiques, dans les conditions prévues par le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux de la France prévus aux 2 et 3 de l’article 6 du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) pour la période 2015-2020 et approuvés par la Commission européenne, les agriculteurs actifs au sens de l’article 9 du règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique commune et de l’article D. 615-18 « . Aux termes de l’article D. 113-19 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du même décret :  » Le calcul des aides allouées à chaque agriculteur est effectué selon les règles définies par le programme de développement rural régional de la région où sont situées les surfaces agricoles de l’exploitation bénéficiaire et, le cas échéant, par le cadre national mentionné à l’article D. 113-18. / Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et du budget détermine les modalités de définition des sous-zones à l’intérieur de chaque zone défavorisée. Cet arrêté précise, en tant que de besoin, les règles d’éligibilité exposées dans le cadre national ou les programmes de développement rural régionaux. Il détermine les surfaces et les catégories de cheptel retenues pour le calcul du taux de chargement lorsqu’un tel critère est prévu par le cadre national ou le programme de développement rural régional applicable à la région concernée. (…) « . Le cadre national du programme de développement rural approuvé par la commission européenne le 30 juin 2015, qui fixe en son point 5.2.7.3.1.6. les conditions d’admissibilité pour l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, prévoit notamment, au titre de l’éligibilité du demandeur :  » (…) Détenir un cheptel d’au moins 3 UGB en production animale (…) « .

5. Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 :  » En application de l’article D. 615-1 du code rural et de la pêche maritime, la demande unique comprend les demandes au titre des régimes d’aides liées à la surface et des mesures de soutiens liés à la surface tels que définis respectivement aux 20 et 21 de l’article 2 du règlement (UE) n° 640/2014 susvisé. / Les pièces constituant la demande unique à compléter par les agriculteurs sont notamment : / -la demande d’aides ; /-le descriptif des surfaces ; / -la déclaration des effectifs animaux ; (…) « . Aux termes de l’article 4 de cet arrêté, déjà cité :  » La date limite de dépôt à laquelle la demande d’attribution de droits au paiement ou d’augmentation de la valeur des droits au paiement au titre du régime de paiement de base doit être parvenue à la direction départementale chargée de l’agriculture du département dans lequel se situe le siège de l’exploitation est fixée (…) au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures. (…) « . Aux termes de l’article 4 bis du même arrêté :  » La qualité du demandeur d’aides s’apprécie au jour de la date limite de dépôt de la demande d’aides « .

6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels au titre de la campagne 2019, l’agriculteur qui en fait la demande doit justifier de la détention d’un cheptel d’au moins 3 UGB en production animale, à la date limite de dépôt de sa demande d’aides, soit le 15 mai 2019.

7. D’autre part, aux termes de l’article 3 de l’arrêté du 1er août 2016 pris en application du décret du 1er août 2016 et modifiant l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015 :  » / Les catégories d’animaux et les équivalences en UGB correspondantes retenues pour calculer ce taux sont les suivantes : (…) / – équidés identifiés selon la réglementation en vigueur et non déclarés à l’entraînement au sens des codes des courses, âgés de plus de six mois : 1 UGB ; (…) / II. – Les animaux autres que bovins pris en compte au titre du I sont ceux qui sont déclarés sur le formulaire de déclaration des effectifs animaux et qui sont présents sur l’exploitation pendant une durée minimale de 30 jours consécutifs incluant le 31 mars de l’année de la demande (…) « . Aux termes de l’article 5 de cet arrêté :  » Le document Cadre national pour le développement rural ou le programme de développement rural précisent si les équidés sont pris en compte dans les critères d’éligibilité. / Le cas échéant, les équidés pris en compte sont ceux répondant aux critères de l’article 3 et relevant d’une des deux catégories ci-après : (…) / – poulains et pouliches âgés d’au moins 6 mois et au plus de 3 ans et non déclarés à l’entraînement au sens des codes des courses. « .

