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Val d’Isère – PLU – Illégalité partielle

CAA de LYON

N° 19LY00031
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme MARGINEAN-FAURE, président
M. Thierry BESSE, rapporteur
M. LAVAL, rapporteur public
SELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES, avocat

lecture du mardi 19 novembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat des copropriétaires de la résidence L’Albaron et autres, le syndicat des copropriétaires de la résidence Squaw Valley et autres, le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Verdets 1 et autres, la copropriété Le Calendal et autres, la copropriété Solaise Plein sud, la copropriété de la résidence Les Glaciers, la copropriété Le Floride, la copropriété Les Silènes, la copropriété Le Crêt 1, la copropriété de la résidence du Val et la copropriété Le Val blanc ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, par onze requêtes distinctes, d’annuler la délibération du 19 décembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Val d’Isère a approuvé le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune.

Par un jugement n° 1701033-1701081-1703210-1703435-1703441-1703443-1703449-1703452-1703455-1703460-1703461 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces onze requêtes et a annulé cette délibération du 19 décembre 2016.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2019 et des mémoires complémentaires enregistrés les 15 mai 2019 et 23 mai 2019, ce dernier mémoire n’ayant pas été communiqué, la commune de Val d’Isère, représentée par la SELAS Adamas Affaires Publiques, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 6 novembre 2018 ;
2°) de rejeter l’ensemble des conclusions des onze demandes ;
3°) à titre subsidiaire de mettre en oeuvre les dispositions de l’article L. 600-9 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de chacun des demandeurs de première instance la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le PLU méconnaît l’objectif de préservation des terres nécessaires au maintien des activités agricoles et pastorales applicable en zone de montagne en vertu des articles L. 122-10 et L. 122-11 du code de l’urbanisme ;
– c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le classement en zone U des parcelles cadastrées section AC n° 74, 75, 76, 77, 81, 92, 93, 101 et section AD n° 1, 3, 4, 455, 456, 13, 14, 15, 25, 28, 306, 307, 308, 319, 320, 322, 324, 377, 40, 46, 47, 48 et 41 est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des risques de chute de blocs de pierre ou d’avalanche ;
– c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le classement en zone U des parcelles cadastrées section AE n° 101 et 102 est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, alors que les études les plus récentes démontrent que des constructions respectant des prescriptions adaptées pour le risque d’avalanche sont réalisables ;
– les articles 2.2 applicables aux zones Ua, Ub, Uc et Ud du règlement du PLU ne traitent pas différemment les constructions à usage d’habitation selon qu’elles sont affectées à l’habitat individuel ou collectif, mais tiennent compte des caractéristiques techniques ou architecturales de l’immeuble ;
– compte tenu de la nature des occupations et utilisations limitativement autorisées en zone N, c’est à tort que les premiers juges ont estimé que les constructions autorisées dans les zones Ne, Nr, Nrh, Nrhi et Na ne sont pas suffisamment encadrées, notamment s’agissant des règles de hauteur ;
– c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le classement en zone Uc de la parcelle AH 19, le classement en zone Uch de la parcelle AD 268, le classement en zone UCb des parcelles AC 397, 399 et 406 sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– les auteurs du PLU pouvaient légalement prévoir, dans les règles applicables à l’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) n° 7, que, conformément aux dispositions de l’article L. 342-1 du code du tourisme, les constructions autorisées dans le cadre d’opérations d’aménagement touristique soient subordonnées à la signature préalable d’une convention ;
– les dispositions de l’article L. 151-14 du code de l’urbanisme autorisent la création d’emplacements réservés de mixité sociale destinés à certaines catégories de logements, y compris pour les travailleurs saisonniers ;
– les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 3 mai 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 7 juin 2019, qui n’a pas été communiqué, la copropriété Le Crêt 1, la copropriété Le Floride, la copropriété Les Silènes, la copropriété Résidence du val, la copropriété Le Val blanc, la copropriété Solaise Plein sud, les copropriétés Le Calendal, Le mistral et Chalet Dalva, représentées par la SELARL CDMF Avocats affaires publiques, concluent au rejet de la requête et demandent qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Val d’Isère au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, le PLU méconnaît l’objectif de préservation des terres nécessaires au maintien des activités agricoles et pastorales applicable en zone de montagne ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les classements en zone U des parcelles cadastrées section AC n° 74, 75, 76, 77, 81, 92, 93, 101 et section AD n° 1, 3, 4, 455, 456, 13, 14, 15, 25, 28, 306, 307, 308, 319, 320, 322, 324, 377, 40, 46, 47, 48 et 41, en zone UCh des parcelles cadastrées section AE n° 101 et 102, en zone Uc de la parcelle AH 19, en zone UCb des parcelles AC 397, 399 et 406 sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, la délibération méconnaît l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme, en ce qu’elle prévoit des règles différentes selon que les constructions à usage d’habitation sont affectées à l’habitat individuel ou collectif, aux articles 2.2 applicables aux zones Ua, Ub, Uc et Ud du règlement du PLU ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les constructions autorisées dans les zones Ne, Nr, Nrh, Nrhi et Na ne sont pas suffisamment encadrées au regard de la nature des occupations et utilisations limitativement autorisées en zone N ;
– les modifications apportées au projet après enquête publique ont eu pour effet de porter atteinte à l’économie générale du projet, de sorte qu’une nouvelle enquête était nécessaire ;
– la commune avait pris en compte les observations émises par les personnes publiques associées avant l’enquête publique, sans arrêter un nouveau projet soumis à enquête publique ;
– le projet d’aménagement et de développement durables ne fixe pas d’objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et ne permet pas d’apprécier les efforts de lutte contre l’étalement urbain, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 123-1-3 du code de l’urbanisme ;
– les conseillers municipaux n’ont pas été mis à même d’avoir un réel débat sur le projet d’aménagement et de développement durables ;
– les modalités de concertation fixées par la délibération prescrivant l’élaboration du PLU n’ont pas été respectées ;
– la concertation s’est effectuée sur un temps trop court, qui n’a pas permis qu’elle soit utile et complète ;
– la délibération en litige a été adoptée en violation du droit à l’information des conseillers municipaux ;
– le classement en zone UDh de la parcelle B n° 2762 est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– le classement en zone Np de la parcelle cadastrée AE n° 187 est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– la création de l’emplacement réservé n° 1 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– le classement en zone Nsl de la parcelle AD n° 343 est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire enregistré le 3 mai 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 11 juin 2019, qui n’a pas été communiqué, la copropriété de la résidence Les Glaciers, représentée par Me K…, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Val d’Isère au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, le PLU méconnaît l’objectif de préservation des terres nécessaires au maintien des activités agricoles et pastorales applicable en zone de montagne ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les constructions autorisées dans les zones Ne, Nr, Nrh, Nrhi et Na ne sont pas suffisamment encadrées au regard de la nature des occupations et utilisations limitativement autorisées en zone N ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, le classement en zone Uc de la parcelle AH 19 est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, l’OAP n° 7 est illégale en ce qu’elle subordonne les constructions prévues à la signature préalable d’une convention fondée sur les dispositions de l’article L. 342-1 du code du tourisme ;
– l’OAP n° 7 est entachée d’illégalité en ce qu’elle fixe des prescriptions trop précises sur un secteur de taille limitée, sans traduction réglementaire de ces principes et sans que les prescriptions ainsi fixées ne soient justifiées par un motif d’intérêt général ;
– l’OAP n° 7 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce qu’elle ne prend pas en compte les conditions de circulation dans le secteur ;
– la délibération est illégale en raison de la participation d’un membre du conseil municipal intéressé, en méconnaissance de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;
– le règlement est entaché d’erreur de droit en ce qu’il s’applique à de multiples zones réparties en sous-zones définies en fonction de la destination des immeubles et qu’il n’institue ainsi pas des règles générales et absolues ;
– le règlement est entaché de contradictions ;
– le PLU, en ce qu’il n’identifie dans ses documents graphiques, aucune trame verte ou bleue, est entaché d’incohérences et d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire enregistré le 3 mai 2019, le syndicat des copropriétaires de la résidence L’Albaron, le syndicat des copropriétaires de la résidence La Balme, le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Mélèzes, M. L… G…, M. E… D… et M. Jean-Pierre Gallon, représentés par la SELARL Camille Mialot Avocat, concluent au rejet de la requête et demandent qu’une somme de 3 000 euros, à verser à chacun d’eux, soit mise à la charge de la commune de Val d’Isère au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, le PLU méconnaît l’objectif de préservation des terres nécessaires au maintien des activités agricoles et pastorales applicable en zone de montagne ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les classements en zone U des parcelles cadastrées section AC n° 74, 75, 76, 77, 81, 92, 93, 101 et section AD n° 1, 3, 4, 455, 456, 13, 14, 15, 25, 28, 306, 307, 308, 319, 320, 322, 324, 377, 40, 46, 47, 48 et 41, en zone UCh des parcelles cadastrées section AE n° 101 et 102, en zone Uc de la parcelle AH 19, en zone UCb des parcelles AC 397, 399 et 406 et en zone Uch de la parcelle AD 268, sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les articles 2.2 applicables aux zones Ua, Ub, Uc et Ud du règlement du PLU méconnaissent l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme, en ce qu’ils prévoient des règles différentes selon que les constructions à usage d’habitation sont affectées à l’habitat individuel ou collectif ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les constructions autorisées dans les zones Ne, Nr, Nrh, Nrhi et Na ne sont pas suffisamment encadrées au regard de la nature des occupations et utilisations limitativement autorisées en zone N ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, l’OAP n° 7 est illégale en ce qu’elle subordonne les constructions prévues à la signature préalable d’une convention fondée sur les dispositions de l’article L. 342-1 du code du tourisme ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, le règlement du PLU est illégal, en ce qu’il réserve aux actifs certains logements ;
– les conseillers municipaux n’ont pas été mis à même d’avoir un débat sur le projet d’aménagement et de développement durables ;
– le syndicat du pays de Maurienne, établissement compétent en matière de schéma de cohérence territoriale limitrophe de la commune, n’a pas été saisi pour avis du projet de plan, en méconnaissance de l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme, ce qui l’a privé d’une garantie ;
– le projet de PLU, qui était susceptible d’avoir des effets notables sur l’environnement, n’a pas été communiqué aux autorités italiennes, comme l’imposent les articles L. 104-7 et R. 104-26 du code de l’urbanisme ;
– l’avis d’enquête publique a été diffusé par voie de presse moins de quinze jours avant le début de l’enquête publique, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 123-11 du code de l’environnement, ce qui a été de nature à priver le public d’une garantie, sans que la commune puisse opposer la prolongation de l’enquête publique par un avis diffusé également tardivement ;
– le projet d’aménagement et de développement durables ne fixe aucune orientation relative à l’aménagement commercial, ni d’objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et ne permet pas d’apprécier les efforts de lutte contre l’étalement urbain, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 123-1-3 du code de l’urbanisme ;
– les articles A11, N11, Ua11, Ub11, Uc11, Ud11, Ue11 sont illégaux en ce qu’ils fixent des règles insuffisamment précises et prescriptives.

Par un mémoire enregistré le 3 mai 2019, le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Verdets 1 et M. F… P…, représentés par la SELARL Camille Mialot Avocat, concluent au rejet de la requête et demandent qu’une somme de 3 000 euros, à verser à chacun d’eux, soit mise à la charge de la commune de Val d’Isère au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, le PLU méconnaît l’objectif de préservation des terres nécessaires au maintien des activités agricoles et pastorales applicable en zone de montagne ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les classements en zone U des parcelles cadastrées section AC n° 74, 75, 76, 77, 81, 92, 93, 101 et section AD n° 1, 3, 4, 455, 456, 13, 14, 15, 25, 28, 306, 307, 308, 319, 320, 322, 324, 377, 40, 46, 47, 48 et 41, en zone UCh des parcelles cadastrées section AE n° 101 et 102, en zone Uc de la parcelle AH 19, en zone UCb des parcelles AC 397, 399 et 406 et en zone Uch de la parcelle AD 268, sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les articles 2.2 applicables aux zones Ua, Ub, Uc et Ud du règlement du PLU méconnaissent l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme, en ce qu’ils prévoient des règles différentes selon que les constructions à usage d’habitation sont affectées à l’habitat individuel ou collectif ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, les constructions autorisées dans les zones Ne, Nr, Nrh, Nrhi et Na ne sont pas suffisamment encadrées au regard de la nature des occupations et utilisations limitativement autorisées en zone N ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, l’OAP n° 7 est illégale en ce qu’elle subordonne les constructions prévues à la signature préalable d’une convention fondée sur les dispositions de l’article L. 342-1 du code du tourisme ;
– ainsi que l’ont retenu les premiers juges, le règlement du PLU est illégal, en ce qu’il réserve aux actifs certains logements ;
– les conseillers municipaux n’ont pas été mis à même d’avoir un débat sur le projet d’aménagement et de développement durables ;
– le syndicat du pays de Maurienne, établissement compétent en matière de schéma de cohérence territoriale limitrophe de la commune, n’a pas été saisi pour avis du projet de plan, en méconnaissance de l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme, ce qui l’a privé d’une garantie ;
– le projet de PLU, qui était susceptible d’avoir des effets notables sur l’environnement, n’a pas été communiqué aux autorités italiennes, comme l’imposent les articles L. 104-7 et R. 104-26 du code de l’urbanisme ;
– l’avis d’enquête publique a été diffusé par voie de presse moins de quinze jours avant le début de l’enquête publique, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 123-11 du code de l’environnement, ce qui a été de nature à priver le public d’une garantie, sans que la commune puisse opposer la prolongation de l’enquête publique par un avis diffusé également tardivement ;
– le projet d’aménagement et de développement durables ne fixe aucune orientation relative à l’aménagement commercial, ni d’objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et ne permet pas d’apprécier les efforts de lutte contre l’étalement urbain, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 123-1-3 du code de l’urbanisme ;
– les articles A11, N11, Ua11, Ub11, Uc11, Ud11, Ue11 sont illégaux en ce qu’ils fixent des règles insuffisamment précises et prescriptives ;
– la création de l’emplacement réservé n° 5 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire enregistré le 3 mai 2019, le syndicat des copropriétaires de la résidence Squaw Valley, M. H… B… et M. F… C…, représentés par la SELARL Camille Mialot Avocat, concluent au rejet de la requête et demandent qu’une somme de 3 000 euros, à verser à chacun d’eux, soit mise à la charge de la commune de Val d’Isère au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soulèvent les mêmes moyens que ceux développés par le syndicat des copropriétaires de la résidence L’Albaron et autres requérants dans le mémoire enregistré le même jour.

La clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 14 juin 2019, par une ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code du tourisme ;
– le code de l’environnement ;
– le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme, et notamment le VI de son article 12 ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
– les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
– et les observations de Me J…, représentant la commune de Val d’Isère, celles de Me I…, représentant le syndicat des copropriétaires de la résidence L’Albaron, le syndicat des copropriétaires de la résidence La Balme, le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Mélèzes, M. L… G…, M. E… D…, M. Jean-Pierre Gallon, le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Verdets 1 ; M. F… P…, le syndicat des copropriétaires de la résidence Squaw Valley, M. H… B… et M. F… C…, celles de Me A…, représentant la copropriété Le Crêt 1, la copropriété Le Floride, la copropriété Les Silènes, la copropriété Résidence du val, la copropriété Le Val blanc, la copropriété Solaise Plein sud, les copropriétés Le Calendal, Le mistral et Chalet Dalva, ainsi que celles de Me K…, représentant la copropriété de la résidence Les Glaciers ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré produite pour la copropriété Le Crêt 1, la copropriété Le Floride, la copropriété Les Silènes, la copropriété Résidence du val, la copropriété Le Val blanc, la copropriété Solaise Plein sud, les copropriétés Le Calendal, Le mistral et Chalet Dalva, enregistrée le 24 octobre 2019 ;

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 13 novembre 2014, la commune de Val d’Isère a prescrit l’élaboration d’un plan local d’urbanisme (PLU). Le projet a été arrêté le 29 avril 2016. Par délibération du 19 décembre 2016, le conseil municipal de Val d’Isère a approuvé le PLU. Par jugement du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint onze demandes dirigées contre cette délibération, l’a annulée. La commune de Val d’Isère relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des moyens retenus par les premiers juges :

En ce qui concerne la préservation des terres agricoles :

2. Aux termes de l’article L. 122-10 du code de l’urbanisme, applicable depuis le 1er janvier 2016, et reprenant les dispositions du I de l’article L. 145-3 du code :  » Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s’apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d’exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l’exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. « . Aux termes de l’article L. 122-11 dudit code :  » Peuvent être autorisés dans les espaces définis à l’article L. 122-10 : 1° Les constructions nécessaires aux activités agricoles, pastorales et forestières ; 2° Les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée ; 3° La restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive existants dans un objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard et lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière.  »

3. La délibération en litige, qui a été prise suite à des avis favorables rendus par la chambre d’agriculture de Savoie, le 19 juillet 2016, et la commission de consommation des espaces agricoles, le 11 juillet 2016, approuve le classement en zone agricole de terres d’une superficie totale de 141 hectares, représentant environ 1,5% de la superficie de la commune, soit une diminution de 95% par rapport aux surfaces classées comme agricoles dans l’ancien plan d’occupation des sols. Il ressort toutefois des pièces du dossier d’une part que la plupart des terrains à enjeux agricoles identifiés par le rapport de présentation du PLU, situés en fond de vallée et constitués par les terrains entourant les bâtiments d’exploitation et les prairies de fauche, ont été classés en zone agricole, d’autre part que la diminution de la surface des terres classées comme agricoles résulte pour la presque totalité de leur classement en zone naturelle, s’agissant principalement de prairies d’alpage. Eu égard aux caractéristiques d’une activité agricole d’alpage, le classement de tels terrains en zone naturelle, qui ne fait nullement obstacle à leur exploitation, n’est pas de nature à compromettre le maintien ou le développement des activités agricoles, alors que sont autorisées en zone naturelle les équipements pastoraux nécessaires à la protection des troupeaux contre la prédation dans la limite de 15 m² ou la restauration des chalets d’alpage à des fins professionnelles. Dans ces conditions, les auteurs du PLU n’ont pas adopté une délibération méconnaissant les dispositions applicables en zone de montagne citées au point précédent.

