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Protection des lacs de montagne – Illégalité d’un projet d’hôtel de luxe (Tignes)

CAA de LYON

N° 14LY03771   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
M. Juan SEGADO, rapporteur
M. VALLECCHIA, rapporteur public
SCP VOVAN & ASSOCIES, avocat

lecture du mardi 15 novembre 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association Vivre en Tarentaise, l’association Mouvement Homme et nature, la Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature comité Savoie, dite FRAPNA Savoie, et l’association Mountain Wilderness ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 par lequel le préfet de la Savoie a autorisé la création d’une unité touristique nouvelle pour la construction d’un hôtel à Tignes, ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique adressé le 13 janvier 2012 au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Par un jugement n° 1202589 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions, a mis à la charge de l’Etat le versement d’une somme globale de 1 500 euros à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions de la commune de Tignes présentées sur le fondement de ces dispositions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2014, la commune de Tignes, représentée par la Selarl Vovan et associés, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 octobre 2014 ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par l’association Vivre en Tarentaise, la FRAPNA Savoie et l’association Mountain Wilderness devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de ces associations une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la demande présentée devant le tribunal était irrecevable dès lors que les trois associations n’avaient pas d’intérêt pour agir contre l’arrêté contesté ;
– contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, le projet n’a pas méconnu les dispositions de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant ses effets sur les milieux naturels dès lors que la présentation de ces effets a été suffisante, que le projet n’a pas d’incidence sur les zones Natura 2000, qu’il est suffisamment précis en ce qui concerne la capacité de traitement de la station d’épuration et les mesures compensatoires envisagées, ainsi qu’en ce qui concerne les mesures préconisées pour supprimer ou compenser les effets prévisibles du projet sur les milieux naturels ;
– c’est à tort que le tribunal a estimé que le projet a méconnu les dispositions de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant ses effets prévisibles sur les paysages dès lors que l’impact paysager du projet a été envisagé par le dossier et ceci de manière détaillée ;
– l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme n’a pas été méconnu contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges dès lors que les berges du lac sur lesquelles l’établissement hôtelier sera édifié ne peuvent aucunement être qualifiées de rives naturelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, l’association Vivre en Tarentaise, la FRAPNA Savoie et l’association Mountain Wilderness, représentées par Me A…, concluent au rejet de la requête et demandent qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Tignes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :
– elles ont intérêt pour agir contre l’arrêté autorisant la création d’une unité touristique nouvelle à Tignes ;
– l’arrêté a été signé par une autorité incompétente dès lors que la surface réelle du projet dépasse les 12 000 m² et qu’en vertu des articles L. 145-11 I et R. 145-2 du code de l’urbanisme le préfet coordonnateur du massif était compétent ;
– la présentation des caractéristiques principales du projet méconnaît les dispositions du 2° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme compte tenu des erreurs et contradictions qu’elle contient ;
– la présentation de l’état des milieux naturels, des pays et du site et de son environnement méconnaît les dispositions du 1° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme ;
– les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant la présentation des effets prévisibles du projet sur les milieux naturels, ainsi que les mesures de suppression, compensatoires et de réhabilitation à prévoir à ce sujet et l’estimation de leur coût, ont été méconnues ; le projet ne propose ainsi aucune mesure concrète destinée à sauvegarder les espèces protégées, omet de présenter les effets du projet sur la zone humide du delta du ruisseau du Plan actuellement vierge de toute construction, ne fait état d’aucune disposition prise pour se conformer à la règlementation en matière de qualité des eaux ;
– les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme concernant la présentation des effets prévisibles du projet sur les paysages, ainsi que les mesures de suppression, compensatoires et de réhabilitation à prévoir et l’estimation de leur coût ont été méconnues ;
– l’étude d’incidence sur l’état de conservation des sites Nature 2000 est absente du dossier en méconnaissance de l’article L. 414-4 du code de l’environnement et des articles R. 414-19 I 5° et R. 414-19 II, même si le projet se situe en dehors d’un site Natura 2000 ;
– les articles L. 145-3 et R. 146-3 1° du code de l’urbanisme ont été méconnus dès lors que le dossier omet de mentionner l’obtention récente d’une autorisation UTN aux Boisses pour 1 500 lits supplémentaires et qu’il ne prend pas en compte toutes les caractéristiques principales de l’économie locale ;
– l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme a été méconnu dès lors que le projet a été édifié dans la bande des 300 mètres à compter de la rive et que cette dernière est à l’état naturel ;

Par ordonnance du 16 décembre 2015 la clôture de l’instruction a été fixée au 5 janvier 2016, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Segado, premier conseiller,
– les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
– et les observations de Me B… pour la commune de Tignes, ainsi que celles de Me A… pour les associations Vivre en Tarentaise, FRAPNA Savoie et Mountain Wilderness.

1. Considérant que, par une délibération du 14 novembre 2011, la commune de Tignes a présenté au préfet de la Savoie une demande d’autorisation de création d’une unité touristique nouvelle en vue de la construction d’un ensemble hôtelier de luxe sur la rive sud du lac naturel de Tignes en zone AS1 (domaine skiable) du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Tignes, pour une surface de plancher de 11 856 m² ; que, par arrêté du 14 novembre 2011 le préfet de la Savoie a autorisé la création de cette unité touristique nouvelle ; que les associations Vivre en Tarentaise, Mouvement Homme et nature Fédération Rhône-Alpes de la protection de la nature comité Savoie, dite FRAPNA Savoie, et Mountain Wilderness ont formé, le 13 janvier 2012, un recours hiérarchique contre cette décision ; qu’une décision implicite de rejet est née à la suite du silence gardé par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur ce recours ; que ces associations ont alors demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler cet arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 et la décision implicite du ministre portant rejet de leur recours hiérarchique ; que, par un jugement du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a mis à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros aux associations demanderesses au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions de la commune de Tignes présentées au même titre ; que la commune de Tignes relève appel de ce jugement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Tignes à la demande de première instance :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 142-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de saisine du tribunal :  » Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 141-1 ainsi que les associations mentionnées à l’article L. 433-2 justifient d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément.  » ; que les associations FRAPNA Savoie et Mountain Wilderness sont toutes deux agréées, à l’échelle du département de la Savoie, pour la protection de l’environnement ; que la première, selon l’article 2 de ses statuts,  » a pour but la protection de la nature et de l’environnement dans le département de la Savoie en ce qui concerne notamment le patrimoine naturel (milieux et espèces vivantes), les sites urbanisés, industriels, agricoles, les paysages, etc… « , tandis que la seconde, dont l’agrément porte sur dix-sept départements de montagne comprenant le département de la Savoie, s’est fixé pour mission, définie par l’article 1er de ses statuts,  » de sauvegarder la montagne sous tous ses aspects  » ; que, contrairement à ce que soutient la commune de Tignes, l’objet social de ces deux associations n’est pas trop vague ou imprécis ; que la création d’une unité touristique nouvelle en vue de l’aménagement d’un hôtel dit  » d’exception  » d’une surface de plancher de 11 856 m², qui doit comporter près de cent chambres et des hauteurs maximales allant de R+3 à R+5 et qui est situé sur la rive sud du lac naturel de Tignes en zone de montagne et dans un site inscrit à l’inventaire des sites, ne peut être regardée comme dépourvue de rapport direct avec les objets statutaires de ces deux associations qui justifient ainsi d’un intérêt pour agir à l’encontre de l’arrêté autorisant une telle création ; que ces deux associations justifient ainsi d’un intérêt leur donnant qualité pour demander l’annulation de cet arrêté et de la décision rejetant leur recours hiérarchique contre cette autorisation ;

3. Considérant en second lieu, qu’aux termes l’article 2 de ses statuts, l’association Vivre en Tarentaise, association agréée, a pour objet de  » préserver et améliorer la qualité de vie en Tarentaise (arrondissement d’Albertville, Savoie), notamment par la protection des sites et milieux naturels (…), veiller au respect de l’environnement, du droit et de la légalité sous toutes ses formes » ; que le projet autorisé est susceptible, de par sa situation, ses caractéristiques et celles du site d’implantation et de par son importance, de porter atteinte à l’environnement naturel des lieux, situés dans l’arrondissement d’Albertville ; que, dès lors, l’association Vivre en Tarentaise justifie également d’un intérêt lui donnant qualité pour contester la légalité des décisions en litige devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité des décisions en litige :

4. Considérant que, pour annuler l’arrêté du préfet de la Savoie du 14 novembre 2011 et la décision implicite du ministre rejetant le recours hiérarchique, les premiers juges ont retenu une méconnaissance des dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme en raison d’une insuffisante prise en compte dans le dossier de demande d’autorisation de l’unité touristique nouvelle des effets du projet sur les milieux naturels et l’environnement, d’une formulation imprécise des mesures préconisées pour préserver ces milieux naturels et l’environnement et d’une insuffisante présentation des effets prévisibles du projet sur les paysages ; que le tribunal a également retenu une méconnaissance des dispositions de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme ; qu’il a, pour le surplus, jugé, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, que les autres moyens invoqués par les associations demanderesses ne sont pas susceptibles de conduire à l’annulation de ces décisions ;

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme :

S’agissant des insuffisances du dossier de présentation en ce qui concerne les effets sur le milieu naturel et l’environnement et les mesures préconisées :

5. Considérant qu’aux termes de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » La demande est accompagnée d’un dossier comportant un rapport et des documents graphiques précisant : / 1° L’état des milieux naturels, des paysages, du site et de son environnement, comprenant le cas échéant l’historique de l’enneigement local, l’état du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs conditions de fréquentation, ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale ; / (…) 4° Les effets prévisibles du projet sur le trafic et la circulation locale, l’économie agricole, les peuplements forestiers, les terres agricoles, pastorales et forestières, les milieux naturels, les paysages et l’environnement, notamment la ressource en eau et la qualité des eaux, ainsi que les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir, et l’estimation de leur coût ; (…)  » ;