8. Il résulte de ces dispositions, qui précisent les règles d’éligibilité fixées par le cadre national du programme de développement rural, que s’agissant des équidés, sont pris en compte les poulains et pouliches  » âgés d’au moins 6 mois et au plus de 3 ans  » et  » présents sur l’exploitation pendant une durée minimale de 30 jours consécutifs incluant le 31 mars « , ces deux conditions étant cumulatives. Contrairement à ce que soutient la requérante, ces précisions apportées par l’arrêté du 1er août 2016 n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier la date à laquelle s’apprécie le respect des conditions d’éligibilité par le demandeur, fixée par les articles 4 et 4 bis de l’arrêté du 9 octobre 2015 au 15 mai pour les campagnes 2018 et postérieures.

9. Il est constant que Mme B… ne justifiait pas, par les pièces produites au soutien de sa demande d’aide déposée le 15 mai 2019, détenir les 3 UGB requises, l’une des pouliches figurant sur cette demande étant âgée de plus de trois ans à cette date. Par suite, c’est à bon droit que l’administration a rejeté la demande d’ICHN présentée par l’intéressée, en raison d’un nombre insuffisant d’animaux éligibles.

10. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision contestée, qui ne vise au demeurant pas l’instruction technique DGPE/SDPAC/2019-52 du 10 juillet 2019 mais l’instruction technique DGPE/SDPAC/2019-570 du 22 juillet 2019, laquelle rappelle la date limite de dépôt des demandes de modifications fixée par l’article 13 du règlement délégué (UE) n°640/2014, n’a pas pour base légale l’instruction technique du 10 juillet 2019. Dès lors, le moyen tiré de l’exception d’illégalité de cette instruction technique ne peut être utilement soulevé à l’encontre de cette décision.

11. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 19 décembre 2019. Ses conclusions à fin d’injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat la somme demandée par Mme B… au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme B… la somme demandée par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en application de ces dispositions.

D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.

DSP de remontées mécaniques/ « Biens de retour »/ Limite de la catégorie (biens des tiers)

CAA de MARSEILLE – 6ème chambre

  • N° 23MA00452
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du lundi 17 avril 2023

Président

  1. BADIE

Rapporteur

  1. Renaud THIELÉ

Rapporteur public

  1. POINT

Avocat(s)

COTTIN;COTTIN;SELARL ITINERAIRES AVOCATS CADOZ – LACROIX – REY – VERNE

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

En premier lieu, M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon à lui payer la somme de 179 760 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation, au titre de l’occupation des locaux du  » garage de la Rente  » entre le 15 novembre 2017 et le 18 novembre 2021.

En second lieu, la société civile immobilière Rudy a demandé à ce tribunal de condamner la communauté de communes à lui payer la somme de 315 320 euros, également assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation, au titre de l’occupation de l’immeuble  » Le Salto  » depuis le 15 novembre 2017.

Par deux jugements n° 1809565 et 1809573 du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 23 février 2023 sous le n° 23MA00452, la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon, représentée par la SELARL Itinéraires Avocats, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1809565 du 3 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter au fond la demande présentée par M. B… ;

3°) de mettre à la charge de M. B… une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement est insuffisamment motivé ;
– les biens sont des biens de retour qui lui appartiennent ;
– elle n’est pas occupante sans droit ni titre ;
– les sommes exigées pour l’occupation sont excessives et constitutives de libéralités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, M. B…, représenté par Me Cottin :

1°) déclare s’en rapporter à l’appréciation de la Cour sur la question de la compétence juridictionnelle ;

2°) si elle s’estimait compétente, lui demande de condamner la communauté de communes à lui verser la somme de 239 680 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts ;

3°) en toute hypothèse, lui demande de mettre à la charge de la communauté de communes la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que, si la Cour retenait la compétence des juridictions administratives, sa demande de condamnation devrait être satisfaite.

II. Par une requête, enregistrée le 23 février 2023 sous le n° 23MA00453, la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon, représentée par la SELARL Itinéraires Avocats, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1809573 du 3 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter au fond la demande présentée par la société Rudy ;

3°) de mettre à la charge de cette société une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le jugement est insuffisamment motivé ;
– les biens sont des biens de retour qui lui appartiennent ;
– elle n’est pas occupante sans droit ni titre ;
– les sommes exigées pour l’occupation sont excessives et constitutives de libéralités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, la société Rudy, représentée par Me Cottin :

1°) déclare s’en rapporter à l’appréciation de la Cour sur la question de la compétence juridictionnelle ;