En ce qui concerne le règlement du PLU :

S’agissant des articles 2.2 applicables aux zones Ua, Ub, Uc et Ud du règlement du plan local d’urbanisme :

4. Aux termes, d’une part, de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable :  » Le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : (…) 2° Les occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières ; (…) Les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l’habitation, à l’hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l’artisanat, à l’industrie, à l’exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d’entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif. « . S’il est loisible aux auteurs des PLU de préciser, pour des motifs d’urbanisme et sous le contrôle du juge, le contenu des catégories énumérées à l’article R. 123-9, les dispositions de cet article ne leur permettent, toutefois, ni de soumettre certains des locaux relevant de l’une des catégories qu’il énumère aux règles applicables à une autre catégorie, ni de créer de nouvelles catégories de destination pour lesquelles seraient prévues des règles spécifiques, et notamment pas de procéder à des distinctions au sein d’une catégorie déjà existante.

5. Aux termes, d’autre part, des articles 2.2 du règlement du PLU applicables aux zones Ua, Ub, Uc et Ud :  » b – L’extension limitée des habitations existantes, dont la surface règlementairement autorisée par ailleurs a été atteinte, est autorisée à la condition suivante : pour des motifs de fonctionnalité, de sécurité ou d’esthétique, et dans le cadre d’une requalification architecturale du bâtiment à concurrence de : – pour les immeubles collectifs : 15% de la Surface de Plancher, une seule fois à compter de la date d’approbation du PLU./ – pour les habitations individuelles : • 50 m2 Surface de Plancher pour la restructuration d’un toit à un pan ou à pans inversés en toit à deux pans, • 50m² Surface de Plancher, une seule fois à compter de la date d’approbation du PLU.  »

6. Les articles citées au point précédent prévoient des règles différentes, pour les possibilités d’extension, selon le type d’habitat, individuel ou collectif. Ces dispositions traitent ainsi différemment les constructions à usage d’habitation relevant d’une même catégorie énumérée à l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme, selon qu’elles sont affectées à un usage individuel ou collectif, et non en fonction des caractéristiques des bâtiments. Par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont annulé ces dispositions, qui procèdent à des distinctions au sein d’une catégorie déjà existante.

S’agissant de l’emplacement réservé pour mixité sociale :

7. Aux termes de l’article L. 151-41 du code de l’urbanisme, reprenant les dispositions de l’article L. 123-1-5 :  » Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : (…) 4° Dans les zones urbaines et à urbaniser, des emplacements réservés en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu’il définit ; « .

8. Il ressort des pièces du dossier qu’en application des dispositions citées au point précédent de l’article L. 151-41 du code de l’urbanisme, les auteurs du PLU ont identifié au sein de la zone Uc des sous-secteurs Uc1 destinés à accueillir des logements destinés exclusivement aux actifs, en vue d’y héberger le personnel saisonnier travaillant sur la station. En déterminant ainsi la catégorie des personnes susceptibles de bénéficier dans un secteur des programmes de logement au regard de leur catégorie d’activité, et non de leur milieu social, les auteurs du PLU, qui ne pouvaient traiter différemment les constructions à usage d’habitation selon leur affectation, ont méconnu les dispositions citées au point précédent. Par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont annulé la délibération du 19 décembre 2016 en litige, en ce qu’elle institue des secteurs où ne peuvent être réalisés que des programmes de constructions destinées à des actifs.

S’agissant des possibilités de construction dans les secteurs Ne, Nr, Nrh, Nrhi et Na :

9. En vertu des dispositions de l’article R. 123-8 du code de l’urbanisme, applicable en vertu de l’article 12 du décret n° 2015-1783, peuvent seules être autorisées en zone N  » les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole et forestière / les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière dans l’unité foncière où elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages « . Aux termes de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, repris à l’article L. 151-13 du même code :  » Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : 1° Des constructions ; (…)/ Il précise les conditions de hauteur, d’implantation et de densité des constructions, permettant d’assurer leur insertion dans l’environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone.  » . Ces dispositions n’impliquent pas que soient interdits, dans les différents secteurs d’une zone N, des travaux limités destinés à conserver ou à moderniser les constructions existantes.

10. Il ressort d’une part des dispositions du règlement du PLU que sont seules autorisées en zone Na, couvrant l’essentiel de la zone naturelle et correspondant à un secteur destiné à la protection à long terme des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt esthétique, historique, écologique, ainsi qu’en zone Ne, qui ne porte que sur une unique parcelle, la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou leur extension limitée liée à une activité professionnelle, les travaux sur bâtiments existants pour les mettre aux normes du plan de prévention des risques naturels, l’aménagement ou l’extension d’un bâtiment existant dans la limite de 10% de la surface de plancher existante et d’une surface de 50 m2, les équipements pastoraux dans la limite de 15 m2, ainsi que la réalisation, l’aménagement, l’extension ou la restructuration des refuges de montagne ouverts au public. Eu égard au champ très limité des constructions autorisées dans les zones Na et Ne, qui, à l’exception des refuges de montagne, ne peuvent porter que sur la restauration ou la reconstruction de bâtiments existants, ou en zone Ne, les dispositions du règlement du PLU, quand bien même elles ne fixent pas de règles d’emprise au sol ne permettent pas une urbanisation incompatible avec le maintien du caractère de la zone naturelle, à l’exception toutefois de la hauteur maximale autorisée des bâtiments en zone Na, fixée à 15 mètres. Il y a lieu, par suite, d’annuler l’article N 10 du règlement du PLU, en ce qu’il autorise en zone N une hauteur des constructions pouvant atteindre 15 mètres par rapport au niveau du sol naturel.

11. Il ressort d’autre part des pièces du dossier que dans les secteurs Nr et Nrh, qui constituent des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées au sein desquels peuvent être autorisés l’aménagement, la réhabilitation et l’extension limitée des restaurants d’altitude existants ou le changement de destination des bâtiments existants en vue d’y implanter de tels établissements ou des hôtels, le règlement encadre les possibilités d’extension des bâtiments, dans la limite de 30% de la surface de plancher existante, avec un maximum de 290 m2 de surface de plancher, et fixe à 12 mètres la hauteur des constructions autorisées. Dans ces conditions, et quand bien même elles ne fixent pas de règle d’emprise au sol, les dispositions du règlement ne permettent pas une urbanisation de ces secteurs de taille limitée incompatible avec le caractère naturel de la zone.

En ce qui concerne le classement de parcelles :

12. Aux termes de l’article R. 123-5 du code de l’urbanisme alors applicable :  » Les zones urbaines sont dites « zones U ». Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter. « .

13. Il appartient aux auteurs d’un PLU de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce PLU, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu’au cas où elle serait entachée d’une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

S’agissant du classement en zone U des parcelles cadastrées section AC n° 74, 75, 76, 77, 81, 92, 93, 101 et section AD n° 1, 3, 4, 455, 456, 13, 14, 15, 25, 28, 306, 307, 308, 319, 320, 322, 324, 377, 40, 46, 47, 48 et 41 :

14. Il ressort des pièces du dossier que ces parcelles sont situées dans des secteurs qui ont été identifiés tant dans le plan de prévention des risques naturels adopté en 2013, que dans le plan adopté le 30 avril 2018 comme faisant partie d’une zone de risque fort ou induit de chute de blocs, avalanche coulante avec aérosol ou avalanche coulante dans laquelle le bâti doit être limité à l’existant. Si le plan de prévention de 2013 a été annulé par jugement du 29 mars 2016 du tribunal administratif de Grenoble pour des motifs de procédure, il peut être tenu compte de la situation de fait qu’il révèle, compte tenu des études préalables qui ont été menées. Si, ainsi que le font valoir les intimés, le classement en zone urbaine de ces parcelles n’interdit pas par lui-même la construction de nouveaux bâtiments, les autorisations d’urbanisme ne pouvant toutefois être délivrées que dans le respect du plan de prévention des risques naturels susceptible d’être annexé au plan, il correspond au caractère de la zone, s’agissant de parcelles bâties, et n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

S’agissant du classement en secteur UCh des parcelles cadastrées AE 101 et AE 102 :

15. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées AE 101 et 102, anciennement classées en zone naturelle et actuellement non bâties sont situées en limite sud de l’enveloppe urbaine de la commune de Val d’Isère, dans un secteur urbanisé. Si les intimés font valoir que ces deux parcelles avaient été identifiées dans le plan de prévention des risques naturels adopté en 2006 et remis en vigueur suite à l’annulation du plan adopté en 2013 comme faisant partie d’un secteur à risque fort d’avalanche, inconstructible, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’étude nivologique réalisée en 2017 et non utilement contredite que, compte tenu des aménagements et plantations réalisés en amont, ces parcelles ne sont plus situées dans l’emprise centrale des avalanches mais seulement en zone basse latérale de tels phénomènes éventuels, de sorte que le risque pour les bâtiments et leurs occupants est faible. Dans ces conditions, et alors d’ailleurs que les parties de parcelles en litige ont été identifiées dans des zones de risque moyen, constructibles avec prescription, dans le plan de prévention des risques naturels adopté en 2018, qui, s’il est postérieur à la délibération en litige, prend en compte l’existence de risques dont il n’est pas allégué qu’ils auraient été modifiés, leur classement en secteur Uch correspondant à un secteur de densité moyenne à destination hôtelière, n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

S’agissant du classement en secteur UC de la parcelle AH 19 :

16. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée AH n° 19, d’une superficie d’environ 3 200 m2, est sur sa plus grande partie boisée, comportant une forêt dense de mélèzes, pour certains anciens, identifiée au rapport de présentation, dans le prolongement de la vaste forêt s’étendant à l’ouest de l’urbanisation. Toutefois, cette parcelle est pour l’essentiel entourée de constructions et son classement en zone urbaine répond à l’objectif des auteurs du PLU de créer des logements et lits marchands par comblement des espaces interstitiels et dents creuses situés à l’intérieur de l’enveloppe urbaine. Par ailleurs, les espaces boisés de la parcelle ne font l’objet d’aucune protection particulière. Enfin, si les intimés font valoir que le terrain est en forte pente et que son boisement contribue à limiter les risques de chute de pierres dans le secteur, il ne ressort des pièces du dossier ni que l’urbanisation de la totalité de cette vaste parcelle serait rendue impossible par la configuration des lieux, ni que les risques invoqués ne pourraient être empêchés par des normes de construction adaptées. Dans ces conditions, le classement en zone UC de la parcelle cadastrée AH 19 ne procède d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

S’agissant du classement de la parcelle AD 268 :

17. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée AD 268, non bâtie et bordée par une rivière, comprend des pâtures mésophiles et des saussaies marécageuses à saules lauriers. Les auteurs du PLU, l’ont classée en zone UCh et l’ont également identifiée dans les documents graphiques pour une grande partie comme un secteur humide à protéger, en application de l’article L. 151-23 du code de l’urbanisme, où ne peuvent être autorisées que les occupations du sol préservant ou restaurant ce caractère de zone humide. Dans ces conditions, alors que la commune de Val d’Isère ne peut en tout état de cause utilement soutenir que cette zone ne remplit pas les conditions de la zone humide définie par les dispositions alors applicables de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, qui ne s’imposent pas aux auteurs d’un PLU, et quand bien même la parcelle est située dans un secteur urbanisé, son classement en zone urbanisée est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

S’agissant des parcelles AC 397, 399 et 406 :
18. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des études techniques réalisées préalablement à l’adoption du plan de prévention des risques naturels en 2018, qui permet d’apprécier la situation de fait à la date de la délibération en litige, que, si les parcelles cadastrées AC 397, 399 et 406, actuellement bâties, sont en limite de zone de risque fort d’avalanches, elles ne sont pas elles-mêmes sujettes à de tels risques. Si la copropriété Le Crêt 1 fait état d’une expertise réalisée dans le cadre d’un litige l’opposant aux constructeurs et propriétaires de l’immeuble situé sur les parcelles en litige, dont il ressort que l’implantation de ce bâtiment est susceptible d’être à l’origine d’un effet de goulet pouvant aggraver les effets d’une avalanche, il ne ressort ni de cette expertise ni d’aucun autre élément du dossier que la situation de ces terrains rendrait impossible toute occupation, quelle que soit son implantation. Par suite, le classement de ces parcelles en zone urbanisée, qui correspond au caractère du secteur, n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

En ce qui concerne l’orientation d’aménagement et de programmation n° 7 :

19. En rappelant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 342-1 du code du tourisme, la mise en oeuvre des opérations d’aménagement touristique doit donner lieu à une contractualisation avec la commune, l’orientation d’aménagement et de programmation n° 7 n’a fixé aucune règle s’imposant à l’autorité chargée de délivrer les autorisations d’urbanisme. Par suite, c’est à tort que les premiers juges ont estimé que cette indication constituait une prescription entachée d’une erreur de droit.

20. Il résulte de tout ce qui précède que, parmi les motifs d’annulation retenus par les premiers juges, seuls sont fondés ceux tirés de l’illégalité des articles 2.2 du règlement applicables aux zones Ua, Ub, Uc et Ud, de l’article N 10 du règlement en ce qu’il fixe la hauteur maximale des bâtiments autorisés en zone Na à 15 mètres , de l’illégalité du PLU en ce qu’il prévoit des secteurs de mixité sociale destinés exclusivement aux actifs, de l’erreur manifeste d’appréciation entachant le classement en zone Uch de la parcelle AD n° 268.

21. Les illégalités mentionnées au point précédent ne sont pas susceptibles d’entraîner l’annulation totale de la délibération du 19 décembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Val d’Isère a approuvé le PLU de la commune. Il y a lieu dès lors d’examiner, au titre de l’effet dévolutif de l’appel, les autres moyens soulevés par les intimés tant en première instance qu’en appel.

Sur les autres moyens soulevés par les intimés :

En ce qui concerne la procédure d’adoption du PLU :

S’agissant des conditions d’adoption de la délibération du 19 décembre 2016 :

22. Aux termes en premier lieu de l’article de l’article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales :  » Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l’ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s’ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée. « . Le troisième alinéa de l’article L. 2121-12 du code dispose :  » (…) Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d’urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. (…)  » .

23. Il ressort des mentions du registre des délibérations du conseil municipal de la commune de Val d’Isère, qui font foi jusqu’à preuve du contraire, que les convocations à la séance du 19 décembre 2016, versées au dossier par la commune, mentionnant l’ordre du jour, ont été régulièrement adressées aux conseillers municipaux.

24. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales :  » Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération. « .

25. La population de la commune de Val d’Isère étant inférieure à 3 500 habitants, les dispositions de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales prévoyant l’envoi d’une note de synthèse avec les convocations des membres du conseil municipal ne sont pas applicables. Par ailleurs, les élus ayant été régulièrement informés de l’ordre du jour, ainsi qu’il a été dit, ils ont été mis à même d’exercer, en tant que de besoin, la faculté dont ils disposent de solliciter des documents ou explications. Dans ces conditions, le droit à être informé des affaires de la commune faisant l’objet d’une délibération, reconnu aux membres du conseil municipal par l’article L. 2121-13 du conseil municipal, n’a pas été méconnu.

26. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :  » Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. « . Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération d’un conseiller municipal intéressé à l’affaire qui fait l’objet de cette délibération, c’est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l’illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d’une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération. Cependant, s’agissant d’une délibération déterminant des prévisions et règles d’urbanisme applicables dans l’ensemble d’une commune, la circonstance qu’un conseiller municipal intéressé au classement d’une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n’est de nature à entraîner son illégalité que s’il ressort des pièces du dossier que, du fait de l’influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.

27. Pour soutenir que les dispositions citées au point précédent ont été méconnues, la copropriété de la résidence du Val et la copropriété Le Val Blanc relèvent que le classement en zone Uch des parcelles AE 101 et AE 102 fait suite à une observation formulée au cours de l’enquête publique par M. Moriano, conseiller municipal, lequel serait susceptible d’acquérir ces parcelles communales. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce dernier n’est pas intervenu lors de la séance du conseil municipal du 19 décembre 2016 et qu’il n’a pas pris part au vote. Dans ces conditions, et en l’absence d’éléments susceptibles de démontrer qu’il ait pu par ailleurs exercer une influence sur le vote, le moyen doit être écarté.

28. La copropriété Les Glaciers fait valoir par ailleurs que le frère d’un conseiller municipal a pour projet de transformer en restaurant d’altitude la gare de télécabine de Solaise, classée par les auteurs du PLU dans un secteur de taille et de capacité limitée où des constructions peuvent être autorisées. Il ne ressort toutefois d’aucun élément du dossier que ce dernier, s’il a participé au vote, aurait exercé en cours d’élaboration du document une influence telle que la délibération aurait ainsi pris en compte son intérêt personnel.

S’agissant de la concertation :

29. Aux termes de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable :  » Les modalités de la concertation permettent, pendant une durée suffisante et selon des moyens adaptés au regard de l’importance et des caractéristiques du projet, au public d’accéder aux informations relatives au projet et aux avis requis par les dispositions législatives ou réglementaires applicables et de formuler des observations et propositions qui sont enregistrées et conservées par l’autorité compétente. « .

30. Il ressort en premier lieu des pièces du dossier que, par délibération du 13 novembre 2014 prescrivant l’élaboration du PLU, le conseil municipal a fixé les objectifs poursuivis et défini les modalités de la concertation, dont le bilan a été arrêté par délibération du 29 avril 2016. Si le projet d’aménagement et de développement durables, qui a précisé les orientations retenues, a été débattu le 17 décembre 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier que la concertation n’aurait pas été menée sur une période suffisante permettant d’associer les personnes concernées.

31. En deuxième lieu, conformément aux prescriptions de la délibération du 13 novembre 2014, un dossier permettant au public de s’informer du déroulement de l’avancement du projet de PLU a été mis à disposition du public et une information a été fournie sur le bulletin municipal, dans la presse locale et sur le site Internet de la commune. Les intimés soutiennent toutefois qu’en méconnaissance de cette délibération, aucun registre n’a été mis à disposition du public. Il ressort des pièces du dossier que des permanences ont été tenues en mairie dans le mois ayant précédé l’arrêt du projet et que la commune a recueilli les courriers qui lui ont été adressés en vue de lui soumettre des observations ou propositions, sans qu’il soit allégué que certaines observations n’ont pas été prises en compte. Dans ces conditions, et si ces démarches ne peuvent être assimilées à la tenue d’un registre, le non-respect des modalités de concertation définies par la délibération du 13 novembre 2014 n’a été en l’espèce de nature ni à priver le public d’une garantie ni à exercer une influence sur les résultats de la concertation, et partant sur le projet de PLU arrêté.