6. Considérant que comme l’expose la commune requérante, et comme l’a d’ailleurs jugé le tribunal, le dossier de demande d’autorisation concernant la création d’un hôtel d’exception comporte de manière suffisamment précise et détaillée, un descriptif de l’état initial du site ; que ce dossier présente ainsi notamment l’état du paysage avant projet en identifiant tant les atouts que les faiblesses de ce paysage et en exposant un panorama de ses vues remarquables ; qu’il expose aussi l’état des milieux naturels en recensant des espèces remarquables à protéger à proximité du site, en rappelant l’existence d’espaces naturels remarquables (ZNIEFF et zone Natura 2000) situés dans un périmètre plus large, en identifiant deux sites sensibles qui devront faire l’objet d’une attention particulière concernant d’une part, l’embouchure du ruisseau du Plan du Lac et, d’autre part, les Berges du lac ; qu’il présente également la situation du site concernant l’hydrologie et la gestion de l’eau ; que la commune soutient que le dossier contient également, conformément aux dispositions précitées, des précisions suffisantes tant en ce qui concerne les effets sur les milieux naturels, l’eau, et le paysage, qu’en ce qui concerne les mesures préconisées pour y remédier ;

7. Considérant qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que, concernant les effets du projet sur les deux sites sensibles recensés et les espèces protégées, le dossier de demande se borne à faire état, sur une demi-page, de remarques très générales consistant, outre une description des nuisances temporaires liées aux travaux, à mentionner  » une augmentation de la pression urbaine et de l’artificialisation des abords de l’embouchure des berges « , sans expliciter notamment les conséquences de cette artificialisation pour le site ; qu’elle mentionne par ailleurs  » des impacts indirects potentiels sur la flore protégée à proximité  » en citant les trois espèces présentes dans le delta pouvant être ainsi impactées et une autre présente ponctuellement, sans préciser la nature et l’importance de ces impacts indirects ; que, les mesures préconisées pour  » garantir l’intégrité de l’embouchure et de la zone humide du delta  » et  » préserver l’interface naturelle des berges du lac  » sont insuffisamment précises, se bornant à prévoir la réalisation d’un inventaire de la flore et de la faune, avant les démarches règlementaires, qui devra préciser l’impact effectif sur les espèces patrimoniales, ou l’établissement d’un plan qualité environnement concernant notamment les enjeux écologiques et de préservation des eaux du lac ; que, ces éléments sont d’autant plus insuffisants que,comme le relève d’ailleurs l’avis du chef du service des eaux, environnement et forêt de la direction départementale des territoires de la Savoie, la question de la détermination de l’impact du projet sur le fonctionnement de l’alimentation de la zone humide de l’embouchure du ruisseau du plan du lac se posait et nécessitait une étude particulière ;

8. Considérant qu’en outre, concernant les effets et les mesures à prendre concernant la protection et la qualité de l’eau ainsi que l’assainissement évoqués dans le dossier, la commune fait valoir que ce dossier expose que les besoins en eau potable du futur hôtel  » devraient être compatibles avec la marge de captage de la station d’épuration  » en présentant les mesures destinées à limiter la consommation d’eau, tout en indiquant que les besoins en eau n’étaient pas définitivement mesurés à ce stade ; que, cependant, le dossier se borne à indiquer que les capacités du réseau et de la station d’épuration paraissent a priori suffisantes pour absorber les eaux usées générées par un hôtel de 250 à 300 lits touristiques, en relevant que ces rejets n’étaient pas quantifiés à ce stade, sans apporter aucune précision sur les capacités de la station d’épuration à l’appui de ces indications, alors notamment que, selon l’avis du service des eaux, environnement et forêt déjà évoqué au point 7, le projet allait aggraver la situation du traitement des eaux usées, la station d’épuration mettant en évidence un dépassement récurrent de sa capacité ;

9. Considérant qu’enfin, comme l’exposent les associations intimées, il résulte des dispositions des I et II de l’article R. 414-19 du code de l’environnement qu’une évaluation des incidences sur un site Natura 2000 doit être réalisée pour les unités touristiques nouvelles même si le terrain ne se trouve pas dans ce site mais a proximité ; qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande d’autorisation, comme l’a d’ailleurs relevé le directeur régional de l’environnement, de l’aménagement du territoire et du logement (Dreal) de la région Rhône Alpes dans son avis du 14 septembre 2011, que le terrain d’assiette du projet se trouve à proximité d’un site Natura 2000 ; que la commune expose alors que les deux sites sont distants d’environ 1 kilomètre et que le dossier a relevé que le projet est situé » bien en aval des secteurs d’intérêt communautaire  » et  » qu’il ne fait apparaître aucun impact potentiel direct ou indirect sur les zones Natura 2000 du massif du Vercors  » ; que, toutefois, et même si le Dreal Rhône-Alpes a lui-même indiqué que le projet ne semble pas porter atteinte aux sites Natura 2000, il ressort des pièces du dossier que, comme l’a également souligné le Dreal, aucune évaluation n’a été produite concluant à l’absence d’incidence et la demande d’autorisation n’apporte aucune précision à ce sujet ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui est dit ci-dessus aux points 6 à 9 que le dossier de demande d’autorisation méconnaît les dispositions du 4° de l’article R. 145-6 du code de l’urbanisme en ce qu’il ne contient pas de précisions suffisantes concernant les effets prévisibles du projet sur les milieux naturels et l’environnement, ainsi que sur les mesures de suppression, compensation et réhabilitation à prévoir ;

S’agissant des insuffisances du dossier de présentation quant aux effets sur le paysage :

11. Considérant qu’il ressort tout d’abord des pièces du dossier, que, comme l’expose la commune de Tignes, la demande d’autorisation a présenté les effets sur le paysage de la construction de l’hôtel composé de quatre à cinq niveaux de hauteur et d’une surface de plancher de 11 856 m², s’étendant sur la rive sud du lac sur une surface de 2 500 m² et sur une longueur d’environ 150 mètres allant d’un paravalanche jusqu’à l’embouchure du ruisseau du Plan du Lac ; que ce dossier contient notamment des simulations dessinées de l’impact visuel sur le paysage et liste les mesures préconisées pour en limiter les conséquences ; que, toutefois, ces dessins, notamment par leurs traits, estompent les effets visuels de l’immeuble sur le paysage et, comme le montrent notamment les photographies produites par les intimées en première instance, ne traitent qu’une partie des axes de vues sur les zones naturelles pouvant être affectées par la réalisation d’un immeuble d’une telle dimension ; que ces dessins ne permettent ainsi de donner qu’un aperçu partiel et trop approximatif de l’impact visuel du projet sur le paysage ; que, dans ces conditions, le dossier ne peut être regardé comme comportant des éléments suffisamment précis concernant les effets du projet sur le paysage ;

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme :

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » Les parties naturelles des rives des plans d’eau naturels ou artificiels d’une superficie inférieure à mille hectares sont protégées sur une distance de trois cent mètres à compter de la rive ; y sont interdits toutes constructions, installations et routes nouvelles ainsi que toutes extractions et tous affouillements. (…)  » ;

13. Considérant que, pour contester le caractère de partie naturelle de la portion de rive où doit être implantée l’unité touristique en litige, la commune de Tignes se prévaut de la présence de la route départementale 87 A qui dessert le centre de Tignes et qui longe partiellement le site du projet, de l’existence de deux chalets d’alpage construits dans les années 1950 présentant une surface de plancher de 300 m², de la présence d’une aire de pique-nique, d’une station de relevage et d’un chalet en ruine ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des photographies produites par les parties, qu’en dépit de ces éléments, la rive sud du lac de Tignes où doit s’implanter le projet constitue une coupure verte entre, d’une part, le centre du bourg de Tignes situé au nord du lac et l’aménagement à l’ouest du lac d’un paravalanche au dessus de la route départementale, et, d’autre part l’urbanisation du Val Claret située au sud du site ; que cette zone contribue ainsi à conserver un caractère naturel au paysage du lac permettant de regarder cette partie de rive du lac comme étant naturelle au sens des dispositions précitées ; que, par suite, en accordant l’autorisation de créer une unité touristique nouvelle dans la bande des 300 mètres de cette partie naturelle de la rive sud du lac de Tignes, le préfet de la Savoie a méconnu les dispositions précitées de l’article L. 145-5 du code de l’urbanisme ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Tignes n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté préfectoral du 14 novembre 2011 par lequel le préfet de la Savoie a autorisé la création d’une unité touristique nouvelle pour la construction d’un hôtel à Tignes, ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 13 janvier 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les associations intimées, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnées à payer à la commune de Tignes la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Tignes le paiement à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness d’une somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Tignes est rejetée.
Article 2 : La commune de Tignes versera à l’association Vivre en Tarentaise, à la FRAPNA Savoie et à l’association Mountain Wilderness la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tignes, à l’association Vivre en Tarentaise, à la Frapna Savoie et à l’association Mountain Wilderness.
Délibéré après l’audience du 18 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre,
M. Gille, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2016.
2
N° 14LY03771

Urbanisation en continuité – Parc photovoltaïque (non)

CAA de LYON

N° 15LY00920   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
M. Antoine GILLE, rapporteur
M. VALLECCHIA, rapporteur public
LE BRIERO, avocat

lecture du mardi 13 décembre 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’annuler l’arrêté du 10 juin 2013 par lequel le préfet de la Haute-Loire a délivré à la SARL PSFR002 un permis de construire un parc photovoltaïque sur un terrain situé au lieu-dit le marais sur le territoire de la commune des Vastres.