2°) si elle s’estimait compétente, de condamner la communauté de communes à lui verser la somme de 418 525 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts ;

3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de la communauté de communes la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, si la Cour retenait la compétence des juridictions administratives, sa demande de condamnation devrait être satisfaite.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
– le code du tourisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
– les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
– et les observations de Me Tabarly, pour la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon, et celles de Me Cottin, pour M. B… et la société Rudy.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention de délégation de service public conclue le 28 décembre 1998, la communauté de communes Vallée de l’Ubaye- Serre-Ponçon (Hautes-Alpes) a confié à la société B… Frères l’aménagement du domaine skiable et l’exploitation des remontées mécaniques du Sauze – Super Sauze – La Rente, situées sur le territoire de la commune d’Enchastrayes. À l’expiration de cette convention, la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon a décidé de reprendre en régie l’exploitation de la station. Le juge de référés du tribunal administratif de Marseille a ordonné à la société B… Frères la remise à la communauté de communes des biens affectés à l’exploitation du service public par une ordonnance du 29 juillet 2013. Par deux requêtes distinctes, M. B… et la société Rudy ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté de communes à leur verser, respectivement, la somme de 179 760 euros et la somme de 315 320 euros à titre d’indemnités d’occupation de locaux leur appartenant en propre et utilisés pour les besoins du service public des remontées mécaniques. Par les jugements attaqués, dont la communauté de communes relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur la jonction :

2. Ces deux affaires présentent à juger la même question, et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements attaqués :

En ce qui concerne la motivation des jugements :

3. En relevant, dans le point 2 des jugements attaqués, que seuls, les biens appartenant à l’exploitant, et non les biens appartenant à des tiers, peuvent être réputés être transférés dans le patrimoine de la personne publique, le tribunal administratif a suffisamment motivé ceux-ci. Il n’avait pas à répondre au moyen, sans incidence sur la solution retenue, tiré de ce que l’exploitant s’était contractuellement engagé, dans la mesure du possible, à mettre tout en œuvre pour acquérir progressivement la pleine propriété des installations. Il n’avait pas non plus à répondre au moyen, également sans incidence sur la solution retenue, tiré de ce que le bien avait été affecté au fonctionnement du service public. La communauté de communes n’est donc pas fondée à soutenir que les jugements attaqués sont insuffisamment motivés.

En ce qui concerne la compétence juridictionnelle :

4. Ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat dans l’affaire n° 402251, dans l’hypothèse où le cocontractant de l’administration était, antérieurement à la passation de la concession de service public, propriétaire de biens qu’il a, en acceptant de conclure la convention, affecté au fonctionnement du service public et qui sont nécessaires à ce dernier, cette mise à disposition emporte le transfert des biens dans le patrimoine de la personne publique, et a pour effet, quels que soient les termes du contrat sur ce point, le retour gratuit de ces biens à la personne publique à l’expiration de la convention.

5. Toutefois, comme l’a jugé le tribunal administratif de Marseille, les biens pour l’occupation desquels il est sollicité le paiement d’une indemnité d’occupation appartiennent non pas à la société B… Frères, titulaire de la délégation de service public, mais, en propre, à M. B… et à la société Rudy. Rien n’indique, par ailleurs, que la société B… Frères aurait à aucun moment acquis la propriété du bien. Dès lors que ces biens appartiennent à des tiers, leur mise à disposition ne peut emporter leur transfert dans le patrimoine de la personne publique.

6. Si la communauté de communes soutient que M. B… et la société Rudy devaient  » dès 1985, ou au plus tard au 10 janvier 1999, en application de la loi Montagne, à l’exclusion de toute autre option, soit démonter leur installation, soit vendre leurs biens à la personne publique, soit conclure avec cette dernière un contrat de délégation de service public « , aucune disposition issue de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ne fait obstacle à ce que le délégataire du service public des remontées mécaniques loue certains biens ou locaux à des tiers pour les besoins du service public.

7. Si, en vertu de l’article 10 de la convention de délégation de service public, le délégataire s’est engagé  » dans la mesure du possible, à mettre tout en œuvre pendant la durée de la concession pour acquérir progressivement la pleine propriété des installations « , cette stipulation est sans incidence sur le raisonnement qui précède. Il appartient, si elle s’y croit fondée, à l’autorité concédante souhaitant s’assurer du respect de cette stipulation d’engager la responsabilité du délégataire sur le fondement de cette stipulation.