S’agissant du débat sur le projet d’aménagement et de développement durables :

32. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 123-9 alors en vigueur du code de l’urbanisme :  » Un débat a lieu au sein de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale et des conseils municipaux (…) sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables (…), au plus tard deux mois avant l’examen du projet de plan local d’urbanisme. (…) « .

33. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions du registre des délibérations, qui font foi jusqu’à preuve du contraire, que les conseillers municipaux ont été régulièrement convoqués à la séance du 17 décembre 2015 lors de laquelle s’est déroulé le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables. Par ailleurs, la convocation qui leur a été adressée les informait suffisamment de la tenue du débat. Enfin, au cours de la séance, le projet a été présenté aux élus, qui avaient déjà débattu lors d’une précédente séance de ce projet, lequel a été ensuite légèrement remanié, sans qu’il ne ressorte des pièces du dossier qu’ils n’aient pu intervenir à nouveau. Par suite, le moyen tiré de l’absence de débat sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durables doit être écarté.

S’agissant des consultations préalables à l’adoption du PLU :

34. En premier lieu, aux termes de l’article L. 153-16 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle le projet a été arrêté :  » Le projet de plan arrêté est soumis pour avis : 1° Aux personnes publiques associées à son élaboration mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 ; « . L’article L. 132-9 du même code dispose :  » Pour l’élaboration des plans locaux d’urbanisme sont également associés, dans les mêmes conditions : (…) 3° Les établissements publics chargés de l’élaboration, de la gestion et de l’approbation des schémas de cohérence territoriale limitrophes du territoire objet du plan lorsque ce territoire n’est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale. « . Contrairement à ce que prévoient les dispositions précitées, le syndicat du pays de Maurienne, établissement public chargé d’un schéma de cohérence territoriale dont la commune est limitrophe, n’a pas été consulté sur le projet de PLU arrêté le 29 avril 2016. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette absence de consultation, qui ne constitue pas une garantie, a été de nature à exercer une influence sur le sens de la délibération en litige. Par suite, le moyen doit être écarté.

35. En seconde lieu, le PLU de la commune de Val d’Isère, qui limite les possibilités d’urbanisation sur la commune, n’étant pas susceptible de produire des effets notables sur l’environnement italien, le moyen tiré de l’absence de consultation des autorités italiennes, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 104-7 du code de l’urbanisme, ne peut qu’être écarté.

S’agissant de la régularité de l’enquête publique :

36. Aux termes en premier lieu de l’article R. 123-11 du code de l’environnement :  » I. – Un avis portant les indications mentionnées à l’article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l’enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés. « .

37. Il ressort des pièces du dossier que l’avis d’ouverture de l’enquête publique a été publié le 1er août 2016 dans le Dauphiné libéré et le 4 août 2016 dans le journal La Savoie, soit moins de quinze jours avant le début de l’enquête publique, le 12 août suivant, en méconnaissance des dispositions citées au point précédent. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l’enquête publique, qui devait s’achever le 12 septembre 2016, a été prolongée jusqu’au 22 septembre suivant, par un arrêté affiché le 2 septembre 2016 en mairie et publié les 7 et 8 septembre 2016 dans les journaux locaux. Dans ces conditions, et alors que l’avis d’enquête publique a été affiché en mairie et était consultable sur le site Internet de la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette irrégularité a été susceptible d’exercer une influence sur les résultats de l’enquête et, partant sur le sens de la délibération.

38. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 123-19 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors applicable :  » Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l’enquête et examine les observations recueillies./ (…)/ Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. « .

39. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable motivé sur le projet de PLU. S’il a par ailleurs recommandé à la commune de prendre en compte diverses recommandations qu’il avait proposées dans ce rapport, il ne peut être regardé ce faisant comme ayant émis des réserves ne permettant pas de déterminer le sens de son avis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

40. S’il est soutenu en troisième lieu que le projet de plan soumis à enquête publique n’était pas celui arrêté par le conseil municipal, la commission urbanisme de la commune ayant entériné certaines modifications proposées par les personnes publiques associées, il ressort des pièces du dossier que la note de la commission, au demeurant jointe au dossier d’enquête publique, ne faisait que préciser son avis sur les recommandations qui avaient été émises, sans qu’un nouveau projet ait été arrêté. Par ailleurs il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence au dossier de cette note, de nature d’ailleurs à éclairer les personnes concernées sur les positions de la commune, ait pu exercer une influence sur la participation du public à l’enquête publique.

S’agissant des modifications apportées au projet après enquête publique :

41. Il est loisible à l’autorité compétente de modifier le projet de PLU après l’enquête publique, sous réserve, d’une part, que ne soit pas remise en cause l’économie générale du plan et, d’autre part, que cette modification procède de l’enquête, ces deux conditions découlant de la finalité même de la procédure de mise à l’enquête publique.

42. S’il ressort des pièces du dossier que les auteurs du PLU ont modifié le classement d’une partie de la parcelle AE 101, alors qu’elle n’avait pas été sollicitée en cours d’enquête publique, une telle modification doit être regardée comme procédant de l’enquête publique, dès lors qu’elle était la conséquence logique, pour assurer la cohérence du zonage, de la décision prise par les auteurs du PLU de faire droit à la demande de classement en zone U de la partie de parcelle voisine AE 102, qui, comme la parcelle AE 101, n’était plus identifiée comme inconstructible au plan de prévention des risques naturels.

43. Si les intimés font par ailleurs état des différentes modifications apportées au projet de PLU, consistant principalement en des modifications très limitées de zonage pour mieux prendre en compte l’existence de risques naturels ou en des rectifications d’erreurs matérielles, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces modifications ont remis en cause l’économie générale du plan. Par suite, le moyen tiré de ce qu’une nouvelle enquête publique était requise doit être écarté.

En ce qui concerne le contenu du rapport de présentation :

44. Aux termes de l’article L. 123-1-2 du code de l’urbanisme :  » Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durables, les orientations d’aménagement et de programmation et le règlement. (…) « . Aux termes de l’article R. 123-2 de ce code dans sa version applicable en vertu de l’article 12 du décret n° 2015-1783 :  » Le rapport de présentation : 1° Expose le diagnostic prévu au deuxième alinéa de l’article L. 123-1-2 ; 2° Analyse l’état initial de l’environnement, présente une analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers et justifie les objectifs de modération de cette consommation et de lutte contre l’étalement urbain arrêtés dans le projet d’aménagement et de développement durables au regard, notamment, des objectifs fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale, et des dynamiques économiques et démographiques ; 3° Explique les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durable et, le cas échéant, les orientations d’aménagement et de programmation ; il expose les motifs de la délimitation des zones, des règles et des orientations d’aménagement et de programmation mentionnées au 1 de l’article L. 123-1-4, des règles qui y sont applicables, notamment au regard des objectifs et orientations du projet d’aménagement et de développement durables. Il justifie l’institution des secteurs des zones urbaines où les constructions ou installations d’une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement sont interdites en application du a de l’article L. 123-2 ; 4° Evalue les incidences des orientations du plan sur l’environnement et expose la manière dont le plan prend en compte le souci de sa préservation et de sa mise en valeur ; « .

45. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation expose de manière extrêmement détaillée les choix retenus par la commune pour établir le projet d’aménagement et de développement durables, décider de la délimitation des zones et les règles qui s’y appliquent. S’il ne contient pas le plan de prévention des risques naturels, lequel est au demeurant annexé au PLU, il expose longuement les risques naturels auxquels est confrontée la commune et ses conséquences sur l’aménagement de la commune. Il présente par ailleurs un diagnostic détaillé de l’offre de logements, en distinguant les lits touristiques et ceux occupés par la population et les professionnels, ainsi que les orientations retenues. Enfin, et contrairement à ce qui est soutenu, le rapport de présentation n’avait pas à faire référence à l’occupation des sols en Italie, celle-ci n’ayant pas d’incidence notable sur les choix retenus par la commune. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance du rapport de présentation doit être écarté.

En ce qui concerne le contenu du projet d’aménagement et de développement durables :

46. Aux termes de l’article L. 123-1-3 alors applicable du code de l’urbanisme:  » Le projet d’aménagement et de développement durables définit les orientations générales des politiques d’aménagement, d’équipement, d’urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques./ Le projet d’aménagement et de développement durables arrête les orientations générales concernant l’habitat, les transports et les déplacements, le développement des communications numériques, l’équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l’ensemble de l’établissement public de coopération intercommunale ou de la commune./ Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain. « .

47. Le projet d’aménagement et de développement durables indique le potentiel constructible résultant de la mise en oeuvre du PLU, également précisé dans des tableaux figurant au rapport de présentation, sans qu’il ne ressorte des pièces du dossier que ces données comprennent des contradictions. Il expose par ailleurs les objectifs de la commune de lutte contre l’étalement urbain. Enfin, en évoquant la nécessité de préserver les commerces, il arrête suffisamment, compte tenu des caractéristiques de la commune, les orientations retenues en matière d’équipement commercial. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance du projet d’aménagement et de développement durables doit être écarté.

En ce qui concerne le règlement :

48. En premier lieu, en soutenant que le règlement serait affecté d’un vice majeur au motif que le PLU est divisé en six zones et trente-trois sous-zones, la copropriété des Glaciers, qui ne précise pas quelle norme aurait été ainsi méconnue, n’assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé. Si elle relève que la hauteur maximale des bâtiments autorisée dans les zones Na est supérieure à celle autorisée dans une partie des zones U, cette seule circonstance, alors au demeurant que le présent arrêt annule sur ce point le règlement et que les possibilités de construire en zone Na sont par ailleurs strictement encadrées, ainsi qu’il a été dit au point 10, n’est pas de nature à établir que le règlement serait affecté de contradictions telles que sa légalité en serait affectée.

49. En deuxième lieu, en se bornant à relever l’absence de dispositions relatives à la performance énergétique des bâtiments, que le code de l’urbanisme n’impose pas aux auteurs d’un PLU de déterminer, la copropriété des Glaciers n’établit pas que le PLU méconnaîtrait, pour ce seul motif, le principe d’équilibre, ni, en tout état de cause, le Plan Climat Energie de Savoie, qu’elle ne produit d’ailleurs pas.

50. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 151-18 du code de l’urbanisme, reprenant les dispositions de l’article L. 123-1-5 :  » Le règlement peut déterminer des règles concernant l’aspect extérieur des constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, leurs dimensions, leurs conditions d’alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l’aménagement de leurs abords, afin de contribuer à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des constructions dans le milieu environnant. « .

51. Les articles A11, N11, Ua11, Ub11, Uc11, Ud11, Ue11 du règlement du PLU, relatifs à l’aspect extérieur des bâtiments renvoient à l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme relatif à l’insertion des bâtiments dans leur environnement, prévoient un ensemble de prescriptions relatives aux mouvements du sol, aux matériaux et aux toitures et renvoient enfin à des cahiers de recommandations portant sur l’architecture des bâtiments, les clôtures, les enseignes dont  » les projets doivent s’inspirer « . Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces recommandations relatives à la qualité architecturale des bâtiments, que les auteurs du PLU n’étaient pas tenus de déterminer, n’ont pas de caractère obligatoire et constituent seulement un outil de travail permettant aux architectes d’appréhender les caractéristiques de l’environnement bâti. Ainsi, le moyen tiré de l’illégalité desdits articles en ce qu’ils fixent des règles insuffisamment précises et prescriptives doit être écarté.

En ce qui concerne le classement des parcelles :

S’agissant du classement en secteur UCh des parcelles cadastrées AE 101 et AE 102 :

52. En premier lieu, si la délibération du 19 décembre 2016 ne fait pas mention, parmi les modifications apportées au projet de zonage arrêté le 29 avril 2016, du classement en secteur Uch d’une partie de la parcelle AE 101, qui ressort pourtant du document graphique, ce seul oubli est sans incidence sur la légalité de la délibération approuvant ce classement.

53. En second lieu, si la copropriété de la résidence du Val et la copropriété Le Val Blanc font valoir que le classement en zone Uch d’une partie de la parcelle cadastrée AE 102 fait suite à une intervention en cours d’enquête publique d’un conseiller municipal qui souhaite y construire un hôtel, ce classement répond, ainsi qu’il a été dit au point 15, à des considérations d’urbanisme. Le détournement de pouvoir allégué n’est ainsi pas établi.

S’agissant du classement en zone UDh de la parcelle cadastrée B n° 2762 :

54. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée B n° 2762 jouxte le hameau du Laisinant, comportant plus d’une dizaine de bâtiments individuels et collectifs. Si elle ouvre sur une vaste zone agricole, son classement en zone Ud, correspondant à des secteurs affectés essentiellement à l’habitat sous forme de chalets ou de petits collectifs, où sont autorisées des constructions d’une hauteur maximale de 11 mètres, rend possible une urbanisation compatible avec celle du hameau voisin et n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

S’agissant du classement en secteur Nsl de la parcelle cadastrée AD n° 343 :

55. Aux termes de l’article R. 123-8 alors applicable du code de l’urbanisme :  » Les zones naturelles et forestières sont dites  » zones N « . Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l’existence d’une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d’espaces naturels. « .

56. La parcelle cadastrée AD n° 343 est située au centre du village de Val d’Isère, dans un secteur densément bâti. Il ressort des pièces du dossier qu’elle est non bâtie et affectée à des activités sportives en période hivernale. Son classement en secteur Nsl répond par ailleurs à l’objectif des auteurs du PLU, rappelé au rapport de préservation, de préserver les perspectives visuelles sur les massifs de Solaise et Bellevarde, dans le cadre de la déambulation piétonne du quartier. Il ne procède ainsi d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

S’agissant du classement en zone Np de la parcelle cadastrée AE n° 187 :

57. La parcelle cadastrée AE n° 187, dans le secteur des Richardes a été classée en zone Np correspondant à une zone naturelle où peuvent être aménagés ou rénovés des parkings existants ou créés des parkings souterrains. Si la partie sud de cette parcelle est identifiée comme une zone inconstructible par le plan de prévention des risques naturels en raison de possibilités d’avalanches, un tel risque n’interdit pas l’implantation sur ce terrain d’un parking souterrain, dont l’accès peut être réalisé sur la partie nord de la parcelle, non concernée par un tel risque. Par ailleurs, si le terrain est non bâti, il est situé en bordure du village. Par suite, son classement en zone Np, qui répond par ailleurs à la volonté des auteurs du PLU de développer les possibilités de stationnement souterrain, n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

S’agissant du classement en zone Nrh des parcelles de l’ancienne gare de télécabine de Solaise :

58. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de présentation, que les parcelles abritant l’ancienne gare de télécabine de la tête de Solaise, désaffectée, ont été classées en secteur Nrh, correspondant à un secteur naturel de taille et de capacité d’accueil limitées où des constructions sont possibles, afin de réhabiliter et d’étendre ce bâtiment dans la limite de 30% de la surface de plancher, en vue de le transformer en hôtel et restaurant. Si ces parcelles sont situées dans un site naturel remarquable, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce classement, qui rend seulement possible l’extension d’un bâtiment existant, procéderait d’une erreur manifeste d’appréciation.

En ce qui concerne l’institution d’emplacements réservés :

S’agissant de l’emplacement réservé n° 1 :

59. L’emplacement réservé n° 1 est destiné à la réalisation d’un cheminement piéton dans le secteur des Lèches. S’il est fait état de l’existence d’autres cheminements pour piétons sur la commune, la création de cet emplacement, qui doit être relié au maillage viaire existant, répond à la volonté des auteurs du PLU de favoriser les déplacements doux et n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation, quand bien même la réalisation de ce cheminement serait susceptible d’affecter la circulation automobile sur la voie de desserte de plusieurs copropriétés.

S’agissant de l’emplacement réservé n° 5 :

60. Si le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Verdets 1 et M. P… font valoir que l’emplacement réservé n° 5, destiné à la réalisation d’un cheminement piéton dans un secteur déjà urbanisé de la commune, est situé en partie dans des zones sujettes à des risques d’inondation, une telle circonstance n’est pas de nature, compte tenu de la nature de l’aménagement projeté, d’une part, et du risque, d’autre part, à caractériser l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

S’agissant de l’emplacement réservé n° 13 :

61. L’emplacement réservé n° 13 est destiné à l’élargissement de la voirie, dans le secteur du Rogoney. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’institution de l’emplacement, qui répond à un projet précis et doit permettre l’aménagement des voies afin de garantir des accès aisés et sécurisés, selon le rapport de présentation, procèderait d’une erreur manifeste d’appréciation.

En ce qui concerne l’absence d’identification de corridors écologiques :

62. Il ressort du rapport de présentation du PLU de la commune de Val d’Isère que, si de nombreuses espèces sauvages se déplacent sur le territoire de la commune, cette circulation n’emprunte pas des corridors écologiques identifiables, le territoire de la commune, où l’urbanisation est concentrée, étant perméable à de tels déplacements. Par ailleurs, les corridors représentés sur le schéma graphique figurant dans ce rapport ne sont pas situés sur le territoire communal. Par suite, le PLU n’est entaché d’aucune incohérence en n’identifiant pas dans ses documents graphiques de trames vertes ou bleues. Par ailleurs, et alors que la copropriété des Glaciers n’identifie aucun corridor écologique qui aurait dû être pris en compte, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette absence d’identification de trames vertes ou bleues résulterait d’une erreur manifeste d’appréciation.

En ce qui concerne l’orientation d’aménagement et de programmation n° 7 :

63. Aux termes de l’article L. 123-1-4 du code de l’urbanisme alors applicable :  » Dans le respect des orientations définies par le projet d’aménagement et de développement durables, les orientations d’aménagement et de programmation comprennent des dispositions portant sur l’aménagement, l’habitat, les transports et les déplacements. « . L’article R. 123-3-1 dispose :  » Les orientations d’aménagement et de programmation mentionnées au 1 de l’article L. 123-1-4 peuvent, le cas échéant par quartier ou par secteur, prévoir les actions et opérations d’aménagement prévues par ces dispositions. « .