Par un jugement n° 1301304 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ce permis de construire du 10 juin 2013.

Procédure devant la cour

Par un recours et un mémoire complémentaire enregistrés les 18 mars et 4 mai 2015, la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 janvier 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Elle soutient que :
– le tribunal n’a pas suffisamment motivé son jugement ;
– l’intérêt que présente le projet pour la commune justifie la dérogation à la règle d’urbanisation en continuité.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2016, la Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– le recours n’est pas recevable, faute de justification d’une délégation habilitant le signataire du recours à le présenter et faute pour l’Etat de justifier de la notification de son recours au préfet de la Haute-Loire et au bénéficiaire du permis de construire en litige ;
– les moyens du recours ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Gille, président-assesseur ;
– et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public.

1. Considérant que, par un arrêté du 10 juin 2013 pris en application du c) du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, le préfet de la Haute-Loire a, au vu d’une délibération favorable du conseil municipal des Vastres du 15 décembre 2012, délivré à la SARL PSFR002 un permis de construire en vue de la réalisation d’un parc photovoltaïque sur le territoire de cette commune, au lieu-dit le marais ; que la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité relève appel du jugement du 20 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ce permis de construire ;

Sur la régularité du jugement du 20 janvier 2015 :

2. Considérant que, pour annuler l’arrêté du préfet de la Haute-Loire du 10 juin 2013, les premiers juges, après avoir cité les dispositions des articles L. 145-3 et L. 111-1-2 du code de l’urbanisme et explicité leur contenu, ont fait précisément état des circonstances de fait qui leur ont permis de considérer, après avoir notamment examiné les éléments avancés dans une délibération du conseil municipal du 15 décembre 2012, que le permis de construire en litige avait été délivré en méconnaissance de ces dispositions ; que le jugement est, ainsi, suffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé du jugement du 20 janvier 2015 :

3. Considérant qu’aux termes du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme alors en vigueur :  » Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. / (…) Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas dans les cas suivants : / (…) c) Dans les communes (…) qui ne sont pas couvertes par un plan local d’urbanisme ou une carte communale, des constructions qui ne sont pas situées en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants peuvent être autorisées, dans les conditions définies au 4º de l’article L. 111-1-2, si la commune ne subit pas de pression foncière due au développement démographique ou à la construction de résidences secondaires et si la dérogation envisagée est compatible avec les objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II. (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 111-1-2 du même code, alors en vigueur :  » En l’absence de plan local d’urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d’urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / (…) 4º Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l’intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, qu’elles n’entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n’est pas contraire aux objectifs visés à l’article L. 110 et aux dispositions des chapitres V et VI du titre IV du livre Ier ou aux directives territoriales d’aménagement précisant leurs modalités d’application.  » ;

4. Considérant que, pour annuler le permis de construire délivré par le préfet de la Haute-Loire à la SARL PSFR002 par arrêté du 10 juin 2013 pour un projet de parc photovoltaïque, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir relevé que ce projet ne peut être regardé comme réalisé en continuité avec des constructions existantes et n’est pas au nombre des équipements incompatibles avec le voisinage des zones habitées, a jugé que l’intérêt communal invoqué par la délibération du conseil municipal du 15 décembre 2012 prise sur le fondement du 4° de l’article L. 111-1-2 précité du code de l’urbanisme ne pouvait fonder une dérogation à la règle d’urbanisation en continuité en zone de montagne ;

5. Considérant que, pour contester le motif d’annulation retenu par les premiers juges, la ministre chargée du logement expose que l’arrêté critiqué du 10 juin 2013 a été pris au vu de la délibération motivée du conseil municipal prévue par la loi et que cette délibération justifiait de l’intérêt du projet pour la commune, pouvant ainsi fonder une dérogation à la règle d’urbanisation en continuité ;

6. Considérant que le principe d’urbanisation en continuité en zone de montagne posé par les dispositions du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, qui vise à interdire toute construction isolée en zone de montagne en fixant la liste limitative des dérogations à cette règle, a pour objet la préservation des terres agricoles, pastorales et forestières et des paysages et milieux caractéristiques de l’espace montagnard ; que, si les dispositions du c) du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme citées au point 3 permettent, dans les communes qui ne se sont pas dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale, d’autoriser la réalisation d’un projet compatible avec le voisinage des zones habitées sur un terrain qui n’est pas situé en continuité d’une forme d’urbanisation existante, cette possibilité n’est ouverte qu’à titre dérogatoire et à condition notamment que l’intérêt communal le justifie ;

7. Considérant qu’au soutien de son recours, la ministre se borne à reprendre, sans autre précision, les termes de la délibération du 15 décembre 2012 selon laquelle le projet critiqué permettra  » d’améliorer le fonctionnement de la zone humide  » et présente l’intérêt de concourir à la production d’électricité avec des énergies renouvelables et d’assurer à la commune des revenus pérennes par la perception d’un loyer ou de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux ; que la ministre fait également valoir que les écritures de l’Etat en première instance avaient permis de confirmer ces aspects du projet au regard des conclusions de l’étude d’impact dont il avait fait l’objet, le projet ayant été choisi afin d’assurer au mieux la protection des espaces naturels et des terres agricoles ; qu’eu égard à l’objet poursuivi par les dispositions précitées du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, les justifications dont la ministre se prévaut ainsi en termes généraux sans faire état d’éléments suffisamment circonstanciés tenant à la situation particulière de la commune des Vastres, ne suffisent pas à établir l’existence, au sens du 4° de l’article L. 111-1-2 auquel ces dispositions renvoient, d’un intérêt de nature à justifier la délivrance d’un permis de construire pour une centrale photovoltaïque au bénéfice du dispositif dérogatoire qu’elles prévoient ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l’arrêté du préfet de la Haute-Loire du 10 juin 2013 ;

Sur les frais d’instance :

9. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement à la Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire d’une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :
Article 1er : Le recours de la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera à la Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du logement et de l’habitat durable, ainsi qu’à la Fédération de protection de la nature de la Haute-Loire.
Copie en sera adressée pour information : – au préfet de la Haute-Loire ;
– à la commune des Vastres ;
– à la SARL PSFR002.
Délibéré après l’audience du 21 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre,
M. Gille, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.
2
N° 15LY00920

Définition de l’environnement montagnard (code du sport, art. R. 212-7)

Arrêté du 6 décembre 2016 portant définition de l’environnement montagnard pour la pratique des activités assimilées à l’alpinisme

Le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports,
Vu le code du sport, notamment ses articles L. 131-14, L. 212-1, L. 212-2, R. 212-7, D. 142-29 ;
Vu la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 modifiée relative au développement et à la protection de la montagne ;
Vu l’avis de la triple section permanente de l’alpinisme, du ski alpin et du ski de fond de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne en date du 23 septembre 2016,
Arrête :

Pour l’application de l’article R. 212-7 du code du sport, les activités assimilées à l’alpinisme se définissent comme un ensemble de pratiques sportives qui regroupent différentes techniques permettant la progression ou le déplacement à pied, en sécurité, dans un environnement montagnard, tel que défini à l’article 2 du présent arrêté.

Article 2

Dans les départements métropolitains, les zones relevant de l’environnement montagnard pour la pratique des activités assimilées à l’alpinisme sont ainsi définies :
1° Les itinéraires pédestres, balisés ou non, sur sentier ou hors sentier, dont le niveau de risque est strictement supérieur à trois, conformément aux critères de la grille de cotation des randonnées pédestres établie par la fédération ayant reçu délégation pour la randonnée pédestre ;
2° Dans les massifs des Vosges, de la Corse, du Jura et du Massif Central, les zones situées à une altitude supérieure à huit cents mètres ;
3° Dans les massifs des Alpes et des Pyrénées, les zones situées à une altitude supérieure à mille mètres.

Article 3

Par dérogation aux dispositions du 2° et du 3° l’article 2, ne relèvent pas de l’environnement montagnard pour la pratique des activités assimilées à l’alpinisme, les itinéraires pédestres répondant cumulativement aux deux critères suivants de la grille de cotation mentionnée à l’article 2 :
1° Une cotation strictement inférieure à trois sur le critère du risque ;
2° Une cotation strictement inférieure à trois sur le critère de l’effort.

Article 4

Toute modification de la grille de cotation mentionnée à l’article 2 est soumise pour avis à la section permanente de l’alpinisme de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne.

Article 5

L’arrêté du 14 juin 2007 portant définition de l’alpinisme, de ses activités assimilées et de leurs territoires et sites de pratique qui relèvent de l’environnement spécifique est abrogé.

Article 6

La directrice des sports est chargée de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 6 décembre 2016.