8. L’action d’un tiers tendant à l’engagement de la responsabilité d’une personne publique, agissant dans le cadre de l’exploitation d’un service public à caractère industriel et commercial, à raison de l’occupation par cette personne publique, sans droit ni titre, d’un local privé, ressortit à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Dès lors, la communauté de communes n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes en cause comme présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les frais liés au litige :

9. L’article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu’une somme quelconque soit mise à la charge des intimés, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon, en application de cette disposition, une somme de 1 500 euros à verser, à chacun, à M. B… et à la société Rudy.

D É C I D E :
Article 1er : Les deux requêtes de la communauté de communes Vallée de l’Ubaye – Serre-Ponçon sont rejetées

Elargissement du tunnel du Fréjus/ Déclaration franco-italienne/ Acte de gouvernement

Conseil d’État

N° 463543
ECLI:FR:CECHR:2023:463543.20230224
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème – 7ème chambres réunies
Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur
M. Philippe Ranquet, rapporteur public

Lecture du vendredi 24 février 2023

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 27 avril et 6 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, MM. Daniel B…, Raymond Avrillier, André Duplan, Jacques Bertoli, Mmes C… D… et Fabienne Grebert, et les associations  » vivre et agir en Maurienne  » et  » France nature environnement Savoie  » demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre de la transition écologique sur leur demande, reçue le 30 décembre 2021, de retirer la déclaration conjointe du 3 décembre 2012 sur la modification du tunnel routier du Fréjus ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir cette déclaration conjointe ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la convention du 23 février 1972 entre la République française et la République italienne concernant le tunnel routier du Fréjus ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 février 2023, présentée par M. B… et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. La convention entre la République française et la République italienne concernant le tunnel routier du Fréjus, signée à Paris le 23 février 1972, prévoit que les questions de toute nature soulevées par la construction et par l’exploitation de ce tunnel, y compris les mesures nécessaires à la sécurité de la circulation, feront l’objet d’accords particuliers entre les gouvernements. Cette convention met en place une commission intergouvernementale, qui peut constituer le cadre pour la conclusion d’arrangements ou d’accords entre les gouvernements pris pour son application, dans la limite des pouvoirs accordés à chaque délégation. Pour l’application des actes de concession de la construction et de l’exploitation de ce tunnel, la commission intergouvernementale est notamment chargée de prendre toute décision en application des pouvoirs qui lui seraient délégués d’un commun accord par les deux gouvernements.

2. Par une déclaration conjointe  » sur la modification du tunnel routier du Fréjus  » du 3 décembre 2012, le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche de la République française et le vice-ministre des infrastructures et des transports de la République italienne ont décidé qu’à l’issue des travaux pour doter ce tunnel d’une galerie de sécurité, cet ouvrage serait ouvert à la circulation sur une seule voie dans le sens de l’Italie vers la France et la circulation dans le tunnel existant serait réduite à une seule voie dans le sens inverse. Afin de garantir la limitation de la capacité de l’ouvrage, ils ont décidé que la commission intergouvernementale serait chargée de vérifier que la circulation ne dépasse pas les seuils énoncés par la déclaration. Ils ont donné mandat à leurs administrations respectives et aux sociétés exploitantes pour procéder aux études et aménagements nécessaires à la mise en oeuvre de ces décisions. Par une lettre, reçue le 30 décembre 2021, MM. B… et Avrillier ont demandé à la ministre de la transition écologique de rapporter cette déclaration conjointe. M. B… et autres demandent l’annulation pour excès de pouvoir, d’une part, de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de la transition écologique sur cette demande, d’autre part, de la déclaration conjointe.