64. En matière d’aménagement, une OAP implique un ensemble d’orientations définissant des actions ou opérations visant, dans un souci de cohérence à l’échelle du périmètre qu’elle couvre, à mettre en valeur des éléments de l’environnement naturel ou urbain, ou à réhabiliter, restructurer ou aménager un quartier ou un secteur. Si les OAP peuvent, en vertu de l’article L. 123-1-4 du code de l’urbanisme, prendre la forme de schémas d’aménagement, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de permettre aux auteurs du PLU, qui peuvent y préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics, de fixer précisément, au sein de telles orientations, les caractéristiques des constructions susceptibles d’être réalisées.

65. Il ressort des pièces du dossier que l’OAP n° 7 des Trolles couvre un secteur situé au coeur du village de Val d’Isère, que la commune entend aménager en vue notamment de permettre la réhabilitation des bâtiments existants dans le respect des caractéristiques du patrimoine local, de densifier ce secteur de centre-village et d’y faciliter la circulation. Elle comprend des orientations relatives à l’aménagement général du secteur, la création de voirie, ainsi qu’aux caractéristiques générales des constructions susceptibles d’y être implantées, dans le respect des prévisions de l’article L. 123-1-4 du code de l’urbanisme. Toutefois, les prescriptions applicables aux travaux de rénovation de l’unique immeuble du sous-secteur 4 précisent la nature des matériaux et la couleur des peintures devant être mis en oeuvre étage par étage. Celles relatives au sous-secteur 1 prévoient pour l’unique immeuble couvert par ce sous-secteur la restructuration de la toiture du bâtiment existant. Ces prescriptions portent ainsi sur les caractéristiques de constructions déjà réalisées dans le secteur et ne faisant pas l’objet d’une protection particulière, et ne sauraient être imposées par les auteurs d’un PLU dans une OAP, quand bien même le règlement y renvoie, au regard de leur excessive précision. Il y a lieu par suite d’annuler les prescriptions de l’OAP n° 7 relatives aux sous-secteurs 1 et 4.

66. Si la copropriété des Glaciers fait valoir que la densification envisagée par l’OAP est susceptible d’aggraver les difficultés de circulation dans le secteur, elle n’apporte aucun élément probant à l’appui de ses allégations, alors qu’il ressort des pièces du dossier que l’OAP envisage la création d’une voie de desserte permettant l’accès de la zone et la création d’un parc de stationnement souterrain. Par suite, le moyen tiré de ce que cette OAP est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation doit être écarté.

Sur l’application de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme :

67. Aux termes de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme :  » Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d’urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d’urbanisme reste applicable (…) « .

68. Compte tenu de la nature des vices affectant le PLU de la commune de Val d’Isère et des effets de l’annulation, il n’y a pas lieu, pour la Cour, d’exercer les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme. Dès lors, les conclusions de la commune de Val d’Isère tendant à la mise en oeuvre de cet article doivent être rejetées.

69. Il résulte de ce qui précède que la délibération du 19 décembre 2016 est entachée d’illégalité et doit être annulée en ce qu’elle fixe aux articles 2.2 applicables aux zones Ua, Ub, Uc et Ud du règlement du PLU les règles d’extension des logements à usage d’habitation, en ce qu’elle prévoit des secteurs de mixité sociale destinés exclusivement aux actifs, en ce que l’article N 10 du règlement autorise en zone Na des constructions d’une hauteur de 15 mètres, en ce qu’elle classe en zone Uch la parcelle AD n° 268 et en ce qu’elle fixe des prescriptions relatives aux immeubles susceptibles d’être rénovés dans les secteurs 1 et 4 de l’OAP n° 7.

70. Par suite, la commune de Val d’Isère est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 19 décembre 2016 dans une mesure excédant ce qui a été indiqué au point précédent.

Sur les frais liés au litige :

71. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les différentes parties au titre des frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La délibération du 19 décembre 2016 du conseil municipal de Val d’Isère est annulée en ce qu’elle fixe aux articles 2.2 applicables aux zones Ua, Ub, Uc et Ud du règlement du PLU les règles d’extension des logements à usage d’habitation, en ce qu’elle prévoit des secteurs de mixité sociale destinés exclusivement aux actifs, en ce que l’article N 10 du règlement autorise en zone Na des constructions d’une hauteur de 15 mètres, en ce qu’elle classe en zone Uch la parcelle AD n° 268 et en ce qu’elle fixe des prescriptions relatives aux immeubles susceptibles d’être rénovés dans les secteurs 1 et 4 de l’OAP n° 7.
Article 2 : Le jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Val d’Isère, au syndicat des copropriétaires de la résidence l’Albaron, au syndicat des copropriétaires de la résidence Squaw Valley, au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Verdets 1, à la copropriété Le Calendal, à la copropriété Solaise Plein sud, à la copropriété de la résidence Les Glaciers, à la copropriété Le Floride, à la copropriété Les Silènes, à la copropriété Le Crêt 1, à la copropriété de la résidence du Val et à la copropriété Le Val blanc.

Délibéré après l’audience du 22 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme O… Q…, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme N… M…, première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2019.

Contrat saisonnier/ Remontées mécaniques/ Non reconduction/ Requalification en CDI (non)/ Licenciement (non)

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 20 novembre 2019
N° de pourvoi: 18-14118
Publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi

M. Cathala , président
SCP Boullez, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat(s)
________________________________________

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 1244-2, alinéa 2, du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l’article 16-II de la convention collective nationale des remontées mécaniques et domaines skiables du 15 mai 1968, étendue par arrêté du 3 février ;

Attendu, d’abord, que selon le premier de ces textes, une convention ou un accord collectif peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier doit lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante ; que selon le second, qui se rapporte à la reconduction des contrats saisonniers, les salariés ayant déjà effectué une ou plusieurs saisons au service de l’entreprise se verront proposer un emploi saisonnier de même nature à condition qu’ils fassent acte de candidature, la non-reconduction à l’initiative de l’employeur pour un motif réel et sérieux entraînant le versement à l’agent d’une indemnité de non-reconduction ;

Attendu, ensuite, que la reconduction de contrats saisonniers en application du mécanisme conventionnel prévu par les dispositions susvisées n’a pas pour effet d’entraîner la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée ; qu’il en résulte qu’en cas de non-reconduction du dernier contrat saisonnier sans motif réel et sérieux, seuls des dommages-intérêts réparant le préjudice subi par le salarié peuvent être octroyés par le juge ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. L… a été employé à compter du mois de février 1978, en qualité de chauffeur d’engin de damage par la Régie d’exploitation des équipements sportifs de Monetier-les-bains, aux droits de laquelle vient la société Serre Chevalier Vallée domaine skiable, suivant une succession de contrats à durée déterminée saisonniers, soumis à la convention collective des remontées mécaniques et domaines skiables du 15 mai 1968 ; que, le 9 mars 2015, il a reçu notification de la non-reconduction de son dernier contrat pour motif réel et sérieux ; que, le 16 novembre 2015, il a saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir la requalification de ses contrats en un contrat à durée indéterminée et l’allocation d’une indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que pour requalifier les contrats à durée déterminée saisonniers du salarié en un contrat à durée indéterminée et condamner l’employeur au paiement d’un complément d’indemnité légale de licenciement, l’arrêt retient que l’article 16-II de la convention collective nationale des téléphériques et engins de remontées mécaniques prévoit que les saisonniers ayant déjà effectué une ou plusieurs saisons au service de l’entreprise se verront proposer un emploi saisonnier de même nature, sauf motif réel et sérieux, que cette clause intitulée « reconduction des contrats saisonniers » qui n’est applicable qu’aux entreprises de plus de vingt salariés et ne présentant pas un chiffre d’affaires d’une grande variabilité, met à la charge de l’employeur une obligation de réemploi du salarié sauf motif réel et sérieux, qu’il est constant entre les parties que depuis le mois de février 1978 date de son premier engagement le salarié a bénéficié de contrats à durée déterminée saisonniers successifs reconduits d’année en année, sans interruption, en vertu de ces dispositions, qu’il en résulte que, du fait des renouvellements intervenus sur le fondement d’une clause de reconduction, ces contrats successifs constituent un ensemble à durée indéterminée, même si chaque période de travail n’est garantie que pour la saison, dont la rupture est soumise à l’exigence d’une cause réelle et sérieuse et équivaut de la part de l’employeur à un licenciement ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l’article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Gap du 16 novembre 2015 en ce qu’il a dit que la succession de contrats à durée déterminée saisonniers de M. L… ne valait pas contrat à durée indéterminée, dit que la non-reconduction du contrat de travail saisonnier de M. L… reposait sur des motifs réels et sérieux, débouté M. L… de sa demande en paiement d’un solde d’indemnité de licenciement et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il requalifie les contrats de travail à durée déterminée ayant lié M. L… à la société Serre Chevalier Vallée domaine skiable en contrat de travail à durée indéterminée et condamne cette société à verser à M. L… la somme de 2 225,12 euros au titre du solde d’indemnité légale de licenciement et la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 23 janvier 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. L… de sa demande de requalification de ses contrats à durée déterminée saisonniers en un contrat à durée indéterminée et de sa demande en paiement d’un complément d’indemnité ;

Condamne M. L… aux dépens, en ce compris les dépens d’appel ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf.

Urbanisation en continuité/ Hameau

CAA de LYON

N° 18LY01003
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme MARGINEAN-FAURE, président
Mme Christine PSILAKIS, rapporteur
M. LAVAL, rapporteur public
LIOCHON DURAZ, avocat

lecture du mardi 19 novembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première demande, Mme D… N… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 18 mai 2015 par lequel le maire de la commune de Megève ne s’est pas opposé à la déclaration préalable de division de l’indivision M… déposée en mairie le 9 avril 2015 et portant sur un projet de création de deux lots à bâtir sur un tènement situé au lieudit  » Lady « , ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette non-opposition à déclaration préalable.

Par une seconde demande, M. L… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler ce même arrêté ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette même non-opposition à déclaration préalable.

Par un jugement n° 1507630-1507879 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces deux demandes et a annulé l’arrêté du 18 mai 2015.

Procédure devant la cour

Par une requête et quatre mémoires enregistrés les 14 mars et 31 octobre et 21 décembre 2018 et 8 janvier 2019, ce dernier n’ayant pas été communiqué, MM. G… et P… ainsi que Mme F… M…, représentés par CLDAA avocats, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 janvier 2018 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme N… et M. A… ;
3°) de mettre à la charge de Mme N… et M. A…, la somme de 3 500 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– les demandes de Mme N… et de M. A… sont tardives ; ni le recours gracieux de Mme N… adressé le 15 août 2015 au maire de Megève, ni le recours gracieux de M. A…, adressé le 31 juillet 2015, n’ont pu conserver les délais de recours et, bien que résidant en Suisse, ils ne peuvent bénéficier de la prorogation de délai au titre de l’article R. 421-7 du code de justice administrative ; l’affichage de la déclaration préalable a été régulièrement effectué ;
– contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, le projet ne méconnaît pas l’article L. 145-3 III du code de l’urbanisme puisque le projet se situe bien en continuité d’un groupe de constructions et s’insère dans un groupe de constructions existantes de part et d’autre de la voie communale dite route de Lady les Grandes ;
– les autres moyens des demandeurs de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense et deux mémoires, enregistrés le 12 juin et le 11 décembre 2018, ainsi que le 8 janvier 2019, ce dernier n’ayant pas été communiqué, M. A…, représenté par la SCP d’Avocats Charles C… – Jean-Paul Gilli et Associés, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la commune de Megève, d’une part et des consorts M…, d’autre part, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– la tardiveté de sa demande n’est pas fondée dès lors que les pétitionnaires ne justifient pas de l’affichage de l’autorisation en litige ;
– le projet méconnaît l’article L. 143-3 III du code de l’urbanisme ;
– les autres moyens qu’il a développés en première instance sont fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2018, Mme N…, représentée par Me B…, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 3 000 euros soit mise solidairement à la charge des consorts M… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– sa demande est recevable, faute de précision quant aux formalités de publicité du permis litigieux ;
– le projet méconnaît l’article L. 143-3 III du code de l’urbanisme ;
– les autres moyens qu’elle a développés en première instance sont fondés.

La clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 21 janvier 2019 par une ordonnance du 27 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme J… I…, première conseillère,
– les conclusions de Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
– et les observations de Me E…, représentant les consorts M… et celles de Me C… représentant M. A… ;

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts M… relèvent appel du jugement du 25 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, sur la demande de M. A… et Mme N…, l’arrêté du 18 mai 2015 par lequel le maire de la commune de Megève ne s’est pas opposé à la déclaration préalable de travaux, portant sur la division en deux lots d’une parcelle cadastrée F 5981, d’une superficie de 3966 m², située au lieudit  » Lady « .

Sur le bien-fondé du motif d’annulation du permis de construire retenu par les premiers juges :
2. Aux termes du III de l’article L. 145-3 alors en vigueur du code de l’urbanisme :  » Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants./ Lorsque la commune est dotée d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale, ce document peut délimiter les hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants en continuité desquels il prévoit une extension de l’urbanisation, en prenant en compte les caractéristiques traditionnelles de l’habitat, les constructions implantées et l’existence de voies et réseaux.. (…) « .
3. Il résulte des dispositions du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat qui les a modifiées, que l’urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d’urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les  » groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants  » et qu’est ainsi possible l’édification de constructions nouvelles en continuité d’un groupe de constructions traditionnelles ou d’un groupe d’habitations qui, ne s’inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L’existence d’un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l’existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble.

4. Pour annuler la décision du maire de Megève du 18 mai 2015, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que l’urbanisation induite par le projet ne peut être regardée comme se réalisant en continuité avec un hameau ou un groupe de constructions ou d’habitations, eu égard à l’éloignement du centre urbanisé de la commune et à la situation de la parcelle, située dans un vaste espace naturel et à soixante mètres de constructions situées à l’est présentant une faible densité et implantées de manière linéaire au sud de la  » Route de Lady les Granges  » et que le maire de Megève avait fait une inexacte application des dispositions du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme citées au point 3.

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet s’implante dans la continuité de l’urbanisation qui s’est développée de part et d’autre de la route de Lady Les Granges à la jonction de celle-ci avec le chemin du Perray, dans un secteur desservi par les différents réseaux et à proximité immédiate d’une vingtaine de constructions type chalets de montagne, dont certaines très récentes, qui constituent un groupe d’habitations existant au sens des dispositions citées au point 3. Dans ces conditions, les consorts M… sont fondés à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont annulé l’arrêt en litige au motif qu’il a été délivré en méconnaissance du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme.

6. Il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens de M. A… et Mme N….

Sur les autres moyens :

7. En premier lieu, aux termes de l’article R. 441-10 du code de l’urbanisme :  » Le dossier joint à la déclaration comprend : a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune ; / b) Un plan sommaire des lieux indiquant les bâtiments de toute nature existant sur le terrain ; / c) Un croquis et un plan coté dans les trois dimensions de l’aménagement faisant apparaître, s’il y a lieu, la ou les divisions projetées. « . Il ressort des pièces du dossier qu’à l’appui de leur déclaration préalable de travaux, les consorts M… ont joint un plan topographique décrivant le projet de division. Dans ces conditions, alors que les informations fournies permettaient au maire de Megève de statuer sur leur demande, les intimés ne sont pas fondés à soutenir que les plans ne mentionnaient ni côtes ni indications sur l’aménagement envisagé.

8. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 111-1 du code de l’urbanisme :  » Le règlement national d’urbanisme est applicable aux constructions et aménagements faisant l’objet d’un permis de construire, d’un permis d’aménager ou d’une déclaration préalable ainsi qu’aux autres utilisations du sol régies par le présent code. / Toutefois les dispositions des articles R. 111-3, (…) ne sont pas applicables dans les territoires dotés d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu. « . Aux termes de l’article R. 111-2 du même code :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. « . Il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain d’assiette serait impropre à recevoir des constructions ou serait exposé aux risques d’inondation alors même qu’il serait situé à proximité d’une zone humide.

9. Par ailleurs, en application des dispositions précitées de l’article R. 111-1 du code de l’urbanisme, les intimés ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-3 ou de celles de l’article R. 111-15 du même code, la commune de Megève étant dotée d’un plan d’occupation des sols à la date de la décision en litige.
10. En troisième lieu, aux termes de l’article NB3 du règlement du POS de Megève :  » Les accès doivent être adaptés à l’opération envisagée et aménagés de façon à apporter moindre gêne à la circulation publique. « . Au soutien de leur moyen, les intimés font valoir que le terrain d’assiette du projet est desservi par une route qui n’est pas suffisamment large, la commune ne pouvant indiquer les délais dans lesquels elle pourra réaliser l’agrandissement de la route pour lequel un emplacement réservé a été créé sur une partie de la parcelle où s’implante le projet. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les accès au projet ne présentent pas de risque pour la circulation sur la route de Lady Les Granges. La circonstance que la commune n’a pas encore fait procéder à l’élargissement de cette route au droit de la parcelle d’assiette du projet n’emporte aucune conséquence sur la légalité de l’autorisation en litige, laquelle exclut d’ailleurs toute construction sur l’emplacement réservé.
11. En quatrième lieu, les intimés invoquent l’illégalité du zonage NB dans le POS modifié et révisé, approuvé le 19 décembre 1989 au profit d’un zonage NC, résultant du POS antérieur aux modifications intervenues les 28 janvier et 29 avril 2013. Il ressort des pièces du dossier que les terrains d’assiette du projet sont implantés dans une zone d’urbanisation future répondant à la définition donnée par le règlement comme  » zone naturelle ordinaire et partiellement équipée où les constructions sont possibles en fonction des viabilités existantes, sans que la commune s’engage à fournir les équipements nécessaires à une urbanisation « . Les parcelles d’assiette du projet sont situées en continuité de l’urbanisation aérée répartie de chaque côté de la route Lady Les Granges. Dans ces conditions, alors même que ces parcelles présentent les caractéristiques d’une prairie permanente et qu’elles sont utilisées comme pâturages, leur classement en zone NB n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation. Il résulte de ce qui précède que les moyens selon lesquels le classement du terrain d’assiette du projet en zone NB méconnaitrait les dispositions du III de l’article L. 145-3 ainsi que les dispositions de l’article R. 123-7 du code de l’urbanisme et serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, doivent être écartés.
12. En cinquième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’au moment de l’autorisation en litige, le PLU était suffisamment avancé s’agissant du classement des parcelles d’assiette du projet en zone agricole et que le projet aurait compromis l’exécution du futur plan de la commune. Dans ces conditions, les intimés ne se pas fondés à soutenir qu’en n’opposant pas un sursis à statuer sur le fondement de l’article L.424-1 du code de l’urbanisme, l’autorisation à la déclaration préalable de travaux des consorts M…, le maire de Megève aurait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.

13. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune et les consorts M…, que les consorts M… sont fondés à demander, outre l’annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions de la demande présentée par M. A… et Mme N… devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1507630-1507879 du 25 janvier 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 18 mai 2015 présentées par Mme N… et M. A… sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MM. G… et P… ainsi que Mme F… M…, à la commune de Megève, à Mme D… N… et à M. L… A….
Délibéré après l’audience du 22 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme K… O…, présidente de chambre ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme J… I…, première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2019.

Statut des sites de ski de fond/ Domaine privé

CAA de LYON

N° 17LY02627 et 19LY00270
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
M. d’HERVE, président
Mme Céline MICHEL, rapporteur
Mme GONDOUIN, rapporteur public
DMMJB AVOCATS, avocat

lecture du jeudi 10 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’association Vent du Haut Forez a demandé au tribunal administratif de Lyon, d’une part, d’annuler la délibération du 9 août 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes des Montagnes du Haut Forez a approuvé un projet de convention accordant à la société Monts du Forez Energie un droit de passage et d’aménagement sur les parcelles cadastrées section B n°s 562 et 590 servant d’assiette au futur parc éolien des Montagnes du Haut Forez et autorisé le président de la communauté de communes à signer tous les documents relatifs à cette convention et, d’autre part, d’enjoindre à la communauté de communes des montagnes du Haut Forez de saisir le juge du contrat afin qu’il constate la nullité de la convention.

Par un jugement n° 1607468 du 28 novembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2019, l’association Vent du Haut Forez, représentée par Me C…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement et la délibération ;

2°) d’enjoindre à la communauté de communes des montagnes du Haut Forez de saisir le juge du contrat afin qu’il constate la nullité de la convention ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
– le tribunal a omis de répondre au moyen, fondé, tiré de la méconnaissance du champ de compétence statutaire de la communauté de communes ;
– les parcelles sur lesquelles porte la convention approuvée font partie du domaine public de la communauté de communes des montagnes du Haut Forez ;
– les conseillers communautaires n’ont pas été suffisamment informés sur tous les éléments essentiels de la convention, en méconnaissance de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;
– la délibération contestée est entachée d’inexactitudes et d’erreur d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2019, la communauté d’agglomération Loire Forez, venant aux droits de la communauté de communes des montagnes du Haut Forez, représentée par Me B…, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l’appelante au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l’appelante ne sont pas fondés.

Un mémoire enregistré le 13 septembre 2019 présenté pour l’association Vent du Haut Forez n’a pas été communiqué, en application du dernier alinéa de l’article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme A…,
– les conclusions de Mme D…,
– et les observations de Me C…, représentant l’association  » Vent du Haut Forez  » et celles de Me E… représentant la communauté d’agglomération Loire-Forez ;

Considérant ce qui suit :

1. L’association Vent du Haut Forez relève appel du jugement du 28 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du 9 août 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes des montagnes du Haut Forez a approuvé un projet de convention accordant à la société Monts du Forez Energie un droit de passage et d’aménagement sur les parcelles cadastrées section B n°s 562 et 590 devant être comprises dans l’assiette au futur parc éolien des Montagnes du Haut Forez et autorisé le président de la communauté de communes à signer tous les documents relatifs à cette convention.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que l’association Vent du Haut Forez a soulevé en première instance le moyen tiré de l’incompétence de la communauté de communes des montagnes du Haut Forez pour, d’une part, prendre des décisions relatives à l’implantation d’un parc éolien sur le territoire intercommunal dès lors que ses statuts prévoient seulement qu’elle peut proposer au préfet de créer une ou plusieurs zones de développement de l’éolien sur le territoire intercommunal et, d’autre part, pour signer une convention d’autorisation de passage, en faisant valoir que la communauté de communes ne peut gérer son domaine privé que dans le cadre strict de ses compétences statutaires.
3. Le jugement attaqué écarte au point 7 comme non fondé le moyen tiré de l’incompétence de la communauté de communes en citant les dispositions de l’article L. 2221-1 du code général de la propriété des personnes publiques, en vertu desquelles les groupements de collectivités territoriales gèrent librement leur domaine privé selon les règles qui leur sont applicables. S’il n’a répondu qu’à l’une des branches du moyen soulevé, l’autre branche était inopérante, la délibération du 9 août 2016 n’ayant pas pour objet d’approuver le projet de parc éolien. Les premiers juges, qui n’étaient pas tenus d’y répondre, n’ont pas entaché le jugement d’irrégularité par cette omission.

Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales :  » Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération. « . Aux termes de l’article L. 2122-21 du même code :  » Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, le maire est chargé, d’une manière générale, d’exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier (…) / 6° De souscrire les marchés, de passer les baux des biens et les adjudications des travaux communaux dans les formes établies par les lois et règlements ; / 7° De passer dans les mêmes formes les actes de vente, échange, partage, acceptation de dons ou legs, acquisition, transaction, lorsque ces actes ont été autorisés conformément aux dispositions du présent code (…) « . Aux termes de l’article L. 2121-29 de ce code :  » Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (…) « . Ces dispositions sont rendues applicables aux établissements publics de coopération intercommunale par l’article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales.

5. La communauté d’agglomération Loire Forez, qui vient aux droits de la communauté de communes des montagnes du Haut Forez, fait valoir en défense sans cependant l’établir que les conseillers communautaires ont été destinataires d’une note d’information sur le projet de convention relative à l’autorisation de passage pour les besoins du projet éolien. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil communautaire ne disposait pas effectivement lors de la séance de ce document ainsi que du projet de convention accordant à la société Monts du Forez Energie un droit de passage et d’aménagement, précisant sa durée, et des annexes à la convention représentant les parcelles cadastrées section B n°s 562 et 590 concernées et faisant apparaitre le tracé du passage des câbles. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le président de la communauté de communes aurait refusé la consultation de ces documents aux conseillers communautaires, qui pouvaient en outre solliciter des informations supplémentaires s’ils ne s’estimaient pas suffisamment informés. L’association Vent du Haut Forez n’est dès lors pas fondée à soutenir qu’il n’a pas été satisfait aux obligations d’information des membres du conseil communautaire résultant des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales.

6. Il est constant que le chemin rural contigu des communes de la Chamba et de Chalmazel-Jeansagnière est compris dans l’objet de la convention approuvée par la délibération contestée. La communauté de communes des montagnes du Haut Forez, propriétaire des parcelles cadastrées section B n°s 562 et 590, situées sur le territoire de la commune de la Chamba, est compétente pour conclure une convention de passage en tréfonds sur le territoire d’une commune membre. Dès lors, l’absence de consultation des communes de la Chamba et de Chalmazel-Jeansagnière sur le tracé des câbles et leur enfouissement sous ce chemin est sans incidence sur la légalité de la délibération contestée.

7. Avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l’appartenance au domaine public d’un bien était, sauf si ce bien était directement affecté à l’usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. En l’absence de toute disposition en ce sens, l’entrée en vigueur de ce code n’a pu, par elle-même, avoir pour effet d’entrainer le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article L. 2111-1.

8. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes des montagnes du Haut Forez a acquis au mois de décembre 2002 les parcelles cadastrées section B n°s 562 et 590 situées sur le territoire de la commune de Chamba au Col de la Loge où un site de ski de fond a été réalisé. Ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal, le balisage et le damage des pistes de ski se traduisent seulement par une préparation et mise en forme ne concernant, temporairement, que la surface de la piste et qui sont limitées à la couche de neige, à l’exclusion du terrain d’assiette qui n’a pas fait l’objet d’un aménagement spécial. Si l’association Vent du Haut Forez invoque la présence sur la parcelle cadastrée section B n° 590 d’un chalet d’accueil d’une capacité d’hébergement de 50 places avec bar-restaurant, poste de secours et point de location de matériel qui serait ainsi affecté à un service public lié au domaine skiable, elle n’établit pas toutefois qu’il serait spécialement aménagé pour l’exploitation des pistes de ski de fond. La circonstance que les parcelles cadastrées section B n°s 562 et 590 soient incluses dans le périmètre de la base école de ski de fond ne les incorpore pas de ce seul fait dans le domaine public, ni celle qu’elles permettent le stationnement des véhicules. Par suite, elle n’est fondée ni à soutenir que ces parcelles relèvent du régime de la domanialité publique ni à invoquer l’impossibilité d’accorder des droits réels à la société Monts du Forez Energie à l’occasion de la conclusion d’un bail de droit privé.

9. Aux termes de l’article L. 2221-1 du 1 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Ainsi que le prévoient les dispositions du second alinéa de l’article 537 du code civil, les personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 gèrent librement leur domaine privé selon les règles qui leur sont applicables. « . La communauté de communes des montagnes du Haut-Forez était dès lors compétente pour adopter la délibération contestée, relative à une convention dont l’objet est l’occupation de son domaine privé, ainsi qu’il est précisé au point 8.

10. Compte tenu de ce que par la délibération contestée, le conseil communautaire n’a pas donné son accord à la création d’un parc éolien, l’association Vent du Haut Forez ne peut utilement soutenir que la communauté de communes ne pouvait légalement donner une vocation industrielle au site du col de la Loge dans le cadre de sa compétence dans le domaine touristique conférée par ses statuts.

11. L’association appelante soutient que la délibération contestée est entachée d’inexactitudes et d’erreur d’appréciation en ce qu’elle indique que la convention de passage et d’enfouissement de câble est indépendante de la promesse de bail à construction avec mise à disposition et qu’elle est conclue afin d’éviter une division parcellaire incluse dans la promesse de bail.

12. Il ressort des pièces du dossier que par une convention signée le 20 décembre 2013, la communauté de communes des montagnes du Haut Forez a consenti à la société Monts du Forez Energie un bail à construction comportant mise à disposition des parcelles cadastrées section B n°s 562 et 590. Elle s’est engagée à cette occasion à conférer à la société Monts du Forez Energie toutes servitudes de passage et de survol des parcelles lui appartenant pour les installations du parc éolien. La convention stipule que le terrain pris à bail ne sera pas constitué par l’ensemble des parcelles mais seulement certaines parties qui seront celles effectivement concernées par l’implantation des éoliennes. Le moyen tiré de ce que la délibération contestée serait entachée d’inexactitudes et, en tout état de cause, d’erreur d’appréciation, ne peut qu’être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que l’association Vent du Haut Forez n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. La requête doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d’injonction et celles présentées au titre des frais du litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros à verser à la communauté d’agglomération Loire Forez.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l’association Vent du Haut Forez est rejetée.
Article 2 : L’association Vent du Haut Forez versera à la communauté d’agglomération Loire Forez la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Vent du Haut Forez et à la communauté d’agglomération Loire Forez.

Délibéré après l’audience du 19 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. d’Hervé, président,
Mme A…, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 octobre 2019.
A…
2
N° 19LY00270

Agriculture de montagne/ Aide proportionnelle à l’investissement/ Paiement indu/ Conditions de reversement

Conseil d’État

N° 417886
ECLI:FR:CECHR:2019:417886.20191014
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
3ème – 8ème chambres réunies
Mme Pauline Berne, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
SCP GASCHIGNARD, avocat

lecture du lundi 14 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler la décision du préfet des Hautes-Alpes du 17 mai 2013 portant réduction du montant de l’aide que lui ont accordé l’Etat et le Fonds européen agricole pour le développement rural au titre du plan de modernisation des bâtiments d’élevage (FEADER-PMBE). Par un jugement n° 1306598 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision préfectorale du 17 mai 2013.

Par un arrêt n° 16MA00695 du 4 décembre 2017, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février et 7 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil du 21 juin 2005 ;
– le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 ;
– le règlement (CE) n° 65/2011 de la Commission du 27 janvier 2011 ;
– la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
– le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 ;
– le décret n° 2009-1452 du 24 novembre 2009 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Pauline Berne, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. B… ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté préfectoral du 19 octobre 2011, M. B… a bénéficié d’une subvention de 15 285,60 euros pour l’achat d’un tracteur d’un prix hors taxes de 50 952 euros, au titre de l’aide à la modernisation-mécanisation en zone de montagne prévue par le Programme de développement rural 2007-2013. A la suite d’un contrôle sur place réalisé le 28 mars 2013, le préfet des Hautes-Alpes a, par lettre du 17 mai 2013, prononcé la déchéance partielle de cette aide et exigé la restitution de 9 097,38 euros, au motif, d’une part, que M. B… ne s’était pas personnellement acquitté d’une partie du prix du tracteur, à hauteur de 25 000 euros, réglée directement au fournisseur par ses oncles et, d’autre part, que le fournisseur avait réduit les versements demandés du montant de la reprise d’une presse agricole, soit 5 325 euros. A la suite du rejet implicite de son recours hiérarchique, M. B… a saisi le tribunal administratif de Marseille qui, par un jugement du 3 décembre 2015, a annulé la décision du préfet. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 4 décembre 2017 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel qu’il a formé contre ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l’article 26 du règlement (CE) n°1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), alors en vigueur :  » 1. L’aide prévue à l’article 20, point b) i), est accordée pour les investissements matériels et/ou immatériels qui : / a) améliorent le niveau global des résultats de l’exploitation, et / b) respectent les normes communautaires applicables à l’investissement concerné. (…) / 2. L’aide est limitée au taux maximal fixé en annexe « . Aux termes de l’article 71 du même règlement  » (…) 3. Les règles d’éligibilité des dépenses sont fixées au niveau national, sous réserve des conditions particulières établies au titre du présent règlement pour certaines mesures de développement rural. […]. « . Aux termes de l’article 72 de ce règlement :  » 1. Sans préjudice des règles relatives à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services au sens des articles 43 à 49 du traité, l’État membre veille à ce que la participation du Feader ne reste acquise à une opération d’investissement cofinancée que si cette opération ne connaît pas, dans un délai de cinq ans à compter de la décision de financement par l’autorité de gestion, de modification importante: / a) affectant sa nature ou ses conditions de mise en oeuvre ou procurant un avantage indu à une entreprise ou à une collectivité publique; / b) résultant soit d’un changement dans la nature de la propriété d’une infrastructure, soit de l’arrêt ou d’une délocalisation d’une activité productive.  » / 2. Les sommes indûment versées sont recouvrées conformément à l’article 33 du règlement (CE) n° 1290/2005 « .

3. Aux termes de l’article 5 du règlement (UE) n° 65/2011 de la Commission du 27 juillet 2011 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil, alors en vigueur :  » 1. En cas de paiement indu, le bénéficiaire concerné a l’obligation de rembourser les montants en cause majorés d’intérêts calculés conformément au paragraphe 2. (…) « . Aux termes de l’article 18 du même règlement :  » L’État membre recouvre le montant de l’aide et/ou refuse cette dernière ou détermine le montant de la réduction de l’aide, en particulier en fonction de la gravité, de l’étendue et du caractère persistant du manquement constaté « . Aux termes de l’article 24 de ce règlement :  » Les paiements effectués par les bénéficiaires sont attestés par des factures et des preuves de paiement. Lorsque cela n’est pas possible, les paiements sont accompagnés de pièces de valeur probante équivalente « . Aux termes du 1° de l’article 26 de ce règlement :  » En effectuant les contrôles sur place, les États membres s’attachent à vérifier : a) que les demandes de paiement introduites par le bénéficiaire sont justifiées par des pièces comptables ou d’autres documents, y compris, le cas échéant, une vérification de l’exactitude des données de la demande de paiement sur la base de données ou de documents commerciaux détenus par des tiers ; […] c) que la destination effective ou prévue de l’opération correspond aux objectifs décrits dans la demande d’aide « .

4. Enfin, aux termes de l’article 5 du décret du 24 novembre 2009 fixant les règles d’éligibilité des dépenses des programmes de développement rural :  » I. – Sont regardés comme des dépenses réelles justifiées par les bénéficiaires les paiements justifiés soit par des factures acquittées, soit par des factures auxquelles sont jointes des pièces permettant de vérifier le paiement effectif aux créanciers, soit par des pièces comptables de valeur probante équivalente (…) « . Aux termes de l’article 7 du même décret :  » (…) Les dépenses éligibles ne dépassent pas la valeur de l’investissement ou du projet, déduction faite des recettes « .

5. Il résulte de ces dispositions que les contrôles effectués par l’administration visent notamment à vérifier l’exactitude des données de la demande de paiement et à s’assurer que l’opération est réalisée conformément à la demande initiale de subvention, au regard de laquelle l’aide attribuée a été calculée. La cour a relevé, par une appréciation souveraine des faits non arguée de dénaturation, que M. B…, qui avait produit la facture du tracteur établie à son nom et attestant du règlement intégral du prix prévu, était seul propriétaire de cet engin agricole et qu’il n’était pas contesté par l’administration qu’il en était également l’unique exploitant. Dans ces conditions, c’est sans erreur de droit que la cour a jugé que le préfet ne pouvait légalement, au seul motif que le prix avait été en partie supporté par les oncles de M. B…, que ce soit au titre d’un don ou d’un prêt à ce dernier, réduire l’aide allouée au prorata des sommes versées par ces derniers.

6. En second lieu, il résulte des dispositions précitées de l’article 26 du règlement du 20 septembre 2005 que l’aide accordée par le FEADER est proportionnelle au montant de l’investissement subventionné. Par ailleurs, aux termes de l’article 10 du décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l’Etat pour des projets d’investissement, dans sa rédaction applicable au présent litige :  » Pour chaque décision attributive, le montant maximum prévisionnel de la subvention est déterminé par l’application à la dépense subventionnable prévisionnelle d’un taux arrêté par l’autorité compétente. La dépense subventionnable prévisionnelle est calculée à partir du coût du projet d’investissement présenté  » et aux termes de l’article 13 du même décret :  » Sauf dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 10 où le montant de la subvention est calculé conformément à un barème, la liquidation de la subvention s’effectue par application au montant de la dépense réelle, plafonné au montant prévisionnel de la dépense subventionnable, du taux de subvention mentionné au premier alinéa de l’article 10. Ce taux, ainsi que la nature de la dépense subventionnable, ne peuvent être modifiés par rapport à la décision attributive « .