Pour le ministre et par délégation :

Le sous-directeur de l’emploi et des formations,

B. Béthune

Accident de luge sur un sentier pour piétons/ Responsabilité communale (non)

CAA de LYON

N° 14LY03971

lecture du jeudi 29 septembre 2016

(…) 1. Considérant que le 17 février 2004, Mme D…a, en compagnie de son amie MmeC…, chuté dans une excavation située en contrebas du chemin dit de la Mouille Ronde, piste damée réservée aux piétons et aux personnes en raquettes, dans la station des Gets ; que Mme D…fait appel du jugement du 6 novembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble rejetant l’ensemble de ses conclusions qui tendaient à la mise en cause de la responsabilité de la commune des Gets et à son indemnisation ; que dans ses dernières écritures la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Ille-et-Vilaine demande à la cour d’annuler le jugement du 6 novembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble et de condamner la commune des Gets à lui rembourser les montants exposés pour le compte de son assurée, qui se chiffrent à la somme de 70 222,68 euros, et à lui payer la somme de 1 047 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Sur les conclusions de MmeD… :
2. Considérant qu’en appel, Mme D…indique que sa chute dans l’excavation située en bordure du chemin dit de la Mouille Ronde a eu lieu alors qu’elle était descendue de sa luge et marchait à côté de celle-ci sur le chemin, et non pas lorsqu’elle était sur la luge avec son amie MmeC… ; que toutefois, cette allégation de la requérante en appel n’est corroborée par aucune des pièces présentes au dossier alors qu’il résulte de l’instruction que tant dans différentes déclarations de l’intéressée auprès de son assureur ou du médecin expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 21 octobre 2005, que dans le constat d’huissier réalisé le 24 février 2004 à l’initiative de MmeC…, ou encore dans l’attestation de la personne leur ayant porté secours, ou enfin dans la plainte déposée par Mme C…contre auteur inconnu, il avait été indiqué que l’accident s’était produit alors que les victimes circulaient sur une luge ; que par suite, la requérante qui n’établit pas avoir chuté alors qu’elle circulait à pied, ne peut soutenir que les premiers juges se sont fondés sur des circonstances inexactes en retenant qu’au moment de l’accident elle était à bord d’une luge dont elle avait perdu le contrôle ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales :  » La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l’interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées (…) ;
4. Considérant que Mme D…fait valoir qu’il appartenait au maire de la commune des Gets de prendre des mesures particulières pour assurer la sécurité des usagers sur ce chemin enneigé susceptible d’être verglacé, et par suite particulièrement glissant, en signalant les bordures de la voie ou en faisant installer des barrières ou des filets de protection à hauteur de l’excavation située en bord du chemin, qu’elle qualifie d’obstacle imprévisible pour les piétons, les promeneurs en raquette et les utilisateurs de luge nombreux à fréquenter l’endroit ; qu’elle indique que lors du constat d’huissier réalisé le 24 février 2004, un enfant installé sur une luge est passé à 50 cm seulement de la bordure du chemin surplombant l’excavation dangereuse ; que toutefois, il résulte de l’instruction que ledit chemin n’est destiné qu’à la seule circulation des piétons et des personnes en raquettes et qu’il ne constitue pas l’une des pistes de luge aménagées dans la station des Gets ; qu’au demeurant Mme D…n’établit pas que c’est en raison d’un défaut de signalisation que sa luge a quitté le chemin pour tomber dans l’excavation dont s’agit, dont il résulte de l’instruction qu’elle est parfaitement visible pour un piéton empruntant le chemin à hauteur du local en béton situé du côté des sapins, et mentionné par l’huissier dans son procès-verbal de constat du 24 février 2004 ; que s’il est possible d’approcher de très près la bordure périlleuse du chemin, dont l’instruction a établi qu’il est suffisamment large, dégagé et rectiligne pour permettre le cheminement sans danger des piétons et des personnes en raquettes auquel il est dédié, cette circonstance ne saurait suffire à en établir le caractère dangereux de la voie, ni par conséquent la carence fautive du maire dans l’exercice de son pouvoir de police ; que d’ailleurs Mme D…n’allègue aucun accident antérieur lié à une chute imputable à l’absence de signalisation, de barrières ou de filets de protection ; qu’ainsi en l’espèce, seules la vitesse excessive et la perte de contrôle de l’engin par Mme D…sont responsables de la trajectoire de la luge et par suite de la chute de celle-ci et de son équipage dans cette excavation ; qu’il s’ensuit que, dans les circonstances de l’espèce, le maire n’ayant commis aucune faute dans l’exercice de ses pouvoirs de police, l’accident dont s’agit doit être regardé comme exclusivement imputable à l’imprudence de Mme D…et son amie dans l’utilisation de leur luge ; que la requérante n’est ainsi pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune des Gets au titre des pouvoirs de police de son maire ;
5. Considérant qu’il appartient à la victime d’un dommage survenu à l’occasion de l’utilisation d’un ouvrage public d’apporter la preuve du lien de causalité entre l’ouvrage public dont elle était usager et le dommage dont elle se prévaut ; que la collectivité en charge de l’ouvrage public peut s’exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve soit de l’entretien normal de l’ouvrage, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;
6. Considérant que Mme D…recherche également la responsabilité de la commune des Gets pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage public constitué de l’échappatoire d’eau de ruissellement, ayant provoqué le creusement de l’excavation dans laquelle elle a chuté ; qu’elle indique que cet échappatoire d’eau situé en contrebas du chemin de la Mouille Ronde aurait dû faire l’objet d’une signalisation spécifique ; que toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que cet ouvrage situé au fond de l’excavation a provoqué, ou contribué à, la survenue de l’accident, lequel, comme il a été dit plus haut est exclusivement imputable à l’imprudence fautive de la requérante dans l’utilisation d’une luge sur un chemin non aménagé pour cette activité ; que, dès lors, la responsabilité de la commune des Gets ne saurait être engagée à raison d’un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public constitué par cette canalisation ;
7. Considérant qu’il suit de ce qui précède que Mme D…n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions indemnitaires et a laissé à sa charge les frais de l’expertise ;
Sur les conclusions présentées par la CPAM de l’Ille-et-Vilaine :

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, en l’absence de responsabilité de la commune des Gets, la CPAM de l’Ille-et-Vilaine n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions indemnitaires ; que doivent être rejetées par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par la CPAM de l’Ille-et-Vilaine tendant au versement de la somme de 1 047 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune des Gets, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la requérante et la CPAM d’Ille-et-Vilaine demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sans qu’il besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions tendant à la condamnation in solidum de Mme D…et de la CPAM d’Ille-et-Villaine, de faire droit aux conclusions présentées par la commune des Gets sur le même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D…et les conclusions de la CPAM d’Ille-et-Vilaine sont rejetées.

En attendant « l’acte II », voici le décret Motos-neige…

Décret n° 2016-1412 du 21 octobre 2016 relatif au convoyage de la clientèle vers les établissements touristiques d’altitude offrant un service de restauration par des engins motorisés conçus pour la progression sur neige

NOR: DEVL1505952D

Publics concernés : exploitants des établissements touristiques d’altitude offrant un service de restauration sur place.
Objet : convoyage de la clientèle vers les établissements touristiques d’altitude offrant un service de restauration sur place.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication.
Notice : l’exploitant d’un établissement touristique d’altitude offrant un service de restauration sur place peut bénéficier d’une autorisation lui permettant de convoyer sa clientèle, à la fermeture des remontées mécaniques, avec des engins motorisés conçus pour la progression sur neige. Il en fait la demande auprès du maire qui peut l’autoriser après consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Le maire peut assortir son autorisation de prescriptions liées à la sécurité ou à la protection de l’environnement.
Références : le décret est pris pour l’application de l’article 22 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives. Il peut être consulté sur le site Légifrance (www.legifrance.gouv.fr).

Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat,
Vu le code des assurances, notamment son article L. 211-1 ;
Vu le code de l’environnement, notamment ses articles L. 362-1 à L. 362-3 et R. 362-2 ;
Vu le code forestier, notamment ses articles L. 212-1 à L. 212-3 ;
Vu le code des relations entre le public et l’administration, notamment ses articles L. 231-4 et L. 231-6 ;
Vu le code du tourisme, notamment son article L. 326-1 ;
Vu le code de l’urbanisme, notamment son article R. 122-8 ;
Vu l’avis du Conseil national d’évaluation des normes en date du 2 avril 2015 ;
Vu les observations formulées lors de la consultation du public réalisée du 24 août 2015 au 14 septembre 2015 en application de l’article L. 120-1 du code de l’environnement ;
Le Conseil d’Etat (section des travaux publics) entendu,
Décrète :
Article 1 En savoir plus sur cet article…

Au chapitre II du titre VI du livre III du code de l’environnement, il est inséré, après l’article R. 362-1, trois articles ainsi rédigés :

« Art. R. 362-1-1. – Constitue un établissement touristique d’altitude offrant un service de restauration au sens de l’article L. 362-3 tout établissement offrant un service de restauration sur place situé au sein d’un domaine skiable au sens de l’article R. 122-8 du code de l’urbanisme, à l’exclusion des refuges de montagne au sens de l’article L. 326-1 du code du tourisme.
« Le convoyage de la clientèle vers ces établissements par des engins motorisés conçus pour la progression sur neige est autorisé dans les conditions fixées aux articles R. 362-1-2 et R. 362-1-3.

« Art. R. 362-1-2. – L’autorisation de convoyage de la clientèle prévue à l’article L. 362-3 est accordée à l’exploitant de l’établissement touristique par le maire ou par le préfet si les itinéraires autorisés sont situés sur le territoire de plusieurs communes.
« Le convoyage aller et retour de la clientèle s’effectue par l’utilisation d’engins motorisés conçus pour la progression sur neige, sous la responsabilité de l’exploitant de l’établissement. La conduite des engins est assurée soit par l’exploitant ou ses salariés, soit par un prestataire disposant d’une relation contractuelle avec l’exploitant, à l’exclusion des clients.
« Le convoyage s’effectue sur les itinéraires définis dans l’autorisation du maire ou du préfet mentionnée au premier alinéa. Ces itinéraires doivent emprunter les pistes des domaines skiables, et en priorité les pistes d’entretien, en tenant compte des autres activités, de la sécurité des personnes transportées et du respect de l’environnement, en particulier de la faune et de la flore. Sous ces réserves, l’itinéraire desservant l’établissement correspond au plus court trajet possible et ne comporte pas d’arrêts autres que la desserte de l’établissement. Un itinéraire commun peut desservir plusieurs établissements dans le respect des conditions fixées au présent article.
« Les itinéraires ne peuvent traverser ni le cœur d’un parc national, ni une réserve naturelle nationale, ni une réserve naturelle régionale, ni une zone de protection du biotope définie par arrêté préfectoral, ni une réserve biologique créée dans une zone identifiée par un document d’aménagement en application des articles L. 212-1 à L. 212-3 du code forestier.
« Le convoyage de la clientèle ne peut être autorisé que pendant la période hivernale d’exploitation des remontées mécaniques et au sein d’une plage horaire comprise entre l’heure de fermeture des pistes et vingt-trois heures.
« Dans les limites définies aux alinéas précédents, l’autorisation de convoyage mentionnée au premier alinéa fixe notamment :
« 1° Le ou les itinéraires autorisés pour le convoyage ;
« 2° Les périodes de l’année et les plages horaires au sein desquelles le convoyage est autorisé ;
« 3° La liste des engins qui peuvent être utilisés pour le convoyage de la clientèle et les moyens de les identifier ;
« 4° Si nécessaire, des prescriptions particulières sur les conditions d’exécution du convoyage motivées par des motifs de sécurité, de protection de l’environnement ou de tranquillité publique. A cet effet, l’autorisation peut notamment limiter le gabarit, la masse, le niveau sonore et la vitesse de progression des engins de convoyage et leur imposer des dispositifs de signalisation et d’avertissement sonore appropriés.