3. La déclaration conjointe du 3 décembre 2012, prise en application de la convention du 23 février 1972 entre la République française et la République italienne concernant le tunnel routier du Fréjus, ainsi que le refus implicite opposé par la ministre, ne sont pas détachables de la conduite des relations internationales de la France et échappent, dès lors, à la compétence de la juridiction administrative. Par suite, la requête de M. B… et autres ne peut qu’être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

D E C I D E :
————–

Article 1er : La requête de M. B… et autres est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A… B…, premier requérant dénommé, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Exploitant de domaine skiable/ Responsabilité pénale/ Nécessité d’identifier l’organe ou le représentant

 

Cour de cassation – Chambre criminelle

  • N° de pourvoi : 22-81.901
  • ECLI:FR:CCASS:2023:CR00175
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation

Audience publique du mardi 14 février 2023

Décision attaquée : Cour d’appel de Chambéry, du 09 mars 2022

Président

  1. Bonnal (président)

Avocat(s)

SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° C 22-81.901 F-D

N° 00175

ECF
14 FÉVRIER 2023

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 FÉVRIER 2023

La [2] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 9 mars 2022, qui, pour contravention de blessures involontaires, l’a condamnée à 1 500 euros d’amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la [2], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. [P] [D], âgé de 14 ans, qui pratiquait le ski à la station de La Plagne, a été blessé en heurtant le boîtier métallique d’un canon à neige situé en bord de piste et a subi une incapacité totale de travail de trois mois.

3. La [2] ([1]) a été poursuivie devant le tribunal de police, du chef de blessures involontaires.

4. Le juge du premier degré l’a déclarée coupable du chef susmentionné, l’a condamnée à 1 500 euros d’amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

5. La [1] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

6. Le grief n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré la [1] coupable de blessures involontaires, alors :

« 1°/ que lorsqu’ils constatent la matérialité d’une infraction non-intentionnelle susceptible d’être imputée à une personne morale, il appartient aux juges d’identifier, au besoin en ordonnant un supplément d’information, celui des organes ou représentants de cette personne dont la faute, commise dans les conditions prévues au deuxième ou au troisième alinéa de l’article 121-3 du code pénal, est à l’origine du dommage ; qu’en l’espèce, pour déclarer la [1] coupable des faits de blessures involontaires avec incapacité inférieure ou égale à trois mois sur le fondement des articles 121-2 et 121-3 du code pénal, la cour d’appel s’est bornée à juger qu’« il appartenait à l’exploitant des pistes de ski de mettre en oeuvre des moyens d’éviter que les chutes aient des conséquences graves sur les usagers », que « le service des pistes aurait dû mettre en place des « dispositifs de protection pour limiter les dommages corporels consécutifs à un éventuel accident », que « la [1] aurait dû en effet, en donnant les consignes à ses salariés qui agissent dans le cadre de la mission dévolue à la personne morale, vérifier l’absence de danger et mettre en oeuvre des mesures de protection de cet obstacle adéquates » et qu’« il appartenait à la personne morale (et à ses représentants) et pour elle, à ses salariés en charge de la sécurisation des pistes, de vérifier que toutes les protections de sécurité avaient été mises en place, les responsables de la sécurité des pistes et pisteurs agissant pour le compte de cette société d’exploitation des pistes » ; qu’en s’abstenant de rechercher par l’intermédiaire de quelle personne physique, organe ou représentant ayant le pouvoir de direction de la [1] l’infraction reprochée à cette société avait été commise pour son compte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes ci-dessus. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

8. Selon le premier de ces textes, les personnes morales, à l’exception de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

9. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

10. Pour déclarer la [1] coupable de blessures involontaires, l’arrêt attaqué se borne à imputer la contravention à la personne morale et à son représentant légal, sans autre précision.

11. En prononçant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas identifié l’organe ou le représentant de la personne morale auquel étaient imputables les manquements constatés, n’a pas justifié sa décision.

12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Chambéry, en date du 9 mars 2022, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Chambéry, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-trois.

Destruction d’espèces protégées (bouquetins – RIP…)/ Juge des référés/ Contrôle poussé/ Possibilité de mesures moins radicales

CAA de LYON, 3ème chambre, 15/02/2023, 21LY02822, Inédit au recueil Lebon

CAA de LYON – 3ème chambre

  • N° 21LY02822
  • Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 15 février 2023

Président

  1. TALLEC

Rapporteur

Mme Sophie CORVELLEC

Rapporteur public

  1. DELIANCOURT

Avocat(s)