7. Il résulte de ces dispositions que la subvention versée, tant par le FEADER que par l’Etat, est proportionnelle à la dépense d’investissement initialement présentée, le taux de subvention applicable au montant des dépenses éligibles étant déterminé par l’autorité compétente. Il résulte également de ces dispositions, ainsi que des dispositions précitées de l’article 72 du règlement du 20 septembre 2005 et de l’article 5 du règlement du 27 juillet 2011, que l’autorité compétente est tenue, si les dépenses réelles s’avèrent inférieures aux dépenses prévisionnelles, de réclamer le reversement de l’aide au prorata des dépenses non réalisées, sans préjudice, le cas échéant, de la réduction éventuellement plus importante susceptible d’être décidée en cas de manquement, en application de l’article 18 du règlement (UE) n° 65/2011, à raison de la gravité, de l’étendue et du caractère persistant de ce manquement. Lorsque le reversement est exigé au prorata des dépenses non réalisées, sa légalité s’apprécie, s’il y a lieu, au regard de chacune des causes de réduction du montant des dépenses réelles par rapport aux dépenses prévisionnelles.

8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision de déchéance partielle du préfet était fondée sur le constat que la dépense réelle de M. B… était inférieure à la dépense initialement présentée, à raison d’une part du versement des sommes acquittées par les oncles de M. B… et d’autre part de la reprise, par le fournisseur, d’une presse agricole et que le montant de la restitution exigée correspondait à la réduction de l’aide accordée, qui était de 30% de l’investissement subventionné, au prorata des dépenses ainsi regardées comme non réalisées. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation est fondé à soutenir que la cour a commis une erreur de droit en jugeant, pour annuler cette décision dans son ensemble, y compris en tant qu’elle procédait de la réduction des dépenses réelles exposées par M. B… à raison de la reprise par le fournisseur d’une presse agricole, que l’aide n’était pas proportionnelle à la dépense et qu’il ne résultait pas de l’instruction que le préfet des Hautes-Alpes aurait pris la même décision s’il avait uniquement tenu compte de cette reprise.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’agriculture et de l’alimentation est fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque en tant seulement qu’il annule la décision du 17 mai 2013 du préfet des Hautes-Alpes à hauteur de la fraction de restitution correspondant à la reprise de la presse agricole.

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé en tant qu’il annule la décision du 17 mai 2013 du préfet des Hautes-Alpes à hauteur de la fraction de restitution correspondant à la reprise de la presse agricole.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4: La présente décision sera notifiée au ministre de l’agriculture et de l’alimentation et à M. A… B….

DSP/Remontées mécaniques/Candidat irrégulièrement évincé/ Etendue du droit à indemnisation

Conseil d’État

N° 418317
ECLI:FR:CECHR:2019:418317.20191014
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
7ème – 2ème chambres réunies
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
Mme Mireille Le Corre, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats

lecture du lundi 14 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

La société Les Téléskis de la Croix Fry (TCF) a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler le contrat par lequel la commune de Manigod a délégué à la société Manigod Labellemontagne la gestion et l’exploitation de son domaine skiable et de condamner la commune à lui verser la somme de 20 millions d’euros en indemnisation du manque à gagner subi du fait de son éviction ou, subsidiairement, la somme de 188 241 euros HT en remboursement des frais exposés pour présenter son offre, outre, dans les deux cas, les intérêts au taux légal courant à compter du 21 février 2013, capitalisés. Par un jugement n° 1204316 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Manigod à verser à la société TCF la somme de 3 millions d’euros  » tous intérêts compris « .

Par un arrêt n°s 16LY01604, 16LY01770 du 21 décembre 2017, la cour administrative d’appel de Lyon a, sur appel de la commune de Manigod, ramené à 150 000 euros  » tous intérêts compris  » la somme que la commune de Manigod a été condamnée à verser à la société TCF et réformé le jugement en ce qu’il avait de contraire à son arrêt.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 février 2018 et 10 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société TCF demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt et de rejeter le pourvoi incident de la commune de Manigod ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d’appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Manigod la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société TCF et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Manigod ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 septembre 2019, présentée par la société TCF ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Manigod dans le département de la Haute-Savoie a lancé en 2011 une procédure d’appel d’offres en vue de confier la gestion et l’exploitation du service public des remontées mécaniques et des pistes de ski à un opérateur unique pour l’ensemble de son domaine skiable. Deux candidates ont été admises à participer à la négociation : la société TCF, ancien délégataire pour une partie du domaine, et la société Manigod Labellemontagne. Par une convention signée le 20 juin 2012, la commune a délégué à la société Manigod Labellemontagne la gestion et l’exploitation de l’ensemble du domaine skiable. La société TCF a alors demandé au tribunal administratif de Grenoble, en sa qualité de concurrente évincée, l’annulation de ce contrat ainsi que la condamnation de la commune à lui verser une indemnité destinée à couvrir le manque à gagner subi ou, à tout le moins, les frais exposés pour présenter son offre. Par un jugement du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a, après avoir estimé que le consentement de la commune avait été vicié et que l’irrégularité n’était pas régularisable, estimé qu’il y avait malgré tout lieu de décider de la poursuite de la délégation en cours et rejeté les conclusions tendant à l’annulation du contrat ; il a également condamné la commune de Manigod à verser à la société TCF la somme de 3 millions d’euros  » tous intérêts compris  » au motif qu’elle avait été privée d’une chance sérieuse d’obtenir le contrat. Sur appel de la commune, la cour administrative d’appel de Lyon a toutefois, par un arrêt du 21 décembre 2017, ramené la condamnation prononcée à la somme de 150 000 euros, en estimant que si la procédure suivie était irrégulière, cette irrégularité n’avait pas privé la société TCF d’une chance sérieuse de remporter le contrat et qu’elle ne pouvait donc pas prétendre à l’indemnisation de son manque à gagner mais seulement à celle des frais engagés pour participer à la procédure de consultation. La société TCF et, par la voie du pourvoi incident, la commune de Manigod et la société Manigod Labellemontagne se pourvoient en cassation contre cet arrêt.

Sur la recevabilité de l’intervention de la société Manigod Labellemontagne en appel :

2. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d’un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l’objet du litige. Il en va ainsi de l’attributaire d’un contrat public, eu égard à l’objet du litige et à ses incidences sur les relations entre les parties comme sur sa réputation, non seulement lorsqu’est demandée l’annulation du contrat, mais aussi lorsque, comme en l’espèce devant le juge d’appel, est seulement recherchée la condamnation de son cocontractant au versement d’une indemnité à raison de l’irrégularité du contrat litigieux. Dès lors, en estimant que si la société Manigod Labellemontagne, attributaire du contrat de concession, était dépourvue d’intérêt à faire appel du jugement, qui avait rejeté la demande d’annulation du contrat formée par la société TCF, elle avait cependant intérêt à intervenir au soutien de l’appel formé par la commune de Manigod, dont les conclusions tendaient, à titre principal, à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui avait retenu sa responsabilité du fait de l’irrégularité de l’offre retenue et des vices entachant la procédure de passation, la cour administrative d’appel de Lyon n’a pas, eu égard à l’objet du litige, donné aux faits de l’espèce une inexacte qualification juridique.

Sur l’étendue du droit à indemnisation du concurrent évincé :

3. Lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre, lesquels n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d’intérêt général.

4. La cour administrative d’appel de Lyon a relevé que la commune de Manigod a porté atteinte au principe d’égalité d’accès à la commande publique en n’informant pas la société TCF de la faculté, que la collectivité a admise en cours de négociation avec la société Manigod Labellemontagne, de proposer une variante par rapport aux prescriptions du cahier des charges relatives à la réalisation d’une retenue collinaire en vue de l’installation d’un réseau de neige de culture et, en conséquence, en ne permettant pas à cette seconde candidate de modifier son offre pour prendre en compte cette variante. La cour a estimé qu’il existait un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité ainsi commise par la commune et les préjudices invoqués par la société TCF. La société TCF conteste le montant des sommes qui lui ont été allouées pour réparer ses préjudices.

En ce qui concerne la régularité de l’offre de la société Manigod Labellemontagne :

5. Aux termes du premier et des deux derniers alinéas de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable :  » Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service. (…) / La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s’il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l’usager. / Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l’autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire « .

6. Aux termes de l’article 2.1 du règlement de consultation de la délégation de service public des remontées mécaniques et du domaine skiable de la station de Manigod :  » Le dossier de consultation comprend : – le présent règlement ; – le document de consultation ou cahier des charges et ses annexes présentant les caractéristiques qualitatives et quantitatives de la future délégation de service public. / La commune pourra apporter toute modification à ce document ou réparer toute erreur matérielle, en informant tous les candidats « . Aux termes de l’article 3.3 du même règlement :  » L’ensemble des autres clauses du document de consultation pourront faire l’objet d’observations ou de propositions alternatives motivées de la part des candidats, qui seront intégrées dans leur proposition « . Enfin, aux termes de l’article 24.2 du cahier des charges présentant les caractéristiques qualitatives et quantitatives de la future délégation de service public :  » (…) les candidats proposeront, en plus des investissements de renouvellement, les investissements nouveaux ou toute autre proposition visant à contribuer au développement de la station, avec la réalisation a minima de deux télésièges et d’une retenue collinaire permettant l’installation d’un réseau de neige de culture sur le secteur Croix Fry « .

7. En estimant qu’il résultait des dispositions citées au point précédent, qui n’interdisaient pas aux candidats de formuler des propositions alternatives s’agissant des investissements prévus à l’article 24.2 du cahier des charges, que l’offre de la société Manigod Labellemontagne, qui avait proposé, lors de la phase de négociation, deux solutions à la commune de Manigod, l’une portant sur l’extension des réseaux d’enneigement artificiel sur le secteur de la Croix Fry sans construction d’une nouvelle retenue d’altitude, l’autre prévoyant la réalisation d’un lac d’altitude, n’était pas pour ce motif irrégulière, la cour administrative d’appel de Lyon, qui a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n’a pas commis d’erreur de droit.

En ce qui concerne l’existence d’une chance de la société TCF :

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en relevant, pour estimer que la société TCF n’était pas dépourvue de toute chance d’être retenue comme délégataire, que son offre avait été qualifiée à l’issue des négociations de « bien argumentée et faisant preuve d’un grand professionnalisme » par le rapport de présentation des offres, qu’elle disposait des capacités techniques nécessaires à la gestion d’un domaine skiable et que son offre répondait aux attentes de la commune de Manigod, la cour administrative d’appel de Lyon n’a ni commis d’erreur de droit ni dénaturé les faits qui lui étaient soumis.

9. Il ressort en second lieu des mêmes pièces, notamment du montant des investissements envisagés et de la qualité des stratégies commerciales respectivement proposés par chacune des deux candidates, qu’en estimant, au vu de la marge d’appréciation dont dispose la collectivité à l’occasion de l’attribution d’une délégation de service public, que même en neutralisant les éléments sur lesquels le vice entachant la procédure de passation du contrat est susceptible d’avoir eu un effet, l’offre présentée par la société Manigod Labellemontagne était supérieure à celle de la société TCF, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n’a pas commis d’erreur de droit en déduisant de ces appréciations souveraines exemptes de dénaturation que la société TCF n’avait, en revanche, pas de chance sérieuse de se voir attribuer la délégation de service public litigieuse.

En ce qui concerne le montant de l’indemnité allouée à la société TCF :

10. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que c’est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour administrative d’appel de Lyon a évalué à 150 000 euros  » tous intérêts compris  » le montant de l’indemnité due à la société TCF au titre des frais exposés par elle en vue de la présentation de son offre.

11. Enfin, aucun texte ni aucun principe ne font obstacle à ce que le juge d’appel, lorsqu’il alloue une indemnité en réparation d’un dommage, détermine son montant en y incluant les intérêts déjà dus. La cour administrative d’appel de Lyon n’a donc pas, contrairement à ce qui est soutenu, commis une erreur de droit en condamnant la commune de Manigod à verser une somme de 150 000 euros  » tous intérêts compris  » sans prévoir que cette indemnité ouvrait droit au versement d’intérêts moratoires courant à compter de la date de notification de la réclamation préalable indemnitaire ou du jugement de première instance.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société TCF et le pourvoi incident de la commune de Manigod et de la société Manigod Labellemontagne doivent être rejetés.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société TCF la somme de 1 500 euros à verser respectivement à la commune de Manigod et à la société Manigod Labellemontagne, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Manigod qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Les Téléskis de la Croix Fry et le pourvoi incident de la commune de Manigod et de la société Manigod Labellemontagne sont rejetés.
Article 2 : La société Les Téléskis de la Croix Fry versera à la commune de Manigod et à la société Manigod Labellemontagne une somme de 1 500 euros chacune, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Les Téléskis de la Croix Fry, à la commune de Manigod et à la société Manigod Labellemontagne.

Corse/ Services publics en montagne/ Impôts

Conseil d’État

N° 426092
ECLI:FR:CECHS:2019:426092.20191001
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public

lecture du mardi 1 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1801264 du 4 décembre 2018, enregistrée le même jour au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat, le président du tribunal administratif de Bastia a transmis au Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, une requête présentée par M. A… B…. Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bastia le 29 novembre 2018, et par un mémoire en réplique, enregistré le 22 février 2019 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat, M. B… demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le ministre de l’action et des comptes publics a réorganisé les postes comptables des services déconcentrés de la direction générale des finances publiques ou, à titre subsidiaire, l’article 3 de cet arrêté.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

– les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B…, contribuable résidant à Zalana (Haute-Corse), commune située, jusqu’au 1er janvier 2019, dans le ressort du poste comptable de Moïta, demande l’annulation de l’arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le ministre de l’action et des comptes publics a réorganisé les postes comptables des services déconcentrés de la direction générale des finances publiques ou, à titre subsidiaire, de l’article 3 de cet arrêté, aux termes duquel :  » L’activité de recouvrement de l’impôt, actuellement assurée par le comptable de la trésorerie de Moïta, est transférée au comptable du service des impôts des particuliers et des entreprises de Corte (Haute-Corse) « .

2. Eu égard aux moyens qu’il soulève, M. B… doit être regardé comme demandant l’annulation du seul article 3 de cet arrêté, divisible de ses autres dispositions.

3. Aux termes de l’article 1er de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne :  » La République française reconnaît la montagne comme un ensemble de territoires dont le développement équitable et durable constitue un objectif d’intérêt national en raison de leur rôle économique, social, environnemental, paysager, sanitaire et culturel. La montagne est source d’aménités patrimoniales, environnementales, économiques et sociétales. / Le développement équitable et durable de la montagne s’entend comme une dynamique de progrès initiée, portée et maîtrisée par les populations de montagne et appuyée par la collectivité nationale, dans une démarche d’auto-développement, qui doit permettre à ces territoires d’accéder à des niveaux et conditions de vie, de protection sociale et d’emploi comparables à ceux des autres régions et d’offrir à la société des services, produits, espaces et ressources naturelles de haute qualité. (…) / L’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, dans le cadre de leurs compétences respectives, mettent en oeuvre des politiques publiques articulées au sein d’une politique nationale répondant aux spécificités du développement équitable et durable de la montagne, notamment (…) aux besoins des populations montagnardes permanentes et saisonnières (…). Dans le cadre de cette politique, l’action de l’Etat a, en particulier, pour finalités : / (…) 13° De réévaluer le niveau des services publics et des services au public en montagne et d’en assurer la pérennité, la qualité, l’accessibilité et la proximité, en tenant compte, notamment en matière d’organisation scolaire, d’offre de soins et de transports, des temps de parcours et des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières des territoires de montagne ; (…) « . Aux termes de l’article 8 de cette même loi :  » Les dispositions de portée générale ainsi que les politiques publiques et les mesures prises pour leur application relatives, notamment, au numérique et à la téléphonie mobile, à la construction et à l’urbanisme, à l’éducation, à l’apprentissage et à la formation professionnelle, à la santé, aux transports, au développement économique, social et culturel, au développement touristique, à l’agriculture, à l’environnement ainsi qu’à la protection de la montagne sont, éventuellement après expérimentation, adaptées à la spécificité de la montagne ou à la situation particulière de chaque massif ou partie de massif « . Aux termes de l’article 8 bis de cette loi :  » Sans préjudice de la présente loi, et pour l’application et l’interprétation de celle-ci notamment, la spécificité de la Corse, territoire montagneux et insulaire présentant le caractère d' »île-montagne », par suite soumise à un cumul de contraintes, est prise en considération conformément à l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. / L’Etat et la collectivité territoriale de Corse, en concertation avec les collectivités territoriales et établissements publics de l’île, veillent conjointement à la mise en oeuvre en Corse de l’article 8 de la présente loi « .

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport public de la Cour des comptes de 2018 produit par M. B…, que la direction générale des finances publiques a engagé une réorganisation de l’ensemble de son réseau de postes comptables. Elle vise, en premier lieu, à instituer des interlocuteurs fiscaux uniques, d’une part, pour les particuliers, d’autre part, pour les collectivités territoriales et établissements publics. En deuxième lieu, elle se fixe pour objectif d’améliorer le service rendu aux usagers par regroupement des compétences et suppression des postes dont les effectifs ne permettent plus d’assurer un service d’accueil physique continu et de qualité, tout en assurant une meilleure accessibilité du service par la dématérialisation et la diversification des canaux de contact avec les contribuables. En troisième lieu, elle a pour objet d’adapter le service public du recouvrement de l’impôt à l’évolution des besoins en matière de liquidation et de recouvrement de l’impôt. L’importance relative de la mission de recouvrement de l’impôt des personnes physiques sera, en particulier, appelée à décroître, compte tenu, du taux élevé de paiement par voie dématérialisée, de la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, et de la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des contribuables, ces deux impositions donnant lieu à l’essentiel des demandes d’échelonnement de paiement et de remise gracieuse.

5. En application de ces orientations, qui ont conduit à une réévaluation du service public de l’impôt, dans son ensemble, en Corse, les activités de recouvrement des impôts des particuliers du poste comptable de Moïta ont été transférées par l’arrêté attaqué à Corte, quatrième agglomération de Haute-Corse, dans un objectif de meilleure qualité de service et de mutualisation avec celles de liquidation de l’impôt.