« Art. R. 362-1-3. – La demande d’autorisation mentionnée à l’article R. 362-1-2 est présentée par l’exploitant de l’établissement et adressée par tout moyen, permettant d’établir une date certaine de réception, au maire de la commune où se situe l’établissement. Lorsque l’itinéraire proposé concerne plusieurs communes, le maire saisi de la demande l’adresse au préfet de département qui l’instruit selon les mêmes modalités. Le maire en informe le demandeur.
« La demande est accompagnée d’un dossier comprenant :
« 1° L’identification et l’adresse du demandeur ;
« 2° Lorsque le demandeur est une personne morale, l’acte autorisant le représentant de cette personne morale à déposer la demande ;
« 3° Un plan de situation permettant de localiser la zone concernée par le convoyage et matérialisant le ou les itinéraires demandés au sein du domaine skiable ;
« 4° L’identification par tout moyen des engins destinés à assurer le convoyage de la clientèle, avec mention de leurs caractéristiques, notamment en termes de gabarit, de masse, de nombre de personnes transportées, de vitesse, de niveau sonore, de signalisation et de performances de freinage ;
« 5° Une attestation d’assurance souscrite conformément aux dispositions de l’article L. 211-1 du code des assurances.
« Le maire ou le préfet instruisent la demande. Ils recueillent l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sur l’itinéraire de convoyage demandé. Le silence gardé par le maire ou par le préfet pendant trois mois vaut rejet de la demande.
« Le bénéficiaire d’une autorisation de convoyage qui souhaite modifier la consistance du parc des engins de convoyage autorisés adresse, selon le cas, au maire ou au préfet, une déclaration précisant les engins qu’il retire et ceux qu’il souhaite ajouter. Pour ces derniers, il précise leurs caractéristiques au sens du 4° ci-dessus et joint l’attestation d’assurance mentionnée au 5°. Le maire ou le préfet disposent d’un délai de deux mois pour faire opposition. »
Article 2

Le 2° de l’article R. 362-2 du code de l’environnement est remplacé par les dispositions suivantes :
« 2° L’interdiction d’utilisation, à des fins de loisirs, d’engins motorisés conçus pour la progression sur neige, sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 362-3. »
Article 3

La ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, est chargée de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Accident sur un sentier de randonnée – Responsabilité de la commune – Faute des victimes

Cour administrative d’appel de Bordeaux

N° 16BX00070   
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre (formation à 3)
M. LALAUZE, président
Mme Christine MEGE, rapporteur
Mme DE PAZ, rapporteur public
COUDRAY*, avocat

lecture du mardi 12 juillet 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mlle D…C…et M. B…C…ont demandé au tribunal administratif de Saint-Denis de condamner la commune de Cilaos à les indemniser des préjudices qu’ils estiment avoir subis du fait de l’accident dont Mlle C…et sa mère ont été victimes le 3 avril 2002 sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1000710 du 4 octobre 2012, le tribunal administratif de la Réunion a déclaré la commune de Cilaos responsable des trois quarts des conséquences dommageables de cet accident et prescrit avant-dire droit une expertise médicale à l’effet d’évaluer les préjudices subis par MlleC….

Par un arrêt n° 12BX03269 du 13 mai 2014, la cour a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par les consorts C…devant le tribunal administratif de Saint-Denis ainsi que leur appel incident tendant à la condamnation de la commune de Cilaos à les indemniser de l’intégralité de leurs préjudices.

Par une décision n° 382634 du 7 janvier 2016, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

La décision n° 382634 du 7 janvier 2016 du Conseil d’Etat a été enregistrée au greffe de la cour sous le n° 16BX00070 le 11 janvier 2016.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 décembre 2012 et 18 mars 2016, la commune de Cilaos, représentée par MeA…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1000710 du 4 octobre 2012 du tribunal administratif de Saint-Denis ;

2°) de rejeter les demandes indemnitaires des consorts C…ainsi que celles de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise ;

3°) de mettre à la charge des consorts C…la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………………………….

Vu :
– les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de la sécurité sociale ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Christine Mège,
– les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
– et les observations de MeA…, représentant la commune de Cilaos.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 avril 2002, alors qu’elles empruntaient le sentier GR-R2, Mlle C…et sa mère se sont éloignées de ce sentier pour rejoindre un site naturel formé de vasques d’eau chaude, situé sur le territoire de la commune de Cilaos, en empruntant un itinéraire non aménagé longeant le lit de la rivière Bras-Rouge. Un éboulement des rives de ce cours d’eau a gravement blessé Mlle C…et provoqué le décès de sa mère. La commune de Cilaos a relevé appel du jugement n° 1000710 du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis l’a déclarée responsable des trois quarts des conséquences dommageables de cet accident pour Mlle C… et son frère et prescrit avant-dire droit une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis par MlleC…. Par la voie de l’appel incident, les consorts C…ont demandé à la cour de réformer le jugement en déclarant la commune intégralement responsable des préjudices résultant de cet accident. Par un arrêt du 13 mai 2014, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis et rejeté les conclusions des consorts C…devant ce tribunal. Saisi d’un pourvoi formé par ces derniers, le Conseil d’Etat, par une décision du 7 janvier 2016, a annulé l’arrêt de la cour et renvoyé l’affaire devant la cour de Bordeaux. En outre, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise demande à la cour de condamner la commune de Cilaos à l’indemniser des débours exposés pour son assurée.

2. Aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales :  » La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, (…) les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, (…) de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure « . En vertu de ces dispositions, il incombe au maire de la commune d’assurer la sécurité des promeneurs et notamment de signaler les dangers qui excèdent ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir.

3. Le site des vasques d’eau chaude de la rivière Bras-Rouge est répertorié comme un site pittoresque et digne d’intérêt par les principaux guides touristiques de La Réunion. Il est, de ce fait, fréquenté par de nombreux randonneurs qui, pour l’atteindre, quittent le GR R2 et empruntent un itinéraire dont le caractère dangereux est avéré, y compris en l’absence de conditions météorologiques particulières. Il résulte de l’instruction que la commune de Cilaos ne pouvait ignorer l’existence du balisage de cet itinéraire qui, en dépit de son caractère non officiel, était de nature à induire les randonneurs en erreur sur son aménagement. En outre, à la date de l’accident, la dangerosité de cet itinéraire était temporairement aggravée par le récent passage du cyclone Harry, qui avait justifié la fermeture des sentiers de randonnée de l’île par un arrêté préfectoral du 13 mars 2002, toujours en vigueur au moment de l’accident. Alors même que les sentiers de randonnée de l’île de La Réunion présenteraient un danger supérieur au danger moyen des sentiers de randonnée et justifieraient de ce fait une prudence particulière de la part des promeneurs, et sans préjudice des obligations qui pouvaient également incomber à d’autres personnes morales telles que l’ONF ni des fautes éventuelles des victimes, il incombait au maire de Cilaos, en vertu des dispositions de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, de prendre toute mesure pour informer les randonneurs du danger à s’engager sur l’itinéraire, situé sur le seul territoire de la commune, menant à ces vasques depuis le GR-R2.

4. Il résulte de l’instruction que le maire de la commune de Cilaos n’a pris aucune mesure pour assurer la correcte information des randonneurs empruntant le sentier GR R2 sur la dangerosité de l’itinéraire permettant d’accéder, depuis ce sentier, aux vasques d’eau chaude de la rivière Bras-Rouge au travers du territoire de la commune par un sentier au balisage non officiel. A la suite du passage du cyclone Harry, il s’est borné à afficher seulement en mairie l’arrêté du préfet interdisant la randonnée sur la partie du sentier GR R2 traversant la commune sans afficher sur place une information spécifique sur les dangers du sentier menant aux vasques. Cette carence dans l’exercice par le maire de Cilaos des pouvoirs de police qu’il détient en vue d’assurer la sécurité des promeneurs est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Cilaos sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’aucun accident n’avait été jusqu’alors à déplorer sur cet itinéraire.