MOREAU -NASSAR – HAN-KWAN

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association One Voice a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d’annuler l’arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a autorisé la capture et l’euthanasie de bouquetins séropositifs et a ordonné l’abattage de vingt bouquetins présents dans le massif du Bargy ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904554 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 août 2021 et un mémoire enregistré le 15 novembre 2022, l’association One Voice, représentée par Me Moreau (SCP Moreau Nassar Han Kwan), avocate, puis par Me Thouy et Me Vidal, avocats, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 juillet 2021 ;
2°) d’annuler l’arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a autorisé la capture et l’euthanasie de bouquetins séropositifs et a ordonné l’abattage de vingt bouquetins présents dans le massif du Bargy ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, elle justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, dès lors qu’elle dispose d’un agrément au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement et que l’arrêté litigieux soulève des questions excédant les seules circonstances locales ;
– aucune urgence ne justifie la décision litigieuse ;
– cette décision a été adoptée au terme d’une procédure irrégulière, le conseil national de la protection de la nature n’ayant pas été régulièrement consulté, en méconnaissance de l’article 3 de l’arrêté interministériel du 19 février 2007 ;
– cette décision a été adoptée au terme d’une procédure irrégulière, le préfet n’ayant pu tenir compte de la synthèse de la consultation du public préalablement réalisée ;
– cette décision méconnaît le 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, les trois conditions qu’il fixe n’étant pas réunies ;
– elle est contraire aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement et à l’article 6 de la charte de l’environnement, à défaut de concilier les intérêts environnementaux et économiques en cause et en méconnaissant le principe de non-régression.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 novembre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 6 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
– le décret n° 2014-1272 du 23 octobre 2014 ;
– l’arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d’instruction des dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
– les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
– et les observations de Me Vidal, avocat, représentant l’association One Voice ;

Considérant ce qui suit :

1. L’association One Voice relève appel du jugement du 8 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté, comme irrecevable, sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 3 mai 2019 autorisant, d’une part, la capture et l’euthanasie de bouquetins atteints de brucellose et ordonnant, d’autre part, l’abattage indifférencié de vingt bouquetins présents dans le massif du Bargy.

Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D’une part, aux termes de l’article L. 141-1 du code de l’environnement :  » Lorsqu’elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d’une manière générale, œuvrant principalement pour la protection de l’environnement, peuvent faire l’objet d’un agrément motivé de l’autorité administrative. (…) Ces associations sont dites « associations agréées de protection de l’environnement » « . Selon l’article L. 142-1 du même code :  » Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 141-1 (…) justifient d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément « .
3. D’autre part, aux termes de l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, reprenant, pour partie, le I de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 :  » Le silence gardé pendant deux mois par l’administration sur une demande vaut décision d’acceptation « . L’article L. 231-6 du même code, reprenant pour partie le II de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000, prévoit que :  » Lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie, un délai différent de ceux prévus aux articles L. 231-1 et L. 231-4 peut être fixé par décret en Conseil d’Etat « . L’article 1er du décret du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l’application du délai de deux mois de naissance des décisions implicites d’acceptation sur le fondement du II de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie) dispose que :  » En application du II de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, et par exception à l’application du délai de deux mois prévu au premier alinéa de cet article, les délais à l’expiration desquels le silence gardé par l’administration sur une demande dont la liste figure à l’annexe du présent décret vaut décision d’acceptation sont mentionnés à la même annexe « . Les agréments des associations de protection de l’environnement prévus par l’article L. 141-1 du code de l’environnement figurent en annexe de ce décret, parmi les décisions acquises à l’expiration d’un délai de six mois.

4. Il ressort des pièces du dossier qu’en application de ces dispositions, un agrément a été implicitement accordé à l’association One Voice au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement, au terme d’un silence de six mois conservé sur sa demande, soit à compter du 5 janvier 2019. Ayant notamment pour objet de  » protéger et de défendre les animaux quelle que soit l’espèce à laquelle ils appartiennent  » et de  » lutter contre (…) toute forme de violence (…) physique  » à leur encontre, l’association One Voice justifie dès lors, en vertu de cet agrément, d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté litigieux, qui autorise l’abattage de bouquetins des Alpes. Contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, sa demande était ainsi recevable.
5. Il résulte de ce qui précède que l’association One Voice est fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et qu’il doit être annulé.
6. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l’évocation, sur les conclusions de l’association One Voice dirigées contre l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 3 mai 2019.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Savoie :

7. Contrairement à ce que prétend le préfet de la Haute-Savoie, l’association One Voice établit, par l’extrait conforme qu’elle fournit, être inscrite depuis le 7 août 1997 au registre des associations du tribunal d’instance de Strasbourg. La fin de non-recevoir ainsi opposée manque en fait et ne peut qu’être écartée.