6. En premier lieu, il ressort des éléments avancés en défense par le ministre, qui ne sont contestés par le requérant que par des affirmations non assorties de justifications, que les contribuables relevant du poste comptable de Moïta et souhaitant s’adresser aux services fiscaux pour des questions relatives au recouvrement des impôts des particuliers peuvent, à défaut de se rendre au poste comptable de Corte, bénéficier d’un accueil téléphonique, faire usage des communications électroniques ou, au demeurant, être accueillis à Moïta, où la direction générale des finances publiques a maintenu, en dépit de la spécialisation de ce poste comptable dans les questions de gestion communale, des agents formés pour connaître de questions relatives au recouvrement des impôts des particuliers.

7. Il en découle, à supposer établies les allégations du requérant selon lesquelles le transfert à Corte des activités de recouvrement des impôts des particuliers du poste comptable de Moïta aurait pour effet d’allonger de manière importante le temps nécessaire pour se rendre en voiture au poste comptable compétent, que l’article 3 de l’arrêté attaqué ne saurait être regardé comme portant par lui-même atteinte à la pérennité, la qualité, l’accessibilité et la proximité du service public du recouvrement de l’impôt en Corse. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué méconnaitrait les dispositions de la loi du 9 janvier 1985 ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté.

8. En second lieu, la seule circonstance que les contribuables de trois communes du ressort du poste comptable de Moïta n’auraient pas encore accès, à la date à laquelle a été pris l’arrêté attaqué, aux communications électroniques, ne suffit pas, compte tenu de l’existence et du maintien d’autres modes d’échange avec les services concernés ainsi qu’indiqué au point 6, à établir que les dispositions contestées auraient été prises en méconnaissance du principe d’égal accès des usagers au service public.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté qu’il attaque.

D E C I D E :
————–
Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A… B… et au ministre de l’action et des comptes publics.

Urbanisation en continuité/ DTA Alpes-Maritimes

Conseil d’État

N° 418666
ECLI:FR:CECHR:2019:418666.20191002
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère – 4ème chambres réunies
M. Thibaut Félix, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL, avocats

lecture du mercredi 2 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

M. C… E… et l’association La Clave et le Bas Estéron ont demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, l’arrêté du 16 juillet 2013 par lequel le maire de la commune du Broc a délivré à la société civile immobilière La Clave le permis de construire une maison d’habitation avec piscine dans le lieu-dit La Clave, sur quatre parcelles cadastrées nos E 138, 139, 140 et 1076 et, d’autre part, d’annuler l’arrêté du 11 juin 2013 par lequel le maire de la commune a délivré à M. D… F…, aux droits duquel est venue Mme B… A…, le permis de construire une maison d’habitation dans le même lieu-dit, sur une parcelle cadastrée n° E 143. Par un jugement nos 1303310, 1303314 du 26 février 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 16MA01736 du 28 décembre 2017, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur l’appel de l’association La Clave et le Bas Estéron, annulé ce jugement et les arrêtés attaqués du 16 juillet 2013 et du 11 juin 2013.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février, 28 mai et 18 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune du Broc et la SCI La Clave demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de l’association La Clave et le Bas Estéron ;

3°) de mettre à la charge de cette association la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
– le décret n° 2003-1169 du 2 décembre 2003 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,

– les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la commune du Broc et de la SCI la Clave ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire du Broc a délivré à M. D… F…, par un arrêté du 11 juin 2013, le permis de construire une maison d’habitation sur une parcelle cadastrée n° E 143 et à la SCI La Clave, par un arrêté du 16 juillet 2013, le permis de construire une maison d’habitation avec piscine sur quatre parcelles cadastrées nos E 138, 139, 140 et 1076, dans le lieu-dit la Clave, en secteur NBa de la zone NB du plan d’occupation des sols de la commune, zone naturelle desservie partiellement par des équipements qu’il n’est pas prévu de renforcer et dans lesquelles des constructions ont déjà été édifiées. Par un jugement du 26 février 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté le recours de M. E… et de l’association La Clave et le Bas Estéron tendant à l’annulation de ces permis de construire. Toutefois, par un arrêt du 28 décembre 2017, contre lequel la commune du Broc et la SCI La Clave se pourvoient en cassation, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur l’appel de l’association, annulé ces permis.

2. En premier lieu, l’article NB 1 du règlement du plan d’occupation des sols de la commune du Broc, alors en vigueur, autorise les constructions à usage d’habitation, dans la limite d’un volume par tranche de 1 500 mètres carrés de terrain dans le secteur NBa et par tranche de 2 500 mètres carrés dans le secteur NBb. Aux termes de l’article NB 4 du même règlement :  » Toute construction ou installation requérant une alimentation en eau potable doit être raccordée au réseau public d’eau potable « .

3. Il résulte de ces dispositions que les constructions à usage d’habitation ne sont admises en zone NB qu’à la condition de respecter les différentes dispositions du règlement du plan d’occupation des sols dans la zone, dont, en particulier, l’exigence de raccordement au réseau public d’eau potable prévue à l’article NB 4 du règlement. Par suite, en jugeant que, alors même que le secteur NBa où se situent les terrains d’assiette des projets litigieux n’était pas desservi par un réseau public d’eau potable, les permis de construire attaqués méconnaissaient les dispositions précitées de l’article NB 4 du règlement du plan d’occupation des sols, au motif que les deux projets en litige n’étaient pas raccordés au réseau public d’eau potable, la cour, qui n’a pas donné de ces dispositions une interprétation les entachant de contradiction, n’a pas commis d’erreur de droit.

4. En second lieu, aux termes du cinquième alinéa de l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige :  » Les dispositions des directives territoriales d’aménagement qui précisent les modalités d’application des articles L. 145-1 et suivants sur les zones de montagne (…) s’appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées « . Aux termes du second alinéa de l’article L. 145-2 du même code, applicable au litige :  » Les directives territoriales d’aménagement précisant les modalités d’application des dispositions du présent chapitre ou, en leur absence, lesdites dispositions sont applicables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions (…) « . Enfin, aux termes du III de l’article L. 145-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises aux articles L. 122-5, L. 122-5-1 et L. 122-6 du même code, l’urbanisation en zone de montagne  » doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. / Lorsque la commune est dotée d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale, ce document peut délimiter les hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants en continuité desquels il prévoit une extension de l’urbanisation, en prenant en compte les caractéristiques traditionnelles de l’habitat, les constructions implantées et l’existence de voies et réseaux. / Lorsque la commune n’est pas dotée d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale, les notions de hameaux et de groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants doivent être interprétées en prenant en compte les critères mentionnés à l’alinéa précédent « .

5. D’une part, il résulte de ces dispositions qu’il appartient à l’autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d’autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol mentionnée au second alinéa de l’article L. 145-2 du code de l’urbanisme de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la conformité du projet aux dispositions du code de l’urbanisme particulières à la montagne, le cas échéant au regard des prescriptions d’une directive territoriale d’aménagement demeurée en vigueur qui sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions des articles L. 145-1 et suivants du même code.

6. D’autre part, il résulte des dispositions du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat qui les a modifiées, que l’urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d’urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les  » groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants  » et qu’est ainsi possible l’édification de constructions nouvelles en continuité d’un groupe de constructions traditionnelles ou d’un groupe d’habitations qui, ne s’inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L’existence d’un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l’existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble.

7. S’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les projets litigieux s’inscrivent dans les  » espaces naturels  » délimités par la carte 19 de la directive territoriale d’aménagement des Alpes-Maritimes, approuvée par décret du 2 décembre 2003, le point III-132-3 de cette directive admet, dans les espaces naturels,  » le confortement (…) des groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants « . Le point III-132-4-4 prévoit en outre que  » dans la frange sud de la zone montagne « ,  » les bourgs et villages sont constitués de « vieux villages » et de quartiers nouveaux, intégrant les hameaux, groupes de constructions traditionnelles et groupes d’habitations, qui comprennent un nombre significatif de maisons très proches les unes des autres « , tandis que les secteurs d’urbanisation diffuse sont définis comme ceux où s’est développé un habitat de faible densité, soit 2 à 4 maisons à l’hectare.

8. Pour juger que les projets litigieux n’étaient pas situés en continuité avec un groupe d’habitations existant, la cour a relevé que les habitations existantes dans ce secteur, au nombre d’une dizaine, étaient espacées de 25 à 40 mètres et que le secteur n’était pas desservi par les réseaux d’eau et d’assainissement. En se fondant sur ces critères pour juger, au terme d’une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, portée au regard des prescriptions de la directive territoriale d’aménagement des Alpes-Maritimes, que les permis attaqués méconnaissaient les dispositions de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par l’association La Clave et le Bas Estéron, que la commune du Broc et la SCI La Clave ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille qu’elles attaquent.

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’association La Clave et le Bas Estéron, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune du Broc et de la SCI La Clave le versement à l’association La Clave et le Bas Estéron d’une somme de 1 500 euros chacune au titre de ces dispositions.

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi de la commune du Broc et de la SCI La Clave est rejeté.
Article 2 : La commune du Broc et la SCI La Clave verseront chacune à l’association La Clave et le Bas Estéron une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune du Broc, à la société civile immobilière La Clave et à l’association La Clave et le Bas Estéron.
Copie en sera adressée à Mme B… A….

Remontées mécaniques/ Fiscalité/ Diminution de la CFE

Conseil d’État

N° 421991
ECLI:FR:CECHR:2019:421991.20191004
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
3ème – 8ème chambres réunies
Mme Cécile Isidoro, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocat

lecture du vendredi 4 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiées (SAS) société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine Avoriaz (SERMMA) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d’industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2012, dans les rôles de la commune de Morzine.

Par l’article 3 du jugement n° 1402025 du 27 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir prononcé la décharge de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d’industrie, a rejeté le surplus de la demande.

Par un arrêt n° 16LY02842 du 3 mai 2018, la cour administrative d’appel a rejeté l’appel formé par la société SERMMA contre l’article 3 de ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 4 juillet 2018, le 4 octobre 2018 et le 8 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société SERMMA demande au Conseil d’Etat.

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 septembre 2019, présentée par la société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’après avoir été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre de l’année 2012 dans les rôles de la commune de Morzine, la SAS Société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz (SERMMA) a présenté deux demandes de dégrèvement tenant compte, d’une part, du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée et, d’autre part, d’une révision à la baisse de la valeur locative de ses biens passibles de taxe foncière. Après avoir bénéficié d’un dégrèvement de cotisation foncière des entreprises conforme à la première de ces demandes, la société n’a que partiellement obtenu gain de cause au titre de sa seconde demande et elle a contesté le rejet partiel qui lui a été opposé devant le tribunal administratif de Grenoble. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel qu’elle a formé contre l’article 3 du jugement du 27 juin 2016 qui a rejeté ces conclusions.

2. Aux termes de l’article 1447-0 du code général des impôts :  » Il est institué une contribution économique territoriale composée d’une cotisation foncière des entreprises et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. « . Aux termes de l’article 1647 B sexies du même code :  » I. – Sur demande du redevable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la contribution économique territoriale de chaque entreprise est plafonnée en fonction de sa valeur ajoutée. (…) / II. Le plafonnement prévu au I du présent article s’applique sur la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises diminuées, le cas échéant, de l’ensemble des réductions et dégrèvements dont ces cotisations peuvent faire l’objet (…) / III. – Le dégrèvement s’impute sur la cotisation foncière des entreprises. / (…) V. Le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu’en matière de cotisation foncière des entreprises « .

3. Aux termes de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales :  » Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande « .

4. Il résulte de la combinaison des textes cités aux points 2 et 3 que les sommes accordées à un contribuable au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée s’imputent sur la cotisation foncière des entreprises due par celui-ci. Dès lors, l’administration peut, en application des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, effectuer ou demander, pour une année donnée, la compensation entre la réduction de cette cotisation qu’un contribuable demande et le reversement de celles des sommes précitées qui lui ont été indûment restituées.

5. Les dispositions précitées du III de l’article 1647 B sexies du code général des impôts imposent à l’administration de diminuer le montant de la cotisation foncière des entreprises due par un contribuable, par imputation, du montant du dégrèvement qui lui est accordé au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. En revanche, ces dispositions n’autorisent pas l’administration à diminuer le montant de la réduction de cotisation foncière des entreprises dont peut bénéficier le même contribuable à la suite d’une révision à la baisse de ses bases d’imposition, par une telle imputation, des sommes qui lui ont été restituées au titre du dégrèvement accordé au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale mais qui n’auraient pas dû l’être compte tenu de cette révision de base. En effet, sauf s’il y a compensation en application des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, ces sommes ne peuvent donner lieu qu’à une procédure de reversement dans les conditions fixées par le V de l’article 1647 B sexies du code général des impôts.

6. Pour rejeter la requête de la société tendant à ce que ne soit pas déduit de la réduction de 579 398 euros de sa cotisation foncière des entreprises dont elle pouvait bénéficier, pour 2012, à la suite de la révision à la baisse de ses bases d’imposition, la somme de 398 864 euros qui lui avait déjà été accordée, pour la même année, au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, la cour s’est bornée à juger, qu’après cette révision de bases, la cotisation foncière laissée à la charge de la société était devenue inférieure au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, et que, par suite, l’administration fiscale avait pu, à bon droit imputer, en application du III de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, le dégrèvement qui lui avait été accordé à ce titre sur le montant du second dégrèvement qu’elle sollicitait. En procédant ainsi, sans rechercher si l’administration pouvait procéder à une compensation sur le fondement des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales précité, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

7. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société SERMA au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 3 mai 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz et au ministre de l’action et des comptes publics.

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Conseil d’État

N° 421992
ECLI:FR:CECHR:2019:421992.20191004
Inédit au recueil Lebon
3ème – 8ème chambres réunies
Mme Cécile Isidoro, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocat

lecture du vendredi 4 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiées (SAS) société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz (SERMMA) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d’industrie auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011, dans les rôles de la commune de Morzine, et au titre de 2010, dans les rôles de la commune de Montriond.

Par l’article 3 du jugement n° 1401151-1401153du 27 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir prononcé la décharge de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d’industrie, a rejeté le surplus de la demande.

Par un arrêt n° 16LY02841 du 3 mai 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par la société SERMMA contre l’article 3 de ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 4 juillet 2018, le 4 octobre 2018 et le 8 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société SERMMA demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société d’exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 septembre 2019, présentée par la société d’exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’après avoir été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2010 et 2011 dans les rôles des communes de Morzine et de Montriond, la SAS Société d’Exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz (SERMMA) a présenté, pour les deux années en cause s’agissant de son établissement situé à Morzine et, s’agissant de son établissement situé à Montriond, uniquement pour la première de ces années, deux demandes de dégrèvement tenant compte, d’une part, du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée et, d’autre part, d’une révision à la baisse de la valeur locative de ses biens passibles de taxe foncière. Après avoir bénéficié de dégrèvements de ses cotisations foncières des entreprises conformes aux premières de ces demandes, la société n’a que partiellement obtenu gain de cause au titre des secondes demandes et elle a contesté les rejets partiels qui lui ont été opposés devant le tribunal administratif de Grenoble. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 3 mai 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel qu’elle a formé contre l’article 3 du jugement du 27 juin 2016 qui a rejeté ces conclusions.

2. Aux termes de l’article 1447-0 du code général des impôts :  » Il est institué une contribution économique territoriale composée d’une cotisation foncière des entreprises et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. « . Aux termes de l’article 1647 B sexies du même code :  » I. – Sur demande du redevable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la contribution économique territoriale de chaque entreprise est plafonnée en fonction de sa valeur ajoutée. (…) / II. Le plafonnement prévu au I du présent article s’applique sur la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises diminuées, le cas échéant, de l’ensemble des réductions et dégrèvements dont ces cotisations peuvent faire l’objet (…) / III. – Le dégrèvement s’impute sur la cotisation foncière des entreprises. / (…) V. Le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu’en matière de cotisation foncière des entreprises « .

3. Aux termes de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales :  » Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande ».

4. Il résulte de la combinaison des textes cités aux points 2 et 3 que les sommes accordées à un contribuable au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée s’imputent sur la cotisation foncière des entreprises due par celui-ci. Dès lors, l’administration peut, en application des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, effectuer ou demander, pour une année donnée, la compensation entre la réduction de cette cotisation qu’un contribuable demande et le reversement de celles des sommes précitées qui lui ont été indûment restituées.

5. Les dispositions précitées du III de l’article 1647 B sexies du code général des impôts imposent à l’administration de diminuer le montant de la cotisation foncière des entreprises due par un contribuable, par imputation, du montant du dégrèvement qui lui est accordé au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. En revanche, ces dispositions n’autorisent pas l’administration à diminuer le montant de la réduction de cotisation foncière des entreprises dont peut bénéficier le même contribuable à la suite d’une révision à la baisse de ses bases d’imposition, par une telle imputation, des sommes qui lui ont été restituées au titre du dégrèvement précité, mais qui n’auraient pas dû l’être compte tenu de cette révision de base. En effet, sauf s’il y a compensation en application des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, ces sommes ne peuvent donner lieu qu’à une procédure de reversement dans les conditions fixées par le V de l’article 1647 B sexies du code général des impôts.

6. Pour rejeter les demandes de la société requérante tendant à ce que ne soit pas déduit des réductions de 486 170 euros, 543 094 euros et 101 112 euros de sa cotisation foncière des entreprises dont elle pouvait bénéficier à la suite de révisions à la baisse de ses bases d’imposition, respectivement pour son établissement situé à Morzine au titre de 2010 et 2011 et pour celui situé à Montriond au titre de 2010, les sommes de 473 364 euros, 527 357 euros et 12 629 euros qui lui avaient déjà été accordées au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, la cour s’est bornée à juger, qu’après ces révision de bases, les cotisations laissées à la charge de la société étaient devenues inférieures au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, et que, par suite, l’administration fiscale avait pu, à bon droit imputer, en application du III de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, les dégrèvements qui lui avaient été accordés à ce titre sur les montants des seconds dégrèvements qu’elle sollicitait. En procédant ainsi, sans rechercher si l’administration pouvait procéder à une compensation, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

7. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société SERMMA au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 3 mai 2018 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions de la société d’exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz présentées au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société d’exploitation des Remontées Mécaniques de Morzine et Avoriaz et au ministre de l’action et des comptes publics.
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Verdon/ Sports d’eau vive (restriction)/ Arrêté de biotope (apron)/ Légalité

CAA de MARSEILLE

N° 17MA01573
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. POCHERON, président
Mme Jacqueline MARCHESSAUX, rapporteur
M. CHANON, rapporteur public
SCP TOMASI GARCIA & ASSOCIES, avocat

lecture du vendredi 4 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupement des professionnels de l’eau vive du Verdon, les sociétés Aqua Bond Rafting, Montagne et Rivière, Buena Vista Rafting, Base Sport et Nature, Yéti Rafting et le syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées ont demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler la décision implicite de rejet de leur demande d’abrogation de l’arrêté du 15 novembre 2012 par lequel les préfets du Var et des Alpes de Haute-Provence ont décidé de créer une zone de protection de biotope de l’apron du Rhône au Grand Canyon du Verdon, dans les départements des Alpes de Haute-Provence et du Var, sur les communes de La Palud-sur-Verdon, Rougon et Aiguines.