5. Après que l’île de la Réunion ait été balayée par le cyclone Harry entre le 7 mars et le 12 mars 2002, le préfet de la Réunion a, par arrêté du 13 mars 2002, prononcé la fermeture des itinéraires de randonnée dont notamment la partie du sentier GR R2 située sur le territoire de la commune de Cilaos. Cet arrêté, qui était toujours en vigueur à la date de l’accident survenu le 2 avril 2002, était affiché en mairie de Cilaos. Il résulte de l’instruction qu’à cette date, l’ONF avait mis fin à l’affichage de cet arrêté au point de départ du sentier GR R2 après avoir estimé que le parcours ne présentait plus de risques. Il est constant que Mlle C…et sa mère, qui ne connaissaient pas les lieux, avaient pris la précaution de prendre des renseignements auprès de la Maison de la montagne dont l’agent d’accueil leur a indiqué que les sentiers étaient rouverts et leur a remis l’itinéraire à suivre pour rejoindre le site des vasques. Cet agent a cependant déclaré lors de son audition dans le cadre de la procédure pénale ouverte quant aux circonstances de l’accident, que de manière générale il déconseillait cet itinéraire aux touristes. En s’engageant néanmoins, peu de temps après le passage du cyclone Harry, sur cet itinéraire menant aux vasques d’eau chaude dont la dangerosité et l’absence de balisage était en outre signalée dans le guide que Mlle C…et sa mère avaient à leur disposition, ces dernières ont commis une imprudence fautive de nature à exonérer partiellement la responsabilité de la commune de Cilaos à hauteur d’un quart.

6. Il résulte de ce qui précède que ni la commune de Cilaos ni les consorts C…ne sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement contesté du 4 octobre 2012, le tribunal administratif de Saint-Denis a déclaré la commune de Cilaos responsable des conséquences dommageables de l’accident à hauteur des trois quarts.

7. Par le jugement contesté, le tribunal administratif de Saint-Denis a en outre avant-dire droit prescrit une expertise afin de déterminer les préjudices de Mlle C…et réservé notamment les droits de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise. Par suite, les conclusions de cette dernière tendant à la condamnation de la commune de Cilaos à l’indemniser des débours exposés pour son assurée et celles tendant à l’application de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale sont prématurées et par suite irrecevables.

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Cilaos, qui n’est pas partie perdante dans la présente affaire, verse la somme demandée, d’une part, par les consortsC…, d’autre part, par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise, au titre des frais qu’ils ont exposés. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge des consorts C…la somme demandée en application des mêmes dispositions par la commune de Cilaos.

DECIDE

Article 1er : La requête de la commune de Cilaos est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d’appel incident et celles tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par les consorts C…sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise sont rejetées.
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N° 16BX00070


 

Analyse

Abstrats : 135-02-03-02-02-01 Collectivités territoriales. Commune. Attributions. Police. Police de la sécurité. Police des lieux dangereux.
49-04-03-01 Police. Police générale. Sécurité publique. Police des lieux dangereux.

ICHN – Conditions d’attribution

 Décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires des handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées et modifiant le code rural et de la pêche maritime
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032958527&dateTexte=&categorieLien=

Arrêté du 1er août 2016 pris en application du décret n° 2016-1050 du 1er août 2016 fixant les conditions d’attribution des indemnités compensatoires de handicaps naturels permanents dans le cadre de l’agriculture de montagne et des autres zones défavorisées, et modifiant le code rural et de la pêche maritime, et modifiant l’arrêté du 9 octobre 2015 relatif aux modalités d’application concernant le système intégré de gestion et de contrôle, l’admissibilité des surfaces au régime de paiement de base et l’agriculteur actif dans le cadre de la politique agricole commune à compter de la campagne 2015
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032958541&dateTexte=&categorieLien=id

Agrandissement de domaine skiable/ Vente de foncier entre communes/ Contrat administratif (clauses exorbitantes)

Tribunal des Conflits

N° C4051
Mentionné dans les tables du recueil Lebon

M. Honorat, président
M. Rémy Schwartz, rapporteur
M. Girard, commissaire du gouvernement

lecture du lundi 6 juin 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral

Vu, enregistrée à son secrétariat le 5 février 2016, l’expédition de l’arrêt du 1er février 2016 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux, statuant, d’une part, sur la demande de la commune d’Aragnouet tendant à l’annulation du jugement du 29 juin 2012 du tribunal administratif de Pau par lequel, statuant avant dire droit, il a ordonné une expertise pour déterminer le montant de l’indemnité due par la commune d’Aragnouet à la commune de Vignec suite à la résiliation de la convention du 25 août 1970 liant les deux communes, d’autre part, sur l’appel incident de la commune de Vignec tendant à la condamnation de la commune d’Aragnouet à lui verser la somme de 4 260 000 euros au titre du rachat de sa rente foncière, a renvoyé au Tribunal par application de l’article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 mai, présenté par la SCP Delaporte, Briard, Trichet pour la commune de Vignec, qui conclut à la compétence de la juridiction administrative pour connaître de ce litige ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à la commune d’Aragnouet et au ministre de l’intérieur, qui n’ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Rémy Schwartz , membre du Tribunal,
– les conclusions de M. Michel Girard, Rapporteur public ;

Considérant que, par arrêté du 4 juin 1970, le préfet des Hautes-Pyrénées a déclaré d’utilité publique la création d’une station de sports d’hiver au lieu-dit  » Piau Engaly  » sur le territoire de la commune d’Aragnouet et a dressé la liste des immeubles à acquérir à cette fin ; que des terrains appartenant en indivision aux communes de Cadheilhan Trachère et de Vignec figuraient sur cette liste ; que la commune de Vignec a cédé l’ensemble de ses parts sur ces terrains à la commune d’Aragnouet par convention du 25 août 1970, modifiée par un avenant du 19 avril 1973 ; que le maire de la commune d’Aragnouet a résilié cette convention le 31 décembre 2007, sur le fondement d’une délibération du conseil municipal du 27 novembre 2007 ; que le recours pour excès de pouvoir contre cette délibération a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2010 confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 15 mars 2011; que la commune de Vignec a saisi le tribunal administratif de Pau d’une demande d’indemnisation au titre du préjudice allégué résultant de cette résiliation ; que, sur appel du jugement du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Pau, statuant avant-dire droit, a ordonné une expertise, la cour administrative d’appel de Bordeaux a elle-même sursis à statuer et renvoyé au Tribunal, en application de l’article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Considérant que si le contrat portant cession par une commune de biens immobiliers faisant partie de son domaine privé est, en principe, un contrat de droit privé, y compris lorsque l’acheteur est une autre personne publique, l’existence dans le contrat d’une ou de plusieurs clauses impliquant dans l’intérêt général qu’il relève d’un régime exorbitant de droit public confère cependant à ce contrat un caractère administratif ;

Considérant que les clauses de la convention du 25 août 1970 prévoyant notamment, en contrepartie de la cession de parts sur des biens relevant du domaine privé de la commune de Vignec, cédante, une garantie accordée au vendeur de ne pas supporter le coût des impôts fonciers pour les biens conservés, des garanties accordées aux habitants de Vignec d’acheter ou de louer des biens immobiliers sur le territoire de la commune d’Aragnouet à des conditions privilégiées, ainsi que l’accès à des  » emplois réservés  » et le bénéfice de conditions préférentielles d’utilisation du service des remontées mécaniques, impliquaient dans l’intérêt général que cette convention relève du régime exorbitant des contrats administratifs ; qu’il en résulte que le juge administratif, compétent pour connaître de la légalité d’un tel contrat et de ses clauses, est ainsi compétent pour connaître du litige né de sa résiliation ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : La juridiction de l’ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant la commune d’Aragnouet à la commune de Vignec.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune d’Aragnouet, à la commune de Vignec et au ministre de l’intérieur.

RM privées. Conditions d’indemnisation de l’exploitant hors régime des biens de retour

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 15MA04083   
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre – formation à 3
M. MARCOVICI, président
M. Allan GAUTRON, rapporteur
M. THIELE, rapporteur public
CABINET RACINE ; CABINET RACINE ; , avocat

lecture du jeudi 9 juin 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1 – Le préfet des Alpes de Haute-Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille, d’une part, d’annuler la délibération du 30 octobre 2013 par laquelle la communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye a approuvé le protocole d’accord portant sur la reprise de la station de ski  » Sauze – Super Sauze  » et d’autre part, d’annuler la délibération du 28 juillet 2014 par laquelle la communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye a approuvé le protocole d’accord portant sur la reprise de la station de ski  » Sauze – Super Sauze  » et remplaçant le protocole d’accord du 1er novembre 2013.

Par un jugement rendu sous les Nos 1403085 et 1407888 du 18 août 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes du préfet des Alpes-Maritimes.

2 – Le préfet des Alpes de Haute-Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler la délibération n° 47/2013 en date du 9 novembre 2013 par laquelle la commune d’Enchastrayes a approuvé la contribution financière qu’elle s’est engagée à verser dans le cadre du protocole relatif à la reprise de la station de ski  » Sauze – Super Sauze « , lui-même approuvé par une délibération de la communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye en date du 30 octobre 2013, ensemble la délibération n° 22/2014 en date du 3 mars 2014 par laquelle la délibération n° 12/2014 du 20 février 2014 retirant la délibération n° 47/2013 précitée à la suite du recours gracieux qu’il a émis, a été retirée.

Par un jugement n° 1403072 du 18 août 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande du préfet des Alpes de Haute-Provence.

Procédure devant la cour administrative d’appel :

I. – Par une requête n° 15MA04083 et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 octobre 2015 et 21 avril 2016, le préfet des Alpes de Haute-Provence demande à la Cour d’annuler le jugement rendu par le tribunal administratif de Marseille sous les Nos 1403085 et 1407888 le 18 août 2015.