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 3 mai 2019 :

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le Conseil national de protection de la nature a été consulté, par courrier du 15 septembre 2017, sur une demande de dérogation tendant à la destruction d’environ trois cents bouquetins des Alpes, dans le massif du Bargy, pour des opérations se déroulant jusqu’à la fin de l’année 2019. Le conseil a rendu un avis favorable sur cette demande, le 21 septembre 2017. L’arrêté litigieux mettant en œuvre les opérations ainsi examinées, l’association One Voice n’est pas fondée à soutenir que le Conseil national de protection de la nature n’a pas été préalablement consulté.
9. En deuxième lieu, aux termes du quatrième alinéa du III de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement :  » Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction d’une synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas d’absence d’observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation (…) « .
10. Si l’arrêté litigieux a été adopté le même jour que la synthèse des observations du public, il ressort toutefois des pièces du dossier que cet arrêté a été adopté plus de quatre jours après la clôture de la consultation, en tenant compte de la synthèse des observations, qu’il vise et qui a justifié des modifications du projet d’arrêté. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l’article 6 de la Charte de l’environnement :  » Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social « . Il résulte de ces dispositions qu’il appartient aux autorités compétentes de veiller à concilier, dans la conception des politiques publiques, la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. A cet égard, le cadre de la politique de protection des espèces protégées a été défini par le législateur aux articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement. La légalité des décisions administratives prises dans ce cadre doit être appréciée au regard de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de conciliation consacré par l’article 6 de la Charte de l’environnement est inopérant.
12. En quatrième lieu, en adoptant les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement précédemment rappelées, le législateur a entendu déroger à l’interdiction de destruction de certaines espèces protégées et de leurs habitats, posée par l’article L. 411-1 du même code, en précisant les conditions préalables à la délivrance d’une dérogation selon le motif invoqué. Ainsi, comme indiqué aux points 13 et 14 du présent arrêt, une dérogation ne peut être accordée que si elle répond à l’un des motifs limitativement énumérés à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et qu’elle ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Par ailleurs, cet article renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer les conditions, notamment procédurales, de l’octroi d’une telle dérogation ainsi que les modalités de contrôle et d’évaluation de leurs effets. Ce faisant, le législateur a établi un cadre législatif et réglementaire ayant précisément pour objet de permettre, au regard des données scientifiques les plus récentes et dans le respect des conditions strictes qu’il pose, qu’il soit porté atteinte à une espèce protégée sans que son état de conservation favorable dans son aire de répartition naturelle soit mise en cause. L’arrêté litigieux a été adopté en application de ces dispositions législatives et réglementaires. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par l’arrêté litigieux, des dispositions générales du 9° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement posant le principe de non-régression de la protection de l’environnement doit, en tout état de cause, être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes de l’article L. 411-1 du code de l’environnement :  » I. – Lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat (…) « . L’article L. 411-2 du même code prévoit que :  » I. – Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (…) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) b) Pour prévenir des dommages importants notamment (…) à l’élevage, (…) ; c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement (…) « .
14. Il résulte de l’article L. 411-1 et du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l’autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d’une part, à l’absence de solution alternative satisfaisante, d’autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs limitativement énumérés.
15. A supposer même qu’ainsi que le soutient l’association One Voice, le préfet de la Haute-Savoie ait, à tort, qualifié les opérations ainsi autorisées d’urgentes, la légalité de la dérogation litigieuse n’est toutefois nullement subordonnée à une telle urgence. Par suite, ce motif étant surabondant, l’erreur d’appréciation invoquée n’est pas de nature à entacher d’illégalité l’arrêté litigieux.