Par un jugement n° 1403281 du 16 février 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 14 avril 2017, 11 février 2019 et 9 avril 2019, sous le n° 17MA01573, le syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées, représenté par Me A… demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 16 février 2017 ;

2°) d’annuler la décision implicite de rejet de sa demande d’abrogation de l’arrêté du 15 novembre 2012 ;

3°) d’annuler l’arrêté du 15 novembre 2012.
Il soutient que :
– sa requête et sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux sont recevables ;
– le tribunal a répondu à un moyen qui n’était pas soulevé devant lui ;
– le jugement attaqué est entaché de motifs inadéquats et d’insuffisances au regard des moyens soulevés ;
– il est entaché d’une insuffisance de motivation au regard des limites géographiques manifestement inappropriées et excessives de la zone de protection ;
– ce jugement est insuffisamment motivé faute d’avoir sanctionné la décision de rejet d’abroger l’arrêté en litige édicté sans étude scientifique nouvelle ;
– il n’a pas pris en compte le changement de circonstance de droit résultant de l’intervention du jugement n° 0905710 du 4 février 2013 du tribunal administratif de Marseille ;
– il n’a pas apprécié l’incohérence manifeste entre le dispositif et les motifs de ce jugement et le constat de l’arrêté contesté ;
– il est dépourvu de base légale au regard des conditions et des dispositions des articles R. 411-15 et R. 411-17 du code de l’environnement ;
– il n’a pas apprécié la condition légale préalable d’une atteinte à l’équilibre biologique des milieux visée aux articles R. 411-5 et R. 411-17 du code de l’environnement ;
– la décision contestée ne prend pas en compte le changement de circonstance de droit du fait de l’intervention du jugement n° 0905710 du 4 février 2013 du tribunal administratif de Marseille ;
– le motif environnemental est insuffisant ;
– les activités légères de loisir et de sport nautique n’entraînent pas de destruction de l’habitat ou de rupture de l’équilibre écologique ;
– l’arrêté contesté est édicté en contradiction avec les propres constats de l’autorité préfectorale ;
– les articles 2 et 6 de l’arrêté en litige sont entachés d’une erreur de droit et d’une erreur d’appréciation au regard des articles R. 411-15 et R. 411-17 du code de l’environnement ;
– l’arrêté contesté viole les dispositions de l’article R. 411-15 du code de l’environnement en ce qu’il considère que le linéaire du cours d’eau est peu exploité par l’homme ;
– il est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;
– les mesures prises à l’encontre des activités de loisir et de sports nautiques par les articles 2 et 6 de l’arrêté en litige sont entachées d’une erreur d’appréciation et d’une erreur de droit ;
– l’article 1er de l’arrêté contesté institue un périmètre de protection manifestement inapproprié et excessif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête du syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées.
Il soutient que :
– les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 12 novembre 2012 sont irrecevables ;
– les moyens soulevés par le syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme C…,
– et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées relève appel du jugement du 16 février 2017 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d’abrogation de l’arrêté du 15 novembre 2012 par lequel les préfets du Var et des Alpes de Haute-Provence ont décidé de créer une zone de protection de biotope de l’apron du Rhône au Grand Canyon du Verdon, dans les départements des Alpes de Haute-Provence et du Var, sur les communes de La Palud-sur-Verdon, Rougon et Aiguines, ainsi que de cet arrêté du 15 novembre 2012.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la transition écologique et solidaire :

2. Par son mémoire introductif d’appel enregistré le 14 avril 2017, le syndicat requérant a demandé l’annulation de la décision implicite de rejet de sa demande et que l’arrêté du 15 novembre 2012 soit  » abrogé « . Puis, dans son mémoire complémentaire enregistré le 11 février 2019, il a demandé l’annulation de l’arrêté du 15 novembre 2012. Si le ministre de la transition écologique et solidaire fait valoir que ces conclusions sont tardives, le syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées soutient qu’il s’agit d’une erreur matérielle et qu’il ne demande que l’annulation du jugement attaqué et de la décision implicite de rejet de sa demande d’abrogation de l’arrêté du 15 novembre 2012. Ainsi, cette fin de non-recevoir doit être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort du jugement attaqué et plus particulièrement de son considérant n° 9 que le tribunal a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l’arrêté contesté n’était pas justifié dans sa limite géographique en amont dès lors qu’aucun apron n’a été observé. La circonstance qu’il a répondu à un moyen qui n’était pas soulevé est sans incidence dès lors qu’il l’a écarté.

4. Les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l’autorité de la chose jugée par le jugement du 4 février 2013 du tribunal administratif de Marseille qu’ils ont écartée. Ils n’avaient dès lors pas à examiner le moyen tiré de la contradiction manifeste entre le dispositif et les motifs de ce jugement, le constat de l’autorité préfectoral et l’édiction de l’arrêté contesté, qui était inopérant. Il en va de même pour le moyen tiré de ce que ce jugement était constitutif d’un changement de circonstance de droit que le tribunal n’était pas tenu d’examiner.

5. La circonstance que le tribunal n’ait pas sanctionné le fait que la décision implicite de rejet contestée a été édictée sans étude scientifique nouvelle la justifiant distincte de celles ayant conduit au jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 février 2013 n’est pas de nature à établir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé.

6. Si le syndicat requérant soutient que le tribunal n’a pas pris en compte le changement de circonstance de droit faisant suite à l’intervention du jugement du tribunal de Marseille du 4 février 2013, n’a pas apprécié de façon suffisante le moyen tiré ce que le Verdon n’était pas une formation naturelle peu exploitée par l’homme au sens des dispositions de l’article R. 411-15 du code de l’environnement, a violé les dispositions des articles R. 411-17 et R. 411-15 du code de l’environnement, n’a pas apprécié les conditions légales préalables d’applications des articles R. 411-15 et R. 411-7 du code de l’environnement et a ainsi rendu une décision dépourvue de base légale, n’ a pas relevé l’absence de motif suffisant ni l’erreur d’appréciation dont serait entaché l’arrêté contesté et n’a pas sanctionné la décision implicite refusant de l’abroger, ces critiques affectent le bien-fondé de la décision juridictionnelle et non sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Par un jugement du 4 février 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de l’association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte-Croix, de son environnement, des lacs, sites et villages du Verdon tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet du préfet des Alpes de Haute-Provence sur sa demande du 14 juin 2009 visant à obtenir tous les avis des services concernés de l’Etat et autres relatifs à la préservation des milieux naturels de la rivière le Verdon, des espèces protégées, de la faune et de la flore du Grand Canyon du Verdon, préalables à l’édiction de deux arrêtés inter-préfectoraux de biotope permettant la préservation des poissons protégés et de leurs milieux aquatiques dont l’apron, sur 25 des 145 kilomètres de la rivière le Verdon, ainsi que la préservation de la faune, de la flore et de leurs milieux naturels. Ainsi ce jugement de rejet ne peut pas être revêtu de l’autorité de la chose jugée dans la présente instance. Par ailleurs, cette autorité ne peut être opposée à l’arrêté du 15 novembre 2012 qui lui est antérieur ni à la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes de Haute-Provence a rejeté la demande d’abrogation de cet arrêté du syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées, en l’absence d’identité de parties, d’objet et de cause. La circonstance que l’arrêté du 15 novembre 2012 concerne, comme l’affaire jugée par le tribunal administratif de Marseille, 18 kilomètres de linéaire et vise la même espèce protégée ainsi que les mêmes activités est sans incidence. Il s’ensuit que le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que le préfet des Alpes de Haute-Provence était tenu d’abroger cet arrêté et de faire droit à la demande du syndicat requérant. Est également inopérant le moyen tiré de ce que l’intervention de ce jugement constituerait un changement dans les circonstances de droit.

8. Le syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées ne peut utilement soutenir que l’arrêté du 15 novembre 2012 présente une incohérence manifeste avec le dispositif et les motifs du jugement du 4 février 2013 mentionné au point 2 dès lors que l’arrêté contesté a été pris antérieurement à ce jugement. En tout état de cause, le tribunal administratif de Marseille a statué au regard des éléments qui lui étaient présentés par l’association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte-Croix, de son environnement, des lacs, sites et villages du Verdon. Le syndicat requérant ne démontre pas que ces éléments seraient identiques à ceux présentés dans la présente instance alors qu’il ressort du dossier préparatoire de l’arrêté du 15 novembre 2012 que le préfet s’est fondé sur des compléments d’inventaires réalisés par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) en 2010 et 2011, une étude génétique de la population de l’apron effectuée en 2010 par l’université de Provence, l’approbation, en 2009, du schéma directeur d’aménagement et de gestion (SDAGE) du bassin Rhône-Alpes et, en 2014, du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) du Verdon, qui impliquent de mettre en oeuvre des mesures en vue de d’assurer la protection des peuplements et des espaces piscicoles. Dès lors, le syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées n’est également pas fondé à soutenir que l’arrêté contesté a été pris en l’absence de nouvelles études ou de nouveaux éléments.

9. Aux termes de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, applicable à la date de la décision contestée :  » I. – Lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l’enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces ; / 4° La destruction, l’altération ou la dégradation des sites d’intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que le prélèvement, la destruction ou la dégradation de fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites. (…) « . Aux termes de l’article L. 411-2 du code précité :  » Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées ainsi que des sites d’intérêt géologique, y compris des types de cavités souterraines, ainsi protégés ; / 2° La durée et les modalités de mise en oeuvre des interdictions prises en application du I de l’article L. 411-1 ; / 3° La partie du territoire national sur laquelle elles s’appliquent, qui peut comprendre le domaine public maritime, les eaux intérieures et la mer territoriale ; (…) « . Aux termes l’article R. 411-15 du code de l’environnement dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige :  » Afin de prévenir la disparition d’espèces figurant sur la liste prévue à l’article R. 411-1, le préfet peut fixer, par arrêté, les mesures tendant à favoriser, sur tout ou partie du territoire d’un département à l’exclusion du domaine public maritime où les mesures relèvent du ministre chargé des pêches maritimes, la conservation des biotopes tels que mares, marécages, marais, haies, bosquets, landes, dunes, pelouses ou toutes autres formations naturelles, peu exploitées par l’homme, dans la mesure où ces biotopes ou formations sont nécessaires à l’alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie de ces espèces. « . L’article R. 411-17 du même code applicable alors dispose que :  » Le préfet peut interdire, dans les mêmes conditions, les actions pouvant porter atteinte d’une manière indistincte à l’équilibre biologique des milieux et notamment l’écobuage, le brûlage des chaumes, le brûlage ou le broyage des végétaux sur pied, la destruction des talus et des haies, l’épandage de produits antiparasitaires. « .

10. L’arrêté du 15 novembre 2012 qui porte sur la création d’une zone de protection de biotope de l’apron a pour objet de garantir l’équilibre biologique des milieux et la conservation des biotopes nécessaires au maintien, à l’alimentation, la reproduction, au repos et à la survie de l’espèce protégée dénommée apron du Rhône ou zingel asper. Par ailleurs, son article 1er définit une zone de protection de l’apron du Rhône d’une surface de 1 216 ha 25 a 93 ca. Les articles 2 et 6 de cet arrêté prévoient l’interdiction, respectivement, sur ce périmètre, de la descente du Verdon par diverses formes de navigations telles que les canoës et kayaks rigides ou gonflables, les rafts et autres types d’embarcations en dessous d’un débit de 3 m3/s et des activités de descente de canyons, d’hydrospeed, de randonnée aquatique, de nage en eau vive, de floating et de manière générale, toute action de marcher dans l’eau en dessous d’un débit de 3 m3/s dans deux secteurs de la rivière du Verdon, compris entre l’aplomb du belvédère de la Carelle et la passerelle de l’Estellié et entre 100 m à l’aval de la pile de l’ancienne passerelle de Mayreste et la limite amont de la queue de retenue du lac de Sainte-Croix (source de Bagarelle). Ainsi, cet arrêté relève des dispositions précitées de l’article R. 411-15 du code de l’environnement et n’est pas dépourvu de base légale. Le fait qu’il viserait également l’article R. 411-17 du même code est sans incidence sur sa légalité.

11. La circonstance que la rivière du Verdon fasse l’objet de cinq barrages n’est pas de nature à lui ôter son caractère naturel peu exploité par l’homme lequel est reconnu par un arrêté du 26 mai 2014 qui désigne comme site Natura 2000 le canyon du Verdon et le plateau de La Palud. Par ailleurs, selon le document préparatoire de l’arrêté du 15 novembre 2012 fondé sur les études mentionnées au point 8, la population de l’apron, espèce classée protégée en danger d’extinction, présente sur les 18 kilomètres de linéaire dans le Verdon constitue une unique population particulièrement fragilisée en raison de sa faible diversité génétique. Ces études précisent qu’il s’agit d’une espèce typiquement benthique, restant immobile, ne se déplaçant que très rarement en pleine eau et se reproduisant sur un substrat de graviers et de galets appelé radier sur une période se situant entre février à mi-mai, les stades  » larves  » et  » alevins  » restant sur ces radiers jusqu’au mois d’octobre. Elle est ainsi très sensible au piétinement dans le lit de la rivière. Dans ces conditions, les activités engendrant un piétinement et un frottement au fond de la rivière visées par l’arrêté du 15 novembre 2012, à savoir la randonnée aquatique, la nage en eau vive, la marche dans la rivière, l’hydrospeed, le rafting, le canoë-kayak, la descente de canyons, la baignade et la pêche, figurent parmi les facteurs susceptibles d’aggraver l’état de conservation de cette population. Le syndicat requérant n’établit pas que ces activités ne constituent pas une menace pour l’apron en s’appuyant sur un document non daté et non signé qu’il présente comme le mémoire en défense du préfet enregistré le 31 juillet 2012 au tribunal administratif de Marseille, ce que conteste d’ailleurs le préfet, en produisant un extrait de l’étude Life Nature portant sur des tests de translocation et de suivi de l’apron dans l’Ardèche et en se prévalant d’un rapport du conseil supérieur de la pêche lequel porte sur les gorges de l’Ardèche. S’il remet en cause la présence de l’apron dans le Verdon en s’appuyant sur des extraits d’études réalisées en 2010 et 2011 qui n’auraient pas constaté la présence de cette espèce, il ressort cependant du rapport de l’ONEMA établi en 2011 que si, concernant la zone du moyen Verdon, aucun apron n’a été capturé ni observé au cours des opérations, il est précisé que cela ne signifie pas que l’espèce est absente de la zone dès lors que sa population présente des densités relativement faibles. Cette étude conclut que les limites de répartition de l’apron sur le Verdon restent celles connues jusqu’à présent, la population s’étendant à minima sur un linéaire d’environ 18 kilomètres compris entre l’amont de la retenue de Sainte-Croix et l’aval du couloir Samson. La circonstance que d’autres causes de menaces sur l’apron et son biotope comme la perte de la dynamique fluviale naturelle, la qualité de l’eau ou la construction d’aménagements hydroélectriques aient été identifiées est sans incidence. Ainsi, les moyens tirés de l’insuffisance du motif environnemental et du document préparatoire de l’arrêté contesté, ainsi que ceux tirés de la violation des dispositions de l’article R. 411-15 du code de l’environnement et de l’erreur manifeste d’appréciation doivent être écartés.

12. Si le syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées soutient que les activités visées par l’arrêté contesté n’entraînent pas une destruction de l’habitat, elles sont toutefois et ainsi qu’il a été dit au point 11, susceptibles d’engendrer un piétinement et un frottement au fond de la rivière, étant précisé que l’article R. 411-15 du code de l’environnement n’implique pas une destruction ou une dégradation de l’habitat susceptible d’entraîner une disparition de l’espèce mais a pour but de prévenir la disparition d’espèces figurant sur la liste prévue à l’article R. 411-1 et de fixer les mesures tendant à favoriser la conservation des biotopes. En outre, le rapport préparatoire s’appuie sur une descente de reconnaissance du Verdon effectuée le 8 septembre 2011 en randonnée aquatique et nage libre qui a permis de mettre en évidence un effet de piétinement et de raclage du fond de la rivière sur 15 % du linéaire parcouru dans des conditions de débits estimées de 3,5 à 4 m3 par seconde. Par ailleurs, les interdictions prévues pour ces activités par l’arrêté contesté ne s’appliquent qu’en cas de débit en dessous de 3 m3 par seconde. Le syndicat requérant ne peut utilement se prévaloir d’une étude censée débutée au mois de juillet 2014 et dont le rendu définitif devait intervenir à la fin de l’année 2016, soit postérieurement aux décisions en litige. Par suite, les mesures d’interdiction en litige ne sont ni excessives ni entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

13. Comme dit au point 11, le rapport de l’ONEMA établi en 2011 mentionne pour la zone du moyen Verdon qu’aucun apron n’a été capturé ni observé au cours des opérations. Cependant, il précise que cela ne signifie pas que l’espèce est absente de la zone dès lors que la population de l’apron sur le Verdon présente des densités relativement faibles. Cette étude conclut que les limites de répartition de l’apron sur le Verdon restent celles connues jusqu’à présent, la population s’étendant à minima sur un linéaire d’environ 18 kilomètres compris entre l’amont de la retenue de Sainte-Croix et l’aval du couloir Samson. Dès lors le syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées n’est pas fondé à soutenir que l’arrêté contesté n’est pas justifié dans sa limite géographique en amont dès lors que, selon l’étude précitée, aucun apron n’a été observé.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d’abrogation de l’arrêté du 15 novembre 2012.

D É C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat national des guides professionnels des activités de canoë-kayak et disciplines associées et à la ministre de la transition écologique et solidaire.