Il soutient que :
– sa requête en appel n’est pas tardive ;
– le jugement attaqué comporte une motivation insuffisante en réponse à son moyen tiré de l’illégalité du protocole d’accord litigieux, en ce que ce dernier met à la charge de la commune d’Enchastrayes une contribution financière sous la forme d’un fonds de concours ;
– le protocole d’accord litigieux soumet illégalement les biens en faisant l’objet, en totalité, au régime des biens de reprise, alors qu’il s’agit de bien de retour ;
– ces biens n’ont pas fait l’objet d’une simple mise à disposition par leur propriétaire privé pour l’exécution du service public ;
– ils sont indispensables à l’exécution du service public ;
– le même protocole indemnise le retour de ces biens à leur valeur vénale et non à leur valeur nette comptable, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 342-3 du code du tourisme ;
– il met illégalement une contribution financière à la charge de la commune d’Enchastrayes ;
– celle-ci n’a pas plus de compétence en matière de création, d’aménagement, de gestion et d’exploitation des remontées mécaniques, ni en matière de tourisme ;
– les dispositions de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales ne l’autorisent pas à contribuer au rachat des biens dont s’agit au titre d’un fonds de concours ;
– ces mêmes dispositions ne lui permettent pas d’assurer seule, par ce moyen, le financement de ce rachat ;
– les délibérations attaquées ne font pas état de la constitution d’un fonds de concours.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2015, la communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye, représentée par MeD…, conclut au rejet de la requête, par la voie de l’appel incident, à l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il a prononcé un non-lieu à statuer sur la légalité de la délibération du 15 juillet 2013 et au rejet des conclusions du préfet des Alpes de Haute-Provence tendant à son annulation et, enfin, à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– les moyens soulevés par le préfet des Alpes de Haute-Provence ne sont pas fondés ;
– le retrait de la délibération du 15 juillet 2013 par la délibération du 28 juillet 2014 n’est pas définitif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2016, la société E…Frères SARL, M. A…E…, l’indivision B…E…et la Société d’exploitation des remontées mécaniques du Sauze (SERMA) SARL, représentés par MeC…, concluent au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet des Alpes de Haute-Provence ne sont pas fondés.

II. – Par une requête n° 15MA04084, enregistrée le 19 octobre 2015, le préfet des Alpes de Haute-Provence demande à la Cour d’annuler le jugement n° 1403072 du tribunal administratif de Marseille du 18 août 2015.

Il soutient que :
– sa requête en appel n’est pas tardive ;
– la contribution financière approuvée par la délibération attaquée est illégale.

Une mise en demeure a été adressée à la commune d’Enchastrayes le 7 janvier 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code du tourisme ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ;
– le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. Laurent Marcovici, président, pour présider les formations de jugement en cas d’absence ou d’empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Gautron,
– les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
– et les observations de Me F…représentant la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye et Me C…représentant la société E…Frères et autres

Une note en délibéré, présentée par le cabinet Racine Lyon, a été enregistrée le 19 mai 2016.

1. Considérant que la station de ski  » Sauze – Super Sauze « , implantée sur le territoire de la commune d’Enchastrayes, a été créée, aménagée puis étendue par différentes personnes privées sur des terrains leur appartenant ou dont ils avaient la jouissance, à partir des années 30 ; que pour la gestion du domaine skiable, une convention dite de  » transport public d’intérêt local « , portant sur  » la gestion aux risques et périls de services de transports publics de voyageurs par téléphérique ou remonte-pente « , a, d’une part, été conclue, le 1er janvier 1982, concernant sa partie ancienne, pour une durée de trente années, entre la SARL SERMA et la commune, à laquelle s’est substituée la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye (CCVU) selon avenant du 7 janvier 1999 ; que d’autre part, concernant le reste dudit domaine, une convention qualifiée de  » délégation de service public pour l’aménagement du domaine skiable et l’exploitation des remontées mécaniques du Sauze – Super Sauze – La rente (…)  » a été conclue, le 28 décembre 1998, pour une durée de 14 ans, entre la SARL E…Frères et la CCVU, dont l’échéance a été reportée au 30 juin 2013 par avenant du 18 novembre 2011 ; que la procédure de mise en concurrence lancée par la CCVU, en vue de la conclusion d’une délégation de service public portant sur l’exploitation de l’ensemble du domaine skiable, a été déclarée infructueuse par une délibération de son conseil communautaire du 22 mai 2013 ; que par une nouvelle délibération du 13 juin suivant, celui-ci a, en conséquence, décidé la reprise en régie de cette exploitation ; que l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de la partie ancienne du domaine skiable ont fait gratuitement retour à la commune, à l’issue de la convention du 1er janvier 1982 ; que s’agissant des biens affectés à l’exploitation du reste de ce domaine, leur remise au CCVU a été ordonnée à la SARL E…Frères par une ordonnance n° 1304090 du juge de référés du tribunal administratif de Marseille, aujourd’hui définitive ; que le même juge ayant rejeté, par deux ordonnances n° 1005065 du 23 août 2010 et n° 1304273 du 7 août 2013, les demandes de la CCVU tendant à la désignation d’un expert en vue de procéder à l’inventaire et à l’évaluation de ces biens, les mêmes parties, ainsi que des tiers disposant également de droits sur lesdits biens et la commune d’Enchastrayes ont recherché un accord amiable sur ces différents points ; qu’un premier protocole a été approuvé par une délibération du conseil communautaire du CCVU du 30 octobre 2013 et signé le 21 novembre suivant ; qu’un second protocole, tendant à répondre aux objections formulées par le préfet des Alpes de Haute-Provence à l’encontre du précédent, a été approuvé par une nouvelle délibération du 28 juillet 2014, prévoyant notamment le rachat des biens dont s’agit par la CCVU pour un montant total de 3 700 000 euros hors taxes, dont 1 200 000 euros hors taxes à verser par la commune d’Enchastrayes ; que par une délibération du 9 novembre 2013, le conseil municipal de cette commune a approuvé le principe de la contribution financière mise à sa charge à ce titre ; que le préfet des Alpes de Hautes-Provence relève appel, d’une part, du jugement rendu par le tribunal administratif de Marseille, le 18 août 2015, sous les numéros 1403085 et 1407888, par lequel celui-ci a estimé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de son déféré tendant à l’annulation de la délibération du 30 octobre 2013 et rejeté celles tendant à l’annulation de la délibération du 28 juillet 2014 ; qu’il relève appel, d’autre part, du jugement du même tribunal n° 1403072 du même jour, qui a rejeté son déféré formé à l’encontre de la délibération du 9 novembre 2013 ; que par la voie de l’appel incident, la CCVU demande l’annulation du premier de ces deux jugements, en tant qu’il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions du préfet tendant à l’annulation de la délibération du 30 octobre 2013 et le rejet de ces conclusions ;

Sur la jonction :

2. Considérant que les affaires n° 15MA04083 et n° 15MA04084 présentent à juger des questions identiques et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement nos 1403085 et 1407888 :

3. Considérant, d’une part, que si le préfet des Alpes de Haute-Provence soutient que le jugement attaqué est entaché d’insuffisance de motivation dans sa réponse à son moyen tiré de l’illégalité du protocole d’accord approuvé par la délibération du 28 juillet 2014 du conseil communautaire de la CCVU, en ce que ce dernier met à la charge de la commune d’Enchastrayes une contribution financière sous la forme d’un fonds de concours, il résulte de l’instruction, notamment de l’analyse de ce moyen par les premiers juges, laquelle n’est pas elle-même contestée, que c’est seulement au titre d’un détournement de procédure que ce moyen était soulevé devant le tribunal administratif ; que les premiers juges, qui n’avaient pas à répondre à l’ensemble des arguments avancés à l’appui de ce moyen, ont répondu à ce moyen au point 15 de leur jugement, par une motivation suffisante ; que le moyen doit ainsi être écarté ;

4. Considérant toutefois, d’autre part, que si, par l’article 2 du jugement attaqué, les premiers juges ont prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d’annulation dirigées contre la délibération du 30 octobre 2013, en raison de son retrait par celle du 28 juillet 2014, il est constant que ce retrait ne pouvait, dès lors que le tribunal administratif était également saisi de conclusions tendant à l’annulation de la second délibération, avoir acquis un caractère définitif à la date de ce jugement ; que par suite, la CCVU est fondée à soutenir que celui-ci se trouve, dans cette mesure, entaché d’irrégularité et à demander, à ce titre, l’annulation de son article 2 ;

5. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande du préfet des Alpes de Haute-Provence devant le tribunal administratif, tendant à l’annulation de la délibération du comité communautaire de la CCVU du 30 octobre 2013 ;
Sur la légalité de la délibération du 30 octobre 2013 :
6. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 342-9 du code du tourisme :  » Le service des remontées mécaniques, le cas échéant étendu aux installations nécessaires à l’exploitation des pistes de ski, est organisé par les communes sur le territoire desquelles elles sont situées […].  » ; que selon l’article L. 342-13 du même code :  » L’exécution du service est assurée soit en régie directe, soit en régie par une personne publique sous forme d’un service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l’autorité compétente.  » ; que l’article L. 342-14 de ce code dispose que  » La convention est établie conformément aux dispositions des articles L. 342-1 à L. 342-5 et fixe la nature et les conditions de fonctionnement et de financement du service. Elle définit les obligations respectives des parties ainsi que les conditions de prise en charge de l’indemnisation des propriétaires pour les servitudes instituées en vertu des articles L. 342-20 à L. 342-23. Elle peut prévoir la participation financière de l’exploitant à des dépenses d’investissement et de fonctionnement occasionnées directement ou indirectement par l’installation de la ou des remontées mécaniques.  » ; qu’aux termes de son article L. 342-2 :  » Les contrats établis à cet effet […] prévoient à peine de nullité : 1° L’objet du contrat, sa durée et les conditions dans lesquelles il peut éventuellement être prorogé ou révisé ; 2° Les conditions de résiliation, de déchéance et de dévolution, le cas échéant, des biens en fin de contrat ainsi que les conditions d’indemnisation du cocontractant. Dans le cas des conventions de remontées mécaniques, l’indemnisation pour les biens matériels est préalable à la résiliation du contrat ; 3° Les obligations de chacune des parties et, le cas échéant, le montant de leurs participations financières ; 4° Les pénalités ou sanctions applicables en cas de défaillance du cocontractant ou de mauvaise exécution du contrat ; (…)  » ;

7. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales :  » Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service. (…).  » ;

8. Considérant, d’une part, que si les dispositions précitées du code du tourisme issues de la loi susvisée du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, confient aux communes l’organisation et l’exécution du service des remontées mécaniques, elles ne subordonnent pas la passation d’une convention d’exploitation de remontées mécaniques à la condition que la collectivité se rende préalablement propriétaire, à l’amiable ou par voie forcée, des remontées existantes à la date de la promulgation de la loi ; que, d’autre part, si les règles qui gouvernent les concessions de service public imposent que les biens nécessaires au fonctionnement du service public appartiennent à la collectivité concédante dès l’origine, ce principe ne trouve pas nécessairement à s’appliquer à toute convention d’exploitation d’un équipement, lorsque le délégataire en était propriétaire antérieurement à la passation de la convention et qu’il l’a seulement mis à disposition pour l’exécution de celle-ci ; que si ces biens sont nécessaires à l’exploitation du service, il appartient toutefois à la collectivité, afin de garantir sa continuité au terme de la convention, de se réserver la faculté pour elle d’en faire l’acquisition ;

9. Considérant que contrairement à ce que soutient le préfet des Alpes de Haute-Provence, il résulte de ce qui précède que la circonstance que les biens faisant l’objet du protocole d’accord litigieux revêtent un caractère indispensable pour l’exploitation du service public des remontées mécaniques de la station  » Sauze-Super Sauze  » et devaient, par suite, nécessairement être acquis par la collectivité publique gestionnaire de ce service à l’issue de la convention de délégation conclue le 28 décembre 1998, n’est pas, à elle seule, de nature à faire regarder ces biens comme devant nécessairement être soumis à toutes les règles relatives aux biens dits de retour ; que, dès lors qu’il est constant que ces biens n’ont jamais cessé d’être la propriété de personnes privées parmi lesquelles figurait notamment le délégataire de ce service public, ils doivent être regardés, au sens et pour l’application des principes exposés au point précédents, comme simplement mis à disposition pour l’exécution de ladite convention ; qu’ainsi, ces personnes privées et le CCVU pouvaient valablement, par le protocole d’accord litigieux, organiser les conditions de leur rachat par la collectivité publique, dans le but de garantir la pérennité du service public sans pour autant porter atteinte au droit de propriété, comme l’ont relevé à bon droit les premiers juges ; qu’il s’en suit qu’en s’abstenant de leur faire application des règles juridiques applicable aux biens dits de retour en matière d’évaluation, ce protocole d’accord n’a pas méconnu ces règles, ni les dispositions précitées, notamment de l’article L. 342-2 du code du tourisme ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 342-3 du même code :  » Conformément aux dispositions de l’article 34 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, la durée de ces contrats est modulée en fonction de la nature et de l’importance des investissements consentis par l’aménageur ou l’exploitant. / Lorsque la durée résiduelle d’un contrat portant sur le service des remontées mécaniques défini à l’article L. 342-9 est insuffisante pour permettre l’amortissement normal d’investissements supplémentaires demandés par la personne publique délégante pour moderniser les infrastructures existantes, les parties peuvent convenir, par voie d’avenant, des conditions d’indemnisation du délégataire pour lesdits investissements qui ne seraient pas amortis au terme du contrat. La personne publique peut se faire rembourser tout ou partie du montant de cette indemnisation par le nouveau cocontractant désigné pour poursuivre l’exploitation du service.  » ;

11. Considérant que s’agissant de biens qui ne sont pas soumis au régime applicable aux biens dits de retour, l’indemnité doit être égale à la valeur vénale de ces biens et non à leur valeur nette comptable ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le protocole d’accord litigieux aurait, en retenant une indemnité fondée sur la valeur vénale, méconnu par refus d’application les règles juridiques applicables aux biens dits de retour et les dispositions précitées de l’article L. 342-3 du code du tourisme doit être écarté ;

12. Mais considérant, en dernier lieu, qu’aux termes du I termes de l’article L. 5214-6 du code général des collectivités territoriales :  » La communauté de communes exerce de plein droit au lieu et place des communes membres, pour la conduite d’actions d’intérêt communautaire, des compétences relevant de chacun des deux groupes suivants : (…) 2° Actions de développement économique intéressant l’ensemble de la communauté. (…) V.-Afin de financer la réalisation ou le fonctionnement d’un équipement, des fonds de concours peuvent être versés entre la communauté de communes et les communes membres après accords concordants exprimés à la majorité simple du conseil communautaire et des conseils municipaux concernés. / Le montant total des fonds de concours ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours. (…)  » ; qu’il résulte de l’ensemble des dispositions relatives aux communautés de communes que celles-ci ne peuvent obtenir des communes qui en sont membres des participations, même volontaires, au financement de travaux ou d’opérations relevant de compétences de la communauté, non transférées à ces communes ; qu’il n’est dérogé à ce principe que dans le cadre des dispositions précitées relatives aux fonds des concours et dans les limites des conditions qu’elles posent ;

13. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la CCVU exerce, conformément aux dispositions précitées du 2° du I de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales et en vertu de l’article 5 de ses statuts approuvés par un arrêté préfectoral n° 2012-2604 du 26 décembre 2012, en vigueur à la date des délibérations attaquées, une compétence obligatoire en matière de  » développement économique « , au titre de laquelle sont notamment définis comme d’intérêt communautaire  » la création, l’aménagement, la gestion, l’exploitation (…) des remontées mécaniques et des pistes de Pra-Loup, Le Sauze – Super Sauze, Saint-Anne La Condamine, Larches (…)  » ; qu’ainsi, elle ne pouvait obtenir de la commune d’Enchastrayes une participation, même librement consentie par cette dernière dans le cadre des protocoles d’accords litigieux, destinée à financer l’acquisition des biens nécessaires à l’exercice de cette compétence, sans qu’un fonds de concours soit institué entre ces collectivités, dans les conditions prévues par les dispositions précitées du V de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales ; que la circonstance, à la supposer même établie, que la commune d’Enchastrayes aurait conservé des compétences en matière d’aménagement du territoire communal, comme le soutient la CCVU, est à cet égard sans incidence ; qu’il en va de même de celle selon laquelle le montant de la participation communale demeure inférieure à celui acquitté par la CCVU ; que dès lors, la délibération du 30 octobre 2013, qui a pour objet d’approuver le protocole d’accord litigieux instituant une telle participation, est entachée d’illégalité ;

14. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes de Haute-Provence est fondé à demander l’annulation de cette délibération ;

Sur le bien-fondé du jugement nos 1403085 et 1407888, en tant qu’il statue sur les conclusions tendant à l’annulation de la délibération du 28 juillet 2014 et du jugement n° 1403072 :

15. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de ce qui a été dit aux points 9, 10 et 12 que le protocole d’accord litigieux pouvait valablement, d’une part, organiser le rachat par la CCVU des biens nécessaires au service public des remontées mécaniques de la station  » Sauze-Super Sauze  » et d’autre part, prévoir que ce rachat serait effectué à la valeur vénale des biens ;

16. Considérant, en second lieu, que les dispositions précitées du V de l’article L. 5214-6 du code général des collectivités territoriales permettent la constitution d’un fonds de concours dans le but de financer la réalisation ou le fonctionnement d’un équipement public, par dérogation au principe rappelé au point 13 ; que la réalisation d’un tel équipement inclut notamment son acquisition par la collectivité publique qui entend l’exploiter ; qu’ainsi, la CCVU et la commune d’Enchastrayes pouvaient, sans méconnaitre ces dispositions, organiser l’attribution par la seconde d’un fonds de concours à la première afin de financer cette acquisition ; qu’en outre, contrairement à ce que soutient le préfet des Alpes de Haute-Provence, le montant de la participation communale représente moins de la moitié du coût de ce rachat, au regard des sommes mentionnées au point 1 ; que la circonstance que les délibérations attaquées ne mentionnent pas la mise en oeuvre d’un tel fonds est, à cet égard, sans incidence, dès lors que ces délibérations, qui ont pour unique objet d’approuver le protocole d’accord en litige, visent ce dernier, qui fait quant à lui mention de ce fonds de concours et indiquent que celui-ci a été préalablement communiqué aux membres de chacune des assemblées délibérantes ;

17. Considérant qu’il résulte tout ce qui précède que le préfet des Alpes de Haute-Provence n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par leurs jugements attaqués, les premiers juges ont rejeté ses demandes tendant, à titre principal, à l’annulation de la délibération du comité communautaire de la CCVU du 28 juillet 2014 approuvant ce protocole d’accord et celle du conseil municipal de la commune d’Enchastrayes du 9 novembre 2013 approuvant le principe de sa participation financière dans le cadre de celui-ci ; qu’il est seulement fondé à soutenir, ainsi qu’il a été dit aux points 5 et 15, que c’est à tort que les premiers juges, par leur jugement Nos 1403085 et 1407888, ont prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil communautaire de la CCVU du 30 octobre 2013 et à demander l’annulation de l’article 2 dudit jugement et de cette même délibération ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’articles L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de la CCVU, de la société E…Frères, de M. A… E…, de l’indivision B…E…et la société SERMA tendant au remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : L’article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 août 2015 rendu sous les Nos 1403085 et 1407888 est annulé.

Article 2 : La délibération du conseil communautaire de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye du 30 octobre 2013 est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, à la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, à la commune d’Enchastrayes, à la société E…Frères SARL, à M. A…E…, à l’indivision B…E…et à la société d’exploitation des remontées mécaniques du Sauze SARL.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes de Haute-Provence.

Délibéré après l’audience du 19 mai 2016 où siégeaient :

– M. Marcovici, président,
– Mme Héry, premier conseiller,
– M. Gautron, conseiller,

Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
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Nos 15MA04083…