16. En sixième lieu, par l’arrêté litigieux, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné, d’une part, la capture de bouquetins des Alpes, espèce protégée au titre de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, présents dans le massif du Bargy et l’euthanasie de ceux, parmi eux, testés positivement à la brucellose et, d’autre part, l’abattage sans dépistage préalable de bouquetins présents en cœur de zone, où le taux de prévalence de l’infection est le plus élevé, dans la limite de vingt individus indiscriminés et de cinquante individus au total. Il ressort des pièces du dossier que cette opération s’inscrit dans la continuité d’une série de mesures, engagées à compter de 2012, ayant pour objectif d’endiguer une épidémie de brucellose constatée parmi la population de bouquetins du massif du Bargy. Il est constant que cette maladie, classée dans le groupe III de risque biologique pour l’homme et l’animal, est susceptible d’être transmise à l’homme, par l’intermédiaire de cheptels domestiques, entrainant des lésions graves et invalidantes, parfois irréversibles et justifiant l’abattage complet du troupeau contaminé. Bien que ce risque de transmission ait été considéré comme  » quasi-nul à minime « , la préservation de la santé publique et la nécessité de protéger les élevages de dommages importants peuvent justifier une dérogation à la protection des bouquetins des Alpes. Par ailleurs, eu égard à la population totale de bouquetins des Alpes recensée, dont l’aire de répartition naturelle ne se limite pas au seul massif du Bargy, il n’est pas établi que les prélèvements ainsi autorisés aient pour effet de remettre en cause le maintien de l’espèce dans son aire de répartition naturelle dans un état de conservation favorable.
17. En revanche, il ressort des pièces du dossier qu’à défaut de pouvoir envisager une éradication de l’épidémie à court terme, les mesures ordonnées tendent à diminuer le nombre d’animaux infectés, afin de limiter la probabilité de contact entre un individu infecté et des animaux domestiques et d’atteindre un niveau d’infection suffisamment bas pour permettre une extinction naturelle de l’épidémie. Dès lors, si une mesure d’élimination sélective, consistant à euthanasier les individus testés séropositifs, apparaît comme la plus à même de parvenir à l’objectif poursuivi, tel n’est pas le cas de l’abattage indiscriminé de bouquetins, sans dépistage préalable. Ainsi, comparant un premier scénario d' » abattage indiscriminé en cœur de zone et [d]’élimination sélective en zone périphérique  » et un second d’  » élimination sélective dans le cœur de zone et de surveillance seule en périphérie « , l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a, dans son avis du 14 septembre 2017, estimé que ce second scénario permettait d’attendre des résultats identiques au premier, tout en préservant un plus grand nombre d’individus. Contrairement à ce que soutient le ministre en charge de l’environnement, ce constat n’est pas remis en cause par l’avis rendu par cette même instance le 30 novembre 2021, dont les conclusions sont reprises dans son bulletin épidémiologique n° 92 de 2021, aucun scénario comparable, reposant sur un nombre important de captures et d’éliminations sélectives en cœur de zone, ne figurant parmi les six scenarii que ce nouvel avis a pour objet de comparer. Enfin, si l’ANSES a précisé que le succès de ce second scénario suppose la mise en œuvre de moyens importants pour capturer un maximum d’animaux, le ministre en charge de l’environnement ne prétend pas que celui-ci ne serait pas raisonnablement réalisable. Dans ces conditions, et nonobstant l’avis favorable préalablement émis par le Conseil national de la protection de la nature, l’arrêté litigieux, en autorisant l’abattage indiscriminé de bouquetins sans dépistage préalable de leur infection par la brucellose, ne retient pas la solution la plus satisfaisante pour atteindre les objectifs qu’il poursuit tout en préservant cette espèce protégée.

18. Il résulte de ce qui précède que l’association One Voice est seulement fondée à demander l’annulation de l’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 3 mai 2019 en ce qu’il autorise, en son article 3, l’abattage indiscriminé de bouquetins des Alpes sans dépistage préalable de leur infection par la brucellose.

Sur les frais liés au litige :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros à l’association One Voice, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 juillet 2021 est annulé.
Article 2 : L’arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 3 mai 2019 est annulé en ce qu’il autorise, en son article 3, l’abattage indiscriminé de bouquetins des Alpes sans dépistage préalable de leur infection par la brucellose.
Article 3 : L’Etat versera à l’association One Voice la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l’association One Voice et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.